RABBIN
RABBI
Terme dérivé de l’araméen rabbi («mon maître») et désignant essentiellement le responsable religieux, le guide spirituel dans les communautés juives. L’institution du rabbinat est, pour certains, aussi vieille que le peuple juif lui-même. Moïse, déjà, reçut de Dieu l’ordre de nommer des «juges» dans chaque district, dans chaque ville, comme le dit le verset de la Torah (Deut., XVI, 18): «Tu te placeras des juges dans toutes tes portes.» Il ne faut pas donner ici au terme de juges l’acception restreinte qu’il eut à une époque beaucoup plus tardive, mais son extension la plus large: celui qui est préposé, au nom de la Torah, au respect de ses règles de vie dans toutes leurs ramifications. Telle est du reste la définition du Deutéronome (XVII, 9): «Si tu as à juger un cas qui te dépasse [...], tu viendras chez les prêtres lévites et chez le juge alors en fonctions, tu t’informeras et ils t’indiqueront le verdict à prononcer. Tu te conformeras à la sentence qu’ils t’indiqueront et tu auras soin d’agir selon tout ce qu’ils t’enseigneront.»
De nombreuses fonctions incombent donc au rabbin de la communauté qui l’a choisi. Il est d’abord le maître, chargé d’élever de nombreux disciples et de répandre la connaissance de la Torah. Au Moyen Âge, mais aussi dans un passé assez récent, le rabbin était rosh yeshiba et dispensait à ses élèves des cours de «Talmud avec commentaires». Dans les communautés séfarades, le titre habituellement conféré au rabbin était celui de marbits Torah , «celui qui répand la Torah». Il avait, là aussi, un rôle essentiel non seulement dans les questions spécifiquement religieuses, mais en tout ce qui touchait la vie intérieure de la communauté: rien ne se faisait sans son consentement ou en dehors de sa haute autorité. Mais le rabbin est encore aujourd’hui un «décisionnaire» dans tous les domaines de la vie quotidienne: questions rituelles touchant les règles diététiques ou l’observance du sabbat et des fêtes, la pureté de la vie conjugale, la prière; litiges opposant patron et ouvrier, époux et épouse, individu et communauté.
Le rabbin remplit, d’autre part, la fonction de prédicateur — le sermon, la drasha , qui a revêtu suivant les temps et les lieux des formes diverses, ayant toujours été regardé comme un mode privilégié de communication avec le simple fidèle et le grand public.
Plus récemment, et par la force des choses, le rabbin a étendu son rôle aux activités sociales (visites aux malades, secours aux malheureux), cherchant à apporter un réconfort à toutes les misères spirituelles ou matérielles. Le fait que ces obligations diverses soient assignées au rabbin découle du «caractère général» de la Torah, qui embrasse la vie entière. Gardien de la Torah, le rab , comme on l’appelle en hébreu, doit être aussi l’exemple vivant de son accomplissement intégral.
Anciennement, pour mériter ce titre, le rabbin devait recevoir l’ordination (semikha ), qui l’habilitait à «juger et à décider» en toute question religieuse. Cette institution trouve sa source dans l’imposition des mains du maître au disciple, telle que la Torah la décrit (Nombres, XXVII, 18 et 23): «Le Seigneur dit à Moïse: tu prendras donc Josué, fils de Noun, homme en qui réside l’esprit, et tu poseras ta main sur lui [...]. Il prit Josué et plaça ses mains sur lui.» Par la suite, cette ordination revêtit différentes modalités et fut supprimée complètement à la fin du patriarcat en Palestine. Le terme de semikha s’est cependant maintenu, en un sens plus ou moins impropre: donner la semikha , c’est, pour un rabbin célèbre ou une institution reconnue, habiliter un candidat faisant preuve de connaissances suffisantes à occuper un poste de rabbin ou de dayan (juge). L’expression exacte serait plutôt hatarat horaa (permission d’enseigner); selon une loi non écrite mais observée universellement, il était interdit de confier un poste rabbinique à quiconque, fût-il réputé pour sa science, ne pouvait présenter un tel diplôme. Cette mesure correspond à la recommandation du Talmud (Sanhédrin , 5b): «Qu’un disciple n’enseigne pas sans l’autorisation de son maître.»
