1. que [ kə ] conj.
• Xe; lat. médiév. que, forme affaiblie de qui, simplification de quia, employé en bas lat. au sens de quod « le fait que; que »
1 ♦ Introd. une complétive (à l'indic. ou au subj. suivant le v. de la principale, ou la nuance à rendre) « Nous pensons que la vie est bonne » (Larbaud). « L'erreur des démocrates est de croire que leur vérité en soit une pour tout le monde » (Suarès). « C'est bien dommage qu'elle soit devenue si laide » (Voltaire ). L'idée qu'il allait la voir le réjouissait. « Il faut que cette force aboutisse enfin » (Martin du Gard). « Peut-être que les petites filles sont toutes comme cela » (Giraudoux).
2 ♦ (Dans une formule de présentation ou d'insistance) VOICI, VOILÀ QUE... Tiens, voilà que le temps se couvre. — C'EST... QUE. ⇒ 2. ce (I, 3o). « Et c'est n'estimer rien qu'estimer tout le monde » (Molière).
♢ (Unissant un attribut préposé et un sujet avec ellipse de être) « Terrible chose dans la vie que ces gens qui ne sont rien » (R. Rolland).
3 ♦ Dans une formule d'interrog. Est-ce que... ⇒ 1. être (IV, 2o). — Pop. (incorrect) « Où c'est que vous êtes malade ? » (Céline),où êtes-vous... « Et pourquoi que je me retirerais ? » (Proust),pourquoi est-ce que...
4 ♦ Servant à former des loc. conj. À condition que, à mesure que, afin que, dès que, attendu que, de façon que...
5 ♦ Introd. une propos. circonstancielle
♢ (Temporelle : exprimant la concomitance, l'incidence, la continuation, l'interruption) Je n'étais pas plus tôt assis qu'il me fallut partir. « Coupeau dormait déjà qu'elle continuait ses aménagements » (Zola).
♢ (Finale) « Asseyez-vous là que nous causions » (Fromentin ).
♢ (Causale) Littér. « Est-ce que ces drôles sont dans un bénitier, qu'ils font ce bruit d'enfer ? » (Hugo). Il reste au lit, non qu'il soit vraiment malade, mais il le croit.
♢ (Consécutive) Fam. « Il tousse qu'il en secoue toute sa maison » (Flaubert). « Les piécettes d'or fondaient que c'était un plaisir » (A. Daudet). — Si, tant, tel, tellement... que...
♢ (Concessive) Quel, quelque, tant, pour peu, où que...
♢ (Hypothétique) « Que le tour du soleil ou commence ou s'achève » (Lamartine). « Qu'elle fût bien ou mal coiffée, Je l'admirais. C'était ma fée » (Hugo).
♢ QUE... NE... : sans que, avant que... « Il ne se passait pas une semaine qu'il ne fût terrassé par une migraine atroce » (France). — (Marquant une simple oppos.) On me paierait que je ne le ferais pas.
6 ♦ Substitut d'un mot-outil en propos. coordonnées « Quand la leçon fut finie, et que les autres élèves furent dispersés » (Romains). « Un peu de peinture verte pour peindre le tout et que ce fût plus joli » (Loti). « si elle est jolie, et que vous ne l'aimiez pas » (Musset). « comme c'était le lendemain dimanche et qu'on ne se lèverait que pour la grand'messe » (Proust).
7 ♦ Introd. le second t. d'une compar. Autant, plus, moins, plutôt, mieux, autre, même que, etc. Il n'est pas aussi drôle qu'on le dit. Il est moins bête qu'il n'en a l'air. On le croit plus riche qu'il n'est. ⇒aussi ne(explétif).
8 ♦ En corrélation avec ne, pour marquer l'exception, la restriction. NE... QUE... ⇒ seulement. « Comme cent fourrures ne font qu'un manteau » (Apollinaire). Ils n'arriveront que demain. — Il n'est que de... ⇒ 1. être (I, 2o). Ne faire que de... ⇒ 1. faire (II, 4o). — (Valeur de renforcement) « Son témoignage n'en est que plus recevable » (Voltaire). « Paresse qui n'avait que trop d'excuses » (R. Rolland). Jurer de dire toute la vérité, rien que la vérité.
♢ Si ce n'est, sinon. « Personne ne le méprise, que les dévotes » (Stendhal). « Rien n'est beau que le vrai » (Boileau).
9 ♦ Introd. une indépendante au subj. (ordre, souhait...) Qu'il entre ! Que la paix soit avec vous ! « Qu'il soit dans ton repos, qu'il soit dans tes orages » (Lamartine).
10 ♦ Renforçant l'affirmation ou la négation. « Je joue si mal ! — Oh ! que non ! » (Duhamel). « Ils n'ont pas besoin l'un de l'autre. — Que si » (Romains).
que 2. que [ kə ] adv.
• 1080; lat. quid
1 ♦ Interrog. (en loc.) Pourquoi, en quoi ? « Qu'avez-vous besoin de tant de conserves ? » (A. Daudet). « Que m'importe un bonheur édifié sur l'ignorance ? » (A. Gide). « Qu'allez-vous parler d'un sépulcre ? » (F. Mauriac). « Et que sait-elle si Dieu ne lui dira pas » (Goncourt). « Olivier et Roland, que n'êtes-vous ici ? » (Hugo).
2 ♦ Exclam. Comme, combien ! « Que peu de temps suffit pour changer toutes choses ! » (Hugo). « Que c'est donc bête de vous tourmenter comme ça ! » (Zola). — Fam. (dans le même sens) Ce qu'il est bête ! « Qu'est-ce qu'elle a dû pleurer ! » (Proust).
♢ Loc. exclam. QUE DE : combien. « Que de difficultés je prévois ! » (Renan).
que 3. que [ kə ] pron.
• 842; lat. quem, accus. de qui
I ♦ Pronom relatif désignant une personne ou une chose (au masc. ou au fém., au sing. ou au plur.).
1 ♦ (Objet dir.) « D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime » (Verlaine). « Un homme qui dit tout ce qu'il pense et comme il le pense » (France). Ce qu'il arrivera ou ce qui arrivera. — « Le luxe qu'ils croient que tu pourrais lui donner » (Proust). — Pop. (incorrect) « Des jambes qu'on peut marcher avec ? » (Guilloux),avec lesquelles...
♢ (Ayant pour antécédent une propos.) « Elle n'a pas la prétention, que je sache, d'imposer silence » (Barbey). — Littér. « Nous ignorons, que je crois, la demeure de la postérité » (Chateaubriand). Fam. « Je cours plus vite que toi. — Que tu dis ! » Vx ou pop. « Nous allons mourir ensemble, qu'elle dit en regardant son enfant » (Balzac).
2 ♦ (Compl. ind. ou circonstanciel) Vx ou pop. « De la manière qu'ils sont ici dépeints » (Racine),dont ils sont dépeints. Du train que vont les choses, où vont... L'été qu'il a fait si chaud, où il a fait si chaud. — Mod. (après un nom ou un adv. désignant un temps) « Le temps que l'on construise l'hôtel » (Duhamel). « Voilà cinquante ans que nous habitons ici » (Maupassant). « Il n'y avait pas longtemps qu'elle s'était mariée » (Musset).
3 ♦ (Attribut) « L'être que je serai après la mort » (Proust). « En gentille fourbe qu'elle était » (Romains). « Sanglotant comme un pauvre bébé qu'il est » (Duhamel). « La duchesse, de timide et d'interdite qu'elle avait été, se trouva vers la fin tellement à son aise ! » (Stendhal). « Ils ne se parlaient pas, trop perdus qu'ils étaient » (Flaubert).
4 ♦ Vx (sauf en loc.) Ce que, ce qui... Coûte que coûte, advienne que pourra...
II ♦ Pronom interrogatif désignant une chose.
1 ♦ (Objet dir.) Quelle chose ? Que sais-je ? « Que faisiez-vous au temps chaud ? » (La Fontaine). Qu'en dites-vous ? (en concurrence avec qu'est-ce que...). Que faire ? — (Interrog. ind.) ⇒ quoi. Il ne savait plus que dire. « On ne sait plus que lui donner » (F. Mauriac).
2 ♦ (Attribut) Qu'est ceci ? Que deviens-tu ? QU'EST-CE QUE... ? [ kɛsk(ə) ] . « Pilate lui dit : qu'est-ce que la vérité ? » ( ÉVANGILE ),qu'est la vérité ? « La Zerbine ? Qu'est-ce que c'est que ça ? » (Proust).
3 ♦ (En tour impers.) Qu'y a-t-il ? Que se passe-t-il ? Qu'importe. « Et que t'a-t-il fallu pour cela ? » (Musset).
4 ♦ (Avec est-ce que, est-ce qui) « Qu'est-ce que vous avez donc ? » (Zola) :qu'avez-vous donc ? « Qu'est-ce que vous seriez devenu ? » (Proust). — Exclam. « Qu'est-ce qu'on va déguster ! » (Dorgelès). Qu'est-ce qu'il y a comme poussière !
♢ QU'EST-CE QUI... « Qu'est-ce qui m'aide ? [...] Peut-être l'idée que, pour moi, ça pourrait être encore pire » (Romains). « Voyons, qu'est-ce qui vous prend ? » (Maupassant).
● que conjonction (bas latin qui, du latin classique quia, le fait que) Introduit : une complétive complément d'objet, sujet ou attribut, ou complément d'un nom ou d'un adjectif : Je crois que tu as raison. Je crains qu'il ne soit trop tard. L'idée qu'il pourrait mentir ne m'est pas venue à l'esprit. une subordonnée de conséquence, ordinairement en corrélation avec si, tant, tellement : Les frais sont tels que ce n'est pas rentable. une subordonnée de but après un impératif : Taisez-vous donc, qu'on entende l'orateur ! une cause, après une principale exclamative ou interrogative : Vous êtes donc bien occupé qu'on ne vous voit plus ? le deuxième terme dans une comparaison : Cette maison est plus ancienne que l'autre. le deuxième terme d'un système temporel ou hypothétique : À peine était-il arrivé qu'il voulait déjà repartir. l'attribut avec c'est : C'est un monstre que cet homme. une subordonnée quelconque après une coordination (et, ou, ni, etc.) : Puisque je l'affirme et que je donne des preuves, on peut me croire. Quand il fait beau et que j'ai des loisirs, je me promène ici. le souhait, l'ordre, la supposition : Que tout le monde se taise ! Populaire. Introduit une incise ou, après un adverbe, une interrogative : Viens voir, qu'il m'a dit. Où qu'il est ? Familier. Souligne une opinion, après un adverbe : Sûrement que c'est vrai. Bien sûr que j'irai. Littéraire. Que si, en tête de phrase équivaut à si : Que si on m'objecte… je répondrai que… Littéraire. Que… ne…, sans que : Il ne se passait pas une journée que quelque incident ne se produisît. ● que (difficultés) conjonction (bas latin qui, du latin classique quia, le fait que) Orthographe Le e de que s'élide devant une voyelle ou un h muet : je souhaite qu'elle vienne ; je ne crois pas qu'« honnête » veuille dire « naïf ». Emploi I. Que, pronom relatif. 1. Pron. relatif complément d'objet direct ou attribut : l'homme que je vois ; misérables que nous sommes. Que / où. Que pouvait s'employer autrefois en fonction de complément indirect, comme un équivalent de dont et de où : « Me voyait-il de l'œil qu'il me voit aujourd'hui ? »(Racine) ; du train que vont les choses. Cet emploi semble aujourd'hui vieilli et un peu affecté : on dit plutôt le jour où je l'ai vu, du train où vont les choses. → dont, → où C'est de cela que / c'est cela dont. Les deux constructions sont également correctes : c'est cela dont j'ai besoin, c'est de cela que j'ai besoin ; c'est de lui que je parle, c'est lui dont je parle. Recommandation Éviter en revanche de mêler les deux constructions dans les tournures incorrectes : c'est de cela dont..., c'est de lui dont... 2. Pron. interrogatif : que faites-vous ? que devenez-vous ? Il ne sait que faire. → quoi II. Que, adverbe. 1. Adv. exclamatif : que c'est beau ! Dans cet emploi, que est souvent précédé par ce dans le registre familier : ce que c'est beau ! 2. Adv. interrogatif. Dans le registre soutenu, que, au sens de « pourquoi », exprime une nuance de regret : que ne lui avez-vous parlé ? III. Que, conjonction. Que est une conjonction autonome, mais s'associe aussi à d'autres éléments pour former un très grand nombre de locutions conjonctives (après que, avant que, dès que, etc.). 1. Que peut remplacer une conjonction ou une locution conjonctive pour éviter sa répétition : quand tu auras fini ce travail et que tu auras plus de loisirs... ; comme j'étais dehors et qu'il faisait beau... 2. Que s'emploie en corrélation avec des mots exprimant une comparaison, pour introduire le second terme de celle-ci : il est plus grand que toi ; il est tel que je l'avais imaginé ; il est si grand qu'il peut toucher le plafond. 3. Employé en tête de phrase avec un verbe au subjonctif à la 3e personne, que exprime l'ordre, le souhait, l'interdiction (qu'on m'oublie ! qu'ils attendent !) ou l'indignation : « Moi, héron, que je fasse une si pauvre chère ! »(La Fontaine). 4. Avec ne, que a une valeur restrictive : il n'a que la peau et les os. → ne 5. Dans le registre familier, que précédant oui, non, si a une valeur d'emphase, d'insistance. Que oui ! 6. Dans l'expression orale relâchée, que est souvent employé comme particule explétive, avec une valeur d'intensité : il crie que ça fait peine à entendre ; il pleuvait que c'en était une bénédiction. 7. Que s'emploie également comme particule explétive dans certaines tournures admises par l'usage : drôles de gens que ces gens-là ; cela ne laisse pas que de nous surprendre ; ce n'est pas trop que de le dire ; si j'étais que de vous. Recommandation Éviter en revanche les constructions du type : il ne peut pas dépenser tout son argent tellement qu'il en a, où qu'il est ?, d'où que tu viens ? Construction 1. Que, placé en tête de phrase, demande le subjonctif : qu'il veuille partir, je le sais (mais : je sais qu'il veut partir). 2. Répétition de que. Quand deux que se suivent immédiatement, on en supprime un : je ne demande pas mieux qu'il vienne (= je ne demande pas mieux que qu'il vienne). Il est parfois nécessaire de tourner la phrase autrement : j'aime mieux qu'il parte plutôt qu'il soit malheureux ou j'aime mieux qu'il parte que de le voir malheureux et non j'aime mieux qu'il parte que qu'il soit malheureux. On évite également la succession de deux subordonnées introduites par que : le scandale qu'il croit que j'ai déclenché est une phrase grammaticalement correcte, mais lourde. Recommandation Dire plutôt : le scandale que, croit-il, j'ai déclenché. 3. Que / que de. Après les locutions autant ... que, il vaut mieux ... que, plutôt ... que, etc., et devant un infinitif employé comme second terme de la comparaison, la préposition de est facultative : il vaut mieux tenir que courir ; autant décider tout de suite que de tergiverser ou que tergiverser. 4. Que / que ne. Avec plus que, moins que, mieux que, autre que, etc., la particule ne dans la subordonnée est facultative : il va mieux que je ne croyais (ou que je croyais). Toutefois, si la principale est négative ou interrogative, on ne met pas ne dans la subordonnée : il n'est pas autrement que j'avais cru. 3. Que / à ce que. → à Sens Ne faire que / ne faire que de. Ne pas confondre ces deux locutions. Ne faire que = ne pas cesser de, ne pas faire autre chose que. Il ne fait qu'entrer et sortir (= il entre et sort sans cesse). Ne faire que de = venir à peine de. Il ne fait que de sortir (= il est sorti il y a un instant). → faire ● que (homonymes) conjonction (bas latin qui, du latin classique quia, le fait que) queue nom féminin queux nom masculin ou nom féminin ● que adverbe (de que) Introduit : Une phrase exclamative exprimant l'intensité ; comme, combien : Que cette histoire est donc compliquée ! Une phrase exclamative ou interrogative exprimant la cause ; en quoi, pourquoi (dans la langue littéraire) : Que ne m'a-t-il écouté ? Que oui, que non, que si, sont des renforcements de oui, non, si : Tu n'as donc pas envie de faire ce voyage ? — Oh, que si ! ● que pronom relatif (latin quem, accusatif de qui, lequel) Introduit une subordonnée relative : L'homme que j'ai vu. Malheureux que vous êtes. ● que pronom interrogatif (latin quid, quoi) Introduit : Une interrogation directe : Que dites-vous ? Que devient ce projet ? Qu'est-il arrivé ? Une interrogative indirecte à l'infinitif (en concurrence avec quoi) : Je ne sais que penser de tout cela. ● que (difficultés) pronom relatif (latin quem, accusatif de qui, lequel) Emploi Ces deux mots de sens proche ne peuvent pas toujours être employés l'un pour l'autre. 1. Car introduit l'explication, la justification de ce qui vient d'être dit : Martine a un bon salaire, car elle peut louer un grand appartement (car équivaut ici à puisque). 2. Parce que suppose un lien de cause à effet entre ce qui vient d'être énoncé et ce qui va suivre : Martine a un bon salaire parce qu'elle est fort compétente et très diplômée (mais on ne pourrait pas dire Martine a un bon salaire parce qu'elle peut louer un grand appartement : ce n'est pas la location d'un grand appartement qui permet à Martine de bénéficier d'un bon salaire, mais bien l'inverse). Remarque Parce que répond à pourquoi : « Pourquoi est-il parti ? - Parce qu'il était en retard » (et non : « - Car il était en retard »). Construction 1. Car ne peut jamais être placé en tête de phrase (car elle peut louer un grand appartement, Martine a un bon salaire) et suit nécessairement l'assertion expliquée. Car peut aussi être placé en incise : je ne vous demande pas de vous excuser pour cette erreur, car c'est bien une erreur, mais simplement de la réparer. 2. Parce que peut suivre ou précéder l'explication de la cause : parce que la masse de la Lune exerce sa force d'attraction, les marées existent ou les marées existent parce que la masse de la Lune exerce sa force d'attraction. 3. Car, à la différence de parce que, est toujours précédé d'une virgule. 4. Car en effet n'est admis que dans le cas très rare où en effet signifie « dans la réalité, dans les faits » : il peut l'imposer, car en effet et non plus seulement en théorie il en a maintenant le pouvoir. Dans tous les autres cas, car en effet est considéré comme un pléonasme à éviter. Dire, écrire : il est heureux, car il a réussi ou il est heureux, en effet il a réussi (et non il est heureux car en effet il a réussi).
