SATURNE
À l’instar de Jupiter, Saturne constitue, avec son cortège de satellites, un système solaire en miniature, mais, surtout, offre le spectacle somptueux de ses anneaux, découverts dès 1610 par Galilée et interprétés en tant qu’anneaux par Huygens en 1655. Saturne a été exploré à trois reprises par des sondes spatiales de la N.A.S.A.: Pioneer-11 à la fin d’août et au début de septembre 1979, Voyager-1 en novembre 1980 et Voyager-2 en août 1981.
1. Structure de la planète
Les anneaux qui auréolent Saturne lui confèrent une apparence unique dans le système solaire. Cependant, la planète proprement dite présente de grandes similitudes avec Jupiter (cf. JUPITER, tabl. 1). Ses dimensions sont presque les mêmes: son rayon équatorial – 60 268 kilomètres – est égal à 9,45 rayons terrestres, au lieu de 11,21 pour Jupiter. Sa masse est de l’ordre de 95 fois celle de la Terre, au lieu de 318 dans le cas de Jupiter. Sa densité moyenne est ainsi de 0,7; en d’autres termes, plongée dans une piscine imaginaire remplie d’eau, Saturne flotterait à la surface comme un ballon. Cela suggère que Saturne est, à l’instar de Jupiter, formée des éléments constitutifs de la nébuleuse solaire primitive, c’est-à-dire surtout d’hydrogène et d’hélium. On verra cependant que ces deux composants ne demeurent pas uniformément mélangés à l’intérieur de la planète, et que la structure interne de Saturne est qualitativement différente de celle de Jupiter. Il n’en demeure pas moins que Saturne est, comme Jupiter, essentiellement une énorme boule de gaz comprimé sous son propre poids, et que ce que nous en voyons est constitué de nuages composés d’éléments mineurs qui se condensent aux faibles températures existant à la périphérie de cet astre.
Comme Jupiter, Saturne tourne très vite puisque sa période de rotation interne est de 10 heures 40 minutes. Elle présente un fort aplatissement, plus grand que celui de Jupiter: son rayon équatorial est supérieur de 10,8 p. 100 à son rayon polaire, tandis que celui de Jupiter est supérieur de 6,5 p. 100 au rayon polaire.
Saturne possède également une source d’énergie interne, c’est-à-dire qu’elle émet plus d’énergie (sous forme de rayonnement) qu’elle n’en absorbe en provenance du Soleil. L’origine de cette source interne est cependant différente de celle de Jupiter.
Les sondes Pioneer-11 et Voyager-1 et -2 ont apporté une moisson d’informations sur la composition, la structure thermique et la
dynamique de l’atmosphère extérieure de Saturne. Combinés avec les observations effectuées depuis la Terre, au sol, à bord d’avions ou par le télescope spatial Hubble, ces résultats permettent de décrire la planète de façon relativement détaillée.
Prenons la fiction d’un observateur venant de l’espace interplanétaire et se dirigeant vers le centre de la planète; que découvrirait-il?
Un «nuage» d’hydrogène atomique et peut-être d’hydrogène moléculaire, en forme de tore centré sur Saturne, entoure la planète. Le tore est situé dans le plan équatorial et s’étend entre 8 et 25 rayons saturniens (soit de 480 000 à 1,5 million de kilomètres) et a une épaisseur d’environ 14 rayons saturniens (840 000 km). On pense que ce nuage, dont la densité est de l’ordre de 20 atomes par centimètre cube, provient d’hydrogène échappé de l’atmosphère de Titan puis attiré autour de Saturne par l’attraction gravitationnelle de cette planète. Il est possible que le tore contienne aussi de l’hydrogène moléculaire avec peut-être même une densité plus élevée que celle de l’hydrogène atomique.
L’exosphère, c’est-à-dire l’atmosphère extérieure de Saturne située au-dessus de la zone où les divers constituants gazeux demeurent uniformément mélangés sous l’effet de la turbulence, est à une température de 400 kelvins environ. La densité de l’hydrogène moléculaire croît rapidement au-dessous de 61 400 kilomètres d’altitude, comptée à partir du centre de la planète, c’est-à-dire à environ 1 300 kilomètres au-dessus du niveau de pression 1 atmosphère. Du méthane est probablement présent également dans cette zone.
L’homopause, c’est-à-dire la région au-dessous de laquelle les composants non condensables ou non dissociés par le rayonnement sont uniformément mélangés, se trouve à environ 200 kelvins et à 1 150 kilomètres au-dessus du niveau 1 atmosphère. En dessous de l’homopause, les proportions relatives des deux composants majeurs, l’hélium et l’hydrogène, sont respectivement de 7 p. 100 en volume (14 p. 100 en masse) et de 93 p. 100. Dans Jupiter, les proportions de ces mêmes éléments sont 10 et 90 p. 100. Sont aussi présents dans la stratosphère, c’est-à-dire entre l’homopause et la tropopause située au niveau 0,1 atmosphère, outre le méthane dans une proportion de 1 à 2 millièmes, divers produits de la dissociation du méthane sous l’action du rayonnement ultraviolet solaire: l’acétylène (C2H2), l’éthane (C2H6) et probablement le propane (C3H8) et le méthylacétylène (C3H4). Ces éléments sont en très petite quantité. D’autres molécules plus complexes pourraient aussi avoir été formées. Par ailleurs, la phosphine (PH3) a été détectée, dans une proportion de quelques parties par million, jusqu’au niveau 5 à 10 hectopascals (0,005 à 0,01 atmosphère). Les hydrocarbures formés dans la stratosphère ne devraient pas être présents dans la troposphère, au contraire de la phosphine, qui provient de l’intérieur de la planète.
La température décroît jusqu’à la tropopause, où elle n’est plus que de 85 kelvins, puis recroît continûment à mesure que l’on s’enfonce dans l’intérieur de la planète. L’ammoniac, qui se condense à des températures plus basses que 145 kelvins, se trouve, dans des proportions de quelques dix-millièmes, au-dessous du niveau 1 atmosphère. C’est probablement aussi au-dessous de ce niveau que devraient se situer les nuages colorés que l’on observe. Les informations sur la température des couches troposphériques plus profondes découlent du fait que le rayonnement radioélectrique émis par Saturne provient de ces couches. À 21 centimètres de longueur d’onde, l’émission provient du niveau 10-20 atmosphères, où la température est de l’ordre de 230 kelvins.
Aux plus grandes profondeurs, la structure de Saturne, comme celle de Jupiter, ne peut être déduite que de modèles théoriques qui sont soumis aux contraintes de trois types d’information: il s’agit tout d’abord de la valeur du rapport hydrogène-hélium dans l’atmosphère extérieure, ensuite de l’intensité de la source interne d’énergie, enfin de l’écart à la symétrie du champ gravitationnel rayonné par la planète autour d’elle. Ces trois quantités ont été mesurées avec précision par les sondes Voyager.
La mesure du champ gravitationnel donne des informations sur la répartition des masses à l’intérieur de la planète. On en déduit que Saturne doit posséder un noyau dense, solide, composé principalement de silicates et de métaux, et peut-être de glaces d’eau, d’ammoniac et de méthane. Cependant, ce noyau doit être de faible dimension (15 000 km de rayon environ) et sa masse ne devrait pas excéder 10 à 20 masses terrestres.
