SYPHILIS
La syphilis, ou vérole, est une maladie infectieuse due au tréponème de Schaudinn et Hoffmann.
C’est une maladie essentiellement contagieuse , transmissible en général par les rapports sexuels, beaucoup plus rarement par accident (piqûre), par voie sanguine (transfusion), ou par voie transplacentaire (mère à fœtus: syphilis congénitale). Elle est totalement différente de la blennorragie ou «chaude-pisse» (cf. maladies VÉNÉRIENNES).
C’est une maladie à évolution cyclique où l’on distingue, en cas d’absence de traitement:
– la syphilis récente , qui comprend la période d’incubation (25 jours en moyenne), les accidents classiques primaires (45 jours en moyenne), les accidents classiques secondaires (de 1 à 2 ans), la syphilis sérologique récente (du début de la contamination jusqu’à la troisième année);
– la syphilis latente , lorsque les lésions récentes ont disparu et que seule persiste la positivité de la sérologie;
– la syphilis symptomatique tardive (phase tertiaire), survenant cinq, dix ou vingt ans plus tard chez trois malades sur quatre, qui peut se signaler sous forme de manifestations cutanées ou viscérales, notamment cardio-vasculaires ou nerveuses.
C’est encore une maladie imprévisible dans son évolution , capable de simuler de nombreuses autres affections, d’atteindre «tous les tissus, tous les organes» et de rester latente pendant des années.
C’est enfin une maladie bénigne si elle est traitée précocement, grave si elle est méconnue ou négligée .
Le caractère épidémiologique de la syphilis a entraîné pendant des siècles une certaine terreur. Avec la découverte de la pénicilline, certains l’ont crue exterminée. Or, d’après les statistiques de l’O.M.S., il existe en 1995 dans le monde 30 millions de syphilitiques. Cela exige donc une bonne connaissance des aspects cliniques, des conditions du diagnostic, de la responsabilité du malade devant sa maladie, puisqu’il s’agit d’une maladie sexuelle transmissible.
1. Origine
Deux grandes théories s’affrontent quant à l’origine de la syphilis:
– La théorie colombienne, ou américaine, affirme que la maladie, inconnue jusque-là en Europe, a été importée en mars 1493 par les marins de Christophe Colomb, au retour des Antilles (cf. tableau). Cette théorie a d’ardents défenseurs.
– La théorie uniciste estime, d’une part, que la tréponématose aurait existé dès la préhistoire, mais qu’on l’aurait confondue avec d’autres maladies, notamment la lèpre; d’autre part, qu’il existe dans le monde des formes très différentes suivant les conditions climatiques, sociales, économiques; la syphilis actuelle ne serait qu’une de ces formes. À côté de la syphilis actuelle, à transmission essentiellement vénérienne, on cite en effet des tréponématoses à transmission non vénérienne, tels la pinta (Amérique du Sud), le pian (Amérique centrale, Antilles, Afrique, Asie du Sud-Est), la syphilis endémique (climats chauds et secs).
En faveur de la théorie uniciste, on a fait appel à des arguments archéologiques. Rokhlin aurait identifié la syphilis sur des squelettes provenant de Russie centrale et datant de 2000 avant J.-C.
L. Christensen (1962) donne un avis contraire, puisque, après avoir étudié seize mille cinq cents crânes venant de toutes les parties du monde, il conclut que les lésions osseuses de la syphilis ne se manifestent qu’après l’année 1500 de notre ère.
Des dizaines de millions d’individus moururent de cette maladie en l’absence d’une thérapeutique vraiment efficace.
Il fallut attendre le XIXe siècle pour que l’on prescrivît iode et iodure. C’est en 1910 qu’une préparation arsenicale administrée par voie intraveineuse transforma le pronostic de la maladie.
L’introduction, par l’école française, du bismuth en 1921 allait apporter un traitement de fond efficace. Les cures alternées d’arsenicaux et de bismuth donnaient près de 100 p. 100 de succès dans les cas de syphilis récente.
L’application, en 1943, par S. Mahoney, R. C. Arnold et A. H. Harris de la pénicilline dans le traitement de la syphilis a bouleversé tous les schémas thérapeutiques classiques et constitué une amélioration considérable du fait de sa meilleure tolérance et de sa haute valeur tréponémicide.