⇒QUE, conj., adv. et pron.
Conjonction, adverbe ou pronom, que a pour fonction syntaxiquement, de nominaliser ou d'adjectiver une phrase: dans je sais que p, que p tient la fonction substantive d'un complément d'objet; dans qu'il est beau!, il y a également une sorte de nominalisation: l'ensemble est comparable à Le beau garçon! (v. G. MOIGNET, « Systématique du mot que » ds Ét. de psycho-systématique fr., Paris, Klincksieck, 1974, pp. 184-211); — sémantiquement, la fonction de que est de suspendre la valeur de vérité de la proposition qu'il introduit, cette valeur pouvant être rétablie contextuellement: Il sait que p, Il ignore que p, Il regrette que p présupposent que p est vrai; Il s'imagine que p présuppose que p est faux; Il dit que p, Il pense que p supposent la vérité de p, mais seulement pour le sujet de l'énoncé (il); Je ne dis pas que p rejette explicitement la valeur « vrai » de p, etc.; le mot que s'oppose ainsi à si (Il ne dit pas si p), qui suspend aussi la valeur de vérité, mais sans que le contexte permette de la rétablir. Dans l'interrogative partielle (Que fait-il?), la valeur de vérité est limitée aux seules présuppositions (Il fait quelque chose), la variable que étant appelée à être saturée dans la réponse. Dans Qu'il est beau!, la suspension de la valeur de vérité conduit à un parcours de possibles et à la restitution de la valeur « vrai », y compris dans les cas d'intensité maximale.
I. — Empl. conjonctionnels
A. — Conj. de sub.
1. [Introd. une complét. en fonction de suj., antéposée ou postposée à la princ.] Qu'il fût plus utile que Katow n'était pas douteux (MALRAUX, Cond. hum., 1933, p. 207). Le résultat est que nous continuions à mettre au premier plan nos sentiments personnels (CAMUS, Peste, 1947, p. 1282).
— N'était que... [Introd. une réserve, présente ce qui fait obstacle] N'était qu'il souffrait par moments de rhumatismes, il jouissait d'une santé robuste (E. HENRIOT, Aricie Brun, I, 2 ds GREV. 1964, § 1050).
2. [Introd. une complét. en fonction d'obj.]
a) [Après différents types de verbes]
) [Après un verbe déclaratif (déclarer, dire, raconter) ou un verbe d'opinion (croire, supposer, imaginer, etc.)] Elle affirme qu'on l'a enfermée parce qu'elle refusait d'attaquer Phili et de demander le divorce et l'annulation (MAURIAC, Nœud vip., 1932, p. 290).
— [Avec invers. de la princ.] Que je sache. V. savoir1.
♦ Pop. C'est tout la même race, qu'il dit (ALAIN-FOURNIER, Meaulnes, 1913, p. 164). Restons pas dehors! qu'il me dit. Rentrons! (CÉLINE, Voyage, 1932, p. 11).
— [En tête d'un paragraphe ou d'un chap., que présente sans verbe introducteur le thème dont il va être question] Que la vertu est le plus grand de tous les biens (Ac.).
) [Après un verbe de perception (entendre, s'apercevoir, voir, etc.)] J'ai entendu que l'on se préoccupait des épidémies inévitables favorisées par le changement de saison (FRAPIÉ, Maternelle, 1904, p. 210). S'apercevoir que l'on a un foie, ou un cœur, quelle découverte! (CLAUDEL, Père humil., 1920, I, 2, p. 499).
— [Dans les tournures présentatives voici que, voilà que] Mais voici que l'affaire se corsait, encore une fois (MARTIN DU G., Thib., Cah. gr., 1922, p. 591). Oh! oh! voilà que déjà son cœur bat et sonne, tandis que la sueur ruisselle entre ses épaules (BERNANOS, Soleil Satan, 1926, p. 210).
) [Après un verbe de sentiment (admirer, craindre, s'étonner, se réjouir, se repentir, etc.)] Car j'aime que l'homme donne sa lumière (SAINT-EXUP., Citad., 1944, p. 571).
) [Après un verbe de désir ou de volonté (souhaiter, tolérer, vouloir, etc.)] J'exige que tu me répètes les trois derniers mots (GIRAUDOUX, Intermezzo, 1933, I, 5, p. 37).
Rem. L'ind. est empl. quand ce qui est dit est affecté au domaine du probable ou du certain, notamment après les verbes ou les loc. d'affirm. à la forme positive (croire, dire, il me semble, il est clair que): — On arme le peuple! — Nous aussi? demanda le Négus. — Je te dis qu'on arme le peuple! (MALRAUX, Espoir, 1937, p. 447). Dès lors que la sub. est vérifiée seulement dans un monde possible, c'est le subj. qui l'emporte: Il semble qu'elle soit là comme ces jeunes bêtes que le chasseur attache et abandonne dans les ténèbres pour attirer les fauves (MAURIAC, Nœud vip., 1932, p. 161). Il en est ainsi notamment après les verbes exprimant le doute, la crainte, le souhait ou la volonté: Je doute qu'il soit possible de récupérer plus de la moitié des armes (MALRAUX, Cond. hum., 1933, p. 273). Ils craignaient que ne comptassent guère les conditions de la reddition pour ceux qui les reconnaîtraient personnellement (ID., Espoir, 1937, p. 558). Le subj. s'impose aussi, même si le fait est certain, chaque fois que la princ. met au premier plan les réactions du suj. (domaine de l'appréciation): Je regrette qu'il soit venu laisse entendre qu'il est effectivement venu, mais suggère aussi, en raison même du sentiment qui s'exprime, qu'il aurait pu se faire qu'il ne vienne pas.
b) [Introd. une complét. coordonnée] Je m'étonne que sa grande érudition littéraire lui permette une production si soutenue et si parfaite — ou que son travail d'écrivain lui laisse du temps pour tant lire (GIDE, Journal, 1895, p. 62). Le docteur répondit que c'était une chance sans doute et qu'il fallait espérer seulement que sa femme guérît (CAMUS, Peste, 1947, p. 1283).
— [Avec reprise de la conj. devant chaque terme d'une série juxtaposée] Il savait que ce rare esprit, que cette haute intelligence, que ce vaste savoir, s'alliaient à une perversité (SUE, Myst. Paris, t. 2, 1842, p. 141).
c) [Introd. une complét. imbriquée]
— [dans une rel.] La seule précaution que je crois qu'on doive prendre alors, c'est... (BRUNETIÈRE, Essais sur la litt. contemp., 1892, p. 23 ds J. HÄRMÄ, Rech. sur les constr. imbriquées rel. et interr. en fr., Helsinki, Suomalainen Tiedeakatemia, 1979, 31). Lorsque dans la cabane des palombes, où tu voulais toujours que nous emportions notre goûter, je demeure auprès de lui, je sens... (MAURIAC, Th. Desqueyroux, 1927, p. 119):
• 1. Dès les premières causeries que nous eûmes, je me vis comme contraint par eux de jouer un faux personnage, de ressembler à celui qu'ils croyaient que j'étais resté, sans peine de paraître feindre.
GIDE, Immor., 1902, p. 422.
— [dans une interr.] Quand pensez-vous que..., où croyez-vous que... Où çà dites-vous qu'il fait mauvais temps? demanda mon grand-père (PROUST, Guermantes 2, 1921, p. 342).
3. [Introd. une complét. en fonction de suj. dit ,,réel``, après un verbe ou une tournure impers.] Il est bon, étrange, possible, rare, sûr que; il est temps que; il arrive, il faut, il suffit que. Peu s'en fallut que je n'y fisse monter les enfants (GIDE, Journal, 1903, p. 137). Il est nécessaire que je m'ouvre de tout ceci à nos supérieurs (BERNANOS, , Soleil Satan, 1926p. 230).
— Il y a que... Alors, en somme, qu'est-ce qu'il y a? Il y a que tout l'actif va être mangé (MONTHERL., Célibataires, 1934, p. 795).
4. [Introd. une complét. appelée par un adv. de phrase et correspondant à une tournure impers.] Sans doute que..., probablement que..., certainement que..., heureusement que... Demain, peut-être qu'il sera si piètre matador que quelqu'un devra sauter dans le rond pour achever sa victime (MONTHERL., , Bestiaires, 1926, p. 524).
5. [Introd. une complét. en fonction d'appos.]
a) [Apposée à un subst.] Le sentiment que..., l'espoir que..., la crainte que... Le bruit court qu'il a eu un accident.
— À l'idée que... V. idée I A 1 d. D'une heure à l'autre, à l'idée que j'écris, que je dois poursuivre, je m'écœure. Jamais je n'ai de sécurité, de certitude (G. BATAILLE, Exp. int., 1943, p. 181).
b) [Apposée au pron. ce]
) C'est que (littéral. « ceci est, à savoir que... »). Introduit une explication de ce qui précède ou bien une objection, une rectification à ce qui vient d'être dit. Sans doute on comptera les moutons d'un troupeau et l'on dira qu'il y en a cinquante (...) mais c'est que l'on convient alors de négliger leurs différences individuelles pour ne tenir compte que de leur fonction commune (BERGSON, Essai donn. imm., 1889, p. 68).
— Si ... c'est que. Si je vous élève, c'est que je vous tire hors de votre peau (SAINT-EXUP., Citad., 1944, p. 587).
— Est-ce que...? (littéral. « ceci est-il, à savoir que... »). En toute conscience, est-ce que vous croyez que Dieu me pardonnera? (MARTIN DU G., Thib., Pénitenc., 1922, p. 736).
— Ce que c'est que... (littéral. « ce que c'est, à savoir (que) »). Ce que c'est que d'avoir étudié! Ce que c'est que la vie! Mais voyez ce que c'est que la vanité! (A. DAUDET, Tartarin de T., 1872, p. 33).
) [Après un verbe en constr. indir.] Aboutir, parvenir à ce que; abuser, s'irriter, remercier, venir de ce que. C'était déjà trop que d'avoir consenti à ce qu'elle portât des robes blanches dans la semaine (MAURIAC, Nœud vip., 1932, p. 124).
c) [Apposée à un groupe nom. qui fait office de thème, la compl., réduite à un groupe nom., joue le rôle de prédicat] Quelle belle fleur que la rose! (v. H. BONNARD, infra bbg.).
6. [Introd. une sub. circ.]
a) [Circ. de temps]
) [Que est le 2e élém. d'une loc. conj. exprimant l'antériorité, la simultanéité ou la postériorité] On songera à ce musicien invisible qui joue derrière la scène pendant que l'acteur touche un clavier dont les notes ne résonnent point (BERGSON, Essai donn. imm., 1889, p. 119.
SYNT. Avant que, après que, jusqu'à ce que, d'ici à ce que, tant que, aussi longtemps que, à mesure que, toutes les fois que, chaque fois que, pendant que, tandis que, cependant que.
— [En sub. inverse]
♦ À peine ... que. À peine le médecin avait-il disparu, que Mme Josserand sortit de la pièce avec Mme Dambreville (ZOLA, Pot-Bouille, 1882, p. 156).
♦ [Après une princ. négative] Il n'avait pas fait dix pas qu'il apercevait l'autocar, qui venait de s'arrêter. Il y monta. Ils n'étaient que trois voyageurs dans le car (MONTHERL., Célibataires, 1934, p. 900).
) [Empl. seul, introduisant une temporelle dans des systèmes exprimant la simultanéité ou la postériorité]
— [Précédé d'une phrase nég.] Que ne + verbe au subj. Avant que, tant que. Roland, dans son cercle étroit de chevalerie, courait après Angélique; les conquérants de première race poursuivent une plus haute souveraine: point de repos pour eux qu'ils n'aient pressé dans leurs bras cette divinité couronnée de tours, épouse du Temps, fille du Ciel et mère des dieux (CHATEAUBR., Mém., t. 3, 1848, p. 425). Je n'aurais point de repos que je n'aie contemplé une chose si merveilleuse (A. FRANCE, Thaïs, 1890, p. 270).
— N'avoir de cesse que. Tu n'eus de cesse que je ne me fusse résigné à garder le lit et à faire venir Arnozan (MAURIAC, Nœud vip., 1932, p. 145).
) [Introd. une temporelle coordonnée] Quand on aime et qu'on voudrait croire à la réalité unique de l'individu (PROUST, J. filles en fleurs, 1918, p. 535).
b) [Circ. causale]
) [Que est le 2e élém. d'une loc. conj. exprimant la cause] Par cela que, attendu que, d'autant que, étant donné que, parce que, vu que. L'enfant viendrait avant terme, vu que j'aurai pas à manger (MALRAUX, Espoir, 1937, p. 584):
• 3. Parce que ton Polynice, cette ombre éplorée et ce corps qui se décompose entre ses gardes et tout ce pathétique qui t'enflamme, ce n'est qu'une histoire de politique.
ANOUILH, Antig., 1946, p. 181.
) [Empl. seul]
— [après un verbe ou un adj. de sentiment] Le duc s'enorgueillissait que, sur une centaine de ses bêtes ainsi essayées, une quarantaine seulement fussent d'ordinaire gardées pour l'arène (MONTHERL., Bestiaires, 1926, p. 408). Il avait été heureux que la propriété de son père servît à quelque chose (MARTIN DU G., Thib., Épil., 1940, p. 792).
— [dans des phrases interr. ou exclam., justifiant l'acte interr. ou exclam.] Êtes-vous encore endormi, que vous ne voyez pas l'éclat des bougies? (SAND, Lélia, 1833, p. 248). Est-ce que vous avez des amis de ce côté-là, que vous connaissez si bien Balbec? (PROUST, Swann, 1913, p. 131).
— [après non, gén. corrél. de mais] Non qu'il se méfiât de son père; mais il exigeait d'être seul responsable de sa vie (MALRAUX, Cond. hum., 1933, p. 208).
) [Introd. une causale coordonnée] Votre pièce n'est pas une tragédie classique parce qu'elle a moins de cinq actes et que la règle des trois unités n'y est pas observée (MAURIAC, Journal 2, 1937, p. 155).
— Rare
♦ [Reprend car; considéré comme incorrect] Que je serais très heureuse de revoir car elle m'a beaucoup plu et que c'est pour moi une vraie fête de pouvoir parler de choses sérieuses avec quelqu'un qui a l'air de les comprendre (G. BEAUMONT, Harpe irlandaise, II, p. 5 ds GREV. 1986, § 259 b 2 °).
♦ [Reprend pourquoi; également considéré comme incorrect] Voilà pourquoi (...) avant de partager avec lui ce souper amer et suprême, elles pensèrent à lui offrir le leur et qu'elles en firent un chef-d'œuvre (BARBEY D'AUR., Diabol., [1874], 62, ds GREV. 1986, § 1028).
c) [Circ. finale]
) [Que est le 2e élém. d'une loc. conj. exprimant le but] Afin que, de peur que, de crainte que, pour que. Elle détachait les morceaux à même son sac, pour qu'on ne vît pas qu'elle mangeait, car c'était là tout son dîner (MONTHERL., Célibataires, 1934, p. 840).
