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SULAWESI
SULAWESI

L’île de Sulawesi (autrefois Célèbes) s’étend sur 189 216 kilomètres carrés. Elle est peuplée de 12 520 711 habitants (au recensement de 1990), soit 66 habitants au kilomètre carré. Partie de l’Indonésie, l’île est divisée administrativement en quatre provinces (Utara, Tengah, Selatan, Tenggara). La forme de l’île principale est extraordinaire: «une poignée de péninsules liées en leur milieu et jetées dans l’océan» (Tomlinson); quatre péninsules (Minahassa au nord, bras de Luwuk au nord-est, péninsule sud-est, péninsule sud, ou de Macassar) qui se rejoignent au milieu de l’île, à peu près au lac Poso. Île ramifiée jusqu’à l’absurde, ayant 5 000 kilomètres de côtes. Île compartimentée par un relief très vigoureux, ce qui se traduit par la variété des climats et surtout des groupes humains. Île éloignée des grands points d’impact de la civilisation indienne, et de surcroît frangée à l’ouest de récifs et d’îlots coralliens: archipel des Spermondes au large de Macassar; «grand récif-barrière de la Sonde», dans le détroit de Macassar, entre Kalimantan et Sulawesi, qui rend la navigation dangereuse. L’influence indienne a été faible ici, l’influence musulmane tardive et ponctuelle, encore que vigoureuse.

Le pays

Sulawesi est très montagneuse, d’altitude généralement supérieure à 500 mètres, le point culminant étant le Rantemario (3 440 m); plusieurs autres sommets dépassent ou approchent 3 000 m: Nokilalaki (3 311 m), Gandadiwata (3 074 m), Balease (3 016 m), Kambvno (2 950 m), dans le centre de l’île, Lompobatang (2 871 m) au sud, Malino (2 900 m) au nord. Les plaines sont rares et petites: plaine du lac Tempé dans le bras sud, plaine de Luwu, au centre (2 000 km2), en forme de croissant, de Palopo à Malili au fond du golfe de Bone, minuscules plaines côtières, telles que la plaine de Parigi, au fond du golfe de Tomini. Entre ces plaines les communications terrestres sont quasi impossibles. Les péninsules sont entourées et séparées par des mers profondes: détroit de Macassar (face=F0019 漣 2 400 m), golfe de Bone (face=F0019 漣 2 500 m) entre bras sud et sud-est, golfe de Tomini entre bras de Luwuk et Minahassa. Au cœur de l’île, le lac Poso est profond de 1 500 mètres.

Tout cela suggère ce qui a passionné les géologues, notamment le Suisse P. F. Sarrasin: un relief dû à des failles très jeunes. Failles plio-pléistocènes, dont les plus récentes ont porté à 1 000 mètres des reliefs coralliens quaternaires; cassures gigantesques, la plupart nord-sud; lignes tectoniques, le plus souvent anciennes, qui ont rejoué et qui continuent à jouer car les séismes sont nombreux et violents; elles se manifestent aussi par le broyage des roches et guident les alignements de cours d’eau. La zone faillée la plus importante est la Fossa sarrasina qui s’étend, presque nord-sud, de la baie de Palu au golfe de Bone. Le lac Poso occupe un fossé tectonique.

En revanche, le volcanisme actuel ou récent est discret: dans le bras sud, le Lompobatang est un volcan éteint; à l’extrémité du Minahassa, le Gunung Soputan et le Gunung Klabat forment l’ensemble volcanique le plus important. Nous devons à P. Birot une étude géomorphologique de Sulawesi où il distingue, d’après van Bemmelen, une zone de tectonique alpine à l’est, avec nappes de charriage, et une zone plissée mais sans charriage à l’ouest, l’une et l’autre zones constituées de terrains généralement jeunes (tertiaires) et faisant partie de l’«arc externe» [cf. INDONÉSIE].

