ARTILLERIE
Le mot «artillerie» apparaît avec Joinville au XIIIe siècle pour désigner l’ensemble des engins de guerre. Il vient sans doute du vieux français artillier (garnir d’engins), par altération du mot art ou, peut-être, plus anciennement encore, du mot atilier , ou atillier , signifiant parer, ornementer.
L’arme de l’artillerie est le projectile .
En ce domaine, seuls comptent les effets obtenus sur l’ennemi, quels que soient les moyens utilisés pour porter, à l’endroit voulu, le dispositif efficace.
Il n’est donc pas étonnant que l’artillerie qui gardera la responsabilité des trajectoires ait été à l’origine de modes d’action qui, soit se sépareront d’elle (armes à feu en général, sapes du génie, canons d’assaut devenant chars de combat, engins d’observation lointaine, aérostation ou aviation militaire), soit lui resteront plus ou moins rattachés (artillerie navale, artillerie de côte, artillerie antiaérienne, artillerie antichar, artillerie de montagne, artillerie parachutée).
L’histoire de l’artillerie, depuis les armes de jet des Anciens et du Moyen Âge (cf. ARMES ET ARMEMENTS – Histoire des armements), retrace cet effort vers la puissance des projectiles nécessairement jointe à une recherche de précision des tirs, à une amélioration des matériels de lancement pour la portée, le débit et la mobilité, ainsi qu’à une organisation des moyens de ravitaillement capable d’amener jusque vers les positions des tonnages considérables de munitions. L’explosif nucléaire marque un saut brutal dans cette évolution sans introduire pourtant une réelle discontinuité. Il en est de même de la fusée qui prit place au côté du canon à longue portée au moment où la bombe qu’elle transporte a atteint un rayon d’efficacité compensant la relative imprécision du tir.
Ces perfectionnements de l’ensemble «munitions et moyens de lancement» permettent de réaliser l’effet de masse toujours recherché dans l’emploi de l’artillerie : arme des feux puissants, profonds et permanents. Mais ces qualités ne seront véritablement acquises qu’avec un environnement d’accessoires aux techniques poussées: radiosondage, tests balistiques, appareils de topographie précis, procédés électroniques d’acquisition d’objectif et de préparation de tir. Les complexes modernes sont devenus fragiles.
1. Les origines lointaines
L’artillerie est née de la conjonction de deux courants très anciens : le développement des armes de jet et l’usage de la poudre.
Qu’elles soient à cordages tressés (balistes à tir tendu ou catapultes à tir courbe) ou bien à contrepoids (trébuchets ou mangonneaux ), les armes de jet furent déjà utilisées par les Perses, les Spartiates et surtout les Romains. Leur emploi est courant lors des luttes de Philippe Auguste, Louis XI et Philippe le Bel contre la féodalité. Elles figurent encore «en fort attirail» au mont Cassel, à Crécy et à Poitiers avant de disparaître, progressivement dépassées par les pièces à feu.
La poudre, découverte en Chine quelques siècles avant notre ère, est introduite en Occident par l’intermédiaire des Arabes. Leurs conquêtes et les retours des croisades dispersent son utilisation. Les premiers ouvrages qui nous soient parvenus sur ses propriétés se situent entre 1230 et 1270. On peut citer les écrits d’Albert le Grand qui parcourut la Hollande, l’Allemagne et l’Italie, du moine Roger Bacon qui voyagea en Orient avant de se fixer à Oxford, et d’Al Marco, secrétaire du souverain d’Égypte.
2. Naissance anarchique (1300-1450)
L’artillerie à feu va apparaître un peu partout dans le monde du XIVe siècle.
Après les scopetti (1303?) et les vasi de 1331, les républiques italiennes se dotent de matériels moins primitifs. Venise les utilisera à la Chiozza (1378) pour y vaincre Gênes, sa rivale. En 1366, le pape avait une fonderie de canons à San Archangelo.
Les Maures abordent l’Espagne avec quelques pièces à feu qui sont présentes au siège d’Algésiras (1343).
En 1356, la première bombarde allemande est achetée en Flandre qui en fait commerce. Les voisins danois la connaissaient dès 1355. Grâce aux premières pièces turques, Amirath est victorieux des chrétiens à Kossova (1389). En cette même année, la première fonderie russe est créée par Dimitri Ivanovitch. Les Anglais utilisent une artillerie primitive contre les Écossais en 1338, mais déjà Édouard III disposait 400 de ces nouveaux matériels autour de Saint-Malo (1378). À Grünewald (1410), les chevaliers Teutoniques, en dépit de leur supériorité en artillerie, sont battus par les Polonais. En France aussi apparaissent les «pots de feu», par exemple dès 1339 les ribaudequins à feu roulant formés de plusieurs bouches tirant simultanément. L’emploi de quelques couleuvrines est signalé au siège de Puy-Guillaume (1339) et d’autres, montées sur pivot, ancêtres de l’artillerie navale, sont présentes à la bataille de l’Écluse en 1340.
Du Guesclin n’a que peu d’estime pour cette arme nouvelle, bien qu’il utilise contre les places fortes les grosses pièces. Il leur préfère les travaux de sape, à l’époque simple démolition mécanique sans utilisation d’explosif, dont l’usage courant ne se développera qu’au début du XVIe siècle (1508?).
La création des pièces à feu, un peu partout et en même temps, autorise tous les pays à en revendiquer l’invention. Elle leur permet même de s’approprier un inventeur légendaire qui aurait fait sa découverte en 1340: un certain Berthold Schwarz. Après avoir connu les prisons de Venise, condamné à mort par ordre de l’empereur Wenceslas, on le fit sauter, dit-on, avec un baril de poudre.
Il est donc difficile de fixer la date et le lieu exacts de la naissance de l’artillerie à feu. Cependant, compte tenu des luttes contre les préjugés religieux exploitant l’effet mystérieux de ces feux terrifiants, ainsi que de l’aveuglement des chevaliers qui s’exposaient devant les pièces pour en interdire l’emploi, c’est traditionnellement aux trois canons anglais de Crécy (26 août 1346) mettant à mal Génois et Français que l’on fait remonter le premier brevet de campagne de l’artillerie. Quelques rares auteurs le font remonter à la bataille de Poitiers – bien que celle-ci soit postérieure de dix ans – parce que l’arme nouvelle y fit preuve d’une plus grande efficacité.
Appuyée sur une fourche fichée en terre, la couleuvrine de Crécy exigeait plusieurs servants, dont un tireur qui l’épaulait. C’est elle qui ouvre la voie à toutes les armes à feu de campagne légères ou lourdes, mais surtout à l’artillerie. Les artisans de l’époque savaient, en effet, fabriquer à grande échelle, non encore à petite échelle.
Toutes les autres pièces sont sans affûts. Transportées par charrois, on les fixe pour le tir, soit en terre, soit dans de grandes caisses de bois armées de fer. Le tube est généralement tronconique pour admettre des boulets dont la fabrication n’assure pas des diamètres rigoureux. Le plus souvent, il est en fer forgé. Pour les plus petits calibres, ce sont des lames de fer enroulées en hélice et soudées à chaud, pour les plus gros des barres de fer soudées et cerclées. La chambre à poudre, du même diamètre que le fond du tube, est amovible pour rendre le chargement plus aisé et plus rapide. Un coin de bois ou de fer permet de l’appliquer contre le tube au moment du tir. L’obturation reste problématique. La charge propulsive est un mélange composé de six parties de salpêtre, d’une partie de soufre et d’une partie de charbon. Rarement composée sur place, malgré les dangers que représente la manipulation de cette poudre impalpable, elle est transportée dans des barils. Le servant place en vrac dans la chambre un poids de poudre sensiblement égal à celui du projectile; un peu plus, un peu moins selon le modèle de la pièce, ou la portée à réaliser – quelques centaines de mètres.