) [Empl. seul après un impér.] Asseyez-vous là, que nous causions, me dit-elle (FROMENTIN, Dominique, 1863, p. 114). Zoé, tu es (...) une sœur très aimable. Viens que je t'embrasse (A. FRANCE, Bergeret, 1901, p. 82).
) [Introd. une finale coordonnée] Les enfants s'amusaient parfois à y mettre [dans la salade] des fils de soie rouge, afin qu'on les prît pour des chenilles et qu'on eût un moment de joie (GIRAUDOUX, Églantine, 1927, p. 163).
— Littér. [Coordonne une finale au subj. à une première à l'inf. introd. par pour] Alban prit la muleta, la mouilla et la frotta un peu dans le sable pour l'alourdir et qu'elle résistât au vent (MONTHERL., Bestiaires, 1926, p. 539).
d) [Circ. conséc.]
) [Que est le 2e élém. d'une loc. conj. exprimant la conséquence] De/en sorte que, tant que, si bien que, à tel point que. Elle perdait la notion du lieu au point qu'il lui arrivait de tomber tout à coup de sa chaise (GIDE, Si le grain, 1924, p. 410).
♦ Si + adj./adv. + que. C'était une amitié neuve que nous allions bâtir, si solide que rien ne la détruirait, si merveilleuse que j'espérais que Gilberte mettrait quelque coquetterie à lui garder toute sa beauté et à m'avertir à temps (PROUST, J. filles en fleurs, 1918, p. 486).
♦ Verbe + tant + que. Ernestine (...) faisait tant, qu'il me parut d'abord que tout le chagrin de ma tante pesait sur elle (GIDE, Si le grain, 1924, p. 386).
♦ Tant de + subst. + que. Cette pose dessinait son jeune corps avec tant de précision, que l'irritation de Gilbert s'accrut (ARLAND, Ordre, 1929, p. 42).
♦ Tel + subst. + que. Je suis pris de telles convulsions que je rends à genoux les doigts enfoncés dans le sable (SAINT-EXUP., Terre hommes, 1939, p. 232).
♦ Tellement + adj. + que. Bientôt les rapports d'idées deviennent tellement vagues, le fil conducteur qui relie vos conceptions si ténu, que vos complices seuls peuvent vous comprendre (BAUDEL., Paradis artif., 1860, p. 357).
♦ Tellement de + subst. + que. Il court en criant de toute sa voix, avec tellement de force et de rage qu'elle s'éraille, qu'elle ne peut plus sortir de sa gorge (MONTHERL., Bestiaires, 1926, p. 559).
♦ Assez/trop ... pour que. Il m'a jeté à la figure assez de choses atroces, pour que je sois sûre qu'il disait vrai (MAURIAC, Nœud vip., 1932, p. 283).
♦ Faire que, en sorte que. La pyramide était composée de minuscules choux à la crème, enduits d'un caramel résistant qui les soudait l'un à l'autre et faisait que la cuillère les crevait plutôt que de les séparer (GIDE, Si le grain, 1924, p. 380). Fais que nul ne me voie jusqu'à ce que ce soit fini (ANOUILH, Antig., 1946, p. 200).
) [Empl. seul] Les commandes pleuvaient à l'abbaye que c'était une bénédiction (A. DAUDET, Lettres moulin, 1869, p. 257). Elle avait des façons vraiment De désoler un pauvre amant, Que c'en était vraiment charmant! (VERLAINE, Romances sans par., 1874, p. 53).
— [Après une princ. nég.] Que ... ne + subj. Sans que. Il ne pouvoit aborder à un rivage qu'il n'y soulevât des tempêtes (CHATEAUBR., Natchez, 1826, p. 367):
• 4. Je ne puis descendre aujourd'hui dans une auberge, en France ou à l'étranger, que je n'y sois immédiatement assiégé.
CHATEAUBR., Mém., t. 4, 1848, p. 428.
) [Introd. une conséc. coordonnée] De façon qu'il s'instruise et qu'il devienne un homme (GREV. 1969, § 1028).
e) [Circ. adversative ou concessive]
) [Que est le 2e élém. d'une loc. conj. exprimant l'oppos. ou la concession] Pendant que, tandis que, lors même que, au lieu que, bien que. Si l'on vous invite à soulever un panier que l'on vous aura dit rempli de ferraille, alors qu'il est vide en réalité (BERGSON, Essai donn. imm., 1889, p. 48).
— Sans que
♦ [Avec valeur de simple oppos.] Chaque jour il ralentit devant la maison Péloueyre, sans que jamais Noémi poussât les volets (MAURIAC, Baiser Lépreux, 1922, p. 190):
• 5. ... des domestiques sont restés des semaines sans obtenir d'elle une réponse à leur salut matinal, sont même partis en vacances sans qu'elle leur dît adieu et qu'ils devinassent pourquoi...
PROUST, Guermantes 2, 1921, p. 321.
♦ [Avec valeur concess.] Il l'a fait sans qu'on le lui ait demandé. Bien qu'on ne le lui ait pas demandé.
) [L'oppos. ou la concess. est fondée sur une propriété qui reste inopérante même à un haut degré]
— Pour ... que. Le peuple, pour ravi qu'il fût de sa libération, aurait à subir longtemps de dures épreuves (DE GAULLE, Mém. guerre, 1959, p. 21).
— Si ... que. Défauts auxquels, si jeune que je fusse, je ne laissais pas d'être sensible (GIDE, Si le grain, 1924, p. 444).
— Tout ... que. Tout marquis que je suis, j'ai droit à la justice, je pense? (BERNANOS, Soleil Satan, 1926, p. 63).
— Quelque ... que. Mais quelque attentive que fût la curiosité des visiteurs, elle ne fut point satisfaite (BALZAC, E. Grandet, 1834, p. 248).
) [L'oppos. ou la concess. vient du parcours d'une classe d'élém.]
— Qui que. Qui qu'elle fréquentât, elle resterait pour tout le monde duchesse de Guermantes (PROUST, Fugit., 1922, p. 669).
♦ Qui que ce soit. En vérité je ne crois pas que ni Rubinstein, dont je me souviens à merveille, ni qui que ce fût au monde, pût jouer la Fantaisie en ut mineur de Mozart, par exemple, ou tel largo d'un concerto de Beethoven, avec une plus tragique noblesse, avec plus de chaleur (GIDE, Si le grain, 1924, p. 398).
— Quoi que. Mais, quoi que tu puisses en penser d'abord, il faut accepter cette sanction d'un cœur contrit, comme une mesure prise pour ton bien (MARTIN DU G., Thib., Cah. gr., 1922, p. 673).
— Quoi que ce soit. Il répugnerait à la perfection de son sentiment d'exiger quoi que ce fût en retour (M. JOUHANDEAU, Réflexions sur la vie et le bonheur, Paris, Gallimard, 1958, p. 136).
♦ Quel que. Qu'une chose, quelle qu'elle soit, ne soit point faite pour une autre chose, quelle qu'elle soit (GIDE, Journal, Feuillets, 1893, p. 46). Cela ne nous empêche pas de faire chaque jour, quel que soit le temps (...) une grande marche de deux heures (MARTIN DU G., Thib., Pénitenc., 1922, p. 693).
Rem. Quel, adj., s'accorde en genre et en nombre avec le suj. Toutefois la confusion avec quelque est fréq.: quelle que soit la cause est souvent écrit, à tort, quelque soit la cause; quels que soient les événements écrit quelques soient les événements.
♦ Où que. Ah, merveilleuse, ah, vraiment adorable apparition de la valeur après la non-valeur! Où qu'elle soit, comment la méconnaître? (MONTHERL., Bestiaires, 1926, p. 552).
) [Que introd. une oppositionnelle coordonnée] Il prenait cette profession de foi pour une bravade, bien que le marquis parlât sans fard, et qu'en vrai paysan il se sentît porté vers un gouvernement qui préside aux concours agricoles et prime les animaux gras (BERNANOS, Soleil Satan, 1926, p. 63).
f) [Que introd. une hypothétique]
) [Que est le 2e élém. d'une loc. conj. exprimant l'hypothèse] À (la) condition que, à moins que, en admettant que, en supposant que, en cas que, pourvu que. Les problèmes qui valent d'être envisagés n'ont de sens qu'à la condition que, les posant, l'on parvienne au sommet: fol orgueil nécessaire pour être déchiré (G. BATAILLE, Exp. int., 1943, p. 73).
♦ Selon/suivant que ... ou que. Selon qu'ils étaient plus près ou plus loin du jet d'eau central (SAINT-EXUP., Citad., 1944, p. 519).
♦ [Marque une condition minimalement suffisante] Pour peu que. Pour peu que l'on suât, le plastron devenait atroce (GIDE, Si le grain, 1924, p. 405):
• 6. « Ces honnêtes gens-là », se dit-il, « pour peu qu'ils soient ardents et courageux, sont souvent plus dangereux que les canailles! (...) »
MARTIN DU G., Thib., Mort père, 1929, p. 1336.
) [Empl. en corrél. avec lui-même, pour présenter une alternative]
♦ Que ... ou que + subj. Qu'il l'eût voulu ou qu'il eût été abandonné, c'était également beau (MONTHERL., Bestiaires, 1926, p. 552). Qu'il chante mal, et qu'on rie, c'est celui-là qui est touchant (MONTHERL., Bestiaires, 1926, p. 479).
♦ [Sans ou] Que ce soit dans la nuit et dans la solitude, Que ce soit dans la rue et dans la multitude, Son fantôme dans l'air danse comme un flambeau (BAUDEL., Fl. du Mal, 1857, p. 70):
• 7. Son cœur se brisait qu'elle fût tout en noir, se brisait qu'elle n'eût qu'une poignée de pâquerettes dans les cheveux.
MONTHERL., Bestiaires, 1926, p. 466.
♦ Soit que ... soit que + subj. Mais soit que nous pensions à une intensité plus grande, soit qu'il s'agisse d'une plus grande étendue, nous éprouvons une impression analogue dans les deux cas (BERGSON, Essai donn. imm., 1889, p. 17).
) [Introd. une hypothétique coordonnée] S'il est seul dans le jardin, et qu'il tombe, il pleure (MARTIN DU G., Thib., Épil., 1940, p. 841).
Rem. Bien entendu, c'est seulement en phrase hypothétique que et si est remplaçable par et que devant la coordonnée. Mais lorsque si n'amène pas une supposition, lorsqu'il sert seulement à interroger (interr. indir.) sa reprise s'impose devant la coordonnée: Il se demande s'il tentera de les voir, et s'ils le recevront (LE BIDOIS 1967, § 1625).
B. — Conj. de compar.
1. [Avec un antécédent, adj. ou adv., impliquant l'idée d'une confrontation]
a) [Adj. de sens qualitatif] Tel que. Il trouvait que le rôle d'un homme sage et éclairé, tel que lui, était de se tenir dans l'actualité (AYMÉ, Jument, 1933, p. 30).
— Fam. ou pop. Je te laisse tel que. Tel quel. Si c'est un fait divers, (...) pourquoi ne serait-il pas possible de l'utiliser tel que dans un roman? (A. BILLY ds Le Figaro littér., 23 mars 1955 ds GREV. 1986, § 620).
b) [Adj. signifiant « identité »] Même que. Il habite le même immeuble que moi; il a la même voiture que moi. Son visage était le même que quand je le vis pour la dernière fois, et pourtant, combien il était différent! (BAUDEL., Paradis artif., 1860, p. 433).
c) [Adj. ou adv. d'altérité] Autre, autrement, autre part, ailleurs que. Elle ne pouvait pas s'appeler autrement que Manon (MONTHERL., Célibataires, 1934, p. 841):
• 8. Pas d'autres livres que des dictionnaires. Rien ne doit distraire ou charmer. Rien ne doit y sauver de l'ennui, que le travail.
GIDE, Journal, Feuillets, 1893, p. 49.
— [Suivi d'adj.] Et pourtant, cette minute avant d'entrer dans l'arène ne pouvait pas être autrement que grave (MONTHERL., Bestiaires, 1926, p. 532).
d) [Adv. compar. de sens quantitatif] Plus, moins, aussi, autant, plutôt, davantage que... À la table des Richard s'asseyaient deux pensionnaires; l'un un peu plus âgé que moi, l'autre d'un ou deux ans plus jeune (GIDE, Si le grain, 1924, p. 481).
e) [Compar. synthétiques] Meilleur, mieux, pire, pis, moindre que... Ils sont meilleurs qu'ils ne paraissent (CAMUS, Peste, 1947, p. 1319).
Rem. [Que haplologique] Je ne demande pas mieux qu'il réussisse (LE BIDOIS 1967). Dans une telle phrase que représente à la fois la conj. de sub. et le que compar.
2. Ne ... que (valeur exceptive ou restrictive). Ne ... rien d'autre que, seulement. Puisqu'il ne voulait pas répondre par des préjugés, il ne pouvait qu'approuver (MALRAUX, Cond. hum., 1933, p. 220).
— Ne ... que + subst. ou pron. La vie de cet homme étrange, qui ne fut qu'une lutte forcenée, terminée par une mort amère, qu'eût-elle été si, de ce coup la ruse déjouée, il se fût abandonné sans effort à la miséricorde — s'il eût appelé au secours? (BERNANOS, Soleil Satan, 1926, p. 147). Pendant plusieurs minutes, je ne pensai qu'à cela; puis un autre sentiment se fit jour en moi (MAURIAC, Nœud vip., 1932, p. 237).
— P. ell. Mme Ratinois, bas: Combien (de dot)? Ratinois, bas: Cent mille. Mme Ratinois, à part: Que ça! (LABICHE, Poudre aux yeux, 1861, II, 6, p. 366).
— Ne fût-ce que... Même si ce n'était que. Voilà donc que mes hommes avaient besoin de temps, ne fût-ce que pour comprendre un arbre (SAINT-EXUP., Citad., 1944, p. 544).
— Pop., région.
♦ J'arrive que. J'arrive seulement. Voir M. AAZ, 1er sept. 1935 ds DAM.-PICH. t. 6 1940, § 2281.
♦ Attendez que. Attendez seulement:
• 9. Il y a aussi l'autre M. l'Abbé, celui de Paris, qui est pour quelques jours ici. Il ne vous refusera pas. Attendez que, pauvre.
MALÈGUE, Augustin, t. 2, 1933, p. 315.
— V. aussi ne II.
C. — Conj. ou adv. exclam.
1. [Suivi d'un verbe au subj., exprimant le souhait, l'indignation, la surprise] Que la paix, la nourriture et la bénédiction soient au peuple qui travaille! (CLAUDEL, Repos 7e jour, 1901, III, p. 859). Qu'il boive beaucoup (CAMUS, Peste, 1947, p. 1231):
• 10. Votre visage, je vous demande votre visage. Que je voie votre visage aux yeux fermés, sous le mien, comme un autre monde.
MONTHERL., Bestiaires, 1926, p. 467.
2. [Placé en tête de phrase, que indique un haut degré]
a) Que + phrase attributive. Oh! que la suite des temps est lente. Quels longs efforts pour déplacer! Comme l'on se repose entre luttes! (GIDE, Journal, Feuillets, 1896, p. 104). Qu'il est beau! (GIRAUDOUX, Intermezzo, 1933, II, 7, p. 143). Qu'il est fidèle! (SAINT-EXUP., Terre hommes, 1939, p. 202).
— Que + autre phrase. Que je voudrais l'avoir connu! (GIDE, Si le grain, 1924, p. 415). Ah! qu'il avait peur d'arriver trop tard! (MAURIAC, Nœud vip., 1932, p. 156).
— Familier
♦ Ce qu'il est beau! Ce qu'avec trois mots je le ferais taire! (COLETTE, Blé en herbe, 1923, p. 315).
♦ Qu'est-ce qu'il est beau! Alors, qu'est-ce qu'ils se payent notre gueule, les Fritz, depuis deux ans! (MALRAUX, Espoir, 1937, p. 523).
b) Que + interr. ou exclam. nég. Pourquoi. Pour resserrer les nœuds de cette chaste famille, que ne donne-t-on en mariage le frère à la sœur et la sœur au frère? (CHATEAUBR., Fragm. Génie, 1800, p. 165). Que ne suis-je déjà au lieu de mon repos! (CHATEAUBR., Natchez, 1826, p. 389). « Ah, pensait le plus jeune, que n'ai-je auprès de moi mon chien aux dents fraîches, pour lui faire un licol de mes bras!... » (MONTHERL., Bestiaires, 1926, p. 576). Qu'allons-nous visiter sa cellule! Elle est vide (SAINT-EXUP., Terre hommes, 1939, p. 187).
