PÉTROGRAPHIE
La science des roches comporte deux aspects complémentaires:
– leur description, c’est-à-dire l’analyse de leurs caractères de tous ordres, observables dans la nature ou au laboratoire; cela conduit à les déterminer, à définir leurs relations mutuelles, à les placer dans des systèmes de classification: c’est l’objet de la pétrographie ( 神﨎精福見, roche, et 塚福見﨏﨎晴益, écrire);
– leur interprétation, c’est-à-dire la recherche de règles et de lois qui rendent compte de leurs caractères, de leur répartition et, en définitive, de leurs conditions de genèse et évolution: c’est l’objet de la pétrologie (礼塚礼﨣, discours).
En fait, il serait sans doute plus logique de désigner par «pétrologie» l’ensemble de la science des roches, leur interprétation constituant la pétrogénie (petrogenesis des auteurs de langue anglaise). Le terme lithologie (晴礼﨣, pierre), qui signifie aussi «science des roches», tend à prendre un sens plus restreint, s’appliquant soit à la seule étude macroscopique, soit aux seules roches sédimentaires.
Les roches sont les matériaux de l’écorce terrestre, constituant des formations géologiques. À ce titre, la pétrologie apparaît comme une des branches fondamentales de la géologie et se rattache aux sciences de la nature. Mais ces matériaux sont surtout des assemblages de cristaux; aussi la science des roches est-elle très liée à la minéralogie et, par là, aux sciences de la matière.
Cette dualité se manifeste à la fois dans les méthodes et dans les raisonnements: les études pétrographiques reposent sur l’observation de la manière d’être des roches à la surface de la Terre et sur la définition physique et chimique de leurs caractères; les raisonnements de la pétrologie font appel aux données et aux méthodes expérimentales des sciences physiques pour retrouver les conditions de formation des roches, mais cherchent à replacer ces conditions dans l’espace et dans la durée des temps géologiques [cf. PÉTROLOGIE].
1. Historique
L’évolution historique de la pétrographie se confond au début avec celle de la minéralogie et de la géologie. Elle est marquée, à la fin du XVIIIe siècle, par les discussions entre les «neptunistes» de l’école de A. G. Werner et les «plutonistes», qui suivent les vues de J. Hutton. Le triomphe du plutonisme conduit à distinguer les roches ignées ou éruptives des roches sédimentaires; puis l’individualité des roches métamorphiques est reconnue. La pétrographie évolue alors de façon indépendante.
Les roches sont d’abord étudiées à partir de leurs caractères observables à l’œil nu ou à la loupe. Cela permet déjà de distinguer les types principaux et de construire des classifications, comme celles de J. Pinkerton (1811), J. McCulloch, A. Brongniart, K. C. von Leonhard, P. L. Cordier, H. Coquand... Mais on se préoccupe aussi de leur composition chimique: R. Bunsen distingue des roches éruptives acides, neutres et basiques, et déjà se pose le problème de leur évolution physico-chimique (T. Scheerer, J. Fournet, J. Durocher) et de leur diversification (L. von Buch, L. Elie de Beaumont). Les divers types de métamorphisme sont reconnus (J. Fournet, J. Durocher, A. Delesse, A. Daubrée), ce qui pose le problème de l’évolution des roches. Les rapports entre les roches métamorphiques et éruptives et le problème de l’origine du granite font l’objet de vives discussions (R. Bunsen, A. Delesse, J. Durocher, B. M. Keilhau, T. Scheerer, Virlet d’Aoust...). En fait, dès le milieu du XIXe siècle, la plupart des problèmes majeurs sont abordés, et l’on trouve déjà émises toutes les grandes hypothèses qui seront tour à tour abandonnées et reprises jusqu’à nos jours.