À l’époque talmudique, aussi bien en Palestine qu’en Babylonie, le rabbinat n’était pas une profession organisée, car «il est interdit de faire de la Torah un instrument de travail». Le rosh yeshiba , certes, consacrait tout son temps à la direction des académies talmudiques, veillant à ce que ses élèves ne manquent pas les travaux des champs dont ils tiraient leur subsistance. Mais la plupart des sages (honorés du titre de rab , rabban ou ’hakham ) exerçaient des métiers d’artisans (forgerons, cordonniers, scribes) ou s’adonnaient au commerce ou à l’agriculture. Le «rabbinat classique» est apparu en Europe vers le XIIe siècle et s’est caractérisé essentiellement comme un phénomène urbain. Ce sont probablement les communautés elles-mêmes qui, grandissant en importance, ressentirent le besoin de s’attacher les services d’un lettré de grande envergure, chargé d’en diriger la vie spirituelle. Cette institution paraît avoir pris son départ en Allemagne, et c’est Rashi qui l’introduisit en France, après l’avoir vu fonctionner dans des villes comme Worms et Mayence, où il était allé étudier. De cette époque probablement date le rabbinat professionnel, dont le représentant se voit contraint d’accepter un salaire de la communauté qui l’a engagé librement. Cette forme nouvelle de la fonction rabbinique est liée, sans aucun doute, à la transformation de la communauté juive, qui devient une cellule très individualisée et administrée par l’ensemble de ses membres. Le souvenir de l’ancien état de choses s’est cependant maintenu, et il existait encore des rabbins bénévoles qui assuraient leur subsistance par une activité professionnelle autre, certains étant même suffisamment riches pour subvenir à l’entretien de leurs élèves. Jusqu’à une époque récente, surtout dans les grands centres religieux, chaque rabbin célèbre fondait sa yeshiba, regardant toujours l’enseignement comme sa tâche essentielle.
Animateur spirituel de sa communauté, le rabbin n’est en aucune façon un prêtre; il ne joue pas le rôle d’intermédiaire entre Dieu et les hommes; il ne confesse ni n’absout; il n’a pas l’exclusivité de la célébration des offices (réservée au ’hazan professionnel ou bénévole) ni de la bénédiction des fidèles (qui est plutôt du ressort des descendants d’Aaron, les cohanim ): le rabbin est, avant tout, le maître qui guide et qui instruit.
rabbin [ rabɛ̃ ] n. m.
• 1540; rabain 1351; araméen rabbi « mon maître »
1 ♦ Docteur de la Loi juive chargé de l'enseigner et de la faire appliquer (appelé scribe dans l'Évangile, rabbi [ rabi ] par les spécialistes d'histoire juive). Le Talmud, collection des enseignements des grands rabbins.
2 ♦ (1808) Cour. Docteur de la Loi d'une communauté juive. Grand rabbin, élu par le consistoire israélite. Le grand rabbin de France.
● rabbin nom masculin (latin ecclésiastique rabbinus, de l'hébreu rabbi) Chef religieux, guide spirituel et ministre du culte d'une communauté juive. ● rabbin (difficultés) nom masculin (latin ecclésiastique rabbinus, de l'hébreu rabbi) Orthographe Avec deux b ; de même pour les dérivés rabbinat, rabbinique. ● rabbin (expressions) nom masculin (latin ecclésiastique rabbinus, de l'hébreu rabbi) Grand rabbin, titre donné aux rabbins qui occupent des postes importants de direction dans l'ensemble des communautés juives.
rabbin
n. m. RELIG
d1./d Rabbin: chef spirituel d'une communauté juive; ministre du culte israélite.
|| Grand rabbin: chef d'un consistoire israélite.
d2./d Rabbin ou rabbi: docteur de la Loi juive dans l'ancienne Palestine.
⇒RABBIN, subst. masc.
RELIG. JUIVE
A. — Docteur de la Loi. Le fameux rabbin Moïse Maimonide (...) nous apprend qu'à la fin de la grande captivité un très-grand nombre de Juifs (...) se fixèrent à Babylone (J. DE MAISTRE, Soirées St-Pétersb., t. 2, 1821, p. 191). Au XIe siècle, un rabbin français, Rashi, composa un commentaire de la Bible et du Talmud (R. ARON, Les Années obscures de Jésus, Paris, Grasset, 1960, p. 173).
