SYMBIOSE
Le terme symbiose (vie en commun) a été créé par le botaniste allemand H. A. de Bary, en 1879, à propos de l’association d’un champignon et d’une algue dans l’organisme des lichens. Au sens large, la notion de symbiose concerne toutes les formes de relations interspécifiques, depuis l’union réciproquement profitable jusqu’à l’antagonisme parasitaire; certains auteurs (T. C. Cheng) en traitent encore ainsi. Tous les intermédiaires existent en effet entre la symbiose sensu stricto et le parasitisme ; celui-ci peut évoluer vers la symbiose, et vice versa. Les petits crabes du genre Pinnotheres , qui vivent dans la cavité palléale des Lamellibranches Pinna et Mytilus , se nourrissent des organismes entraînés dans cette cavité par le courant d’eau entretenu par l’hôte: les deux partenaires, qui s’alimentent ensemble, à la même source, vivent en un commensalisme qui est une forme de symbiose; mais il arrive que les crabes attaquent les tissus du mollusque: la symbiose commensale devient parasitisme. Mais, le plus généralement, on réserve l’appellation de symbiose aux cas d’associations plus ou moins régulières, plus ou moins coopératives, dans lesquelles les relations entre les deux partenaires tendent, pour l’un comme pour l’autre, à un équilibre entre les profits et les pertes, ou sont favorables à l’un des partenaires sans nuire sensiblement à l’autre. Toutefois, parmi ces degrés d’association, les zoologistes distinguent deux catégories, bien que leur limite soit parfois difficile à établir [cf. ÉCOLOGIE]: le mutualisme , synonyme de symbiose, et le commensalisme , association beaucoup moins spécifique. Les phénomènes de symbiose présentent des aspects extrêmement variés; certains (coopération et commensalisme chez les animaux, ectosymbiose chez les végétaux et les animaux) sont d’une relative simplicité; d’autres, très complexes (endosymbiose), faisant intervenir des modifications d’organes, d’organites, des associations de fonctions, posent des problèmes fondamentaux.
1. Les symbioses artificielles
De nature strictement biochimique, les symbioses artificielles sont très simples. En voici un exemple classique (H. I. Muller et W. H. Schopfer, 1937). Rhodotorula rubra est une levure dont le développement, dans un milieu artificiel synthétique, n’est possible que si ce dernier contient de la pyrimidine, facteur de croissance (vitamine) indispensable à toute cellule: or, la levure ne sait pas fabriquer cette molécule. Mucor ramannianus est une moisissure dont le développement sur un milieu de culture synthétique dépend rigoureusement de la présence de thiazol, facteur de croissance également universel: or, la moisissure ne sait pas construire cette molécule. Mais, si l’on cultive ensemble , sur un milieu sans pyrimidine ni thiazol, la levure et la moisissure, celles-ci se développent parfaitement: la levure diffuse dans le milieu du thiazol que la moisissure utilise et, réciproquement, cette dernière produit de la pyrimidine, que la levure utilise. Chacun des organismes vivant en communauté fournit à l’autre la substance nécessaire que celui-ci ne peut élaborer par suite d’une déficience de son pouvoir de synthèse: les deux déficiences se compensent, comme dans l’association de l’aveugle et du paralytique.
2. Les symbioses entre autotrophes et hétérotrophes
Les symbioses entre êtres autotrophes et hétérotrophes sont caractérisées par l’association d’un végétal chlorophyllien avec un animal ou un champignon, organismes sans chlorophylle. Le caractère biochimique, trophique, de ces symbioses est évident. Les végétaux chlorophylliens sont phototrophes, tandis que les animaux et les champignons, incapables de ces synthèses, sont hétérotrophes, c’est-à-dire doivent prélever la totalité de leurs aliments chez des phototrophes [cf. AUTOTROPHIE ET HÉTÉROTROPHIE]. Toutes les symbioses, très nombreuses, entre plantes vertes et animaux ou champignons sont la conséquence de cette inégalité fondamentale dans les pouvoirs de synthèse.
Les symbioses dans la rhizosphère
Les sols sont peuplés de micro-organismes hétérotrophes, mais aussi de racines constamment approvisionnées en matières organiques provenant des substances synthétisées dans les feuilles. Une partie de ces matières (sucres et acides organiques, mucilages, aminoacides, vitamines, enzymes) est exsudée par les extrémités jeunes, non encore lignifiées, de l’appareil racinaire, et diffuse dans le sol. C’est pourquoi les micro-organismes pullulent dans tous les espaces soumis à cette influence (rhizosphère ). Or, certains de ces micro-organismes contractent avec les parties non lignifiées des racines des associations de caractère nettement symbiotique. Mais la plupart d’entre eux en sont incapables.