On distinguait à l’époque, en fonction de l’emploi et des munitions correspondantes, deux artilleries. La première, tirant des boulets de plomb de 40 à 500 livres, devait agir dans le combat. La seconde, d’un service encore plus lent et plus pénible, lançait d’énormes boulets de pierre; son efficacité se combinait, pour démanteler les villes fortifiées, avec celle des travaux de sape. Lors des luttes entre féodalités rivales, en particulier chez les princes allemands, les calibres allaient croître considérablement. Il y eut des boulets de 1 500 livres! Froissart fait mention au siège d’Oudenarde par les Gantois (1382) d’un mortier de «cinquante trois pieds de bec vif».
3. Bombe, calibre, mobilité (1450-1730)
Après la totale anarchie des débuts, les siècles suivants vont s’efforcer de conduire rationnellement l’étude des perfectionnements techniques. Cependant, seuls les progrès dans la munition seront réguliers. Le projectile creux chargé de poudre, la bombe, augmentera en surface la trop faible efficacité linéaire du boulet plein. Pour le reste, une évolution hésitante marque la lutte permanente entre puissance et mobilité des matériels. De cette contradiction vont naître de grandes diversités de calibres, souvent empruntés par un pays à l’autre. Périodiquement, tel ou tel souverain tente, avec plus ou moins de bonheur, de les réglementer.
À partir de 1450, l’emploi de boulets de fer forgé ou d’airain devient courant. Bien que, dès 1500, le calibre soit exprimé par le poids des boulets, ceux-ci restent de forme irrégulière. Il faut attendre la fin du XVe siècle pour obtenir des boulets de fonte et de fer plus homogènes et mieux calibrés. L’efficacité des pièces est encore augmentée, les pièces se chargeant à deux boulets. De même, pour mieux démâter les navires, on utilise les boulets ramés, ensemble de deux boulets reliés par une barre de fer de 50 centimètres à 1 mètre, ou les boulets enchaînés. Au XVIe siècle, on tire à boulets rouges. Un tampon de foin, de chiffon ou de terre glaise, sec du côté de la charge propulsive, mouillé vers le boulet rougi au feu, isole la poudre et permet d’espérer que l’on pourra disposer d’un délai suffisant pour enflammer soi-même la charge.
Les premières bombes ont été réalisées dans les États allemands, mais c’est Jean Bureau, grand maître de l’artillerie de Charles VII, qui en perfectionnera la fabrication. Les premières seront utilisées en 1452 au siège de Bordeaux. Elles sont constituées par deux hémisphères de métal reliés après remplissage de poudre noire; on les amorcera initialement avec une simple mèche de soufre et de salpêtre.
La bombe est introduite dans le tube à la main, mèche en avant. Puis le bombardier allume la mèche en enfonçant le bras dans le tube et, seulement après, enflamme la charge propulsive, d’où le nom de «tir à deux feux». Lors du premier temps de cette manœuvre, la mèche pouvait être enfoncée dans la bombe ou bien allumée beaucoup trop près de celle-ci. Il n’y avait pas besoin de raté de charge pour obtenir des explosions prématurées! La combustion étant fort inégale, la mèche pouvait s’éteindre sur la trajectoire. Si un bombardier craintif en plaçait une de trop grande longueur, il arrivait que l’ennemi la coupât avant l’explosion.
Aussi la plupart des pièces sont-elles mises hors d’usage par éclatement du tube. Un traité du canonnier du XVe siècle recommandait au bombardier de craindre d’offenser Dieu plus que nul autre homme de guerre, car chaque fois qu’il fait jouer sa pièce, il est en danger d’être brûlé vif et de perdre la vie. C’est sans doute de cette époque que date la dévotion des artilleurs de tous pays à sainte Barbe. Par la suite, les perfectionnements de la bombe seront recherchés par une amélioration de l’amorçage. En 1566, les Allemands adoptent la forme d’un cylindre ouvert aux deux extrémités, l’un pour l’allumage, l’autre pour l’inflammation. Aucun réglage n’est encore possible et la chaleur de la combustion dans le cylindre provoque aussi des explosions prématurées. Inventée par les Hollandais et apportée en France par l’Anglais Malthus en 1674, la fusée est, dès la fin du XVIe siècle, un cylindre de bois dont le canal axial est rempli de pulvérin. On perce l’orifice à la demande, avant de fixer l’ensemble sur la bombe avec de la colle et de la filasse.
Plus tard (fin du XVIIIe s.), on voit apparaître, aux côtés de la bombe, des munitions cylindriques à enveloppe de carton, de toile ou plus rarement de fer battu, remplies de grenaille de plomb. Vers 1690, la gargouge , résurgence des premiers guerros espagnols de Diego de Vera (1509), est un sachet de papier doublé de parchemin, ou de toile, contenant une quantité donnée de poudre propulsive. En 1697, l’Autrichien Geissler invente un dispositif d’amorçage pour la mise à feu.
Le pointage progresse parallèlement aux connaissances balistiques. Au début du XVe siècle, seul le tir tendu est employé. Il n’y a d’ailleurs pas de mécanismes de pointage en hauteur. On ne peut que placer des coins de bois entre la tranche arrière du tube et la semelle d’appui de l’affût. La visée s’effectue avec la génératrice supérieure externe «rez les métaux», ce qui donne la distance du «but en blanc». C’est en 1540 seulement que l’Italien Tartaglia ose dessiner une trajectoire qu’il imagine en trois parties: d’abord rectiligne (le mouvement violent), se terminant par une verticale (le mouvement naturel), les deux extrêmes étant reliés par une courbe inconnue (le mouvement mixte). Cela suffit pour créer la première équerre du canonnier, quart de circonférence comprenant des points de division qui seront à l’origine du mot «pointer». En 1638, Galilée, négligeant la résistance de l’air, assimilera la trajectoire à une parabole. Toricelli donnera une formule de portée en fonction de l’angle de projection et de la vitesse initiale. Ces travaux permettront à Blondel d’établir en 1699 les premières tables de tir.
Les difficultés d’obturation ont fait abandonner les chambres à poudre mobiles: les pièces fermées à l’arrière, sauf l’orifice d’allumage ou canal de lumière, sont coulées en bronze dans des moules à noyau central. En tous pays les calibres se multiplient. Le poids des pièces exige des charrois imposants, difficiles à protéger, ralentissant les marches. Périodiquement, une ordonnance royale prétend mettre bon ordre dans ce développement anarchique et tente de réduire les calibres à des multiples de 2.
Louis XII le fait en France, François Ier doit recommencer et ramène leur nombre de 17 à 12. En Allemagne, Hartmann a les mêmes problèmes en 1540, ainsi que le margrave Albert de Brandebourg en 1555. En 1552, Charles Quint, tantôt plagiaire, tantôt précurseur, possède 500 canons de 50 modèles. Les 15 pièces coulées par Löffler et prises à Cérisolles (1544) serviront de modèles aux Français. Par ordonnance de 1552, le roi Henri II réduit les fabrications à 6 calibres différents. À son tour Jean d’Estrées, grand maître de l’artillerie de Charles IX, les ramène à 6 calibres, par l’édit de Blois de 1572:
– le canon de 33 livres (environ 170 mm) qui pèse 4 300 kg et qui doit être tiré par 23 chevaux en file;
– la grande couleuvrine de 15 livres (environ 130 mm);
– la grande couleuvrine bâtarde de 7 livres (environ 100 mm);
– la grande couleuvrine moyenne de 3 livres (environ 80 mm);
– le faucon de 1 livre 1/2;
– le fauconneau de 3/4 de livre pesant 400 kilogrammes.
Et le cycle continue : multiplication, réglementation..., avec copie des uns sur les autres.
