PHOTOGRAMMÉTRIE
On groupe sous le nom de photogrammétrie l’ensemble des techniques qui permettent de déterminer la forme, les dimensions et la position d’un objet (au sens le plus large du terme) à partir de perspectives de cet objet enregistrées photographiquement. Chaque perspective est la section, par le plan 神 de l’image photographique, du faisceau perspectif formé par l’ensemble des rayons qui, partant de chaque point de la surface de l’objet, convergent vers le point de vue S (fig. 1 a). Un faisceau perspectif est défini par la position, sur la photographie, du pied 諸 de la perpendiculaire abaissée de S sur 神, par la distance S 諸 = p et par l’ensemble des points de la perspective. Si l’on connaît deux faisceaux, 1 et 2, relatifs à deux points de vue différents S1 et S2 d’où l’on a pris deux photographies 神1 et 神2, la surface de l’objet peut se définir comme le lieu géométrique des points d’intersection M de tous les couples de rayons homologues m 1S1M et m 2S2M.
Le processus photogrammétrique comprend donc quatre phases: enregistrement photographique des perspectives et reconstitution des faisceaux perspectifs, définition de la position des deux faisceaux dans un système de référence donné, identification des couples de rayons homologues et recherche de la surface, lieu géométrique des points d’intersection de tous les couples de rayons homologues, suivie de mesures sur cette surface. Les trois dernières phases constituent la restitution photogrammétrique . Cette opération aboutit à la formation d’un modèle sur lequel on pourra faire des mesure et dont l’échelle est égale au rapport des bases , distances séparant les points de vue lors de la restitution et lors de la prise de vues.
Enregistrement des perspectives et reconstitution des faisceaux
Pour connaître les caractéristiques d’un faisceau perspectif et pouvoir le reconstituer, il est indispensable d’utiliser des optiques de très haute qualité (fig. 2): centrage parfait des lentilles, correction très poussée des aberrations (particulièrement du chromatisme), pouvoir résolvant élevé, clarté maximale et aussi uniforme que possible, distorsion nulle (orthoscopie), ou, à défaut, de révolution et reproductible.
Il faut de plus employer des plaques très planes ou des films à support stable (polyester) dont la planéité est assurée au moment de l’exposition par un dispositif approprié.
Enfin, il est nécessaire d’organiser l’appareil photographique en chambre métrique (fig. 3), ensemble rigide reliant par un cône indéformable l’objectif au fond de chambre. Un étalonnage en laboratoire donne, à quelques micromètres près, la position dans le plan du fond de chambre du point principal 諸, la distance principale p et la distorsion ou défaut de similitude du faisceau incident et du faisceau émergent, après traversée de l’objectif. Dans les chambres photogrammétriques modernes, la distorsion est très faible quoique non négligeable: exprimée en déplacement du point image m par rapport à la position que lui donnerait l’optique géométrique, elle reste le plus souvent inférieure à 梁 10 micromètres. L’étalonnage et la reconstitution ultérieure du faisceau perspectif exigent que le fond de chambre comporte quatre repères qui sont photographiés sur le cliché en même temps que la perspective de l’objet.
La photogrammétrie procédant par intersection des rayons perspectifs, sa précision est d’autant meilleure que les rayons se coupent suivant un angle plus ouvert, voisin de 900. Cette exigence, jointe à celles de l’examen stéréoscopique (cf. Restitution photogrammétrique ), conduit à utiliser le plus souvent des chambres métriques à grand champ (900) et même à super grand champ (1200) qui sont par ailleurs un facteur d’économie (diminution du nombre des clichés nécessaires pour couvrir une surface donnée).