Les mycorhizes
Les mycéliums de nombreuses espèces de champignons supérieurs (Ascomycètes et Basidiomycètes) se développent avec prédilection en liaison intime avec des racines. On donne le nom de mycorhizes («champignons des racines») à ces associations, réalisées dans tous les groupements végétaux, sous tous les climats, et dont le rôle est particulièrement important dans les milieux forestiers: tous les arbres de nos forêts (chênes, hêtres, châtaigniers, bouleaux, etc.) vivent en intime union, au niveau de leurs racines, avec des mycéliums d’amanites, de tricholomes, de lactaires, de russules, de bolets, de truffes, etc., symbioses variables suivant les espèces, les sols et les climats.
Certains champignons mycorhiziens ne pénètrent jamais dans les cellules des racines; ils forment, autour de celles-ci (mycorhizes ectotrophes ; ektos = à l’extérieur), un feutrage dense et plus ou moins épais, capable, au maximum, de s’insinuer entre les cellules des couches les plus extérieures de l’écorce. D’autres champignons mycorhiziens pénètrent dans les cellules corticales (mycorhizes endotrophes ; endon = à l’intérieur); mais cette intrusion est, en général, limitée par un mécanisme de phagocytose: les rameaux mycéliens s’avançant dans l’écorce au-delà d’une limite précise sont digérés. Dans quelques cas exceptionnels seulement, si l’arbre se trouve dans des conditions défavorables, certains champignons mycorhiziens peuvent devenir infectants: la symbiose se change en parasitisme.
Il a été démontré (marquage par le carbone 14, entre autres) que le partenaire fongique utilise – à la source et sans partage grâce à son union exclusive avec la racine – les sucres et les mucilages, éventuellement aussi les vitamines, produits par le partenaire chlorophyllien. Beaucoup de champignons mycorhiziens sont, d’ailleurs, incapables de décomposer la cellulose et la lignine des litières et des débris végétaux enfouis dans le sol; la seule source de carbone dont ils peuvent disposer se trouve donc dans l’appareil racinaire d’un arbre. Mais le partenaire chlorophyllien profite aussi de l’association: d’une part, le champignon augmente la surface de contact des racines avec le sol – le mycélium, qui s’étend très loin dans la terre, draine vers les racines de l’eau et des sels minéraux –, d’autre part, il apporte un complément alimentaire sous forme de molécules organiques immédiatement assimila-bles. Cet apport a été si efficace pour certaines herbes qu’il a fini par couvrir tous leurs besoins alimentaires: leurs feuilles se sont atrophiées; la teneur en chlorophylle de leur appareil aérien a diminué; le terme de cette évolution est présenté par des herbes sans chlorophylle, réduites à un organe souterrain (rhizome ou complexe racinaire) associé en permanence à un mycélium, et produisant périodiquement une tige florifère blanche, beige, brune, rouge, violette, sur laquelle les feuilles sont réduites à l’état d’écailles (cf. figure). De telles plantes n’existent que dans les familles très peu nombreuses (surtout Éricacées, Gentianacées et Orchidacées); on les appelle mycotrophes (cf. ÉRICALES, ORCHIDALES) parce que toute leur nutrition dépend du champignon avec lequel elles vivent et dont elles sont, en quelque sorte, parasites (elles le phagocytent à mesure qu’il se développe dans leurs tissus); en revanche, le champignon, qui envahit largement son partenaire, en est aussi, dans une certaine mesure, le parasite. Ce parasitisme réciproque équilibré se réalise aussi parfaitement si le champignon est ectotrophe (Éricacées: Monotropa hypopitys ) que s’il est endotrophe (Gentianacées, Orchidales).
