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RIBOSOMES
RIBOSOMES

Les protéines, qui façonnent le phénotype de tout organisme et en sont des unités fonctionnelles (enzymes), sont synthétisées au cours de réactions matricielles hautement spécifiques. Les instructions pour la synthèse de chaque protéine sont transférées d’abord de l’ADN, source de l’information génétique, à l’ARN messager ou ARNm (transcription), et puis de cet ARNm à la chaîne polypeptidique (traduction) qui va constituer la protéine. Au cours de cette expression génétique, le message héréditaire, inscrit dans la séquence des désoxyribonucléotides, subit une double conversion: il se voit finalement reproduit dans la séquence des acides aminés des protéines puisque, selon le code génétique, chaque triplet de nucléotides correspond à un acide aminé. La fidélité de l’expression des gènes est confiée aux ribosomes: en effet, c’est à ces particules que l’ARNm transmet le message issu du génome.

La synthèse protéique est un processus complexe, auquel participent non seulement l’ARNm et le ribosome, mais aussi les ARNt et une série de facteurs cytoplasmiques catalysant l’une ou l’autre étape du schéma de polymérisation [cf. GÉNÉTIQUE MOLÉCULAIRE]. Dans la mesure où le ribosome porte les sites d’attachement de tous ces facteurs, il va ainsi accomplir des fonctions multiples. Une complexité non moins certaine se situe au niveau des processus biosynthétiques qui sont à l’origine des différents constituants ribosomaux et dans leur assemblage au cours de la croissance cellulaire.

Nous décrirons d’abord la structure, les fonctions et la genèse des ribosomes des bactéries (cellules procaryotes). La deuxième partie de cet article est consacrée aux ribosomes du cytoplasme de la cellule eucaryote et aux particules ribosomales que renferment certains de ces organites cytoplasmiques (mitochondries et chloroplastes).

1. L’appareil de traduction des procaryotes

Structure du ribosome bactérien

Une cellule bactérienne possède environ 20 000 ribosomes, qui sont libres dans le cytoplasme ou ancrés à la membrane cytoplasmique. Ces particules ont un coefficient de sédimentation d’environ 70 unités Svedberg (70 S = 2,65 憐 106 daltons). Elles sont composées d’une grande sous-unité (50 S = 1,5 憐 106 Da) et d’une petite sous-unité (30 S = 0,9 憐 106 Da). Une dissociation des particules 70 S en sous-unités se produit naturellement lorsque prend fin la fonction traductionnelle exercée par le ribosome lié à l’ARNm, donc à la terminaison des chaînes polypeptidiques. Elle peut être réalisée artificiellement au laboratoire dans certaines conditions expérimentales: les sous-unités sont alors séparées par centrifugation en gradients de densité.

Les ribosomes des procaryotes (bactéries et cyanophycées) sont constitués de 60 p. 100 d’ARNr et de 40 p. 100 de protéines ribosomales (protéines r): on y retrouve trois types d’ARNr et 52 protéines (tabl. 1). La sous-unité 30 S renferme une molécule d’ARNr 16 S et les protéines S 1 à S 21. La sous-unité 50 S contient un ARNr 5 S, un ARNr 23 S, ainsi que les protéines L 1 à L 34. Les 3 ARNr diffèrent dans leur taille, la séquence de leurs nucléotides et leur structure tridimensionnelle. Les protéines r sont uniques, excepté les deux dimères L 7/L 12 et le couple L 26 漣S 20. Les protéines ribosomales peuvent être séparées par électrophorèse bidimensionnelle. Elles ont des tailles comprises entre 10 000 et 30 000 daltons, excepté la protéine S 1 (65 000). Le fractionnement des ARNr est réalisé par électrophorèse ou par chromatographie sur colonne.