Les chambres métriques destinées à la photogrammétrie aérienne sont aujourd’hui des chambres à film automatiques [cf. PHOTOGRAPHIE AÉRIENNE ET SPATIALE]. En photogrammétrie «terrestre», on emploie presque toujours des plaques, et les chambres peuvent être liées à un système de mesure
angulaire qui permet d’enregistrer l’orientation absolue du faisceau perspectif dans l’espace (photothéodolite ); parfois, aussi, elles sont montées par couple aux deux extrémités d’une base rigide, les axes de prise de vues étant parallèles entre eux et perpendiculaires à la base (chambres stéréométriques ): les opérations ultérieures de restitution se trouvent alors allégées.
Quant à la reconstitution du faisceau perspectif à l’aide des données internes fournies par l’étalonnage de la chambre, elle consiste en théorie (fig. 1 b et fig. 3) à élever en 諸 une perpendiculaire au plan de la perspective, à porter sur cette perpendiculaire la longueur 諸 C dite distance principale et à joindre chaque point m de l’image à C ; la connaissance de la distorsion permet ensuite de passer du faisceau image au faisceau objet. En pratique, cette opération se fera optiquement à l’aide d’une chambre de projection identique à la chambre métrique, ou mécaniquement, par exemple à l’aide d’une tige pivotant autour d’un point fixe et pouvant être dirigée sur tout point du cliché, ou encore analytiquement, c’est-à-dire en traitant par le calcul les mesures de coordonnées faites avec un comparateur sur tous les points du cliché que l’on veut restituer et sur les repères du fond de chambre.
Restitution photogrammétrique
Pour définir, dans un système de référence propre à l’objet, la position des deux faisceaux perspectifs, il est indispensable de disposer de certaines données externes: coordonnées des points de vue, direction de l’axe principal et orientation du cliché autour de cet axe ou encore direction d’au moins deux rayons perspectifs. Mais ces données ne peuvent pas toujours être déterminées, surtout en photogrammétrie aérienne, et il devient nécessaire de connaître certains éléments sur l’objet lui-même, par exemple les coordonnées X, Y, Z de trois points de cet objet (canevas de restitution). On est alors amené à procéder en deux temps:
– recherche de l’orientation relative des deux faisceaux (fig. 1c) en assurant l’intersection d’au moins cinq couples de rayons homologues; cette opération aboutit à la formation d’un modèle non orienté et d’échelle non exacte;
– mise à l’échelle et orientation absolue de ce modèle sur les points du canevas (fig. 1d).
Les faisceaux perspectifs étant reconstitués puis placés et orientés dans le système de référence, tous les rayons homologues se coupent deux à deux, et la recherche de leurs intersections, ou exploration du modèle formé par l’ensemble de ces intersections, constitue la restitution proprement dite. Celle-ci peut être traitée analytiquement par le calcul, à partir des mesures de coordonnées faites sur les clichés, méthode donnant la précision la plus élevée mais ne permettant qu’un traitement point par point (éventuellement en très grand nombre), ou analogiquement à l’aide d’appareils de restitution qui effectuent une reconstitution mécanique ou optico-mécanique de la figure de l’espace formée par les deux faisceaux perspectifs. Cette seconde méthode permet une exploration continue des lignes visibles sur l’objet ou définissant le relief de sa surface (courbes de niveau ou coupes), pourvu que l’appareil permette un examen stéréoscopique des deux photographies.
L’identification des rayons perspectifs homologues, c’est-à-dire en fait l’identification des deux images homologues d’un même point de l’objet, peut en effet s’effectuer individuellement pour chaque image: détails très précis ou repères placés sur l’objet. Mais, le plus souvent, elle sera assurée sans ambiguïté grâce à l’examen stéréoscopique , fondé sur le phénomène physiologique du fusionnement binoculaire, examen qui permet d’autre part d’effectuer, avec une extrême sensibilité, des pointés stéréoscopiques , c’est-à-dire de «palper» la surface reconstituée et de déplacer sur cette surface un repère optique exactement comme on le ferait sur la surface d’une maquette. La stéréoscopie impose toutefois des conditions à la prise de vues: échelles sensiblement égales des deux photographies et axes optiques à peu près parallèles.