Les nodosités des Légumineuses
J.-B. Boussingault a démontré, en 1838, que les Lotoïdées (trèfle, pois, etc.) peuvent se développer normalement sur des sols sans nitrates parce qu’elles utilisent comme aliment azoté l’azote libre de l’air. On a découvert plus tard (H. Helbriegel et H. Wilfarth, 1886-1889) que cet extraordinaire pouvoir, dont disposent non seulement les Lotoïdées (Papilionacées) mais toutes les Légumineuses [cf. LÉGUMINEUSES], est la conséquence d’une symbiose au niveau de leurs racines, avec certaines bactéries du sol (Bacillus radicicola , M. W. Beijerinck, 1888) dont on a reconnu plus tard qu’elles constituent un genre spécial (Rhizobium ). N’importe quel Rhizobium ne peut s’associer avec n’importe quelle légumineuse: à chaque genre ou groupe de genres de Légumineuses correspond une race (ou espèce) de Rhizobium . La légumineuse peut parfaitement se développer sans la bactérie sur un sol stérilisé contenant, comme seule source d’azote, des nitrates ou sels ammoniacaux; de même la bactérie peut proliférer sans légumineuse sur un milieu synthétique contenant une substance organique azotée (aminoacide, etc.); mais ni l’une ni l’autre, séparées, n’assimilent l’azote libre.
Dans les conditions naturelles, les racines d’une légumineuse rencontrent, dans leur rhizosphère, la race de Rhizobium qui convient. Le micro-organisme pénètre, en quelques heures, dans les racines de la plantule, par les poils absorbants ou par des blessures, comme le ferait un parasite. Il s’installe et se multiplie dans les cellules de l’écorce racinaire, qui réagissent en s’hypertrophiant: des galles (bactériocécidies) se forment ainsi sur toute la longueur des racines (nodosités bactériennes ). Les cellules envahies se défendent en ébauchant une phagocytose des bactéries, traduite par l’altération des formes de celles-ci (formes dites «d’involution»), qui s’épaississent et se ramifient (bactéroïdes).
À ce moment de la lutte entre le Rhizobium infectant et la légumineuse qui résiste, et à ce moment seulement, la nodosité constitue une unité fonctionnelle capable de réaliser ce que ni la bactérie ni la légumineuse ne peuvent faire séparément: l’assimilation de l’azote libre. Un pigment rouge analogue à l’hémoglobine (leghémoglobine ) est élaboré dans les cellules de l’hôte, pigment protégeant de l’oxygène (nitrogénase) réducteur de l’azote [cf. AZOTE]; l’ammoniac formé se combine avec un sucre: un aminoacide immédiatement assimilable est synthétisé.
La symbiose légumineuse/Rhizobium est beaucoup plus étroite que la symbiose mycorhizienne. Les deux constituants sont encore capables de vivre indépendamment. Cependant, leur union produit un organe morphologiquement banal (une galle), mais physiologiquement très spécialisé: la nodosité ; celle-ci n’est ni légumineuse ni bactérie et fonctionne en effectuant des opérations biochimiques absolument originales.
La symbiose lichénique
La symbiose lichénique a été parfaitement étudiée dans l’article LICHENS. Il suffira d’insister sur le caractère extraordinaire de ces organismes mixtes formés par l’association d’une algue avec un champignon, mais qui ne sont ni algue ni champignon. Ils constituent une division du règne végétal dans laquelle on distingue, d’après des caractères morphologiques parfaitement définis, des classes, sous-classes, ordres (ou séries), familles, genres, espèces; on conçoit que les premiers lichénologues aient difficilement admis la nature double d’organismes répondant si bien aux normes de la systématique linnéenne. Même du point de vue biochimique, les lichens manifestent leur originalité en élaborant des substances très particulières que ne produisent ni les algues ni les champignons. La plupart d’entre eux vivent dans des conditions écologiques que ne supporteraient ni des algues ni des champignons. Du point de vue génétique, enfin, ces végétaux sont étranges. Les caractères de chaque espèce sont déterminés par deux génotypes complètement dissemblables, situation unique dans le monde vivant et très significative des liens intimes existant entre les deux partenaires. Un lichen n’a pas de sexe même si son partenaire fongique est éventuellement sexué. Le maintien de chaque espèce avec l’ensemble de ses caractères propres ne peut être assuré que par la fragmentation du thalle (sorédies, etc.); la synthèse par rencontre et union de deux partenaires capables de reconstruire un thalle double répondant aux caractères d’une «espèce» paraît, en effet, très improbable: l’algue et le champignon, réciproquement modifiés par la symbiose, n’existent pas (sauf très rares exceptions), à l’état libre (Ahmadjan, 1970). Dans quelle mesure des organismes ainsi constitués peuvent-ils varier, se différencier, s’adapter, évoluer?