Les ARNr représentent environ 80 p. 100 de l’ARN total extrait d’une bactérie. Les trois types d’ARNr d’Escherichia coli ont été entièrement séquencés. Ces études ont montré la présence de régions complémentaires permettant la formation de «bras» bicaténaires par les appariements des bases G-C et A-U: ces bras séparent des boucles monocaténaires (fig. 1). Il en découle que chaque ARNr possède, au sein de la particule ribosomale, une structure tridimensionnelle propre. La comparaison des structures des ARN 5 S issus de différentes bactéries a permis de préciser la position taxonomique d’organismes nouvellement isolés et de tracer l’évolution des espèces étudiées.

L’analyse par ordinateur des images des sous-unités et des ribosomes, obtenues au microscope électronique dans différentes projections, a permis d’établir la structure tridimensionnelle des ribosomes entiers et des sous-unités (fig. 2). Ainsi, la grande sous-unité présente trois appendices majeurs. La petite sous-unité, composée d’un corps et pourvue d’un bec, repose sur la grande sous-unité. La synthèse des protéines se déroule à l’interface des deux sous-unités.

Comme nous l’avons précisé, les ARNr possèdent une structure tridimensionnelle propre, qui subsiste même lors de la dissociation complète des particules. Chaque protéine adhère à une région bien précise d’un ARNr, dont certaines séquences restent exposées au milieu extérieur. Il suffit d’incuber des particules ribosomales avec l’ARNase pour que des clivages des ARNr se produisent et qu’une séparation des composants ribosomaux s’ensuive.

Le relevé topographique des différents constituants ribosomaux (fig. 3) est le résultat de nombreuses approches expérimentales différentes. Citons en premier lieu les méthodes de pontages entre ARNr ou entre protéines r, pontages réalisés à l’aide de réactifs chimiques bifonctionnels capables d’établir des liens covalents entre composants proches. La mesure de la distance entre fluorophores, greffés respectivement sur un composant à topologie inconnue et sur d’autres de référence, permet de situer le premier par rapport aux points de référence. Le marquage de deux protéines ribosomales moyennant le remplacement de l’hydrogène par le deutérium (qui modifie la diffusion des neutrons) permet de mesurer la distance entre les deux centres de masse que représentent lesdites protéines. Les anticorps qui ont été obtenus à l’encontre des différentes protéines ont permis d’établir leur position à la surface du ribosome grâce à la formation de «dimères» (deux ribosomes fixés aux bras d’une molécule d’immunoglobuline) identifiables par microscopie électronique. Des approches similaires, fondées sur l’emploi d’anticorps réagissant avec des bases modifiées dans les ARNr ou avec des haptènes greffés à des points connus de ces mêmes molécules, ont permis notamment d’identifier la position des extrémités des ARNr, saillantes à la surface des particules.

Fonctions du ribosome

La synthèse protéique se fait en trois étapes: l’initiation, l’élongation et la terminaison (fig. 4). Elle est liée à la dissociation périodique du ribosome 70 S dans ses sous-unités lors de la terminaison et à leur réassociation lors de l’initiation, étapes caractérisant le cycle ribosomal .

L’initiation démarre avec la fixation de l’ARNm à la sous-unité 30 S, suivie de l’attachement de l’aminoacyl-ARNt initiateur, vecteur de la formylméthionine (l’anticodon du fMet-ARNt s’apparie avec le codon AUG de l’ARNm). Ces réactions sont catalysées par les facteurs d’initiation (IF1, I2, I3), qui sont recyclés lors de la fixation de la grande sous-unité ribosomale. L’initiation se termine donc par la formation d’un complexe d’initiation fMet-ARNt . ribosome . ARNm.