♦ Que + de + subst. Que de problèmes soulève ce destin étrange! (MAURIAC, Journal 2, 1937, p. 109).
c) Pop. Comment que...! Il y a vingt ans, un type qui se serait conduit comme ça, et comment qu'elle l'aurait laissé tomber! (M. BERNARD, La nouvelle Nouvelle Revue française, 1956, p. 219 ds A. HENRY, Ét. de synt. expressive, Univ. de Bruxelles, 2e éd., 1977, p. 148).
3. [Renforçant oui, non, si] Qui s'entr'écoute? Les contradicteurs? Que non pas (GIDE, Journal, Feuillets, 1896, p. 104). Et tout cela était-il particulier à Paris? Que non (MONTHERL., Célibataires, 1934, p. 831).
II. — Empl. pronom. Pronom non prédicatif, marque le genre de l'inanimé et assume toutes les fonctions régimes du substantif.
A. — Que, pron. interr.
1. [En interr. dir.]
a) [Ordre verbe-suj.]
— [Que, obj. dir.] Que veux-tu? Que fais-tu? (GIRAUDOUX, Siegfried et Lim., 1922, I, 6, p. 39).
♦ [Que alterne avec quoi lorsque le verbe est à l'inf.] Que dire? Que penser? Que dire? Bunuelo avait disparu (MONTHERL., Bestiaires, 1926, p. 506).
— [Que, compl. indiquant le prix, le poids, la durée] Que coûte ce terrain? Que pèse ce colis? Que dure la traversée?
— [Que, attribut] Qu'est cela? Elle ne savait pas. C'était peut-être le vent, plutôt la chaleur (MONTHERL., Bestiaires, 1926, p. 419).
— [Que, « sujet réel » d'un verbe impers.] Qu'est-il arrivé? « Je suis le pasteur Gregory. Qu'arrive-t-il?... » (MARTIN DU G., Thib., Cah. gr., 1922, p. 610).
♦ [Dans le tour figé qu'importe? (sans il impers.)] Qu'importe, maintenant! (MARTIN DU G., Thib. Épil., 1940, p. 903).
b) Qu'est-ce que. Qu'est-ce que cela coûte?
— [Compl. d'obj. dir.] Qu'est-ce que vous faites? — Qu'est-ce qu'ils fichent, les Russes? — Qu'est-ce qu'ils fichent, les Français? (MALRAUX, Espoir, 1937, p. 561):
• 11. Il se met devant moi. Je balbutie: — Qu'est-ce... qu'est-ce que vous me voulez? Il ne répond rien, mais emboîte le pas à ma gauche. Je gardais, tout en marchant, les yeux fichés en terre...
GIDE, Si le grain, 1924, p. 408.
— [Attribut] Qu'est-ce que c'est? Lâchez cette jeune fille. Qu'est-ce que c'est? (ANOUILH, Antig., 1946, p. 169).
— [« Sujet réel » d'un verbe impers.] Qu'est-ce qu'il y a? Qu'est-ce qu'il en reste? (MARTIN DU G., Thib., Épil., 1940, p. 903).
Rem. Que est toujours conjoint au verbe, excepté dans l'expr. que diable! ou une expr. voisine: Le Papillon: Attends un peu, que diantre! Il n'est jamais trop tard pour retourner chez soi (A. DAUDET, Pt Chose, 1868, p. 234). Que diable manigançais-tu là-haut? (ARÈNE, Paris ingénu, 1882, p. 258).
2. [En interr. indir.]
a) [Régime dir., précédé de ce] Ce que. Il dit ce qu'il pense. En toute conscience, mon cher abbé, je vous dirai ce que j'ai répondu hier à Antoine (MARTIN DU G., Thib., Pénitenc., 1922, p. 730).
b) [Constr. avec l'inf., en concurrence avec quoi] Il ne sait que dire. Il ne savait que dire (MARTIN DU G., Thib., Cah. gr., 1922, p. 640).
c) Fam. ou pop. [Empl. avec est-ce que] Antoine: Ah! Cristina: Je veux vous demander qu'est-ce que vous en pensez. Antoine: Oui, Madame. Jules paraît à droite et lui fait signe. Une seconde, Madame. (à Jules.) Qu'est-ce que c'est? (BOURDET, Sexe faible, 1931, III, p. 408). Maman (...) vous savez qu'est-ce qu'elle fait? (...) — Ne dis pas; qu'est-ce qu'elle fait (...) ce qu'elle fait (MAUROIS, Cercle de famille, 1932, III, XVI ds ROB.).
3. Pop. [Reprend un mot interr.; assume seulement la fonction suspensive de la valeur de vérité, le mot interr. spécifiant de son côté la fonction gramm. de la variable que la réponse est appelée à saturer] Pourquoi que je te fixe comme ça? Et toi? Pourquoi que tu ne peux pas soutenir mon regard? (MAURIAC, Nœud vip., 1932, p. 227).
— C'est que. Quoi c'est qu'on bouffe? (BENJAMIN, Gaspard, 1915, p. 15). Non, je veux dire un restaurant où c'est qu'il y avait l'air d'avoir une bien bonne petite cuisine bourgeoise (PROUST, J. filles en fleurs, 1918, p. 485). Où c'est que vous êtes malades? (CÉLINE, Voyage, 1932, p. 107).
♦ C'que, sque. Chaq' manifacture est eun' ruche Où-c'-que l'emp'reur, d'l'avis du ciel, Veut que l'commerce aill' fair' son miel (Compliment des dames et des forts de la Halle, 1810 ds Hist. Fr. par chans., p. 41). Croquebol reprit: — Ça se peut bien, mais enfin ça n'est pas tout ça, faut voir à raisonner un peu; quéq'tu veux qu'nous allions au claque, nous savons même pas ousque c'est! (COURTELINE, Train 8 h 47, 1888, 2e part., 3, p. 115). N'allons pas gêner leur stratégie. Retournons d'ousque nous sommes venus. Compagnie, demi-tour, pas de course, arche! (GHELDERODE, Pantagleize, 1934, III, 8, p. 115).
— Que c'est que. Pourquoi qu'c'est qu'ils m'attendent? (BENJAMIN, Gaspard, 1915, p. 11).
B. — Que, pron. rel. avec antécédent
1. [Que a pour antécédent]
a) [Un animé] L'enfant que tu as vu. Cet ami que tu rencontres et qui porte en lui son enfant malade (SAINT-EXUP., Citad., 1944, p. 548).
b) [Un inanimé] Le livre que tu as vu. Grand, à la surprise du docteur, commanda un alcool qu'il but d'un trait (CAMUS, Peste, 1947, p. 1300).
c) [Un neutre] Ce que tu dis. Voilà ce que doit vouloir de nous tout bon critique (MAURIAC, Journal 2, 1937, p. 156).
Rem. ,,À la différence de que en emploi interrogatif, il peut être disjoint du verbe de sa proposition, mais — et c'est en cela que se manifeste sa non-prédicativité — il se disjoint malaisément de son antécédent`` (G. MOIGNET, Le Système du paradigme qui/que/quoi ds Trav. Ling. Litt. Strasbourg t. 19 n ° 1 1967, p. 90): C'est une des choses les plus émouvantes qu'il y ait sur la terre (MALRAUX, Espoir, 1937, p. 530).
d) [Un adj. attribut] Les oies et les canards, charmés qu'ils sont, s'approchent pour le mieux considérer (CHATEAUBR., Voy. Amér. et Ital., t. 1, 1827, p. 134).
2. [Que a pour fonction]
a) [attribut] L'homme qu'il est. Le vieillard que je suis devenu a peine à se représenter le furieux malade que j'étais naguère (MAURIAC, Nœud vip., 1932, p. 14).
b) [compl. d'obj. dir.] L'homme qu'il voit. Tout cheval qu'il voit, il a envie de le monter (MONTHERL., Bestiaires, 1926, p. 413).
c) [compl. circ.] Un jour qu'elle était souffrante (PROUST, Guermantes 2, 1921, p. 322). La dernière fois qu'elle s'était assise là, sur ce même canapé, — auprès d'Antoine (MARTIN DU G., Thib., Mort père, 1929, p. 1351).
— [Dans des tournures présentatives d'une indication de durée]
♦ Il y a ... que. Il y a cinq ans qu'il ne plaide plus, qu'il ne peut plus plaider (MAURIAC, Nœud vip., 1932, p. 185).
♦ Cela fait ... que. Cela fait bientôt neuf mois qu'il est là-bas (MARTIN DU G., Thib., Pénitenc., 1922, p. 676).
♦ Voici/voilà ... que. Voilà trente-six heures que le filtre rénal ne donne plus! tu comprends? (MARTIN DU G., Thib., Mort père, 1929, p. 1274).
d) [Que est empl. comme suj. (en fait un anc. « sujet réel ») dans un certain nombre de loc.] Coûte que coûte (v. coûter), vaille que vaille, arrive que pourra.
♦ Advienne que pourra. Parce qu'une petite fille qui fait aujourd'hui l'entêtée a pris peur, et nous a livrés pieds et poings liés, advienne que pourra! (BERNANOS, Soleil Satan, 1926, p. 79).
3. C'est ... que. [Tournure présentative: c'est l'antécédent qui assure la fonction gramm. régime, que étant un simple subordonnant]
a) [Régime dir.] C'est la personne que j'ai rencontrée. La taille directe sur le tas, c'est-à-dire sur le chantier de construction sera toujours meilleure que celle faite à l'atelier. C'est celle que les anciens ont pratiquée sur les chantiers d'Autun, de Chartres ou de Vézelay (Arts et litt., 1935, p. 22-1).
b) [Régime indir.] C'est à cette personne que j'ai parlé. C'est à cette classe que se rapportent, si on les déclare nécessaires, l'idée innée cartésienne, l'illumination, la purgation, les dispositions morales, l'exemple des autres, l'enseignement social, etc. (Théol. cath. t. 4, 1 1920, p. 860).
c) [Régime circ.] C'est pour cela que je suis parti. C'est pour éviter cette monotonie née de rapprochements trop fréquents d'ombres identiques que les peintres les plus attachés aux contrastes de tons, comme Rembrandt ou Daumier, ont eu recours au contraste chaud-froid, qui est l'équivalent sur un autre plan du contraste clair-sombre, chaque fois que deux ombres d'égale intensité se trouvaient trop voisines (Arts et litt., 1935, p. 30-9). C'est hier que je parlais. C'est en 1893 que Victor Maurel, tragédien lyrique, a établi les trois qualités de la voix: la hauteur, l'intensité, le timbre (Arts et litt., 1935, p. 36-8).
4. Pop. [Empl. de relatif « universel » et de relatif « décumulé »]
a) [Relatif « universel »: que se substitue à qui, dont, auquel, etc.] C'est toi que j'ai besoin. C'est moi que je lui piquais ses épingles (LABICHE, Station Champb., 1862, II, 1, p. 264). Moi, j' m'en aperçois bien!... sans parler qu'il est raide comme la justice, c'est moi que je lui mets son papier Fayard, qu'on dirait un vieux mur couvert d'affiches... et c' qu'il est maigre! (GYP, Souv. pte fille, 1927, p. 223).
b) [Relatif « décumulé »: que assure seulement la fonction de subordination (la fonction gramm., dans la relative, est marquée par ailleurs)] Té, Maurin, toi que tu as le temps, reste ici à l'espère jusqu'à ce que tu me l'aies tué (J. AICARD, Maurin des Maures, XXI, p. 18 ds DAM.-PICH. t. 4 1969, § 1322).
Prononc. et Orth.:[k()]. Élision devant voy. et h muet. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. . Que conj. I. Introd. une prop. sub. A. Une prop. circ. 1. cond. restrictive a) 842 loc. in o quid « à condition que » suivi du subj. [quid a pour antécédent le pron. dém. neutre o précédé de la prép. in] (Serments de Strasbourg ds HENRY Chrestomathie, 1, 6: si salvarai eo cist meon fradre Karlo et in aiudha et in cadhuna cosa [...] in o quid il mi altresi fazet); ca 1100 mais que « à condition que, pourvu que » id., v. mais II C; b) 1245 que « id. » suivi du subj. (HUON LE ROI, Regrès N.-D., 223 ds T.-L. t. 8, 33, 47), v. aussi condition (à), pourvu que...; 2. compar. a) que empl. avec le subj. 881 melz ... que, que fonctionne à la fois comme corrélatif de l'adv. compar. et comme conj. introduisant la complétive (Ste Eulalie ds HENRY Chrestomathie, 2, 17: Melz sostendreiet les empedementz Qu'elle perdesse sa virginitet; v. G. MOIGNET, Gramm. a. fr., p. 242); b) que empl. avec l'ind. ca 1100 la régissante est positive, l'ind. est précédé de ne : plus ... que ne (Roland, éd. J. Bédier, 890: Plus curt a piet que ne fait un cheval); id. greignor ... que ... ne; mielz ... que ne (ibid., 978, 1725); empl. de que suivant la particule négative ne pour constituer la loc. restrictive ne ... que, v. ne III; v. aussi ainsi, autant, autre, même, mieux, moins, mieux que...; 3. finale, le verbe de la sub. est au mode subj. 881 (Ste Eulalie, 27: Tuit oram que por nos deignet preier Qued auuisset de nos Christus mercit); 937-952 (Jonas, éd. G. de Poerck, 146: preparavit Dominus un edre sore sen cheve qet umbre li fesist), cf. por ce que, por que, pour; 4. consécutive a) ) le verbe est au mode ind., la conséquence est posée comme un fait affirmé 937-952 que est annoncé par tant dans la régissante (Jonas, 187: tant laveint offendut qe tost le volebat delir e inde la civitate volebat comburir); fin Xe s. si ... que (Passion, 127; 192); ca 1100 tel ... que (Roland, 722); id. sans terme d'appel dans la régissante (ibid., 549: Soürs est Carles, que nuls home ne crent); ) le verbe est au mode subj. id. si ... que la régissante est négative (ibid., 1993); 1130-40 tel ... que la régissante est interr. (WACE, Conception N.-D., éd. W. R. Ashford, 490); fin XIIIe s. [ms.] sans terme d'appel (HENRI DE VALENCIENNES, Henri de Constantinople, éd. J. Longnon, 501, p. 27, var.); b) exprime la conséquence d'un fait formulé sous la forme d'une interr., d'une exclam. — ou d'une affirmation — 1130-40 (WACE, Conception N.-D., 252: Ai mesfait en nulle maniere Que m'ofrende seit mise ariere?); 5. causale; le verbe de la sub. est au mode ind. 2e moit. Xe s. (St Léger, éd. J. Linskill, 166: Super lis piez ne pod ester, Que toz los at il condemnets); fin Xe s. (Passion, 404: No's neient ci per que crement, Que Jesum Crist ben requeret), la prop. explicative ainsi construite est à peine une sub. : que pourrait être considéré comme une ligature coordonnante et se traduire par car (G. MOIGNET, op. cit., p. 237); v. aussi parce que, puisque...; 6. exclusive, exceptive a) apr. une régissante positive ca 1050 le mode de la sub. est l'ind. (St Alexis, éd. Chr. Storey, 93: Larges almones, que gens de l'en remest Dunet as povres); b) apr. une régissante négative ca 1100 mode subj. (Roland, 759: Ne n'i perdrat [Carles] ne runcin ne sumer Que as espees ne seit einz eslegiet; 982; 2401); v. aussi moins (à), sans que...; 7. que introd. le second élém. d'un système temporel à deux membres solidaires; ce second membre exprime l'incidence d'un fait instantané par rapport à un procès en voie d'achèvement. Le caractère inachevé du 1er procès s'exprime par un verbe négatif ca 1100 (Roland, 84: Ja einz ne verrat passer cest premer meis Que jel sivrai od mil de mes fedeilz; 694); 8. hypothétique; le mode de la sub. est le subj. ca 1150 que équivaut à se [+ subj. imp.] (Thèbes, éd. G. Raynaud de Lage, 3879: Que fust seur aux la force moie, Mout volentiers m'en vengeroie!); si + ind., suivi d'une seconde prop. introd. par que + subj., v. infra I B; v. aussi supposer (à) que; 9. que entre dans la compos. de conj. et de loc. conj. introduisant des concess., v. alors, bien, malgré, où que... B. Dans le cas de deux sub. circ. (notamment temp. ou hyp.) juxtaposées ou coordonnées, que s'emploie pour reprendre une autre conj. de subordination a) ca 1050 deux temp. quant ... que (St Alexis, 167: Quant tut sun sun quor en ad si afermet, Que ja, sum voil, n'istrat de la citied); fin XIIe s. quant ... et que (Homélies sur Ezéchiel, 10, 7 ds T.-L. t. 8, 35, 28); b) 1160-74 deux hyp. se [+ ind.] ... e que [+ subj.], car il s'agit en réalité de la conséquence de l'hyp. (WACE, Rou, éd. A. J. Holden, III, 8918: E se Deu le velt consentir, E que a lui vienge a plaisir...). C. Introd. une prop. complétive 1. Le verbe de la régissante implique une virtualité qui se traduit par le mode subj. empl. dans la sub. a) ) le verbe de la régissante exprime le commandement, la prière ca 881 (Ste Eulalie, 14: Il li enortet ... Qued elle fuiet lo nom christiien; 26: Tuit oram que por nos degnet preier); 937-952 (Jonas, 212: poscite li qe remissionem ... peccatorum ... nos praebeat); ) la défense ca 1100 (Roland, 2438); ) apr. un verbe exprimant le commandement, que peut introduire le style direct 1176-81 un impér. (CHRÉTIEN DE TROYES, Lion, éd. M. Roques, 365: Or te pri ... que tu me consoille); un inf. avec négation, ayant valeur d'impér. ca 1180 (Fierabras, éd. G. Servois, 1587: ... te pri que ci ne me laissier); b) le conseil ca 881 (Ste Eulalie, 6: Elle no'nt eskoltet les mals conselliers Qu'elle Deo raneiet [le verbe conseiller est inclus dans le subst.]); c) la volonté [937-952 Jonas, 197: liberi de cel peril qet il habebat discretum (var. decretum) qe super els mettrait (cond.)] ca 1050 (St Alexis, 249: Co ne volt il que sa mere le sacet); d) la convenance 2e moit. Xe s. (St Léger, 6: ... si est biens Quae nos cantumps de sant Lethgier [id.]); e) la crainte ca 1050 (St Alexis, 60; 199); f) apr. les verbes factitifs (notions de « faire, permettre, empêcher ») ca 1050 (ibid., 370; 488); 2. le verbe de la régissante implique une actualisation (verbes de perception, d'énonciation, de connaissance) a) le mode de la sub. est l'ind. ) 937-952 (Jonas, 172: co videbat ... qe ... si astreient li Judei perdut; 194); fin Xe s. (Passion, 34), v. voici, voilà que; ) id. (ibid., 364: A toz diran que revisquet); apr. un verbe d'énonciation, que introduisant le style direct, précède les particules oïl, non 1160-74 (WACE, Rou, II, 379: Et Regnier dist que non); ca 1170 (Rois, III, II, 13, p. 114: Cil respundi Que oïl); ) ca 1050 (St Alexis, 279: Or set il bien qued il s'en deit aler); avec ell. du verbe d'énonciation, introd. le titre d'un traité, d'un chapitre d'une œuvre litt. 1580 (MONTAIGNE, Essais, II, XV, éd. P. Villey et V. L. Saulnier, p. 612 : Que nostre desir s'accroit par la malaisance [titre]); b) le mode de la sub. peut, avec ces mêmes verbes, être le subj. quand le verbe régissant ) exprime une hyp. ca 1050 (St Alexis, 495: Il nem faldrat s'il veit que jo lui serve); ) est négatif ca 1100 (Roland, 448); 3. le verbe régissant exprime une opinion, une appréciation a) opinion ) fin Xe s. le mode de la complétive est le subj. (Passion, 438: Il li non credent que aia carn; 440); ) id. l'ind., amené par l'empl. de la 1re pers. de l'ind. du verbe régissant (ibid., 343: E ço m'est vis que ço est l'ume Deu); b) appréciation ) id. l'appréciation portant sur un fait établi (ibid., 440: Co'st grant merveile que pietet ne t'en prist); ca 1100 le verbe unissant l'attribut à la complétive qui fait fonction de suj., est s.-ent. (Roland, 716: Deus! quel dulur que li Franceis nel sevent); ) ca 1165 subj., l'appréciation portant sur une éventualité (BENOÎT DE STE-MAURE, Troie, éd. L. Constans, 16237). II. Introd. une prop. indép. ou princ. au subj. Il semble qu'il y a ell. d'un verbe régissant « je demande, je souhaite, j'ordonne » a) optative ) subj. prés.; expression d'un souhait fin Xe s. (Passion, 200: Que de nos aiet pïeted!); ) imp. du subj., expression d'un regret fin XIIe s. (Prise d'Orange, éd. Cl. Regnier, 467 [réd. AB]: Que pleüst Deu, ... Que ci fust ore le palazin Bertran; v. note, p. 131); b) jussive 1174-76 (GUERNES DE PONT STE-MAXENCE, op. cit., 4802). III. Explétif. Dans une interr., que peut être intercalé entre le mot interr. et le verbe 1. XIIIe s. [ms.] (2e contin. de Perceval, éd. W. Roach, 31168, leçon ms. P: Que je ne soi que il devindrent Ne quelle voie que il tinrent); 2. XIIIe s. que si équivalent à si exprimant une hyp.; empl. dans le style jur., le style soutenu (Livre de Jean d'Ibelin ds Assises de Jérusalem, éd. J. Beugnot, t. 1, p. 76).