Les appareils de restitution sont donc des appareils de stéréophotogrammétrie . Il en existe de nombreux types. Dans les modèles les plus répandus aujourd’hui (fig. 4), on trouve un dispositif de reconstitution des faisceaux perspectifs (tiges, introduction de la distance principale, correction de la distorsion). Existent également des mécanismes d’orientation relative (l’opérateur procède par annulation des parallaxes qu’il observe tant que l’intersection des rayons homologues n’est pas parfaitement assurée), d’orientation absolue et d’introduction des composantes de la base ainsi qu’un dispositif d’observation stéréoscopique des photographies comportant un repère de pointé stéréoscopique. Un système de liaison est situé entre ce dispositif d’observation et les organes mécaniques reconstituant les faisceaux, les mêmes commandes (généralement deux volants et une pédale) actionnant tout l’ensemble. Un mécanisme matérialise l’intersection des rayons homologues et permet d’une part de mesurer les coordonnées de chaque point reconstitué, d’autre part de transmettre les mouvements de ce point à une table traçante donnant, par un report ponctuel ou par un tracé continu, la projection de l’objet, à une échelle donnée, sur l’un des plans définis par le système d’axes de référence.
Comme dans toutes les techniques de pointe, l’évolution récente de la photogrammétrie se traduit principalement par une introduction massive de l’électronique et de l’informatique. Cette évolution est à l’origine, en particulier, d’une nouvelle génération d’appareils de restitution, dits restituteurs analytiques , dans lesquels, hormis le dispositif d’observation et de pointé stéréoscopiques, tous les organes sont remplacés par un ordinateur opérant en «temps réel» qui calcule instantanément les coordonnées spatiales des points restitués et commande les déplacements continus des plateaux porte-clichés. Il en résulte un gain important de précision et de flexibilité des systèmes photogrammétriques.
Redressement photogrammétrique
Si l’objet est plan, ou estimé tel, il suffit d’un faisceau perspectif pour le définir: il y a transformation homographique entre les deux figures planes que constituent l’objet et sa perspective photographique. Cette transformation, ou redressement, peut être effectuée optiquement (chambre claire) ou, le plus généralement, par méthode photographique à l’aide de redresseurs qui assurent à la fois la mise en perspective géométrique et la mise au point optique. Le redressement photographique est un tirage par projection obtenu en jouant sur la position et l’orientation relatives du cliché, du plan de projection et de l’objectif, selon certaines lois que les appareils modernes réalisent automatiquement. Des méthodes analytiques sont également applicables. Dans tous les cas, le redressement exige la connaissance de la position de quatre points de l’objet identifiés sur la photographie.
Applications
La principale application de la photogrammétrie est l’établissement des plans et cartes topographiques à partir de photographies aériennes. Qu’il s’agisse des cartes de base d’un pays (à des échelles variant, selon les régions, de 1:5 000 à 1:200 000) ou des levés nécessaires aux projets de génie civil, aux aménagements hydrauliques, à l’urbanisme, au cadastre, etc., les méthodes photogrammétriques sont maintenant d’un emploi universel. Mais, technique de mesure présentant les avantages de l’instantanéité, de l’enregistrement simultané de toute la surface de l’objet et de la conservation de cet enregistrement, la photogrammétrie est appliquée à l’étude de la forme et des dimensions d’objets très divers, ainsi qu’au relevé des mouvements et des transformations de ces objets: contrôle d’ouvrages d’art, cubatures dans les mines et carrières, industrie automobile (carrosserie), hydraulique (ondes, mouvements de l’eau), trajectographie et étude du déplacement des véhicules, analyses de la circulation et constats d’accidents, sciences de la Terre (microgéologie, glaciologie, avalanches, courants aériens, houles et marées), astronomie et géodésie sur satellites artificiels, médecine (notamment photogrammétrie des rayons X), biologie, zoologie, etc. La microscopie optique et électronique, appliquée à toutes sortes d’objets, peut également conduire à des mesures photogrammétriques. L’utilisation des techniques photogrammétriques pour les relevés architecturaux et archéologiques ne cesse de se développer.
