TRADUCTION
Le mot traduction provient du verbe traduire, dont l’origine est le verbe latin traducere : «faire passer». Le sens le plus courant est: «faire passer un texte d’une langue à une autre». Dans d’autres langues telles que l’anglais (translate ) et l’allemand (übersetzen ), c’est à la notion de déplacement que renvoie l’étymologie. On trouve des emplois de ce sens premier dans la Bible de Wyclif ou encore avec la valeur dérivée de changement d’état dans les Canterbury Tales de Chaucer. Le verbe traduire apparaît pour la première fois en français en 1539, et le nom traduction en 1540. On remarquera que l’expression nominale est réservée exclusivement à l’acception la plus courante et peut exprimer soit l’activité de traduction, soit le produit fini.
L’activité de traduction
L’activité de traduction est très ancienne. Les inscriptions en deux langues qui figurent sur les tombes des princes d’Éléphantine en Égypte datent du IIIe millénaire avant J.-C. Ils en constituent le premier témoignage écrit. Mais ces princes avaient le statut officiel de «chefs-interprètes». C’est en effet en tant qu’activité orale d’interprétation, et plus particulièrement dans les relations politiques et économiques, que se manifeste à l’origine la traduction.
La pierre de Rosette (196 av. J.-C.), témoignage des honneurs conférés à Ptolémée V pour les services qu’il a rendus à l’Égypte, compte parmi les traductions les plus célèbres de l’Antiquité. Découverte en 1799 seulement, elle se trouve actuellement au British Museum. Cette pierre porte des inscriptions en deux langues: le grec et l’égyptien, mais en trois écritures, les textes égyptiens étant pour une partie en hiéroglyphes, pour l’autre en démotique. À l’époque romaine, l’activité de traduction se multiplie et se diversifie. Elle donne lieu pour la première fois à une réflexion théorique. Il est cependant difficile d’établir clairement dans le contexte de l’époque la limite entre traduction et imitation de textes sources. Le débat sur le caractère original ou secondaire de la traduction ne s’est posé que beaucoup plus tard. Il est intéressant de noter à cet égard que bon nombre de traductions sont dues à des poètes connus tels que Geoffrey Chaucer, John Dryden, Alexander Pope et Goethe. En revanche, les traductions qui ont fait date ne sont pas pour la plupart l’œuvre de poètes ou d’écrivains. Ce sont, entre autres, La Vie des hommes illustres (Plutarque) de Jacques Amyot, La Bible de Luther, la Authorized Version de la Bible, le Shakespeare de Schlegel et le Proust de Scott Moncrieff. Ces traductions se sont imposées, en dépit des critiques qui ont pu être formulées à leur égard et des retraductions ultérieures lorsqu’il y a lieu. La majorité des traducteurs cités ont également exprimé leurs positions idéologiques concernant la traduction, souvent sous forme de préface à l’œuvre traduite ou de lettre polémique.
Théorie de la traduction
Tout au long de l’histoire, la réflexion sur la traduction a été centrée sur des oppositions binaires: langue source/langue cible; texte original/texte traduit; littéralisme/traduction libre; traduction de la lettre/traduction de l’esprit. Ces polarités ne sont pas du même ordre. On constate cependant, dans les débats, des recouvrements. Quel que soit l’objet de la divergence, un phénomène reste central: l’orientation vers le texte source ou vers le texte traduit. La réflexion en termes d’oppositions n’est pas le seul fait de positions individuelles. Le courant privilégié a varié selon les époques et selon les contextes socioculturels. On peut cependant se demander pourquoi les problèmes se sont posés en ces termes. Tout d’abord, les principes théoriques avancés ont été presque systématiquement liés, tout au moins avant le XXe siècle, à une pratique dont on justifiait les choix a posteriori. Ceux-ci étaient érigés en théorie et entraînaient, de ce fait, le rejet de la position inverse. Les phénomènes externes, qu’ils soient culturels, sociaux ou politiques, ont largement orienté les positions individuelles. Il reste néanmoins qu’une réflexion de ce type est fondée en dernier ressort sur un jugement de valeur et ne peut donc aboutir à une issue définitive. Autre fait caractéristique, la réflexion sur la traduction, antérieure au XXe siècle, est fondée presque exclusivement d’une part sur la traduction de la Bible, d’autre part sur la traduction littéraire et plus particulièrement la poésie. Cette restriction à deux catégories de textes a également joué un rôle dans la récurrence de la problématique posée. Si le débat central apparaît comme une constante, les motivations qui sous-tendent chacune des polarités subissent en revanche des variations.
L’orientation vers la langue source a été déterminée, en ce qui concerne la traduction de la Bible, par le souci de ne pas trahir la parole divine. D’où un respect de la forme qui allait souvent jusqu’au littéralisme. On peut citer, dans cette mouvance, les traductions bibliques de l’Antiquité, la Revised Version de la Bible (1881-1885) en Angleterre, la American Standard Version (1901) ou encore les traductions contemporaines d’André Chouraqui. Le mot à mot a alors comme origine le respect religieux.
