ARCHÉTYPE
ARCHÉTYPE
On appelle archétype un modèle idéal, un type suprême ou un prototype: dans ce sens, les Idées chez Platon sont le modèle en même temps que le fondement des choses. Bien d’autres philosophes (Malebranche, Berkeley, mais aussi Locke et Condillac) ont parlé d’archétypes. Cependant, c’est un psychanalyste, Jung, disciple dissident de Freud, qui a répandu l’usage de ce terme à partir de 1912 et qui lui a conféré valeur technique dans sa psychologie de l’inconscient. Pour Jung, tous les inconscients individuels s’enracinent dans un inconscient collectif qui leur est commun; cet inconscient enferme des types originels de représentations symboliques, qui sont des modèles de comportement. Ce sont ces types, inhérents à la nature humaine, corollaires psychiques des instincts biologiques, que Jung dénomme archétypes. Parce qu’ils sont, dans l’homme, une sorte d’a priori de l’espèce sur le plan mental (comme le sont les instincts sur le plan vital), il n’est pas étonnant qu’on les retrouve chez les individus les plus différents, chez les peuples les plus éloignés, sans influence mutuelle. De leur côté, les morphologues des religions (Van der Leeuw, Eliade) adoptent la notion d’archétype pour désigner les symboles fondamentaux qui servent de matrice à des séries de représentations. Au sens large, l’archétype est l’image primordiale, l’image mère, celle qui alimente les images «personnelles» et qui les nourrit à partir d’un même fonds «archaïque», qu’exploitent mythologies et religions.
archétype [ arketip ] n. m.
• architipe 1230; lat. archetypum, gr. arkhetupon
♦ Type primitif ou idéal; original qui sert de modèle. ⇒ 2. étalon, modèle, 1. original, principe, prototype. « L'hôtel des Cormon est, dans son genre, un archétype des maisons bourgeoises d'une grande partie de la France » (Balzac). — Biol. Modèle idéal invariant, commun à tous les organismes d'un groupe naturel. — Psychan. Chez Jung, Symbole primitif, universel, appartenant à l'inconscient collectif.
♢ Adjt « Ce monde, suivant Platon, était composé d'idées archétypes qui demeuraient toujours au fond du cerveau » (Voltaire). — Adj. ARCHÉTYPAL, ALE, AUX .
⊗ CONTR. Copie.
● archétype nom masculin (latin archetypos, original, du grec arkhetupon) Modèle original ou idéal sur lequel est fait un ouvrage, une œuvre. Manuscrit ancien qui est, par son texte, l'ancêtre d'un ou de plusieurs autres. Chez Platon, prototype des réalités visibles du monde. Chez C. G. Jung, structure universelle issue de l'inconscient collectif qui apparaît dans les mythes, les contes et toutes les productions imaginaires du sujet sain, névrosé ou psychotique. Organe animal peu différencié dont dérivent, au cours de l'évolution, des organes plus spécialisés et nettement différents d'un groupe à l'autre (patte, aile ou nageoire à partir du membre antérieur, par exemple), appelés organes homologues. ● archétype (synonymes) nom masculin (latin archetypos, original, du grec arkhetupon) Modèle original ou idéal sur lequel est fait un ouvrage...
Synonymes :
- canon
- exemplaire (vieux)
- idéal
- original
- principe
- type
Contraires :
- copie
archétype
n. m.
d1./d Didac. Type primitif ou idéal; modèle sur lequel on fait un ouvrage.
|| En philol., manuscrit d'où dérivent d'autres textes.
d2./d PHILO Selon Platon, modèle idéal, intelligible et éternel de toute chose sensible, laquelle n'en est que le reflet.
d3./d PSYCHAN Chez Jung, chacun des grands thèmes de l'inconscient collectif.
⇒ARCHÉTYPE, subst. masc.