2. Diagnostic
Le diagnostic de la syphilis s’établit avant tout par la mise en évidence du tréponème et par les résultats des examens de sang.
Mise en évidence du tréponème
L’agent responsable de la syphilis a été découvert en 1905 par le zoologiste F. R. Schaudinn et le syphiligraphe Hoffmann, de Hambourg; ils lui donnèrent le nom de Treponema pallidum . Ce tréponème, appartenant à l’ordre des Spirochétales, peut être facilement révélé à l’aide d’un microscope à fond noir (anciennement appelé, à tort, ultramicroscope ou «ultra»), soit à partir de la sérosité d’une lésion syphilitique (grattage au vaccinostyle à la surface d’un chancre ou d’une autre lésion), soit à partir de la ponction ganglionnaire. Cette technique, relativement facile, permet un diagnostic immédiat.
Il faut connaître l’existence de tréponèmes saprophytes qui se trouvent dans la cavité buccale, notamment chez les sujets porteurs d’infections dentaires. Le T. pallidum , examiné vivant, est un organisme extrêmement mobile, long de 6 à 15 micromètres, présentant six à quinze spires, doué de mouvements en pas de vis (fig. 1). Il est très sensible à la dessiccation, aux antiseptiques légers, en particulier à l’eau savonneuse, aux crèmes et lotions aux antibiotiques. Il se reproduit toutes les trente heures environ par division en deux parties indépendantes et viables. Par ailleurs, ce tréponème peut être révélé après imprégnation argentique (méthode de Fontana), ou par réaction immunospécifique par immunofluorescence indirecte.
En cas de résultat négatif, il faut répéter les examens plusieurs jours de suite. On n’insistera jamais assez sur le danger des applications locales de crèmes ou de lotions aux antibiotiques qui peuvent entraîner la disparition momentanée des tréponèmes, d’où l’importance des réactions sérologiques.
Réactions sérologiques
T. pallidum , en principe, ne peut être mis en évidence qu’au cours des accidents de la syphilis récente, d’où l’intérêt de l’étude du sérum du malade; cette étude constitue un élément fondamental du diagnostic.
En réponse à l’agression tréponémique, le système réticulo-endothélial synthétise des anticorps que l’examen sérologique devra déceler grâce aux réactions suivantes:
– Les réactions à antigène non tréponémique (cardiolipide). Ce sont des réactions d’agglutination (réaction V.D.R.L., ou venereal disease research laboratory , et réaction R.P.R. ou rapid plasma reagin ). Elles mettent en évidence les réagines , anticorps qui apparaissent dix à quinze jours après le début du chancre. La réaction d’hémolyse ou B.W. (pour Bordet-Wassermann) est abandonnée. Ces réactions peuvent être faussement positives, soit transitoirement (quelques jours ou quelques semaines) au cours d’infections virales, parasitaires, grossesse, ou de manière chronique (maladies auto-immunes, paludisme, etc.) Dans ce cas, en l’absence de tout antécédent de signes cliniques évidents, il faut répéter les examens et faire appel aux réactions à antigènes tréponémiques.
– Les réactions à antigènes tréponémiques . Le test d’immunofluorescence (I.F. ou F.T.A., fluorescent treponemal antibody ) qui met en évidence des anticorps d’apparition précoce, cinq à huit jours après le début du chancre, prend toute sa valeur en cas de lésion primaire atypique, ou lorsque des traitements locaux intempestifs ont été institués.
– La réaction d’hémagglutination passive (T.P.H.A., ou Treponema pallidum hemagglutination assay ) se positive un peu plus tardivement: de quinze à vingt jours après le début de la lésion initiale. F.T.A. et T.P.H.A. peuvent persister longtemps à des titres bas après un traitement efficace mais pas assez précoce.
– Le test d’immobilisation des tréponèmes (test de Nelson), test de référence vu sa très grande spécificité, met en évidence des anticorps qui immobilisent, in vitro, des trépomènes vivants et mobiles. Ces «immobilisines» apparaissent plus tardivement que les autres réactions (de 20 à 30 jours après le début du chancre), sauf en cas de réinfection. La négativation de ce test après traitement est un bon test de l’efficacité de la thérapeutique. En cas de réactions positives, celles-ci doivent être quantifiées et répétées, afin de donner une idée précise sur la teneur du sérum en anticorps et par là même juger des résultats thérapeutiques et parfois attirer l’attention sur les réinfections ou les récidives.
