1. feu [ fø ] n. m. I ♦
1 ♦ LE FEU : dégagement d'énergie calorifique et de lumière accompagnant la combustion vive. ⇒ combustion, crémation, ignition, incandescence; flamme; pyro-. Les Anciens considéraient le feu comme l'un des quatre éléments. Principe du feu. ⇒ phlogistique. Le feu de l'Enfer. Adorateurs du feu.
♢ Loc. fig. (de l'autel du feu, entretenu par les vestales) Le feu sacré : ardeur, enthousiasme. Il n'a pas le feu sacré. — Fam. Du feu de Dieu : exceptionnel (cf. Du tonnerre).
♢ Allumer, faire du feu : réunir des matières combustibles et les faire brûler. « L'homme est le seul animal qui fasse du feu, ce qui lui a donné l'empire du monde » (Rivarol). Faire du feu de, avec qqch. : détruire par le feu. Loc. Faire feu de tout bois; fig. utiliser tous les moyens en son pouvoir (cf. Faire flèche de tout bois). — Faire feu : produire des étincelles. Loc. Faire feu des quatre fers, se dit d'un cheval qui frappe le pavé de ses fers; fig. être plein de pétulance. — Prendre feu. ⇒ brûler, s'enflammer, flamber. — Mettre le feu à qqch. : faire brûler. ⇒ allumer, brûler, calciner, consumer, embraser, enflammer. Mettre le feu à une matière explosible. Loc. Mettre le feu aux poudres. — Jouer avec le feu; fig.avec le danger. « Comme tous ceux qui jouent avec le feu, ce fut lui qui se brûla » (Balzac). — Loc. J'en mettrais ma main au feu : j'en jurerais, j'en suis sûr, j'en ai la conviction (cf. J'en mettrais ma tête à couper). Cracheur de feu. Les langues de feu (⇒ flamme) de la Pentecôte. Fig. Littér. Cela s'est inscrit en lettres de feu dans sa mémoire.
♢ EN FEU : en train de brûler. ⇒ flamme (en). Matière en feu. ⇒ embrasé, enflammé, igné, incandescent. Morceau de bois en feu (braise, charbon ardent, tison).
♢ Spécialt Étincelle, flamme ou matière enflammée, dans la nature. Le feu du ciel, le feu céleste. ⇒ 1. foudre, météore.
♢ Anciennt Le feu central : matières incandescentes qu'on croyait exister au centre de la Terre. Feux vomis par un volcan. ⇒ fumerolle, lave. — Fam. Péter du feu, le feu.
♢ Spécialt Feu follet. ⇒ flammerole. Feu Saint-Elme : étincelle due à l'électricité atmosphérique.
2 ♦ Ensemble de matières rassemblées et allumées (pour produire de la chaleur, etc.). ⇒ foyer. Allumer un feu. Faire un feu. Ranimer, raviver un feu. Jeter de l'huile sur le feu. Attiser le feu. Mettre des bûches dans le feu. Feu de courte durée. ⇒ flambée. Un grand feu. ⇒ brasier. Un feu d'enfer. Feux de bivouac d'une armée en campagne. Feu qui brille, crépite, danse. « Un grand feu pétillait, clair, dans la cheminée » (Rimbaud). Les flammes, la fumée, la chaleur du feu. PROV. Il n'y a pas de fumée sans feu, pas d'effet sans cause. Feu de braises (⇒ brasero) . Feu de bois, de tourbe. Feu de paille; fig. sentiment vif et passager. — S'installer près d'un feu, près, auprès du feu. ⇒ âtre. Se chauffer, se sécher devant le feu. « Le dos au feu, le ventre à table, l'idéal de Béranger et de M. Prudhomme » (Larbaud). — Loc. Le coin du feu : l'endroit où l'on allume du feu (âtre, cheminée). Veillée au coin du feu. — (1414) FEU DE JOIE : feu allumé en signe de réjouissance à l'occasion d'une fête. Feux de la Saint-Jean. (XXe) FEU DE CAMP : feu allumé dans un camp de scouts, etc., et autour duquel on se réunit pour chanter, jouer des saynètes.
3 ♦ Source de chaleur (à l'origine, foyer enflammé) dans la transformation des aliments, etc. Mettre un plat sur le feu. La soupe est sur le feu. ⇒ cuire. — À, AU FEU. Cuire à feu doux, à grand feu, à feu vif. Un excellent ragoût « qui mijotait à feu doux » (Mac Orlan). Plat qui va au feu, qui résiste au feu (⇒aussi pot-au-feu) . Avoir deux fers au feu. — COUP DE FEU : action vive du feu. Rôti qui a reçu un coup de feu. — (1835) Le cuisinier est dans son coup de feu, au moment où tout est en train de cuire. — Fig. Coup de feu : moment de presse où l'on doit déployer une grande activité. « indifférent au coup de feu de midi qui emplissait le café de son tumulte [...] de verres, d'assiettes » (Perec).
♢ Par ext. Foyer d'une cuisinière, d'un réchaud. Cuisinière électrique, réchaud à gaz à quatre feux. ⇒ foyer.
♢ Techn. Chaleur; source de chaleur dans les opérations techniques. Premier, second, troisième feu : degré de cuisson d'une matière vitrifiable. — Feu nu, qui chauffe directement, par opposition au feu de réverbère, qui chauffe par réverbération. — Feu de forge. — Mar. Pousser les feux : activer la chauffe (en vue de l'appareillage). Fig. Augmenter les forces de pression pour activer un processus en cours. « cette même volonté de pousser les feux pour réduire les inégalités sociales » (Libération, 1990). — Les arts du feu. ⇒ céramique, émail, porcelaine, verre. — Loc. Faïence de grand feu, cuite à haute température. — Argile réfractaire au feu. Terre à feu. — Pointes de feu : application répétée d'une pointe incandescente sur des tissus vivants. ⇒ cautérisation.
4 ♦ Vieilli Foyer, famille (dans un village). Hameau de cinquante feux. — (1549) Mod. Loc. N'avoir ni feu ni lieu, ni foyer ni domicile fixe. « On est sans feu ni lieu. Sans foi ni loi. On passe » (Sartre).
5 ♦ Foyer destructeur, allumé involontairement ou criminellement. ⇒ embrasement, incendie; brasier, fournaise. Le feu a pris, a gagné, s'est propagé. Maison, forêt en feu. Feu qui couve, sans flammes, mais qui part au premier souffle. Départ de feu : lieu où commence l'incendie. Front de feu. Hectares dévastés par le feu. Un seul quartier de la ville a échappé au feu. — Il y a le feu à la maison. Loc. (Il n')y a pas le feu : rien ne presse. (Suisse) Il n'y a pas le feu au lac. — Fam. Avoir le feu au derrière (au cul, quelque part) : être très pressé, filer très vite. Il « vous heurte sur son passage, comme s'il avait le feu aux trousses » (Henriot). Avoir le feu au cul : avoir des besoins sexuels impérieux (surtout d'une femme). — Mettre le feu à un bâtiment, une voiture, une plantation. ⇒ incendier; incendiaire, pyromane. Défense, protection contre le feu. ⇒ 1. pompier; bombardier (d'eau), canadair; lance, pare-feu, 2. pompe. Les soldats du feu : les pompiers. Protéger des matériaux contre le feu. ⇒ ignifuger. Éteindre, noyer un feu (⇒ extincteur) . Crier au feu, pour alerter, appeler au secours. Au feu ! — Loc. Faire la part du feu : se résigner à perdre ce qui ne peut plus être sauvé pour préserver le reste. ⇒ abandonner, sacrifier. « Quelques-uns meurent pour que les autres soient sauvés. On fait la part du feu dans l'incendie » (Saint-Exupéry). — FEU DE CHEMINÉE : embrasement de la suie accumulée dans la cheminée. — FEU DE BROUSSE : incendie (accidentel ou allumé volontairement) dans la végétation arbustive sèche de la brousse africaine. — Fig. Pantalon feu de plancher, trop court.
♢ Loc. fig. Mettre un pays à feu et à sang. ⇒ ravager, saccager. Conquérir un pays par le fer et par le feu. ⇒ violence.
6 ♦ (XIe) Supplice du bûcher. « Urbain Grandier, condamné au feu comme magicien » (Voltaire). À PETIT FEU. Brûler qqn à petit feu. Fig. Le chagrin le fait mourir à petit feu, lentement et cruellement.
7 ♦ (1690) Ce qui sert à allumer le tabac. Avez-vous du feu ? ⇒ allumette, 1. briquet.
8 ♦ Littér. Au plur. Chaleur. Les feux de l'été.
II ♦ (XVIe; de mettre le feu aux poudres)
1 ♦ COUP DE FEU. ⇒ décharge, détonation (d'une matière fulminante dans une arme). Entendre des coups de feu. — ARME À FEU : arme lançant un projectile par l'explosion d'une matière fulminante (spécialt une telle arme individuelle ⇒ fusil, mitraillette, pistolet, revolver ). — MISE À FEU (d'une fusée, d'un engin spatial) :lancement des moteurs.
♢ FAIRE LONG FEU, se dit d'une cartouche dont l'amorce brûle trop lentement, de sorte que le coup manque son but. « Mon pistolet avait fait long feu » (Vigny). — Fig. Faire long feu : ne pas atteindre son but. ⇒ échouer. Cette farce a fait long feu, elle ne produit plus son effet, elle ne prend plus. — Ne pas faire long feu; fig. ne pas durer longtemps. Leur association n'a pas fait long feu.
2 ♦ (1680) Tir d'armes à feu; combat où l'on tire. ⇒ tir. Ouvrir le feu sur un objectif. Faire feu. Feu ! commandement militaire. Cessez le feu. ⇒ cessez-le-feu. Être sous le feu de l'ennemi. Puissance de feu d'un char d'assaut, d'un avion. Feu rasant, feux croisés, feu roulant. — Se trouver, être entre deux feux; fig. être pris entre deux dangers.
3 ♦ Combat, guerre. Aller au feu. Baptême du feu.
4 ♦ FEU D'ARTIFICE. ⇒ artifice. — Feu de Bengale : composition chimique qui en s'enflammant produit une lueur colorée; cette lueur. — Feu grégeois.
5 ♦ (1899; de arme à feu) Fam. Pistolet, revolver. ⇒ calibre, pétard. Il a sorti son feu.
III ♦
1 ♦ (XVIIe) Toute source de lumière (d'abord flamme d'un feu). ⇒ flambeau, lampe, lumière, torche. Les feux de la ville. Extinction des feux (⇒aussi couvre-feu) . Feux des projecteurs. Les feux de la rampe. Loc. fig. PLEINS FEUX SUR (qqn, qqch.) :le fait d'attirer l'attention, de faire l'actualité (cf. Être sous les projecteurs).
2 ♦ Signal lumineux (aujourd'hui électrique) destiné à l'éclairage et au balisage des véhicules (automobiles, avions, trains, navires, etc.). Mar. ⇒ fanal. Feux réglementaires d'un navire. Feux de côté : feu vert de tribord, feu rouge de bâbord. Naviguer tous feux éteints. — Les feux d'un avion. — Feux d'une automobile. ⇒ antibrouillard, code, lanterne, phare, veilleuse; et aussi gyrophare. Feu de position. Feux de détresse. ⇒ warning. Feu de direction. ⇒ clignotant. Feu de recul; feu de stop. Allumer, éteindre ses feux. Feux de croisement, de route. — Feu rouge arrière d'une bicyclette (⇒aussi cataphote) .
♢ Signal lumineux destiné à guider, à réglementer le déplacement des véhicules (automobiles, trains, navires, avions, etc.). — Les feux de la côte. ⇒ phare. Feu fixe, tournant, à éclipse. Terre de Feu : la Patagonie, nommée Terre des Feux par Magellan (1520), à cause des nombreux feux allumés sur la côte. — Feux de signalisation, feux tricolores, réglementant la circulation routière. Passage pour piétons protégé par un feu tricolore. Le feu est passé au rouge. Feu rouge : passage interdit; fig. signal d'alerte. Les feux rouges de l'économie. Feu orange, qui annonce le feu rouge. Feu vert : voie libre. Brûler, griller un feu rouge. Loc. fig. DONNER LE FEU VERT (à qqch., à qqn) :autoriser (une action; qqn à agir). Demander, avoir, obtenir le feu vert, toute liberté (de faire, d'agir) (cf. Carte blanche).
3 ♦ Bougie dont on faisait usage aux audiences des criées (leur durée déterminait le temps des enchères).
4 ♦ Poét. Les feux du firmament, de la nuit. ⇒ astre, étoile. Les feux de l'aurore, du couchant. « Mes sœurs, l'onde est plus fraîche aux premiers feux du jour » (Hugo).
5 ♦ Loc. fig. N'Y VOIR QUE DU FEU : ne rien y voir (comme celui qui est ébloui), et par ext. n'y rien comprendre. On a substitué l'objet et il n'y a vu que du feu.
6 ♦ Éclat. Les feux d'un diamant. Pierre qui jette des feux, mille feux. — Le feu du regard. « Le bleu foncé de l'iris jetait un feu d'un éclat sauvage » (Balzac).
7 ♦ (1660) Couleur de feu. « L'Oiseau de feu », de Stravinski. Adj. Rouge feu : rouge orangé très vif.
IV ♦ (XIIIe) Fig. Se dit de ce qui est ardent, chauffe ou brûle.
1 ♦ Vx Saveur excitante d'une boisson alcoolique. Le feu d'un alcool. Je goûtais « l'épaisse rosée d'un vin de feu » (France).
2 ♦ Sensation de chaleur intense, de brûlure. Feu de la fièvre. Le feu lui monte au visage. Le feu du rasoir : irritation, sensation de brûlure après s'être rasé.
♢ EN FEU. Le piment met la bouche en feu. Avoir les joues en feu, très chaudes et rouges.
3 ♦ Littér. Ardeur des sentiments, des passions. ⇒ ardeur, exaltation, 1. fougue, vivacité. Dans le feu de la colère. — De feu : bouillant, enthousiaste, passionné. Tempérament de feu. « Quelle âme de feu ! quelle vie ravissante avec lui ! » (Stendhal). — Loc. fam. ÊTRE TOUT FEU TOUT FLAMME, passionné, enthousiaste et irréfléchi (dans une circonstance). — Feu de l'imagination, de l'inspiration. Le feu de l'éloquence. Parler avec feu. ⇒ chaleur, conviction, véhémence, vivacité. « Le feu des passions est souvent celui du génie » (Mirabeau). Le feu de la dispute, de la discussion. — Cour. Dans le feu de l'action. ⇒ entraînement.
4 ♦ Vx ou littér. Passion amoureuse. ⇒ amour, flamme. Le feu, les feux de l'amour, de la passion.
feu 2. feu, feue [ fø ] adj.
♦ Dr., littér. ou plaisant (avant le nom) Qui est mort depuis peu de temps. ⇒ défunt. Feu Monsieur X. Feu Madame Y. — (Entre le déterm. et le nom) « La feue impératrice a gardé la Hongrie » (Hugo ). Son feu père.
♢ (Avant l'art., le poss. : inv.) « Feu la mère de Madame », pièce de Feydeau.
● Feu signal lumineux commandant sur une voie le passage libre (feu vert), toléré (feu orange) ou interdit (feu rouge) des véhicules ; mât ou portique portant ces signaux : Brûler le feu rouge.
feu, feue
adj. Litt. Défunt. (Ne s'accorde que placé entre le déterminant et le nom.) La feue reine. Feu la reine.
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feu
n. m. (et adj. inv.)
rI./r Flamme.
d1./d Flamme qui accompagne une combustion.
|| Loc. fig. Avoir le feu sacré: éprouver un grand enthousiasme pour qqch (notam. pour ce que l'on fait, pour son métier).
|| Loc. fig. Jouer avec le feu: prendre de grands risques.
d2./d Fig. Chaleur intense. Les feux de la canicule.
|| Brûlure. Le feu du rasoir.
|| Loc. En feu: irrité. Avoir la gorge en feu.
d3./d Fig. Ardeur. Dans le feu de l'action.
|| Passion. Un discours plein de feu.
|| Fam. être tout feu tout flamme, plein d'enthousiasme.
d4./d adj. inv. Rouge orangé. Des rubans feu.
d5./d Corps en combustion, allumés pour chauffer, pour cuire. Un feu de bois. Faire un feu, du feu.
|| Feu de joie, allumé en plein air en signe de réjouissance.
|| Chaleur dégagée par la combustion. Cuire à feu doux.