L’application des phénomènes de polarisation à l’étude des roches introduit une véritable révolution; mais la voie nouvelle tracée par H. C. Sorby (1851-1858) ne sera vraiment reconnue que beaucoup plus tard, grâce à F. Zirkel (1870) montrant que le microscope polarisant rend possibles et aisées l’identification des minéraux des roches et l’analyse de leurs rapports mutuels. Trois ouvrages classiques mettent ces méthodes à la portée des pétrographes et marquent le début de la pétrographie moderne, ceux de F. Zirkel (1873), H. Rosenbusch (1873-1877), F. Fouqué et A. Michel-Lévy (1879).
D’abord, ce sont surtout les roches éruptives qui font l’objet d’études approfondies. La pétrographie descriptive est dominée par l’œuvre de H. Rosenbusch, et elle trouve son apogée dans le grand traité de A. Johannsen (1931-1938) et dans le compendium de W. E. Tröger (1935). Le point de vue chimique est analysé en détail, ce qui aboutit à de nouveaux systèmes de classification, comme ceux de W. Cross, J. P. Iddings, L. Pirsson et H. S. Washington (dit C.I.P.W., 1902), A. Osann (1903), P. Niggli (1920)... Toutefois, en même temps, on essaye de dégager des lois physico-chimiques; la méthode expérimentale, appliquée aux roches par F. Fouqué et A. Michel-Lévy dès 1882, est reprise avec succès par l’équipe du Geophysical Laboratory de la Carnegie Institution sous l’impulsion de N. L. Bowen ; la pétrologie trouve ainsi des bases thermodynamiques saines dans les ouvrages de N. L. Bowen (1928), P. Niggli (1924, 1954), W. Eitel (1965). Enfin, l’étude des caractères géométriques des roches, longtemps négligée, est renouvelée par les travaux de B. Sander (1924) sur les microstructures et ceux de H. Cloos (1921) sur les macrostructures, ouvrant la voie à une interprétation mécanique de leur mise en place.
Dans le domaine des roches métamorphiques, les progrès ont été beaucoup plus lents, après les remarquables travaux du milieu du XIXe siècle. C’est d’abord le métamorphisme de contact qui est le thème de vives discussions entre l’école allemande de H. Rosenbusch et l’école française de A. Michel-Lévy, A. Lacroix et C. Barrois. En Grande-Bretagne, G. Barrow (1892), A. Harker et C. E. Tilley s’attachent à analyser les stades progressifs du métamorphisme régional. Les rapports entre le métamorphisme et les conditions physiques liées à la profondeur sont étudiés par F. Becke (1903), C. R. Van Hise (1904), U. Grubenmann (1904) et P. Niggli (1924). Mais, en 1911, V. M. Goldschmidt montre que les associations minérales obéissent à la règle des phases, puis P. Eskola (1915) développe la notion féconde de «faciès métamorphique», qui, à la suite des travaux de F. J. Turner (1938), de H. Ramberg, de D. S. Korzhinskii (1959), et de H. G. F. Winkler (1963), permet de coordonner les observations de terrain et les données expérimentales.
L’étude des roches sédimentaires est restée longtemps délaissée, semblant défier l’analyse microscopique. À peu près seule, l’œuvre immense de L. Cayeux domine tout le début de ce siècle. Il a fallu le prodigieux développement des recherches pétrolières pour que les roches sédimentaires redeviennent l’objet d’investigations détaillées, à la fois dans leur texture, leur minéralogie et leur mode de formation. Cela a nécessité la mise au point de techniques nouvelles: granulométrie, analyse thermique, rayons X, analyse chimique, microscopie électronique, etc. Les observations océanographiques et les données expérimentales sur la sédimentation ont apporté des contributions inestimables: la sédimentologie, qui s’intéresse à la nature, à la configuration, à la répartition et à la genèse des sédiments, est devenue une discipline autonome [cf. SÉDIMENTOLOGIE].
Au cours de ces dernières années, profitant des progrès considérables entraînés par le perfectionnement des techniques dans tous les domaines, la pétrologie s’est ouverte largement sur les sciences voisines et s’est étendue aux roches extraterrestres. L’interprétation pétrologique tend ainsi à se substituer à l’inventaire pétrographique, en grande partie réalisé. Mais les progrès à venir reposent sur une observation de plus en plus poussée dans tous les ordres de grandeur, rendue possible et suscitée par les méthodes et les concepts nouveaux.