La structure alpine est très nette, notamment dans le bras de Luwuk, affecté de charriages et chevauchements mio-pliocènes, et où les calcaires triasiques durs ont été portés sur des marnes crétacées et sont mis en relief par érosion différentielle (Knipples). À l’ouest, les plissements se sont accompagnés de puissantes intrusions granitiques jusqu’au miocène; des calcaires donnent des «Karsts à pitons» typiques autour de Maros (bras sud).

Ce relief compartimenté est responsable de la variété des climats, du moins dans la plus grande partie de l’île, Manado devant à sa position d’avoir un climat équatorial, à pluies très abondantes (3 300 mm), continues toute l’année (208 jours de pluie, 170 mm de pluie en août, mois le plus sec). Ailleurs, les vents (et notamment la mousson du nord-ouest) étant un peu plus vigoureux, le relief joue un rôle déterminant. Macassar (Ujung Pandang) connaît de ce fait des pluies diluviennes d’été en décembre (590 mm), janvier (700 mm), tandis que l’hiver, aggravé parce que la ville est «sous le vent» de l’alizé du sud-est, est très sec. La baie de Palu, qui est sous le vent de la mousson et de l’alizé, est semi aride (530 mm), avec une végétation xérophile.

Sulawesi est insalubre, au moins dans une grande partie de l’île. Le paludisme est présent un peu partout du fait d’Anophélès maculatus ; la bilharziose (schistosomiase) infecte certaines eaux, notamment celles du lac Lindu; la filariose de Bancroft, qui provoque l’elephantiasis et joue, de ce fait, un rôle psychologique répulsif sur les populations migrantes, infeste la plaine de Luwu. Enfin, l’existence chez nombre de populations proto-malaises de la «longue maison» matrilocale – où vivent les filles et petites filles d’une «ancêtre» avec leurs époux – favorise la tuberculose pulmonaire.

Les hommes

La plus grande partie de l’île est peuplée de proto-Malais. Les plus célèbres sont les Toradja qui habitent non point vraiment le cœur de l’île, mais la région du Rantemario, région septentrionale du bras sud, autour de Mamasa en particulier. Toradja signifie «hommes de la montagne» et s’applique, en fait, à des populations de groupes linguistiques différents: on n’en compte pas moins de huit (Mamasa Toradja, Sa’dan Toradja...). Animistes, ex-coupeurs de têtes, matrilinéaires et matrilocaux, ils habitent de longues maisons (moins longues que celles des Dayak) aux admirables toits de tuiles de bambou, toits redressés aux extrémités en proues de bateaux plats. Les Toradja étaient les moins acculturés des proto-Malais de Sulawesi; malheureusement, leur culture est devenue un but du grand tourisme international.

Le centre de l’île et les deux bras orientaux sont peuplés d’autres populations proto-malaises: Luwuk, Bungku, Pamona, Gorontalo, Tomini, Kaili, Luwu, aux dialectes très nombreux (soixante dans la régence, ou Kabupaten , de Donggola), mais qui, presque toutes, ont subi une influence musulmane. Les Luwu, dans la plaine et dans le Kabupaten du même nom, ont constitué un royaume (capitale Palopo); ils cultivent, à côté des ladang (brûlis portant maïs, soja), des rizières piétinées par les bovins et vivent, en grande partie, de la moelle séchée et broyée (sagou) du sagoutier (Metroxylon), dont le stipe est coupé à dix ans.