— Plat qui va au feu, qui supporte une température élevée.
|| Loc. Coup de feu: action brutale du feu; fig. moment d'activité intense. Le coup de feu de midi, dans un restaurant.
d6./d Fig., vieilli Foyer, famille. Un village de vingt feux.
|| Loc. Mod. Sans feu ni lieu: sans foyer, sans domicile.
d7./d Brûleur ou plaque chauffante d'une cuisinière. Cuisinière à quatre feux.
|| Les feux: la source de chaleur d'une chaudière industrielle. Pousser les feux.
d8./d Supplice ancien consistant à brûler vif un condamné.
|| Fig. Faire mourir qqn à petit feu, lentement et cruellement.
d9./d Ce qui sert à allumer une cigarette, une pipe, etc. Avez-vous du feu?
rII./r Incendie. Feu de forêt.
— Feu de brousse: incendie qui dévaste la brousse; spécial. feu allumé à dessein pour rabattre le gibier ou pour préparer le sol à la culture sur brûlis.
|| Loc. Au feu!
— En feu: en train de brûler.
— Mettre à feu et à sang: ravager par l'incendie et le massacre.
— Faire la part du feu: vider une partie de terrain, de bâtiment de ce qui peut y brûler pour empêcher un incendie de s'étendre; fig. sacrifier ce qui, de toute manière, est perdu, afin de sauver l'essentiel.
rIII/r Explosion qui, dans le tube d'une arme, propulse le projectile.
d1./d Loc. Armes à feu: fusils, mitrailleuses, mitraillettes, pistolets, revolvers, etc.
— Bouches à feu: canons, obusiers, mortiers, etc.
|| Coup de feu: décharge d'une arme à feu, détonation.
|| Le coup a fait long feu: l'amorce a brûlé trop lentement et le coup n'est pas parti.
— Fig. Faire long feu: ne pas réussir. Sa tentative a fait long feu.
|| Ne pas faire long feu: ne pas durer bien longtemps.
d2./d Tir. Ouvrir le feu. Feu! Faire feu: tirer.
d3./d Le feu: le combat. Aller au feu. Baptême du feu.
rIV./r Lumière.
d1./d Lumière d'éclairage. Sous les feux des projecteurs.
d2./d Signal lumineux. Phare à feu tournant. Feux de position d'un navire, d'un avion (vert à droite, rouge à gauche).
|| Chacun des dispositifs lumineux d'un véhicule. Feux de position, clignotants, de gabarit. Feux de route, de croisement.
|| Signal lumineux réglant la circulation des voitures, des trains. Feu rouge, vert, orange.
— Loc. fig. Donner le feu vert à qqn, l'autoriser à faire telle ou telle chose.
d3./d Feu follet.
|| Feu Saint-Elme: aigrette lumineuse d'origine électrique qui apparaît quelquefois pendant un orage au sommet d'un corps élevé et terminé en pointe.
|| Feu d'artifice.
— Feu de Bengale: pièce d'artifice qui brûle avec une flamme colorée.
d4./d éclat très vif. Les feux d'une pierre précieuse. Un regard de feu.
|| Loc. fig., Fam. N'y voir que du feu: ne rien voir, ne rien comprendre.
I.
⇒FEU1, subst. masc.
I. A.— 1. Phénomène consistant en un dégagement de chaleur et de lumière produit par la combustion vive d'un corps. Adorer le feu; mangeur, cracheur de feu. Les Anciens regardaient le feu comme un des quatre éléments; l'action du feu sur un corps (Ac. 1835-1932). Il y a loin du dessin d'un huron à un tableau de David (...) comme il y a loin de la pirogue ou du canot creusé, avec le feu, dans un tronc d'arbre, à un navire de haut bord (JOUBERT, Pensées, t. 1, 1824, p. 147) :
• 1. À défaut d'instruments capables de venir à bout des arbres, le feu offrait le moyen d'extirper la végétation parasite, de dégager le sol environnant, d'écarter les possibilités d'embuscades et de surprises.
VIDAL DE LA BL., Princ. géogr. hum., 1921, p. 31.
— Spécialement
♦ Feu élémentaire. Une des quatre substances pures de l'ancienne chimie. Ce que j'ai vu éclater, c'est le feu élémentaire, le feu qui, déposé en la matière, fait la naissance, qui, retiré d'elle, fait la mort (RENAN, Drames philos., Eau jouvence, 1881, p. 451).
♦ ASTROL. Signes de feu (cf. A 2 infra).
— Locutions
♦ Prendre feu. Entrer en combustion vive. Le bois a pris feu. Synon. s'embraser; anton. s'éteindre. On eût dit l'éruption soudaine d'un volcan. Des dépôts de carburants avaient pris feu, répandant, sur une immense étendue d'horizon, une épaisse fumée (GIDE, Journal, 1943, p. 179).
Au fig. Devenir très passionné (par quelque chose). Synon. s'enflammer, s'échauffer. Le quartier des écoles (...) était plus soulevé encore que la veille; la banlieue prenait feu (HUGO, Nap. le Pt, 1852). On s'assied à la table et la causerie prend feu (GONCOURT, Journal, 1860, p. 782).
♦ Faire feu (vx). S'enflammer. Les calcédoines (...) sont plus tenaces que le cristal de roche et font facilement feu au briquet (A. PÉRÈS, Pierres et roches, 1896, p. 18).
♦ Mettre le feu (à qqc.). Faire entrer quelque chose en combustion vive. Synon. allumer; anton. éteindre. Il y avait là dedans des litres d'eau-de-vie et, au milieu, un monceau d'éclats de pain de sucre (...). Un des convives saisit un brandon et y mit le feu (PESQUIDOUX, Livre raison, 1928, p. 164).
♦ (Donner, demander à qqn; avoir) du feu. De quoi allumer quelque chose (généralement une pipe, une cigarette). Du feu, s'il vous plaît. Un gardien se tient dans la rotonde et donne du feu aux prisonniers, qui ont une heure pour fumer une pipe (VERLAINE, Œuvres compl., t. 4, Mes pris., 1893, p. 398) :
• 2. — Vous avez du feu, n'est-ce pas? (...)
« Hélas! nous n'avons pas de feu, dit Pencroff, ou plutôt, monsieur Cyrus, nous n'en avons plus! » et le marin (...) égaya l'ingénieur en lui racontant l'histoire de leur unique allumette, puis sa tentative avortée pour se procurer du feu à la façon des sauvages.
VERNE, Île myst., 1874, p. 75.
— Au figuré
♦ Jeter de l'huile sur le feu.
♦ C'est le feu et l'eau.
♦ Mettre le feu aux poudres. Faire éclater quelque chose qui était latent. La plaine rompit avec la droite (...) le 12 vendémiaire (4 octobre), elle révoqua le désarmement des terroristes. Cette dernière mesure mit le feu aux poudres (LEFEBVRE, Révol. fr., 1963, p. 453).
♦ Mettre le feu sous le ventre de qqn (Ac.), mettre le feu au ventre de qqn (vieilli). Exciter quelqu'un à accomplir quelque chose. Et c'est ce diable d'homme qui leur a mis à tous le feu au ventre (A. DAUDET, Tartarin Alpes, 1885, p. 22).
♦ Souffler le feu (vieilli); souffler sur le feu. Pousser quelqu'un à accomplir quelque chose. Les agents de l'Angleterre soufflaient le feu, les partisans des Cortès cherchaient à faire naître une division sérieuse entre nous et le parti royaliste (CHATEAUBR., Congrès Vérone, t. 2. 1838, p. 131). Il s'insinue parmi ses camarades, souffle le feu (...). En dix minutes, voici la section survoltée (H. BAZIN, Tête contre murs, 1949, p. 366).
♦ Jeter feu et flamme(s). Être très en colère. Son père jetait feu et flammes; il ne parlait rien moins que de mettre dona Lucia aux filles repenties (MÉRIMÉE, Théâtre C. Gazul, 1825, p. 343).
— Proverbes
♦ Il ne faut pas jouer avec le feu. Il ne faut pas prendre de gros risques. Attention! vous connaissez le proverbe : il ne faut pas jouer avec le feu, jeu de main, jeu de vilain. Frédéric et moi, nous avons tellement joué avec le feu qu'un peu plus il était pris, torturé, fusillé (VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, p. 154).
♦ Il n'y a pas de fumée sans feu.
2. Phénomène physique assimilé à une combustion vive.
a) [Feu est suivi d'un déterm.] Un feu souterrain (Ac.). Le feu des volcans, qui ne provient pas de la chute d'une pierre sur un amas de soufre, comme l'a dit Newton, mais qui doit son origine à la fermentation des rivages des mers (BERN. DE ST-P., Harm. nat., 1814, p. 290).
— Spécialement
♦ Feu central. Foyer de matières incandescentes qu'on disait exister au centre du globe terrestre. De place en place, comme les cratères laissent échapper le feu central, les « machines parlantes » des cafés servaient d'exutoire au faux sentiment (MONTHERL., Célibataires, 1934, p. 830).
♦ Feu du ciel, feu céleste. Foudre :
• 3. On cite de la foudre d'étonnantes espiègleries (...). Les feux du ciel déshabillent parfois leurs victimes et transportent leurs vêtements à de grandes distances.
COCTEAU, Poés. crit. I, 1959, p. 194.
♦ RELIG. Feu éternel. Feu qui brûle les damnés. Le feu éternel est préparé au diable et à ses anges (Théol. cath. t. 14, 1, 1920, p. 347). Feu du ciel, feu céleste. Foudre qui châtie les pécheurs. Être frappé par le feu du ciel. Ce n'est point une Sodôme condamnée par le feu céleste, mais le sarcophage épicurien d'une courtisane de Campanie (QUINET, All. et Ital., 1836, p. 214).
♦ Feu follet, feu fée.
♦ Feu chalain (région., Canada). ,,Éclair de chaleur`` (DIONNE 1909);
♦ Feu St-Elme. Étincelles qui se forment, par suite de l'électricité atmosphérique, à l'extrémité des mâts ou des vergues d'un navire. À onze heures, Yves, qui est de quart, vient m'appeler pour voir les feux Saint-Elme qui sautillent et crépitent au bout de toutes les vergues (LOTI, Journal, 1878-81, p. 91).
♦ Feu grisou.
— Loc. Faire feu des quatre fers (vieilli). Produire des étincelles par suite d'un brusque départ. [Il] renfourcha son bidet, qui faisait feu des quatre fers (FLAUB., Mme Bovary, t. 2, 1857, p. 192). P. anal. Bonne vieille diligence, fais feu de tes quatre roues, emporte le petit Chose (A. DAUDET, Pt Chose, 1868, p. 149).
♦ Au fig., vx. Faire feu des quatre pieds (Ac.). Employer tous ses efforts pour réussir dans une entreprise. Le ministère fait feu des quatre pieds et paraît résolu à vendre chèrement sa vie (MÉRIMÉE, Lettres ctesse de Montijo, 1870, p. 112).
b) Subst. + de feu. [Feu est un déterm. spécifiant l'apparence matérielle d'un phénomène dont le subst. indique gén. la forme] Croix, mur, pluie, langues de feu. Elle [Votre Altesse] verra sur la place le long d'un balcon, en lettres de feu, hautes comme ça... une inscription! (SARDOU, Rabagas, 1872, IV, 6, p. 178) :
• 4. Tout d'un coup, dans la montagne de l'orage ruisselèrent vingt torrents de feu. Le plateau frappé de partout par la foudre sonna comme une cloche.
GIONO, Que ma joie demeure, 1935, p. 483.
— Spécialement
♦ RELIG. Langues de feu de la Pentecôte.
♦ HIST. Les Croix de feu. Mouvement d'extrême droite français, d'inspiration fasciste.
♦ GÉOL. Ceinture de feu. Zone d'activité volcanique intense entourant la terre. La ceinture de feu du Pacifique. On peut dire que l'océan Pacifique est entouré par un véritable cercle de feu (LAPPARENT, Abr. géol., 1886, p. 80).
♦ ASTROL. Signes de feu. Signes du zodiaque (Bélier, Lion, Sagittaire).
B.— Source de chaleur à fonction utilitaire ou symbolique, généralement en combustion vive.
1. Source de chaleur produite par la combustion vive de quelque chose et utilisée pour chauffer quelqu'un, quelque chose ou cuire quelque chose.
a) Feu + subst. spécifiant la matière. Un feu de sarments, de braises. Nous allumâmes un feu de broussailles pour sécher nos habits mouillés par la pluie du jour (LAMART., Voy. Orient, t. 2, 1835, p. 163).
— Emploi abs. Être près du feu; le coin du feu. Puis, comme il se sentait frémissant et apeuré, il posa de l'eau sur le feu, afin de boire du café bien chaud avant de se mettre en route (MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, Aub., 1886, p. 1080). Il est mort en silence, beaucoup plus tard, tout seul, la porte grande ouverte sur la cuisine où le feu ronronne et fait danser au plafond sa langue rose (BERNANOS, M. Ouine, 1943, p. 1432) :
• 5.— Pardonnez-moi, dit-il. Je n'ai pas chaud. J'étais très mouillé et ma chambre est très froide. Je me chaufferai quelques minutes à votre feu.
Il s'accroupit avec difficulté devant l'âtre, tendit les mains.
VERCORS, Silence mer, 1942, p. 34.
SYNT. Allumer, couvrir, ranimer un/le feu; faire du feu, un bon feu (Ac.); mettre, jeter au feu; un grand, un maigre feu; un feu vif, clair, ardent; chambre sans feu.
) Spécialement
— Arts du feu. Arts utilisant la cuisson par le feu (faïencerie, poterie, verrerie, etc.). Métallurgiste, teinturier, verrier, joaillier, j'exerçais mon génie dans ces arts du feu, si merveilleux qu'ils semblent magiques (FRANCE, Jard. Épicure, 1895, p. 182).
— CUIS. Partie du dispositif chauffant situé sur la face supérieure d'une cuisinière, d'un réchaud. Une cuisinière électrique (à) quatre feux.
♦ Loc. adv. [En parlant d'une cuisson]
À feu doux; à petit feu, à feu modéré. Doucement. Anton. à feu vif, ardent. Faites-les frire à feu modéré et activez la chaleur à mesure que la cuisson s'opère (Gdes heures cuis. fr., J. Gouffé, 1877, p. 185). — C'est toi, Louis! ton dîner est tout prêt dans la cuisine, mon enfant. J'ai laissé la soupe à petit feu (DUHAMEL, Confess. min., 1920, p. 116). Au fig. Lentement. Alors, c'est cela, je me laisserai mourir à petit feu, élégamment, au milieu de mes amis pâles d'émoi (MIOMANDRE, Écrits sur eau, 1908, p. 88).
Pousser le feu. Augmenter l'intensité du feu. Mouillez avec le bouillon de veau et poussez le feu pendant une heure (BRILLAT-SAV., Physiol. goût, 1825, p. 343).
♦ Loc. subst. Coup de feu. Pointe de chaleur quand on active le feu. Au fig. Être dans son coup de feu. Être au moment où l'on est le plus affairé. Le cuisinier est dans son coup de feu (Ac.). C'était le grand coup de feu, comme disait Quenu (ZOLA, Ventre Paris, 1873, p. 693). Il [Bernardin de Saint-Pierre] est dans le coup de feu de ses tableaux; l'enthousiasme le prend lui-même en se relisant (SAINTE-BEUVE, Caus. lundi, t. 6, 1853, p. 426). Eh bien, à l'idée qu'ils [les artistes] s'étaient passés de moi pour le coup de feu de la répétition en costumes et de la générale, le journal m'est tombé des mains (COLETTE, Music-hall, 1915, p. 171).
— VERRERIE, FAÏENCERIE
♦ (Premier, deuxième, troisième) feu (vx.) [Désigne le nombre de cuissons d'une pièce] L'opération qui se fait dans l'intervalle d'un réchauffement à l'autre constitue ce qu'on appelle un feu. On ne donne que deux feux pour le noir léger, mais on ne donne trois pour le noir pesant (BERTHOLLET, Art teint., t. 2, 1804, p. 12).
♦ De grand feu, de petit feu. Dénomination caractérisant la température et la durée de la cuisson. Il n'y a presque pas de cuisson de poterie qui ne se divise en deux temps : celui qu'on appelle de petit feu et celui qu'on nomme de grand feu (Al. BRONGNIART, Arts céram., t. 1, 1844, p. 225).
♦ Défaut de feu, coup de feu (vx). Défaut dû à une cuisson excessive. Un vernis (...) trop dur (...) se couvre de petits trous. Un défaut de feu produit à peu près le même effet (Al. BRONGNIART, Arts céram., t. 1, 1844 p. 172).
♦ Couleur (de) grand feu. Dont la cuisson peut être effectuée à la température maximale. Les couleurs de grand feu (...) sont employées sur porcelaine dure ou grès cérame (COFFIGNIER, Coul. et peint., 1924, p. 529).