– Les anticorps IgM . Les immunoglobulines IgM, première réponse immunitaire spécifique à l’infection tréponémique, peuvent apporter des éléments précieux au diagnostic de la syphilis. Présents dès l’apparition du chancre, ces anticorps peuvent persister à des taux variables au cours de l’infection syphilitique. Indicateurs d’une syphilis en évolution, ils disparaissent après traitement efficace. Chez la femme enceinte, les IgM ne franchissent pas la barrière placentaire. Leur présence chez le nouveau-né permet d’affirmer un diagnostic de syphilis congénitale. Leur absence n’exclut cependant pas une infection. Chez l’adulte, la présence d’IgM, à un stade tardif de la syphilis, peut faire redouter une évolution possible et indique la nécessité d’un nouveau traitement ainsi qu’une surveillance biologique et clinique accrue. La mise en évidence de ces anticorps doit être réalisée par deux méthodes: immunofluorescence (FTA-M) ou immunocapture-hémagglutination (S.P.H.A., ou solid phase hemagglutination assay ), ou par technique E.L.I.S.A.-M.
– Autres tests sérologiques : les tests E.L.I.S.A. (enzyme linked immunosorbent assay ) ou E.I.A. (enzyme immuno assay ). La présence d’anticorps spécifiques (IgM et/ou IgG) dans le sérum engendre une modification de la couleur du mélange réactionnel. Le Western Blot et les réactions d’amplification génomiques par P.C.R. (polymerase chain reaction ) permettent aux spécialistes de trancher les cas litigieux. Les structures antigéniques des tréponèmes pathogènes sont très complexes et les parentés sont telles que la sérologie ne permet pas encore la distinction entre la syphilis et les autres tréponématoses (pian, béjel).
3. Schéma évolutif de la maladie
C’est par une excoriation cutanéo-muqueuse, en général lors d’un rapport sexuel, que le tréponème s’insère dans l’organisme. S’il se développe normalement, il déclenche l’apparition d’une syphilis récente , qui va suivre son destin classique d’évolution au grand jour (fig. 2). Mais le tréponème peut aussi évoluer de façon inapparente; cette possibilité est, actuellement, de plus en plus fréquente, du fait de la prescription d’antibiotiques pour les maladies les plus banales. Cette infection, à évolution extrêmement lente, va se développer en plusieurs phases.
Période d’incubation
La période d’incubation, c’est-à-dire le nombre de jours entre le moment de la contamination et l’apparition du premier signe clinique, est silencieuse (de 2 à 5 semaines, en moyenne 25 jours). Toutefois, en présence de lésions préexistantes (herpès, balanite par exemple), l’examen au fond noir peut mettre en évidence des tréponèmes dès le septième jour. Il existe actuellement des cas où la période d’incubation est prolongée de quatre, cinq voire six semaines et même plus. Cette période est impossible à préciser, d’une part, quand il s’agit des femmes, chez lesquelles l’«accident initial», le chancre primaire, passe le plus souvent inaperçu, d’autre part, après des traitements intempestifs par des antibiotiques qui, en outre, peuvent modifier l’aspect du chancre et retarder la séroconversion. À ce stade de la maladie, les réactions sérologiques sont négatives.
Période primaire
La période classique primaire est représentée par le chancre et son adénopathie satellite. Le chancre siège au point d’inoculation; il est constitué en cinq à six jours. Ses caractéristiques typiques sont: une petite érosion (exulcération) unique, arrondie ou ovalaire, à contours régulièrement tracés, de quelques millimètres à 1 à 2 centimètres de diamètre, indolore, siégeant sur une base indurée, s’accompagnant d’une adénopathie (augmentation de volume d’un ganglion) de voisinage.
En réalité, de nos jours, le chancre d’inoculation peut revêtir des aspects cliniques extrêmement divers, tel l’aspect multiple: 18 p. 100 des chancres génitaux (R. Degos); l’aspect ulcéreux: sur 2 300 cas de syphilis récente observés en sept ans par Degos, 25 p. 100 de chancres sont constitués par des ulcérations profondes (cet aspect est particulièrement fréquent chez les Nord-Africains et les sujets de race noire); l’aspect inflammatoire: l’adénopathie satellite peut même perdre ses caractères classiques (ganglion unique non douloureux) pour être constituée de ganglions multiples et inflammatoires. Le chancre peut occuper une localisation atypique telle que le pubis (siège fréquent chez les Nord-Africains), le méat (intérieur ou périphérie), l’urètre (déclenchant dans ce cas une sécrétion purulente qui peut faire penser à tort à une blennorragie), ou la région anale.