A.— PHILOSOPHIE
1. Principe antérieur et supérieur en perfection aux choses, aux êtres qui en dérivent. Synon. idée (au sens platonicien, ou bien chez Malebranche parlant des idées de Dieu) :
• 1. Tous les platoniciens admettaient l'unité de l'archétype ou du modele sur lequel Dieu créa le monde, ainsi que l'unité du demiourgos ou du dieu artiste, par une suite des mêmes principes philosophiques, c'est-à-dire, d'après l'unité même de l'ouvrage, comme on peut le voir dans Proclus et dans tous les platoniciens.
DUPUIS, Abr. de l'orig. de tous les cultes, 1796, p. 371.
• 2. Nous avons posé des formes réelles, et non des formes-notions. Or, poser des formes réelles, définir le réel par la forme, c'est s'interdire d'une part, de constituer un domaine analogue au domaine platonicien des idées, archétypes éternels, en dehors du présent; c'est s'interdire aussi de constituer un domaine de la réalité présente qui serait un chaos amorphe, même sous la forme en apparence plus acceptable d'un monde de faits historiques.
RUYER, Esquisse d'une philos. de la structure, 1930, p. 71.
2. [Chez les philosophes empiristes] Sensation primitive servant de point de départ à la construction psychologique d'une image; p. anal., idée générale servant de point de départ au classement des objets perçus (cf. LAL. 1968) :
• 3. Pesez la valeur des mots : la conformité d'une idée à son objet ne peut signifier autre chose, sinon la ressemblance de cette idée, prise comme copie, avec l'objet, pris comme original. C'est bien ce qu'exprime Locke par le mot d'archétypes dont il se sert pour désigner les objets des idées. Or, si la conformité de l'idée à l'objet n'est que la ressemblance de la copie avec l'original, avec son archétype, je dis que, dans ce cas, l'idée est prise uniquement comme une image.
COUSIN, Hist. de la philos. du XVIIIe siècle, 2, 1829, p. 325.
— Emploi adj., vx :
• 4. Les qualités, que nous exprimons par ces termes, [de beau et de laid] sont en général bien moins relatives aux lois premières de notre sensibilité, qu'aux habitudes acquises de notre imagination. Sans examiner s'il existe un beau absolu fondé sur ces lois, observons, quant aux habitudes, que nos idées de beauté ne sont point, comme on dit, archétypes, mais calquées sur certaines impressions choisies d'abord parmi celles qui nous sont le plus familières...
MAINE DE BIRAN, De l'Influence de l'habitude sur la faculté de penser, 1803, p. 95.
B.— P. anal. dans d'autres domaines spéc.
1. ANAT., PHYSIOL. ,,Notion abstraite d'un squelette ou de tout autre système de parties similaires (nerveuses, musculaires, etc.), considéré comme un type immuable [d'où dériveraient] les formes de chaque système offertes par toutes les espèces et tous les âges de chaque individu.`` (LITTRÉ-ROBIN 1865); (cf. aussi SÉGUY 1967, HUSSON 1970) :
• 5. C'est le problème que Richard Oiven se propose de résoudre : il appelle archétype ce squelette primordial dont il espère pouvoir déduire tous les autres.
E. PERRIER, La Philos. zool. avant Darwin, 1884, p. 176.
2. PHILOL. [Dans le système de critique textuelle de K. Lachmann] Texte mis au point par un auteur en vue de la première édition, et qui, généralement perdu, est reconstitué par l'examen et la confrontation philologiques de ses copies connues (cf. SPRINGH. 1962) :
• 6. Nous suivrons les philologues : le brouillon est l'original, la copie définitive est l'archétype, la source directe de l'édition.
L'Hist. et ses méthodes, 1967, p. 1253 (encyclop. de la Pléiade).
3. PSYCHOL. [Chez C. G. Jung] Symbole primitif et universel appartenant à l'inconscient collectif de l'humanité et se concrétisant dans les contes, les mythes, le folklore, les rites etc. des peuples les plus divers :
• 7. Il [Raphaël] a chéri le thème du héros, du chevalier vainqueur de monstres, de ces monstres qu'éveille, si l'on en croit Goya, le sommeil de la raison. L'analyse des grands mythes a montré qu'il faut reconnaître là un de ces archétypes que, selon Jung, notre mémoire ancestrale, héritée des plus anciens aïeux de notre espèce, garde au tréfonds d'elle-même.