Les chlorelles et les xanthelles
Les chlorelles et les xanthelles sont des symbiotes de protozoaires (Ciliés, Rhizopodes, etc.) et d’invertébrés aquatiques (Spongiaires, Anthozoaires, Turbellariés, Mollusques). Les chlorelles sont des cellules de Chlorococcales [cf. CHLOROPHYCÉES]; on les observe chez de très nombreux animaux marins ou d’eaux douces. Les xanthelles sont des cellules de Dinophycées [cf. DINOPHYCÉES] ayant perdu leurs flagelles; chez ces algues, la chlorophylle des chloroplastes est masquée par des caroténoïdes de teinte dorée ou rouge; c’est en partie aux xanthelles des polypiers que les récifs coralliens tropicaux doivent leurs brillantes couleurs [cf. ANTHOZOAIRES].
Ces animaux «chlorophylliens» ont suscité, jadis, l’étonnement des naturalistes. Dès 1878, P. Geddes découvrait que les Convoluta (Turbellariés) porteurs de chlorelles dégagent de l’oxygène, comme les plantes vertes, fait confirmé, en 1881, par T. W. Engelmann pour les hydres et les paramécies vertes des eaux douces: les bactéries aérobies (Bacterium termo ) s’agglomèrent autour de ces organismes comme autour d’un filament d’algue verte. Il semble que, dans ces associations d’algues et d’animaux, tous les intermédiaires existent entre l’union facultative et l’union permanente, le parasitisme et la symbiose parfaite: dans certains cas, l’algue est digérée par l’animal ou bien prolifère exagérément et se comporte en parasite; dans d’autres cas, elle trouve dans l’animal un milieu favorable et protecteur et, sans doute, lui fournit une partie de son aliment: on a souvent constaté que les animaux pourvus de chlorelles sont capables d’un jeûne plus ou moins prolongé (jamais indéfini). Le fait le plus intéressant est que, dans les cas de symbiose équilibrée et permanente, les cellules de l’algue perdent leur paroi limitante et se comportent apparemment comme des plastes.
Les cyanelles
Des unicellulaires chlorophylliens appartenant à tous les groupes d’algues (Chromophytes et Chlorophytes) peuvent, accidentellement, perdre leurs plastes assimilateurs; ils sont alors apoplastidiés et contraints à une vie d’hétérotrophes. Or, il advient que des cellules d’algues bleues (cyanophytes) pénètrent dans ces organismes apoplastidiés et s’y installent plus ou moins durablement: elles restituent ainsi à l’hôte dans lequel elles trouvent sans doute un milieu favorable, son pouvoir d’autotrophie.
Ces symbioses ne sont pas exceptionnelles. L. Geitler (1936) en a donné une revue générale. Le cas le plus extraordinaire est sans doute celui de Glaucocystis nostochinearum , étudié, en 1965, par M. Lefort. L’hôte, reconnaissable par l’organisation générale de sa cellule, est une Chlorococcale apoplastidiée du genre Oocystis . Dans le protoplasme de cette algue décolorée vivent, en permanence, une douzaine de cyanelles divergeant autour d’un point proche du noyau de l’hôte. Chaque cyanelle, d’un beau bleu, présente, la structure protoplasmique caractéristique d’une Cyanophycée libre; son extrémité interne, proche du point de divergence, est cependant décolorée, sans structure et paraît constituer un organe de transit entre le symbiote et l’hôte; ces cyanelles, sans paroi limitante, peuvent être séparées de ce dernier mais ils sont incapables de vivre sans lui.
Le cas des cyanelles est intéressant parce qu’aucune algue ne possède des chloroplastes bleus présentant la structure cyanophycéenne. Il est indiscutable que les organismes contenant des cyanelles sont des symbiotes. Les cyanelles sont, en fait, des «cyanoplastes».
En 1919, P. Portier avait émis l’hypothèse que les mitochondries et les plastes contenus dans les cellules des eucaryotes sont des organismes symbiotes complètement domestiqués par la cellule hôte, ayant, de ce fait, perdu certaines de leurs structures (en particulier leur paroi), mais conservé leur pouvoir d’autoreproduction (cf. CHONDRIOME et PLASTES). Cette hypothèse avait fait scandale et suscité de vives réactions (A. Lumière, 1919). Le comportement des cyanelles et même celui des chlorelles ou xanthelles liées en permanence à leur hôte dans une symbiose équilibrée, d’une part, le fait de la présence, dans les plastes et les mitochondries, de filaments d’A.D.N. évoquant un noyau rudimentaire, d’autre part, posent, de nouveau, le problème soulevé par Portier.