Chez la femme, le chancre génital n’est pas dépisté dans 95 p. 100 des cas, d’où les difficultés de l’éradication de l’infection syphilitique.
Enfin, aussi bien chez l’homme que chez la femme, les chancres de l’amygdale, de la langue et des lèvres ne sont pas exceptionnels.
C’est à ce stade primaire qu’il importe de faire le diagnostic de la maladie en recherchant le tréponème au microscope à fond noir, à partir d’un prélèvement effectué directement sur le chancre. En cas de résultat négatif, il faut ponctionner le ganglion satellite pour rechercher les tréponèmes dans le suc ganglionnaire. Normalement traité, le chancre guérit en quelques jours. Le danger de la maladie provient du fait que, même non traité, le chancre disparaît spontanément en trente à quarante jours environ. Mais, à ce stade, les réactions sérologiques commencent à devenir positives.
Période secondaire
La phase secondaire (où la sérologie est positive) correspond à la période de dissémination de l’affection. Les lésions sont alors multiples et différentes, curables si traitées, et «plus vexatoires que graves» (A. Fournier). Bénignes pour l’individu, ces lésions – extrêmement contagieuses – fourmillent de tréponèmes; leur gravité sociale est immense.
Cette période, simulant un grand nombre d’affections, donne lieu à des erreurs de diagnostic. Il n’est donc pas inutile de rappeler ses signes cliniques:
– la roséole , premier signe de la syphilis secondaire, sous la forme d’une éruption, sur le tronc, de taches arrondies ou ovalaires, de couleur rose fleur de pêcher; elle n’inquiète pas le malade qui incrimine une erreur de régime ou, dans nos sociétés, un médicament (somnifère, tranquillisant);
– les plaques muqueuses , lésions érosives siégeant surtout aux commissures labiales, au niveau des organes génitaux (sur la vulve en particulier), à l’anus;
– les ganglions multiples , avec deux localisations évocatrices: la nuque et le coude au niveau des ganglions épitrochléens;
– les syphilides pigmentées , surtout fréquentes chez la jeune femme, qui font suite à la roséole et siègent autour du cou;
– l’alopécie diffuse , surtout nette derrière les oreilles, qui apparaît souvent quand s’étend la roséole; en général, elle n’attire pas l’attention.
La seconde floraison de la syphilis secondaire se caractérise par des lésions infiltrées papuleuses, opposées aux roséoles essentiellement congestives de la première floraison. Dès le moindre doute, il faut rechercher localement les tréponèmes et faire une prise de sang. Sans traitement, les manifestations de cette période peuvent s’étaler sur deux ans.
Période tertiaire
La période tertiaire groupe classiquement les accidents qui surviennent à partir de la deuxième ou de la troisième année de la maladie, et jusqu’à dix, quinze ou vingt ans plus tard.
«Tous les tissus, tous les organes» peuvent être atteints. Les accidents les plus typiques sont cutanés, muqueux, osseux, viscéraux. La syphilis nerveuse reste une complication redoutable de la syphilis acquise insuffisamment ou non traitée. En France, la neurosyphilis n’a pas disparu et peut se présenter sous des formes frustes. Enfin, quelques rares accidents cardiaques (moins de 1,5 p. 100) sont dus à des aortites syphilitiques.
La distinction de ces différentes périodes est tout à fait théorique: il arrive parfois qu’en dehors d’une sérologie positive aucun incident ou accident ne soit signalé (syphilis sérologique ou syphilis latente d’emblée). C’est en ce sens que A. Fournier a parlé des «grands entractes de la syphilis». Un bilan par des tests sérologiques quantitatifs, comparatifs et répétés, permettant d’apprécier le degré évolutif de la maladie apparaît donc comme une nécessité absolue.