2. Caractères généraux des roches
L’observation géologique montre l’existence de roches variées dans leur manière d’être, c’est-à-dire dans leurs conditions de formation, et cela a été reconnu dès le début du XIXe siècle.
Les roches exogéniques prennent naissance à la surface de l’écorce terrestre. Certaines se forment sur place, par évolution des roches préexistantes sous l’action principale des agents atmosphériques: ce sont les roches résiduelles . Mais elles résultent en majorité d’un transport de matériaux issus de la dissolution ou de la désagrégation en surface des formations antérieures. Ces matériaux se déposent ensuite par gravité, précipitation chimique ou action des organismes en couches successives de «sédiments» qui évoluent eux-mêmes (diagenèse) pour donner les roches sédimentaires.
Les roches endogéniques se constituent à l’intérieur du globe. Les plus remarquables, comme les basaltes, sont issues de matières fondues éjectées en surface à partir du manteau supérieur ou de la base de la croûte lors des phénomènes volcaniques: ce sont les roches volcaniques . D’autres, comme les granites, ont cristallisé en profondeur et ne sont visibles que grâce à l’érosion consécutive à des déformations de l’écorce: ce sont les roches plutoniques . Toutes, volcaniques ou plutoniques, proviennent de la cristallisation de matières fondues, ou magmas , issues du manteau supérieur ou formées par fusion (anatexie) de l’écorce elle-même. Aussi groupe-t-on toutes ces roches, auxquelles il faut ajouter les roches hypabyssales (subvolcaniques ou filoniennes), en roches magmatiques . Enfin, les modifications en profondeur de toutes les catégories de roches sous l’action de facteurs comme la température, la pression, l’eau, les échanges de matière, etc., peuvent les transformer par recristallisations, caractérisant ainsi les roches métamorphiques .
En fait, l’écorce est en continuelle évolution. Dans le mouvement des plaques lithosphériques, les sédiments et les roches entraînés en profondeur subissent des transformations métamorphiques pouvant aller jusqu’à la fusion, avec formation de migmatites ou même individualisation de nouveaux magmas, puis retourner en surface suivant des cycles liés à l’orogenèse (cf. figure). Cependant, les roches conservent des traces des états antérieurs, dans leur composition ou leur organisation, comme une sorte de «mémoire» de leur vie passée, et c’est ce qui permet de déchiffrer une partie de leur histoire.
Les caractères essentiels des roches concernent leur composition (chimique et minéralogique) et leur architecture; ils sont nécessairement en rapport avec les circonstances de leur formation et de leur évolution. Mais ils diffèrent selon l’échelle d’observation, parce que l’agencement de la matière change fondamentalement pour des niveaux d’organisation différents.
Les niveaux d’organisation correspondant à l’atome et au cristal ne sont pas du domaine de la pétrographie, bien que leur connaissance soit indispensable [cf. MINÉRALOGIE]. C’est l’échantillon de roche qui constitue le niveau d’organisation essentiel et permet de définir des types pétrographiques , base des classifications (cf. roches MAGMATIQUES, roches MÉTAMORPHIQUES, roches SÉDIMENTAIRES). Une roche est alors un assemblage de minéraux auxquels peuvent d’ailleurs s’associer des restes organiques ou des fragments de roches; cet assemblage est défini par sa composition d’ensemble et l’agencement de ses éléments ou texture à partir de l’étude microscopique de lames minces (cf. chap. 3), qui permet en outre de préciser les orientations préférentielles ou pétrofabrique .
À l’échelle de l’affleurement , les particularités minéralogiques et texturales ne sont plus guère perceptibles, mais de nouveaux caractères apparaissent, concernant déjà des ensembles et définissant la structure . Ils portent sur les variations dans la continuité des roches, liées à des changements brutaux ou progressifs de composition ou de texture en relation avec la genèse ou les déformations. De plus, les orientations minérales ou fabrique apparaissent macroscopiquement.