Que ce soit au niveau des mots ou des structures syntaxiques, la valorisation du texte source n’a cependant pas toujours pris la forme du littéralisme. La devise célèbre de Cicéron, «traduire sens pour sens, et non mot à mot», a tantôt été reprise par les partisans du texte original, tantôt par les partisans du texte traduit. Dans la mesure où ce qu’on entendait par «reproduire le sens» n’a été exprimé jusqu’au XXe siècle qu’en termes très généraux, il est difficile de juger quelle était la teneur exacte de ces propos. On constate cependant que, en dépit d’exceptions, la réflexion, qui, dans un premier temps, était axée sur les mots, s’est peu à peu tournée vers la traduction d’unités plus larges. Le romantisme allemand nous fournit un autre exemple de valorisation du texte original. Il s’agit dans ce cas de ressourcer sa propre langue et d’enrichir sa littérature par le biais de l’œuvre originale afin d’atteindre l’universel.
Le fait de privilégier le texte traduit a, de la même façon, été lié à des préoccupations diverses. Lorsque Cicéron préconise la «latinisation» des textes grecs, on peut y déceler un motif à la fois politique et culturel: le besoin d’affirmer la suprématie romaine. On ne peut pour autant nier la conscience aiguë qu’il avait de l’hétérogénéité des langues sur le plan linguistique. Au Moyen Âge, en revanche, où la notion de propriété littéraire n’était pas du même ordre qu’à l’époque actuelle, le texte traduit était souvent envisagé comme création à part entière, avec un statut d’autonomie par rapport à l’œuvre originale. Ainsi, Chaucer, dans ses écrits, n’établissait guère de différence entre ses œuvres originales et celles qu’il avait traduites. L’optique inverse subsistait néanmoins et s’inscrivait dans le cadre d’un prolongement de l’œuvre originale. À l’époque de la Renaissance et surtout dans la traduction de la Bible de Luther, on voit apparaître une nouvelle préoccupation: celle de rendre les textes bibliques intelligibles pour le peuple. Afin de les rendre accessibles, Luther entendait utiliser la langue courante. Il acceptait de modifier à ce titre les structures et les termes qui n’étaient pas aisément reconnaissables en allemand. C’est dans un tout autre esprit que les traducteurs du XVIIe siècle, et dans une large mesure du XVIIIe siècle, transformaient le texte original. Le mot clé était alors la liberté, et celle-ci allait jusqu’à l’adaptation, d’où l’expression «les belles infidèles».
Le XXe siècle
Au XXe siècle, la situation devient plus complexe. Deux facteurs ont une incidence sur la traduction: sur le plan scientifique, l’avènement de la linguistique; sur le plan technique, l’introduction de l’informatique.
La linguistique est tantôt accueillie par les traducteurs comme un outil de précision dans leur pratique, tantôt, au contraire, rejetée. Sur le plan théorique, l’influence de la linguistique est, en revanche, radicale. Elle apparaît tout d’abord dans le cadre théorique du structuralisme, d’une part en Europe de l’Est avec le cercle de Prague, d’autre part aux États-Unis sous l’impulsion d’Eugene Nida, président de l’Association de la traduction de la Bible. Les publications de Nida, Structure of Langage and Theory of Translation , et plus particulièrement Towards a Science of Translating , ont marqué une attitude nouvelle à l’égard de la traduction jusque-là considérée comme un art. Par la suite, l’influence de la linguistique s’est fait sentir en Europe avec une diversification des cadres théoriques. Les théoriciens de la traduction sont nombreux, actuellement, à souligner la nécessité de lier la théorie de la traduction à une théorie du langage: c’est le cas de George Steiner dans After Babel , d’Henri Meschonnic dans Pour la poétique II , de Louis Kelly dans The True Interpreter , de Peter Newmark dans Aspects of Translation et d’Antoine Berman dans L’Épreuve de l’étranger et Pour une critique des traductions: John Donne . Deux aspects du langage sont souvent soulignés, la dimension culturelle et la dimension discursive.
La traduction automatique a fait l’objet de nombreuses recherches sur le plan international. Des centres de recherche ont été créés en Europe, dans le cadre du programme Eurotra lancé par la Communauté européenne. L’objectif de ce programme était de traduire un même texte directement dans plusieurs langues. Les résultats obtenus ont réorienté cette perspective. Plutôt que de traduction automatique, on parle à présent de «traduction assistée par ordinateur».
Sur le plan culturel, la création de nombreux centres, associations et publications dans le domaine de la traduction, sur les plans économique et social, l’avènement de la Communauté européenne ont donné un nouvel essor à la traduction. En 1953 a été créée la Fédération internationale des traducteurs. En France, on voit naître en 1947 la Société française des traducteurs et, en 1973, l’Association des traducteurs littéraires. La création de centres de traduction – pour la traduction littéraire à Strahlen en Allemagne et à Arles en France, pour la traduction technique, le centre Amyot à Paris – indique un nouveau tournant. La traduction acquiert à présent un statut institutionnel.
Parallèlement à l’évolution dans le domaine pratique de la traduction, les courants théoriques se multiplient et se diversifient. Mais, en dépit des spécificités, on distingue essentiellement deux démarches: le modèle idéal fondé sur la critique des traductions et sur un jugement qualitatif, et le modèle scientifique fondé sur la systématisation des phénomènes observables.