♦ Que rel. I. Empl. avec antécédent A. 1. En fonction d'obj. dir. a) ) 842 masc. sing. (Serments de Strasbourg ds HENRY Chrestomathie, 2, 19: Si Lodhuuigs sagrament que son fradre Karlo jurat, conservat...); 937-952 (Jonas, éd. G. de Poerck, 196: Liberi de cel peril qet il habebat discretum qe super els mettreit; 203); ) id. masc. plur. que (ibid., 10; 209; 236); b) ) id. fém. sing. quae (ibid., 158); fin Xe s. (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 96); ) 2e moit. Xe s. fém. plur. (St Léger, 152); c) ) ca 1050 neutre, l'antécédent est le pron. dém. ço (St Alexis, éd. Chr. Storey, 353; 386); ) ca 1100 forme le second élém. d'une loc. à valeur concessive dont le premier élém. est un pron. ou un adv. indéf.; la rel. introd. est au mode subj. ca 1100 que ... que (Roland, éd. J. Bédier, 3827), v. quoique; v. aussi comment, combien ... que; 2. en fonction de suj., dans certains dial., notamment en agn., lorr., fr.-comtois et champ. de l'est (v. Ph. MÉNARD, Synt. de l'a. fr., 1976, § 64 et R. MARTIN ds Trav. Ling. Litt. Strasbourg t. 5, 1, 1967, pp. 112-116); a) ) 2e moit. Xe s. masc. sing. (St Léger, 232: Lai s'aprosmat [Vadart] que lui [Lethgier] firid); fin Xe s. (Passion, 221); ) ca 1100 masc. plur. (Roland, 3037); b) ) fin Xe s. fém. sing. (Passion, 400); ) 1re moit. XIIe s. fém. plur. qued (Psautier d'Oxford, éd. Fr. Michel, LXXXVIII, 34); c) ) ca 1100 neutre ço que (Roland, 3519); ) ca 1100 d'un rel. comp. à valeur généralement concessive (v. G. MOIGNET, Gramm. de l'a. fr., 1973, pp. 166-167; Ph. MÉNARD, op. cit., § 78) qui ... que (Roland, 1546); v. qui I A 2 c ; ca 1150 que ... que (WACE, St Nicolas, éd. E. Ronsjö, 1421); 3. en fonction d'attribut. L'antécédent de que est un subst. suj. de la régissante; le suj. de la rel. est un pron. fin XIVe s. (FROISSART, Chron., I, § 298, éd. S. Luce, t. 4, p. 25, 10: et recorderent ... que une puignie de gens qu'il estoient, il avoient desconfi le roi d'Escoce). B. Rattaché à un antécédent de sens local ou temporel, que a la valeur d'adv. rel., équivalent à « où », cf. P. IMBS, Prop. temp. a. fr., 1956, pp. 195; 217; 1. fin Xe s. local (Passion, 436: Vedez mas mans, vedez mos peds, Vedez mo laz, qu'i fui plages); 2. fin Xe s. temp. (Passion, 58: Venrant li an, venrant li di Que tt'asaldran toi inimic), cf. les loc. conj. du type a l'ore que, P. IMBS, op. cit., p. 220; v. lorsque. II. Que empl. sans antécédent; rel. neutre. A. La rel. introd. est obj. dir. du verbe régissant 1. fin Xe s. (Passion, 446: Alques vos ai deit de raizon Que Jesus fez pos passïon), v. que interr. I 2 a, cf. G. MOIGNET, op. cit., p. 168, § 2 in fine; fin XIe s. [ms.] (Sponsus ds HENRY Chrestomathie, n ° 140, p. 252, 22: Oiet, virgines ... Aiet presen que vos comandarum!); 2. fin Xe s. la rel. est ell. du verbe (Passion, 7; 8: Per tot obred [Christus] que verus Deus, Per tot sosteg que hom carnels); 3. ca 1100 le verbe de la sub. introd. est un inf.; le verbe de la régissante est négatif et implique une idée d'indétermination (Roland, 987: Se ne l'assaill, dunc ne faz jo que creire), v. que interr. II 2 b. B. La rel. introd. constitue un compl. de propos; mode subj. ca 1150 (Thèbes, éd. G. Raynaud de Lage, 4019: Que mon fils puisse, pas ne cuit Que hom soit pris en mon conduit); ca 1165 que jou sace (Guillaume d'Angleterre, éd. M. Wilmotte, 1611). C. Que est suj. neutre 1. 1160-74 (WACE, Rou, éd. A. J. Holden, III, 7264: De voz terres vos chaceront E que piés iert, vos ocieront); XIIIe s. (Ordene de chevalerie ds BARBAZAN et MÉON, Fabliaux et contes, t. 1, p. 77, 474: Fai que dois, aviegne que puet); 2. la prop. introd. par que remplit la fonction de suj. dans une phrase à prédicat a) le thème isolé par que est un inf. ) ca 1200 (Chevalier au cygne, 224 ds T.-L. t. 8, 14, 9: C'est li miex que je voie que la vile assieger); 1280 (Clef d'amors, 896, ibid., 14, 8); ) ca 1260 que de (PHILIPPE DE NOVARE, Quatre âges de l'homme, 133, ibid., 14, 29); b) le thème isolé par que est un subst. v. MOIGNET, op. cit., p. 159, ca 1210 (RAOUL DE HOUDENC, Meraugis, 4575, ibid., 14, 2: C'est li nons qui plus droit se nome Que li tuens); 1269-78 (JEAN DE MEUN, Rose, éd. F. Lecoy, 14167).
♦ Que interr. Pron. rel. du genre inanimé I. Interr. indir. 1. a) 2e moit. Xe s. en fonction d'attribut du suj. (St Léger, éd. J. Linskill, 156: Ne soth ... qu'es devenguz); b) 1230-35 élément d'un interr. comp. (Mort le Roi Artu, éd. J. Frappier, § 14, 13, p. 10: savez vos que ce est que vos m'avez otroie?); 2. a) ca 1050 en fonction de régime dir. (St Alexis, éd. Chr. Storey, 270: ... ne sevent que funt); ca 1100 (Roland, 460; 1982); dans la lang. mod., l'interr. indir. est devenue rel., que ayant été remplacé par ce que; b) le verbe de l'interr. introduite par que est l'inf., le verbe de la régissante étant le plus souvent négatif et impliquant interr., délibération (avoir, savoir, laisser...), cf. que rel. II A 3 ca 1100 (Roland, 2123: Or ad li quens ... asez que faire); ca 1170 (Guillaume d'Angleterre, éd. M. Wilmotte, 1604; N'ai que faire de cel latin); fin XIIe s. (Raoul de Cambrai, éd. P. Meyer et A. Longnon, 1172: ne sai qe penser); 3. en fonction de suj. ca 1170 agn. (Rois, II, 34-35, p. 96: ne me aperceif pru que est dulz e que amer). II. Interr. dir. 1. en fonction de régime dir. fin Xe s. (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 83: Que m'en darez e'l vos tradrai?); ca 1050 (St Alexis, 501); 2. de compl. de propos fin Xe s. (Passion, 497: Lui que aiude?); ca 1170 (CHRÉTIEN DE TROYES, Erec, éd. M. Roques, 3725: Moi que chaut?; 4391: A vos que tient?); 3. d'attribut du suj. a) ca 1050 (St Alexis, 107: ... qu'est devenut?); b) élém. d'un interr. comp. marquant l'insistance et constituant l'origine de la forme mod. qu'est-ce que; ce antécédent de la rel. figure comme suj. de est, que comme attribut 1174-77 (Renart, éd. M. Roques, 6955: Renart, frere, que ce puet estre?); ca 1179 (ibid., 2076: Ce que est ore que vos dites?); 1230-35 (Mort le roi Artu, éd. J. Frappier, 52, 22, p. 62: que est ce que vos dites?); 4. de suj. 1re moit. XIIe s. agn. (Psautier d'Oxford, éd. Fr. Michel, CXIII, 5: Que est a tei...? [quid est tibi]).
♦ Que adv. I. Interr. 1. Phrase positive « pourquoi » a) fin Xe s. interr. dir. (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 183: Maior forsfait que i querem?); 1re moit. XIIe s. (Psautier d'Oxford, éd. Fr. Michel, CXIII, 5: que tu ies convertiz ariere? [quia (« pourquoi ») conversus es retrorsum?]); b) ca 1135 interr. indir. (Couronnement de Louis, éd. Y. G. Lepage, 1501); 2. ca 1050 phrase négative ; exprime un regret « pourquoi ne ... pas? » (St Alexis, 419; 438: E de ta medra que n'aveies mercit?) II. Exclam. ca 1165 « combien » (Guillaume d'Angleterre, éd. M. Wilmotte, 844: ... que m'ont traï Li marceant de pute orine...!); fin XIIIe s. [ms.] (GAUTIER D'ARRAS, Ille et Galeron, éd. A. G. Cowper, 2465, var. P: Caitive riens, que Dix le het!).
♦ Que conj. représente la conj. lat. quia, qui, dans la lang. class. exprime la cause, fréq. en corrélation avec eo, hoc, ob id ... Dans la lang. vulg., quia assume peu à peu d'autres empl., prenant la première place parmi les conj. complétives. Dès Plaute, quia concurrence quod pour introduire une prop. constituant le suj. ou le compl. du verbe principal « ce fait que; à savoir que » (PLAUTE, Mil., 1210: istuc mihi acerbumst quia...; Stich., 506 ds Lat. Gramm. Synt. und Stil., § 316c: mi volup est ... quia). Quia est empl. en concurrence avec quod pour introduire une complétive apr. les verbes d'opinion, d'affirmation et de sentiment [quod ayant alterné avec la prop. infinitive], dep. Pétrone, 46, 4: dixi quia (A. STEFENELLI, die Volksprache im Werk des Petron, Stuttgart, 1962, pp. 100-102); il est fréq. dans cet empl. dans les trad. du gr., chez les auteurs chrét. (v. J. HERMAN, La Formation du système roman des conj. de subordination, Berlin, 1963, pp. 37-40). De même à la faveur des trad. bibliques, quia s'emploie en concurrence avec quod pour introduire le discours direct (cf. la conj. gr. ), v. Lat. Gramm., id., § 312a, ; LERCH t. 1, p. 143. D'autre part, à basse époque, quia s'affaiblit progressivement en qua devant consonne init. et qui devant voyelle; ces deux formes s'étant par la suite, empl. indistinctement, qua se localisa notamment en Italie du Nord et du Sud, et qui en Italie centrale, dans le domaine ibéro-roman et dans le domaine gallo-rom. où il est relevé au VIIIe s. sous la forme que. Cette forme favorise sa confusion avec le rel. quem, cas régime (que rel.) et la conj. quam, spéc. dans son empl. en corrélation avec un compar. (IXe s.), v. FEW t. 2, 1466ab et J. HERMAN, op. cit., pp. 125-129.
♦ Que rel. cas régime atone masc. sing. est issu du lat. class. quem (acc. masc. sing. du rel. qui). Après l'ext. des formes du masc. au fém. et au neutre, la perte de la distinction du nombre — la déclinaison s'étant, d'autre part, réduite aux cas suj. et régime — que devint la forme atone du cas régime des trois genres sans distinction de nombre. Il est également relevé comme cas suj. neutre, et, dans certains dial. (supra I A 2), masc.-fém., entrant en concurrence avec qui. L'ext. de que(m) est perceptible relativement tôt: quem pour quam, acc. fém. sing.: Pompéi 2188 ds VÄÄN., § 285: futuit quem voluit; anno 380: ancilla ... quem amice deflent ds LÖFSTEDT, p. 133; — quem pour quas, acc. fém. plur.: VIe-VIIe s. Form. andec., 58 ds VÄÄN., ibid.; — quem pour quod, acc. neutre sing.: fin IVe s. Peregr. Aeth., 4, 2 ds LÖFSTEDT, p. 131, v. aussi VÄÄN., ibid. À basse époque, on relève également la forme que pour quem (locus ... que comparavit sibi CIL III, 6399 d'apr. V. VÄÄNÄNEN ds Congrès internat. Ling. et Philol. rom., Québec, 1976, p. 271). Que(m) est enfin susceptible d'être confondu avec quae, neutre plur., rendu par que apr. monophtongaison de ae, écrit e. Qu(a)e, prenant une grande extension, pourra représenter les trois genres, sans distinction de nombre, cf. VIe s. quae pour quam Grégoire de Tours: fovea quae fratri tuo parabis, v. V. VÄÄNÄNEN, Congrès..., pp. 270-271. - Que, rattaché à un antécédent de sens temp. [I B 2] est rendu en lat. par quod (PLAUTE, Amph., 302: jam diu est, quod...; PLINE, Lettres, IV, 27: Tertius dies est, quod...; de même Peregr. Aeth., 2, 2 ds LÖFSTEDT, p. 56), ou, à basse époque, par l'adv. rel. qua (his diebus qua, Peregr. Aeth., 5, 4, ibid., p. 125), cf. VÄÄN., § 379 in fine; Lat. Gramm. Synt. und Stil., 1964, § 355, b.