3. Les symbioses entre hétérotrophes
Les partenaires sont deux animaux ou un animal et un micro-organisme hétérotrophe (bactérie, champignon, protiste...).
Les associations entre animaux
Les associations entre animaux n’impliquent pas une liaison organique étroite entre les partenaires; elles dépendent de comportements complémentaires et ont souvent un caractère de commensalisme.
Phorésie et commensalisme
À partir du neutralisme, situation dans laquelle les espèces vivant côte à côte sont absolument étrangères l’une à l’autre, on peut trouver des exemples d’associations de plus en plus intimes.
La phorésie , transport d’un individu par un autre, est très répandue. De nombreux acariens vivent sur le corps des coléoptères, bousiers (Geotrupes ) et nécrophores (Necrophorus ), et sur celui de divers insectes aquatiques; l’examen minutieux montre d’ailleurs que les rapports sont en général plus complexes; l’animal transporté, soit qu’il gêne son hôte, soit qu’il le blesse ou lui vole sa nourriture, est souvent plus proche du parasite que du commensal.
Les poissons du genre Remora , mauvais nageurs, se fixent sur des poissons bons nageurs, tels que les requins; toujours présents au moment des repas de leur convoyeur, ils profitent de leurs reliefs. La phorésie s’accompagne alors d’un avantage alimentaire et tend à devenir commensalisme , association dans laquelle la contribution d’une espèce à la recherche alimentaire est primordiale pour l’autre. Les poissons qualifiés de pilotes (Naucrates ductor ) accompagnent, pour la même raison, requins (Carcharias ) et raies (Manta ).
Les insectes sociaux, fourmis et termites, sont accompagnés d’un cortège d’espèces commensales: Coléoptères, Diptères, Collemboles, Isopodes, Acariens, etc. Beaucoup présentent des modifications morphologiques en liaison avec la vie dans les nids (dépigmentation, aptérisme) afin de passer inaperçus (Staphylinides Dorylostethus , Mimeciton et Entomorpha , mimétiques des fourmis dorylines) ou d’assurer des rapports plus étroits avec leur hôte (organes exsudateurs que lèchent les fourmis).
Certains commensaux sont agrippés au corps de fourmis ou de termites de manière à leur soutirer une partie de leur nourriture: les acariens Antennophorus chez les fourmis Lasius ; les collemboles Calobatinus et les staphylins Termitonicus chez les termites. Le commensalisme devient alors spoliation. L’union entre le commensal et l’hôte devient plus étroite lorsque le premier vit – épisodiquement ou à demeure – dans l’organisme du second; il se développe alors une véritable immunité de l’un vis-à-vis des moyens d’attaque de l’autre: les poissons Amphiprion percula , qui trouvent refuge et nourriture entre les tentacules des anémones de mer, sont protégés par une sécrétion muqueuse contre les piqûres de nématocystes, fatales pour les autres espèces imprudentes, (cf. ANTHOZOAIRES: Vie associée ). De petits poissons (Enchelyophis gracilis ) sont des endocommensaux des holothuries, alors que les larves de neuroptères Sisyridae passent la plus grande partie de leur existence à l’intérieur des éponges d’eau douce Euspongilla lacustris .
Le comportement d’un animal peut en inciter un autre à commettre l’acte qui apportera la nourriture à tous deux. Par leur attitude, les oiseaux indicateurs (Indicator ) attirent vers les nids d’abeilles les ratels (Mellivora capensis ), qui en pratiquent l’effraction; la nourriture profite aux uns et aux autres.