Les tenants de l’optique «évaluative» s’associent aux critères de Walter Benjamin exposés dans La Tâche du traducteur , texte qui a largement influencé tout un courant de réflexion sur la traduction. Benjamin cherche au-delà des langues naturelles un langage qui serait «pure essence». Il conçoit la traduction comme une mutation qui modifie l’œuvre originale et transforme la langue maternelle grâce à la langue étrangère. Il s’associe en cela à l’optique du romantisme allemand. Henri Meschonnic se réclame de Benjamin dans son rejet de l’«annexion traductrice». En revanche, il s’inscrit contre le littéralisme formel d’André Chouraqui, qui constitue pour lui une violation de la langue (De Jonas à Jona ). Meschonnic insiste sur la nécessité d’une théorie qui s’appuie sur la pratique et qui tienne compte de la dimension globale du discours. Il attache une importance toute particulière au rythme et à l’«oralité» dans le texte écrit (Pour la poétique II ).
Antoine Berman se situe également dans la lignée de Benjamin, et il consacre son premier ouvrage, L’Épreuve de l’étranger , à la traduction dans l’Allemagne romantique dans ses rapports avec la culture. Il s’inscrit contre «la négation systématique de l’étrangeté de l’œuvre étrangère» et affirme la nécessité de dégager une éthique de la traduction. La notion d’éthique est reprise dans son deuxième ouvrage (Pour une critique des traductions: John Donne ) dans le cadre d’une réflexion sur la possibilité d’évaluer les traductions selon des critères consensuels; deux critères sont avancés pour fonder un jugement qui dépasserait la dimension subjective. Ces critères sont d’ordre éthique et poétique. Berman centre son analyse sur la critique des traductions, et plus particulièrement celles de John Donne. Il présente également les deux démarches théoriques évoquées plus haut en discutant leurs mérites respectifs.
George Steiner (After Babel ) envisage la traduction dans une perspective très large qui inclut la traduction à l’intérieur d’une même langue, conception que récuse Meschonnic. En revanche, il s’inscrit, comme Meschonnic, contre une linguistique abstraite et souligne ce qui est spécifique dans les langues et les cultures. Sur le plan idéologique, il s’élève contre les orientations extrêmes vers le pôle texte origine ou le pôle texte traduit, et conclut qu’il ne peut s’agir en tout état de cause que d’un équilibre en plus ou en moins.
Lorsque Jean Laplanche et son équipe entreprennent de traduire l’œuvre de Freud en français, ils adoptent une position qui, contrairement à celles des autres théoriciens, se définit antérieurement à l’œuvre traduite. Au nom de la cohérence, ils décident de rendre toutes les occurrences d’un même mot chez l’auteur par un même mot en français. Lorsque le volume XIII, le premier à être publié dans la collection, est sorti en 1988, il a donné lieu à un débat parmi les traducteurs, qui faisait suite aux divergences antérieures à ce sujet entre psychanalystes et grammairiens. Les psychanalystes, avec l’appui de Freud, entendaient germaniser le français, les grammairiens, en revanche, s’orientaient vers la francisation de l’allemand. Ces divergences nous ramènent une fois de plus vers le débat langue source/langue cible.
La deuxième démarche que nous avons évoquée n’est plus fondée sur la critique des traductions mais sur l’observation neutre des textes traduits. Elle suppose en cela un rapport entre pratique et théorie, qui n’est plus du même ordre. L’existence de ces deux courants révèle un fait rarement souligné concernant le concept même de théorie. Alors que, dans d’autres domaines, on fonde ses hypothèses sur des faits vérifiables et prédictibles, en matière de traduction, il s’agit, dans la grande majorité des cas, d’une théorie qui est centrée sur un modèle idéal, une visée à atteindre. La question qui est presque systématiquement posée est «comment faut-il traduire?» et non «comment traduit-on?». La première position qui se reflète dans la terminologie utilisée: «la tâche du traducteur» (W. Benjamin), «la visée du traducteur» (A. Berman), se donne pour objectif de définir les critères d’une traduction de qualité; la deuxième s’appuie sur des ensembles de textes traduits et cherche à définir les constantes dans la pratique des traducteurs. Il s’agit d’une démarche déductive et non prescriptive. Elle apparaît essentiellement dans trois domaines: la sociologie, l’histoire des traductions et la linguistique. Mais avec des différences cependant. Si la théorie découle de la description dans les trois cas, l’approche sociologique de Gideon Toury et de l’école de Tel-Aviv ainsi que l’approche historique de José Lambert mettent l’accent sur la description; ils envisagent uniquement le texte traduit et se situent en dehors d’une théorie du langage. L’approche linguistique (Jacqueline Guillemin-Flescher) se situe nécessairement dans une théorie du langage et s’appuie non seulement sur les textes traduits, mais sur les textes originaux. Elle fonde sa théorie sur la description, mais elle vise essentiellement la théorie qui en découle.
Une telle optique ne peut pas prendre en compte tous les phénomènes qui entrent en jeu dans la pratique de la traduction. Au-delà d’un certain seuil, les textes et les catégories de textes se différencient. Mais tout ce qui est singulier, que ce soit la créativité d’un auteur ou les choix subjectifs d’un traducteur, échappe nécessairement à la généralisation. Ce qui est singulier est par définition non prédictible. Il n’en reste pas moins que de nombreuses transformations apparaissent de façon récurrente d’un traducteur à l’autre et témoignent de schémas discursifs intériorisés qui diffèrent selon les langues ou les groupes de langues. Devant plusieurs choix théoriquement possibles, on s’aperçoit que, dans de nombreux cas, les traducteurs vont systématiquement privilégier une même solution. Ces choix correspondent à la spécificité culturelle des représentations linguistiques. Ces constantes conditionnent l’activité de traduction à un degré qu’on ne peut soupçonner. Cela implique qu’on ne peut envisager le style d’un auteur en soi comme un phénomène absolu. La créativité, aussi marquée soit-elle, s’inscrit dans la langue, et celle-ci comporte plusieurs niveaux: un premier niveau de contraintes morphologiques et syntaxiques incontournables, un deuxième niveau de «normes» collectives qui constituent des contraintes relatives et, enfin, les choix particuliers des auteurs et traducteurs. Ces différents niveaux s’inscrivent en continu, au point qu’il est souvent difficile de savoir quand on passe de l’un à l’autre. Même dans les cas où un effet stylistique peut être reproduit de façon littérale dans une autre langue, il ne produira pas nécessairement le même effet parce qu’il sera isolé des phénomènes langagiers qui le conditionnent.