La source interne d’énergie est 1,76 fois plus intense que le rayonnement solaire absorbé par la planète. Une première hypothèse considère que cette énergie est un résidu de la chaleur emmagasinée par la planète au moment de sa formation. Fonctionnant comme un radiateur initialement chauffé qui se refroidit peu à peu, Saturne émettrait un flux d’énergie du centre vers l’extérieur de la planète qui, convertie en énergie radiative, serait responsable de l’émission planétaire observée. Cependant, les modèles d’évolution indiquent que, compte tenu de sa masse plus petite que celle de Jupiter, Saturne devrait avoir perdu sa chaleur initiale depuis quelque deux milliards d’années. Une autre hypothèse, plus plausible, est la suivante: à deux ou trois millions d’atmosphères, l’hydrogène change de nature et devient monoatomique tandis que sa densité et sa conductivité augmentent brutalement. Il est devenu de l’hydrogène métallique. Or, si la température dans la région considérée est suffisamment basse, les calculs de thermodynamique indiquent que l’hélium n’est plus soluble dans l’hydrogène métallique; des gouttes d’hélium liquide se forment et émigrent vers le centre de la planète, libérant ainsi de l’énergie gravitationnelle. Si ce processus, qui rend effectivement compte de l’énergie interne observée dans le cas de Saturne, est vrai, on doit observer moins d’hélium dans la couche atmosphérique externe de Saturne que dans celle de Jupiter. C’est précisément le résultat auquel les mesures des sondes Voyager ont abouti: nous l’avons déjà vu, l’abondance de l’hélium dans la troposphère de Saturne n’est que de 7 p. 100 en volume alors qu’elle est de 10 p. 100 dans celle de Jupiter. Par ailleurs, la température de Jupiter étant plus élevée dans la zone considérée, le mélange se trouve au-dessus du seuil de non-miscibilité et le processus de formation de gouttes d’hélium ne s’est pas encore déclenché. Il aura lieu quand Jupiter se sera suffisamment refroidi.
En résumé, lorsqu’on se dirige de la périphérie vers le centre de la planète, on rencontre successivement:
– une couche d’environ 30 000 kilomètres d’épaisseur, contenant essentiellement 93 p. 100 d’hydrogène moléculaire et 7 p. 100 d’hélium; aux températures suffisamment élevées se trouvent probablement tous les autres éléments mineurs qui constituaient la nébuleuse primitive (carbone, azote, oxygène, métaux, silicates, etc.), mais dans des proportions qui restent à déterminer;
– une couche inhomogène de 5 000 kilomètres d’épaisseur contenant de l’hydrogène métallique au sein duquel des gouttes d’hélium continuent à se former et tombent en «pluie» vers le centre de la planète;
– une couche de 10 000 à 12 000 kilomètres d’épaisseur d’hydrogène métallique et d’hélium, ce dernier dans une proportion supérieure à celle que l’on trouve dans Jupiter ou dans le Soleil;
– finalement, un noyau de silicates et de métaux, et peut-être de glaces, de l’ordre de 15 000 kilomètres de rayon.
Il faut cependant garder présent à l’esprit que ce schéma n’est qu’un modèle susceptible d’être profondément remanié à mesure de l’enrichissement de nos connaissances sur la planète géante.
2. Dynamique et nuages
À première vue, Saturne se présente comme une image adoucie de Jupiter. La symétrie axiale est encore évidente; bandes claires et sombres alternent comme dans le cas de Jupiter, avec cependant beaucoup moins de contraste; les couleurs des motifs sont moins vives. Tout se passe comme si les divers nuages s’étaient mélangés pour produire une tonalité générale presque uniforme. La circulation atmosphérique présente aussi de grandes ressemblances avec celle de Jupiter: un grand nombre de perturbations atmosphériques à très longue durée, baptisées ovales à cause de leur forme, sont présentes. Il existe, comme dans Jupiter, plusieurs alternances de courants allant d’est en ouest, et d’ouest en est, mais, d’une part, leurs vitesses sont plus grandes sur Saturne et, d’autre part, on remarque dans cette dernière planète un courant équatorial ouest-est extrêmement intense.
La composition chimique des nuages n’est pas mieux connue que dans le cas de Jupiter. La couche nuageuse supérieure – qui n’est peut-être qu’une brume – est très probablement constituée de cristaux d’ammoniac. Plus bas se situerait une couche de gouttes de sulfure acide d’ammonium (NH4SH) ou bien d’ammoniac dilué dans de l’eau. Cependant, toutes ces substances étant incolores, les couleurs des nuages et des taches doivent être dues à d’autres composants, d’origine inconnue. Comme dans le cas de Jupiter, la présence de phosphine (PH3) dans la troposphère suggère que le phosphore pourrait être un de ces composants.
L’altitude des différentes couches nuageuses n’est pas très bien déterminée non plus. Puisque l’ammoniac se condense aux températures inférieures à 145 kelvins, la base du nuage d’ammoniac doit être située aux environs du niveau de pression 1 atmosphère. Par ailleurs, les mesures dans l’infrarouge indiquent la présence d’une absorption nuageuse dans la troposphère au-dessus du niveau 0,5 atmosphère. La couche de cirrus d’ammoniac s’étendrait donc de 0,5 à 1 atmosphère, c’est-à-dire sur une trentaine de kilomètres d’épaisseur. En revanche, on ne dispose pas de l’information nécessaire pour déterminer l’altitude des nuages colorés; ils pourraient être situés au niveau 2 ou 3 atmosphères.
À l’instar de Jupiter, la rotation globale de Saturne peut être déterminée par l’étude de la variation de la direction du champ magnétique à partir de mesures des émissions radioélectriques de la planète. La comparaison avec les positions des nuages permet ainsi de déterminer les vents sur Saturne. Il apparaît que les vitesses des courants vers l’est sont beaucoup plus élevées que les vitesses des courants vers l’ouest et que, par ailleurs, elles sont en moyenne beaucoup plus élevées que sur Jupiter. En particulier, le courant équatorial ouest-est qui, à vrai dire, s’étend en latitude entre 漣 300 et + 300, atteint la vitesse de 500 mètres par seconde aux latitudes + 100 et 漣 100, tandis que sur Jupiter il ne dépasse pas 150 mètres par seconde. Une vitesse de 500 mètres par seconde représente les deux tiers de la vitesse du son dans Saturne. Contrairement à ce qui se passe dans Jupiter, il n’existe pas dans Saturne de corrélations entre la structure des courants observés et les couleurs des différentes régions de la planète. Par contre, au-dessus du niveau 0,3 atmosphère, les vitesses des nuages sont en général bien corrélées avec les vents thermiques, c’est-à-dire avec les vents calculés, moyennant certaines hypothèses, à partir de la structure thermique. Ce fait suggère que l’énergie thermique en provenance de l’intérieur de la planète est transformée dans la troposphère supérieure en énergie atmosphérique qui maintient le mouvement horizontal des couches atmosphériques (c’est-à-dire les vents). En revanche, la corrélation mentionnée ci-dessus disparaît au-dessous du niveau 0,3 atmosphère et aux niveaux inférieurs où se situent les nuages colorés. On peut préciser qu’une chimie intense s’opère dans ces couches, prenant le pas à certains égards sur les effets dynamiques et thermiques.
Une autre caractéristique importante – semblable celle-là à ce que l’on trouve sur Jupiter – est la présence de phénomènes atmosphériques de très longue durée, que l’on a classés en trois groupes. Le premier groupe concerne des ovales symétriques, stables et de couleurs variées (blanc, brun, rouge), à qui l’on a donné des noms pittoresques: la Grande Berthe à 750 de latitude nord, les Taches brunes 1, 2 et 3 à 420 nord, la Tache ultraviolette à 270 nord, la Tache d’Anne à 550 sud. Ces ovales semblent tourner comme des roulements à billes entre des courants adjacents dirigés de l’est vers l’ouest, et se déplacent relativement lentement. Ils sont beaucoup plus grands que les cyclones terrestres: la Tache brune 1, par exemple, a 5 000 kilomètres de long dans sa plus grande dimension et 3 300 kilomètres dans sa plus petite dimension. Les motifs d’un deuxième groupe ressemblent aux panaches blancs observés sur Jupiter et sont appelés moins poétiquement les motifs convectifs. Ils s’écoulent vers l’ouest avec le courant centré à 390 nord. Les éléments nuageux individuels sont blancs, brillants, de forme irrégulière et de courte durée de vie. On ne comprend pas bien l’origine physique de ces motifs ni pourquoi ils sont visibles à cette latitude. Un troisième phénomène est le «ruban» situé à 460 de latitude nord. Cette ligne ondulante sombre se déplace vers l’est avec le courant existant à cette latitude. Chaque creux ou bosse du ruban s’étend sur environ 5 000 kilomètres dans la direction est-ouest. Au nord du ruban, dans les creux, se trouvent des tourbillons cycloniques dont les éléments spiralent vers le centre dans le sens des aiguilles d’une montre. Au sud du ruban, sous les bosses, se trouvent des tourbillons anticycloniques dont les éléments spiralent dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. Des phénomènes persistants de ce type sont inconnus sur la Terre.