— THÉÂTRE, vx. Feux (d'un acteur). Ce que reçoit un acteur en sus de ses appointements fixes. Cet acteur a tant pour ses feux (Ac.). Les acteurs qui chanteraient à ces représentations auraient sous le nom de feux une gratification particulière (STENDHAL, Rossini, 1823, p. 221).
♦ P. anal. Si, en quatrième, on m'avait offert un engagement dans une troupe [de brigands] convenable, avec espoir d'avancement et des feux, j'aurais signé des deux mains (VALLÈS, Réfract., 1865, p. 100).
— HIST. Supplice du bûcher. Être condamné au feu :
• 6. Puis-je oublier qu'il n'y a pas six ans que Pie II a réuni au Vatican ce tribunal spécial (...) et (...) vous a condamné à la peine des hérétiques, c'est-à-dire à périr par le feu?
MONTHERL., Malatesta, 1946, II, 5, p. 473.
♦ Justice par le fer (l'eau) et par le feu. Le fer et le feu étaient dans le code. La loi pratiquait la cautérisation du vagabondage (HUGO, Homme qui rit, t. 1, 1869, p. 34). Étrange système de chercher la vérité par l'éloquence (...) cela paraîtra aussi étrange que la justice par l'eau et par le feu (BARRÈS, Cahiers, t. 5, 1906-07, p. 59).
— Expressions
♦ À feu continu. Feu qui ne s'éteint que lorsqu'on arrête un four. Travailler à feu continu. Durant les deux dernières guerres mondiales, les hauts fourneaux avaient été simplement et soigneusement mis en veilleuse. Et depuis la Libération, il était entendu, sans besoin d'un accord écrit, qu'au plus fort d'une grève d'EDF, les usines fonctionnant à feu continu ne seraient jamais privées de courant (Le Point, 9 juill. 1973, p. 27, col. 1).
♦ Qui va au feu. Qui supporte la flamme. Plat qui va au feu.
♦ À feu nu. Au contact direct de la flamme. Cuire à feu nu. Huile empyreumatique que l'on prépare en distillant à feu nu la cire jaune mêlée avec de la chaux vive (KAPELER, CAVENTOU, Manuel pharm. et drog., t. 1, 1821, p. 200).
) Loc. fig.
— Feu de paille. Quelque chose qui dure peu. Cet amour si violent ne sera qu'un feu de paille (Ac. 1932). Mais les soupçons que pouvait parfois lui inspirer Eulalie, n'étaient qu'un feu de paille et tombaient vite, faute d'aliment (PROUST, Swann, 1913, p. 117).
— Faire feu qui dure (Ac.). Ménager ses biens ou sa santé. Il faut faire feu qui dure (Ac. 1932). Je t'en prie, éteins un peu l'ardeur de ton âme; ménageons-nous et, comme dit Riccardo, le forgeron, faisons feu qui dure (FRANCE, Puits ste Claire, 1895, p. 68).
— Faire grande chère et beau feu, vx. (Ac.) Accomplir une très grande dépense. Il revenait de l'armée; il avait de l'argent, nous faisions bonne chère et grand feu (MÉRIMÉE, Théâtre C. Gazul, 1825, p. 59).
— Faire feu de tout bois. Employer tous les moyens possibles pour parvenir à ses fins.
— Mettre les fers au feu. Tirer les marrons du feu.
) Proverbes. Il n'est feu que de bois vert. Bois tortu fait feu droit.
b) [Feu suivi d'un déterm. spécifiant la fonction du feu]
— Domaine milit. Feu de bivouac, de camp. Feu allumé par une troupe en bivouac, en campagne. Après lui avoir fait faire une bonne lieue, à pied, dans l'obscurité rendue plus profonde en apparence par le feu des bivouacs qui de toutes parts éclairaient l'horizon (STENDHAL, Chartreuse, 1839, p. 31) :
• 7. Le dîner fini, nos pas nous portaient malgré nous vers la lande où les fumées rabattues des feux de camp qui rougeoyaient dans le noir se mêlaient au brouillart tôt retombé de la lagune...
GRACQ, Syrtes, 1951, p. 133.
♦ P. ell. Les Tommies, autour de leurs feux, parlent de leurs femmes et de leurs dangers (MAUROIS, Silences Bramble, 1918, p. 170).
— P. ext. Feu de camp. Feu en plein air autour duquel les membres d'un groupe se réunissent pour passer la veillée. Allumer un feu de camp. Mais les enfants volés n'ont point l'ennui de naître Ils surgissent soudain, on ne sait d'où, ni quand, Chez les romanichels, autour d'un feu de camp (COCTEAU, Théâtre poche, 1949, p. 112).
— Feu de joie. Feu qu'on allume en signe de liesse. Les principales fêtes de la religion s'annonçoient par une pompe extraordinaire. La veille on allumoit des feux de joie (CHATEAUBR., Génie, t. 2, 1803, p. 441).
— Feu de la St-Jean. Feu de joie qu'on allume la nuit de la Saint-Jean. Dans la nuit du 23 juin, les gars du pays y allument (...) le feu de la Saint-Jean, auquel d'autres feux répondent de toutes les hauteurs voisines (FRANCE, P. Nozière, 1899, p. 306).
— Feu grégois.
— LITURG. ROMAINE. Feu nouveau. (Depuis la réforme de Pie XII) feu allumé à la veille de Pâques. La bénédiction du feu nouveau.
— HIST. ANTIQUE. Feu sacré. Feu perpétuel entretenu par les vestales dans le temple de Vesta. P. anal. Se souviendront-ils jamais de ceux qui ont traversé les déserts, portant le feu sacré, les dieux de notre race, et eux ces enfants, qui maintenant sont des hommes? (ROLLAND, J.-Chr., Nouv. journée, 1912, p. 1548). Cf. II B 1 b infra.
2. [Dans un syntagme prép. déterminant un type d'objets par l'usage qui est fait du feu]
a) [Usages domestiques]
— Chambre à feu (Ac. 1932), vx. Pièce où il y a une cheminée.
— Pot à feu, garniture de feu, plaque de feu, pique-feu, porcelaine à feu.
b) MÉD. Pointe de feu. Instrument long et aigu servant à cautériser; p. méton. cautérisation effectuée avec cet instrument. Et l'on parle des tristesses de sa vie : une mauvaise santé, des rhumatismes qui exigent à tout moment des pointes de feu (GONCOURT, Journal, 1887, p. 674).
c) TECHNOLOGIE
— Boîte à feu. Partie d'une chaudière où se produit la combustion. Le mélange air-mazout se fait dans la boîte à feu ou dans un caisson la précédant (CHARTROU, Pétroles natur. et artif., 1931, p. 133).
— Pompe à feu (vx). Machine à vapeur. Moins de trois mille saluts qui se succédaient comme les coups de piston d'une pompe à feu (REYBAUD, J. Paturot, 1842, p. 227).
— Pierre à feu.
d) SYLVIC. Bois de feu. Bois de chauffage. Anton. bois de sciage. Résorption massive des bois de feu feuillus, développement de la production des sciages résineux (Forêt fr., 1955, p. 20).
3. P. méton. Maison habitée, p. ext. foyer. Il y a cent feux dans ce village. Cette bourgade est composée de tant de feux (Ac. 1932). Les états lui accordèrent [au Prince Noir] la permission de lever dix sous par feu dans toute la principauté d'Aquitaine (STENDHAL, Mém. touriste, t. 3, 1838, p. 113) :
• 8. ... il a quitté Paris, fait l'achat, près de Draguignan, d'une bicoque aux tuiles vernies, cachée dans les palmes, à l'entrée d'un hameau de six feux.
BERNANOS, Joie, 1929, p. 634.
— Spéc., HIST. Feu (contribuable). Unité fiscale utilisée pour l'imposition jusqu'au XVIIIe siècle :
• 9. Enfin dans certaines provinces (Bretagne, Dauphiné, Provence) le feu est devenu progressivement une unité de compte n'ayant plus aucun rapport avec les réalités démographiques : par exemple, telle paroisse est imposée forfaitairement pour 4 feux 1/4, telle autre pour 6 feux etc. Il faut se garder de confondre ces feux fiscaux (dits feux de compoix) avec les feux « allumants », qui correspondent à des ménages.
J. DUPAQUIER, La Population rurale du Bassin parisien à l'époque de Louis XIV (thèse), Paris, t. 1, 1977, p. 24.
— Loc. Sans feu ni lieu. Sans domicile fixe. Pourquoi parles-tu de renverser le gouvernement (...) tu as une femme, tu as une fille (...). Il n'y a que les gens sans feu ni lieu, n'ayant rien à perdre, qui veulent des coups de fusil (ZOLA, Ventre Paris, 1873, p. 759) :
• 10. Pourquoi (...) les appelle-t-on les poilus? (...) C'est une nation d'honnêtes gens qui se bat pour ses foyers (...) et non pas une troupe de bohèmes à demi sauvages, mal policés, sans feu ni lieu.
BORDEAUX, Fort de Vaux, 1916, p. 92.
C.— Destruction de quelque chose par combustion vive. Le feu a gagné le plancher, a gagné le toit; arrêter les progrès du feu (Ac.). Assurance contre le feu; un feu de forêt. (Quasi-)synon. incendie. Des poutres rongées et noircies par le feu indiquaient la place d'une grange (ROMAINS, Hommes bonne vol., 1938, p. 112) :
• 11. Une vieille femme passa. Elle ne savait rien. Ils arrêtèrent un petit garçon, qui répondit : — « Je crois que c'est le feu! » et le tambour continuait à battre, la cloche tintait plus fort. Enfin, ils atteignirent les premières maisons du village. L'épicier leur cria de loin : — « Le feu est chez vous! » Pécuchet prit le pas gymnastique...
FLAUB., Bouvard, t. 1, 1880, p. 36.
SYNT. Le feu prend, se déclare, se répand, se propage; attiser, combattre, maîtriser le feu; dégats, dommages, ravages du feu; risques du feu; lutte contre le feu.
— Expressions
♦ Mettre, fiche (fam.), foutre (pop.), bouter (vx), flanquer (fam.) le feu à qqc./dans qqc. Incendier (quelque chose). Nous avons porté la paille au pied des maisons, qui sont toutes en planches ou en osier, et nous avons mis le feu dans sept endroits à la fois (ABOUT, Roi mont., 1857, p. 96).
♦ « Au feu ». [Cri qu'on lance lorsqu'on veut signaler un incendie] Je vis que tout le bas de ma demeure n'était plus qu'un effrayant brasier (...) je me mis à courir vers le village en hurlant :« au secours! au secours! au feu! au feu! » (MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, Horla, 1886, p. 1123).
Au fig. Crier au feu. S'alarmer. Il n'y a pas de quoi crier au feu, dit-il avec beaucoup de calme. Qu'est-ce que vous attendez maintenant? Faites-la monter (BERNANOS, Crime, 1935, p. 836).
— Spécialement
♦ Brigade, hommes, soldats du feu. (Corps de) sapeurs-pompiers.
♦ Feu de cheminée. Embrasement de la suie accumulée dans le conduit d'une cheminée. Elle a passé son temps, dans sa chambre, à brûler des tas de lettres; nous avons même cru qu'il y avait un feu de cheminée (MAURIAC, Nœud vip., 1932, p. 247).
♦ Domaine de la lutte contre le feu. Feu courant. Feu se propageant avec une tête bien définie (d'apr. MÉTRO 1975). Feu à retardement. Feu restant à l'état latent avant d'éclater (d'apr. MÉTRO 1975). Costume de feu. Tenue pour combattre le feu.
— Loc. fig.
♦ Faire la part du feu. Sacrifier certaines choses pour ne pas tout perdre. Dans certaines circonstances il faut faire la part du feu (Ac.) :
• 12. Georgette est innocente, et cependant demain elle peut se trouver atteinte par les mêmes absurdes calomnies... Croyez-moi, faites la part du feu et assoupissez tout cela par un mariage.
THEURIET, Mariage Gérard, 1875, p. 205.
♦ Courir à qqc. comme au feu. Se presser vivement pour aller voir quelque chose. On y court comme au feu (Ac.).
♦ Il n'y a pas le feu (à la maison). Rien ne presse. M. d'Eblis te fait la cour, n'est-ce pas? (...) mais enfin le feu n'est pas à la maison, n'est-ce pas? Tu n'en es pas folle, de ce monsieur? — Folle, non (FEUILLET, Journal femme, 1878, pp. 72-73).
♦ À feu et à sang. Détruit, ravagé par la guerre, par des combats. Il ne mit pas moins de cinq jours (...) pour aller de la Lorraine, qui était à feu et à sang, jusque dans l'Anjou tranquille, où les vignes mûrissaient doucement sous le soleil (BENJAMIN, Gaspard, 1915, p. 78).
♦ Par le fer et par le feu.
♦ Avoir le feu aux trousses, aux fesses (fam.), au derrière (fam.), au cul (pop.). Être très pressé. Me voilà donc en train de courser le gamin qui avait bien cent mètres d'avance sur moi, et le feu aux fesses par-dessus le marché (AYMÉ, Jument, 1933, p. 57). Cf. infra II B 1 b.
— Au fig. [Avec un adj. ou un compl. introduit par de exprimant qqc. jugé comme mauvais] Les feux du désordre, de la haine; le feu du péché; les feux de la dissension. Moyens dont disposent les familles (...) pour garantir les âmes du feu lascif par quoi, bon gré mal gré, toute l'humanité est pour ainsi dire embrasée (BOYLESVE, Leçon d'amour, 1902, p. 213) :
• 13. ... c'est qu'il est plus sûr d'abandonner un droit litigieux que de plaider, de troubler la paix des nations et d'attiser le feu de la guerre civile.
PROUDHON, Propriété, 1840, p. 204.
II.— [Le feu sert à dénoter un des aspects du phénomène de combustion]
A.— [La combustion considérée sous l'aspect de sa lumière]
1. Lumière produite par quelque chose qui brûle. Le feu des réverbères; signal par le feu. Ils continuent les ancêtres pilleurs d'épaves qui trompaient les bateaux par des feux sur les roches (HAMP, Marée, 1908, p. 19) :
• 14. ... je frappai du pied vivement sur le pont pour les faire finir. Je leur criai : — Eh! dites donc, mes petits amis! on a l'ordre d'éteindre tous les feux du bâtiment. Soufflez-moi votre lampe, s'il vous plaît.
VIGNY, Serv. et grand. milit., 1835, p. 47.
— Spéc. Pêcher au feu. Pêcher au moyen de flambeaux dont la lueur attire le poisson (d'apr. BAUDR. Pêches 1827). Synon. région. pêcher au lamparo.
2. P. ext. Lumière. Le feu de la lampe; les feux des boulevards. Je n'aperçus d'abord que des rues boueuses, des pavés mouillés, luisants sous le feu des boutiques (FROMENTIN, Dominique, 1863, p. 131). Quelques lucioles, de loin en loin, déchirent l'air de leur feu vert et intermittent (MARAN, Batouala, 1921, p. 62) :
• 15. Je viens de consulter ma carte. De toute façon j'ai abordé les cotes zéro : je ne risque rien. Je descends toujours et vire plein nord. Ainsi je recevrai, dans mes fenêtres, les feux des villes. Je les ai sans doute dépassées, elles m'apparaîtront donc à gauche.
SAINT-EXUP., Terre hommes, 1939, p. 216.
♦ Loc. À pleins feux. Très fort. La nuit s'épaississait (...) les lumières électriques brillaient maintenant à pleins feux (...) les bars voisins étincelaient à travers leurs vitrages (ARNOUX, Paris, 1939, p. 229).
— Spécialement
♦ Domaine milit.
Extinction des feux. Extinction des lumières. P. anal. Sonner l'extinction des feux. Manquer la fin de quelque chose. La conversation commençait à faiblir. — Je crois, disait alors M. Rosenthal, que le moment est venu de sonner l'extinction des feux (NIZAN, Conspir., 1938, p. 135).
♦ MAR., AVIAT., CH. DE FER. Lumière servant à signaler un bâtiment, un véhicule ou des installations fixes. Feux de babord, de tribord; feu de mouillage, de port; feu à éclat, à occultation; feu de position, feux fixes. Les trains de toutes les catégories portent à l'avant, au moins un feu blanc et, sur la face arrière du dernier véhicule, un feu rouge (BRICKA, Ch. de fer, t. 2, 1894, p. 138). J'attends avec inquiétude cette chaloupe dont Yves est le patron : elle est allée à terre et ne revient pas. Enfin, voici son feu rouge qui s'avance, en retard de deux heures! (LOTI, Mon frère Yves, 1883, p. 153).
♦ Domaine de la signalisation automobile
Dispositif lumineux servant à signaler un véhicule automobile. Feu de position, de stationnement; feu arrière; feu rouge, clignotant; tous feux éteints. La rue Royale était obscure. L'auto, feux éteints, attendait au bord du trottoir (MARTIN DU G., Thib., Épil., 1940, p. 809).