La différence que nous avons évoquée entre la langue de catégories textuelles différentes (littérature, textes scientifiques, textes administratifs) n’est pas aussi radicale qu’on a tendance à le croire. Il est certain qu’on ne traduit pas un texte littéraire comme on traduit une recette de cuisine. Néanmoins, ce qui apparaît de façon éclatante dans les ensembles de textes transcatégoriels, c’est que tout texte produit dans une même langue partage un fond commun de langue courante qui est, elle, non différenciée. Quelques exemples à partir de l’anglais et du français suffiront à le démontrer:
– «The voice was still in his ears, but the turf whereon he lay sprawled was clearly vacant », K. Graham («Taupe croyait encore l’entendre et vit qu’il n’y avait plus personne sur le gazon où un instant auparavant il était étendu», J. Parsons).
– «... Some familiarity with the theoretical and descriptive studies listed in the bibliography is pre-supposed », N. Chomsky («... l’on supposera une certaine pratique des études théoriques et descriptives citées dans la bibliographie», J. C. Milner).
– «Du moins, on ne connaît pas chez nous le désordre», A. Camus («But a least, social unrest is quite unknown among us », S. Gilbert).
Ces exemples sont pris volontairement dans des textes de nature différente: histoires pour enfants, romans, ouvrages théoriques. Ils comportent tous dans la version française, qu’il s’agisse de la traduction ou de l’original, un verbe qui exprime la perception ou la connaissance. En anglais, c’est systématiquement l’objet de perception ou de connaissance qui paraît en position initiale. La transformation dans le passage à l’autre langue est, dans certains cas, soumise à des contraintes grammaticales. Mais, même lorsque ce n’est pas le cas, on pourrait en multiplier les exemples. Cette transformation n’est cependant pas significative en tant que phénomène isolé. Elle s’inscrit dans un ensemble de paramètres langagiers où cette différence d’orientation paraît également. Ainsi, dans les énoncés suivants, les éléments introduits en anglais par «there is» sont systématiquement repérés en français par rapport à un terme source désignant un animé humain.
– «There were many friends with us as we waited for the results to come in », M. Thatcher («J’avais beaucoup d’amis avec moi devant ces longues heures où nous attendions les résultats»; P. Blot et al.).
– «... there’s blood on your hands », A. Christie («... vous avez du sang sur les mains», M. Le Houbie).
– «Et Maigret tournait le bout de papier en tous sens. Il lui trouvait quelque chose d’équivoque», G. Simenon («Maigret turned the piece of paper over and over. There was something peculiar about it », R. Baldick).
On pourrait encore citer comme exemples les cas où une tournure passive sera préférée en anglais et une structure active en français. Ces contraintes entraînent de nombreuses modifications dans le passage à l’autre langue et rendent nécessairement l’identité entre les deux textes illusoire. En revanche, il existe des opérations communes à toutes les langues qui permettent d’établir des équivalences. Ce sont ces propriétés communes qui rendent la traduction possible.
traduction [ tradyksjɔ̃ ] n. f.
1 ♦ Action, manière de traduire. « Sa traduction peut paraître très exacte et fidèlement calquée sur l'original » (Sainte-Beuve) . Traduction littérale, mot à mot (⇒aussi calque) . Traduction fidèle. Traduction libre. ⇒ adaptation, paraphrase. — Traduction automatique, opérée par des machines électroniques. Traduction orale, simultanée. ⇒aussi interprétation.
♢ Texte ou ouvrage donnant dans une autre langue l'équivalent du texte original qu'on a traduit. ⇒ version. La traduction de la Bible en latin (⇒ vulgate) , en français. « des traductions d'Edgar Poe [...] tellement excellentes qu'elles semblent des œuvres originales » (Gautier). « une comparaison entre deux traductions, anglaises ou françaises, d'un même texte » (Larbaud). Langue source et langue cible d'une traduction. — Par ext. Chercher la traduction d'un mot dans un dictionnaire bilingue. ⇒ 2. équivalent.
2 ♦ (fin XVIIIe) Fig. Expression, transposition. « Porel, en cet Odéon, est vraiment admirable pour la traduction des intentions de l'auteur » (Goncourt).
3 ♦ Biochim. Synthèse protéique, ainsi dénommée parce que l'alphabet à quatre lettres des acides nucléiques est traduit en alphabet à vingt lettres des protéines. « l'ARN de transfert, dont le rôle est capital dans la traduction du message génétique » (La Recherche, 1988).