Les interactions des taches paraissent aussi très mystérieuses. Alors que sur Jupiter les taches qu’on a vu se rencontrer se sont fondues en une seule, il est apparu au moins une fois sur Saturne que deux taches se sont rapprochées puis, au lieu de se rencontrer, l’une des taches a tourné autour de l’autre, comme si les circulations des deux taches agissaient l’une sur l’autre. Ce comportement semble exclure qu’il s’agit de solitons , c’est-à-dire d’ondes de translation individuelles puisque ces derniers se traversent en principe l’un l’autre sans entrer en interaction.
L’interprétation des mouvements dynamiques de l’atmosphère de Saturne apparaît ainsi encore plus difficile que celle de Jupiter. Schématiquement, on peut considérer qu’on se trouve en face de deux types de problèmes à résoudre. Le premier, commun à Jupiter et à Saturne, concerne la modélisation de la circulation générale atmosphérique et l’interprétation des tourbillons et des divers motifs dynamiques observés. Deux modèles de circulation générale sont à l’heure actuelle invoqués, et l’on ne dispose pas d’informations suffisantes pour décider lequel d’entre eux est le plus plausible. Le modèle de Gareth P. Williams – qui ressemble en bien des points à un modèle de l’atmosphère terrestre – considère que l’atmosphère se trouvant au-dessous du niveau de pénétration de la lumière solaire a des effets négligeables sur la circulation atmosphérique. Au contraire, le modèle élaboré par Friedrich H. Busse suppose que les vents observés dans la couverture nuageuse de Jupiter et de Saturne sont les signes visibles d’une structure de rotation s’étendant à travers tout l’intérieur fluide de chaque planète.
Le second problème, propre à Saturne, provient de l’absence apparente de corrélation entre les structures horizontales des nuages visibles et les vents observés aux mêmes niveaux et latitudes. La solution du problème nécessite sans doute une analyse fine des phénomènes physico-chimiques existant à l’intérieur des nuages. Il est douteux que l’on puisse résoudre ce problème sans l’aide d’observations in situ qui seraient faites à partir d’une sonde descendant dans l’atmosphère profonde de la planète (soit au moins jusqu’au niveau 10 atmosphères).
3. La magnétosphère et les émissions radioélectriques
Les courants électriques qui parcourent la couche d’hydrogène métallique située à l’intérieur de Saturne sont à l’origine d’un
champ magnétique intense dont les caractéristiques ont été déterminées par les sondes Pioneer et Voyager lors de leurs passages près de la planète.
Le champ magnétique de Saturne est, en première approximation, celui d’un dipôle dont le moment est 540 fois plus grand que celui du dipôle terrestre, mais 36 fois plus petit que celui du dipôle jovien. Comme le diamètre de Saturne est très supérieur à celui de la Terre, l’intensité du champ magnétique qui règne à l’altitude de la couche nuageuse est légèrement inférieure à celle du champ magnétique à la surface de la Terre. Par rapport au mouvement de rotation de la planète, ce dipôle a la même orientation que celui de Jupiter, donc une orientation contraire à celle du dipôle terrestre: le pôle magnétique nord se trouve dans l’hémisphère Nord. Une caractéristique importante distingue le champ magnétique de Saturne de ceux de la Terre et de Jupiter. Alors que les axes des dipôles magnétiques terrestre et jovien sont inclinés d’environ 100 sur l’axe de rotation de la planète, ces deux axes coïncident à 10 près dans le cas de Saturne. Les théories de l’origine des champs magnétiques planétaires doivent tenir compte de cette découverte.
La magnétosphère de Saturne est bien développée, intermédiaire entre celles de Jupiter et de la Terre, avec une onde de choc, une magnétogaine, une magnétopause et une queue allongée dans la direction antisolaire. Elle a une forme régulière par suite de la coïncidence de l’axe magnétique et de l’axe de rotation de la planète. La position de l’onde de choc varie de 18 à 25 rayons saturniens, soit entre 1 et 1,5 million de kilomètres dans la direction du Soleil, suivant la pression du vent solaire. Par suite de la rotation rapide de la planète, il se forme un disque de courant dans le plan équatorial, qui modifie le champ magnétique dans la magnétosphère externe.
La magnétosphère interne est dépourvue de zones de piégeage stables à cause de la présence des anneaux qui absorbent les particules chargées.
À grande distance, le champ dipolaire, dont l’axe coïncide avec l’axe de rotation, est déformé par l’action du vent solaire; il est comprimé dans la direction du Soleil et s’étend en une longue queue dans la direction opposée, du côté nuit. Les populations de particules énergétiques – électrons, protons et ions – sont intermédiaires entre celles de la Terre et de Jupiter. Les limites extérieures de la magnétosphère, onde de choc et magnétopause, sont assez instables. Elles reflètent les variations rapides de la pression du vent solaire, et cela a conduit les sondes Pioneer et Voyager à les traverser plusieurs fois lors de leur approche de la planète. Par exemple, les dimensions de la magnétosphère avaient augmenté de plus de 70 p. 100 en trois jours, entre l’arrivée et le départ de Voyager-2.
Saturne possède une ionosphère qui a été détectée par les perturbations qu’elle a provoquées sur le signal de télémesure des sondes Pioneer et Voyager. Cette ionosphère s’étend jusqu’à plusieurs milliers de kilomètres au-dessus de la couche nuageuse. D’une température de l’ordre de 1 000 kelvins, elle est principalement constituée d’hydrogène atomique ionisé, et sa densité est légèrement inférieure à celle de l’ionosphère terrestre.
En approchant de Saturne, les récepteurs placés à bord des sondes Voyager ont détecté une intense émission radioélectrique. Cette émission est de même nature que les émissions sur basses fréquences de la Terre et de Jupiter, c’est-à-dire qu’elle est due à des précipitations d’électrons le long des lignes de force du champ magnétique dans les régions de hautes latitudes. L’émission se fait à la fréquence gyromagnétique, qui est proportionnelle à l’intensité du champ, donc à des fréquences légèrement inférieures à celle du rayonnement kilométrique terrestre, entre 50 kilohertz et 1 mégahertz. C’est une émission intense, provenant d’une source d’une puissance d’environ 1010 watts située dans les régions polaires de l’hémisphère Nord, à une latitude de 800, dans la direction faisant face au Soleil, et d’une source semblable mais moins intense, située dans l’hémisphère Sud. Les sources sont donc fixes par rapport au Soleil. Cependant, leur intensité est fortement contrôlée par la rotation de la planète, contrairement à ce que l’on pourrait attendre puisque l’axe du dipôle magnétique et l’axe de rotation de la planète sont quasi alignés. Les émissions radio présentent une périodicité de 10 heures 39 minutes 24 secondes, qui est interprétée comme celle du champ magnétique, c’est-à-dire des régions internes de Saturne où celui-ci prend naissance. Cette modulation prouve l’existence d’anomalies magnétiques localisées en longitude et près de la surface, qui n’ont pu être détectées par les magnétomètres des sondes Pioneer et Voyager. L’origine des électrons qui provoquent l’émission radio n’est pas encore claire. Il peut s’agir soit d’électrons du vent solaire trouvant un accès aux lignes de force de la magnétosphère interne, soit d’électrons accélérés à l’intérieur même de la magnétosphère lors d’orages magnétiques semblables à ceux que l’on observe sur Terre. Ces émissions radio semblent d’ailleurs reliées à des variations de la pression du vent solaire et à l’apparition d’aurores polaires détectées en ultraviolet.