Dispositif lumineux dont est muni un véhicule pour éclairer la route. Feux de croisement, de route, de ville. Synon. phare.
♦ Domaine de la circulation. Feux tricolores; feu vert, rouge, orange. Dispositif lumineux autorisant ou interdisant le passage de véhicules. Il aperçut enfin le feu d'un disque : la gare était proche (MARTIN DU G., Thib., Cah. gr., 1929, p. 640). Moi, lui souffla Zazie dans le cornet de l'oreille, je me tire au prochain feu rouge (QUENEAU, Zazie, 1959, p. 129).
Loc. Griller, brûler un feu rouge. Passer alors que c'est interdit. Au fig. Donner le feu vert (à qqn). Autoriser quelqu'un à faire quelque chose. La déclaration de la Maison Blanche (...) a donné « le feu vert » à M. Macmillan (Monde, 16 sept. 1960, p. 3, col. 4).
♦ THÉÂTRE. Le(s) feu(x) de la rampe. Lumières servant à éclairer la scène d'un théâtre. D'abord elle [la cantatrice] avait songé à amoindrir son succès, en se ménageant, en ne donnant pas toute sa voix, tous ses moyens; mais ses résolutions comme celles du mari ne tenaient pas devant le feu de la rampe (A. DAUDET, Femmes d'artistes, 1874, p. 89). Il a fait jouer par ses amis de petites pièces gentilles, mais qui n'étaient pas assez faites pour voir le feu de la rampe (SAND, Corresp., t. 6, 1876, p. 396).
♦ Faire, mettre plein feu sur qqc./qqn. Faire pleine lumière sur quelque chose, quelqu'un. Le rideau se ferme lentement tandis que l'éclairage lunaire disparaît progressivement. Soudain, le plein feu est donné devant le cadre fixe et le rideau (CLAUDEL, Soulier, 1944, 1re part., 1re journ., 12, p. 984).
♦ Poét. Lumière. Les feux du jour, de l'amour; ciel rouge des feux du soir. Le vermisseau reluit; son front de diamant Répète auprès des fleurs les feux du firmament (VIGNY, Poèmes ant. et mod., 1837, p. 54) :
• 16. ... l'homme la chercha [la divinité] dans les astres du firmament, dont il ressentait les influences en même temps qu'il admirait l'éclat de leurs feux.
OZANAM, Philos. Dante, 1838, p. 113.
3. P. anal. Éclat. Le feu de ses yeux. Le feu d'un rubis (Ac.). Ses grands yeux brillants qui roulaient avec un feu incomparable entre deux paupières fines et allongées comme celles des gazelles (NODIER, Fée Miettes, 1831, p. 77). Quelques diamants d'un feu changeant (BOURGET, 2e amour, 1884, p. 154) :
• 17. ... M. de Vimy élevait la couperose de sa figure radieuse, illuminée par les feux de ses regards.
ADAM, Enf. Aust., 1902, p. 268.
♦ Jeter du feu. Briller vivement. Ce diamant jette beaucoup de feu (Ac.). Ses yeux noirs jetaient du feu (MONTHERL., Célibataires, 1934, p. 869).
— Loc., au fig. N'y voir que du feu. Ne se rendre compte de rien. Il est certain que ce malheureux n'y a vu que du feu (SANDEAU, Mlle de La Seiglière, 1848, p. 170). Azaïs n'y voit que du feu; mais tous les siens ne seront pas aussi jobards (GIDE, Faux-monn., 1925, p. 1123).
B.— [Feu relève métaphoriquement d'un des aspects de la combustion sans dénoter une combustion réelle]
1. a) Chaleur vive. Les feux de l'été; les feux de l'équateur; le feu de la fièvre (Ac.). C'était (...) un vieillard infirme, courbé sous le rude travail du labourage. Sous le feu du soleil il défrichait une lande stérile; la sueur ruisselait de sa tête chauve (TOEPFFER, Nouv. genev., 1839, p. 179). Le climat mexicain est celui du feu, en effet, du feu et du froid, du feu en même temps que du froid... le feu de la vie qui serait le froid de la mort (AUDIBERTI, Quoat, 1946, 1er tabl., p. 32).
Rem. Dans l'ex. suiv., feu peut aussi désigner la couleur (sens II B 2). Elle darda sur lui ses prunelles noires. Le feu lui monta au visage; sa fougue allait sans doute l'emporter (BOURGES, Crépusc. dieux, 1884, p. 57).
— Locutions
♦ Avoir le feu, mettre le feu (à qqc.). Être, faire devenir quelque chose très brûlant. Avoir le feu aux joues.
♦ [Le suj. désigne des épices, des boissons alcoolisées] Avoir du feu. Avoir de la force. Cette liqueur a beaucoup de feu. Ce piment met le feu à la bouche (Ac.). Il but un plein verre de vin de Giro, vin de Sardaigne qui recèle autant de feu que les vieux vins de Tokai en allument (BALZAC, Gambara, 1837, p. 90). Le double feu de l'alcool et du café combattrait victorieusement l'invasion de l'humide (AMIEL, Journal, 1866, p. 192).
Au fig. Revenir à Nicole avec quelque intérêt aujourd'hui après le feu des épices modernes, c'est preuve que le palais n'est pas tout à fait brûlé (SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 4, 1859, p. 354).
♦ Eau de feu. Eau-de-vie. Sur les placis devant les portes, des tas de moût croulaient sous une buée qui sentait l'eau de feu (GENEVOIX, Rroû, 1931, p. 170).
♦ Jeter son feu. Dégager de la chaleur. Le fumier doit avoir jeté son premier feu, et conserver une chaleur douce de 20 à 25 degrés (GRESSENT, Potager mod., 1863, p. 681).
Au fig., vieilli. Donner le moins sage de soi-même d'abord. Tu ne regardes pas (...) comme mal employé le temps que met un jeune homme à dépouiller le vice de la périphrase poétique et de la pruderie élégante des salons : il jette son feu, sa gourme; il en vaudra mieux après (FEUILLET, Scènes et prov., 1851, p. 49).
— Spécialement
♦ Feu du rasoir. Brûlure ressentie après le rasage (d'apr. ROB.).
♦ MÉD. Feu (de) St-Antoine (vx). Maladie provoquée par l'ergot de seigle. Synon. mal des ardents. L'abbaye de saint-Antoine, jadis célèbre pour les guérisons du zona, dénommé feu de saint-Antoine ou mal des ardents (BILLY, Introïbo, 1939, p. 211).
— [Feu est dans un syntagme déterm.]
♦ (Qqc.) de feu. Brûlant. Un vent de feu; haleine de feu. Il (...) but, coup sur coup, plusieurs verres. Son courage s'affermissait; une fièvre de feu glissait dans ses veines (MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, Aub., 1886, p. 1083). On voit celui-ci (...) on devine son beau visage émacié et son regard de feu (BÉGUIN, Âme romant., 1939, p. 106) :
• 18. On ouvrait les fenêtres supérieures, de grands stores de toile grise pendaient sous le ciel brûlant, une pluie de feu tombait sur les Halles, les chauffait comme un four de tôle...
ZOLA, Ventre Paris, 1873, p. 729.
♦ En feu. Très brûlant, embrasé. Le regard en feu. Avoir la bouche toute en feu (Ac.). Les femmes (...) Haletantes encor, l'œil en feu, les seins durs, D'un pied lent désertant la salle solitaire, Regagner leur foyer en rêvant l'adultère (BARBIER, Iambes, 1840, p. 59) :
• 19. J'étais moulu, j'avais les coudes et les genoux écorchés, le bout du nez incrusté d'une multitude de petites pierres aiguës, les lèvres fendues, les oreilles en feu...
FRANCE, Pt Pierre, 1918, p. 252.
b) Domaine des pulsions et affects. Caractère ardent, passionné (de quelque chose, de quelqu'un). Le feu de la jeunesse; le feu des passions, des désirs; feu intérieur. Être plein d'un beau feu (Ac.). (Quasi-)synon. exaltation. Manicamp. — Tenez, Folleville, embrassez ma fille. Folleville (effrayé). — Hein? Manicamp. — Allons, du feu! morbleu! du feu! (LABICHE, Folleville, 1850, 3, p. 220). Je trouve à Stendhal le mouvement, le feu, les réflexes rapides, le ton rebondissant, l'honnête cynisme des Diderot et des Beaumarchais, ces comédiens admirables (VALÉRY, Variété II, 1929, p. 83) :
• 20. Rien de plus facile, ce me semble, que de résumer notre position, dit le jeune évêque d'Agde avec le feu concentré et contraint du fanatisme le plus exalté.
STENDHAL, Rouge et noir, 1830, p. 385.
— Emploi abs. (gén. au plur.), vx, poét. Passion. L'on pense que le roi, plein d'une ardeur nouvelle, N'arme que pour chercher aux remparts de Bruxelles Cette belle Condé, qu'un mari soupçonneux Voulut, en l'y traînant, arracher à ses feux (LEGOUVÉ, Mort Henri IV, 1806, I, 6, p. 357). Seul mon amour pour Mariette brûlait des mêmes feux (CARCO, Rien qu'une femme, 1924, p. 116).
— Locutions
♦ Dans le feu de (qqc./l'action), au feu de (qqc.). Sous l'emprise de (quelque chose). Je ne me suis pas décidé à récrire, à resserrer et à fondre ces pages improvisées chaque jour aux feux de l'événement (BARRÈS, Scènes et doctr., t. 1, 1902, p. 3) :
• 21. Pour la première fois, je l'ai senti heureux. Pour la première fois, dans le feu de l'action, je l'ai vu confondre, comme on dit, le manteau de l'avenir et le manteau du passé.
GIRAUDOUX, Siegfried, 1928, III, 1, p. 112.
♦ Sous le feu de (qqc.). [Qqc. de non-nombrable] Sous l'emprise de, sous la portée de (quelque chose). Je me dis qu'il était sous le feu de l'inspiration et qu'il pouvait avoir du talent (VILLIERS DE L'I.-A., Contes cruels, 1883, p. 273).
♦ Avec feu. Avec emportement, exaltation. Enfin, comme il parlait bien et avec feu, elle ne fut point choquée qu'il eût jugé à propos de prendre pour une soirée, et sans conséquence, le rôle d'attentif (STENDHAL, Chartreuse, 1839, p. 97). Ne me dis pas que George a inventé tout ça! Ne me dis pas que tous ces documents étaient des faux! dit Lambert avec feu (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 300).
♦ (Avoir) le feu sacré. (Être plein de) passion, ardeur pour quelque chose. Il n'a pas le feu sacré. Elle [la génération naissante] apportera, non la paix du despotisme ni les honteuses agitations de l'intrigue, mais le feu sacré de la liberté (ROBESP., Discours, Guerre, t. 8, 1792, p. 110).
♦ Être tout feu tout flamme (pour qqc./qqn). Se donner avec passion à quelque chose/quelqu'un. Un Frontignan quadragénaire, tout feu, tout flamme (COLETTE, Apprent., 1936, p. 140).
♦ Jeter feu et flamme. Exprimer vivement son indignation (pour qqc.). Il faut l'entendre en ces moments se révolter, s'indigner, jeter feu et flamme (SAINTE-BEUVE, Caus. lundi, t. 14, 1861, p. 224).
♦ Péter le feu (fam.).
2. Couleur plus ou moins vive comme celle du feu. Ce cheval a une robe de feu; cet animal est taché, marqué de feu; reflets de feu. Quelques petits choucas, un feu rose moirant leurs ailes noires, qui tournent au-dessus des sillons (GENEVOIX, Dern. harde, 1938, p. 207) :
• 22. ... l'horizon, derrière la ville, était sans bornes comme la mer; il se confondait avec les bords pourpres de ce ciel de feu, qu'enflammait encore la réverbération des sables du grand désert...
LAMART., Voy. Orient, t. 2, 1835, p. 209.
— [Avec spécification] Couleur de feu. Sur mon lit il y avait des tulipes qu'elle venait de m'apporter. La plus belle était couleur de feu (J. BOUSQUET, Trad. du silence, 1935-36, p. 154).
— MÉD., vx. Feu volage. Rougeur d'origine éruptive apparaissant à la face des enfants. (Dict. XIXe s.).
— Feu de dents (vx). Éruption cutanée se produisant chez les enfants lors de la pousse des premières dents.
III.— Spécialement
A.— Déflagration de matières fulminantes. Bouche à feu; (faire le) coup de feu. À neuf heures du soir, la voix du général en chef se fait encore entendre, dominant l'ouragan de fer et de feu (BORDEAUX, Fort de Vaux, 1916, p. 269).
— Loc. subst.
♦ Arme à feu. Arme utilisant la déflagration de matières fulminantes. Anton. arme blanche. Soudainement il fut éclairé par un phosphore accompagné d'une détonation semblable à celle d'une arme à feu (BOREL, Champavert, 1833, p. 94). Les pillards Chaamba (...) aiment fort les armes à feu, et, pour s'adjuger les soixante fusils de vos râteliers (...) ils n'auraient aucun scrupule à profiter (...) de l'absence d'un officier (BENOIT, Atlant., 1919, p. 30).
P. méton., argotique. Feu. Pistolet, revolver. Glissant sa main gauche sous le bras du Bordelais, il s'empara du feu planqué dans la ceinture. Un P. 38 (LE BRETON, Rififi, 1953, p. 18) :
• 23. Pet! là dedans! que j'fais en m'aboulant, et j'ai sorti mon feu, pour qu'ils comprennent...
CARCO, Jésus-la-Caille, 1914, p. 196.
♦ Feu d'artifice. Effets de lumière colorés produits par la combustion des poudres diversement mélangées et projetées dans le ciel. Les feux d'artifice du 14 juillet. En face, sur le pont-tournant, Raoul tirait le feu d'artifice; alternativement, une fusée, un soleil, éclaboussaient le ciel. Au bout d'un quart d'heure, il alluma des feux de bengale; une lueur d'incendie se refléta dans l'eau sombre (DABIT, Hôtel Nord, 1929, p. 174).
P. anal. Je voyais, quand je fermais les yeux, les gueules des quatre canons lourds (...) prêtes à cracher sur nous, sur moi, leurs tonnes d'acier en fusion, leur feu d'artifice grondant, orange et noir (VIALAR, Morts viv., 1947, p. 164).
Au fig. Suite d'actions, de faits remarquables par leur éclat. Un feu d'artifice de bons mots. Sa conversation [de Rivarol] ressemble à un feu d'artifice tiré sur l'eau : brillante et froide (CHÊNEDOLLÉ, Journal, 1833, p. 163). Pour quelques feux d'artifice agréablement tirés par un écrivain, on crie tout de suite au chef-d'œuvre (PROUST, J. filles en fleurs, 1918, p. 474).
♦ Feu de Bengale. Mélange pyrotechnique brûlant avec une flamme vive et généralement colorée (supra feu d'artifice).
♦ Feu de conserve. Artifice se consumant lentement.
♦ Pot à feu; boutefeu; tire-feu; lance à feu.
♦ Plan des feux.
— Loc. verbales
♦ Faire feu. Tirer avec une arme à feu. Les gendarmes firent feu. S'il cherche à se sauver (...) faites feu sur lui! (DUMAS père, Halifax, 1842, 111, 4, p. 80).
♦ Faire long feu (vieilli). [Le suj. désigne une arme à feu] Ne pas partir. Le fusil de Reeder fit long feu, mais Sam l'atteignit à l'épaule (BOREL, Champavert, 1833, p. 103).
Au fig. Manquer son but. Ce projet a fait long feu. Sous l'impulsion bergsonienne, on aurait pu la croire [la psychologie française contemporaine] sauvée des illusions du langage et du laboratoire. Mais (...) il n'en reste plus que le nom et les apparences chez les psychologues tenant enseigne. La révolution bergsonienne a fait long feu chez eux (MOUNIER, Traité caract., 1946, p. 9).
♦ Ne pas faire long feu. Ne pas durer longtemps. Reynold (à son père) : — Tu veux un viveur? tu l'auras! Tes vingt mille francs ne feront pas long feu (...) tu peux préparer du renfort (AUGIER, Mme Caverlet, 1876, p. 494)
Rem. Cette expr. n'a plus qu'un sens figuré.