4. La syphilis n’est pas héréditaire
La femme enceinte peut, par voie placentaire, transmettre des tréponèmes au fœtus à partir de la douzième semaine d’aménorrhée. Avant cette date, on estime que le tréponème ne peut franchir la membrane cellulaire des villosités choriales. Cependant, plus la syphilis maternelle est récente et proche de l’accouchement, plus le risque de contamination du fœtus est élevé, bien que le placenta ne soit pas forcément traversé, comme le prouvent certaines observations dans lesquelles, sur deux jumeaux, un seul naît syphilitique.
La syphilis du nouveau-né ne dépend en aucune façon de caractères héréditaires. Le terme de syphilis congénitale (ou prénatale) a remplacé celui d’hérédosyphilis. Il désigne une maladie infectieuse acquise , due à la méconnaissance de la syphilis maternelle. Cette syphilis congénitale est actuellement rare en France du fait, d’une part, de la pratique systématique du dépistage sérologique obligatoire au troisième mois de la grossesse, d’autre part, des examens sérologiques prénuptiaux.
Chez le nouveau-né, l’infection syphilitique peut se manifester dès la naissance: il s’agit alors d’une syphilis congénitale précoce .
À côté de cette forme visible, il existe dans 30 p. 100 des cas environ une syphilis congénitale latente que l’on peut dévoiler par la mise en évidence de la syphilis chez la mère et une sérologie positive chez le nourrisson: présence d’anticorps fœtaux spécifiques de type IgM. Mais un nouveau-né sain, non syphilitique, peut présenter à la naissance des réactions sérologiques positives lorsqu’on examine le sang pris au cordon; ces réactions peuvent rester positives durant trois à six mois. En effet, la mère, correctement traitée, peut garder des anticorps résiduels de type IgG, et ceux-ci sont capables de traverser le placenta. Cela entraîne parfois des discussions sur le plan thérapeutique. En cas de doute, on n’hésitera pas à traiter l’enfant par la pénicilline.
La syphilis congénitale peut aussi se manifester tardivement, qu’il s’agisse d’une syphilis latente révélée à l’occasion d’une enquête familiale ou d’un sérodiagnostic des tréponématoses (40 p. 100), ou bien d’une syphilis révélée par un accident évolutif (60 p. 100).
En conclusion, la base de la prophylaxie de la syphilis congénitale réside dans la détection et le traitement de la syphilis de la mère avant le quatrième mois de la grossesse. Un examen sérologique du sang du cordon à la naissance doit être systématiquement pratiqué pour rechercher l’existence d’IgM spécifique. Mais cela n’exclut pas l’existence d’une syphilis materno-fœtale aiguë très récente. D’où l’importance du suivi clinique et sérologique mère/enfant. Sauf en cas de lésions cicatricielles, le traitement par la pénicilline donne d’excellents résultats. On se méfiera particulièrement d’une possibilité de réaction d’Herxheimer due à la destruction brutale des tréponèmes sous l’influence de traitement (fièvre, maux de tête, etc.). Enfin, malgré sa rareté actuelle, la syphilis congénitale constitue une affection redoutable.
C’est à tort qu’on a rattaché à la syphilis congénitale des malformations, osseuses notamment, et des maladies mentales qui sont dues à d’autres facteurs, soit eux-mêmes infectieux (rubéole), soit hormonaux, soit métaboliques.
5. Syphilis et infection VIH
La syphilis et l’infection due au virus VIH sont deux maladies protéiformes qui peuvent interagir à différents niveaux. Étant donné les modifications des défenses immunitaires du sujet infecté par le virus de l’immunodéficience humaine, ces interactions sont fonction du degré d’immunosuppression du sujet infecté par le virus et du stade de l’infection à Treponema pallidum .
Tout se voit donc dans cette co-infection. Par les aspects cliniques , on peut observer une modification de l’histoire naturelle de la syphilis: lésions atypiques, accélération et aggravation de la maladie, atteintes neurologiques, oculaires plus fréquentes... Par les aspects sérologiques , les réponses aux tests sérologiques peuvent être modifiées selon le stade de l’infection VIH; synthèse accrue de réagines au début de l’infection, réduction de la synthèse d’anticorps sériques particulièrement vers les stades tardifs de l’infection VIH...
Le traitement standard par la benzathine pénicilline semble être mis en échec lors d’une infection VIH associée, entraînant, de ce fait, l’apparition précoce de manifestations habituellement tardives (atteintes neurologiques, oculaires, etc.). Quant aux réponses sérologiques post-thérapeutiques, on a pu constater une décroissance plus lente du taux des anticorps chez les sujets présentant une syphilis primaire que chez ceux qui étaient traités pour une syphilis secondaire.