L’élongation des chaînes protéiques consiste en trois réactions: d’abord, l’attachement d’un aminoacyl-ARNt (AA-ARNt); ensuite, la peptidisation et, enfin, la translocation. À la suite de l’initiation, le fMet-ARNt se trouve lié au site donneur P (peptidyl) de la sous-unité 50 S. Un deuxième ARNt se fixe au site receveur A (aminoacyl) de cette même sous-unité. Il y a alors formation d’un lien peptidique entre le 漣COOH du peptidyl (ou de fMet) au site P et l’ 漣NH2 d’un acide aminé au site A. L’étape suivante, la translocation du peptidyl-ARNt du site A au site P, se traduit dans l’avancement du ribosome par rapport à l’ARNm, grâce à l’énergie fournie par l’hydrolyse d’un équivalent de GTP. Ces trois réactions sont catalysées par des facteurs d’élongation étant: l’EF-Tu pour la première réaction, l’EF-G pour la troisième et la peptidyl-transférase pour la deuxième, activité enzymatique de la sous-unité 50 S. Elles se répètent autant de fois qu’il y a d’acides aminés à assembler dans la protéine (fig. 4).

La terminaison a lieu lorsque le ribosome rencontre un des trois codons de ponctuation (le triplet «ambre» UAG, «ocre» UAA, ou «opale» UGA). À la suite de l’intervention des facteurs de terminaison, RF1 (qui reconnaît les codons UAA et UAG), RF2 (spécifique pour UGA et UAA) et RF3 (agissant de concert avec les deux précédents), le complexe d’élongation se dissocie: ribosome, ARNm, ARNt et protéine se séparent. L’ARNt est recyclé, l’ARNm est hydrolysé, et le ribosome se dissocie dans ses sous-unités, à la suite de l’intervention du facteur d’initiation I3. Le clivage de la chaîne protéique nouvellement formée de son ARNt requiert l’intervention de la peptidyl-transférase.

En réalité, le processus de synthèse protéique et le cycle ribosomal qui lui est lié doivent être situés dans le contexte physiologique de la croissance cellulaire. Dans une cellule en multiplication, la réplication du génome, la transcription, la traduction du message héréditaire et l’assemblage des ribosomes se déroulent simultanément. Rappelons que, dans le cas des bactéries, le décodage du message est opéré par plusieurs ribosomes à la fois, d’où la formation de complexes (polyribosomes ou polysomes) renfermant une molécule d’ARNm à laquelle sont attachés des ribosomes comportant des chaînes polypeptidiques de longueur croissante.

Topographie des sites fonctionnels

La formation du lien peptidique 漣CO 漣 NH 漣, réaction clef de la synthèse protéique, est réalisée par le centre catalytique de la peptidyl-transférase, un domaine de la grande sous-unité ribosomale. Ce centre serait constitué par des segments de l’ARNr 23 S et par une série de protéines r situées à la base de la protubérance centrale (fig. 3). Cette région est couverte par la petite sous-unité et, en fait, le ruban de la protéine en croissance se déroule dans la fente entre les deux sous-unités. La boucle V de l’ARNr 23 S ferait partie du centre catalytique, car des mutations dans cette région de la molécule induisent l’apparition de phénotypes de résistance aux antibiotiques qui inhibent la réaction de peptidisation (tabl. 2). Un certain nombre de protéines appartenant à la grande sous-unité ont été localisées dans le domaine présomptif de la peptidyl-transférase: il s’agit de L2, L4, L15, L16, L18 et L27.

Il découle de ce qui précède que le ribosome recèle les sites de fixation de deux amino-acyl ARNt, de l’ARNm et des différents facteurs d’initiation, d’élongation et de terminaison. Certains sites ont été localisés à la surface de deux sous-unités (fig. 3), et les protéines qui en font partie ont été identifiées. Ainsi, l’ARNm se fixerait aux protéines S1, S3, S18 et S21 qui sont situées à l’interface entre les deux sous-unités. Dans cette même région du ribosome, on retrouve également l’extrémité 3 de l’ARNr 16 S: celle-ci est proche du site de décodage (l’endroit où chaque codon de l’ARNm s’apparie avec l’anticodon correspondant de l’ARNt) et renferme une autre séquence s’appariant avec un segment de 6 purines (séquence Shine-Dalgarno 5 -AGGAGG-3 ) présent dans tous les ARNm. En outre, la protéine L16 ferait partie du site A, alors que L15 et L27 seraient présentes au site P.