B.— P. méton. [Dans un affrontement armé]
1. Tir. Soutenir le feu, essuyer le feu de la place; le feu du canon, de l'artillerie; cessez-le-feu; exercice à feu. Puissance de feu. Feu rasant, feu sporadique, nourri (Ac. 1835-1932). Feu de tribord, de babord (Ac.). Ils étaient à couvert du feu de la ville (Ac. 1835-1932). Au même moment la colonne Lafond déboucha par le quai Voltaire, marchant sur le pont Royal. Alors on donna l'ordre aux batteries de tirer. Une pièce de huit (...) commença le feu, et servit de signal pour tous les postes (LAS CASES, Mém. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 340). Attention, dit Puche, nous allons partir. Nous avons un kilomètre et demi à faire sous le feu... Le fracas d'un obus lui couvrit la parole (BENJAMIN, Gaspard, 1915, p. 60) :
• 24. D'autres assaillants essayaient de se glisser le long des murs, de profiter des marquises, des balcons, toujours dans le feu de deux nids de mitrailleuses au moins.
MALRAUX, Espoir, 1937, p. 451.
— Au fig. Une fois à table et en pleine lumière (...) je supportai bravement le feu croisé des regards (FEUILLET, Pte Ctesse, 1857, pp. 40-41). Le rapport de Barère sur la bienfaisance nationale laissa plutôt prévoir qu'elles aussi [les terres] subiraient le feu des enchères (LEFEBVRE, Révol. fr., 1963, p. 411).
— Loc. verb.
♦ « Feu », « feu à volonté », « ouvrez le feu »; « cessez le feu ». [Commandements enjoignant aux soldats de tirer/ de cesser le tir] Ils se formèrent en peloton. — « Feu! » cria-t-elle (...). Deux ou trois coups de feu partirent. Il entendit les balles s'écraser contre le mur. Il n'était pas touché (FRANCE, Servien, 1882, p. 245). Les officiers avaient commandé le feu à volonté (MALRAUX, Cond. hum., 1933, p. 275).
Au fig. Ouvrir le feu. Aborder un sujet tout de go. L'ermite ouvrit le feu bravement. Notre cher malade écoutait, ne disait rien (FABRE, Oncle Célestin, 1881, p. 451).
♦ Prendre (qqc.) entre deux feux/sous le feu (de qqc./qqn). Prendre entre deux tirs/sous le tir. Les Vendéens, informés de l'approche d'une forte avant-garde à Châteaubriant, craignant d'être pris entre deux feux, s'étaient dépêchés de lever le siège (ERCKM.-CHATR., Hist. paysan, t. 2, 1870 p. 242).
Au fig. Force est bientôt aux amoureux de passer au pied de la terrasse sous le feu des lorgnettes et des brocards (SAINTE-BEUVE, Caus. lundi, t. 5, 1852, p. 31) :
• 25. M. des Lourdines aperçut son fils et lui fit signe de venir. Derrière, Frédéric sortait de l'écurie, avec le cheval.
Anthime, pris entre deux feux, ne put se dérober.
CHÂTEAUBRIANT, Lourdines, 1911, p. 251.
— Spécialement
♦ Feu roulant. Tir ininterrompu. Enfin, Leurs Majestés parties, le peuple, commandé par Westermann, était arrivé sous le feu roulant des Suisses qui garnissaient toutes les fenêtres (ERCKM.-CHATR., Hist. paysan, t. 2, 1870 p. 11).
Au fig. Suite ininterrompue (de quelque chose). Feu roulant de questions. Cette sorte de chasse parut, on ne peut plus divertissante, et ne se fit pas, comme on pense bien, sans un feu roulant de quolibets, et la plupart, assez grossiers (BOURGES, Crépusc. dieux, 1884, p. 300).
♦ Feu de salve. Tir simultané de plusieurs armes à feu. Attention, pour un feu de salve. À gauche de la meule de paille... joue... feu! (DORGELÈS, Croix de bois, 1919, p. 55).
♦ Feu de peloton. Décharge exécutée par tout un peloton. Chacun d'eux emportait une trentaine de cartouches; on exécutait des feux de file, des feux de peloton; on simulait une petite guerre (REYBAUD, J. Paturot, 1842, p. 181).
♦ Feu de file, de rang (vx). Tir d'une troupe qui tire rangée par rangée. Aussitôt je mis pied à terre, bien étonné de me trouver sain et sauf, derrière des feux de file (ERCKM.-CHATR., Hist. paysan, t. 2, 1870 p. 188).
2. [Gén. précédé d'un verbe/subst. indiquant le mouvement ou la situation dans l'espace] Combat. Ce soldat n'a pas encore vu le feu (Ac. 1835-1932). Un mois à peu près après l'ouverture de la session et après une vingtaine de dîners, il jugea sa troupe assez aguerrie pour la mener au feu (STENDHAL, L. Leuwen, t. 3, 1835, p. 219). Cependant, poltron que j'étais, mon effroi égalait ma passion : conscrit j'allais mal au feu (CHATEAUBR., Mém., t. 2, 1848, p. 22) :
• 26. Verdun, avec ses obus et ses incendies, n'avait été encore qu'un arrière inhabitable. Maintenant, c'était la zone de feu.
ROMAINS, Hommes bonne vol., 1938, p. 140.
— Loc. Aller au feu comme à la noce (Ac. 1798-1878), vx. Aller gaiement au combat. (Faire son) baptême du feu.
REM. Feutier, subst. masc., vx. Personne ayant la charge de s'occuper du chauffage des appartements d'une grande demeure. Jalade, faussaire, libéré après avoir subi huit années de travaux forcés, [était, aux Tuileries, sous Louis XVIII] feutier en chef (VIDOCQ, Vrais myst. Paris, t. 1, 1844, p. 70). La basse besogne du feutier de la grotte s'exhausse, devient sublime (HUYSMANS, Foules Lourdes, 1906, p. 39).
Prononc. et Orth. :[fø]. Ds Ac. dep. 1694. Au plur. feux. Étymol. et Hist. A. Matières en combustion 1. moyen de destruction ca 881 « bûcher » (Eulalie, 19 ds HENRY Chrestomathie, p. 3 : Enz enl fou la [Eulalia] getterent); 2e moitié Xe s. (St Léger, éd. J. Linskill, 133 : A foc, a flamma vai ardant); 2. 2e moitié Xe s. désigne les flammes figurant l'Esprit de la Pentecôte (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 476); 3. ca 1100 « étincelle » (Roland, éd. J. Bédier, 3912); 4. 1120-50 désigne le feu de l'enfer (Grant mal fist Adam, I, 6 ds T.-L.); 5. ca 1160 source de chaleur : cuisson des aliments (Eneas, 289, ibid.); 6. ca 1200 désigne la foudre (Dial. Grég., éd. W. Foerster, 352, 34); 7. 1228 « lieu où l'on fait le feu, foyer » (J. RENART, G. de Dole, éd. F. Lecoy, 43); 1260 « famille, foyer » (E. BOILEAU, Métiers, 69 ds T.-L. : se il ne tient chief d'ostel, c'est a savoir feu et leu). B. P. métaph. 1. 2e moitié Xe s. exprime l'ardeur, l'éclat du regard (Passion, 395 : tal a regard cum focs ardenz); 2. 1174-77 « chaleur, température du corps » (Renart, V, 56 ds T.-L.); ca 1223 désigne une maladie rongeant les chairs (G. DE COINCI, éd. F. Koenig, 2 Mir 22, 31 : Qui maladie avoit si grant Que feuz d'enfer ses piez ardoit); 3. exprime l'ardeur des sentiments ca 1150 la colère (Thèbes, éd. G. Raynaud de Lage, 7838); 1174-76 l'amour (G. DE PONT-STE-MAXENCE, St Thomas, 306 ds T.-L.). C. Ca 1188 désigne une source de lumière (Partonopeus de Blois, éd. J. Gildea, 4536 : Li feus de la lanterne estaint). D. 1572 « décharge de matières fulminantes » (Yver, p. 540 ds LITTRÉ : un canon qui fait faux feu). Du lat. class. « foyer où brûle un feu; famille, foyer; bûcher; réchaud » employé à l'époque imp. comme synon. de ignis qu'il finit par supplanter. Bbg. BALL (R.-V.). Nouv. dat. pour le vocab. de l'automob. Fr. mod. 1974, t. 42, p. 254. — BOUDON (P.). Rech. sémiotiques sur le lieu. Semiotica. 1973, t. 7, pp. 196-202. — BRUNEAU (Ch.). Romania. 1927, t. 53, p. 233. — CHAUTARD (É.). La Vie étrange de l'arg. Paris, 1931, p. 592. — DALBEC (L.), FOURNIER (C.), RIVARD (M.). Terminol. des aéroports. Banque Mots. 1973, n° 5, p. 81. — HEMMINGS (F.-W.-J.). Fire in Zola's fiction... Yale fr. St. 1969, n° 42, pp. 26-37. — LA LANDELLE (G. de). Le Lang. des marins. Paris, 1859, p. 369, 411. — MAT. Louis-Philippe 1951, p. 202. — Mots dans le vent. Vie Lang. 1969, p. 697. — PAULI 1921, p. 88. — QUEM. DDL t. 2 (s.v. feutier), 3, 6, 13. — RITTER (E.). Les Quatre dict. fr. B. de l'Inst. nat. genevois. 1905, t. 36, pp. 422-423. — REY (A.). La Phraséologie et son image dans les dict. de l'âge class. Mél. Imbs (P.) 1973, p. 99.
II.
⇒FEU2, FEUE, adj.
Mort. Synon. défunt.
A.— [Feu est placé devant un subst. sans déterm.; le subst. est un nom de titre, de parenté ou de pers.] Feu Madame Henriette (Ac. 1932). Sur l'invitation de Pierre Ringer, jardinier, nous nous sommes transporté dans la maison appartenant autrefois à feu M. Muller (KARR, Sous tilleuls, 1832, p. 306). Le pauvre homme se voyait déjà déchiqueté par les lions, englouti dans les sables du désert comme feu Cambyse (A. DAUDET, Tartarin de T., 1872, p. 34). Tous coffrés!... Excellence! sauf le personnage signalé, comme étant feu Camille Desmoulins (SARDOU, Rabagas, 1872, IV, 1, p. 160).
B.— [Feu est placé devant un subst. comportant un déterm. spécifique (art., poss., dém.)]
1. [Feu suit le déterm.] Les feus rois de Suède et de Danemark (Ac. 1878-1932). Ma feue mère (Ac. 1932) :
• Le feu comte d'Orgel eût trouvé sans doute que son fils faisait trop de place, dans ses invitations, au mérite personnel et à la fortune.
RADIGUET, Bal, 1923, p. 22.
— Au fig. Ancien. La première chose que firent les souverains après la prise de Paris, ce fut de s'entendre avec tous les feux bonapartistes (Mme DE CHATEAUBR., Mém. et lettres, 1847, p. 57).
— [Le subst. est un nom de chose] Chacun sait que depuis 1830 le carnaval a pris à Paris un développement prodigieux qui le rend européen et bien autrement burlesque, bien autrement animé que le feu carnaval de Venise (BALZAC, Fausse maîtr., 1841, p. 50).
2. [Feu précède le déterm.] Feu la reine (Ac. 1878); feu ma mère (Ac. 1932). Feu la mère de Madame (titre d'une pièce de Feydeau, 1908). Iras-tu inviter la princesse de Blamont-Chauvry, encore plus parente à feu ta marraine, la marquise d'Uxelles, que le duc de Lenoncourt? (BALZAC, C. Birotteau, 1837, p. 189). D'ailleurs il rejetait la responsabilité sur feu son père (JOUVE, Paulina, 1925, p. 117). Ces emprunts avaient été faits par Mme de Coantré pour payer l'arriéré de dettes de feu son mari (MONTHERL., Célibataires, 1934, p. 746).
Rem. De nos jours feu ne s'emploie que dans le discours jur. et officiel, ou par plaisanterie.
Prononc. et Orth. :[fø]. Ds Ac. dep. 1694. Jusqu'à l'arrêté ministériel du 26 février 1901, l'adj. s'accorde avec le nom qui suit quand il garde sa valeur d'épithète c'est-à-dire quand il est précédé d'un adj. poss. ou d'un article : ma feue sœur, la feue souveraine. Dans les autres cas il est inv. pouvant être considéré comme un simple préf. : feu la reine. Depuis l'arrêté on fait l'accord dans tous les cas. Étymol. et Hist. 2e moitié XIe s. malfeüz « [qui a une mauvaise destinée], malheureux » (Alexis, éd. Chr. Storey, 616); 1172 « [qui a accompli sa destinée], mort » (CHR. DE TROYES, Chevalier Lion, éd. M. Roques, 5666 : Et cil gist pres come feüz); 1178 (Renart, éd. M. Roques, 3495 : Mais l'en m'apele feu Renart). D'un lat. vulg. fatutus « qui a telle destinée », dér. du class. fatum « destin ».
STAT. — Feu1 et 2. Fréq. abs. littér. :18 062. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 26 053, b) 30 960; XXe s. : a) 25 536, b) 22 637.
BBG. — GRUNDT (L.O.). Ét. sur l'adj. invarié en fr. Bergen-Oslo — Tromsø, 1972, p. 72.
1. feu [fø] n. m.
ÉTYM. XIIe; fou, IXe; du lat. focus « foyer, feu ».
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1 Dégagement d'énergie calorifique et de lumière accompagnant la combustion vive. ⇒ Calcination, consomption, crémation, ignition, incandescence; flamme. || Relatif au feu. ⇒ Pyrique, préf. pyro-; igni-.
♦ ☑ (Fin XVIe). Loc. Prendre feu. ⇒ Brûler, flamber, enflammer (s'). — ☑ (1663). Mettre le feu à qqch. ⇒ Brûler, calciner, consumer, embraser, enflammer. — Qui résiste au feu. ⇒ Apyre, ininflammable.
♦ ☑ En feu : en train de brûler. || Matière en feu. ⇒ Ardent, brûlant, embrasé, enflammé, igné, ignescent, incandescent. || Morceau de bois en feu. ⇒ Braise, charbon (ardent), tison. || La maison était en feu. || Mettre en feu : brûler, incendier.
♦ De feu : formé avec du feu. || Fleuve de feu. || Cracheur de feu. — Voir ci-dessous d'autres emplois.
♦ Découverte du feu par l'homme. || Production du feu par frottement, sciage, giration, percussion. || Faire jaillir le feu d'un caillou (cit. 5), d'un silex. ⇒ Étincelle. || Pierre à feu. || Faire feu : produire des étincelles en s'entrechoquant.
1 Je ne sais quoi plus vif et plus mobile encor
Que le feu : car enfin, si le bois fait la flamme,
La flamme, en s'épurant, peut-elle pas de l'âme
Nous donner quelque idée ? (…)
La Fontaine, Fables, IX, « Deux rats… ».
2 (…) nous ne connaissons d'autres moyens de produire du feu que par le choc ou le frottement des corps; car le feu que nous produisons par la réunion des rayons de la lumière ou par l'application du feu déjà produit à des matières combustibles, n'a-t-il pas néanmoins la même origine, à laquelle il faudra toujours remonter, puisqu'en supposant l'homme sans miroirs ardents et sans feu actuel, il n'aura d'autres moyens de produire le feu qu'en frottant ou choquant des corps solides les uns contre les autres ?
Buffon, Introd. à l'hist. des minéraux, Œ., t. IX, p. 5.
3 L'homme est le seul animal qui fasse du feu, ce qui lui a donné l'empire du monde.
Rivarol, Notes, pensées et maximes, t. II, p. 20.
3.1 Et Jean, en voyant dans la nuit ce petit monde de lumière, n'y reconnaissant pas pourtant la lumière du jour, plus belle, plus froide aussi peut-être, reconnaissait bien dans cette lueur plus humaine, pleine de bien-être, bornée, sans poésie, pleine de pitié, d'utilité, faite pour protéger, la lumière créée par l'homme, l'art qu'il a tiré de lui et qui lui ressemble, qui éclaire un monde qui n'est pas celui de la nature, d'une lumière qui n'est pas elle, — le feu.
Proust, Jean Santeuil.
♦ ☑ (1793, in D. D. L.). Loc. Faire feu des quatre fers, des quatre pieds, (vx) des quatre pattes.
3.2 (…) ces hommes (…) qui, avant le troisième service, avaient lâché la bride à tous les propos et fait feu des quatre pieds dans leurs assiettes.
Barbey d'Aurevilly, les Diaboliques, « À un dîner d'athées ».
♦ ☑ Mettre le feu aux étoupes (cit. 2).
♦ ☑ (1865). Loc. Craindre, redouter qqch. comme le feu : craindre extrêmement.
♦ Spécialt. a Le feu, objet de culte (cit. 6). || Adorateur du feu. ⇒ Ignicole. || Sacrifices au feu. || Héphaïstos, Vulcain, dieu du feu chez les Grecs et les Romains. || Prométhée déroba le feu à Zeus. || Mythes de l'origine divine du feu.
4 Les anciens, admirant le feu, ont cru que c'était un trésor céleste que l'homme avait dérobé aux dieux (…)
Fénelon, Traité de l'existence de Dieu, I, 2.