6. Problèmes épidémiologiques
Nombreux sont les facteurs susceptibles d’agir sur le comportement humain dans un contexte où s’affrontent diverses tendances déstabilisantes: contraintes économiques, industrialisation, abandon des structures et des valeurs traditionnelles, mouvements de population, problèmes ethniques et politiques sont autant de variables dont l’association augmente la vulnérabilité des populations, et particulièrement les jeunes générations.
L’enquête épidémiologique sur ces maladies (base de toute lutte) se trouve de ce fait confrontée à d’énormes difficultés: mouvements temporaires de population (tourisme mondial, 500 millions de personnes en 1993) ou permanents rendent très difficiles les recherches pour trouver l’agent contaminateur; de plus, l’incidence varie selon les populations, les pays, les régions, les périodes de l’année, etc. Une étude réalisée aux États-Unis montre que seulement 50 p. 100 des cas sont effectivement rapportés.
On a relié jadis la recrudescence des cas de syphilis au mouvement des armées en campagne. Ce sont des mouvements de masse beaucoup plus considérables qui ont pris le relais du déplacement des troupes: l’importance des voyages, la rapidité des transports aériens, les rencontres épisodiques pendant les vacances, la situation mouvante des travailleurs entraînent des difficultés extrêmes pour trouver et traiter le contaminateur. L’enquête épidémiologique, base de toute lutte, devient souvent impossible.
Pendant très longtemps, la prostitution a constitué la grande source des contaminations masculines. Cependant, des statistiques actuelles montrent que les amies de passage, qui ne perçoivent aucune rétribution, sont autant, sinon plus, les responsables des contaminations (fig. 3).
La convention des Nations unies de 1949 «pour la répression de la traite des êtres humains et de leur exploitation» a conduit, en France, à la suppression officielle des maisons closes, du fichier sanitaire et social de la prostituée, et même de la prostitution. Ces dispositions ont non seulement supprimé tout contrôle médical régulier des prostituées, mais elles ont rendu extrêmement difficiles les enquêtes épidémiologiques.
En outre, de nouvelles orientations dans l’organisation du commerce du sexe féminin qui se font jour dans de nombreux pays auraient le même effet. Signalons les moyens de racolage tels que le racolage en voiture, les call girls, la location de personnes de compagnie, l’organisation de rencontres sexuelles sans exploitation de la femme et le honteux marché du tourisme sexuel.
Depuis l’apparition du sida, on a pu constater une certaine modification dans les habitudes sexuelles de certaines populations à risques (homosexuelles, notamment). Cependant, prostitution, précocité des rapports sexuels, toxicomanie constituent de grandes sources de contamination. Une étude réalisée aux États-Unis a montré que la syphilis touchait préférentiellement les prostituées et les toxicomanes, consommateurs de crack (dérivé inhalable de la cocaïne). Cet état des choses doit inciter à faire mieux connaître les maladies transmises par voie sexuelle, notamment la syphilis, et à lutter contre l’inconscience dont font souvent preuve les personnes atteintes alors qu’elles omettent d’avertir leurs partenaires. En vue de combattre, en France, ces deux attitudes, l’institut Alfred Fournier a pour vocation l’information du public et met à sa disposition des documents spécialisés.
7. Quelques données statistiques
Après une augmentation considérable pendant la Première Guerre mondiale, puis pendant la Seconde Guerre mondiale (15 454 cas déclarés en 1946), l’utilisation de la pénicilline a permis, au cours des huit années suivantes, de faire décroître considérablement le nombre de cas dépistés (1 156 cas en 1955), faisant alors espérer qu’on pourrait «éradiquer» cette infection. En réalité, il n’en est rien. Actuellement, l’incidence de la syphilis en France n’est pas connue, bien que sa déclaration soit toujours obligatoire (art. L254 de la santé publique, 1953). Un étude sur la surveillance de la syphilis par l’intermédiaire de laboratoires d’analyses médicales pour les années 1991-1993 conclut à une non-augmentation de l’incidence de la syphilis sur ces trois années étudiées.