● traduction nom féminin (latin traductio) Action de traduire, de transposer dans une autre langue : La traduction d'un livre. Ouvrage, texte qui en reproduit un autre dans une langue différente : Acheter une traduction d'une pièce de Shakespeare. Littéraire. Manière d'exprimer, de manifester quelque chose : La traduction musicale d'un sentiment. Énonciation dans une autre langue (ou langue cible) de ce qui a été énoncé dans une langue (la langue source), en conservant les équivalences sémantiques et stylistiques. ● traduction (citations) nom féminin (latin traductio) Victor Hugo Besançon 1802-Paris 1885 Toutes les religions ont raison au fond et tort dans la forme. Texte : Dieu. Traducteur, trahisseur. Une religion est un traducteur. Tas de pierres Éditions Milieu du monde Valery Larbaud Vichy 1881-Vichy 1957 […] La traduction est pour nous tous, gens de lettres, avec la juste proportion de plaisir et de peines qu'elle comporte… une belle et constante école de vertu. Sous l'invocation de saint Jérôme Gallimard François Marie Arouet, dit Voltaire Paris 1694-Paris 1778 Malheur aux faiseurs de traductions littérales, qui en traduisant chaque parole énervent le sens ! C'est bien là qu'on peut dire que la lettre tue, et que l'esprit vivifie. Lettres philosophiques, XVIII George Borrow East Dereham, Norfolk, 1803-Oulton Broad, aujourd'hui Lowestoft, Suffolk, 1881 La traduction est, au mieux, un écho. Translation is at best an echo. The Bible in Spain ● traduction (expressions) nom féminin (latin traductio) Traduction automatique (T.A.), traduction assistée par ordinateur (T.A.O.), opération visant à assurer la traduction de textes par des moyens informatiques. ● traduction (synonymes) nom féminin (latin traductio) Littéraire. Manière d'exprimer, de manifester quelque chose
Synonymes :
- représentation
traduction
n. f.
d1./d Action de traduire.
— Traduction littérale, mot à mot.
— Traduction libre, qui s'éloigne du texte original.
|| Traduction automatique: application de l'informatique à la traduction de textes. (Elle comprend différents procédés, notam. la traduction automatique [T.A.] sans aucune intervention humaine, et la traduction assistée par ordinateur [T.A.O.] pour laquelle un traducteur peut intervenir à tout moment du traitement informatique.)
d2./d Résultat de l'action de traduire, version d'un ouvrage dans une langue autre que sa langue d'origine.
d3./d GENET Dans la cellule, synthèse enzymatique d'une protéine à partir d'une molécule d'A.R.N. messager, dont la séquence de nucléotides définit la structure primaire de la protéine par l'intermédiaire du code génétique.
⇒TRADUCTION, subst. fém.
Action de traduire; résultat de cette action.
A. — [Corresp. à traduire A 2] Rare. Fait de citer, d'appeler à comparaître. Le ministre, cinq jours avant la fin de l'instruction qui devait conclure à la traduction de Dreyfus devant un conseil de guerre, y affirme la culpabilité de l'accusé (MARTIN DU G., J. Barois, 1913, p. 419).
B. — [Corresp. à traduire B]
1. a) ) Fait de transposer un texte d'une langue dans une autre. La traduction est, à notre époque, une branche importante de l'activité intellectuelle (Arts et litt., 1936, p. 56-12).
— [Avec déterm. désignant ou indiquant]
♦ [la lang. source] Je donne deux cents francs pour une traduction de l'anglais (BALZAC, Illus. perdues, 1839, p. 223).
♦ [l'aut. dont le texte est traduit] Après le breakfast, il écrivait ou travaillait à une traduction de Buffon qu'il avait entreprise (MAUROIS, Ariel, 1923, p. 79).
♦ [le type de trad.] La traduction littérale, ou mot à mot, est la solution idéale, celle où les structures des deux énoncés sont parallèles (MOUNIN ds Lar. Lang. fr., p. 6169, col. 1).
♦ [la nature du canal] Traduction de vive voix. Mrs X... a demandé à notre ami V... de lui faire une traduction écrite de cette lettre (GREEN, Journal, 1941, p. 180).
— [En position de déterm.] Bureau de traduction. Quant à mon prix tu le connais, c'est 250 000 francs comptant (...). Je me réserve le droit de traduction (HUGO, Corresp., 1861, p. 359). Il parlait l'allemand, le français, le russe, et l'anglais qu'il avait appris au collège. Il (...) dirigea (...) le service des traductions d'une société (MALRAUX , Conquér., 1928, p. 47).
) En partic.
♦ Traduction automatique (T.A.), traduction assistée par ordinateur (T.A.O.). ,,Opération visant à assurer la traduction de textes par des moyens informatiques`` (GDEL). Un premier congrès international sur la traduction automatique eut lieu dès 1952 (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 2, 1964, p. 116).
♦ Traduction instantanée ou simultanée. [Dans une conférence internationale] Traduction immédiate (et orale) du discours ou de la communication prononcé(e) par l'orateur (d'apr. BAUDHUIN 1968). La traduction simultanée des conférences est assurée ainsi que l'intervention de traducteurs dans les petits groupes (Lettres des départements sc. du CNRS, Sc. de l'homme et de la société, oct.-nov. 1989, n° 20, p. 33, col. 2).
b) Texte, œuvre traduit(e). Synon. arg. étudiant tradal (ESN. 1966), traduc (ibid.). Traduction ancienne, exacte, élégante, fantaisiste, fidèle, intégrale, littérale, poétique; traduction interlinéaire, juxtalinéaire; traduction avec texte en regard; traduction en prose, en vers; traduction qui rend bien/mal l'original; corriger, revoir, publier une traduction; consulter une traduction; lire un ouvrage dans la/en traduction. On ne connut d'abord Aristote que par une traduction faite d'après l'arabe (CONDORCET, Esq. tabl. hist., 1794, p. 110). Je n'ai point gardé copie de la traduction de ce document que j'ai envoyé aux Affaires étrangères (CHATEAUBR., Mém., t. 3, 1848, p. 519). V. prose A 1 ex. de RENARD, Journal, 1906, p. 1091.