En 1679, Louis XIV, colonel honoraire du régiment royal de l’artillerie, fait à nouveau ramener les calibres à 6:
– le canon de France de 33 livres;
– le demi-canon d’Espagne de 24 livres;
– le demi-canon de France de 16 livres;
– le quart de canon d’Espagne de 12 livres;
– le quart de canon de France de 8 livres;
– la couleuvrine moyenne de 4 livres.
Cette simplification périodique des calibres traduit les hésitations entre puissance et mobilité. Les pièces du XVe siècle sont en général plus longues et plus épaisses que nécessaire, de calibre constant sur toute la longueur. Au XVIe siècle, grâce aux premières connaissances balistiques et aux techniques nouvelles de l’alésage, l’épaisseur restera d’une unité de calibre à l’arrière, ce qui est normal, et d’une demi-unité de calibre à la volée, ce qui est encore beaucoup trop.
À la fin du XVe siècle, pour améliorer la mobilité, Charles le Téméraire puis Maximilien avaient déjà fixé leurs tubes, sans tourillons, sur des appuis à roue qui supporteront tant bien que mal les effets du tir.
Mais le choix en faveur de la mobilité sera fait en Suède vers 1600. Les pièces seront légères jusqu’à l’exagération. Gustave Adolphe dispose même de pièces en cuir bouilli pesant de 35 à 50 kg pour les calibres de 2 à 3 livres. Elles sont faites, en réalité, d’un tube de cuivre battu, renforcé extérieurement par des barres de fer, elles-mêmes retenues par des cordes goudronnées fortement serrées. L’ensemble, recouvert de cuir, s’échauffait au tir et manquait de résistance. Il faudra revenir au bronze. Certaines pièces utiliseront une gargousse, boîte de bois à laquelle le boulet est attaché par des fils. Pendant près de deux siècles, ces matériels seront imités par tous les partisans de la mobilité qui les nommeront «pièces à la suédoise».
Au cours de cette période, l’artillerie conquiert peu à peu sa place dans les batailles. Sur terre, elle fait disparaître la chevalerie, alourdie par les cuirasses et trop sensible aux effets des boulets et des bombes. Elle fait modifier les règles des fortifications. Vauban ne l’a pas ignoré. Donnant une dimension nouvelle au combat naval, elle fait perdre leur avantage aux manœuvres à rames et amorce l’essor de la marine à voile.
4. L’organisation de l’artillerie; les premiers systèmes (1730-1850)
Jusqu’au début du XVIIIe siècle, les responsables de l’artillerie, en France le «grand maître», devaient pour les transports et charrois s’adresser à des auxiliaires ou à des civils qui louaient leurs services. Seules quelques charges de commandement ou d’administration étaient attribuées par le roi, en général à des roturiers vite anoblis, car cette arme nouvelle était fort dédaignée par la noblesse : trop de danger et fort peu de gloire.
En 1671, Louis XIV, réunissant encore une fois artillerie et génie, met sur pied le régiment des fusiliers du roi, qui comprenait des compagnies de canonniers, de terrassiers et d’infanterie. Ce n’est qu’un régiment de troupes auxiliaires qui ne doit participer au combat que pour la garde des matériels de campagne, en remplacement des suisses. Treize ans plus tard (1684), il crée un deuxième régiment du même type, le Royal-Bombardier, pour la garde des grosses bouches à feu, généralement réservées à l’investissement des places fortes. En 1720, ces deux régiments, dont le premier avait pris en 1693 le nom de Régiment royal d’artillerie, sont fondus en un seul: le Royal-Artillerie. Le génie est à nouveau séparé de l’artillerie. En 1755, ils seront réunis, une fois de plus, avec la création de la charge de grand maître de l’artillerie et du génie et se sépareront définitivement en 1759 lors d’une réorganisation en 7 brigades, lesquelles seront transformées le 15 août 1765 en 7 régiments stationnés à La Fère, Metz, Strasbourg, Besançon, Auxonne, Grenoble et Tours.
Parallèlement, Colbert avait créé en 1680 un corps d’officiers d’artillerie de marine et des compagnies d’apprentis canonniers commandées par des officiers de vaisseau. En 1692 apparaît le corps unique de l’artillerie de marine qui se verra confier la défense des côtes, en 1739, et, en 1761, la mise en œuvre de l’artillerie aux colonies.
Cette organisation de l’artillerie n’a pu être menée à bien qu’avec l’apparition des systèmes d’artillerie. Dans de tels systèmes tous les matériels de calibres différents ont, à l’échelle près, des organisations semblables et, par là, des services identiques.
Bien que ne répondant pas encore tout à fait à cette définition, puisque l’emploi de gargousses en sachet de serge n’est réglementaire que pour les petits calibres, le système de Vallière est le premier d’entre eux. Il est adopté en France en 1732. À cette époque, la querelle «mobilité – puissance» fait l’objet d’une vigoureuse empoignade entre les Rouges, partisans de l’ancienne artillerie qui contestent la robustesse des pièces légères, et les Bleus, partisans d’une artillerie nouvelle à grande capacité manœuvrière. Le système de Vallière marque un net progrès dans la fabrication des matériels, les pièces restent cependant lourdes et peu mobiles. Et nouvelle réaction contre la multiplicité des calibres, leur nombre est ramené à cinq.
Rouges et Bleus n’en poursuivent pas moins leurs disputes. En 1740, Belle-Isle, consulté par Bélidor, fait ajouter un canon de bataillon, pièce de 4 à la suédoise. Un an plus tard, le marquis de Rostaing fait de même avec un calibre de 2,5. En 1756 est adoptée une pièce légère de 6 «à la Rostaing» et, en 1757, le maréchal de Saxe revient au calibre de 4.
Gribeauval est le premier à adopter un véritable système (1765). Alors qu’il est lieutenant-colonel, un mémoire retentissant l’oblige à quitter la France pour l’Autriche. Il y sera maître d’œuvre de Marie-Thérèse. Fait prisonnier par Frédéric II, il organisera ensuite l’artillerie prussienne, et c’est comme feld-maréchal qu’il pourra revenir en France grâce à l’appui de Choiseul. Gribeauval s’inspire de tous les derniers perfectionnements français et étrangers, en particulier d’un canon de montagne de Rostaing. Tout en restant partisan de la mobilité, il ne veut pas de calibre inférieur à 4 qu’il juge de trop faible puissance. Ses matériels de guerre sont dépourvus de toute ornementation inutile. Seule compte la perfection technique, que ce soit pour l’artillerie de campagne, de siège, de place ou de côte. Les pièces de campagne sont légères mais solides. Une double position du tourillon pour le tir et pour la route répartit les appuis sur l’avant-train. Les munitions sont transportées en caissons dont les roues ont les mêmes dimensions que celles de l’attelage canon. La hausse est créée, permettant un tir mieux ajusté. Les grains de lumière rongés par la poudre sont amovibles. Il peut y être fixé une étoupille de roseau remplie de composition fulminante.
Gribeauval améliore également les munitions. Il crée en particulier la boîte à balles et remplace la grenaille par des balles de fer, grosses ou petites suivant les modèles. Cette idée sera reprise par l’Anglais Henry Shrapnel en 1784. Les premiers obus à balles seront utilisés, en 1808, contre les Français au cours de la guerre d’Espagne.
À la même époque on découvre également que par le vent, espace entre la munition et l’âme du tube, la combustion de la charge peut allumer la mèche ou la fusée de la bombe. Le tir à un feu est devenu possible. Mais il faudra encore quelque temps pour vaincre les effets de rotation de la sphère dans le tube qui peut provoquer soit l’enfoncement du dispositif d’amorçage entraînant des éclatements prématurés, soit son extinction.