Aux États-Unis, on estime le nombre de cas de syphilis primosecondaire à 34 102 cas pour l’année 1992 et, tous stades confondus, le nombre total de cas est de 112 581. Notons l’étude réalisée il y a quelques années dans le cadre des examens de santé de la Caisse primaire d’assurance maladie de la région parisienne (1969). J. Micholet souligne que la courbe de morbidité établie sur vingt ans, à partir de 2 millions d’observations, témoigne d’une remontée constante et importante de la syphilis sérologique, depuis 1956-1957. En 1968, sur 73 000 assurés examinés, 1 300 cas certains de syphilis sérologique ont été constatés, soit le pourcentage étonnant de 1,80 p. 100: ce qui veut dire qu’une syphilis sérologique était détectée sur cinquante personnes examinées. Aucune étude depuis n’est venue contredire cette tendance toujours observée au Centre de référence pour la syphilis. Quant à la syphilis congénitale, son incidence est actuellement très faible en France, mais elle reste un grave problème de santé publique dans de nombreux pays du Tiers Monde. La vigilance doit rester la règle pour les pays développés eux-mêmes, car les États-Unis connurent entre 1987 et 1990 une augmentation notable de son incidence (10,5 p. 100 000 naissances en 1987).
8. Thérapeutique
Dès confirmation bactériologique ou sérologique du diagnostic, il faut instituer immédiatement un traitement énergique. Les schémas thérapeutiques doivent assurer des taux tréponémicides pendant une durée prolongée (15 jours au minimum). La pénicilline constitue toujours l’antibiotique de choix. Ses formes retard sont préconisées. Elle constitue la meilleure arme prophylactique: son action sur les tréponèmes permet de briser la chaîne de contamination et de traiter le ou les partenaires sexuels. De toute façon, quel que soit le traitement, de 10 à 20 p. 100 des syphilis récentes séropositives resteront telles; leur avenir semble le même que celui des syphilis qui se sont négativées. Avant de prescrire tout traitement, il faut s’assurer que le malade ne souffre pas d’une intolérance à la pénicilline; en cas d’allergie avérée à la pénicilline, on aura recours à un traitement long (de 20 à 30 jours), soit par les cyclines, soit par les macrolides (chez la femme enceinte).
En cas de syphilis sérologique ou de syphilis latente, et dans tous les cas où il est impossible de préciser la date de contamination, on prescrira plusieurs cures de pénicilline.
En cas de syphilis symptomatique tardive, on sera parfois amené à faire de longues cures de pénicilline, en même temps que des thérapeutiques particulières à chaque cas.
On contrôlera l’efficacité du traitement par des tests sérologiques périodiques. En cas de syphilis récente, ce contrôle se fera six semaines, trois mois, six mois, un an après la fin du traitement. Dans les cas où les réactions sérologiques restent positives, on essayera par des tests quantitatifs périodiques de vérifier si la maladie évolue ou non.
9. Recherches actuelles
Le même malade peut contracter la syphilis plusieurs fois dans sa vie. En général, on pense que les réinfections ne s’observent qu’après la guérison clinique et sérologique, donc après disparition d’une protection immunitaire, d’ailleurs mal définie. Cette notion d’immunité tréponémique est à la base de tentatives en cours, spécialement aux États-Unis, pour identifier et étudier les divers antigènes tréponémiques susceptibles de permettre la mise au point d’un vaccin contre la syphilis.
Les travaux de P. Collart et de M. Poitevin (1981) – mettant en évidence des tréponèmes dans des prélèvements ganglionnaires de liquide céphalo-rachidien, et d’humeur aqueuse provenant de malades atteints de syphilis symptomatique, tardive ou latente, tardivement traitée – devraient rendre prudent avant d’affirmer la guérison: «La permanence de la posivité sérologique traduit la persistance du tréponème pâle dans l’organisme à l’état de commensalité; mais dans des conditions biologiques que l’on ne connaît pas, ces germes seraient susceptibles de récupérer leur virulence et de redevenir pathogènes pour l’hôte qui les abrite.»
La syphilis n’est pas une maladie honteuse; il faut la considérer comme une maladie infectieuse, peu grave, facilement guérissable, sans incidence sur la descendance si un traitement précoce et correct a été institué. Mais elle peut devenir extrêmement sérieuse si elle n’a été ni révélée ni traitée.