En ce qui concerne les facteurs de la synthèse protéique, il est bien établi que la petite sous-unité est pourvue des sites de fixation de I2 (qui induit la formation du complexe ARNm . 30 S) et de I3 (responsable pour la dissociation des deux sous-unités). Les sites d’attachement des facteurs d’élongation à la grande sous-unité sont très proches et situés à l’interface entre les sous-unités.

Gènes des constituants ribosomaux et assemblage des particules

Le génome d’E. coli comporte 7 unités transcriptionnelles indépendantes au niveau desquelles est élaboré l’ARNr. Chaque unité comprend dans l’ordre les gènes codant pour les ARNr 16 S, 23 S et 5 S. Des séquences de séparation variables sont placées entre les gènes. Les gènes codant pour les protéines ribosomales sont groupés dans plusieurs opérons dispersés dans le génome bactérien. La régulation de ces gènes se fait par rétro-inhibition: le produit du dernier gène de l’opéron réprime l’expression du premier, bloquant ainsi la synthèse des protéines r. Il existe, par ailleurs, une régulation globale des différents opérons ribosomaux, dont la transcription est synchronisée avec la croissance cellulaire. De ce fait, les ribosomes sont assemblés à partir de leurs composants à mesure qu’ils sont synthétisés.

Lorsque les sous-unités ribosomales sont soumises à des solutions salines de molarité croissante, les protéines r sont arrachées selon un ordre bien précis. Un ordre d’assemblage inverse se retrouve lors de l’incubation du «noyau» formé d’ARNr et de quelques protéines, avec les protéines préalablement libérées sous l’action des ions. La carte d’assemblage de la sous-unité 30 S, construite à l’aide de cette technique de dissociation-réassociation, est présentée à la figure 5. Ce processus passe par la formation de particules intermédiaires capables d’assurer certaines fonctions du ribosome. La protéine L16, par exemple, exerce une fonction conformationnelle fondamentale, puisqu’elle est essentielle pour la fixation d’autres protéines et permet aux ribosomes partiellement reconstitués d’accomplir les réactions de peptidisation et de translocation. Les cartes d’assemblage des deux sous-unités, construites à l’aide d’expériences in vitro, reproduisent fidèlement les étapes de l’ontogenèse des ribosomes in vivo.

2. Les appareils de traduction des eucaryotes

Les ribosomes du cytoplasme des eucaryotes

La cellule procaryote ne possède pas d’organites et est pourvue d’un seul type (70 S) de ribosomes. Par contre, la cellule eucaryote contient des organites (noyau, nucléole, mitochondries et chloroplastes) et deux types (70 S et 80 S) de ribosomes: les particules de type 70 S se trouvent dans les organites cytoplasmiques, et celles de type 80 S dans le cytoplasme. Les deux types de particules ont des compositions différentes en ARNr et en protéines, et réagissent à l’action d’inhibiteurs distincts (tabl. 2). Les ribosomes sont assistés, dans leurs fonctions multiples au cours de la synthèse protéique, par des facteurs (d’initiation, d’élongation et de terminaison) qui diffèrent dans le cas des particules 70 S et 80 S.

La dissociation d’une particule 80 S (4,5 憐 106 Da) libère deux sous-unités de 40 S et de 60 S (respectivement 1,5 et 3,0 憐 106 Da). La petite sous-unité contient un ARNr 18 S d’environ 2 000 nucléotides et 33 protéines. La grande sous-unité contient trois ARNr (un ARNr 5 S de 120 nucléotides, un 5,8 S de 160 nucléotides, et un 28 S de 5 000 nucléotides) et 45 protéines. La différence de taille des ribosomes 80 S par rapport aux 70 S est donc liée à la présence d’une molécule additionnelle d’ARNr et d’environ 20 protéines (tabl. 1). L’origine des ribosomes est très complexe, les différents composants étant synthétisés dans des organites et dans des compartiments cellulaires différents, ce qui implique plusieurs migrations transmembranaires. Un précurseur ribonucléique de grande taille (45 S) est transcrit d’abord de l’ADN nucléolaire et découpé ensuite en ARNr 5,8 S, 18 S et 28 S («processing»), tandis que l’ARNr 5 S est transcrit de l’ADN nucléaire. Dans le noyau, les 4 ARNr se lient aux protéines ribosomales qui ont été synthétisées dans le cytoplasme grâce à l’information issue de l’ADN du noyau (message porté par l’ARNm et traduit par les ribosomes cytoplasmiques). Cela implique une double migration: des protéines du cytoplasme au noyau et des ARNr du noyau au cytoplasme; c’est à ce niveau que les sous-unités 40 S et 60 S «mûres» sont formées.