À une échelle plus grande encore, les roches forment des corps géologiques , correspondant à un autre niveau d’organisation présentant des caractères intrinsèques nouveaux. Ils sont ordinairement formés de roches variées, mais présentant des relations d’origine. L’observation directe est généralement insuffisante pour mettre ces caractères en évidence; il faut imaginer divers types de paramètres ou de diagrammes pour faire apparaître les traits communs et les variations dans leur composition. L’architecture de ces corps, définie par la disposition géométrique dans l’espace des divers termes pétrographiques, caractérise le «gisement».
Enfin, les différents corps géologiques eux-mêmes s’organisent à l’échelle régionale, puis à celle de la planète, et cette organisation ne reflète plus guère les dispositions individuelles. Il demeure cependant des caractères communs de composition, et l’on voit apparaître une disposition géométrique liée à la structure géologique de l’écorce terrestre.
Il existe nécessairement des relations entre tous ces caractères. D’abord, la composition et l’architecture ne sont pas indépendantes, comme le montre déjà la simple distinction des différents groupes de roches. Ensuite, les caractères observables à un certain niveau d’organisation intègrent tous ceux des niveaux inférieurs, et ne sont que des éléments de ceux des niveaux supérieurs.
Ce sont justement ces relations qu’il s’agit d’analyser pour mettre en évidence des corrélations qui prennent la valeur de règles et de lois. Ces lois ne peuvent évidemment pas être autre chose que les lois physiques générales s’appliquant à la matière terrestre dans la durée des temps géologiques.
Le premier problème est donc de définir les caractères des roches, en tenant compte de leur hiérarchie et de leurs rapports mutuels; cela nécessite des méthodes d’étude qui sont à la base de la pétrographie et conduisent à des classifications.
Le second problème consiste à interpréter ces caractères, ce qui oblige à un traitement des informations obtenues pour en dégager les lois de la pétrologie.
3. Méthodes d’étude
Les méthodes d’étude pétrographique sont très variées, et elles diffèrent nécessairement selon la nature et l’ordre de grandeur des caractères à analyser. Mais le microscope polarisant reste l’outil de travail essentiel des pétrographes. Son emploi permet de reconnaître les divers éléments constitutifs des roches et d’étudier leurs caractères, de définir leurs rapports mutuels (texture) et leur orientation (fabrique), et surtout de déterminer avec précision les minéraux, même de très petites dimensions.
Les échantillons doivent être taillés en lames de 0,03 mm d’épaisseur, collées entre lame et lamelle de verre; la plupart des minéraux deviennent alors transparents. Ces «lames minces» sont examinées au microscope polarisant, qui diffère du microscope ordinaire par: l’interposition d’un polariseur entre la source lumineuse et la préparation, et d’un analyseur escamotable entre l’objectif et l’oculaire; une platine graduée tournant autour de l’axe de l’appareil et sur laquelle on peut adapter une platine théodolite permettant d’orienter la lame dans une direction connue de l’espace [cf. MICROSCOPIE].
Le polarisateur transforme la lumière ordinaire en lumière polarisée, vibrant transversalement dans une seule direction (par exemple dans le plan de symétrie de l’appareil). En lumière simplement polarisée (dite parfois «naturelle»), on peut observer: les caractères cristallographiques des sections (formes, clivages, inclusions...), le «relief» (lié à l’indice de réfraction), la teinte, le pléochroïsme (variation de la teinte selon l’orientation du cristal par rapport à la direction des vibrations lumineuses).