4. Les anneaux
Observés pour la première fois par Galilée en 1610, les anneaux de Saturne sont probablement l’un des plus beaux spectacles qu’on puisse voir dans le ciel avec une simple paire de jumelles. Leurs survols par les sondes Voyager en novembre 1980 et août 1981 nous ont révélé un magnifique système composé d’un nombre incalculable de milliards de «cailloux» en orbite autour de Saturne et formant des milliers de structures étonnantes. Les sondes Voyager ont non seulement photographié l’un des plus beaux objets du ciel, mais aussi l’un des plus intéressants scientifiquement, et l’un des plus mal compris actuellement.
Au cours de l’été de 1610, Galilée, qui fut un des premiers à utiliser une lunette pour observer le ciel, fit une moisson de découvertes. En particulier, il découvrait «quelque chose autour de Saturne»; il crut tout d’abord avoir découvert deux gros satellites de part et d’autre de la planète, mais il remarqua que ces deux compagnons de Saturne ne présentaient aucun mouvement apparent par rapport à la planète, ce qui l’intrigua beaucoup. Il fut encore plus stupéfait quand, deux ans plus tard, il constata que ces deux compagnons avaient apparemment disparu. Pendant plus de quarante ans, les astronomes furent intrigués par l’aspect changeant de l’environnement de Saturne; les uns voyaient deux satellites, d’autres une planète aplatie, d’autres encore des structures complexes, et les observateurs polémiquaient sur la qualité de leurs instruments ou bien sur l’acuité visuelle de leurs collègues. Ce n’est qu’en 1654 que Christiaan Huygens trouvait la solution du problème : Saturne est entouré d’un anneau brillant situé dans le plan équatorial de la planète; au cours des vingt-huit ans que dure une révolution de Saturne autour du Soleil, ces anneaux sont vus alternativement par la tranche, puis de manière plus ouverte, d’où leur aspect changeant à travers les lunettes imparfaites de l’époque (il ne faut pas oublier que les lunettes du XVIIe siècle étaient loin d’avoir la qualité d’une simple paire de jumelles de grande diffusion actuellement).
Jean-Dominique Cassini, le premier directeur de l’observatoire de Paris alors nouvellement créé, découvrait une division (qui porte maintenant son nom), démontrant ainsi que les anneaux n’étaient pas homogènes, et il suggérait qu’ils étaient formés d’une multitude de petits satellites. De nombreux astronomes des XVIIe et XVIIIe siècles croyaient cependant que les anneaux étaient solides, et il fallut attendre 1785 pour que Pierre Simon de Laplace démontre qu’un anneau solide serait instable et détruit par les effets de marée de la planète. Laplace suggérait alors que les anneaux étaient en fait constitués d’une série de minces anneaux solides concentriques. En 1857, James Clerk Maxwell démontrait théoriquement que les anneaux étaient constitués de «particules» solides indépendantes en rotation différentielle autour de la planète. En 1898, James Edward Keeler obtenait un spectre de Saturne et de ses anneaux et montrait, en mesurant la vitesse radiale des anneaux grâce à l’effet Doppler-Fizeau, que ces anneaux tournaient bien autour de Saturne de manière différentielle comme devaient le faire une multitude de petits satellites indépendants obéissant aux lois de Kepler, les particules les plus proches de Saturne tournant en moins de 8 heures (soit plus vite que la planète sur elle-même) et les plus éloignées en plus de 12 heures. L’étude théorique de Maxwell était ainsi confirmée. En 1911, Henri Poincaré soulignait l’importance des collisions mutuelles des particules qui composent ces anneaux et remarquait que ces phénomènes de collisions actuellement à l’œuvre au sein des anneaux devaient avoir joué un rôle fondamental au début de l’histoire du système solaire. Il fallut cependant attendre les années 1970 et 1980 pour que des études théoriques quantitatives du rôle de ces collisions soient entreprises.
Il est intéressant de constater que, de Galilée à Poincaré en passant par Huygens, Laplace et Maxwell, quelques-uns des plus grands noms de la physique ont été associés à l’étude de ces anneaux. La découverte des anneaux d’Uranus en 1977, de ceux de Jupiter en 1979 et de ceux de Neptune en 1989, le survol de Saturne par les sondes Pioneer et Voyager entre septembre 1979 et août 1981 et la découverte de structures étonnantes au sein des anneaux de Saturne ont relancé l’intérêt pour ces anneaux.
Pourquoi y a-t-il des anneaux autour des planètes géantes? Pourquoi l’étude des anneaux est-elle si importante en astrophysique?
Alors qu’on s’est longtemps demandé pourquoi Saturne était la seule planète entourée d’anneaux, l’existence d’anneaux autour des planètes géantes nous paraît maintenant naturelle. Très près d’une planète, les forces de marées brisent tout corps de grosse taille en petits «cailloux», et le jeu des collisions mutuelles de ces petits corps conduit à la formation d’un disque dans le plan équatorial de la planète. Si on considère un satellite en orbite autour d’une planète, chaque point de ce satellite est soumis à une force d’attraction de la planète, force qui dépend de la distance à la planète (elle est inversement proportionnelle au carré de la distance). Chaque point du satellite est donc à chaque instant soumis à une force d’attraction légèrement différente de celle qui s’exerce sur son voisin, compte tenu du fait qu’ils ne sont pas exactement à la même distance de la planète. Si on compare cette attraction différentielle de la planète sur les différents points du satellite avec l’attraction propre du satellite (forces d’attraction gravitationnelle des différents points du satellite entre eux, auxquelles il faut ajouter les forces de cohésion dans le cas d’un satellite solide), on met en évidence autour de chaque planète une limite, en deçà de laquelle un corps est brisé en morceaux plus ou moins gros, et au-delà de laquelle il peut subsister. C’est ainsi que si la Lune était à moins de 18 000 kilomètres de la Terre (au lieu de 400 000) elle serait brisée en morceaux de 200 kilomètres environ de dimension. Autour de Saturne, aucun gros satellite ne peut subsister à moins de 140 000 kilomètres du centre et on observe en fait une myriade de particules de un micromètre à plusieurs kilomètres, toutes rassemblées au sein d’anneaux. Cette limite en deçà de laquelle il n’existe aucun gros satellite est appelée la limite de Roche depuis sa mise en évidence par le mathématicien français Édouard Roche en 1850. Par ailleurs, les petits corps en orbite autour d’une planète subissent des collisions mutuelles au cours de leur ronde incessante. De l’énergie est perdue au cours de ces collisions souvent violentes et ce phénomène conduit rapidement à la formation d’un disque de faible épaisseur dans le plan équatorial de la planète. Le calcul montre que, à partir d’un nuage de particules autour de Saturne, un magnifique anneau est formé en moins d’un an par le jeu des collisions inélastiques mutuelles des particules. Ce temps est évidemment très court par rapport à l’âge du système solaire.