Les facteurs participant à la synthèse protéique au niveau des ribosomes 80 S sont aussi plus nombreux chez les eucaryotes que chez les procaryotes. Alors que ces derniers ne disposent que de trois facteurs d’initiation, deux d’élongation et trois de terminaison, on a trouvé une dizaine de protéines qui participent à l’initiation chez les eucaryotes. Aux huit facteurs décrits initialement (eIF-1, -2, -3, -4A, -4B, -4C, -4D et -5) on doit, en fait, ajouter le facteur de recyclage de eIF-2 (une protéine formée de trois sous-unités, ayant une fonction analogue à l’IF-1 des procaryotes), le facteur de dissociation eIF-6 (correspondant à l’IF-3 de E. coli ), et la protéine fixatrice de l’extrémité 5 méthylée («cap») de l’ARNm (la «cap-binding protein»). Les facteurs d’élongation des eucaryotes eEF1 et eEF2, qui sont équivalents aux facteurs EF-T et EF-G des procaryotes, dirigent respectivement l’attachement de l’aminoacyl-ARNt au site A et la translocation du peptidyl-ARNt du site A au site P des ribosomes. La troisième étape de l’élongation, la formation du lien peptidique, est catalysée par la grande sous-unité ribosomale aussi bien chez les eucaryotes que chez les procaryotes. En ce qui concerne la terminaison, un seul facteur, eEF, a été mis en évidence chez les eucaryotes (il correspond donc aux facteurs RF-1, -2 et -3 «release factors» des procaryotes): son activité est GTP dépendante (à la différence des RF).

En conclusion, c’est seulement au niveau de l’initiation qu’une précision majeure, assurée par un plus grand nombre de facteurs, semble être requise chez les eucaryotes (par rapport aux procaryotes); le plus grand nombre de protéines présentes dans les ribosomes des eucaryotes aurait cette même signification. Rappelons que d’importantes différences entre les ARNm des eucaryotes et des procaryotes ont par ailleurs été mises en évidence [cf. GÉNÉTIQUE MOLÉCULAIRE]. Alors que chez les bactéries les gènes de chaque opéron sont transcrits ensemble en un ARNm polycistronique, produisant un nombre de protéines qui varie d’un opéron à l’autre, les messages chez les eucaryotes sont monocistroniques. Alors que la taille de l’ARNm bactérien correspond exactement à celle de la protéine codée, cette correspondance ne se vérifie pas pour la majorité des ARNm eucaryotes, qui subissent des réarrangements avant leur expression. En réalité, on retrouve chez les eucaryotes des gènes morcelés dans lesquels les séquences codantes («exons») sont interrompues par des séquences non codantes (les «introns»). Le transcrit d’origine subit alors des coupures («splicing») afin d’éliminer les introns et de produire un schéma de lecture sans interruption. Enfin, les ARNm des eucaryotes contiennent deux extrémités très particulières: une structure méthylée non codante m7GpppApN (N étant un nucléotide variable) à l’extrémité 5 P («cap»), et un segment polyadénylé [poly (A), «tail»] de 50 à 150 nucléotides à l’extrémité 3 OH. L’addition du cap à l’extrémité de l’ARNm est assurée dans le noyau par la guanylyl-transférase, alors que la méthylation a lieu dans le cytoplasme sous l’action d’une méthyltransférase spécifique. Ces structures semblent contribuer à la stabilité du messager et à son efficience d’attachement au ribosome. Cette dernière fonction est assurée également par l’appariement d’une séquence poly-purinique de l’ARNm («Shine-Dalgarno sequence» 5 AGGAGG3 ) avec une séquence complémentaire de l’extrémité 3 OH de l’ARNr 18 S. Bien que le processus d’initiation des chaînes protéiques suive des schémas analogues chez les procaryotes et les eucaryotes, certaines différences sont néanmoins évidentes. Comme nous l’avons souligné, le début d’une nouvelle protéine bactérienne est marqué par la fixation d’un ARNt initiateur au complexe ribosome-ARNm-IF-2: il s’agit du fMetARtfMet, lequel porte la formylméthionine (la formylation par le N-formyl-tétrahydrofolate est assurée par une transformylase) et possède une structure différente de celle de l’ARtMet intervenant dans l’élongation. La protéine néoformée perd par la suite le formyl et souvent aussi la méthionine initiale. Les eucaryotes ne possèdent pas de protéines formylées; toutefois, ils ont des ARtMet différents pour l’initiation et l’élongation. Notons que les archæbactéries, des micro-organismes situés au cours de l’évolution entre les eubactéries et les eucaryotes, ont également des Met-ARtMet non formylés, tout en partageant avec les eubactéries une structure cellulaire procaryote [cf. ARCHAEBACTÉRIES].