Le système Gribeauval restera en vigueur pendant toutes les guerres de l’Empire et il faudra attendre 1827 pour le voir progressivement remplacé par le système Valée. Avant cette date, toutes les améliorations résultaient le plus souvent de constatations empiriques. Valée pourra bénéficier de travaux scientifiques: ceux de Gay-Lussac sur le mouvement du projectile; ceux de Poisson sur la percussion (1825), repris par le capitaine Piobert, professeur à l’école de Metz. La mobilité est encore augmentée par l’adoption d’un attelage à suspension du canon à l’avant-train, lequel sert de demi-caisson et de siège pour une partie des servants, les autres étant assis sur l’avant-train de caisson, identique à celui du canon.
En Suède, Kallerstrom réalise une étoupille fulminante à friction qui apparaît en France en 1833, pour devenir réglementaire en 1847. Les bombes sont maintenant emmaillotées sur des sabots de bois, ce qui les empêche de tourner. Shrapnel aura rendu sa munition à peu près sûre en ôtant le soufre de la poudre pour que l’entrechoc des balles ne la fasse pas sauter au départ du coup. En 1856, les enveloppes sont assez fortes pour supporter la même vitesse initiale que les boulets. Cette dernière amélioration permet à Faure, capitaine de l’armée suisse, devenu officier d’ordonnance de Napoléon III, d’inventer un canon-obusier de 12 livres, pesant 600 kg, capable de tirer les deux munitions.
Après plus d’un siècle de progrès, les vitesses initiales sont de l’ordre de 300 à 400 mètres par seconde. La portée peut atteindre 3 500 mètres. La rapidité du tir est passée de 1 coup toutes les 3 minutes à 3 coups par minute pour les petits calibres. Mais les difficultés de chargement sont encore considérables et entraînent des risques graves. Il est ainsi nécessaire d’écouvillonner très soigneusement entre chaque coup pour éviter que la gargousse, introduite par la bouche, ne soit enflammée par les escarbilles du tir précédent. Néanmoins, la durée balistique d’une pièce est d’environ 1 000 coups et désormais les bouches à feu auront toutes chances de périr par usure.
5. Les rayures et leurs conséquences (1850-1897)
Il aura fallu plus d’un siècle pour que les rayures de canon de fusil inventées par l’Anglais Robbins (1742) soient adoptées dans l’artillerie.
Aux difficultés de fabrication s’ajoutent celles de la projection d’une munition de forme cylindro-ogivale.
Il faut reprendre le chargement par l’arrière et trouver les solutions aux nombreux problèmes qu’il pose.
Les premiers essais de tubes d’artillerie rayés auront lieu simultanément, en 1844, au polygone de Gâvres, sous la direction du lieutenant d’infanterie de la garde Delvigne, et en Italie, avec le Piémontais Cavalli, qui poursuivra ses études en Suède à la fonderie Wahrendorf. Les résultats de ces tentatives sont échangés. Les projectiles sont équipés de superstructures, de cannelures ou de tenons mobiles, qui doivent s’engager dans les rainures lors du chargement par la bouche. En 1855, Treuille de Beaulieu sort un premier canon de 24 rayé, et, dès 1857, un canon de montagne à tube rayé est utilisé en Grande Kabylie. C’est en 1858 que Napoléon III adopte le tracé de Treuille de Beaulieu, considéré comme le véritable inventeur de ce nouveau système : canons de 4 et de 12, puis de 8 avec affût Valée, modèle 1827. Au cours de la même année, en Angleterre, Armstrong construit des projectiles à forcement, tandis que Witworth utilise un projectile dont la section droite est un hexagone régulier à angles arrondis. Quelques années plus tard, en 1861, la Prusse adopte à son tour un projectile à chemise de plomb tiré dans des tubes rayés.
Ces perfectionnements sont rendus possibles par le développement industriel que connaissent de grands établissements. De 1848 à 1865, l’usine Krupp d’Essen passe de 72 à 8 200 ouvriers; le premier canon en acier y sera construit en 1858. En Angleterre, la frette d’acier est mise au point en 1868 chez Armstrong et Witworth. À leur succursale italienne de Pouzzoles s’ajoutent les fonderies de Turin, Naples, Gênes. Aux États-Unis, les manufactures de Watervliet et de Washington transforment les ébauchés des aciéries de Bethlehem. En France, Schneider rachète en 1836 les usines du Creusot, dont les premiers hauts fourneaux datent de 1782. Les établissements Pétin et Gaudet ouvrent à Saint-Chamond en 1859. La première bouche à feu en acier construite en France y sera forgée et frettée: le 30 de marine, dit La Marie-Jeanne , dû à Treuille de Beaulieu.
Krupp est le premier constructeur à réaliser un canon d’acier à chargement par l’arrière. Ce matériel de 1866, qui sera le clou de l’Exposition universelle de 1867, donnera une nette supériorité à l’armée prussienne sur celle de l’Autriche. La France et l’Angleterre prennent quelque retard, non dans les prototypes mais dans les fabrications.
La fermeture à piston du type suédois Wahrendorf (1842) est utilisée en Allemagne, en Belgique et en Autriche avant que Krupp n’adopte définitivement, peu avant 1870, la fermeture à coin. Treuille de Beaulieu avait tracé, dès 1842, une culasse à vis à filets interrompus, et Armstrong, en 1858, utilisé des filets continus. L’Américain Hubnell préconise une fermeture à vis excentrée, procédé qui sera repris par Nordenfelt, Suédois qui sera constructeur anglais avant de fonder une société française. Enfin, l’Anglais Vickers perfectionne les filets interrompus en décalant les rayons de ceux-ci, d’où une diminution de la partie lisse inopérante.
Les premiers obturateurs (culot expansif en laiton d’Armstrong, sorte de jupe métallique fixée au culot de l’obus, ou chemise à expansion en plomb, venant se coller à l’intérieur du tube) ont été rapidement abandonnés pour les solutions de Broadwell et surtout de Bange. Ce dernier invente la rondelle d’amiante et de suif qu’un tampon en forme de champignon comprime au départ du coup pour éviter la fuite de gaz vers l’arrière. L’obturateur du type de Bange est encore utilisé de nos jours dans tous les matériels à gargousses. Seuls les matériels de calibres inférieurs à environ 100 millimètres peuvent utiliser des douilles de laiton ou de fer enroulé. Vers l’avant, la fuite de gaz est retenue par des ceintures en métal malléable, généralement en cuivre, fixées sur l’obus.
Cette obturation vers l’avant rend périmé l’ancien procédé d’allumage des fusées. En conséquence la munition et son amorçage doivent se transformer. C’est à partir de l’emploi courant de la forme cylindro-ogivale que celle-ci prend le nom d’obus.
Les fusées fusantes voient le jour avant les fusées percutantes et avant celles qui cumulent les deux effets. Les premiers amorçages dits «fusées fusantes à durée» apparaissent en 1850. Le corps en laiton contient 2, 3, 4 ou 6 canaux de longueurs différentes dont un seul est «débouché» avant que la fusée soit vissée sur l’œil de l’obus. Les fusées à plateaux qui permettent d’obtenir le choix continu d’une durée de combustion – durée d’évent – entre deux valeurs extrêmes, seront inventées en 1835 par le capitaine belge Bormann et perfectionnées en 1853 par le Hessois Breithaupt. Les fusées à barillet n’apparaîtront que vers 1880.
La première fusée percutante française, due au capitaine Desmarest, est utilisée en 1859. N’ayant pas de mécanisme d’armement au départ du coup, le dispositif de sécurité – manipulation et trajectoire – doit être cisaillé à l’impact par refoulement. Trop fort l’obus n’explosait pas, trop faible il créait trop de risques d’explosion prématurée. Il faut attendre 1869 pour que soit essayée une fusée plus sûre: à armement par inertie. Celle-ci ne sera adoptée qu’en 1875 sous la forme «à double réaction»: armement et fonctionnement par inertie.