Les anneaux de Saturne ne sont pas seulement l’un des plus beaux objets du ciel; ils passionnent les astronomes dans la mesure où ils sont le siège de phénomènes très répandus dans l’Univers mais qui ont lieu beaucoup plus loin de nous et sont donc nettement moins accessibles à l’observation. De nombreux d’objets célestes, bien que très différents quant à leur nature et à leurs dimensions, se présentent sous forme d’un disque plat autour d’un corps ou d’un renflement central. Les anneaux de Saturne, étudiés depuis des siècles, constituent le système en forme de disque le plus proche de nous (si l’on excepte les anneaux de Jupiter, encore mal connus et apparemment moins riches) et devraient nous révéler d’importantes informations sur la dynamique de systèmes aplatis beaucoup moins accessibles tels que les galaxies spirales, les disques d’accrétion autour des trous noirs ou des étoiles à neutrons, ou encore la nébuleuse protosolaire juste avant la formation des planètes.
Vus depuis la Terre, les anneaux de Saturne nous apparaissent comme un système de zones concentriques de différentes luminosités séparées par des divisions sombres. De l’intérieur vers l’extérieur, on distingue successivement l’anneau D, de très faible luminosité, qui commence à quelques milliers de kilomètres de la couche supérieure des nuages de Saturne (elle-même située à 60 000 kilomètres du centre de Saturne), puis un anneau C fortement transparent qui a environ 20 000 kilomètres de largeur; un anneau B, le plus brillant, s’étend ensuite sur 25 000 kilomètres; une division de 5 000 kilomètres de large, appelée division de Cassini, sépare l’anneau B de l’anneau A, qui s’étend sur 15 000 kilomètres et marque, à 136 000 kilomètres, l’extrémité des anneaux observables depuis la Terre. Deux anneaux minces, l’anneau F et l’anneau G, se trouvent respectivement à 140 000 et à 170 000 kilomètres du centre de Saturne. Un anneau très ténu, observable depuis la Terre seulement au moment où les anneaux sont vus par la tranche, l’anneau E, s’étend jusqu’à une distance de plus de 550 000 kilomètres, bien au-delà de la limite de Roche (cf. figure). Saturne et ses anneaux sont vus depuis la Terre sous un angle apparent de 48 secondes d’angle et, en raison de la turbulence de l’atmosphère terrestre, il est difficile de distinguer une structure de moins de quelques milliers de kilomètres de dimension. Les particules des anneaux tournent autour de Saturne en obéissant aux lois de Kepler, les plus proches ayant une période de révolution de 7 heures 46 minutes, et les plus éloignées une période de 14 heures 27 minutes. Alors que les études des anneaux dans le domaine visible révèlent des zones plus ou moins brillantes correspondant à l’abondance ou à la déficience relative de matière en fonction de la distance à la planète, l’étude du rayonnement infrarouge montre la présence de raies d’absorption qui sont caractéristiques de l’eau : les particules sont donc recouvertes de givre contenant quelques impuretés. Les anneaux sont des émetteurs radio très faibles; ils sont en revanche d’excellents réflecteurs des ondes radar à des longueurs d’onde de 3 et de 12 centimètres, ce qui implique que de nombreuses particules sont de dimensions supérieures à ces longueurs d’onde.
Lors du survol de Saturne par les sondes Voyager, l’essentiel des surprises est venu de l’observation des anneaux, à tel point que après le passage de Voyager-1 en novembre 1980, la sonde Voyager-2 a été reprogrammée pour donner une plus grande priorité à l’observation des anneaux. Contrairement à ce que semblait indiquer leur observation depuis la Terre, les anneaux ne sont pas constitués de larges zones relativement homogènes, mais ils se composent en fait de milliers de minces anneaux concentriques donnant à l’ensemble l’aspect d’un microsillon. Les détails les plus fins découverts par Voyager-1 ont été observés avec une meilleure résolution par Voyager-2 et se subdivisent eux-mêmes en des structures encore plus fines. Alors que l’image traditionnelle d’un anneau était celle d’un ensemble de particules en mouvement autour de la planète, subissant des collisions mutuelles et rassemblées en une structure circulaire parfaitement symétrique et à bords mal définis, les sondes Voyager ont révélé des anneaux non circulaires ou excentriques, des anneaux torsadés, des anneaux en forme de serpentin, des anneaux irréguliers avec des accumulations locales de matière, des anneaux à bords nets et des ondes. Toutes ces structures posent un défi aux physiciens et leur fournissent de nouveaux mécanismes qu’ils s’empressent d’appliquer à d’autres objets.
Des structures radiales, sortes d’immenses traces de doigts de plus de 20 000 kilomètres de long sur le microsillon des anneaux, ont été découvertes grâce à la sonde Voyager-1, et on les a vues se former en moins de 10 minutes lors du passage de Voyager-2. C’est probablement la manifestation d’orages magnétiques au sein des anneaux: de petites particules d’une dimension de l’ordre du micromètre sont soulevées par l’action du champ magnétique de Saturne et forment des boursouflures au-dessus et au–dessous du plan des anneaux.
Au moment où la sonde Voyager-2 a traversé le plan des anneaux à environ 2,8 rayons saturniens, elle a enregistré plus de dix mille impacts de petites particules d’une taille de l’ordre du micromètre pendant les 5 minutes qu’elle passa dans une zone d’environ 2 000 kilomètres d’épaisseur de part et d’autre du plan des anneaux, et le mécanisme d’orientation de la plate-forme d’observation est tombé en panne à ce moment-là. Ce milieu paraît très hostile.
Le fait que les anneaux possèdent des bords très nets et non diffus ainsi que la présence de milliers d’anneaux minces nettement séparés les uns des autres indiquent qu’un mécanisme de confinement de la matière est actuellement à l’œuvre au sein des anneaux. Il semble que les responsables de ce confinement soient de petits satellites ou de grosses particules (de l’ordre du kilomètre) qui ont créé des divisions sombres relativement vides de matière et repoussent les anneaux voisins. L’étude théorique de l’interaction d’un satellite et d’un anneau formé de petites particules subissant des collisions mutuelles montre que les deux se repoussent. À cause des collisions, une force d’attraction comme la gravitation peut conduire, dans ce cas particulier, à un effet de répulsion!
Les passages de la Terre dans le plan des anneaux de Saturne (phénomène qui se produit tous les 15 ans) a donné lieu à de très nombreuses observations en mars 1980 et en mai 1995 à l’aide de grands télescopes et du télescope spatial Hubble; ils ont permis de mesurer indirectement l’épaisseur des anneaux et de l’estimer à environ 1 kilomètre. Cette détection très indirecte intègre en fait la lumière diffusée, les satellites, les gros blocs, un gauchissement éventuel des anneaux, etc., et il est probable que l’épaisseur locale est encore plus faible. À partir des mesures des sondes Voyager, on peut l’estimer à quelques dizaines de mètres. Avec plus de 300 000 kilomètres de diamètre et moins de 1 kilomètre d’épaisseur, les anneaux de Saturne représentent le disque le plus fin que l’on connaisse actuellement dans l’Univers. Une lame de rasoir devrait avoir moins de un micromètre d’épaisseur pour rivaliser avec ces anneaux! Il n’est pas impossible qu’un halo très ténu de petites particules existe autour des anneaux.