Les ribosomes des mitochondries et des chloroplastes

Ces organites cytoplasmiques possèdent des génomes d’ADN bicaténaire circulaire, qui se dupliquent par un mécanisme semi-conservatif, et des appareils propres de transcription et d’expression des messages héréditaires. Ils sont doués de continuité génétique (dédoublement par fission binaire) et jouissent d’une autonomie partielle vis-à-vis de l’ADN chromosomial sis dans le noyau. L’ADN des chloroplastes code pour certains constituants de l’appareil de traduction, ARNr, ARNt et facteurs d’élongation.

Ribosomes des chloroplastes

La ressemblance entre les ribosomes des bactéries et ceux des chloroplastes est particulièrement évidente: elle concerne aussi bien les composants de nature protéique que ceux de nature polynucléotidique, à une exception près, la présence d’un troisième type d’ARNr 4,5 S (en plus des types 23 S et 5 S) dans la grande sous-unité ribosomale chloroplastique des cellules végétales (le 4,5 S manque dans les chloroplastes d’Euglena ). Le degré d’homologie entre les différents ARNr 16 S et 23 S issus d’E. coli et de chloroplastes est d’environ 70 p. 100. La parenté des ARNr 5 S de ces deux sources est encore plus grande: elle est manifeste aussi bien au niveau de la structure primaire que de la secondaire de ce polymère. E. coli possède sept opérons d’ARNr qui renferment la succession de gènes 16 S-23 S-5 S de l’ARNr, avec des cistrons d’ARNt dans l’intervalle («spacer») entre gènes. Une organisation semblable se retrouve dans le génome chloroplastique, avec deux différences majeures: un gène d’ARNr 5 S séparé des autres et placé sous le contrôle d’un promoteur indépendant, et un gène d’ARNr 23 S pourvu d’un intron chez Chlamydomonas . Dans les chloroplastes également, l’ARNt initiateur est porteur de formylméthionine, un ARNt différent étant employé pour insérer la méthionine dans les chaînes peptidiques croissantes. Les ARNm isolés des chloroplastes ressemblent aux bactériens par l’absence d’extrémités puriniques différenciées [le cap 5 et le poly (A) 3 ], la présence de séquences terminales non codantes et l’existence d’un codon d’initiation AUG précédé par la séquence de régulation polypurinique de Shine-Dalgarno, site d’appariement avec l’extrémité 3 de l’ARNr 16 S. Rappelons toutefois la mise en évidence d’un messager chloroplastique pourvu d’une séquence non codante et, donc, correspondant aux gènes morcelés caractéristiques du génome nucléaire des eucaryotes (un phénomène semblable a été mis en évidence chez les archæbactéries).