Si l’on introduit l’analyseur orienté à 900 («nicols croisés»), des phénomènes chromatiques apparaissent généralement si le minéral n’est pas isotrope (auquel cas aucune lumière n’est transmise, le minéral restant «éteint» pour toute position). Les rayons incidents se dédoublent dans le cristal en deux rayons polarisés à angle droit, cheminant à des vitesses différentes; l’analyseur n’accepte que les composantes situées dans son plan de vibration; il y a donc interférences. Il en résulte des teintes de polarisation dépendant de la biréfringence du minéral, variable selon l’orientation de la section, mais présentant une valeur maximale caractéristique. Par ailleurs, l’intensité varie lorsqu’on fait tourner la platine: pour quatre positions à 900 il y a extinction, et intensité maximale à 450 de celles-ci; l’angle d’extinction, par rapport à des éléments cristallographiques, est caractéristique. Enfin, des «lames auxiliaires» permettent de définir le signe d’allongement: + dans la direction de plus faible vitesse (correspondant au plus grand indice), face=F0019 漣 dans le cas contraire.
L’interposition d’un «condenseur», aux forts grossissements, fait apparaître des phénomènes nouveaux: croix noire ou branche d’hyperbole dans les sections perpendiculaires aux axes optiques. Cela permet de définir la nature et la position de l’ellipsoïde des indices, donc l’uniaxie ou la biaxie, et le signe optique, ainsi que l’angle des axes optiques.
Dans une lame mince, chaque minéral apparaît ordinairement en plusieurs sections d’orientations diverses; il faut rechercher des sections particulières dans lesquelles on peut observer et mesurer les caractères spécifiques de l’espèce permettant, grâce à des tables, une détermination précise.
Les recherches actuelles exigent cependant des données beaucoup plus complètes que celles fournies par le microscope polarisant, et de nombreuses techniques ont été mises au point pour analyser les multiples aspects des roches. En effet, la composition minéralogique d’une roche découle de la détermination de ses éléments au microscope polarisant; l’évaluation des proportions de ces éléments (exprimées en poids ou surtout en volume) est effectuée également au microscope grâce à un «compteur de points» et fixe la composition modale (ou mode). Mais, pour des roches à grain très fin (comme les argiles), ces examens sont insuffisants et doivent être complétés par des études au microscope électronique, aux rayons X ou infrarouges, etc. Enfin, on a de plus en plus recours à la microsonde électronique pour connaître la composition précise des minéraux, indispensable pour rechercher leur signification.
4. Composition chimique
Les éléments chimiques diffèrent suivant les points dans l’écorce terrestre, selon les modalités de son évolution. Leur nature et leurs proportions, définissant la composition chimique, sont déterminées sur des échantillons par des méthodes chimiques traditionnelles ou, de plus en plus, par des méthodes physiques (fluorescence X, absorption atomique, etc.). Limitée d’abord aux éléments majeurs, cette analyse est maintenant étendue aux éléments en traces.
Les éléments majeurs (O, Si, Al, Fe3+, Fe2+, Mg, Ca, Na, K, Ti, H, etc.) s’expriment sous forme de minéraux et commandent par conséquent la nature des roches. Un corps rocheux est généralement constitué par plusieurs unités pétrographiques qui, bien que chimiquement différentes, ont des caractères reflétant leur communauté d’origine ou consanguinité ; il en est souvent de même pour certaines familles de corps distincts, groupés régionalement ou répartis à l’échelle du globe en provinces ou séries pétrographiques . Cela se manifeste par des corrélations entre des éléments ou groupes d’éléments et s’exprime par des diagrammes faisant ressortir des particularités et des variations qu’on cherche à mettre en relation avec la dynamique terrestre.
Les diagrammes les plus simples (dits de Harker) représentent les variations des divers oxydes en fonction de la teneur en silice. Le groupement d’éléments jouant un rôle analogue (comme Al et Fe3+, Fe et Mg, Na et K, etc.) réduit le nombre des paramètres; des diagrammes variés (cartésiens, triangulaires, tétraédriques) ont été imaginés pour comparer les analyses et dégager les tendances évolutives. Par exemple, les diagrammes FMA (FeO, MgO, Na2O+K2O) font apparaître la différence de comportement du fer et des alcalins dans l’évolution des séries éruptives calco-alcalines et tholéiitiques [cf. MAGMATIQUES (ROCHES)]. Pour les roches métamorphiques à excès de silice, les diagrammes ACF de P. Eskola (Al23 non liée aux alcalins, CaO, FeO+MgO) ou ceux de J. B. Thompson (projection d’un tétraèdre K2O-Al23-FeO-MgO sur la face AFM à partir du point figuratif de la muscovite) montrent les relations entre la composition chimique et les paragenèses. Des diagrammes plus élaborés, proposés par H. de La Roche, font appel à des variables multi-élémentaires tenant compte de la stœchiométrie des minéraux fondamentaux, ouvrant la voie à la modélisation.