♦ Que pron. interr. est issu du lat. quid « quelque chose, quoi », nomin. et acc. neutre sing. du pron. interr. quis en position atone (cf. quoi). Que est du genre inan. et du cas régime; il ne fonctionne comme suj. que dans certains dial., notamment l'agn. et le pic., cf. que3 en fonction de suj. masc. fém.; v. G. MOIGNET, Gramm. a. fr., 1973, p. 170.
♦ Que adv. représente l'empl. adv. du pron. interr. que. Cf. le pron. interr. neutre lat. quid pris à l'empl. adv. « pourquoi » dans la lang. class. Fréq. abs. littér.:1 570 612. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 2 287 743, b) 1 971 207; XXe s.: a) 2 181 841, b) 2 359 176. Bbg. ANTOINE (G.). La Coordination en fr. Paris, 1962, pp. 371-373, 439-443, 1185-1186. — BEMENT (N. S.). The early history of Fr. pour que. Rom. Philol. 1955/56, t. 9, pp. 429-435. — BERTHELON (Ch.). L'Expr. du plus haut degré en fr. contemp. Berne, 1955, pp. 21-26, 41-42, 117-119. — BONNARD (H.). Que de que! Fr. Monde. 1968, n ° 59, pp. 13-18; Le Syst. des pron. qui, que, quoi en fr. Fr. mod. 1961, t. 29, pp. 168-182, 241-251. — BOONE (A.). La Synt. des phrases complexes comportant une complétive introd. par que. Thèse, Gand, 1976. — BUREAU (C.). Synt. fonctionnelle du fr. Québec, 1978, p. 104; pp. 107-112, 148-149. — CALAN (E. de). Ét. sur le rel. fr. Linguistique. 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1. que [kə] conj. et adv.
ÉTYM. Fin Xe; latin médiéval que, forme affaiblie de qui, simplification de quia, employé en bas latin au sens de quod « le fait que; que ». REM. Que s'élide en qu' dans les mêmes conditions que lorsque.
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———
I Conjonction.
1 (…) que, comme le conjonctif, unit les propositions; mais de plus, dans une certaine mesure, il désigne pour ainsi dire en montrant (…) C'est cette double valeur qui explique la multiplicité de ses emplois, son incessant usage dans une langue telle que la nôtre, si éprise d'ordre et de clarté.
G. et R. Le Bidois, Syntaxe du franç. moderne, §583.
1 Introduisant une proposition complétive directe dépendant d'un mot exprimé ou sous-entendu, généralement un verbe (je pense qu'il va venir; je veux qu'il vienne) ou parfois un adjectif (je suis certain qu'il viendra) ou un nom faisant fonction de verbe (la certitude qu'il allait venir).
REM. 1. Pour l'emploi des modes (indicatif, subjonctif) après que et les nuances de sens qu'ils expriment, se reporter aux verbes ou aux adjectifs qui commandent la construction avec que. Par ex. : croire, dire (supra cit. 71), penser (supra cit. 45, rem.) que, etc.
2. La langue actuelle a tendance à remplacer que, après certains verbes, par les groupes analytiques à ce que, de ce que : s'attendre, consentir, demander à ce que… S'informer, se souvenir de ce que…
3. Que sert à passer du style direct (citation) au style indirect. Elle a dit : « Je pars demain ». Elle a dit qu'elle partait le lendemain. Que ne peut fonctionner avec le style direct (cf. Pop. « Viens ici », qu'il me dit [kimdi] pour « viens ici », me dit-il [→ 2. Que, cit. 6, 7, 8, 9]).
4. La proposition introduite par que est placée habituellement après la principale, mais elle peut aussi parfois se trouver en tête de la phrase; dans ce cas son verbe est toujours au subjonctif et l'idée qu'elle exprime est généralement reprise dans la principale par ce, cela, le ou en : || « Que Lucien fasse des vers, chacun s'en doute » (Gide, les Faux-monnayeurs, p. 15).
1.1 Qu'il ait été un admirable élève, on le sait par cet exemplaire des « Géorgiques » découvert à Clermont, et dont il a couvert de notes érudites les marges.
F. Mauriac, la Vie de Jean Racine, I.
♦ Explicitant un tour impersonnel. ⇒ Il. || Il est bon (cit. 103 et 105), il est (c'est) dommage (cit. 8 et 9), douteux (cit. 2; et supra), heureux, impossible (cit. 13; et supra), possible (cit. 15 et 16) que… || Il convient (cit. 16 et 23), il importe (→ 2. Importer, cit. 6, 8 et 9) que… || Peu importe, qu'importe que… (→ 2. Importer, cit. 17, 18, 19, et supra). || Il faut (⇒ Falloir), il paraît (cit. 16, 48 et 49), il se peut (→ 1. Pouvoir, cit. 17 et 19) que… — D'où vient que… ⇒ Venir.
♦ Suivi de ne explétif, dans une complétive. ⇒ Ne, II.
♦ Introduisant une complétive précédée d'une relative. || Cet enfant sans parents qu'elle dit qu'elle a vu. ⇒ 2. Que. Continuant une construction commençant par un infinitif, un nom objet, etc.
2 Mais voyant à leurs pieds tomber tous leurs soldats,
Et que seuls désormais en vain ils se défendent.
Corneille, le Cid, IV, 3.
3 Honteux de n'avoir pu ni punir ni charmer,
Qu'on m'ait fait pour haïr, moi qui n'ai su qu'aimer.
Hugo, Hernani, III, 4.
4 (…) je pensais à ce que m'avait dit Abel et que c'était précisément pour « s'armer » contre moi qu'elle était restée si longtemps sans paraître.
Gide, la Porte étroite, in Romans, Pl., p. 523.
♦ Employé en tête d'un chapitre ou d'une partie de livre (sous-entendu : Je vais dire, exposer que… Chapitre où l'on voit, où il est expliqué que…). || « Qu'un prêtre et un philosophe sont deux » (Hugo, Notre-Dame de Paris, titre du chapitre II du livre VII).
♦ Marquant l'étonnement, l'indignation (équivalent à : est-il possible, est-il vrai…).
5 Moi, des tanches ? dit-il, moi, héron, que je fasse
Une si pauvre chère ? Et pour qui me prend-on ?
La Fontaine, Fables, VII. 4.
♦ Combiné avec un adverbe de modalité ou de jugement : heureusement que, certainement que, naturellement que, peut-être que, possible (cit. 17 et 18) que, sans doute que, surtout que, etc. || Avec (cit. 33, 34 et 35) ça que. || Même que. ⇒ Même (infra cit. 28).
2 (Dans une formule de présentation ou d'insistance). a ☑ Voici…, voilà que…, servant à présenter une action ou un fait. || Tiens, voilà que le temps se couvre. || Voilà qu'il (cit. 27) arrive des balles.
6 Pour la cinquième fois, voici que la nuit tombe.
Hugo, la Légende des siècles, X, « Mariage de Roland ».
7 Voilà que j'ai touché l'automne des idées (…)
Baudelaire, les Fleurs du mal, « Spleen et idéal », X.
b C'est… que, formule de présentation servant à mettre en relief une apposition, un objet indirect, un adverbe, une proposition, etc.
8 Trompeurs, c'est pour vous que j'écris (…)
La Fontaine, Fables, I, 18.
9 C'est pour assouvir
Ton moindre désir
Qu'ils viennent du bout du monde.
Baudelaire, les Fleurs du mal, « Spleen et idéal », LIII.
10 Depuis deux ans, c'est de là que nous sont venues toutes les mauvaises nouvelles (…)
Alphonse Daudet, Contes du lundi, « La dernière classe ».
11 (…) ce canapé est, à mes yeux, un lieu sacré, car c'est étendu sur lui que, parfois, j'ai possédé le monde en rêve.
G. Duhamel, Salavin, I, IV.
♦ C'est… que, servant à souligner un attribut. — REM. Dans ce tour, le verbe être ne fait pas partie de la « présentation », mais joue le rôle de copule.
12 C'est un serpent doré qu'un anneau conjugal.
A. de Musset, Premières poésies, « À quoi rêvent… » I, 4.
13 Et c'était l'émerveillement de Thérèse que ce rire spirituel de son ami.
France, le Lys rouge, XXXI.
♦ (Avec un infinitif). || « Mais c'est mourir deux fois que souffrir tes atteintes » (cit. 7, La Fontaine). || « Et c'est n'estimer (cit. 13) rien qu'estimer tout le monde » (Molière).
14 (…) ce n'est guère vivre que d'user ses jours sur de vieux textes.
France, le Crime de S. Bonnard, Œ., t. II, p. 284.
♦ Ce que c'est que de… || Ce que c'est que d'être séparé de son amour (→ Apprendre, cit. 13).
c Unissant un attribut préposé et un sujet, avec ellipse du verbe copule, en phrase affective, exclamative, etc. || Quel dégel continu que la vie ! (→ 1. Partir, cit. 20). || Quelles bêtes étranges que ces oreilles ! (cit. 39).
15 Quelle vanité que la peinture (…)
Pascal (→ 1. Original, cit. 4).
16 Effroyable levier que la pensée humaine !
A. de Musset, la Confession d'un enfant du siècle, V, V.
17 Terrible chose dans la vie que ces gens qui ne sont rien !
R. Rolland, Jean-Christophe, L'aube, II, p. 31.
18 Ô récompense après une pensée
Qu'un long regard sur le calme des dieux !
Valéry, Poésies, Charmes, « Cimetière marin ».
3 (Dans une formule d'interrogation). || Est-ce que… ⇒ 1. Être (cit. 93, 94 et 95). || Qu'est-ce que, qui est-ce que… || Où (cit. 70, 71 et 72) est-ce que… || Pourquoi (cit. 7) est-ce que… || N'est-ce pas que… (→ 1. Être, cit. 97).
REM. 1. La langue familière et populaire renforce l'interrogation par la formule sans inversion c'est que. Pour qui c'est que vous me prenez ? || « Où c'est que vous êtes malade ? » (Céline, Voyage au bout de la nuit, I, 69).
2. C'est que, dans la langue populaire, se réduit souvent à c'que ou sque. || « Ousque vous allez donc ? » (Maupassant, Yvette).
3. Un autre tour populaire consiste à intercaler un que pléonastique entre le mot interrogatif et c'est, ou le groupe sujet-verbe. Pourquoi (cit. 8 et 9) que… Pourquoi qu' c'est qu'il vient pas ? || « Avec quoi que ça se nettoie donc ? » (Balzac, Eugénie Grandet, pp. 87-88; exemples cités in G. et R. Le Bidois, Syntaxe du franç. mod., §§858-859).
4. Dans la langue populaire également, il y a parfois omission du que de est-ce que. || « Qu'est-ce tu vois ? » (Benjamin, Gaspard, IV, p. 79). || « Qu'est-ce tu veux dire ? » (Carco, les Innocents, p. 94; exemples cités par R. Le Bidois, in l'Inversion du sujet…, p. 65).
4 Entrant comme second élément dans la composition de conjonctions (lorsque, puisque, quoique) ou servant à former de nombreuses locutions conjonctives : à cause que (vx), à ce que, à condition que, afin que, ainsi que, alors que, à mesure que, à moins que, après que, à présent que, à proportion que, à supposer que, attendu que, au cas que, au lieu que, au fur et à mesure que, aussi bien que, aussitôt que, avant que, bien que, cependant que, d'autant que, d'autant plus que, de ce que, de crainte que, de façon que, de manière que, de même que, de peur que, depuis que, de sorte que, dès que, en attendant que, en cas que, encore que, en sorte que, étant donné que, excepté que, jusqu'à ce que, loin que, lors même que, maintenant que, malgré que, moyennant que, outre que, parce que, pendant que, posé que, pour que, pourvu que, sans que, sauf que, selon que, si ce n'est que, sinon que, si tant est que, soit que, sitôt que, sous prétexte que, suivant que, supposé que, tandis que, tant il y a que, tant que, vu que, etc.
5 Introduisant une proposition circonstancielle.
a Équivalant à une conjonction ou à une locution conjonctive de temps et exprimant soit la concomitance de deux faits (→ cit. 22, Zola, ci-dessous), soit l'incidence d'un fait instantané par rapport à un fait continu (→ cit. 20, Mme de Sévigné, ci-dessous), soit la continuation d'un fait au delà du point d'achèvement d'un autre (→ cit. 21, Flaubert, ci-dessous), soit l'interruption d'un fait par un autre (→ cit. 19, Descartes, ci-dessous). Cf. G. et R. Le Bidois, Syntaxe du franç. mod., §§1441-1442, à qui sont empruntés ces exemples.
19 (…) l'hiver n'était pas encore bien achevé que je me remis à voyager.
Descartes, Discours de la méthode, III.
20 (…) la mort nous prend que nous sommes encore tout pleins de nos misères et de nos bonnes intentions.
Mme de Sévigné, 720, 27 juin 1679.
21 (…) la prière était finie que le nouveau tenait encore sa casquette sur ses deux genoux.
Flaubert, Mme Bovary, I, I.
22 (…) Coupeau dormait déjà qu'elle continuait ses aménagements (…)
Zola, l'Assommoir, IV, t. I, p. 140.
b Introduisant une finale après une principale interrogative ou à l'impératif. || Voulez-vous venir chez moi un de ces jours, que nous parlions de cette affaire ? — REM. Après un impératif, on trouvait parfois que… ne, au sens de de peur que… ne. || « Fuyez, qu'à ses soupçons il ne vous sacrifie » (Corneille, Médée, I, 5).
23 Asseyez-vous là que nous causions, me dit-elle.
E. Fromentin, Dominique, VII.
c C'est que…, servant à introduire une explication. ⇒ 2. Ce (cit. 17). — Ce n'est pas que, avec le subjonctif, pour écarter une explication ⇒ 2. Ce (infra cit. 17), 2. pas (supra cit. 21).
♦ Non que… ⇒ Non (cit. 47, 48 et 49).
d Après une interrogation ou une exclamation pour énoncer le motif de la question ou justifier l'exclamation.
24 Qu'avez-vous donc, dit-il, que vous ne mangez point ?
Boileau, Satires, III.
25 (…) est-ce que ces drôles sont dans un bénitier, qu'ils font ce bruit d'enfer ?
Hugo, Notre-Dame de Paris, I, IV.
26 Comme elle dort, qu'il faut l'appeler si longtemps !
Hugo, la Légende des siècles, LII, V.
e Vx. || Que, introduisant une consécutive. || « J'ai une tendresse pour mes chevaux qu'il me semble que c'est moi-même quand je les vois pâtir » (Molière, l'Avare, III, 1), une telle tendresse qu'il me semble. — Avec addition de en. || Elle mange que c'en est un plaisir.
27 Il tousse qu'il en secoue toute sa maison (…)
Flaubert, Mme Bovary, II, V.
28 (…) les piécettes d'or fondaient que c'était un plaisir.
Alphonse Daudet, Lettres de mon moulin, « L'homme à la cervelle d'or ».
29 Les travaux domestiques terminés, elle se mettait au piano et chantait qu'on eût dit d'une sirène (…)
Apollinaire, l'Hérésiarque…, p. 141.
f Mod. En corrélation avec si, tant, tel, tellement, etc. et introduisant une consécutive. || « La chétive (cit. 1) pécore / S'enfla si bien qu'elle creva » (La Fontaine). || Elle mange avec tant d'appétit que c'est plaisir de la voir. Littér. || À tant faire que (de)… ⇒ Tant.