4.1 Les Aryas nommèrent donc, non pas chaleur, mais feu (agni), le principe réel auquel ils rapportèrent tous les mouvements des corps inanimés.
Émile Burnouf, la Science des religions, p. 196.
b Le feu, symbole de l'âme, de Dieu, de la vie, de la connaissance. || La colonne de feu qui conduisit Moïse pendant l'exode. || Le buisson en feu qui apparut à Moïse. ⇒ Ardent; → Brûler, cit. 35. || Les langues de feu de la Pentecôte. — Glaive de feu, épée de feu de l'ange exterminateur (→ Ange, cit. 8; chérubin, cit. 1). — Lettres de feu, ligne de feu, paroles de feu, en parlant des paroles des Prophètes, etc. — ☑ Fig., littér. Cela s'est inscrit en lettres de feu dans sa mémoire.
5 Chefs-d'œuvre de haute raillerie, ses traits se sont inscrits en lignes de feu sur la chair de l'hypocrite et du faux dévot.
Renan, Vie de Jésus, XX, Œ. compl., t. IV, p. 293.
6 (…) on dirait que les lettres de feu gravées par les prophètes et les apôtres n'ont plus de sens, et que la détresse, prévue par l'Apocalypse, ne doit être qu'un mythe littéraire.
Daniel-Rops, le Monde sans âme, p. 181.
c Le feu, dans l'ancienne chimie. || Feu élémentaire. || Les anciens considéraient le feu comme une matière, l'un des quatre éléments. ⇒ Élément (cit. 10 et 11). || Exalter (cit. 7 et 8) l'élément du feu. || Principe du feu. ⇒ Phlogistique.
7 En tant que matière, le feu fut regardé par (…) la plupart des philosophes grecs comme l'un des quatre éléments (…) La notion du feu, celle des matières combustibles, celle des esprits volatils, nos vapeurs et nos gaz d'aujourd'hui, furent ainsi associés (…) jusqu'au XVIIIe siècle. C'est à ce moment que s'éleva le système de phlogistique de Stahl (…) Cette théorie fut renversée de fond en comble par Lavoisier (…) le feu envisagé autrefois comme une substance matérielle, douée d'une existence propre, est devenu pour la science moderne un pur phénomène (…)
♦ Astrol. || Signes de feu : le Bélier, le Lion, le Sagittaire… ⇒ Zodiaque.
♦ ☑ Loc. fig. (1690). C'est le feu et l'eau, se dit de deux choses opposées, de deux personnes de caractères incompatibles (→ Assortiment, cit. 5).
➪ tableau Principales interjections.
d Étincelle électrique, feu ou matière enflammée, dans la nature. || Le feu du ciel, le feu céleste. ⇒ Foudre, météore. || Boule de feu, déluge (cit. 9) de feu. — Feu de Dieu !, juron.
8 Feu de Dieu, ma bonne fille, vous allez vous mettre marchande !
Colette, la Naissance du jour, p. 199.
♦ (1690). Anciennt. || Le feu central : foyer de matières incandescentes qu'on croyait exister au centre de la terre (→ Écorce, cit. 6). || Feux souterrains : ancienne interprétation des phénomènes volcaniques. || Feux vomis par un volcan. ⇒ Fumerolle, lave. || Lave qui coule en ruisseaux de feu. || Ceinture de feu du Pacifique. — Mythol. || Dragon qui vomit, crache, jette, lance feu et flammes. — Par ext. Fig. || Cheval qui jette le feu par les naseaux (→ Étalon). — ☑ (1930). Péter (cit. 2) du feu, le feu.
9 (…) il (l'homme) aura saisi la flamme des volcans, ou profité du feu de leurs laves brûlantes pour le communiquer.
Buffon, Époques de la nature, VIIe époque.
♦ ☑ Loc. Feu grisou. — ☑ (1690). Feu follet (→ Conjuration, cit. 9). ⇒ Flammerole, furole. — ☑ Feu Saint-Elme : étincelle due à l'électricité atmosphérique qui se forme parfois à l'extrémité des mâts, des vergues d'un navire.
10 Paris cuisait au feu d'un dimanche d'août. Aucun bruit ne montait de la rue.
Martin du Gard, les Thibault, t. III, p. 9.
2 (1080). Ensemble de matières rassemblées et allumées, pour produire de la chaleur, ou dans un but symbolique. ⇒ Foyer. || Allumer un feu. || Faire un feu, du feu, le feu (→ Broche, cit. 1). || Animer (cit. 15), ranimer, raviver un feu. || Jeter de l'huile sur le feu. || Rallumer un feu éteint. || Attiser le feu avec un fourgon. ⇒ Attiser (cit. 1, 2), fourgonner. ☑ Souffler sur le feu. ⇒ Soufflet. || Couvrir, éteindre le feu. || Vent qui éteint le feu (→ Absence, cit. 5, 6). || Feu qui couve (cit. 9). || Feu sous la cendre (cit. 3 et, fig., cit. 5, 6). — Feu doux; feu vif, ardent (cit. 10), clair. || Faire un grand feu. — (1627). || Feu d'enfer : feu très vif. ⇒ Brasier, fournaise. || Feu de courte durée. ⇒ Flambée. || Feu qui brille, crépite, pétille, danse (cit. 12). || Les flammes, la fumée du feu. — ☑ Prov. Il n'y a pas de fumée sans feu, pas d'effet sans cause. — Feu de bois (→ Cèdre, cit. 1), de branchages (cit. 3), de chènevottes (cit. 1). || Feu de braises (⇒ Braise; brasero). || Feu de bruyères. ⇒ Régalade. || Feu de charbon, de boulets, de tourbe. || Feu de papiers, d'herbes sèches. || Tomber dans le feu. || Mettre des bûches, des fagots dans le feu.
11 Un grand feu pétillait, clair, dans la cheminée,
Toute la vieille chambre était illuminée (…)
Rimbaud, Poésies, I, IV.
12 C'était un de ces beaux feux d'hiver qui semblent jaillir de la terre. Ils prennent l'âtre par le centre, tordent leurs branches et tout à coup élèvent leur flamme maîtresse, d'un jet vif, vers le cœur de la cheminée. Alors la colonne d'air tourbillonne et un train de fumée et d'étincelles part en grondant à travers le canon, dans le noir, vers le ciel (…)
H. Bosco, Hyacinthe, p. 104.
♦ ☑ Loc. fig. Feu de paille : sentiment violent et passager.
13 Mon amour est un feu de paille
Qui luit et meurt en un instant.
14 Mais la petite Fadette, voyant qu'il s'était donné à elle si entièrement et si subitement, avait peur que ce ne fût feu de paille (…)
G. Sand, la Petite Fadette, XXV.
♦ ☑ Faire feu qui dure : ménager son bien, sa santé.
15 Qui veut voyager loin ménage sa monture.
Buvez, mangez, dormez, et faisons feu qui dure.
Racine, les Plaideurs, I, 1.
♦ ☑ Faire feu de tout bois : employer tous les arguments.
16 (…) je ne vous tiendrai pas quitte, que vous n'ayez épuisé votre science et votre logique, fait feu de tous vos arguments.
Gide, Corydon, 3e dialogue, I.
♦ ☑ Loc. prov. Le bois tordu fait le feu droit. — ☑ Faute de bois (cit. 39) le feu s'éteint.
♦ Faire du feu de quelque chose; jeter au feu. ⇒ Détruire.
17 J'avais déjà commencé une tragédie; je l'ai jetée au feu (…)
Voltaire, Défense de mon oncle, XX.
♦ ☑ Loc. fig. Jouer avec le feu : jouer avec le danger, se montrer imprudent. ⇒ Dangereux; hasarder (se), risquer.
18 (…) mais, comme tous ceux qui jouent avec le feu, ce fut lui qui se brûla.
Balzac, Modeste Mignon, Pl., t. 1, p. 539.
19 Quand elle dormait ainsi, sa tête appuyée contre un de mes bras, je me penchais sur elle, pour voir son visage entouré de flammes. C'était jouer avec le feu.
R. Radiguet, le Diable au corps, p. 60.
♦ ☑ Loc. Mettre à qqn le feu sous le ventre (vieilli), au cul, au derrière, le presser d'agir.
♦ S'installer près d'un feu, près, auprès du feu (→ Arranger, cit. 17). || Se chauffer, se sécher devant le feu (→ Camaraderie, cit. 3). — ☑ Loc. prov. Le dos au feu, le ventre à table. — Montrer, présenter une chose au feu, pour la chauffer, la faire sécher. || Mettre les fers au feu. || Faire fondre de la cire, des aromates (cit. 2) au feu. || Odeur des substances soumises à un feu violent. ⇒ Empyreume.
20 Le feu, dit-on, fait compagnie; c'est qu'il fait réfléchir. En physique surtout, il n'est pas de spectacle plus inspirateur. L'attitude, le silence, le lieu, et l'espèce de rêverie où l'on est toujours quand on se chauffe, contribuent à donner à l'esprit plus d'attention et d'activité. Le foyer est un Pinde, et les Muses y sont.
Joseph Joubert, Pensées, XIII, XX.
21 Le dos au feu, le ventre à table, l'idéal de Béranger et de M. Prudhomme.
Valery Larbaud, Barnabooth, Journal, p. 308.
♦ Spécialt. a Source de chaleur (à l'origine, foyer enflammé) dans la transformation des aliments, etc. || Mettre un plat sur le feu. || La soupe est sur le feu, au feu. ⇒ Cuire (→ Bouillotte, cit. 2; coquemar, cit. 1). || Cuire à feu doux, à petit feu, à grand feu, à feu vif. || Mettre le pot au feu. ⇒ Pot-au-feu. || Plat qui va au feu, qui résiste à la chaleur. || Faire griller, rôtir une viande au feu d'enfer, à grand feu.
22 Le feu une fois connu, l'instinct de perfectionnement fit qu'on en approcha les viandes, d'abord pour les sécher, et ensuite on les mit sur des charbons pour les cuire (…) La cuisine fit de grands progrès quand on eut (…) des vases qui résistèrent au feu. On put assaisonner les viandes, faire cuire les légumes; on eut du bouillon, du jus, des gelées (…)
A. Brillat-Savarin, Physiologie du goût, t. II, p. 83, 87.
23 Le dessus, grillé à grand feu, et qui enveloppe la pulpe comme la croûte d'un gâteau.
J. Romains, les Hommes de volonté, t. IV, VI, p. 44.
24 Elle avait préparé un excellent ragoût de tripes qui mijotait à feu doux sur un poêle à charbon de bois.
P. Mac Orlan, la Bandera, XX.
24.1 Il faisait revenir des pommes de terre. Il mit le petit feu sous la casserole.
R. Queneau, Pierrot mon ami, L. de Poche, p. 90.
♦ ☑ Loc. Coup de feu : action vive du feu. || Rôti qui a reçu un coup de feu, qui est un peu brûlé. ⇒ Brûler, roussir. — (1835). || Le cuisinier est dans son coup de feu, au moment où tout est en train de cuire. — Fig. || Coup de feu : moment de presse où l'on doit déployer une grande activité.
24.2 La cuisinière Marie rompait les traditions du métier de bouche où résonnent les imprécations du coup de feu (…) Marie menait sa besogne de fourneau comme du tricot ou de la prière, avec une si grande douceur (…)
Pierre Hamp, la Peine des hommes (Moteurs), p. 277.
♦ ☑ Loc. fig. (1843). Sur le feu : en préparation.
24.3 Mais ce qui me chiffonne l'âme, c'est qu'il y a un mariage sur le feu (…) qui se mitonne.
Dupenty et Cormon, les Cuisines parisiennes, II, IX in, D. D. L., II, 6.
♦ Faire griller des marrons au feu. — ☑ Loc. Tirer les marrons du feu (cf. La Fontaine, Fables, IX, 17).
♦ Par ext. Foyer d'une cuisinière, d'un réchaud. || Cuisinière électrique, réchaud à gaz à deux, à trois feux.
b (1273). Par métonymie. Lieu où l'on fait habituellement du feu. ⇒ Âtre, cheminée, foyer (→ Cuisine, cit. 2). || Le coin du feu. ⇒ Coin (cit. 4, 5 et supra). ☑ Fig. Un sédentaire qui reste au coin du feu, de son feu.
25 Quand vous serez bien vieille, au soir à la chandelle,
Assise auprès du feu, dévidant et filant (…)
Ronsard, Sonnets pour Hélène, Second livre, XLII.
26 Que l'artisan ne puisse transmettre à ses enfants la cabane qu'il a bâtie et où ils sont nés (…) s'ils n'ont pas toujours vécu avec lui sous le même toit, au même feu, et à la même table (…)
Voltaire, Mélanges littéraires, Lett. bénédict. Fr.-Comté.
♦ Régional (Belgique). || Feu ouvert : foyer d'intérieur, ouvert, où l'on brûle des bûches. || « Quand le feu ouvert vous offre des calories supplémentaires sans rien perdre de son charme » (le Soir, 14 oct. 1978).
♦ (1690). Vieilli. || Garniture de feu, et, absolt, Feu : ensemble de ce qui sert à entretenir le feu et garnit la cheminée. ⇒ Chenet, pelle, pincette…
27 Il me faut un feu doré; que la grille en soit très grosse; j'aime le grand feu préférablement à toute autre délicatesse.
Mme de Maintenon, Lettre à d'Aubigné, 10 févr. 1681.
c (V. 1280). Vieilli. Lieu où l'on habite. ⇒ Foyer, maison. — ☑ Loc. mod. (Déb. XVIIe). N'avoir ni feu ni lieu : ne pas avoir de domicile fixe. ⇒ Vagabond; → Bandit, cit. 1.
28 Nous, dit-il en riant vers Mathieu d'un air complice, on n'a personne à ménager, on est sans feu ni lieu. Sans foi ni loi. On passe : vous autres, vous restez et nous, on passe, on s'en va, on est des oiseaux de passage, des romanichels.
Sartre, la Mort dans l'âme, p. 131.
♦ Famille (dans un village). ⇒ Foyer; ménage. || Dénombrement (cit. 3) des feux. || Hameau de cinquante feux. || Impôt réparti par feu. ⇒ Fouage (vx).
28.1 (…) Les Omergues, un petit hameau de vingt feux sur la grande-route (…)
J. Giono, le Hussard sur le toit, p. 39.
29 Quelqu'un l'arrêta (l'empereur) en lui montrant l'arrière-garde ennemie entre lui et la ville, et derrière, les feux d'une armée de cinquante mille hommes.
Ph. P. Ségur, Hist. de Napoléon, VII, 13.
e Feux symboliques. || Feu sacré, entretenu par les Vestales (→ Ardent, cit. 1). || L'autel (cit. 8 à 10) du feu sacré. — ☑ Loc. fig. Feu sacré. ⇒ Ardeur, enthousiasme. || Il travaille sans plaisir et n'a pas le feu sacré. || Le feu sacré qui brûle son âme. → Creuset, cit. 5. || Feu sacré d'un poète. ⇒ Inspiration.
30 Oui, voilà bien la Jeunesse, qui ne doute de rien ! le feu sacré ! les illusions ! Du premier coup, l'on se croit arrivé !
Villiers de L'Isle-Adam, Contes cruels, « Deux augures ».
31 (Talleyrand) encourageait des dispositions précieuses, prisant l'allant de ce « gamin » (Thiers), son « feu sacré » et pensant les utiliser.
Louis Madelin, Talleyrand, V, XXXVI.
♦ Liturgie rom. || Feu nouveau : feu symbolique, allumé dans les églises la veille de Pâques. || Bénédiction du feu nouveau.
♦ ☑ (1414). Feu de joie : feu allumé en signe de réjouissance à l'occasion d'une fête (→ Effusion, cit. 2). — ☑ (1680). Feux de la Saint-Jean, allumés pour fêter l'entrée du Soleil dans le solstice d'été. — ☑ (XXe). Feu de camp : feu allumé dans un camp de scouts, etc., et autour duquel on se réunit pour chanter, jouer des saynètes. Par ext. Veillée récréative. || Organiser un feu de camp.
32 (Il) se hâta (…) de s'approcher du feu de joie qui brûlait magnifiquement au milieu de la place. Mais une foule considérable faisait cercle à l'entour. Dans un vaste espace laissé libre entre la foule et le feu, une jeune fille dansait (…) le feu de joie l'éclairait d'une lumière crue et rouge qui tremblait toute vive sur le cercle des visages de la foule (…)
Hugo, Notre-Dame de Paris, I, II, III.
33 (…) et la montagne espagnole, là-bas, semblait ce soir-là brûler comme une gerbe de paille, tant il y en avait de ces feux de joie, allumés sur ses flancs.