— [Avec déterm. désignant]
♦ [la lang. source] Les quelques livres qui ont été imprimés en grec moderne sont des traductions du français: c'est Télémaque, Paul et Virginie, Atala, Picciola, etc. (ABOUT, Grèce, 1854, p. 251).
♦ [la lang. cible] Bossuet était favorable en général aux traductions en langue vulgaire (SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 2, 1842, p. 358). M. Niel, ayant lu le Neveu de Rameau, dans la traduction française faite d'après celle que Goethe avait faite en allemand, le préférait à l'original (DELACROIX, Journal, 1847, p. 182). Ce qui m'a incité à reprendre l'étude de l'hébreu, c'est la divergence des traductions anglaise, française, et allemande, pour ne rien dire de la Vulgate qui offre un problème particulier (GREEN, Journal, 1936, p. 63).
♦ [l'aut. de la trad.] Suivent quelques titres de Kant notés par Vigny, traduction Tissot (VIGNY, Journal poète, 1847, p. 1252). Relu Under Western eyes, dans l'excellente traduction de Neel (GIDE, Journal, 1930, p. 970).
— P. métaph. Il semblait que sa personne même fût une traduction angélique de ce sombre poème vivant qui s'appelait Marchenoir (BLOY, Désesp., 1886, p. 96). Deux êtres qui semblaient la traduction l'un de l'autre, bien que chacun d'eux fût un original (PROUST, Chron., 1922, p. 71).
2. P. anal.
a) Transposition d'un système dans un autre. On appelle cette opération traduction de la carte, puisqu'elle traduit les perforations en signes imprimés (BERKELEY, Cerveaux géants, 1957, p. 55). Les noms des termes peuvent être des mots de la langue courante ou des chiffres — qui n'ont un sens que pour qui connaît le code, les règles de traduction des mots codés en langage ordinaire (JOLLEY, Trait. inform., 1968, p. 88).
b) Transposition d'un art dans un autre. Traduction cinématographique/traduction en film d'une œuvre littéraire. La gravure est une véritable traduction, c'est-à-dire l'art de transporter une idée d'un art dans un autre, comme le traducteur le fait à l'égard d'un livre écrit dans une langue et qu'il transporte dans la sienne (DELACROIX, Journal, 1857, p. 30). V. poésie I B 2 ex. de Bourgat.
c) ) Transposition, représentation de la réalité
♦ Transposition, représentation de la réalité par les arts plastiques. [Manet] devait nous donner dans chacune de ses toiles une traduction de la nature en cette langue originale qu'il venait de découvrir au fond de lui (ZOLA, Mes haines, 1866, p. 253):
• Sous leur pinceau, qui se veut « intellectuellement » neutre, un paysage ou un visage acquièrent pourtant une intensité (...). Or cette intensité vient d'eux; elle est la force qu'ils infusent dans les choses et dans la traduction picturale qu'ils en proposent.
HUYGHE, Dialog. avec visible, 1955, p. 87.
♦ Transposition, représentation de la réalité sur la scène. Porel, en cet Odéon, est vraiment admirable, pour la traduction des intentions de l'auteur, par des intonations, des mouvements (...) qu'il imagine (GONCOURT, Journal, 1885, p. 421).
) Représentation graphique. La traduction des chiffres relevés en figures de courbe (...) permet d'apprécier d'un coup d'œil la marche d'une transformation (VALÉRY, Variété V, 1944, p. 224).
d) Transposition d'un domaine dans un autre. Nous avons pu (...) exposer nettement le mécanisme de la formation successive de toutes nos idées, et celui de leur traduction dans le langage (DESTUTT DE TR., Idéol. 3, 1805, p. 138). Toute impossibilité de traduction en formules doit être interprétée comme une présomption défavorable à l'égard de telle ou telle idée (Gds cour. pensée math., 1948, p. 252).
— Traduction + adj. faisant référence au domaine cible + de + nom désignant un échantillon du domaine source. Traduction algébrique d'une méthode; traduction industrielle des résultats d'une recherche; traduction mélodique d'un poème; traduction scénique d'un texte; traduction spatiale d'une intensité; traduction optique, physiologique, statistique d'un phénomène. Ce qui est senti par nous de la vie, ne l'étant pas sous forme d'idées, sa traduction littéraire, c'est-à-dire intellectuelle, en rend compte, l'explique, l'analyse, mais ne le recompose pas comme la musique (PROUST, Prisonn., 1922, p. 374). Les données [de la critique historique] (...) demeurent le plus souvent rebelles à toute traduction mathématique (M. BLOCH, Apol. pour hist., 1944, p. 62). V. image ex. 18.
— Traduction en acte. Transposition dans la réalité, concrétisation. Les mesures pratiques proposées seront la traduction en actes des doctrines (BIOT, Pol. santé publ., 1933, p. 40).