Périodiquement, au cours de cette époque, ces derniers perfectionnements aboutissent à l’adoption de nouveaux systèmes d’artillerie: en particulier La Hitte (1858), mais surtout de Bange en France (1877) et Krupp en Allemagne (1873-1880). En marge, des matériels isolés d’un type original voient le jour: en France, le canon à balles, ou mitrailleuse de Reffye (1866), le 95 Lahitolle (1875), etc.
À partir de 1875, le calibre est exprimé non plus par le poids du boulet, sauf pour quelques canons anglais, mais par le diamètre de l’âme, et en unité de longueur, par exemple: pouce pour les Anglais, millimètre pour les Français et Américains, centimètre pour les Allemands.
La distinction entre obusiers et canons se précise de plus en plus. Les premiers sont courts et peuvent généralement faire du tir sous grands angles (tir vertical). Les seconds, beaucoup plus longs, ne peuvent tirer que sous des angles inférieurs à 45 0 (tir plongeant). Cette définition ne pouvant subsister dès que les canons tireront, eux aussi, sous grand angle, la longueur de la partie rayée, rapportée au calibre, servira ensuite d’indice rigoureux pour effectuer la classification. Le nombre de calibres exprimant la limite entre ces deux types de matériels est variable suivant les pays; cette limite est en France de 20 calibres, de 25 aux États-Unis.
6. Le frein de tir (1897-1945)
Les premières études de liaison élastique entre la masse reculante et l’affût sont menées sans succès, en 1891, par l’Allemand Haussner.
Le Français Sainte-Claire Deville poursuit ses expérimentations, et réalise dès 1894 un ensemble capable de faire campagne. Pour la première fois, un matériel sort en série industrielle: les différentes pièces sont interchangeables d’un canon à l’autre. D’autres essais menés de pair par le colonel Deport, entre 1892 et 1894, aboutissent à la réalisation du 75, modèle 1897. La construction, soigneusement camouflée par la réalisation parallèle d’un matériel rigide, fournit un excellent exemple de surprise technique. 4 000 canons seront construits en France et en Allemagne, mais cette dernière ne disposera que du 7,7 cm, modèle 1896-1906, sans lien élastique, face au 75 mm français à tir rapide.
Le chargement est encore facilité par l’emploi de munitions encartouchées. Le frein de tir permet d’alléger l’affût et de donner à la pièce une très grande maniabilité. Le pointage en hauteur s’effectue par affichages indépendants d’un site, tenant compte de la dénivelée entre pièce et objectif et d’une hausse métrique, correspondant à la portée.
Le pointage en direction est désolidarisé de l’inclinaison du tube. Ce dispositif permet des mises en direction topographiques rapides et la vérification du pointage sur les repères lointains ou des piquets rapprochés.
Ces réalisations à base de niveaux à bulle permettent une rapide répartition du tir sur zone, les tirs régressifs ou progressifs et les barrages roulants.
De même le tir masqué devient la règle générale pour éviter la détection directe et la destruction par l’artillerie adverse.
Pendant la Première Guerre mondiale, l’artillerie de campagne et l’artillerie lourde jouent un rôle considérable, disloquant préalablement les dispositifs d’attaque, arrêtant les assauts, pilonnant, démolissant ouvrages et fortifications. La manœuvre des trajectoires permet de réaliser des concentrations massives, limitées toutefois par le ravitaillement en munitions. L’artillerie lourde s’alourdit encore sur les épis de l’A.L.V.F. (artillerie lourde sur voie ferrée).
Le 23 mars 1918, la Petite Bertha envoie sur Paris ses obus, numérotés pour tenir compte de l’usure du tube. D’un calibre de 21 centimètres, elle tire à 120 kilomètres à partir de sa masse de 260 tonnes répartie sur 18 essieux. Le 27 mai de la même année, la Grosse Bertha fait de même avec son calibre de 24 cm. À l’autre extrême, dans les moindres recoins des tranchées, c’est le duel des mortiers, Minenwerfer allemands contre crapouillots français. «L’artillerie conquiert, l’infanterie occupe.» Cette citation marque l’importance qu’a prise le canon dans la bataille. Dans le camp allemand, Ludendorff déclare: «L’artillerie française, je la hais.»
La fin de la guerre aura vu naître le canon d’assaut devenu char de bataille et par contrecoup le tir contre char, l’aviation d’observation, puis le tir contre avion. Les premiers matériels antiaériens ne seront du reste que des matériels de campagne dotés d’affûts spéciaux permettant de les pointer vers le ciel.
Entre les deux guerres mondiales, les améliorations porteront sur les fabrications de série et le perfectionnement de la gamme de munitions: charge, obus, amorçage. Les matériels de type très nouveau n’apparaîtront que pour les luttes antichars et antiaériennes.
Les charges multiples en douilles amovibles ou en gargousses permettent de choisir des vitesses initiales correspondant aux portées. La vie des tubes et la précision de tir en sont augmentées. Les obus explosifs de fonte aciérée ou d’acier, les obus à balles, à gaz, à mitraille, à tracts, les incendiaires, les fumigènes offrent toute une gamme d’effets. Les choix possibles sont encore multipliés par le type d’amorçage: percutant instantané à court ou long retard; fusée fusante à pulvérin ou à mouvement d’horlogerie (et même électronique) donnant sans réglage, par réception de l’onde réfléchie consécutive à l’onde émise par un émetteur, la hauteur d’éclatement la plus meurtrière.
La munition antichar perfore tout blindage grâce à l’aiguillon de métal provenant de la charge creuse ou au boulet plein, en acier au tungstène entouré d’une chape métallique qui en s’écrasant sur la paroi attaquée favorise la pénétration du noyau.
De très grandes vitesses initiales sont obtenues par des munitions sous-calibrées.
L’autopropulsion fait son apparition avec des engins peu précis mais de grande efficacité morale: le Nebelwerfer allemand et les «orgues de Staline».
À l’opposé de cette rusticité, les matériels de tir antiaérien sont dotés d’un automatisme très étudié, tels le 40 Bofors ou le 90 U.S. Les problèmes de «correction-but» et la vitesse des avions obligent à confier le pointage au téléaffichage-pointage manuel par recopie d’un repère mobile relié aux systèmes de calcul – ou au télépointage – mise automatique de la pièce sur les éléments de départ. Des appareils de détection et de préparation de tir, d’abord mécaniques puis électroniques, effectuent automatiquement la chaîne complexe des opérations nécessaires.
Dès que les chars se furent séparés de l’artillerie, il a fallu, pour les appuyer, construire des matériels d’artillerie de même pied. L’artillerie blindée naît avec des matériels hybrides. Affûts de campagne aux flèches sciées puis soudées sur un châssis de char (105 HM2 U.S. sur châssis Schermann donnant le 105 automoteur).
7. L’artillerie atomique
Depuis la bombe de 20 kilotonnes larguée sur Hiroshima, les munitions atomiques se sont développées vers les extrêmes. Les procédés de fusion, de fission se regroupent dans les charge 3 F (amorce de fission, charge de fusion, complément de fission). La panoplie dont dispose l’artillerie s’échelonne de 0,2 tonne à quelques centaines de kilotonnes.
Les petites charges peuvent être tirées par des canons classiques à grande portée comme le 203 automoteur tirant à 20 km ou le 175 tirant à 32 km. Une miniaturisation plus poussée permet même d’utiliser des projectiles «en goutte d’eau» dont la charge nucléaire reste à l’extérieur du tube lors du chargement. La portée est alors de 2 000 à 4 000 mètres.