En conclusion, les chloroplastes possèdent un appareil propre de duplication et d’expression du message héréditaire. Si, toutefois, les ARN chloroplastiques sont d’origine endogène, par contre la majorité de leurs protéines sont exogènes, à l’exception de quelques protéines ribosomales et des facteurs d’élongation EF-Tu et EF-G.

Ribosomes des mitochondries

Bien que les mitochondries soient pourvues de ribosomes de type 70 S, leur appareil de traduction présente de nombreuses différences par rapport à celui des bactéries et des chloroplastes. La petite sous-unité ribosomale a des tailles variables entre 30 S et 40 S, et la grande sous-unité entre 40 S et 60 S, d’où une hétérogénéité dans les dimensions des ribosomes mitochondriaux (de 55 S à 80 S).

Si les petites sous-unités renferment une trentaine de protéines, ce nombre varie dans les grandes sous-unités entre 40 et 50. Le rapport entre ARNr et protéines r dans les particules est moindre dans les ribosomes des mitochondries que dans ceux des procaryotes. En outre, les ARNr mitochondriaux ont un contenu en GC (guanine et cytosine) plus bas que celui de leurs homologues bactériens, et les ARNr mitochondriaux des cellules animales ne sont pas méthylés. Dans les ARNt mitochondriaux font également défaut les bases méthylées et certaines bases rares. Le nombre d’espèces d’ARNt et l’éventail de codons disponibles sont aussi réduits. La différence la plus frappante entre les appareils de traduction des bactéries et des chloroplastes, d’une part, et ceux des mitochondries, d’autre part, concerne le code génétique, qui est de type orthodoxe dans le premier cas et hétérodoxe dans le second. Par ailleurs, divers codons non conventionnels ont été observés dans des organites de sources différentes.

Un autre caractère particulier est l’absence d’ARN 5 S dans les mitochondries de levures et des cellules animales.

Tout comme les bactéries, les mitochondries ont deux ARNt de la méthionine, qui est formylée dans l’ARNt initiateur. Notons que la formylméthionine est retenue à l’origine des chaînes peptidiques mitochondriales mais elle est enlevée des protéines bactériennes croissantes. Les ARNm des mitochondries diffèrent de ceux que l’on retrouve chez les bactéries et dans le noyau des eucaryotes. En fait, ils n’ont pas de cap à l’extrémité 5 , possèdent un segment poly (A) 3 terminal et subissent un processus d’épissage lors de la transcription de gènes interrompus par la présence d’introns. L’hétérodoxie précitée du système mitochondrial de codage est notamment démontrée par la présence de codons initiateurs de type AUA ou AUU en remplacement de AUG (que l’on retrouve dans les ARNm des procaryotes et des chloroplastes).

Il apparaît donc, des données ci-jointes, que l’appareil de traduction des organites cytoplasmiques est proche de celui des procaryotes et diffère de façon substantielle de l’appareil nucléo-hyaloplasmique des eucaryotes. Cette parenté ainsi que la présence, dans ces mêmes organites, d’une organisation de type procaryote pour la duplication et la transcription du message héréditaire sont à la base de la théorie symbiotique de la cellule eucaryote. Une cellule (urcaryote) aurait surgi au cours de l’évolution par la symbiose d’une cellule protocaryote hypothétique avec les eubactéries (mitochondries) et les cyanobactéries (chloroplastes) [voir les chapitres sur les archæbactéries et l’évolution]. Cette théorie et les arbres évolutifs construits sur sa base ont été confirmés par des analyses de structure des appareils de traduction des différents organismes procaryotes et eucaryotes. L’analyse des séquences et de la structure secondaire des ARNr présents dans les organites et dans le cytoplasme de différentes cellules s’est révélée un outil exceptionnel pour l’étude de la phylogenèse des êtres vivants de la biosphère.

Encyclopédie Universelle. 2012.