L’étude de la couleur des anneaux révèle que, bien qu’ils soient essentiellement recouverts de glace et de givre, ils se distinguent nettement les uns des autres en fonction de la distance à Saturne. La sonde Voyager a émis un signal radio qui, après avoir traversé les anneaux, a été reçu et étudié sur Terre; elle a par ailleurs observé la lumière en provenance de l’étoile 嗀 Scorpii au moment où elle traversait les anneaux; elle a enfin observé les anneaux sous tous les angles avant son approche et après sa rencontre avec Saturne, comparant ainsi les quantités de lumière réfléchie, diffusée et transmise. La comparaison détaillée de la «difficulté» qu’ont les ondes radio et les ondes lumineuses à traverser les anneaux permet de tirer des conclusions précieuses sur le nombre de particules, leur densité et leur taille. Le dépouillement complet de ces observations a demandé des années; il a révélé que des corps de toutes tailles se trouvent au sein des anneaux, qu’ils aient 1 kilomètre ou 1 micromètre. Il est intéressant de remarquer que les particules les plus petites, d’une dimension inférieure au centimètre, sont plus ou moins rapidement éliminées de l’environnement de Saturne à cause des effets du rayonnement solaire: freinées par ce rayonnement, elles s’écrasent sur la planète. La présence d’un grand nombre de petites particules au sein des anneaux signifie donc qu’elles sont arrivées bien après la formation de Saturne et qu’il existe une source de petites particules (fragments de collisions ou encore de petites éruptions à la surface des satellites). On estime que la masse totale des anneaux de Saturne est du même ordre que celle d’un satellite moyen (1019 kg). Si la matière pouvait se condenser (mais c’est impossible à l’intérieur de la limite de Roche), ces anneaux formeraient un satellite comparable à Dioné ou à Encelade.
L’origine des anneaux est évidemment inconnue; on ne sait toujours pas s’ils sont composés du matériau primitif qui existait au moment de la formation de Saturne et qui n’a jamais pu s’agglomérer aussi près de la planète à l’intérieur de la limite de Roche ou bien s’il s’agit d’un corps capturé plus tard par Saturne qui aurait été brisé à l’intérieur de la limite de Roche. Les astronomes penchent actuellement plutôt pour la première hypothèse, mais, même si les anneaux sont jeunes, ils présentent un grand intérêt pour la cosmogonie dans la mesure où la nébuleuse protosolaire est passée un jour par cet état où des corps plus ou moins gros en orbite autour du Soleil subissaient des collisions mutuelles avant de s’agglomérer en planètes, et où des mécanismes de confinement ont aussi joué un rôle important dans la formation des planètes et des satellites.
Le jeu de l’attraction mutuelle de Saturne, de ses satellites et de toutes les particules des anneaux, les collisions entre particules, l’influence du champ magnétique de Saturne et du rayonnement solaire sur les petites particules des anneaux font des anneaux de Saturne un merveilleux laboratoire naturel de nombreux phénomènes célestes, laboratoire qui continuera à passionner physiciens et astronomes!
5. Les satellites
En 1970, on connaissait dix satellites autour de Saturne; le plus gros, Titan, avait été découvert au XVIIe siècle par Christiaan Huygens. En 1994, on en connaissait vingt et un. Quatre ont été découverts en mars 1980 depuis la Terre, alors que l’on voyait les anneaux par la tranche, et sept ont été découverts par les sondes Voyager-1 et -2.
Le système saturnien est unique dans le système solaire au point de vue de ses propriétés physiques et orbitales (tabl. 1). Alors qu’avec Mercure, Vénus, la Lune, la Terre, Mars et les satellites de Jupiter, on connaissait deux catégories de tailles de corps solides – d’une part, de «gros» corps sphériques de diamètre supérieur à 3 000 kilomètres, d’autre part, de petits corps non sphériques, de grand axe inférieur à 300 kilomètres –, le système saturnien comprend trois classes de satellites: un «gros» satellite, Titan (5 150 km de diamètre), quatorze «petits» satellites non sphériques (dimensions inférieures à 400 km) et six satellites sphériques de taille intermédiaire (diamètres compris entre 400 et 1 500 km): Mimas, Encelade, Téthys, Dioné, Rhéa et Japet.
Titan possède une importante atmosphère (la pression au sol est égale à 1 500 hectopascals) et est entièrement couvert de nuages. C’est le seul satellite du système solaire dans ce cas.
Les orbites des satellites sont elles aussi exceptionnelles à de nombreux titres:
– deux petits satellites sont situés en deçà de l’anneau F (Atlas et Prométhée), et un autre est juste au-delà (Pandore); ces deux derniers satellites (Prométhée et Pandore) sont d’ailleurs les satellites «gardiens» de l’anneau F;
– deux petits satellites (Épiméthée et Janus), situés pratiquement sur la même orbite, voient leur distance mutuelle varier périodiquement;
– Dioné et Téthys possèdent des petits satellites lagrangiens, c’est-à-dire des satellites situés sur leurs orbites, mais à 600 de part et d’autre du satellite principal;
– trois paires de satellites montrent des commensurabilités orbitales; il s’agit de Mimas et de Téthys (périodes orbitales de 0,94 j et de 2 憐 0,94 j = 1,88 j), d’Encelade et de Dioné (périodes de 1,37 j et de 2 憐 1,37 j = 2,73 j), de Titan et d’Hypérion (périodes de 15,94 j et de 21,27 j: quand Titan accomplit quatre révolutions, Hypérion en accomplit trois);
– le système saturnien possède le seul satellite du système solaire dont la période de rotation est chaotique, c’est-à-dire varie d’une orbite à l’autre; il s’agit d’Hypérion.
Propriétés physiques
Titan a une densité moyenne de 1,9. Il est donc vraisemblablement constitué d’un mélange de glaces (glace d’eau, plus éventuellement glaces d’autres composés volatils) et de silicates en proportion voisine. Les six satellites de taille intermédiaire ont une densité moyenne comprise entre 1,0 et 1,4, et sont donc majoritairement constitués de glaces. On ne connaît pas la densité des petits satellites.
Aucune donnée directe ne peut apporter de renseignement sur la structure interne de ces satellites.
Les satellites peuvent être divisés en quatre groupes en fonction de leur albédo:
– Titan, dont la surface est nuageuse, a un albédo de 0,2;
– la majorité des satellites (dix-huit) a un albédo important (supérieur à 0,3), c’est-àdire qu’ils réfléchissent une part importante de la lumière solaire; Encelade, cas exceptionnel, possède même un albédo supérieur à 0,9; ces albédos élevés indiquent que la surface comprend une importante proportion de glaces, mélangées à des silicates; dans le cas d’Encelade, il s’agit de glaces quasi pures;
– Phoebé possède un albédo extrêmement faible (0,06); son orbite est rétrograde; ces deux caractéristiques indiquent qu’il s’agit vraisemblablement d’un astéroïde capturé;
– Japet possède un hémisphère ayant un albédo élevé (0,5) et vraisemblablement composé de glaces, et un hémisphère très sombre (albédo égal à 0,05); l’origine de cette dualité reste un mystère.
Situé très loin du Soleil, tous ces satellites ont une température superficielle très basse (face=F0019 漣 200 0C environ).
Géologie et «météorologie»
Les petits satellites
Dix petits satellites ont été observés par les sondes Voyager avec une certaine résolution: huit satellites «internes», et deux lointains (Hypérion et Japet). Les huit petits satellites internes semblent être de «simples» blocs de glaces non sphériques et criblés de cratères d’impact. L’origine d’un tel nombre de petits corps près de Saturne n’est pas claire (gros corps s’étant fracturé, accrétion incomplète?...).
Quoique un peu plus sombre, Hypérion ressemble aussi beaucoup aux satellites internes.
Le cas de Phoebé est à part. Ce satellite gravite sur une orbite rétrograde, et ressemble aux astéroïdes les plus primitifs. Le problème vient de sa forme. Alors que tous les autres satellites ne sont pas sphériques – ce qui est normal, car leur faible taille et la faible gravité superficielle n’ont pas permis leur différenciation et l’acquisition d’une forme sphérique malgré leur composition glacée (fusion possible dès 0 0C) –, Phoebé est un corps sphérique de 220 kilomètres de diamètre. On ne comprend pas pourquoi et comment un corps apparemment silicaté (fusion nécessitant une température voisine de 1200 0C) et d’un tel diamètre a pu devenir sphérique, alors qu’Hypérion, par exemple, corps de dimensions 410 kilomètres 憐 260 kilomètres 憐 220 kilomètres ne l’est pas devenu, malgré sa composition glacée.