HUYGHE, Dialogue avec le visible, 1955, p. 332.
C.— P. ext., littér. Type, modèle :
• 8. Caprice de mourant! Devenir une des huîtres de ce rocher, sauver son écaille pour quelques jours de plus en engourdissant la mort fut pour lui l'archétype de la morale individuelle, la véritable formule de l'existence humaine, le beau idéal de la vie, la seule vie, la vraie vie.
BALZAC, La Peau de chagrin, 1831, p. 283.
• 9. L'auteur est tenu pour un archétype de comportement intellectuel par toute une génération.
BENDA, La France byzantine, 1945, p. 20.
PRONONC. :[]. Pour la prononc. par [] du groupe -rch-, cf. archéen. Pour l'hésitation entre [] et [] dans ce mot, cf. ROUSS.-LACL. 1927, § 159.
ÉTYMOL. ET HIST.
A.— Subst. a) 1er tiers XIIIe s. philos. architipe « modèle primitif, idéal » (Petite philosophie, ms. Cambridge, S. John's I, ii, f° 152c ds GDF. Compl. : Cist est architipes dist De Deu le prince ke tut purvit); 1548 archetype (RABELAIS, Quart Livre, ch. L. ibid.); d'où av. 1850 « original ou exemple caractéristique servant de modèle à un genre de choses » (Balzac ds Lar. 19e); b) 1666 numism. « étalon monétaire » (BOUTEROU [Cl., Recherches curieuses des monnoyes de France depuis le commencement de la monarchie] ds FUR. 1690 : Archetype. En la Cour des monnoyes on appelle Archetype, l'estalon general des poids & mesures qui y est gardé, sur lequel on estalonne les autres. Il est ainsi appellé par Bouterouë); qualifié de ,,vx`` ds Lar. 20e; c) 1866 B.-A. (Lar. 19e : Archétype. Platres moulés sur des bas-reliefs de pierre ou de bronze).
B.— Adj. a) 1268 philos. monde archétype « cosmos idéal, constituant l'original et le modèle du monde réel » (BRUNET LATIN, Trésor, I, i, 6 ds GDF. Compl. : Et ceste ymagination est apelee mondes arquetipes); b) 1756 formes archétypes « formes idéales » (VOLTAIRE, Mœurs, 134 ds LITTRÉ); c) 1765 idées archétypes « modèles idéals des choses, selon la doctrine platonicienne » (ID., Phil., III, 197, ibid.).
Empr. au lat. archetypos, archetypus, adj. au sens de « original, qui n'est pas une copie », VARRON, Rust., 3, 5, 8 ds TLL s.v., 460, 15; au sens B a, IIIe-IVe s., CHALCIDIUS, Transl., 38, ibid., 460, 32; B b, ID., Comm., 272 ibid., 460, 34; subst. au sens de « exemple », PLINE, Epist., 5, 15, 1, ibid., 460, 38; cf. gr. « id. » employé par CICÉRON, Att., 16, 3, 1, ibid., 460, 36.
STAT. — Fréq. abs. littér. :68.
BBG. — BACH.-DEZ. 1882. — BIROU 1966. — BOUILLET 1859. — Foi t. 1 1968. — FOULQ.-ST-JEAN 1962. — FRANCK 1875. — GIRAUD (J.), PAMART (P.), RIVERAIN (J.). Mots dans le vent. Vie Lang. 1970, pp. 46-47. — GOBLOT 1920. — HUSSON 1970. — JULIA 1964. — LAFON 1969. — LAL. 1968. — LITTRÉ-ROBIN 1865. — MARCH. 1970. — Méd. Biol. t. 1 1970. — MIQ. 1967. — MUCCH. Psychol. 1969. — MUCCH. Sc. soc. 1969. — PAG. 1969. — PIÉRON 1963. — POROT 1960. — Psychol. 1969. — SÉGUY 1967. — SILL. 1965. — Sociol. 1970. — SPRINGH. 1962. — Symboles 1969, p. XVI. — TONDR.-VILL. 1968.
archétype [aʀketip] n. m. et adj.