Les éléments en traces n’existent qu’à des teneurs trop faibles pour s’exprimer minéralogiquement. Ils entrent dans la constitution de minéraux variés, remplaçant des éléments majeurs, se camouflant dans les défauts cristallins (sites vacants, dislocations, etc.) ou se rassemblant dans les espaces intergranulaires. Certains de ces éléments, comme les Terres Rares (R.E.E.: Rare Earth Elements) tendent à se concentrer dans les solutions magmatiques, hydrothermales ou de surface, jouant le rôle de traceurs dans l’évolution des roches ou caractérisant les zones structurales où elles ont pris naissance. Les rapports isotopiques permettent de calculer les âges radiométriques, tout en donnant aussi des informations sur l’origine crustale ou mantélique des roches.
5. Classifications
La connaissance des caractères d’un grand nombre d’objets conduit à des classifications dont l’importance est capitale. En premier lieu, elles impliquent le choix de critères significatifs et facilement observables, à partir desquels on peut élaborer des définitions et attribuer à chaque objet, indépendamment de toute hypothèse, une dénomination spécifique, dans un vocabulaire généralement accepté. En second lieu, elles entraînent l’établissement d’une nomenclature respectant les relations naturelles entre les objets, et c’est là un pas considérable vers leur interprétation. Les caractères des roches découlant de leur genèse, les principes de classification ne peuvent pas être les mêmes pour les différentes catégories; mais les noms attribués ne sauraient préjuger d’une origine précise.
Pour les roches éruptives, qui proviennent de façon générale de la cristallisation de magmas, c’est la composition qui est au principe de la classification pétrographique. Un accord assez général tend à se faire pour mettre l’accent sur la composition minéralogique quantitative (modale), en définissant les roches et leurs groupements à partir des minéraux qui sont les plus fréquents et les plus significatifs (quartz, feldspaths, feldspathoïdes, etc.); l’adjonction de la texture permet une définition simple et objective des principaux types pétrographiques. Pour les roches volcaniques, il faut avoir recours à la composition normative. Mais on peut aussi établir des classifications purement chimiques qui apportent parallèlement des indications complémentaires.
La classification des roches sédimentaires est beaucoup plus complexe, étant donné la variété des processus mis en jeu lors de leur formation. Dans les roches détritiques, issues en grande partie de processus mécaniques, la texture joue un rôle essentiel: en particulier, la taille des éléments intervient en premier lieu dans le transport et le dépôt, et elle est généralement liée à leur nature; les caractères du ciment viennent ensuite préciser l’évolution postérieure. Par contre, dans les roches biochimiques, la composition devient primordiale, ainsi que la nature des éléments d’origine organique. Dans tous les cas, ce sont encore des critères quantitatifs qui sont recherchés pour justifier des subdivisions objectives.
Ce sont les roches métamorphiques qui se prêtent le plus difficilement à une classification pétrographique, en raison de la diversité des roches originelles et des facteurs de leurs transformations. La notion de «faciès métamorphique» permet de tracer un cadre reliant la composition chimique à la composition minéralogique et aux conditions physiques du métamorphisme. Mais on est encore loin d’un point de vue quantitatif satisfaisant.