Loti, Ramuntcho, XXIII.
3 (1398). Techn. et cour. a Chaleur; source de la chaleur dans les opérations techniques. — (1890). || Faïence de grand feu : faïence cuite à très haute température. || Poterie de petit feu. — Défaut de feu, dû à l'excès de cuisson (syn. : coup de feu). || Argile (cit. 1) réfractaire au feu. || Terre à feu. — Éprouver (cit. 2), épurer un métal par le feu, au feu. → Consumer, cit. 1. — Feu nu, qui chauffe directement, par oppos. à feu de réverbère, qui chauffe par réverbération. — Feu de forge. || Four au feu de bois (→ Cuire, cit. 5). || Mise à feu, hors feu d'un haut fourneau : action d'allumer, d'éteindre un haut fourneau. || Entretenir un feu de forge, le feu d'une chaudière. ⇒ Chauffe, chauffeur. || Boîte à feu. — Chaudière à feu continu. || Usines fonctionnant à feu continu. — ☑ Mar. (anciennt). Pousser les feux : activer la chauffe (en vue de l'appareillage). ☑ Mettre bas les feux, les éteindre. — Vx. || Pompe à feu : pompe mue par une machine à vapeur.
♦ (XXe). || Les arts du feu. ⇒ Céramique, émail, porcelaine, verre.
33.1 L'innovation principale intéresse toutefois le maniement du feu et c'est autour des « arts du feu » que se cristallise le progrès technique. Le départ se situe très loin en arrière car la connaissance accidentelle de la cuisson des argiles était accessible aux Paléolithiques.
A. Leroi-Gourhan, le Geste et la Parole, t. I, p. 241.
4 (Av. 1654). Méd. Métal rougi servant à cautériser. ⇒ Cautère, fer (rouge). || Appliquer le feu à une plaie. — ☑ Loc. Pointe de feu.
5 (1690). Ce qui sert à faire, à produire du feu. || Avez-vous du feu sur vous ? ⇒ Allumette, briquet. || Offrir du feu. || Demander du feu. || J'ai des cigarettes, mais pas de feu.
34 — Je voudrais une cigarette. Mathieu prit le paquet de Gold Flake dans sa poche et le lui tendit. — Je vais vous donner du feu. — Merci, je préfère l'allumer moi-même.
Sartre, l'Âge de raison, IV, p. 64.
6 (1213). Foyer destructeur, allumé involontairement ou criminellement. ⇒ Embrasement, incendie; brasier, fournaise; → Aile, cit. 14. || Le feu a pris, a gagné, s'est propagé. || Le feu s'y est mis. || Maison, dépôt (cit. 10) de carburants qui prend feu. || Après l'accident, la voiture prit feu. || Le feu dura plusieurs jours. || Un seul quartier de la ville a échappé au feu. || Feu de forêt (→ Brande, cit. 2). || Bois endommagés par le feu. ⇒ Arsin. || Champs essartés (cit.) par le feu.
35 — Vous voyez, Paris brûle (…) La lueur rouge, qui incendiait le ciel, grandissait toujours (…) Maintenant, toute la ligne de l'horizon était en feu; mais, par endroits, on distinguait des foyers plus intenses, des gerbes d'un pourpre vif, dont le jaillissement continu rayait les ténèbres, au milieu de grandes fumées volantes. Et l'on aurait dit que les incendies marchaient (…) que la terre elle-même allait flamber, embrasée par ce colossal bûcher de Paris (…) Le feu a dû être mis dans les beaux quartiers, et ça gagne, ça gagne (…) Regardez-donc ! à droite, voilà un autre incendie qui se déclare ! On aperçoit les flammes, tout un bouillonnement de flammes, d'où monte une vapeur ardente (…)
Zola, la Débâcle, t. II, p. 279.
♦ Le feu est à la maison; il y a le feu. — ☑ (XXe). Fig. Le feu n'est pas à la maison, ou (plus cour.) il n'y a pas (y a pas) le feu : rien ne presse, ce n'est pas urgent, soyez patient. — ☑ (1690). Fam. Avoir le feu au derrière, le feu au cul : fuir, se hâter, agir avec précipitation. ⇒ Courir.
36 Ils foutaient le camp, les messieurs aux visages poncés, massés, les enfants gras, les belles madames, ils avaient le feu au cul, ils foutaient le camp (…)
Sartre, le Sursis, p. 91.
♦ Mettre le feu au bâtiment. ⇒ Incendier; incendiaire. — ☑ Fig., littér. Mettre le feu : porter le trouble, soulever les passions.
37 Ce sont eux (les capucins) qui ont mis le feu à la maison par leurs remèdes violents (…)
Mme de Sévigné, 953, 14 févr. 1685.
38 En France, on laisse en repos ceux qui mettent le feu, et on persécute ceux qui sonnent le tocsin.
Chamfort, Maximes et Pensées, XIX.
♦ Défense, protection contre le feu. ⇒ Pompier; lance, pare-feu, pompe. || Éteindre le feu à l'aide d'un extincteur; noyer un feu (→ Essai, cit. 14). — ☑ (1690). Crier au feu, pour alerter, appeler au secours. — ☑ (XVe). Au feu ! ☑ On y court comme au feu, avec empressement (→ Courir, cit. 13).
38.1 Je rêve que j'entends crier au feu; je me réveille et j'entends que l'on crie au feu.
Alain, les Songes, I, in les Passions et la Sagesse, p. 39.
39 J'écris ceci en m'efforçant de ne pas y croire; préférant crier « au feu » avant que la maison ne brûle et pour, s'il se peut, l'empêcher de brûler.
Gide, Journal, 9 janv. 1948.
♦ ☑ Loc. Les soldats du feu : les pompiers.
♦ Circonscrire le feu, pour l'empêcher de se propager. — ☑ Fig. Faire la part du feu : se résigner à perdre ce qui ne peut plus être sauvé pour préserver le reste. ⇒ Abandonner, sacrifier.
40 Il est beau de se sacrifier : quelques-uns meurent pour que les autres soient sauvés. On fait la part du feu dans l'incendie.
Saint-Exupéry, Pilote de guerre, p. 93.
♦ Feu de brousse : incendie (accidentel ou allumé volontairement) dans la végétation arbustive sèche de la brousse africaine.
40.1 Qui dira la chanson du feu de brousse ? Il est ici et là (…) Il ne tient pas en place. Il dévore les solitudes, en un instant. Il va, d'herbe en herbe, par bonds pétillants.
René Maran, Batouala, in Pages africaines, I.
♦ (1690). || Feu de cheminée : embrasement de la suie accumulée dans la cheminée.
41 (…) Ça, monsieur, lorsque vous pétunez,
La vapeur du tabac vous sort-elle du nez
Sans qu'un voisin ne crie au feu de cheminée ?
Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac, I, 4.
♦ ☑ Loc. fig. (1530). À feu et à sang. || Mettre un pays à feu et à sang. ⇒ Ravager, saccager. — Conquérir un pays par le fer et par le feu. ⇒ Violence. — L'Europe entière était en feu. ⇒ Guerre, révolution.
42 Il ne s'agissait de rien moins que d'allumer le feu de la guerre civile.
Bossuet, Hist. des variations…, X.
7 (IXe). Supplice du bûcher. ⇒ Autodafé (cit. 3); → Ardent, cit. 12. || Condamner (cit. 6) au feu. ⇒ Brûler (cit. 4). || Le tribunal de l'Inquisition envoyait les hérétiques au feu. || Supplice du feu. — ☑ À petit feu. || Brûler qqn à petit feu (→ Cérémonie, cit. 4). — Fig. || Le chagrin, l'inquiétude le font mourir à petit feu, lentement et cruellement. ⇒ Brûler (cit. 6).
43 On reprochera toujours à la mémoire du cardinal de Richelieu la mort de ce fameux curé de Loudun, Urbain Grandier, condamné au feu comme magicien par une commission du conseil.
Voltaire, le Siècle de Louis XIV, II.
44 (…) l'Université déclara coupable et envoya au feu celle (Jeanne d'Arc) qui représentait le parti d'Orléans (…)
J. Bainville, Hist. de France, VI, p. 116.
♦ ☑ Fig. Il se jetterait dans le feu pour lui : son dévouement pour lui n'a pas de bornes.
♦ Anciennt. || Épreuve du feu, par le feu. — ☑ Loc. fig. (Av. 1549). Mod. J'en mettrais ma main au feu : j'en ai la conviction, j'en jurerais. ⇒ Affirmer (→ J'en donnerais ma tête à couper).
45 Elle n'y regardera pas ? — J'en mets ma main au feu.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. II, V, p. 49.
♦ Par anal. || Le feu de l'enfer (⇒ Enfer), le feu éternel (→ Maudire, cit. 9). Le feu du purgatoire.
45.1 (…) j'étais moins indulgent pour le monde que je plaçais tout bonnement dans la voie large qui mène au feu éternel.
J. Green, Journal, Vers l'invisible, 13 avr. 1958, p. 24.
———
II Combustion amenant une déflagration.
1 ☑ (1690). Mettre le feu aux poudres, en approchant une mèche allumée de la poudre. ⇒ Boutefeu. — Fig. Déclencher des incidents, des événements violents, provoquer l'explosion des sentiments violents.
45.2 Deux nations sur les confins de la Mongolie se disputent pour des raisons impénétrables aux Européens (…) elles vont entrer dans une guerre qui mettra le feu aux poudres dans tout l'Extrême-Orient (…)
A. Artaud, Scénarii, in Œ. compl., t. III, p. 16.
♦ Mettre le feu à un canon, à une mine. || Mise à feu d'un canon. || Cordon tire-feu (⇒ Tire-feu).
♦ Coup (cit. 29) de feu. ⇒ Décharge, détonation (d'une matière fulminante dans une arme); → Éclater, cit. 5. || Entendre un coup de feu, des coups de feu nombreux (⇒ Fusillade).
2 Loc. a (1690). || Arme à feu : arme lançant un projectile par l'explosion d'une matière fulminante (spécialt, une telle arme individuelle : fusil, pistolet, revolver). → Amorce, cit. 5. ⇒ Arquebuse (et arquebuserie, vx), canon, fusil, mitraillette, mitrailleuse, mortier, pistolet, revolver (⇒ Arme). || Culasse, canon, platine, d'une arme à feu. — Pot à feu. || Bouche à feu.
b (1826). || Faire long feu, se dit d'une cartouche dont l'amorce brûle trop lentement, de sorte que le coup ne part pas ou manque son but. — ☑ Fig. Faire long feu : ne pas atteindre son but. ⇒ Échouer. || Ce projet a fait long feu, on n'en parle plus. || Cette farce a fait long feu, elle ne produit plus son effet, elle ne prend plus.
46 (…) mon pistolet avait fait long feu (…)
A. de Vigny, Cinq-Mars, IX, t. I, p. 302.
47 M. de Loménie de Méjouls aimait à se déculotter en public. Comme ça. C'était une plaisanterie de gamin qui avait fait long feu.
Aragon, les Beaux Quartiers, p. 30.
♦ ☑ (1892, in D. D. L.). Fig. Ne pas faire long feu : ne pas durer longtemps. || Leur association n'a pas fait long feu. || Je n'y ferai pas long feu : je n'y resterai pas.
REM. Cette locution peut être considérée soit comme dérivée de la précédente par confusion sur le sens de feu, la métaphore portant alors sur la brièveté de la flamme, soit comme issue d'une autre métaphore, portant sur un foyer allumé pour peu de temps.
48 Ah ! par exemple, si tu n'habitais plus ici, je n'y ferais pas long feu !
49 Quand j'ai vu arriver l'autre, ah ! la pauvre ! je savais bien qu'elle ne ferait pas long feu !
F. Mauriac, Genitrix, X.
3 (1680). Tir d'armes à feu; combat où l'on tire. || Commander le feu. || Ouvrir, commencer le feu sur un objectif : commencer à tirer. || Faire feu (sur qqn, un objectif). ⇒ Tirer. — Feu !, commandement militaire. || Cessez le feu. ⇒ Cessez-le-feu. — Mar. || Faire feu des deux bords. — Feu de file, de peloton, de salve. || Feu dense, nourri; feu continu (cit. 4), intermittent. || Feu roulant. || Arrêter (cit. 6) l'ennemi sous un feu meurtrier. || Concentrer, disperser le feu. || Feux convergents, croisés. || Feu rasant. || Essuyer le feu, être sous le feu de l'ennemi. || Courage sous le feu (→ Cruauté, cit. 13). || Les feux couvrent (cit. 13) le terrain. || Barrière, ligne de feu (→ Ennemi, cit. 20). || Appui de feu. || Puissance de feu d'un char d'assaut, d'un avion.
50 Quarante-trois insurgés (…) étaient agenouillés dans la grande barricade, les têtes à fleur de la crête du barrage, les canons des fusils et des carabines braqués sur les pavés comme à des meurtrières, attentifs, muets, prêts à faire feu (…)
Hugo, les Misérables, IV, XIV, I.
51 — Qui vive ? En même temps, on entendit le cliquetis des fusils qui s'abattent (…) — Révolution française ! — Feu ! dit la voix.
Hugo, les Misérables, IV, XIV, I.
52 La Légion rentrait après avoir installé quelques petits postes, le long de l'oued et à la sortie des défilés, de manière à prendre les crêtes sous le feu des mitrailleuses.
P. Mac Orlan, la Bandera, XV.
♦ Se trouver, être entre deux feux.
52.1 En ce moment, des coups de fusil éclatèrent sur la rive droite de l'Angara. Une pluie de balles fut dirigée sur le radeau. Les malheureux avaient-ils dont été aperçus ? Évidemment; car d'autres détonations retentirent sur la rive gauche. Les fugitifs, pris entre deux feux, devinrent le point de mire des tireurs tartares.
J. Verne, Michel Strogoff, p. 442.
♦ ☑ Fig. Être pris entre deux dangers.
♦ ☑ Fig. Un feu roulant de boutades, de plaisanteries, une suite ininterrompue. || Essuyer le feu de la raillerie, de la critique. ⇒ Attaque.
53 D'ailleurs, l'auteur qui ne sait pas se résoudre à essuyer le feu de la critique ne doit pas plus se mettre à écrire qu'un voyageur ne doit se mettre en route en comptant sur un ciel toujours serein.
Balzac, Avant-propos, Pl., t. I, p. 10.
54 C'était un feu roulant de paradoxes pratiques, d'amusantes fantaisies.
Renan, Souvenirs d'enfance…, II, III.
4 (1680). Combat, guerre. || Aller au feu. ☑ Avoir vu le feu (→ Arme, cit. 10). ☑ Baptême du feu. — Le Feu, roman de Barbusse.
54.1 C'était par goût et sentiment de race que j'étais soldat. Je n'avais jamais vu le feu, et je voulais le voir.
Barbey d'Aurevilly, les Diaboliques, « Le rideau cramoisi ».
54.2 Certains avaient perdu au feu une oreille ou la jambe.
J. Giraudoux, Juliette au pays des hommes, p. 102.
54.3 Le feu de Pierrot m'est tombé le premier sous la pogne. Il tonnait comme un mortier; j'ai passé tout le chargeur, les neuf balles coup par coup (…)
Albert Simonin, Touchez pas au grisbi, p. 71.
6 ☑ (1671). Feu d'artifice. || Le bouquet d'un feu d'artifice. — Par métaphore et figuré :
55 (…) Raoul tirait en ce moment un véritable feu d'artifice; il était (…) au milieu de ses épigrammes qui partaient comme des fusées, de ses accusations enroulées et déroulées comme des soleils, des flamboyants portraits qu'il dessinait en traits de feu (…)
Balzac, Une fille d'Ève, Pl., t. II, p. 93.
56 C'est le travail qui importe. Sans travail, le talent n'est qu'un feu d'artifice; ça éblouit un instant, mais il n'en reste rien.
Martin du Gard, les Thibault, t. VI, p. 93.
♦ (1872). || Feu de Bengale : composition chimique qui en s'enflammant produit une lueur colorée; cette lueur.
57 Maintenant le soleil se couche là-dessus, se couche très vite : splendeur d'un instant, feu de Bengale rose, dirait-on (…) sur la terre couleur de sanguine, et feu de Bengale vert sous les arbres (…)
Loti, l'Inde (sans les Anglais), III, III, p. 68.
♦ (XIIe). || Feu grégeois : mélange ayant la propriété de brûler à la surface de l'eau.
58 Avec une corde à nœuds, il grimpait aux murs des citadelles, la nuit, balancé par l'ouragan, pendant que les flammèches du feu grégeois se collaient à sa cuirasse (…)
Flaubert, la Légende de saint Julien l'Hospitalier, II.