— En partic. Maître du Talmud. Du IIIe au Ve siècle, dans les écoles palestiniennes et babyloniennes, les générations de rabbins appelés amoraïm s'appliquent à discuter, à commenter, à expliquer la Mishnah (P. DÉMANN, Les Juifs, 1960, p. 39):
• 1. Le Talmud descend en droite ligne de la Bible, les richesses morales et religieuses qui constituent l'enseignement prophétique se retrouveront ici. Avec cette différence que les rabbins ont élargi et approfondi les paroles des Prophètes, que ce qui n'était que simple indication est repris par eux et amplifié à l'infini.
E. GUGENHEIM, Les Portes de la Loi, 1982, p. 58.
B. — Chef religieux d'une communauté juive; titulaire du diplôme délivré par une école ou un séminaire rabbinique. Rabbin orthodoxe, conservateur, libéral. Animateur spirituel de sa communauté, le rabbin n'est en aucune façon un prêtre; il ne joue pas le rôle d'intermédiaire entre Dieu et les hommes; il ne confesse ni n'absout; il n'a pas l'exclusivité de la célébration des offices (...): le rabbin est, avant tout, le maître qui guide et qui instruit (Encyclop. univ. t. 20 1975, p. 1603).
♦ Grand rabbin. Rabbin titulaire d'une fonction, d'un siège ou d'un mérite particulier. Le pain azyme de la rue des Écouffes (...) est fabriqué sous la surveillance du Grand Rabbin, lequel se fait assister pour ce rite d'un autre rabbin (FARGUE, Piéton Paris, 1939, p. 104):
• 2. Entre rabbin et grand rabbin, il n'y a pas de distinction fondamentale (...), le titre [de grand rabbin] est attaché soit à la fonction ou au siège d'un rabbinat, soit accordé à titre personnel. (...) ce titre est porté de droit et à vie par le Grand Rabbin de France, le ou les grands rabbins du Consistoire central, le Directeur du Séminaire et le Grand Rabbin de Paris.
R. BERG, M. URBAH-BORNSTEIN, Les Juifs devant le dr. fr., 1984, p. 37.
C. — [En Ukraine et en Pologne, en partic. dans la seconde moitié du XIXe s.] Rabbin miraculeux. Rabbi hassidique (v. ce mot rem. s.v. rabbinisme) (considéré sous le seul aspect de thaumaturge). Je venais d'assister, dans la petite ville de Bels, à un de ces banquets étonnants qui, chaque samedi, réunissent dans la synagogue tous les Juifs de l'endroit autour d'un rabbin miraculeux (THARAUD, An prochain, 1924, p. 98). V. miraculeux A 3 ex. de Tharaud.
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1351 rabain « docteur de la loi juive » (JEAN LE LONG, trad. ODORIC DE PORDENONE, Voyages en Asie, éd. H. Cordier, p. 72-73 cité par R. ARVEILLER ds Fr. mod. t. 17, p. 140: quatre rabain franc); 1540 rabbin (P. DORÉ, L'image de vertu, 185b ds Rom. Forsch. t. 32, p. 141: les rabbins des Juifz); 2. 1808 rabbin « chef spirituel d'une communauté juive » (Décret impérial du 17 mars ds B. des Lois de l'Empire français, 4e série, t. 8, p. 218); 1808 grand rabbin (ibid.). Empr., prob. par l'intermédiaire d'un lat. médiév. rabbinus (1552 ds LATHAM, mais sans doute att. antérieurement) ou de l'ital. rabbino (rabino, déb. XIVe s. à Florence, v. PRATI et DEI) à l'araméen , plur. de rabb « maître » ou à l'hébr. postbiblique (v. rabbi). Dans ce dernier cas, la termin. -in (-inus, -ino) proviendrait d'une adaptation du mot hébr. p. assim. de la finale - à un suff. connu. Fréq. abs. littér.:142.