Les progrès futurs de la pétrographie reposent sur le développement à la fois des méthodes d’observations et des procédés d’analyses physique et chimique. D’ailleurs, des recherches théoriques, notamment dans le domaine de la thermodynamique, de la physique des solides et de la rhéologie, conduisent à une observation pétrographique de détail, à tous les niveaux d’organisation, en obligeant à rechercher des caractères négligés ou ignorés, parmi l’infinité d’informations que les roches contiennent. Enfin, la tendance vers l’utilisation de données quantitatives est de plus en plus évidente, et le traitement d’informations, dont le nombre et la complexité croissent sans cesse, devra se faire sur ordinateur. Loin de supprimer le rôle fondamental de l’observation, cela doit au contraire l’orienter vers des voies nouvelles.
pétrographie [ petrɔgrafi ] n. f.
• 1842; de pétro- et -graphie
♦ Didact. Science qui décrit les roches et étudie leur structure et leur composition. ⇒ minéralogie. Spécialiste de la pétrographie ou PÉTROGRAPHE n. , 1907 .
● pétrographie nom féminin Branche de la géologie qui a pour objet la description et la systématique des roches. ● pétrographie (synonymes) nom féminin Branche de la géologie qui a pour objet la description...
Synonymes :
pétrographie
n. f. GEOL Science qui étudie les roches et leur formation.
⇒PÉTROGRAPHIE, subst. fém.
Science ayant pour objet l'étude de la composition chimique et minéralogique des roches et des minéraux, et celle de leur formation; cette étude elle-même. Au XIXe siècle, les observations se multiplient, la géologie devient une science et un corps de doctrine se constitue. La paléontologie et la pétrographie vont devenir des disciplines voisines, mais relativement indépendantes (FURON ds R. gén. sc., t.63, 1956, p.27). L'examen de la zone profonde des chaînes successives ramène toujours aux mêmes problèmes de pétrographie, de géophysique et de thermodynamique (Hist. gén. sc., t.3, vol. 2, 1964, p.502).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. 1935. Étymol. et Hist. 1842 (Ac. Compl.). Comp. de pétro- (v. pétrogale) et -graphie.
DÉR. 1. Pétrographe, subst. Celui, celle qui est spécialisé(e) en pétrographie. Dans la conception des pétrographes, les roches sont des agrégats plus ou moins nettement individualisés de minéraux; elles constituent la croûte terrestre ou lithosphère (BRAJNIKOV, Pétrogr. et rayons X, 1936, p.7). Une évolution des méthodes de recherche a conduit les pétrographes à l'utilisation systématique de l'analyse chimique quantitative, combinée avec l'examen microscopique, pour déterminer la nature des minéraux constituants (Hist. gén. sc., t.3, vol. 1, 1961, p.365). — []. — 1re attest. 1907 (Nouv. Lar. ill. Suppl.); de pétrographie, suff. -graphe. 2. Pétrographique, adj. Qui est relatif à la pétrographie. Essais pétrographiques. Aussi bien du point de vue chimique général que du point de vue minéralogique et pétrographique, la notion de la persistance d'un des états en question sous des conditions données s'impose comme essentielle (NIGGLI, Loi phases minér. et pétrogr., t.1, 1938, p.9). La craie phosphatée (...) présente tous les caractères d'un accident pétrographique, développé en pleine craie blanche (...) à l'intérieur même du Bassin parisien (CAYEUX, Causes anc. et act. géol., 1941, p.11). La classification pétrographique de Fouqué et Michel-Lévy a été remaniée et enrichie par A. Lacroix qui en fit un instrument de recherche remarquable pour notre connaissance des processus lithologiques (Hist. gén. sc., t.3, vol. 2, 1964, p.486). — []. Att. ds Ac. 1935. — 1re attest. 1795 (Carte pétrographique du St. Gothard [titre] ds Chr. de MECHEL, Itinéraire du St. Gothard, Bâle, in fine d'apr. QUEM. DDL t.30; de pétrographie, suff. -ique).
pétrographie [petʀɔgʀafi] n. f.
ÉTYM. 1842; de 1. pétro-, et -graphie.
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♦ Didact. Science des roches, de leur structure, de leur composition. ⇒ Minéralogie, pétrologie.
➪ tableau Noms de sciences et d'activités à caractère scientifique.
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DÉR. Pétrographique.
Encyclopédie Universelle. 2012.