Coopération
La coopération peut avoir d’autres fins que l’alimentation, au moins pour l’une des deux espèces. Il peut arriver que se forment des troupeaux mixtes (girafes et éléphants, zèbres et autruches) qui, en doublant la possibilité de déceler un danger éventuel, augmentent leur sécurité mutuelle. De même les dortoirs nichoirs, qui rassemblent ibis, cormorans, anhingas, spatules, aigrettes, ont pour résultat de décourager les rapaces qui pourraient s’attaquer à des nichées isolées. Les animaux nettoyeurs et déparasiteurs constituent un autre exemple de coopération, qui leur fournit la nourriture et contribue à entretenir l’hygiène de leur hôte. Les grands mammifères africains (buffles, rhinocéros, antilopes) sont accompagnés d’oiseaux, les Buphagus erythrorhynchus qui leur enlèvent les tiques et les larves de varrons incrustées dans le cuir; mais le déparasitage peut devenir une gêne pour l’herbivore lorsque les oiseaux fouaillent les plaies et les agrandissent. Le pluvian d’Égypte (Pluvianus aegyptus ) nettoie les dents des crocodiles; des rapports semblables existent entre les hippopotames et certains poissons nettoyeurs (Labeo velifer ) et entre des poissons de petite taille (Labridés, Gobiidés) et de grands carnassiers (requins, mérous).
Les symbioses entre animaux, bactéries et champignons
Elles impliquent une liaison étroite entre les deux partenaires et offrent le caractère de symbiose sensu stricto.
Ectosymbiose
Un certain nombre d’insectes transportent et entretiennent dans leur nid des cultures de champignons dont les rapports avec l’hôte ne sont pas toujours élucidés.
Les termites Macrotermitinae (isoptères champignonnistes) «cultivent» les champignons sur des meules et les fourmis Myrmicinae Attini (Atta , Acromyrmex en particulier) leur préparent un compost fait de feuilles coupées mêlées de déchets divers dans des chambres spéciales où une certaine ambiance est maintenue par l’ouverture ou la fermeture de trous d’aération. On a pu montrer (Atta sexdens ) que l’ensemencement des champignons (Basidiomycètes dans le cas où ils ont été déterminés) était assuré par les femelles vierges emportant des hyphes dans une poche infrabuccale, quand elles quittent le nid pour fonder une nouvelle colonie. Dans la plupart des cas, les fourmis se nourrissent des champignons «cultivés»; il n’en est pas toujours de même, en particulier chez les termites; mais il existe cependant un mutualisme, car les filaments mycéliens participent au maintien d’un environnement favorable à la croissance des larves et à l’activité des adultes et fournissent accessoirement un aliment riche en vitamines.
Un certain nombre d’insectes vivant à l’intérieur du bois (Scolytoidea xylomycétophages, Lymexilidae , Siricidae ) ou sur les écorces (Scolytoidea phlœophages) entretiennent dans leurs galeries des champignons dont ils tirent leur nourriture, soit exclusivement, soit avec des particules de bois. Les premiers cités, qui provoquent des dégâts importants dans les bois tropicaux, ont été particulièrement étudiés. Trois éléments importants interviennent: l’essence de l’arbre hôte, l’espèce de scolyte et le champignon. Les rapports spécifiques sont plus ou moins étroits, car l’insecte, vis-à-vis de l’arbre, peut être monophage ou polyphage; le champignon est généralement particulier pour chaque insecte et les caractéristiques physico-chimiques du bois conditionnent la vie du champignon et, au moins du point de vue thermohydrique, celle de l’insecte. Le transport des spores du champignon par les insectes adultes vierges qui assurent l’infestation de nouveaux arbres présente des modalités variées; ces spores peuvent adhérer au corps de l’insecte, être rejetées intactes dans les excreta ou, surtout, être stockées dans des poches glandulaires diversement situées: thorax, base des pattes et des pièces buccales, élytres.
Endosymbiose chez les Invertébrés
Les bactéries endosymbiotes extracellulaires sont hébergées dans des chambres de fermentation de l’intestin postérieur (larves de Lamellicornes et de Tipulides) ou dans des cryptes diversement localisées dans l’intestin des hétéroptères phytophages (Pentatomides); elles peuvent l’être dans des sacs débouchant dans la partie antérieure du tube digestif (Trypetidae , ou mouche des fruits). Chez les termites primitifs et les blattes xylophages, les endosymbiotes sont des protozoaires flagellés (cf. ISOPTÈRES et FLAGELLÉS) qui vivent dans l’intestin postérieur. Les termites débarrassés de leurs flagellés après un passage dans une étuve à 35 o ou dans une atmosphère d’oxygène sous 3 à 5 atmosphères continuent à ingurgiter du bois, mais meurent d’inanition; ils ne peuvent digérer le bois sans l’aide des flagellés, dont on a extrait une cellulase. Le terme de la digestion du bois par les protozoaires serait le glucose, que les termites oxyderaient ensuite pour les besoins de leur activité; une quantité appréciable d’azote serait fournie à l’insecte par la digestion des micro-organismes absorbés par alimentation proctodéale.