Enfin, les images spatiales, véritables photographies ou enregistrements électroniques de signaux, peuvent maintenant faire l’objet d’un traitement photogrammétrique grâce au développement des méthodes analytiques; les possibilités de cartographie dans les pays neufs et de mise à jour des cartes sur toute la Terre s’en trouvent considérablement accrues.
photogrammétrie [ fɔtɔgra(m)metri ] n. f.
• 1876; de photogramme et -métrie
♦ Sc., techn. Détermination de la dimension des objets, au moyen de mesures faites sur des perspectives photographiques de ces objets.
● photogrammétrie nom féminin Ensemble des techniques qui permettent de déterminer la forme, les dimensions, la position dans l'espace d'un objet à partir de photographies. (Très utilisée pour les levés topographiques, la photogrammétrie a de nombreuses autres applications : archéologie, architecture, médecine, travaux publics, étude de phénomènes fugitifs [mécanique des fluides, balistique, etc.].)
photogrammétrie
n. f. TECH Ensemble des techniques permettant de mesurer et de situer les objets dans les trois dimensions de l'espace par l'analyse d'images perspectives (le plus souvent photographiques) en deux dimensions. Traçage des cartes par photogrammétrie à partir de vues aériennes.
⇒PHOTOGRAMMÉTRIE, subst. fém.
Technique permettant de déterminer les dimensions et les volumes des objets à partir de mesures effectuées sur des photographies montrant les perspectives de ces objets (v. photogramme B 3). Dès 1852, Laussedat (...) parvenait à donner aux photographies une précision mathématique; il l'utilisait [la photographie] pour les levers de terrain et d'ouvrages fortifiés (...) et mettait au point une véritable science nouvelle, la photogrammétrie qui connaît actuellement de multiples applications intéressant à la fois les savants et les industriels. C'est une science appliquée tributaire de la géométrie, de la mécanique, de la physique et de la chimie, qui consiste à utiliser la photographie à des mesures plus ou moins précises (PRINET, Phot., 1945, p.99).
♦Photogrammétrie aérienne. ,,Ensemble des techniques d'élaboration de plans et de cartes d'après des photographies aériennes`` (MÉTRO 1975). Il faudra donc à l'ethnographe des cartes. Mais malgré les progrès de la photogrammétrie aérienne et le développement des services géographiques en tous pays, il ne pourra compter avant longtemps sur des cartes à grande échelle (GRIAULE, Méth. ethnogr., 1957, p.77).
Prononc.:[]. Étymol. et Hist. 1876 (H. VOGEL, La Photographie, Biblioth. scient. internationale, p.127 ds LITTRÉ Suppl.). Comp. des élém. formants photo-2, -gramme et -métrie.
DÉR. Photogrammétrique, adj. Relatif à la photogrammétrie, qui relève de la photogrammétrie. Dès que le radar et ses dérivés de radionavigation ont atteint un haut degré de précision, l'on a songé à les appliquer aux problèmes géodésiques et topographiques. Les principaux sont: (...) les travaux hydrographiques au voisinage des côtes, les prises de vue photogrammétriques (DECAUX, Mesure temps, 1959, p.46). — [].—1re attest. 1878 (Lar. 19e Suppl.) ; de photogrammétrie, suff. -ique.
photogrammétrie [fɔtɔgʀametʀi] n. f.
❖
♦ Sc., techn. Détermination de la dimension des objets, au moyen de mesures faites sur des perspectives de ces objets, en général des photographies. || Photogrammétrie appliquée à l'astronomie, à la chirurgie, à la médecine… || La photogrammétrie permet l'étude de la forme d'une surface en mouvement (étude de la houle, des sillages des navires, etc.), la détermination de la trajectoire d'un corps en mouvement (applications à la balistique)… || Photogrammétrie aérienne, terrestre.
❖
DÉR. Photogrammétrique.
Encyclopédie Universelle. 2012.