Les satellites de taille intermédiaire
Alors que l’on s’attendait à ce que les six satellites de taille intermédiaire se ressemblent, les missions Voyager ont révélé des corps bien différents. Tous ces satellites sont sphériques, ce qui révèle qu’ils sont composés d’un corps suffisamment plastique (la glace) pour que leur forme soit approximativement confondue avec une surface équipotentielle bien que la gravité soit très faible.
Mimas
D’un diamètre de 392 kilomètres, Mimas présente une surface entièrement criblée de cratères d’impact, ce qui atteste du grand âge de cette surface (supérieur à 4 milliards d’années). Le trait morphologique caractéristique de Mimas est un gigantesque cratère d’impact, Herschel, de 130 kilomètres de diamètre (un tiers du diamètre de Mimas!), de 10 kilomètres de profondeur, et possédant un piton central de 6 kilomètres de hauteur. La présence de tels reliefs montre que la gravité était trop faible (par rapport à la plasticité de la glace) pour les «effacer». Le reste de la surface de Mimas est parcouru de vastes fractures qui sont peut-être les conséquences directes de l’impact qui est à l’origine de Herschel. Les modèles théoriques prévoient qu’une météorite à peine plus grosse aurait fait éclater Mimas.
Encelade
Encelade est le satellite de Saturne le plus énigmatique. Alors qu’il a une taille voisine de celle de Mimas (500 km de diamètre), et que, comme ce dernier, il devait avoir une activité géologique quasi nulle (il dispose de très peu d’énergie interne), sa surface en montre d’évidents signes récents. La moitié de cette surface est criblée de cratères, mais moins que celle de Mimas. Elle n’est donc que modérément «ancienne». Et il existe toutes les transitions entre ces surfaces relativement cratérisées (donc relativement anciennes) et des surfaces non cratérisées, c’est-à-dire très jeunes (de 100 à 500 millions d’années) au regard de l’âge du système solaire. Un processus a donc renouvelé de façon continue la surface de ce satellite.
Bien qu’aucun trait morphologique indiscutablement volcanique ne soit identifiable, il semble bien qu’il existe un «volcanisme» (volcanisme d’eau plus ou moins ammoniaquée) qui a recouvert et renouvelé la surface au cours des âges. Il existe une autre indication indirecte de l’existence de ce volcanisme: c’est au niveau de l’orbite d’Encelade que l’anneau E de Saturne est le plus dense, comme si cet anneau était alimenté par des projections volcaniques «enceladéènnes», à l’instar de Io, qui alimente un tore de plasma soufré [cf. JUPITER]. Pour compliquer le tout, les surfaces les plus jeunes présentent une morphologie de crêtes et de sillons qui n’est pas sans rappeler la morphologie des terrains clairs de Ganymède, ou des terrains récents de Miranda. Comme pour ces deux autres satellites, l’origine précise de cette morphologie est actuellement incomprise.
Le grand problème que pose Encelade est l’origine de l’énergie qui a pu entretenir une activité géologique et un volcanisme jusqu’à des époques si récentes. Les seules sources d’énergie internes connues sont, d’une part, la radioactivité naturelle, d’autre part, les marées. Pour engendrer un volcanisme, il faut atteindre une température supérieure à 0 0C dans le cas de la glace d’eau pure, et de 漣 100 0C dans le cas de la glace ammoniaquée. Dans le cas d’Encelade, aucun de ces deux processus ne semble suffisant d’après les calculs théoriques, à moins de supposer que ce satellite est extraordinairement riche en uranium, ce qui est contredit par sa faible densité. Des évolutions orbitales multiples ont été modélisées, mais aucune n’a pu engendrer d’énergie «marémotrice» suffisante et de façon continue. Encelade est donc une «machine thermique» dont on ne connaît pas la source de chaleur.
Téthys
Téthys a un diamètre de 1 060 kilomètres. La moitié de sa surface ressemble à celle de Mimas: elle est saturée de cratères, donc très ancienne. L’autre moitié montre nettement moins de cratères, et est donc plus récente (de 3 à 3,5 milliards d’années environ). Un processus géologique a donc rajeuni la surface. L’origine de l’énergie pose moins de problème que dans le cas d’Encelade, puisque Téthys a un diamètre deux fois plus grand, et une masse (et une production de chaleur d’origine radioactive) huit fois plus importante.
Téthys présente aussi un gigantesque cratère d’impact, Odysseus, de 400 kilomètres de diamètre. Ce cratère n’est pas très profond: la plasticité de la glace et la gravité étaient suffisamment fortes pour que le fond du cratère rejoigne une surface équipotentielle, ce qui n’était pas le cas pour le grand cratère de Mimas. À 900 de ce cratère géant, Téthys est parcouru par une immense vallée qui ressemble à une fracture; cette structure, Ithaca Chasma, a 2 000 kilomètres de longueur, 100 kilomètres de largeur, et quelques kilomètres de profondeur. On ne sait pas de façon formelle si cette structure est une conséquence indirecte de l’impact qui a créé Odysseus, ou une conséquence de l’activité interne propre à la planète.
Dioné
Dioné a à peu près le même diamètre que Téthys (1 120 km), et possède aussi, comme ce dernier, des terrains relativement peu cratérisés, donc relativement jeunes, preuve d’une certaine activité géologique interne. En revanche, Dioné ne montre pas de cratères météoritiques géants, ni de fossés identiques à Ithaca Chasma, mais des vallées plus ou moins sinueuses, des craquelures, et des rides assez larges. Là encore, l’origine de la morphologie de ces structures n’est pas claire.
Rhéa
Rhéa est le plus gros des satellites intermédiaires de Saturne (diamètre de 1 530 km), et c’est bizarrement celui dont l’activité géologique est la moins apparente (avec Mimas). Rhéa se présente en effet comme entièrement criblé de cratères, ce qui atteste le très grand âge de sa surface. Un examen plus attentif du nombre et de la taille de ces cratères met cependant en évidence deux âges de terrains différents: la moitié de Rhéa aurait un âge supérieur à 4 milliards d’années, alors que l’autre moitié n’aurait «que» 3,5 milliards d’années. Une étude des terrains les plus jeunes révèle d’ailleurs des formes rappelant des structures volcaniques. Le rajeunissement de la surface serait donc dû à un volcanisme (d’eau plus ou moins ammoniaquée). L’origine de l’énergie n’est, là non plus, pas un problème, compte tenu de la taille du satellite.
L’observation de la surface révèle aussi des figures tectoniques discrètes: fractures extensives et rides compressives. Ces figures tectoniques sont dues à de légères variations de volume du satellite provoquées par des changements de phase de la glace à l’intérieur de Rhéa. La gravité de Rhéa est en effet suffisante pour qu’il puisse exister un petit noyau de glace II au centre du satellite. De très légères variations de température entraînent la transformation (réversible) glace I – glace II, et, par là même, de légères variations de volume [cf. GLACE].
Japet
Japet (diamètre: 1 460 km) présente deux hémisphères fondamentalement différents: l’hémisphère «avant» (dirigé vers l’avant de Japet dans son mouvement autour de Saturne) est complètement noir, alors que l’hémisphère «arrière» ressemble à Rhéa ou à Mimas, tant du point de vue de l’albédo que de celui de la densité de cratères. La position de l’hémisphère sombre «à l’avant» peut suggérer une origine externe de ce faible albédo: l’avant du satellite aurait été recouvert d’une couche de poussière très sombre. Cette hypothèse semble cependant contredite par plusieurs faits ou réflexions:
– pourquoi les hémisphères avant des autres satellites ne sont-ils pas noirs?
– cette surface sombre n’est traversée par aucun cratère visible qui aurait fait apparaître la glace claire située au-dessous;
– les limites entre terrains clairs et sombres sont très nettes, et parfois rectilignes;
– certains cratères des terrains clairs ont leur fond envahi par une substance sombre.