De nombreux coléoptères, larves et adultes (Anobiides, Cérambycides, Curculionides, Coléoptères des grains), les blattes, les poux et puces, la plupart des homoptères (Aleurodes, Coccides, Aphides, Cicadides) hébergent des bactéries ou des champignons intracellulaires dans des cellules isolées (mycétocytes) ou groupées (mycétomes) et diversement localisées sur le tube digestif ou les glandes génitales. La transmission des symbiotes des parents aux descendants se fait par voie d’absorption buccale comme chez les termites; mais c’est le plus souvent au moment de la ponte qu’elle est réalisée, que les micro-organismes soient présents dans l’enveloppe de l’œuf absorbée par la jeune larve, qu’ils se trouvent sous forme d’un amas accessoire près des œufs, qu’ils infectent le jeune embryon ou participent à l’embryogenèse en se plaçant dans le tissu convenable.
Des symbioses compliquées s’établissent entre certains animaux marins (Céphalopodes, Tuniciers, Poissons) et des bactéries lumineuses. Elles sont localisées dans endroits précis, qui, chez les Céphalopodes, présentent des développements particuliers, le mycétome étant accompagné de différenciations cellulaires qui forment réflecteur et enveloppe pigmentée (cf. PHOTOGENÈSE [biologie]).
Endosymbiose chez les Vertébrés
L’embryon des Vertébrés est stérile, mais, dès le moment de sa naissance, de nombreux micro-organismes le contaminent par contact avec son milieu ou par la nourriture qu’il ingère. Le tube digestif est ainsi peuplé de protozoaires (Flagellés, Ciliés, Amibes), de levures, de bactéries aérobies et anaérobies. Beaucoup de ces espèces sont commensales, certaines deviennent parasites en cas de pullulation; d’autres enfin sont liées à leur hôte par des relations mutualistes. Les symbiotes interviennent essentiellement dans les fermentations intestinales des produits ingérés et dans la synthèse des vitamines; mais les protéines qu’ils synthétisent pour édifier leur propre organisme peuvent être réutilisées par l’hôte lorsqu’il digère ses micro-organismes, ce qui se produit quand ceux-ci atteignent la partie du tube digestif contre les sucs digestifs duquel ils ne sont pas garantis. Il faut alors parler de symbiose entre espèces plutôt qu’entre individus.
La participation des micro-organismes du rumen des ruminants aux processus biochimiques de la digestion est particulièrement complexe [cf. RUMINANTS]; le trait essentiel en est que presque tous les hydrates de carbone d’origine végétale, du simple jus de fruits aux fibres de cellulose (hémicellulose, amidon, pectine), subissent une vigoureuse fermentation sous l’action de bactéries (Ruminococcus , Bacteroides , Butyrivibrio ) et de protozoaires (Ophryoscolex ). Ce fait explique en grande partie la réussite des ruminants dans la lutte pour la vie.
symbiose [ sɛ̃bjoz ] n. f.
• 1879; mot all., du gr. sumbiôsis, de sumbioun « vivre (bioun) ensemble (sun) »
1 ♦ Biol. Association durable et réciproquement profitable entre deux organismes vivants. ⇒ commensalisme, mutualisme. Le lichen est formé de l'association d'une algue et d'un champignon vivant en symbiose. Symbiose entre micro-organismes. Symbiose et parasitisme.
2 ♦ Étroite union. Symbiose entre deux théories. « Ainsi vivions-nous, elle [ma mère] et moi, en une sorte de symbiose » (Beauvoir).
● symbiose nom féminin (grec sumbiôsis, de sumbioûn, vivre ensemble) Association constante, obligatoire et spécifique entre deux organismes ne pouvant vivre l'un sans l'autre, chacun d'eux tirant un bénéfice de cette association. (La symbiose est fréquente entre les micro-organismes [symbiotes] et des plantes ou des animaux.) Relation marquée par une union très étroite et très harmonieuse : Cet enfant vit en symbiose avec sa mère.
symbiose
n. f.
d1./d BIOL Association de deux êtres vivants d'espèces différentes, qui est profitable à chacun d'eux. Symbiose des champignons et des algues dans les lichens.
d2./d Fig. Union étroite.
⇒SYMBIOSE, subst. fém.