3. P. ext.
a) Expression, manifestation d'un phénomène. Traduction clinique d'une maladie. Dans le zona, l'éruption n'est que la traduction cutanée du trouble nerveux dont elle dépend (RAVAUT ds Nouv. Traité Méd. fasc. 2 1928, p. 398).
b) Conséquence. Tous les détails de l'action municipale ont (...) une traduction financière dans le budget de la commune (FONTENEAU, Cons. munic., 1965, p. 129).
4. BIOL., GÉNÉT. Traduction génétique. ,,Processus par lequel le message génétique porté par l'acide ribonucléique messager est traduit en une séquence spécifique d'acides aminés lors de la synthèse d'une protéine déterminée`` (Méd. Biol. Suppl. 1982).
REM. 1. Contre-traduction, subst. fém. La citation en langue étrangère n'est-elle pas le contraire d'une traduction? Elle pourrait ainsi recevoir le nom de contre-traduction (DUPR. 1980). 2. Traductionnel, -elle, adj. Qui concerne la traduction. Je suis payé pour ne plus rien donner au hasard, et mon commencement sera de jeter cette ancre de salut: un emploi; les aventures traductionnelles et littéraires prendront rang après (VERLAINE, Corresp., t. 1, 1874, p. 137). 3. Traductionyme, subst. masc. ,,Traduction du nom véritable d'un auteur dans une langue étrangère`` (Lar. 19e-20e). « Mélanchthon », traduction grecque de l'allemand « Schwarzerd », qui signifie terre noire, est un traductionyme (Lar. 20e).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. XIIIe s. « blâme, reproche; peine, châtiment » (Bible, BN 901, f° 17 d [Sag. 11, 8: in traductione infantium occisorum] ds GDF.: en la traduction d'enfans ocis); 1530 (LEFEVRE D'ÉTAPLES, Bible, éd. 1530, Sapience, 18 [Sag. 18, 5: in traductionem illorum] ds DELB. Notes mss: en leur traduction), rare dans ce sens. B. 1. a) 1540 « action de traduire d'une langue dans une autre » (Amadis, éd. H. Vaganay-Y. Giraud, p. XII, 5: les Espagnolz ont fait leur traduction); b) 1956 traduction automatique (KOROLEV, RASOUMOVSKI et ZÉLENKÉVITCH, Les expériments de la traduction automatique de l'anglais en russe à l'aide de la calculatrice B.E.S.M. Ac. des Sc. de l'URSS (en fr.), Moscou, ds E. DELAVENAY, La Machine à traduire, Paris, P.U.F., 1959, p. 64); 1956 traduction mécanique (E. CARY, Mécanismes et traduction ds Babel, vol. II, n° 3, oct. 1956, p. 104); 1977 traduction assistée par ordinateur (C. CARESTIA GREENFIELD, La Traduction assistée par ordinateur, Paris, AFTERM et IRIA, 1977); c) 1967 traduction simultanée (ROB., s.v. simultané). 2. 1540 « texte ou ouvrage traduit » (Amadis, op. cit., p. XII, 27: ceste traduction d'Amadis); 3. 1716 fig. « expression, transposition » (LA MOTTE, Réflexions sur la critique, p. 186: [les mots sont] la traduction immédiate des choses et des sentimens); 1751 (D'ALEMBERT, Discours préliminaire ds Encyclop. t. 1, p. IX: la traduction mathématique d'une proposition); 4. 1970 génét. (HUSSON). À empr. au lat. class. et chrét. traductio « action d'exposer au mépris, censure, blâme, médisance, critique; peine, châtiment », dér. du verbe traducere (traduire) dans quelques-uns de ses sens: « exposer au mépris; confondre, châtier, punir ». B dér. sav. de traduire d'apr. le lat. class. traductio « traversée, action de faire passer d'un point à un autre; rhét.: métonymie, répétition d'un mot; exhibition publique, action d'exposer au mépris », dér. de traducere (traduire). En ital. traduzione est att. av. 1420 (DOMENICO DA PRATO ds Z. rom. Philol. t. 87 1971, p. 100). Au sens 1 b, cf. l'angl. mechanical translation (1954 ds E. et K. DELAVENAY Bbg. de la Trad. Autom., 'S-Gravenhage, 1960, p. 20) et machine translation (1955 ID., ibid.), automatic translation (1956, ID., ibid., p. 57); computer-aided language translation (1963 H. H. JOSSELSON, Computer-aided language translation in KVAL Seminar 1963, 11-14 mai, Stockholm). Fréq. abs. littér.:1 701. Fréq. rel. littér. :XIXe s.: a) 2 536, b) 2 214; XXe s.: a) 1 668, b) 2 880. Bbg. CLAS (A.). Terminol. et théorie de la traduction. Colloque Internat. de Terminol. 6. 1977. Pointe-au-Pic. Québec, 1979, pp. 281-304. — DARBELNET (J.). Théorie et pratique de la traduction prof. Meta 1980 t. 25, pp. 393-400. — LADMIRAL (J.-R.). La Traduction. Lang. fr. 1981, n° 51, 107 p. — LILOVA (A.). Introd. à la théorie gén. de la traduction. Sofia, 1981, 343 p. — MAILLOT (J.). La Traduction sc. et techn. Paris, 1981, 264 p. — MOUNIN (G.). Les Probl. théor. de la traduction. Paris, 1976, 296 p. PERGNIER (M.). Théorie ling. et théorie de la traduction. Meta. 1981, t. 26, pp. 255-262.
traduction [tʀadyksjɔ̃] n. f.