La fusée a posé de nombreux problèmes de précision et de délais de tir. L’efficacité de la charge a compensé la trop forte dispersion avant que celle-ci ne soit vaincue par la découverte de procédés de guidage non brouillables, tel, en particulier, le guidage à inertie. Les propergols liquides, aux chargements dangereux et lents, sont remplacés par des poudres en cylindre creux d’une bonne stabilité de conservation et de combustion. Les roquettes sont des fusées non guidées. Leur trajectoire, balistique après la phase de propulsion, est déterminée par la direction et l’angle de la rampe de lancement. Les missiles sont au contraire guidés soit par l’enregistrement d’un programme avant leur départ, soit au moyen d’un environnement extérieur.
8. Organisations et classifications
Mis à part l’énorme arsenal soviétique qui comprenait de grandes unités d’artillerie classique et de grandes unités de fusées, dans les autres pays l’artillerie est répartie au sein d’unités interarmes. Les unités de réserve générale ne sont que des régiments.
La division reste généralement l’unité au-dessus de laquelle il n’y a plus d’artillerie classique. Celle-ci est répartie entre la division elle-même et les brigades subordonnées. L’emploi des feux nucléaires est réglé à très haut échelon, généralement l’armée, bien que les échelons corps d’armée et division disposent de moyens de lancement, généralement à mettre en œuvre sur ordre.
L’artillerie conserve cette même organisation si l’on considère les effets à obtenir: destruction (effet total et permanent), ou à défaut neutralisation (effet total et temporaire), ou encore harcèlement (effet partiel et temporaire).
Par contre, dans l’emploi, la puissance du feu a obtenu la prééminence sur le mouvement. Il faut désormais distinguer les feux de manœuvre uniquement nucléaires qui créent le résultat voulu, résultat préparé et exploité par les forces de mêlée, et les feux d’appui qui permettent ou facilitent la manœuvre des autres armes. L’appui peut être effectué par des tirs nucléaires ou classiques. Il est direct s’il concourt directement au succès de la manœuvre des troupes appuyées; il est alors généralement effectué sans intermédiaire hiérarchique au bénéfice direct du demandeur. Il est indirect s’il concourt indirectement au succès de la manœuvre des troupes appuyées: alors l’intérêt du demandeur l’oblige à transmettre ses besoins à l’échelon de commandement immédiatement supérieur.
L’appui direct comprend dans l’offensive des tirs de préparation avant l’attaque, puis les tirs d’accompagnement. Ceux-ci se subdivisent en soutien immédiat , ou tir sur des objectifs situés dans la zone de responsabilité de l’arme appuyée, et en tirs de protection s’ils atteignent un ennemi agissant dans cette zone mais situé en dehors d’elle. En défensive, ce sont les tirs de contre-préparation , disloquant les préparatifs adverses, ou les tirs d’arrêt , stoppant l’effort ennemi au plus près. Ces tirs sont, encore aujourd’hui, effectués par l’artillerie classique.
L’appui indirect, correspondant à une action plus lointaine, peut être effectué en munitions classiques ou nucléaires.
Enfin, la contre-batterie, en particulier la contre-batterie contre les moyens de lancement nucléaires de l’ennemi, peut être amenée à jouer un rôle de plus en plus important dans la bataille.
9. Les aides à l’artillerie
Demandes d’appui et obtention des tirs exigent la présence d’officiers d’artillerie en liaison auprès de l’arme appuyée et qui soient tous les échelons de la hiérarchie. Le pourcentage d’officiers par rapport aux moyens de lancement paraît donc considérable. Dans une unité élémentaire, un seul officier sur cinq s’occupe réellement des pièces. Il faut à tout ce personnel, disséminé, des réseaux de transmissions très étoffés et très sûrs; ils ont été équipés de répéteurs automatiques, postes récepteurs-émetteurs permettant d’augmenter les portées. Il est reconnu que les artilleurs doivent être des transmetteurs confirmés.
L’environnement technique nécessaire ne se limite pas à d’excellentes communications. Les objectifs doivent être découverts et situés; aussi l’artillerie doit-elle équiper ses observatoires terrestres de moyens optiques et électroniques puissants, topographiquement reliés entre eux et aux positions arrière. L’aviation légère de l’armée de terre, issue de l’aviation légère d’observation d’artillerie, y contribue avec ses avions, ses hélicoptères et ses drônes. Ces derniers sont de petits appareils sans pilote, capables de photographier – leurs vues seront rapidement développées au retour –, d’émettre les images vues par télévision ou d’effectuer des mesures de radioactivité. Par exemple, le Drône R 20 peut pénétrer chez l’adversaire avec une portée utile de 200 à 300 km et rapporter une bande photo couvrant, à 750 m d’altitude, un rectangle de 50 km sur 5. Son vol peut être préprogrammé ou télécommandé. Les objectifs plus rapprochés sont captés par la télévision à terre, par des procédés à infrarouge ou par des radars de surveillance du sol, à effet Doppler, qui peuvent détecter un homme isolé à 15 km, un véhicule à 30 km, à la seule condition qu’ils bougent et que la présence d’un masque du terrain n’empêche pas la propagation rectiligne des ondes électromagnétiques.
Aux appareils classiques de topographie, télémètres, théodolites, s’ajoutent maintenant des telluromètres capables de mesurer des distances de 100 mètres à 160 kilomètres au 1/100 000 près. Le gyrothéodolite permet de s’orienter avec une précision vingt fois supérieure à celle de l’aiguille aimantée, soit 30 secondes sexagésimales.
Les mesures de vitesses initiales permettent de tenir compte de l’usure des tubes et de la «tare» du lot de munitions, expression des tolérances de fabrication et des conditions de stockage. Ces mesures devaient être autrefois effectuées en polygones d’essai, dans la tranquillité des arrières; la correction de température des poudres était mesurée par ailleurs. Toutes ces opérations sont maintenant possibles, à tout moment, sur la position même, sans aucune indisponibilité des matériels. La vitesse initiale est déterminée soit au moyen de bases solénoïdes (l’obus préalablement aimanté passe dans une base fixée au tube, celle-ci étant composée de deux solénoïdes distants de 1 mètre; le temps mesuré à 0,5 mètre par seconde permet un affichage direct de la vitesse de chaque coup à 5 p. 1 000 près), soit au moyen de bases optiques. Deux cellules photo-électriques pointées vers le ciel, distantes de 2 mètres, sont placées parallèlement à la partie initiale de la trajectoire. La cellule note très distinctement le retour à l’intensité lumineuse du ciel au moment du passage du culot de l’obus. Le même type de compteur affiche la vitesse.
Les éléments aérologiques nécessaires au calcul de la trajectoire, en particulier pour le tir vertical qui donne de très fortes flèches, ne sont plus déterminés par sondage optique, mais par radiosondage. Le ballon-sonde émet de façon continue les données mesurées jusqu’à 16 000 mètres: température, pression, degré hygrométrique, tandis qu’un radiothéodolite le suit en permanence, permettant de calculer force et direction du vent.
Enfin, la sécurité et la rapidité des calculs à effectuer dans la préparation du tir sont acquises par l’emploi de calculateurs électroniques. Plus particulièrement, l’artillerie antiaérienne dispose d’une chaîne totalement automatique entre l’objectif et les éléments de départ de la munition: radar de guet, radar d’acquisition, radar de tir, appareil électronique de préparation de tir, mécanisme automatique de pointage. Dans l’artillerie de campagne, les calculs de tir sont également confiés à des calculateurs électroniques qui font apparaître les résultats à commander aux pièces par visualisation sur un panneau spécialisé (face avant du calculateur).
Ainsi, les techniques de pointe du XXe siècle permettent de résoudre les problèmes soulevés à Crécy: efficacité des munitions, portées accrues, puissance et rapidité des tirs, débits et concentrations. Sans oublier la mobilité des matériels qui donna tant de soucis à nos précurseurs. Mais cette évolution, depuis la primitive bombarde, s’accompagne d’un environnement coûteux et délicat. La rusticité s’est perdue.