Une autre origine (encore très hypothétique) de ces terrains sombres a donc été proposée: ils seraient dus à un volcanisme de méthane. La surface de cette glace de méthane se serait ensuite assombrie sous l’action du vent solaire et des particules chargées de l’environnement saturnien, qui auraient décomposé et transformé le méthane en carbone et autres produits organiques, d’une part, en hydrogène, d’autre part. Mais pourquoi seul Japet aurait-il eu ce volcanisme de méthane, et pourquoi uniquement sur la face avant?
Titan
Titan est un monde à part, unique dans le système solaire. Son diamètre (5 150 km) est compris entre celui de Mercure et celui de Mars (tabl. 2). Sa densité moyenne (1,88) indique qu’il est vraisemblablement constitué d’un mélange de glaces (d’eau surtout, et éventuellement de méthane CH4 et d’ammoniac NH3). Divers modèles ont été élaborés pour connaître sa structure interne. Ces modèles vont d’un corps absolument non différencié à un corps complètement différencié, avec des silicates au centre et des couches concentriques de diverses glaces d’eau: de l’intérieur vers l’extérieur, glaces VI, V, II, I.
Titan possède une atmosphère et une couverture nuageuse orangée qui nous cache sa surface; des observations dans l’infrarouge menées depuis la fin des années 1980 ont cependant révélé quelques détails de cette surface, en particulier la présence éventuelle d’un «continent» élevé. L’atmosphère fut l’une des principales cibles scientifiques de Voyager-1. La pression au sol est de 1 500 hectopascals, ce qui, étant donné la faible gravité, indique une masse de 10,2 kilogrammes par centimètre carré, contre seulement 1 kilogramme par centimètre carré pour la Terre. La température au sol est de 漣 178 0C. Cette atmosphère est principalement constituée d’azote moléculaire (N2), avec un peu d’argon, de méthane et d’hydrogène, et de traces de corps organiques plus complexes comme CO, C2H6, C3H8, C2H4.
Tous ces corps organiques complexes se condensent dans la partie la plus froide de l’atmosphère, au-dessous de 200 kilomètres d’altitude. Ils forment alors un aérosol de fines particules (diamètre de 0,3 猪m environ) qui constitue une «brume» orangée uniforme qui nous cache entièrement la surface de Titan.
Cette atmosphère est affectée d’une dynamique chimique et physique complexe. Les photons ultraviolets solaires décomposent le méthane en un atome H et un radical CH3, tous deux extrêmement réactifs. Les réactions entre ces atomes, ces radicaux et l’azote sont la source de tous les corps organiques complexes présents dans l’atmosphère, et aussi de l’hydrogène. La quantité d’aérosols organiques augmente donc progressivement dans l’atmosphère, et il est vraisemblable que ces particules tombent lentement vers la surface de Titan («neige» organique). L’hydrogène, quant à lui, s’échappe lentement dans l’espace à raison de 1027 atomes par seconde, et forme un immense tore d’hydrogène dilué au niveau de l’orbite de Titan.
La température (vers 漣 180 0C) et la pression (1 500 hectopascals) près du sol sont telles que le méthane doit être pour l’atmosphère de Titan dans la même situation que l’eau pour l’atmosphère terrestre. Il existe très probablement des nuages et des pluies de méthane à la surface de Titan, avec un système atmosphérique convectif et une météorologie complexe. La grande inconnue est la quantité de méthane restant à l’état liquide à la surface de Titan (flaques ou océans?). Des modèles dignes de romans de science-fiction ont été élaborés: océan de méthane près des pôles, marécages de méthane bouillant au niveau des zones tempérées, déserts arides près de l’équateur. Mais l’état précis de la surface de Titan ne sera pas connu tant qu’un radar n’aura pas été mis en orbite autour de Titan.
saturne [ satyrn ] n. m.
• 1564; lat. Saturnus, nom d'un dieu (père de Jupiter), et d'une planète
♦ Alchim. Le plomb, métal « froid » (de même que Saturne était la planète froide). — Mod. Pharm. Extrait, sel de saturne : acétate de plomb.
● saturne nom masculin (de Saturne, nom propre) Nom donné au plomb par les alchimistes.
Saturne
dans la myth. italique et romaine, divinité identifiée au Cronos des Grecs. Il fut considéré à Rome comme le protecteur des semailles.
————————
Saturne
la plus lointaine des planètes visibles à l'oeil nu, entourée d'un spectaculaire système d'anneaux. Sa distance au Soleil varie de 1 350 à 1 509 millions de km; l'orbite qu'elle décrit, en 29 ans et 167 jours, est inclinée de 20 30' par rapport au plan de l'écliptique. Avec un diamètre de 120 660 km, Saturne est la plus grosse des planètes du système solaire après Jupiter. C'est elle qui a la plus faible densité (0,69), inférieure à celle de l'eau. L'essentiel des connaissances sur Saturne provient de son survol par les sondes américaines Voyager en 1980 et 1981. Les sondes Cassini (amér.) et Huygens (européenne), lancées toutes deux le 15 oct. 1997, atteindront Saturne en 2004. La planète présente de nombr. similitudes avec Jupiter, notam. sa structure interne. Les anneaux de Saturne, identifiés dès 1656 par Huygens, comprennent des myriades de petits corps qui résultent soit de la désagrégation de satellites trop proches de la planète, soit de résidus du nuage primitif. On connaît auj. avec certitude l'existence de 18 satellites (seulement 9 avant Voyager). Mis à part Titan, Saturne possède 4 satellites moyens (1 000 à 1 500 km de diamètre), constitués d'un agrégat de roches et de glace d'eau, et 13 plus petits (20 à 500 km de diamètre), de forme irrégulière.
⇒SATURNE, subst. masc.
ALCHIM. Plomb. Les alchimistes donnaient au plomb le nom de Saturne; ils appelaient Sel de Saturne, l'acétate de plomb (BOUILLET 1859).
♦ Saturne des sages. ,,La matière philosophale arrivée à l'état de noirceur complète`` (Ac. Compl. 1842). Laissez putréfier cette composition jusqu'à ce qu'elle devienne noire: cette noirceur, qui est appelée la tête de corbeau et le saturne des sages, fait connaître à l'artiste qu'il est en bon chemin (CARON, HUTIN, Alchimistes, 1959, p. 157).
♦ PHARM. ANC. Extrait de saturne. Sous-acétate de plomb liquide. Des applications astringentes à l'eau blanche, à l'extrait de saturne (GARCIN, Guide vétér., 1944, p. 159).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1564 « plomb » (THIERRY); 2. 1690 sel de Saturne (FUR., s.v. plomb). Empr. au lat. Saturnus, n. d'un dieu (fils d'Uranus et père de Jupiter) et d'une planète. Les alchimistes ont donné le n. de saturne au plomb parce que l'on considérait ce métal comme un métal froid (comme la planète), v. FEW t. 11, p. 254b. Fréq. abs. littér.:30. Bbg. STOROST (J.). Mercure... Beitr. rom. Philol. 1973, t. 12, n ° 2, p. 372.
saturne [satyʀn] n. m.
ÉTYM. 1564; lat. Saturnus, nom d'un dieu — en grec Kronos — père de Jupiter, et d'une planète (→ L'Anneau de Saturne).
❖
♦ Alchim. (Parce que le plomb était considéré par les alchimistes comme le métal froid, de même que Saturne était la planète froide). Le plomb. — Chim., anc. || Arbre de saturne. || Mine de saturne (→ Éclairer, cit. 3, Gautier). — Pharm. || Extrait, sel de saturne : acétate de plomb.
❖
DÉR. Saturnin, saturnisme. — (Du nom de la planète) V. Saturnien.
Encyclopédie Universelle. 2012.