Autres proto-Malais, autrefois guerriers et chasseurs de têtes, les Manadais, du Minahassa, à l’extrémité de la péninsule nord, ont été entièrement convertis au christianisme, au catholicisme par les Portugais ou au protestantisme par les Hollandais. De ce fait, ils ont acquis un niveau culturel remarquable et ont fourni, à l’époque hollandaise, des cadres dans tout l’archipel. S’ils parlent quatorze dialectes différents, proches des langues de Mindanao (Philippines), ils utilisent plus couramment le néerlandais (dans la bourgeoisie) et, aujourd’hui, l’indonésien. Ils espèrent être diplômés et devenir fonctionnaires, de préférence enseignants. Le pays est très accidenté et volcanique (Gunung Klabat); sous un climat équatorial très typique, basaltes et surtout andésites donnent des sols ferralitiques rouges, jeunes, bien structurés, convenant aux cultures arbustives. Les rizières sont rares autour du lac Tondano, qui occupe un fossé tectonique, et la province (Sulawesi Utara) importe 100 000 tonnes de riz. Autour de Manado, les montagnes aux pentes très fortes ont été entièrement déboisées et sont une immense cocoteraie dominant une savane d’alang-alang (Imperata cylindrica ): aux cocotiers sont associés des girofliers; aucune précaution contre l’érosion des sols: ni terratses ni banquettes. Les cultures commerciales (cocotiers, girofliers, caféiers) ont succédé aux ladang (brûlis): coprah, clou de girofle récolté en septembre, d’un très bon rapport, procurent l’essentiel des ressources, ainsi qu’en altitude maïs, arachide et légumes tempérés (choux, poireaux). Manado est une belle ville de plus de 200 000 habitants, ville d’églises et de temples, ville universitaire (université Sam Ratulangi), mais dont le port est médiocre, et qui est dépourvue d’industrie. Les densités de population sont très élevées (plus de 200 hab./km2), et le Minahassa vit, sans doute, en partie de l’argent gagné un peu partout en Indonésie par des cadres émigrés: situation dangereuse pour une des populations les plus originales de l’archipel.

Au sud de Paré-Paré, le bras sud est peuplé, lui, de deutéro-Malais, peu frottés d’influence indienne, mais musulmans très convaincus, Macassar et surtout Bugi. Les Bugi sont connus comme marins, commerçants et aussi pirates; ils sont également pêcheurs (pêche embarquée, pêche par pièges). Ils peuplent aussi bien les plaines, au nord (plaine du lac Tempé), où ils ont des rizières, que le karst de Maros et la région du Lompobatang au sud, où les bons sols volcaniques sont cultivés surtout en ladang, avec quelques rizières dans les talwegs; les pilotis de leurs maisons s’élargissent en trapèze vers le sol. Les densités sont, ici encore, élevées. Ujung Pandang est, autour d’un vieux fort hollandais restauré, une ville importante de 600 000 habitants au moins, dépourvue cependant d’activité industrielle. En revanche, l’université Hasanuddin est une des grandes universités indonésiennes; le port et l’aéroport sont le centre de relation de toute l’Indonésie orientale.

Une grande partie de la population de Sulawesi est immigrée. Il y eut, à l’époque coloniale, notamment de 1934 à 1940, une importante immigration javanaise, favorisée par les Hollandais, à Paré-Paré, dans Luwu (Tamuku, Kalaena). Il y a, aujourd’hui, une «transmigration» qui fait de Sulawesi le deuxième centre d’accueil, après Sumatra: 47 700 migrants pendant le Ier plan quinquennal, ou Pelita I (1969-1974). Immigration javanaise dans Donggala, mais aussi balinaise, les Balinais, hindouistes, trouvant peu d’obstacles auprès des populations peu nombreuses et faiblement islamisées de Luwu et du bras de Luwuk.

La transmigration permettra peut-être une mise en valeur de l’île. Sulawesi, à ce jour, n’a guère révélé comme richesse que le nickel exploité à Soroako près de Malili par les Canadiens de l’I.N.C.O. (bras de Luwuk) et à Kolaka par une société nationale (bras sud-est). Mais le développement passe d’abord par une victoire sur l’insalubrité.

Célèbes ou Sulawesi
île montagneuse et très découpée d'Indonésie; 189 035 km²; 11 552 920 hab.; v. princ. Ujungpandang. Coprah, café; nickel.
La mer de Célèbes (océan Pacifique) baigne le nord de l'île Célèbes et Bornéo.
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Sulawesi
V. Célèbes.

Encyclopédie Universelle. 2012.