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III
1 (Fin XVIe). Flamme, incandescence fournissant de la lumière. — Par ext. Source de lumière. ⇒ Éclairage, lumière; brandon, flambeau, lampe, torche. || Feu qui éclaire, éblouit (cit. 3). || Clarté, puissance d'un feu. || Les feux de la ville. || Feux des réverbères (→ Couple, cit. 4). || Scintillation, scintillement d'un feu. || Les feux de la rampe, au théâtre. || Feux utilisés pour la pêche. ⇒ Lamparo. || Feux masqués. ⇒ Black-out.
59 Lampes, cierges, flambeaux, jettent leurs feux tremblants
Sur les murs (…)
Leconte de Lisle, Poèmes tragiques, « Lévrier de Magnus ».
60 Bientôt le dédale des lagunes, qui est redevenu vaste comme une mer, s'emplit de feux : lanternes de pêcheurs; grandes torches pour appeler les poissons, grandes gerbes de roseaux que l'on balance continuellement afin de les maintenir en flammes.
Loti, l'Inde (sans les Anglais), III, XI, p. 111.
♦ Extinction (cit. 3) des feux.
♦ ☑ Loc. fig. Pleins feux sur (qqn, qqch.), le fait d'attirer l'attention (→ Braquer les projecteurs sur…).
♦ Spécialt et vx. || Les feux d'un acteur : gratification qu'il recevait en plus des appointements fixes.
2 (1680). Signal lumineux (aujourd'hui électrique) destiné à déterminer l'emplacement d'un véhicule la nuit. || Les feux réglementaires d'un navire. || Feux de route. || Feux de côté : feu vert de tribord, feu rouge de bâbord. || Feu de tête de mât, feu de poupe. || Feu de mouillage. || Masquer les feux. || Naviguer tous feux éteints, tous feux masqués (en temps de guerre…). — Les feux d'un avion. — (1896, in D. D. L.). || Feux d'une automobile. ⇒ Code, lanterne, phare. || Feu arrière, feu rouge. || Feu de position, de stationnement. || Feu clignotant. || Allumer, éteindre ses feux. || Feux de croisement, de route. — Les feux d'une bicyclette, d'un deux-roues.
60.1 Deux grosses lanternes avaient été fixées au côté gauche du siège de l'iemschik et jetaient obliquement des lueurs blafardes peu propres à éclairer la route. Mais c'étaient les feux de position du véhicule, et, s'ils dissipaient à peine l'obscurité, du moins pouvaient-ils empêcher l'abordage de quelque autre voiture courant à contre-bord.
J. Verne, Michel Strogoff, p. 133.
60.2 Loin devant lui, déjà, le feu arrière du vélo Solex.
F. Mallet-Joris, le Jeu du souterrain, p. 51.
♦ Signal lumineux destiné à guider, à réglementer le déplacement des véhicules. — Les feux de la côte (→ Écueil, cit. 2). ⇒ Phare. || Feu fixe, tournant, à éclats (réguliers), à occultations, scintillant, isophase. || Feu rythmé. || Feu à secteurs. || Feu directionnel, feu de guidage, feu de jalonnement. || Feu blanc, feu coloré. || Secteurs d'un feu. || Identifier, repérer, perdre un feu. || Bouée surmontée d'un feu. || Hauteur d'un feu au-dessus de l'eau. || Période d'un feu.
♦ ☑ Loc. Terre de feu : la Patagonie, nommée Terre des feux par Magellan (1520) à cause des nombreux feux allumés sur la côte.
♦ Feux le long d'une ligne de chemin de fer.
♦ Feux de signalisation, feux tricolores, réglementant la circulation routière. || Feu rouge : passage interdit. || Feu orange (ou jaune) : ralentir. || Feu vert : voie libre. || Brûler, griller un feu rouge. || Attendre le feu vert pour démarrer. || La première à gauche au prochain feu, aux prochains feux.
61 Assurément, il (l'automobiliste) doit obéir à des règles. Il doit observer les agents de la circulation et obtempérer à leurs ordres. Il doit s'arrêter devant les feux rouges.
G. Duhamel, Manuel du protestataire, p. 131.
61.1 Le car s'immobilisait en freinant, et toutes les têtes hochaient vers l'avant. Puis les feux redevenaient verts, et toutes les têtes hochaient vers l'arrière.
J.-M. G. Le Clézio, le Déluge, p. 233.
♦ ☑ Loc. fig. (V. 1959). Donner le feu vert (à qqch., à qqn) : autoriser (une action; qqn à agir). — Par ext. Autoriser quelque chose. || Demander, avoir, obtenir, donner le feu vert : demander, avoir, obtenir, donner toute liberté (de faire, d'agir).
61.2 Le plus curieux, c'est que sans rien reconnaître (…) bénéficiant du fait qu'une part de vérité suffit à toute fable, l'intéressée elle-même allait donner le feu vert à cette explication.
Hervé Bazin, Cri de la chouette, p. 48.
♦ Feu rouge : décision d'interdire (une action).
61.3 Le feu rouge que représentait la politique (du Brésil) pour certaines ambitions des États-Unis était en même temps un feu vert pour la politique française.
REM. La substantivation des noms des couleurs, dans ces emplois, est fréquente : passer au rouge, à l'orange; attendre le vert.
3 (1690). Bougie dont on fait usage aux audiences des criées, lors d'une adjudication. || Extinction des feux (à la fin de la vente). || Le feu des enchères (cit. 4).
♦ Poét. || Les feux du firmament, de la nuit. ⇒ Astre, étoile (→ Étoilement, cit. 1; étoiler, cit. 2). || La sphère des feux éternels. ⇒ Empyrée. || Les feux de l'aurore (cit. 7 et 15), du couchant (cit. 1). → Aspect, cit. 19. || Les feux du jour, du soleil (→ Étincelant, cit. 1).
62 Mais alors je tournoyais au dehors de l'abbaye avec les corneilles, ou je m'arrêtais à considérer les clochers, jumeaux de grandeur inégale, que le soleil couchant ensanglantait de ses feux sur la tenture noire des fumées de la Cité.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. II, p. 81.
63 Mes sœurs, l'onde est plus fraîche aux premiers feux du jour.
Hugo, Odes et Ballades, IV, III.
64 (…) de vastes portiques
Que les soleils marins teignaient de mille feux (…)
Baudelaire, les Fleurs du mal, Spleen et Idéal, La vie antérieure.
65 Une longue jonque de nuages, teinte d'un violet épais et sanguin, amarrée au ras de l'horizon, retardait seule le premier feu de l'aurore.
Colette, la Naissance du jour, p. 191.
4 ☑ Loc. fig. N'y voir que du feu : ne rien y voir (comme celui qui est ébloui) et, par ext., n'y rien comprendre. → N'y voir que du bleu. || Il s'est fait escroquer par un vendeur : il n'y a vu que du feu.
65.1 Qu'en penseraient les gens que j'y évoquais et qui constitueraient le plus gros de mon public ? Un certain nombre n'y ont vu que du feu. Ils s'y sont amusés ou ennuyés sans se sentir concernés.
S. de Beauvoir, Tout compte fait, p. 140.
5 (1668). Éclat. || Les feux d'un diamant. || Pierre qui jette des feux, mille feux. — Le feu, les feux du regard (→ Âpre, cit. 11; autorité, cit. 43; consumer, cit. 11; éteindre, cit. 29; éterniser, cit. 7).
66 (…) le bleu foncé de l'iris jetait un feu d'un éclat sauvage (…)
Balzac, le Curé de village, Pl., t. VIII, p. 641.
♦ (1660). || Couleur (cit. 17, 18) de feu (→ Cardinal, cit. 5). — Ellipt. || L'Oiseau de feu, de Stravinski. || Cheval taché de feu.
♦ Adj. || Rouge feu : rouge orangé très vif.
66.1 Qui donc aurait ce droit, Bertrand, si je vous le refusais ? Oui, Zig, un adorable basset. Un teckel, vous savez. De race très pure. Couleur feu.
Claude Mauriac, le Dîner en ville, p. 248.
➪ tableau Désignations de couleurs.
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IV (XIIIe). Fig. Ce qui est ardent, chauffe ou brûle.
1 (Av. 1854). Vx. Saveur excitante (d'une boisson alcoolique). || Le feu d'un alcool (→ Ardent, cit. 13; blaser, cit. 1; bouquet, cit. 9). — ☑ (1851, in D. D. L.). Loc. Eau de feu : eau-de-vie.
67 (…) je goûtais dans l'auberge de Monte-Allegro l'épaisse rosée d'un vin de feu (…)
France, le Crime de S. Bonnard, Œ., t. II, p. 308.
2 (Fin XVIe, en feu). Sensation de chaleur intense, de brûlure. || Le feu de la fièvre (→ Brûler, cit. 21). — En feu. || Avoir le corps en feu. || Le piment met la bouche, la gorge en feu. ☑ Visage, joues en feu, très chaud et rouge (→ Bas-fond, cit. 2). ☑ Le feu lui monte au visage (→ Battre, cit. 63). ☑ Le feu du rasoir : irritation, sensation de brûlure que l'on éprouve en venant de se raser (→ Cerner, cit. 2).
68 (…) je me sens le visage tout en feu (…) Ah ! c'est bien le rouge de la honte.
Laclos, les Liaisons dangereuses, Lettre XCVII.
69 Puis elle ne frissonna plus, mais un feu intérieur montait comme une lave; elle brûlait.
F. Mauriac, Génitrix, I.
♦ (XVIe). Vx. Boutons, rougeurs sur la peau. ⇒ Éruption, inflammation. || Feux de dents : chez les enfants, éruption provoquée par la poussée des dents. || Feu céleste, feu sacré, feu Saint-Antoine (→ Ardre, cit. 1) : au Moyen Âge, ergotisme. → Mal des ardents. — Mod. || Feu bactérien : maladie mortelle de certains arbres fruitiers, causée par une bactérie.
3 (1690). Littér. Ardeur (des sentiments, des passions). ⇒ Animation, ardeur, entrain, exaltation, fougue, vivacité. || Le feu du courage (cit. 12), de l'audace (→ Éteindre, cit. 47). || Le feu de la colère (cit. 12), de la violence, de la vengeance (→ Allumer, cit. 7). — ☑ Vieilli. Prendre feu : se mettre en colère. ⇒ Emporter (s'), irriter (s'). || Le feu de la jeunesse (→ Dérèglement, cit. 5). || Avoir du feu et de l'entrain (cit. 1). || Âme de feu (→ Ardeur, cit. 38); tempérament de feu. ⇒ Bouillant, enthousiaste, passionné. || Avoir du feu dans les veines, dans le sang. || Le feu qui l'embrase (cit. 7). || Être tout en feu. ⇒ Agité, animé, excité.
70 L'homme est de glace aux vérités,
Il est de feu pour les mensonges.
La Fontaine, Fables, IX, 6.
71 Il n'y a que des âmes de feu qui sachent combattre et vaincre; tous les grands efforts, toutes les actions sublimes sont leur ouvrage : la froide raison n'a jamais rien fait d'illustre (…)
Rousseau, Julie ou la Nouvelle Héloïse, IV, Lettre XII.
72 Les Français n'ont soin de rien et ne respectent aucun monument. Ils sont tout feu pour entreprendre et ne savent rien finir ni rien conserver.
Rousseau, les Confessions, VI.
72.1 (…) au milieu de beaucoup de vices où m'emportent un tempérament de feu, un esprit sans frein et un cœur très gâté, j'aurai du moins la consolation d'avoir un être vertueux près de moi.
Sade, Justine…, t. I, p. 115.
73 J'aurais pu épouser un tel homme ! pensait quelquefois madame de Rênal; quelle âme de feu ! quelle vie ravissante avec lui !
Stendhal, le Rouge et le Noir, I, XVI.
♦ ☑ Loc. cour. Être tout feu tout flamme, ardent, passionné, enthousiaste.
73.1 C'est vrai, tu sais, que ça me révolte plus que tu ne le crois. Vois-tu, moi aussi, voilà dix ans lorsque j'ai débuté, j'étais tout feu tout flamme.
Yanny Hureaux, la Prof, p. 245.
♦ Le feu de l'imagination, de l'inspiration, de l'esprit (cit. 98). || Le feu du génie (→ Étincelle, cit. 11). || Le feu de l'éloquence. || Parler avec feu. ⇒ Chaleur, conviction, véhémence, vivacité. || Le feu du style, d'une composition (→ Esquisse, cit. 1).
74 (…) il s'est glissé dans un livre quelques pensées ou quelques réflexions qui n'ont ni le feu, ni le tour, ni la vivacité des autres (…)
La Bruyère, les Caractères, Préface.
75 Enfin dans ses discours éteignant peu à peu le feu de la saillie, l'esprit fit place à la délicatesse.
Laclos, les Liaisons dangereuses, Lettre LXXXV.
76 Dire vivement et avec feu des choses froides est une coutume des Méridionaux. C'est que leur vivacité ordinaire vient du sang, non de l'âme.
Joseph Joubert, Pensées, XVI, LXXVI.
77 Le feu des passions est souvent celui du génie.
♦ ☑ Le feu de la dispute, de la discussion, du combat (→ Calviniste, cit. 1). — Cour. || Dans le feu de l'action. ⇒ Entraînement.
♦ ☑ Jeter son feu, tout son feu : épuiser ses forces, son talent prématurément, inconsidérément.
♦ Vx ou littér. Passion amoureuse. ⇒ Amour, flamme. || Le feu, les feux de l'amour, de la passion (→ Allumer, cit. 8). — ☑ Vx. Prendre feu : devenir amoureux. || Le feu du désir, de la luxure (→ Embraser, cit. 9). || Les sens en feu (→ Étreindre, cit. 5). — ☑ Fam. Avoir le feu dans la peau.
78 (…) À quelque point qu'on aime,
Quand le feu diminue, il s'éteint de lui-même.
Corneille, Suréna, IV, 2.
79 Désir de fille est un feu qui dévore,
Désir de nonne est cent fois pire encore.
Gresset, Vert-vert, II.
80 Vigoureusement… vigoureusement, Dubois… Et l'éclat des feux de ce débauché, presque aussi violent que ceux de la foudre, vint s'anéantir sur les brèches molestées sans être entr'ouvertes.
Sade, Justine…, t. I, p. 41.
♦ → aussi Aimer, cit. 23; ardeur, cit. 11, 21 et 24; brûler, cit. 29; consumer, cit. 6; éteindre, cit. 58; étouffer, cit. 56.
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DÉR. Feutier, fouée. V. Follet, fouace, fouage.
COMP. Boutefeu. Contre-feu, couvre-feu, garde-feu, parafeu, pare-feu, pique-feu. Feu follet (n. m.) [V. Follet]. V. Affouage.
HOM. 2. Feu.
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2. feu, feue [fø] adj.
ÉTYM. XIe, fadude, fém.; puis faü, feü; du lat. pop. fatutus « qui a accompli son destin », de fatum.
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♦ Droit, littéraire ou plaisant.
1 (Avant le nom, sans détermination). Qui est mort depuis peu de temps. ⇒ Défunt. || Feu monsieur X. || Feu André Z. || Feu madame Y. || « Feu ne se dit que des personnes que nous avons vues ou que nous avons pu voir; on ne dit pas feu Platon ou feu Cicéron, si ce n'est en plaisantant » (Littré).
2 (Entre le déterminant et le nom). || La feue reine. || Ma feue mère. — || « Le feu carnaval de Venise » (Balzac, in T. L. F.).
3 (Avant l'article, le possessif; invar.). || Feu la reine, feu mes oncles; Feu Mathias Pascal, roman de Pirandello; Feu la mère de madame, comédie de Feydeau.
REM. On trouve cependant Feue madame… dans Proust et Bernanos (cf. Grevisse, p. 294), accord courant en ancien français jusqu'au XVIIIe s. : Feue la reine (Académie, 1694).
1 Suivant le testament du feu Roi votre père (…)
Corneille, Pompée, I, 2.
2 (…) j'ai ouï dire à feu ma sœur que sa fille et moi naquîmes la même année.
Montesquieu, Lettres persanes, LII.
3 J'ai connu dans mon enfance un chanoine de Péronne, âgé de quatre-vingt-douze ans, qui avait été élevé par un des plus furieux bourgeois de la Ligue. Il disait toujours : Feu monsieur de Ravaillac.
Voltaire, Dict. philosophique, Ravaillac.
4 La feue impératrice a gardé la Hongrie.
Hugo, Théâtre en liberté, La grand-mère, 2.
5 — Comment, votre fille ? Mais Natalia… feue Natalia Vassilievna aurait donc eu des enfants ? demanda Veltchaninov d'une voix presque étranglée, sourde, mais calme.
Gide, Dostoïevsky, p. 157.
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HOM. 1. Feu.
Encyclopédie Universelle. 2012.