Aussi tout artilleur doit-il à la fois savoir profiter, en excellent technicien, de tout l’apport de la science d’aujourd’hui et conserver ses qualités, son flair légendaire, qui lui permettront de remplir encore sa mission, face à de graves défaillances d’aides techniques très perfectionnés mais très fragiles.
artillerie [ artijri ] n. f.
• 1260 « engins de guerre »; de artillier (vx) « munir d'engins de guerre », de attilier « garnir », d'o. germ., d'apr. art
1 ♦ (XIVe) Matériel de guerre comprenant les canons, obusiers, etc. Pièces d'artillerie (⇒ batterie, 1. canon, engin, machine, missile, mortier, obusier, 2. roquette) , et le matériel nécessaire pour leur service (⇒ affût , munition, projectile, train) . Artillerie de campagne, qui appuie l'infanterie. Artillerie légère; lourde. Grosse artillerie. Artillerie d'assaut. Artillerie atomique. Artillerie de marine. Artillerie antiaérienne (⇒ D.C.A.) , antichar. Tir d'artillerie. ⇒ tir; bombardement, canonnade, décharge, 1. feu, mitraille, pilonnage, rafale, 1. salve. L'artillerie ouvre le feu. — Loc. fam. Faire donner l'artillerie : attaquer avec force. La grosse artillerie, l'artillerie lourde : les grands moyens.
2 ♦ Corps de l'armée qui est chargé du service de ce matériel. Bataillon, groupe d'artillerie. Soldat d'artillerie. ⇒ artilleur.
● artillerie nom féminin (ancien français artillier, munir d'engins de guerre) Ensemble des matériels de guerre comprenant les bouches à feu, leurs munitions et les véhicules chargés de leur transport ou de leur traction. Arme chargée de la mise en œuvre de ces matériels. (On distingue aujourd'hui, en France, dans l'armée de terre, l'artillerie sol-air, l'artillerie sol-sol et l'artillerie sol-sol nucléaire.) Populaire. Arme à feu individuelle de gros calibre. ● artillerie (citations) nom féminin (ancien français artillier, munir d'engins de guerre) Ernest Renan Tréguier 1823-Paris 1892 L'épopée disparaît avec l'âge de l'héroïsme individuel ; il n'y a pas d'épopée avec l'artillerie. Dialogues et fragments philosophiques, II, Probabilités Lévy Ernest Renan Tréguier 1823-Paris 1892 Le prétendu dieu des armées est toujours pour la nation qui a la meilleure artillerie, les meilleurs généraux. Dialogues et fragments philosophiques, I, Certitudes Lévy ● artillerie (expressions) nom féminin (ancien français artillier, munir d'engins de guerre) Artillerie de l'air, artillerie ayant pour mission la défense aérienne des bases de l'armée de l'air. Artillerie d'assaut, première désignation des chars de combat en 1916. Artillerie de campagne, artillerie chargée autrefois de l'appui des troupes en campagne. Artillerie lourde, autrefois, artillerie de gros calibre (120 mm et au-delà pour les canons rayés). Artillerie de marine, subdivision des troupes d'outre-mer (appelée de 1900 à 1958 artillerie coloniale). Artillerie de montagne, artillerie dont les canons étaient autrefois fractionnables en fardeaux transportés à dos de mulet. Artillerie navale, ensemble des matériels d'artillerie installés à bord des navires de guerre. Artillerie de tranchée, nom donné pendant la Première Guerre mondiale aux matériels à tir courbe servis par l'artillerie et utilisés dans la guerre des tranchées. Familier. Grosse artillerie, produits constituant le fonds d'une entreprise, produits de grande vente ; arguments de bon sens, sans finesse mais qui portent.
artillerie
n. f.
d1./d MILIT Matériel de guerre comprenant les bouches à feu, leurs munitions et les engins servant à leur transport. Artillerie motorisée. Artillerie lourde. Artillerie anti-aérienne.
d2./d Ensemble du personnel servant ces armes.
⇒ARTILLERIE, subst. fém.
A.— MILITAIRE
1. Ensemble des matériels de guerre comprenant les canons, obusiers, etc., leurs munitions et les véhicules qui servent à leur transport ou à leur traction :
• 1. ... de toutes les maisons qu'on avoit construites, il ne reste plus que le grand magasin devenu arsenal, dans lequel on a déposé la grosse artillerie des fortifications, et celle qui fut prise à la capitulation de Saratoga.
CRÈVECŒUR, Voyage dans la Haute Pensylvanie, t. 1, 1801, p. 260.
• 2. L'interdiction totale ne pouvait être espérée que de l'artillerie lourde mobile et de l'artillerie de campagne, seules capables d'assurer et de maintenir des résultats permanents. Il fallait donc mettre ces artilleries à portée d'interdiction efficace.
FOCH, Mémoires, t. 2, 1929, p. 124.
SYNT. Artillerie terrestre, navale; artillerie de campagne, de montagne, de siège; batterie, pièce, train d'artillerie.
— P. métaph. :
• 3. L'artillerie des plaisanteries vulgaires des petits journaux, la mitraille des pamphlets Cormenin tombaient alors sur la Cour.
BALZAC, Œuvres diverses, t. 3, 1850, p. 339.
• 4. Je suis, en face des vanités de ce monde, une sorte d'inspecteur aux revues. Je ne me mêle pas à l'escadron des passions, ni à l'infanterie des goûts, ni à l'artillerie des fantaisies, pour conduire les charges des unes, les attaques des autres, les évolutions des troisièmes.
GOBINEAU, Les Pléiades, 1874, p. 10.
2. P. méton. Corps d'armée affecté au service de ce matériel :
• 5. ... eux qui avaient vu un monde nouveau sortir, frais, resplendissant et sublime, du sépulcre des siècles défunts, une Europe s'écrouler, une autre s'élever, et un simple lieutenant d'artillerie réaliser les plus extravagantes chimères de l'ambition la plus effrénée par la seule vigueur de son génie et par l'énergie de ses rudes soldats?
P. BOURGET, Essais de psychol. contemp., 1883, p. 167.
• 6. Ce soir, à dîner, M. de Saint-Laurent, chef d'escadron d'artillerie, nous donnait quelques détails sur les grandes manœuvres qui viennent d'avoir lieu; ...
E. et J. DE GONCOURT, Journal, 1895, p. 847.
B.— Au fig.
1. Loc. fam., iron.
a) Faire donner l'artillerie. ,,Changer de ton, abandonner les accusations vagues et se faire plus précis en fournissant éventuellement des preuves à l'appui de ses dires. (...) Passer de la moquerie légère à l'injure percutante et grasse. (...) Solliciter l'assistance des sympathisants au cours d'une joute oratoire mal engagée`` (ÉD. 1967).
b) Et voilà la grosse artillerie. ,,Se dit pour saluer l'arrivée d'un groupe de personnes de forte corpulence`` (ÉD. 1967).
2. Arg. Artillerie. ,,Dés à jouer truqués`` (J. LACASSAGNE, L'Arg. du « milieu », 1928, p. 8). Coup d'artillerie. ,,Coït`` (Ch.-L. CARABELLI, [Lang. pop.], p. 18). Demander l'artillerie ou envoyer des fusées. ,,Vomir ayant trop bu`` (G. ESNAULT, Notes complétant et rectifiant « Le Poilu tel qu'il se parle », 1956).
PRONONC. :[]. Les dict. indiquent ,,l mouillé`` jusqu'à LITTRÉ inclus.