ÉTYM. 1230, architipe; architype, 1548, Rabelais; « étalon monétaire », 1666; lat. archetypum, du grec arkhetupon « type primitif, modèle ».
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I N. m.
1 Type primitif ou idéal; original qui sert de modèle. ⇒ Étalon, exemplaire, original, principe, prototype.
1 Comment par Homenaz nous fut montré l'archétype d'un pape.
Rabelais, le Quart Livre, 50 (titre du chapitre).
1.1 À moi seul j'ai la physionomie de mon siècle, dont j'ai lieu de me croire l'archétype. Bref, je suis docteur, philanthrope et homme du monde.
Villiers de L'Isle-Adam, Tribulat Bonhomet, p. 43.
♦ Philos. Principe supérieur aux choses, aux êtres. || Chez Platon, les idées sont les archétypes des choses (→ ci-dessous, II., 1.).
2 Sa substance (de Dieu) en est véritablement représentative (des créatures) parce qu'elle en renferme l'archétype ou le modèle éternel (…)
3 Elle (la Trinité) est l'archétype de l'univers, ou, si l'on veut, sa divine charpente. Ne serait-il pas possible que la forme extérieure et matérielle participât de l'arche intérieure et spirituelle qui la soutient, de même que Platon représentait les choses corporelles comme l'ombre des pensées de Dieu ?
Chateaubriand, le Génie du christianisme, I, 3.
3.1 Est-ce que le Savant fait rien d'autre ? Lui aussi recherche l'archétype des choses et les lois de leur succession; il recompose un monde enfin, idéalement simple, où tout s'ordonne normalement.
Gide, le Traité du Narcisse, in Romans, Pl., p. 9.
♦ Spécialt (philos. empirique). Sensation servant de base à l'élaboration des images et des idées.
2 Modèle approchant de la perfection.
4 L'hôtel des Cormon (…) est, dans son genre, un archétype des maisons bourgeoises d'une grande partie de la France (…)
Balzac, la Vieille Fille, Pl., t. IV, p. 248.
3 (V. 1930; empr. à l'all.). Psychol. Symbole primitif, universel, appartenant à l'inconscient collectif de l'Homme, dans la psychanalyse jungienne.
5 Enfin et surtout, le poète, sous les choses, découvre ce que Jung appelle les archétypes, les fictions mères de toute pensée humaine et les personnages des contes.
A. Maurois, À la recherche de Marcel Proust, VI, 3.
5.1 Si l'on se rappelle que C. G. Jung a construit toute une théorie des « archétypes » considérés comme héréditaires, alors que le problème préalable à résoudre, en une telle hypothèse, était de distinguer le « général » (au sens d'une même formation constante assurant les convergences) et l'héréditaire.
J. Piaget, Épistémologie des sciences de l'homme, p. 187.
4 Biol. Espèce primordiale dans l'évolution, dont dériveraient les genres et les espèces.
5 Texte primitif mis au point par l'auteur, généralement reconstitué à partir de copies.
6 (1866). Arts. Plâtre moulé sur un bas-relief.
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II Adj. (1268).
1 Philos. || Les idées archétypes de Platon : les formes éternelles, immuables, des choses, « modèles qui, étant de toute éternité dans le sein de Dieu, ont déterminé toutes les conditions de l'univers » (Littré).
6 Ce monde, suivant Platon, était composé d'idées archétypes qui demeuraient toujours au fond du cerveau.
2 Didact. Se dit de l'exemplaire premier, originel (d'une chose). || Manuscrit archétype (→ ci-dessus, I., 5.).
7 (…) un écart plus ou moins grand, très grand peut-être, sépare la copie qui est sous nos yeux du manuscrit archétype, tel que le poète dut l'écrire de sa main.
J. Bédier, la Chanson de Roland, Avant-propos.
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DÉR. Archétypal ou archétypique.
Encyclopédie Universelle. 2012.