♦ Suivi du subjonctif et en corrélation avec un adverbe, un adjectif ou un pronom pour marquer la concession ou l'opposition. || Où que…, d'où que… ⇒ Où (cit. 47 à 52). || Si peu (cit. 54), pour peu (cit. 56, 57 et 58) que… || Pour… que… ⇒ Pour. || Quel que…, quelque… que…, qui que…, quoi que… ⇒ Quel, quelque, qui (supra et infra cit. 52, Corneille), quoi. || Si… que… ⇒ Si. — REM. Dans certains de ces tours, que pourrait être considéré comme un relatif. ⇒ 2. Que (I., 3).
g Liant deux propositions au conditionnel et donnant à la première la valeur d'une hypothétique avec une nuance de concession (→ Même si).
30 Le totalitarisme n'est pas inéluctable mais le serait-il que, dès maintenant, je préfère celui dont la justification n'est pas de ce monde.
Jacques Perret, Bâtons dans les roues, IV, p. 156.
h Suivi du subjonctif et introduisant une hypothétique (⇒ Si). — Que… que…, introduisant plusieurs données d'hypothèses. ⇒ Soit (soit que…, soit que…).
31 Que le tour du soleil ou commence ou s'achève,
D'un air indifférent je le suis dans son cours;
En un ciel sombre ou pur qu'il se couche ou se lève,
Qu'importe le soleil ! je n'attends rien des jours.
Lamartine, Première méditation, I.
32 Qu'elle fût bien ou mal coiffée,
Que mon cœur fût triste ou joyeux,
Je l'admirais. C'était ma fée.
Hugo, les Contemplations, IV, IX.
33 — Mais qu'il me demande ma main, je ne refuserai pas !
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. VIII, VIII, p. 87.
i Que… ne…, équivalent à sans que, avant que, à moins que, si… ne… pas. || « Ne (cit. 5) saurait-il rien voir qu'il n'emprunte vos yeux ». || L'esprit n'a point de cesse (cit. 3) qu'il n'ait mis…
34 Il ne passait pas dans les rues, que les pères, les mères et les enfants n'allassent à lui, et ne lui criassent : « Bonjour, frère Jean; comment vous portez-vous, frère Jean ? »
Diderot, Jacques le fataliste, Pl., p. 537.
35 Elle engageait Paul à les faire danser. Elle ne les quittait point qu'elle ne les vit contentes et satisfaites (…)
Bernardin de Saint-Pierre, Paul et Virginie, p. 58.
36 (…) il ne se passait pas une semaine qu'il ne fût terrassé (…) par une migraine atroce.
France, les Désirs de Jean Servien, XVI.
♦ Ne pouvoir que… ne… ⇒ 1. Pouvoir (cit. 11 et 12).
6 Substitut d'un autre mot-outil en propositions coordonnées.
a Remplaçant, dans une circonstancielle coordonnée, une conjonction de cause, de but, de condition, de temps, etc.
REM. 1. Dans le cas où que remplace si, il est toujours suivi du subjonctif.|| « Si elle regardait et qu'il ne fût pas là, elle en était toute triste » (Zola, le Rêve, p. 129).
2. Ce tour, malgré certains puristes, peut relier une finale au subjonctif à une autre à l'infinitif.|| « Le marchand (qui étale sa marchandise) a le cati et les faux-jours, afin d'en cacher les défauts et qu'elle paraisse bonne… » (La Bruyère, les Caractères, VI, 43). || « Un peu de peinture verte pour peindre le tout et que ce fût plus joli » (Loti, le Livre de la pitié et de la mort, p. 21; cf. G. et R. Le Bidois, Syntaxe du franç. mod., §§1447, 1473 et 1488, à qui sont empruntés les exemples précédents et suivants.)
37 (…) si elle est jolie, et que vous ne l'aimiez pas, gardez-la pour votre plaisir (…)
A. de Musset, la Confession d'un enfant du siècle, IV, I.
38 (…) comme c'était le lendemain dimanche et qu'on ne se lèverait que pour la grand'messe (…) mon père (…) nous faisait faire une longue promenade (…)
Proust, Du côté de chez Swann, Pl., t. I, p. 114.
39 Les enfants s'amusaient parfois à y mettre (dans la salade) des fils de soie rouge, afin qu'on les prît pour des chenilles et qu'on eût un moment de joie.
Giraudoux, Églantine, V.
40 Quand la leçon fut finie, et que les autres élèves furent dispersés, Louis s'approcha.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. VI, XXIII, p. 199.
b Vx. Remplaçant pourquoi déjà exprimé dans une proposition précédente coordonnée. ⇒ Pourquoi (cit. 22).
c Vx (class.) ou archaïsme. || Car… et que… (tour critiqué : cf. Georgin, Pour un meilleur français, p. 151, qui cite La Varende, Vialar, E. Jaloux…).
41 Légende incroyable et sanglante, mais impossible à nier, car elle est restée dans trop d'âmes et qu'elle sut animer trop d'âmes.
J. de La Varende, l'Homme au gant de toile.
7 Introduisant le second terme d'une comparaison et servant de corrélatif à des adverbes ou à des adjectifs tels que autant, plus, plutôt, moins, mieux, autre, même, etc. || Davantage que. ⇒ Davantage (supra cit. 14). || Pareil que. ⇒ Pareil (supra cit. 1, rem.).
REM. 1. Dans certains de ces emplois, que a remplacé de, fréquent en ancien français, mais qui ne se rencontre plus aujourd'hui que dans quelques tours exceptionnels : devant un nom de nombre ou devant des expressions désignant des portions de quantité (⇒ Moins, infra cit. 27, rem. 2; plus, supra cit. 51, rem.) et dans l'expression en moins de rien.
2. Si le que introduisant le second terme de la comparaison est précédé d'une proposition elle-même introduite par que, il peut être suivi immédiatement de si (après aimer mieux) : j'aime mieux que vous m'écriviez que si vous me téléphoniez (cf. aussi ci-dessous), mais plutôt que est plus courant.
Employé une seule fois dans une comparaison alors que la logique syntaxique exigerait la répétition : je ne demande pas mieux qu'il réussisse, alors que la phrase complète serait : je ne demande pas mieux que qu' il réussisse. Ce dernier tour, complètement abandonné de nos jours, a existé en français classique.
42 J'aimerais mieux souffrir la peine la plus dure,
Qu'il eût reçu pour moi la moindre égratignure.
Molière, Tartuffe, III, 6.
43 Si cet enfant est à elle, quoi de plus simple qu'elle l'ait pris (…)
Alphonse Daudet, Sapho, VIII.
44 (…) il ne demandait pas mieux que l'on reconnût l'évêque de Nancy (…)
♦ Que, suivi de ne explétif dans une comparaison. ⇒ Ne (III., 3).
♦ Vx. || Que, suivi de ne pas. || « Ah ! vous avez plus faim que vous ne pensez pas » (Molière, l'Étourdi, IV, 4), que vous ne le pensez.
♦ ☑ Loc. mod. Tant bien que mal. ⇒ Bien (infra cit. 107). — ☑ Vx. Que bien que mal (cf. La Fontaine, Fables, IX, 2).
45 Le cor qui ne résonne que touché par des lèvres pures, le hanap magique qui n'est plein que pour l'amant fidèle, n'appartiennent vraiment qu'à nous.
Renan, Souvenirs d'enfance…, II, Œ. compl., t. II, p. 762.
REM. 1. Dans la langue familière et populaire, que est employé tout seul, sans ne. Il a que vingt ans.
2. Dans la langue classique, que précédé de pas ou de point équivalait à si ce n'est. || « Tu ne mourras point que de la main d'un père » (Corneille, le Menteur, V, 3), c'est-à-dire : « Tu mourras seulement de la main d'un père ». De nos jours, une telle construction signifierait : « Tu ne mourras pas seulement de la main d'un père ». ⇒ 2. Pas (I., 4., rem.), 2. point (cit. 12).
46 Je ne suis pas que fou, mais je suis, aussi, fou.
Montherlant, Pitié pour les femmes, p. 100.
b Littér. || Ne… que…, accompagné de nul, personne, rien, etc. : si ce n'est. || « Rien n'est beau (cit. 2) que le vrai » (Boileau).
47 Tout le reste le hait, personne ne le méprise, que les dévotes amies de ma mère.
Stendhal, le Rouge et le Noir, II, XII.
♦ Sans… que…, sans autre… que… ⇒ Sans.
c Littér. || Que, employé sans négation après une phrase interrogative, avec la valeur de sinon, autre chose que. || « Que puis-je peindre ici que l'occasion de la détresse… » (Gide, la Porte étroite, VII).
48 Que vois-je autour de moi, que des amis vendus (…)
Racine, Britannicus, I, 4.
d ☑ Loc. Il n'est que de… ⇒ 1. Être (cit. 30). — ☑ Ne faire que…, ne faire que de… ⇒ Faire (cit. 72 et 73). — Ne… que, suivi d'un comparatif ou de trop et servant à renforcer l'idée affirmée :
49 Vos conseils sur mon cœur n'ont eu que trop d'empire (…)
Racine, Iphigénie, I, 3.
50 L'auteur n'est pas l'ami du comte de Lally (…) son témoignage n'en est que plus recevable quand (…)
Voltaire, le Siècle de Louis XV, XXXIV.
51 Paresse de penser incurable, qui n'avait que trop d'excuses (…)
R. Rolland, Jean-Christophe, le Buisson ardent, I, p. 1290.
9 Introduisant une proposition indépendante au subjonctif pour exprimer le commandement, la volonté, le souhait, l'imprécation etc. || Qu'on le fasse entrer.
52 Que son nom soit béni; que son nom soit chanté.
Que l'on célèbre ses ouvrages
Au-delà des temps et des âges,
Au-delà de l'éternité !
Racine, Esther, III, 9.
53 Que le diable m'emporte si je sais au fond ce que je suis.
Diderot, le Neveu de Rameau, Pl., p. 464.
54 Oh ! que mon génie fût une perle, et que tu fusses Cléopâtre !
A. de Musset, Histoire d'un merle blanc, VIII.
10 (Emplois explétifs).
a Que si, équivalent oratoire et vieilli de si, marquant la condition (calque du latin quod si). || « Que si ce loup t'atteint, casse lui la mâchoire » (→ Étendre, cit. 12, La Fontaine). — REM. Cette locution se rencontre encore quelquefois dans la langue littéraire recherchée (Duhamel, Valéry…).
55 Que si vous me demandez comment tant de factions opposées (…) ont pu si opiniâtrement conspirer ensemble contre le trône royal, vous l'allez apprendre.
Bossuet, Oraison funèbre de Henriette-Marie de France.
56 Que si je m'avise à présent de m'informer de ces emplois, ou plutôt de ces abus du langage, que l'on groupe sous le nom vague et général de « figures », je ne trouve rien de plus que les vestiges très délaissés de l'analyse fort imparfaite qu'avaient tentée les anciens de ces phénomènes « rhétoriques ».
Valéry, Variété, in Œ., t. I, Pl., p. 1289.
57 Que si le petit chien de la maison vient folâtrer dans leurs jambes, ils se livrent aussitôt à de bruyantes démonstrations.
G. Duhamel, les Plaisirs et les Jeux, VI, XIII (Cf. Ibid., p. 53, 74, 128, 145).
b Mod. Renforçant un adverbe d'affirmation ou de négation (dans le langage familier). || Que non (cit. 11 et 12). || Que oui (cit. 3). || Que si.
c (Dans la loc. vieillie). || Être que de… (⇒ 1. De, cit. 89). — Ne pas laisser que de… ⇒ Laisser (cit. 65).
———
II (1080). Adverbe interrogatif et exclamatif.
58 Que tardez-vous, Seigneur, à la répudier ?
Racine, Britannicus, II, 2.
♦ (Dans des loc.). En quoi, à quoi, pourquoi. || Qu'ai-je besoin (cit. 59) de gloire ? qu'importe, que m'importe… ⇒ 2. Importer (cit. 10 à 15, et 17 à 21). || Que sert de… ⇒ Servir. || Qu'allez-vous…, suivi d'un infinitif.
59 Vous chasserez et vous pêcherez (…) qu'avez-vous besoin de tant de conserves ?
Alphonse Daudet, Port-Tarascon, II, I.
60 (…) celui qui porte en lui le soleil et la vie, qu'irait-il les chercher hors de lui ?
R. Rolland, Jean-Christophe, L'adolescent, I, p. 242.
61 Qu'allez-vous parler d'un sépulcre vide à ceux qui, devant la terre bouleversée par la dernière Apocalypse, pensent d'abord à des gisements ?
♦ Employé devant le verbe savoir et amenant une interrogation indirecte. — REM. « Ce tour, qui tient à la fois de l'anacoluthe et du pléonasme, semble s'expliquer par le besoin de souligner fortement, dès le début, le caractère interrogatif de la phrase » (G. et R. Le Bidois, in Syntaxe du franç. mod., §637).
62 (…) que savons-nous ce que la Providence garde à M. de Vardes ?
Mme de Sévigné, 893, 17 avr. 1682.
63 (…) que savons-nous si des créations de mondes ne sont point déterminées par des chutes de grains de sable ?
Hugo, les Misérables, IV, III, III.
64 Et que sait-elle si Dieu ne lui dira pas à son tour (…)
Ed. et J. de Goncourt, Mme Gervaisais, p. 157.
♦ Que ne…, servant, dans la langue littéraire, à l'expression du regret, du reproche, de la surprise… (→ Pourquoi ne… pas; aussi 1. Froid, cit. 1).
65 Dieux ! que ne suis-je assise à l'ombre des forêts !
Racine, Phèdre, I, 3.
66 Olivier et Roland, que n'êtes-vous ici ?
Si vous étiez vivants, vous prendriez Narbonne.
Hugo, la Légende des siècles, X, « Aymerillot ».
2 Exclamatif. ⇒ Comme. || « Que peu de temps suffit pour changer toutes choses ! » (→ Métamorphose, cit. 9, Hugo).
67 Que vous êtes joli ! que vous me semblez beau (…)
La Fontaine, Fables, I, 2.
68 Que j'ai honte de nous, débiles que nous sommes !
A. de Vigny, Poèmes philosophiques, « La mort du loup ».
69 Que c'est donc bête, vieux, de vous tourmenter comme ça !
Zola, la Terre, IV, III.
REM. Dans cet emploi, la langue parlée préfère les expressions qu'est-ce que, ce que. ⇒ aussi 2. Ce (supra cit. 26).
70 Ah ! nom de Dieu ! cria le premier, ce que j'ai eu tort, en 48, de ne pas les saigner tous (…)
Zola, la Terre, IV, III.
71 (…) qu'est-ce qu'elle a dû pleurer quand elle a appris la mort de son garçon !
Proust, À la recherche du temps perdu, t. XIV, p. 187.
72 Ce que tu le respectes, l'ordre du monde.
A. Maurois, le Cercle de famille, II, II.
♦ ☑ Que de, locution exclamative. ⇒ Combien. || « Ô liberté, que de crimes (infra, cit. 18) on commet en ton nom ! »
73 Quel heureux monde en ces bosquets !
Que de grands seigneurs, de laquais,
Que de duchesses, de caillettes,
A. de Musset, Poésies nouvelles, « Sur trois marches de marbre rose ».
74 Que de difficultés, en effet, je prévois ! que d'habitudes d'esprit j'aurai à changer ! que de souvenirs charmants je devrai arracher de mon cœur !
Renan, Souvenirs d'enfance…, II, I, Œ. compl., t. II, p. 758.
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COMP. Lorsque, presque, puisque, quoique.
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ÉTYM. 842, les Serments de Strasbourg; du lat. quem, accusatif de qui.
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I Pronom relatif (ou « conjonctif ») des deux nombres, de genre masculin, féminin ou neutre, désignant une personne ou une chose.
1 (En fonction d'objet direct). || La nouvelle que j'apporte. || « Les morts ne sont pas morts, qu'on croit encore vivants » (Rostand). → Qui (I., A., 1., rem. 4, sur la place de l'antécédent.) || Lui que j'aimais. || Ce que je dis. ⇒ 2. Ce (cit. 19, 22, 23). || Elle pleura, ce qu'elle ne faisait jamais. || Ce que voyant, ce que disant… || Ce qu'il faut. || Ce qu'il arrivera ou ce qui (I., A., 1., rem. 3) arrivera. — REM. Ces deux tours différents sont souvent confondus à cause de la prononciation [ki] de qu'il devant consonne. — Le livre que voici. — Quoi que vous fassiez. Certains auteurs voient là une conjonction (que vous fassiez ceci ou cela). — Fam. || Ah ! cette peau qu'ils ont ! (→ Pelure, cit. 1) : quelle peau ils ont. — (Dans le présentatif). || C'est… que (⇒ aussi 1. Que). || C'est lui que j'attends. || Est-ce moi que vous cherchez ? || C'est cela qu'il me faut.
1 (…) ce ne serait pas une couronne que le genre humain lui devrait, mais un autel.
Michelet, Hist. de la Révolution franç., V, XI.