DÉR. Rabbinat, subst. masc. a) Dignité, fonction de rabbin. L'imposition des mains, rite juif de l'ordination du rabbinat (RENAN, Marc-Aurèle, 1881, p. 527). À l'époque talmudique, aussi bien en Palestine qu'en Babylonie, le rabbinat n'était pas une profession organisée, car « il est interdit de faire de la Torah un instrument de travail ». (...) la plupart des sages (honorés du titre de rab, rabban ou 'hakham) exerçaient des métiers d'artisans (forgerons, cordonniers, scribes) ou s'adonnaient au commerce ou à l'agriculture. Le « rabbinat classique » est apparu en Europe vers le XIIe siècle et s'est caractérisé essentiellement comme un phénomène urbain (Encyclop. univ. t. 20 1975, p. 1603). b) Ensemble, corps de rabbins. Le rabbinat traditionnaliste; français. Chacune (...) [des] trois grandes divisions actuelles du judaïsme religieux possède ses propres institutions, son rabbinat, ses synagogues, ses écoles, — séminaires rabbiniques ou universités de type moderne, ou écoles talmudiques de type traditionnel (yeshivôt), — ses associations et organisations diverses (P. DÉMANN, Les Juifs, 1960, p. 45). Les membres du rabbinat consistorial reconnaissent l'autorité du Grand Rabbin de France et se soumettent à son arbitrage pour tout ce qui concerne l'application du règlement général du corps rabbinique (R. BERG, M. URBAH-BORNSTEIN, Les Juifs devant le dr. fr., 1984, p. 40). Grand Rabbinat de France. Services qui dépendent directement du Grand Rabbin de France. Traditionnellement habitués à recourir à leurs cadres religieux, les rapatriés [d'Afrique du Nord] s'adressèrent au Grand Rabbinat de France et au Consistoire Central de France et d'Algérie pour trouver une solution à leurs problèmes (B. BLUMENKRANZ, Hist. des Juifs en France, 1972, p. 429). — []. — 1res attest. a) 1842 « dignité, fonction de rabbin » (A. CERFBERR in Les Français peints par eux-mêmes, Province III, p. 189 ds QUEM. DDL t. 12), b) 1883 « ensemble des rabbins » (A. CAHEN, Le rabbinat de Metz pendant la période fr. [1567-1871] ds R. des ét. juives t. 7); de rabbin, suff. -at. L'ital. rabbinato est att. au XVIIe s. d'apr. DEI, et l'angl. rabbinate en 1702 au sens a et en 1892 au sens b d'apr. NED.
rabbin [ʀabɛ̃] n. m.
ÉTYM. 1540; rabain, 1351; lat. médiéval rabbinus, araméen rabbîn, plur. de rabb « maître ».
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1 Hist. Docteur de la loi qui étudiait, commentait la Thora, et avait les fonctions juridiques et pédagogiques, dans la Palestine antique (→ Interprétation, cit. 1). ⇒ Rabbi. || Les rabbins sont appelés scribes dans l'Évangile. || Le Talmud, collection des enseignements des grands rabbins.
2 (1808). Mod. Chef religieux d'une communauté juive, qui préside au culte (⇒ Synagogue), prêche, instruit la jeunesse, célèbre les mariages, etc. (sans qu'aucun élément sacerdotal soit attaché à sa fonction). || Grand rabbin : chef d'un consistoire israélite. || Le grand rabbin de France. || Le grand rabbin de Palestine, de Jérusalem.
0 — Monsieur le médecin-chef, c'est l'aumônier des juifs, paraît, qui demande à vous voir (…) Par la fenêtre, je surveillais l'arrivée du rabbin divisionnaire (…) Avec son calot noir, sa barbe en cascade, sa haute taille fléchissante, sa lévite, sa canne à crosse, il me fit, de loin, songer aux juifs polonais des romans populaires (…) Je (…) me trouvai tout à coup nez à nez avec (…) l'aumônier israélite. Je vis aussitôt que je m'étais trompé (…) C'était un homme du monde, sans âge appréciable, portant binocle, l'air studieux et attentif, avec quelque chose de distant et de professoral (…)
G. Duhamel, Récits des temps de guerre, II, Un enterrement.
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DÉR. Rabbinat, rabbinique, rabbinisme, rabbiniste.
Encyclopédie Universelle. 2012.