A. — BIOL. Association durable entre deux ou plusieurs organismes et profitable à chacun d'eux. Symbiose bactérienne, microbienne. Un lichen est la symbiose d'une algue et d'un champignon (Ac. 1935). Cette levure dédouble le lactose à l'aide d'une lactase et le fait fermenter en contribuant par sa symbiose avec une bactérie, à la production de la boisson nommée kéfir (WURTZ, Dict. chim., 2e suppl., t. 4, 1901, p. 113). Il y a d'abord les interactions des vivants entre eux (...). On connaît moins les innombrables cas de parasitisme, de symbiose, de commensalisme où se marquent des dépendances localisées mais absolues (COMBALUZIER, Introd. géol., 1961, p. 63).
♦ En symbiose. Microbe en symbiose dans une infection. Coraux (...) vivant en symbiose avec des algues (J.-M. PÉRÈS, Vie océan, 1966, p. 136).
B. — Au fig.
1. Fusion, union de plusieurs choses; association étroite et harmonieuse entre des personnes ou des groupes de personnes. Symbiose entre qqc. et qqc.; symbiose de l'information et de la publicité. Une fois éliminés les préjugés des siècles obscurs, le problème de la symbiose entre Juifs et Gentils pouvait trouver sa solution dans un esprit de libéralisme (Philos., Relig., 1957, p. 48-12). Il faut donc créer et promouvoir une véritable symbiose entre la recherche et l'action (B. SCHWARTZ, Pour éduc. perman., 1969, p. 86).
♦ En symbiose. En étroite communauté d'idées et d'intérêts. Vivre en symbiose avec qqn. P. métaph. Une pareille juxtaposition d'œuvres apparemment hétérogènes signifie-t-elle que gnose païenne et gnose chrétienne ont réellement vécu en symbiose (...)? (Philos., Relig., 1957, p. 42-10).
2. PSYCHOGÉNÉT. Relation de dépendance naturelle entre l'enfant et sa mère, qui normalement se rompt par étapes pour aboutir à l'autonomie de l'homme ou de la femme adulte (d'apr. CARDON-MERMET 1982). La jalousie de l'enfant ne s'adresse pas au père en tant que père, mais à l'homme qui menace sa symbiose avec la mère (Traité sociol., 1968, p. 408).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. 1935. Étymol. et Hist. [1888 d'apr. COTTEZ 1982] 1890 biol. (Lar. 19e); 1920 fig. Françoise vivait avec nous en symbiose (PROUST, Guermantes 1, p. 19). Empr. au gr. « vie en communauté », dér. de « vivre avec », de « avec » et « vivre » (dér. de « vie »); en angl. dès 1622 au sens de « vie en communauté », et comme terme de biol. en 1877 (NED), ainsi qu'en all. en 1879 (Brokhaus Enzykl.). Fréq. abs. littér.:27. Bbg. QUEM. DDL t. 20.
symbiose [sɛ̃bjoz] n. f.
ÉTYM. 1890; probablt angl. ou all. symbiosis, grec sumbiôsis, de sumbioûn « vivre (bioun) ensemble (sun) ».
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1 Biol. Association durable et réciproquement profitable entre deux ou plusieurs organismes (⇒ Commensalisme, mutualisme, parasitisme). || Algue et champignon vivant en symbiose. ⇒ Lichen. || Symbiose entre racines et champignons. ⇒ Mycorhize. || Symbiose qui se développe sur un espace limité. ⇒ Synusie. || Microbes en symbiose dans une infection. ⇒ Association (microbienne). || Symbiose et antibiose. — Par métaphore : → Parasite, cit. 11.
2 ☑ (XXe). Loc. En symbiose : en union étroite (avec qqn, un groupe). || Vivre en symbiose avec qqn.
0 Ainsi vivions-nous, elle (ma mère) et moi, en une sorte de symbiose, et sans m'appliquer à l'imiter, je fus modelée par elle.
S. de Beauvoir, Mémoires d'une jeune fille rangée, p. 43.
♦ (Choses). Fusion, union de plusieurs choses. || « La symbiose du progrès scientifique et du progrès technique (…) symbiose entre l'entreprise, l'administration et la communauté de recherche » (F. Hetman, les Secrets des géants américains, in P. Gilbert).
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DÉR. (Du grec) V. Symbiote, symbiotique.
Encyclopédie Universelle. 2012.