♦ (Avec l'inversion du nom sujet). « Le conjonctif objet direct, étant nécessairement avant le verbe, tend à s'en rapprocher le plus possible » (G. et R. Le Bidois, in Syntaxe du franç. mod., §886).
2 Les choses les plus belles sont celles que souffle la folie et qu'écrit la raison.
Gide, Journal, Fin sept. 1894.
♦ (Lorsque la subordonnée relative est suivie d'une complétive introduite par la conjonction que). || « Cet enfant sans parents, qu'elle dit qu'elle a vu » (Racine, Athalie, III, 4). — REM. On lui préfère souvent l'infinitif, de nos jours : cet enfant qu'elle dit avoir vu.
3 Tout de même, le luxe qu'ils croient que tu pourrais lui donner, les relations qu'on sait plus ou moins que nous avons, je crois que tout cela n'y est pas étranger…
Proust, Sodome et Gomorrhe, Pl., t. II, p. 927.
4 Il osait rejeter l'édredon énorme qu'elle exigeait qu'il gardât toute la nuit.
F. Mauriac, Destins, p. 58.
4.1 J'ai bien reconnu tout de suite le monsieur que tu dis qu'il s'appelle Marcel.
R. Queneau, le Chiendent, p. 221.
♦ Lorsque le sujet de la complétive est l'antécédent de que, tour fréquent dans la langue classique : ⇒ Qui (I., A., 1., rem. 2).
♦ Objet direct ayant pour antécédent une proposition. — (Avec un verbe d'opinion). ☑ Il n'est pas marié, que je sache. ⇒ Savoir. || « Tu n'es pas, que je pense, un homme scrupuleux » (Hugo, Ruy Blas, I, 2). — REM. Seul, que je sache est d'un emploi courant et forme une locution figée, d'usage soutenu, parfois un peu prétentieux.
5 (…) mais nous ignorons, que je crois, la demeure de la postérité (…)
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. II, p. 107.
♦ Fam. (Avec un verbe d'opinion ou un verbe déclaratif pour mettre en doute les paroles d'un interlocuteur). || « Je terminerai bientôt ce travail. — Que tu dis ! ». || « Elle ne l'aime pas. — Qu'elle croit ! »
♦ Pop. (Employé pour éviter l'inversion dans les incises). || Alors, qu'i m'dit…; tu parles ! que j'lui réponds.
6 Pauvre petit ! nous allons mourir ensemble, qu'elle dit en regardant son enfant.
Balzac, la Femme de trente ans, Pl., t. II, p. 831.
7 Il est malade, qu'il nous écrit… J'veux bien !
Céline, Voyage au bout de la nuit, p. 122.
8 Vous ne me reconnaissez pas qu'il lui demande. Non qu'elle dit.
R. Queneau, Loin de Rueil, p. 76.
9 Quant au peuple, qui a le goût des racontars et du bavardage, il fait un grand usage de l'incise. Mais, plus soucieux de clarté et d'exactitude que de correction, il tourne la difficulté en rattachant la citation au moyen de la conjonction universelle que et en faisant ainsi de l'incise une véritable subordonnée (…)
Robert Le Bidois, l'Inversion du sujet dans la prose contemporaine, p. 201.
2 (En fonction de complément indirect). Vx ou littér. (repris dans la langue familière). ⇒ Dont. || De l'air (→ 2. Air, cit. 1) qu'on s'y prend. || « Me voyait-il de l'œil qu'il me voit aujourd'hui ? » (Racine, Andromaque, II, 1). || De la manière (cit. 32) qu'ils sont ici dépeints. || Du ton que vous dites cela. || Du train que vont les choses.
♦ De nos jours (pop. et incorrect). ⇒ Dont. || Celui que je vous parle et que je connais sa fille. — Lequel ou qui (chaque fois qu'il s'emploie avec une préposition). || L'ami que je sors avec. || Le pont qu'on est passé dessus.
♦ (Comme complément circonstanciel). ⇒ Où (I., 1.). — (Au sens propre). || Du côté qu'il penche. || De l'endroit qu'il vient. ⇒ Où (I., 2.). || Le jour, le moment que… || L'été qu'il fit si chaud; la semaine qu'il est venu. || Chaque fois, la fois que… || Le temps que… (suivi du subjonctif). — REM. Les constructions sont parfois senties et dénoncées comme fautives, ce qui n'est pas le cas. — Il y a… que, voici (voilà)… que, exprimant le temps écoulé. || Il y a trois semaines qu'il est arrivé ici. || « Mais voilà cinquante ans que nous habitons ici » (Maupassant, le Bonheur). || Voilà longtemps, il y a longtemps que (→ Longtemps, cit. 6 et supra; et aussi avoir, cit. 89 et supra).
REM. 1. La langue familière supprime parfois il y a, voici, voilà. || « Quatre jours que je marche depuis Toulon » (Hugo, les Misérables, I, II, III).
2. Lorsque l'antécédent est déterminé, l'emploi de que pour où est vieilli ou familier.
10 (…) j'ai disputé votre cœur à Don Fadrique, jusqu'au jour que vous lui avez donné la préférence.
A. R. Lesage, le Diable boiteux, XV.
♦ (Comme complément de mesure). || Ce que coûte une maison. || Et, rose, elle a vécu ce que vivent les roses (→ Destin, cit. 13).
11 Il sentit le peu que pèse tout l'orgueil du monde, au prix d'un peu d'amour.
R. Rolland, Jean-Christophe, Le matin, III, p. 218.
3 (En fonction d'attribut). a Avec un substantif pour antécédent de que, le sujet du verbe étant un pronom. || « La cruelle qu'elle est se bouche les oreilles » (Malherbe). || Le vieillard que je suis. — Le sujet du verbe étant un nom, et dans ce cas presque toujours en inversion. || Le savant qu'était mon père. || Le mystique qu'était Gilles de Rais (Huysmans, in G. et R. Le Bidois, Syntaxe du franç., mod., §886).
12 L'être que je serai après la mort n'a pas plus de raisons de se souvenir de l'homme que je suis depuis ma naissance que ce dernier ne se souvient de ce que j'ai été avant elle.
Proust, Sodome et Gomorrhe, Pl., t. II, p. 985.
13 Dans son livre La route des Indes, l'observateur qu'est Paul Morand faisait une observation du même ordre.
♦ Introduit par en, comme.
14 Elle les a rassurés sans difficulté, en gentille fourbe qu'elle était.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. XI, XVIII, p. 177.
15 Le conquérant se relève, sanglotant comme un pauvre bébé qu'il est.
G. Duhamel, les Plaisirs et les Jeux, III, VIII.
b (Avec un adjectif. — En apposition). — REM. Certains grammairiens voient dans ce que un adverbe issu de la conjonction, au sens de « comme ». ⇒ 1. Que.
16 Oh ! Misérables que nous sommes (…)
Hugo, Notre-Dame de Paris, VIII, IV.
17 Infernal que tu seras toujours, disait le garde (…)
M. Aymé, la Jument verte, VII.
♦ (Employé avec tout, pour). || « Tout Picard que j'étais, j'étais un bon apôtre » (Racine, les Plaideurs, I, 1). || Pour grands que soient les rois, ils sont ce que nous sommes (→ Autre, cit. 2, Corneille). — (Employé avec quel). || Quelles que soient vos opinions (considéré parfois en ce cas comme une conjonction).
♦ Introduit par de marquant l'état initial et le passage d'un état à un autre.
18 La duchesse (…) de timide et d'interdite qu'elle avait été au commencement de l'audience, se trouva vers la fin tellement à son aise (…)
Stendhal, la Chartreuse de Parme, I, VI.
c Avec un participe. (Littér.). :
19 Ils ne se parlaient pas, trop perdus qu'ils étaient, dans l'envahissement de leur rêverie.
Flaubert, Mme Bovary, II, XII.
4 Vx. || Ce que (compl. d'objet, de circonstance, d'attribut). || « Voicy que j'épreuve tous les jours » (Montaigne, Essais, II, 6). || « Tel parle de mesnaisge (ménage) qui ne sait mie que c'est » (Rabelais, Tiers livre, II, p. 357). — ☑ Loc. mod. Coûte que coûte (que cela coûte ce que cela coûte). ☑ Vaille que vaille. ☑ Advienne que pourra.
5 (Employé comme sujet). ⇒ Qui. || Faites ce que bon vous semble.
REM. La confusion de que et qui était facilitée jusqu'au XVIe s. par l'élision de qui devant une voyelle : || « J'escry naïvement tout ce qu'au cœur me touche » (Du Bellay, Regrets, XXI).
———
II Pronom interrogatif neutre, désignant une chose.
1 a (En fonction d'objet direct). || Que sais-je ? || Que faisiez- (cit. 42) vous au temps chaud ? (La Fontaine). || Que me veut-on ? || Qu'en dites-vous ? || Qu'en dira-t-on ? ⇒ Dire. — (Devant un infinitif). || Que faire ? (cit. 41). || Que lui dire ? || Qu'y faire ? || Qu'en penser ? (renforcé par diable, diantre…). || « Que diable allait-il faire dans cette galère ? » (Molière, les Fourberies de Scapin, II, 7).
20 Que vouliez-vous qu'il fît contre trois ?
Corneille, Horace, III, 6.
21 Que veux-tu ? fleur, beau fruit, ou l'oiseau merveilleux ?
Hugo, les Orientales, XVIII.
22 (…) même Basin, que dis-je, Gilbert ! en profiteraient (…)
Proust, le Côté de Guermantes, Pl., t. II, p. 593.
b (En fonction d'attribut). || Qu'est la mort ? || Qu'est ceci ? || Qu'est-ce ? ☑ Ni quoi ni qu'est-ce. || Et les lions, que sont-ils ? (Hugo, Quatre-vingt-treize, p. 266). || Que deviens-tu ? || Que serai-je dans dix ans ? ⇒ Quel (supra cit. 1). || Que vous en semble ? (Devant un infinitif). || Que devenir ?
23 Vertu, douleur, pensée, espérance, remords.
Amour qui traversais l'univers d'un coup d'aile,
Qu'êtes-vous devenus ?…
Leconte de Lisle, Poèmes barbares, « Dernière vision ».
♦ Qu'est-ce que la mort ? (pour : qu'est la mort ?). || Qu'est-ce que mourir ? — REM. Dans le groupe est-ce que, le verbe être a son sens plein puisqu'il introduit l'attribut et son emploi est obligatoire; il ne faut pas confondre ce tour avec est-ce que interrogatif dans qu'est-ce que (2., ci-dessous).
24 Qu'est-ce que tout cela, qui n'est pas éternel ?
Leconte de Lisle, Poèmes tragiques, « Illusion suprême ».
25 Auprès de l'amphore arrondie et ceinte de guirlandes, qu'est-ce que l'humble et rude potier ?
France, le Lys rouge, XXIII.
26 Mais pourquoi faire tant d'histoires avec Oriane ?… En somme, qu'est-ce qu'Oriane ?
Proust, le Côté de Guermantes, Pl., t. II, p. 467.
♦ (Renforcé par c'est que.) || Qu'est-ce que c'est que ce paquet ? || Qu'est-ce que c'est que ça ? (→ la prononc. pop., cit. 28).
27 Qu'est-ce que c'est que cette logique ?
Molière, le Bourgeois gentilhomme, II, 4.
28 Et voyant que le boulanger, après avoir examiné les trois soupeurs, avait pris un pain bis (il) jeta au boulanger en plein visage cette aspostrophe indignée : — Keksekça ?
Ceux de nos lecteurs qui seraient tentés de voir dans cette interpellation de Gavroche au boulanger un mot russe ou polonais, sont prévenus que c'est un mot qu'ils disent tous les jours (eux nos lecteurs) et qui tient lieu de cette phrase : qu'est-ce que c'est que cela ?
Hugo, les Misérables, IV, VI, II.
28.1 Sa sœur qui est malade ! Et ben, quéque ça me fait, à moi ? Est-ce que j'ai des sœurs qui sont malades, moi.
Germain Nouveau, Notes d'un réserviste, Pl., p. 450.
29 — La Zerbine ? Qu'est-ce que c'est que ça ? cria M. Verdurin comme s'il y avait le feu.
Proust, Sodome et Gomorrhe, Pl., t. II, p. 936.
♦ (Dans l'interrogation indirecte, après certains verbes tels que savoir, avoir…, à la forme négative et devant un infinitif). || Je ne sais que faire (objet direct), que devenir (attribut). → Heure, cit. 49. || Il ne savait plus que dire. ⇒ Quoi.
REM. 1. Dans cet emploi que semble plus abstrait, plus vague que quoi. Ainsi on dira plutôt : je ne sais plus que faire, si l'on ne trouve rien pour s'occuper, et je ne sais plus quoi faire, si l'on se demande quelle est la meilleure solution. Néanmoins le langage familier emploie quoi dans tous les cas.
2. À l'affirmative, on emploie « quoi » devant l'infinitif (je ne sais quoi faire), « ce que » devant l'indicatif (je sais ce que je ferai).
30 Je ne sais qu'est devenu son fils (…)
Racine, les Plaideurs, II, 7.
31 Cet enfant dévore tout (…) on ne sait plus que lui donner !
F. Mauriac, Journal, III, p. 8.
c (En fonction de compl. circonstanciel sans préposition). || « Que gagnez-vous par an ? » (La Fontaine, VIII, 2). || Que vaut cet objet ? ⇒ Combien.
d Que implicitant un sujet impersonnel. || Que faut-il ? || Qu'y a-t-il ? || Que se passe-t-il ? || Que vous manque-t-il pour être heureux ? || Qu'arrivera-t-il si… ? || Qu'importe ! Que vous semble de cela ?
32 Que te semble de cette nouvelle acquisition (…)
Stendhal, le Rouge et le Noir, I, VI.
33 (…) et que t'a-t-il fallu pour cela ? un sourire !
A. de Musset, Barberine, I, 3.
2 (Employé avec est-ce que pour éviter l'inversion et renforcer le monosyllabe que). — Qu'est-ce que… (compl. d'objet direct). || Qu'est-ce que vous faites ? || Qu'est-ce qu'ils ont à rire ? || Qu'est-ce qu'on mange aujourd'hui ? — (Attribut). || Qu'est-ce que c'est ? || Qu'est-ce qu'ils deviennent ? — (Impersonnel). || Qu'est-ce qu'il y a ?, pour : Qu'est-ce qui se passe ?, → ci-dessous. — (Complément circonstanciel). || Qu'est-ce que ça vaut ? || Qu'est-ce que vous pesez ?
34 — Qu'est-ce que vous pensez de ce qui se passe ?
Hugo, Quatre-vingt-treize, I, IV, IV.
35 — Qu'est-ce que vous avez donc, vous autres, à m'aimer tant que ça ?
Zola, la Terre, IV, III.
36 (…) qu'est-ce que vous seriez devenu, gaspilleur comme vous êtes ?
Proust, Sodome et Gomorrhe, Pl., t. II, p. 847.
♦ (Dans l'interrogation indirecte, pour ce que).
37 (…) Maman (…) vous savez qu'est-ce qu'elle fait ?… — Ne dis pas : qu'est-ce qu'elle fait (…) ce qu'elle fait.
A. Maurois, le Cercle de famille, III, XVI.
♦ Pop. || Qu'est-ce que c'est que vous voulez ?
♦ (Exclamatif). || Qu'est-ce qu'il a pris ! || Qu'est-ce qu'elle lui a passé comme savon ! || Qu'est-ce qu'il lui faut !
38 (…) mais quand ils auront repéré la crête, qu'est-ce qu'on va déguster !
R. Dorgelès, les Croix de bois, XI.
♦ ☑ Qu'est-ce qui… Locution servant à interroger sur le sujet lorsque c'est une chose. || Qu'est-ce qui fait ce bruit ? || Qu'est-ce qui vous prend ? (cit. 40 et 41). || Qu'est-ce qui vaut mieux ? ⇒ Lequel.
REM. Dans la langue classique, et encore au XIXe s., on employait qui pour les choses, au lieu de qu'est-ce qui : || « Qui fait l'oiseau, c'est le plumage » (La Fontaine, II, 5). ⇒ Qui (II., rem.). — L'emploi de que est réservé à certains cas (sujet impersonnel ci-dessus, cit. 32 et 33, devant est-ce que : « qu'est-ce que », ci-dessus, cit. 34 à 36). Aussi qu'est-ce qui est-il d'un usage très courant, et obligatoire dans la plupart des cas.
39 Qu'est-ce qui m'aide (moi, parmi d'autres, et à titre d'exemple) ? Peut-être l'idée que, pour moi ça pourrait être encore pire.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. XV, XV, p. 171.
40 — Eh ben, ça y est ! dit Lubéron. — Quoi ? Quoi ? demanda Pierné brutalement. Qu'est-ce qui y est ?
Sartre, la Mort dans l'âme, p. 67.
Encyclopédie Universelle. 2012.