ÉTYMOL. ET HIST. — 1. Ca 1307 « ensemble des engins de guerre, arbalètes, lances, etc. » (G. GUIART, Royaux lignages, éd. Buchon, II, 11245 ds T.-L. : Artillerie est le charroi Qui par duc, par conte ou par roi Ou par aucun seigneur de terre Est charchie de quarriaus en guerre, D'arbalestes, de dars, de lances Et de targes d'unes semblances); XVe s. « matériel de guerre comprenant les canons, les mortiers, les bombes, etc. » (PH. DE COMMYNES, Mémoires ds BARTSCH Chrestomathie de l'a. fr., 99, 70 : Poncet de Rivieres devant ledict Pont de Charanton, et monsr. du Lau et d'autres par devers le Boys de Vincennes, jusques a nostre artillerye et tüerent ung canonier); d'où fig. a) fin XVe s. « inventions subtiles » (Pronostication d'Habenragel ds Anc. poés. fr. éd. Montaiglon, t. 6, p. 36); b) 1585 « vivres » (N. DU FAIL, Contes d'Eutrapel, 8, [I, 144] ds HUG.); 2. 1692 « troupes employées au service de l'artillerie » (Ordonnance de Louis XIV, fév. 1692 ds JAL1 : ... six capitaines, qui seront nommés Capitaines de galiotes et d'Artillerie, de neuf lieutenants, neuf sous-lieutenants et neuf aides d'Artillerie); cf. Ac. 1694.
Dér. du rad. de artillier « équiper, pourvoir d'engins », début XIIIe s. (Chev. au Barizel, 5, Méon, Rec. I ds GDF.), lui-même altération de l'a. fr. atillier « arranger, ajuster » sous l'influence de art (THOMAS, Essais de philol. fr., 1897, pp. 243-244); atiller (attesté dès 1665-70 au sens de « se parer », CHR. DE TROYES, Erec et Enide, éd. W. Foerster, 360 ds T.-L., et en partic. « revêtir les diverses parties de l'armure », ca 1200, Perceval, ms. Montp. H 249, f° 224a ds GDF.) est issu du lat. , dér. de aptare « rendre capable » (REW3, O. Bloch ds R. Lang. rom., t. 11, pp. 314-316) de la même manière que appareiller < lat. (apparare); l'-i- de atiller au lieu de -ei- attendu est dû soit à - devenu - (FOUCHÉ, p. 198) soit à l'influence du verbe a.fr. atirier (XIIe s. ds T.-L.) « arranger, disposer » (< a.fr. tire « rangée, série », a.b.frq. têri « état de ce qui est en ordre »). Cette explication écarte l'objection d'ordre phonét. formulée par EWFS2 contre l'étymon apticulare; suff. -erie.
STAT. — Fréq. abs. littér. :1 609. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 1 938, b) 1 341; XXe s. : a) 1 759, b) 3 411.
BBG. — BACH.-DEZ. 1882. — BLANCHE 1857. — BOUILLET 1859. — BRÜCH. (J.). Bemerkungen zum französischen etymologischen Wörterbuch E. Gamillschegs. Z. fr. Spr. Lit. 1927, t. 49, p. 293. — ÉD. 1967. — ESN. 1966. — ESN. Poilu 1919. — GAY t. 1 1967 [1887]. — GRUSS 1952. — JAL 1848. — LACR. 1963. — LE BRETON 1960. — LE CLÈRE 1960. — LELOIR 1961. — PRIVAT-FOC. 1870. — SANDRY-CARR. 1963. — WILL. 1831.
artillerie [aʀtijʀi] n. f.
ÉTYM. V. 1307; dér. de artillier « équiper, pourvoir d'engins », déb. XIIe, de atillier « arranger, ajuster » (sous l'influence de art), ou (Guiraud) du lat. articulare.
❖
1 Matériel de guerre comprenant les canons, obusiers, etc. (dits pièces d'artillerie; ⇒ Affût, batterie, canon, engin, machine, mortier, obusier), et le matériel nécessaire pour leur service (⇒ Munition, projectile, train). || Parc (cit. 4) d'artillerie. || Artillerie de terre, de mer. || Artillerie anti-aérienne, artillerie antichar, artillerie guidée (équipée de missiles sol-sol ou sol-air). || Artillerie d'accompagnement (⇒ Infanterie). || Artillerie légère; lourde, à grande puissance, à longue portée… || Grosse artillerie, de gros calibre. || Artillerie de campagne, de montagne, de siège… || Artillerie motorisée, tractée, lourde sur voie ferrée. || Artillerie d'assaut. || Artillerie atomique. || Parc d'artillerie. || Observatoire, plate-forme, position d'artillerie. || Tir d'artillerie. ⇒ Arrosage (ou arrosement), bombardement, canonnade, décharge, duel, feu, fusée, mitraille, pilonnage, préparation (d'artillerie), rafale, salve. || L'artillerie ouvre le feu, bat, pilonne l'objectif.
1 Napoléon ne cessa d'accroître la proportion de l'artillerie dans les armées : il eut jusqu'à quatre pièces par mille hommes.
A. Rambaud, Hist. de la civilisation contemporaine en France, p. 152.
2 Les soldats (…) qui, depuis le matin, n'avaient guère affronté le feu de l'artillerie, oscillèrent, mais, tout aussitôt, leurs canons répliquèrent et, tandis que nos troupes prenaient leurs nouvelles dispositions de combat, le duel d'artillerie, toujours fort inégal, continuait.
Louis Madelin, Hist. du Consulat et de l'Empire, t. III, p. 272.
3 Dans le cimetière (d'Eylau), sous les rafales d'artillerie et les rafales de neige, c'est une nouvelle image de la guerre qui apparaît à Napoléon (…)
J. Bainville, Napoléon, XV.
4 Notre artillerie répondant coup pour coup par salves furieuses, une sorte de muraille grondante s'éleva autour de nous, qui nous semblait comme un rempart.
G. Duhamel, Récits des temps de guerre, I, 73.
5 L'artillerie continuait à éventrer le sol disputé.
G. Duhamel, Récits des temps de guerre, II, 160.
5.1 Il y avait là cinq cents Allemands contre cinq cents Français. Somme toute, le 75 avait fait autant de mal que mitrailleuses et artillerie lourde, et les pantalons feldgrau n'en avaient point sauvé plus que n'en avaient perdu les pantalons rouges.
Drieu La Rochelle, la Comédie de Charleroi, 62.
♦ Fam. Les armes et les munitions.
5.2 C'est lui qui, en courant, avait défouraillé et tiré sans viser pour protéger sa fuite. Hans, René, tous les deux ignoraient qu'il possédait un flingue. Eux, c'était de vieux truands qui se gardaient bien, lorsqu'ils partaient faire un casse, d'alourdir leur musette avec de l'artillerie.
Martin Rolland, la Rouquine, p. 26.
6 Tout ce qu'il y avait de pain, chair, vin, et autre artillerie de gueule, fut déployé, mangé et bu.
7 Bains et parfums; matelas blancs et mous;
Vins du coucher; toute l'artillerie
De Cupidon (…)
La Fontaine, Contes, II, 5.
b Mod. Ce qui est capable de tirer sur qqn, de bombarder, d'attaquer. — ☑ Fam. Faire donner l'artillerie : attaquer avec force (après une escarmouche). — ☑ La grosse artillerie : les grands moyens. ⇒ Arsenal (fig.).
♦ Par métaphore.
8 L'imprimerie est l'artillerie de la pensée.
Rivarol, Notes, pensées et maximes, p. 78.
♦ Fig. Série d'arguments puissants utilisés dans une discussion.
2 Corps de l'armée, arme qui est chargée du service de ce matériel. || L'arme de l'artillerie. || État-major; service de l'artillerie. ⇒ Armée (cit. 14). || Bataillon, groupe d'artillerie. || Officier d'artillerie. || Soldat d'artillerie. ⇒ Artilleur.
Encyclopédie Universelle. 2012.