ÉTYM. 1530, Lefèvre d'Étaples; « livraison », XIIIe; du lat. traductio, qui n'a pas le sens de « traduction », de traductum, supin de traducere. → Traduire.
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1 Action, manière de traduire. ⇒ Interprétation (vx). || Traduction littérale (⇒ Calque), exacte (→ Docte, cit. 4), fidèle (cit. 23). || Traduction flatteuse mais inexacte (cf. la formule : « Les belles infidèles »). — Traduction juxtalinéaire, interlinéaire. || Traduction libre. ⇒ Adaptation, métaphrase, paraphrase. || Traduction d'un mot, d'une parole (→ Lexicographie, cit.; 1. loi, cit. 41). || Exercice scolaire de traduction. ⇒ Explication, thème, version. || Se servir d'une traduction pour faire un devoir. || Traduction d'un nom propre. ⇒ Métonomasie. || Traduction automatique, opérée par des machines électroniques. || Traduction assistée par ordinateur (T. A. O.).
2 Texte ou ouvrage donnant dans une autre langue l'équivalent du texte original qu'on a traduit. ⇒ Version. || Traductions arabes, françaises, latines, hollandaises (→ Copte, cit. 2; 1. écoute, cit. 2; édition, cit. 4; hermétisme, cit. 1). || Traduction de l'anglais vers le russe. || Traduction en latin, en tchèque (d'un texte d'une autre langue; spécialt, d'un texte français). → Esprit, cit. 36; librairie, cit. 4. — REM. Sans adjectif qualificatif et en l'absence de contexte spécifique, traduction désigne en général une traduction en français. || Il avait dédié (cit. 4) au pape sa traduction d'Aristote. || Les traductions d'Amyot (Plutarque), de Galland (les Mille et une Nuits), de Baudelaire (E. Poe). || Traduction d'une traduction. ⇒ Retraduction (cit.). || La traduction de la Bible en araméen (targum), en latin (vulgate). || Les grandes traductions françaises de Shakespeare (François Victor-Hugo, Gide, Yves Bonnefoy).
1 (…) possédant à fond la langue anglaise, il débuta par des traductions d'Edgar Poe, traductions tellement excellentes qu'elles semblent des œuvres originales et que la pensée de l'auteur gagne à passer d'un idiome dans l'autre.
Th. Gautier, Portraits contemporains, « Baudelaire ».
2 Un des plaisirs favoris de Tytler (…) consiste à instituer une comparaison entre deux traductions, anglaises ou françaises, d'un même texte (…) De tout cela une doctrine assez ferme se dégage (…) la bonne traduction est définie : « une parfaite transfusion du sens de l'original », de telle sorte que le style de la traduction soit « du même genre que le style de l'original », tout en ayant « toute l'aisance d'une composition originale ».
Valery Larbaud, Sous l'invocation de saint Jérôme, II, VIII.
2.1 Il est surtout difficile de se comprendre sur notre globe où les langues dressent entre les œuvres des murailles infranchissables (…) La traduction ne se contente pas d'être un mariage. Elle doit être un mariage d'amour.
Cocteau, Journal d'un inconnu, p. 121.
3 Tout traducteur se réclame de la fidélité. Mais l'équivalent de la traduction à l'original ne résulte pas d'une simple équation linguistique. À vrai dire, il ne s'agit même pas d'un rapport à deux termes : original-traduction ou auteur-traducteur. La relation comporte trois termes : auteur-traducteur-lecteur. Et c'est ce dernier terme, le plus important, peut-être, qui est souvent négligé.
Edmond Cary, les Grands Traducteurs franç., p. 34.
♦ Lire, citer un texte en traduction, dans une traduction (et non dans la langue originelle).
3 (Fin XVIIIe). Par anal. et fig. Transposition. ⇒ Expression, représentation. || « La peinture de Delacroix me paraît la traduction de ces beaux jours de l'esprit » (→ Surnaturalisme, cit. 1, Baudelaire; et aussi gravure, cit. 2; forme, cit. 59; louis-quatorzien, cit.). || L'impuissance (cit. 13) peut être la traduction de la frigidité (→ aussi Symptôme, cit. 3).
4 (…) tableaux (…) faits avec gravité et conscience dans la manière de Velasquez et de Chardin, si l'on peut appeler manière ce qui est la traduction la plus élevée, la plus ferme et la plus exacte des choses.
Th. Gautier, Portraits contemporains, « E. Appert ».
5 Porel, en cet Odéon, est vraiment admirable pour la traduction des intentions de l'auteur par des intonations, des mouvements, des gestes, des suspensions, des arrêts, des temps, qu'il imagine et indique à tout son monde.
Ed. et J. de Goncourt, Journal, 20 févr. 1885, t. VII, p. 11.
6 Enfin elle ajouta : « Votre père est si bon de recommander Julien chaque fois qu'il se présente à un examen au ministère des Affaires étrangères. » Traduction : « Ce n'est pas si bête de l'inviter puisqu'il est utile à Julien et le sera encore. »
Proust, Jean Santeuil, Pl., p. 669.
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DÉR. V. Traductibilité.
Encyclopédie Universelle. 2012.