La vaccinothérapie ne semble pas pouvoir être réalisée dans un avenir proche. Ce sont donc encore les mesures prophylactiques collectives qui semblent être les armes les plus efficaces dans la lutte contre cette maladie, à savoir: la connaissance des aspects actuels de la syphilis, et surtout la nécessité de prescrire des traitements synchronisés, immédiatement efficaces, dans le but de rompre le plus rapidement possible les chaînes de contamination et d’obtenir une protection contre les complications lointaines de la syphilis; la soumission aux tests sérologiques imposés aux différentes étapes de la vie (mariage, examen prénatal, etc.) et aux tests systématiques de contrôle après traitement; enfin, de ne reprendre une vie sexuelle normale qu’après la certitude de la non-contagion.
syphilis [ sifilis ] n. f.
• 1659 méd.; répandu v. 1868; le mot cour. était vérole; lat. mod. syphilis, de Syphilus n. pr., altér. de Sipylus, personnage d'Ovide
♦ Maladie vénérienne contagieuse et inoculable causée par le tréponème. ⇒arg. chtouille, pop. vérole. Accident primaire de la syphilis : chancre. Stade secondaire (⇒ roséole) , stade tertiaire de la syphilis (⇒ gomme) . Syphilis congénitale (appelée autrefois incorrectement hérédosyphilis). Thérapeutiques de la syphilis par le mercure, aux XVIII e et XIX e s., puis par l'arsenic et ses composés, puis par les sels de bismuth, enfin par la pénicilline.
● syphilis nom féminin (latin de la Renaissance syphilis) Maladie infectieuse due au tréponème pâle, sexuellement transmissible, et se manifestant initialement par un chancre et plus tardivement par des atteintes viscérales et nerveuses.
syphilis
n. f.
d1./d Maladie vénérienne contagieuse, dont l'agent est un tréponème (Treponema pallidum). Syn. Fam. vérole.
d2./d Syphilis endémique: V. béjel.
⇒SYPHILIS, subst. fém.
A. — Vx. Maladie vénérienne. (Dict. XIXe et XXe s.).
Rem. 1. La syphilis a reçu de nombreuses dénominations dont les plus cour. étaient: le mal français, le mal de Naples, la (grosse) vérole. 2. Jusque dans la 1re moit. du XIXe s., la théorie uniciste a prévalu et la syphilis était confondue avec les autres maladies transmises par contact sexuel et en particulier avec le chancre mou et la blennoragie.
B. — PATHOL. Maladie vénérienne, contagieuse et inoculable, dont l'agent pathogène est le tréponème pâle. Syphilis accidentelle, professionnelle; incubation, prophylaxie, thérapeutique, traitement de la syphilis; sérodiagnostic, sérologie de la syphilis. La syphilis des parents peut être la cause de désordres profonds du corps et de la conscience de leurs enfants. (...) Le tréponème pâle a exterminé plus de grandes familles que toutes les guerres du monde (CARREL, L'Homme, 1935, p. 318). « ... je parie que c'est encore un de ces m'as-tu-vu qui a peur de la syphilis. Question de chance, la syphilis! » Et, de force, elles le prirent, l'une après l'autre (MICHAUX, Plume, 1930, p. 167).
— [Suivi d'un adj. précisant le type de la maladie]
♦ Syphilis endémique, non vénérienne. Syphilis contractée accidentellement en dehors de tout contact sexuel (d'apr. Méd. Biol. t. 3 1972).
♦ Syphilis congénitale, précoce. Syphilis transmise par la mère par voie transplacentaire au fœtus pendant la grossesse. Syphilis congénitale précoce. Syphilis qui se manifeste dès la naissance et qui est caractérisée par des manifestations cutanées, muqueuses, viscérales et des signes osseux. Syphilis congénitale tardive. Syphilis qui se décèle après plusieurs années et qui est caractérisée par des anomalies dentaires, une kératite, une surdité labyrinthique et des troubles de l'ossification (notamment de la voûte du palais et des os du nez). Les hydarthroses syphilitiques sont rares (...) c'est la syphilis congénitale tardive qui est responsable du plus grand nombre de cas (RAVAULT, VIGNON, Rhumatol., 1956, p. 538).
Rem. La syphilis congénitale a longtemps été dénommée syphilis héréditaire avant qu'on la considère comme une syphilis acquise (v. hérédo-syphilis s.v. hérédo- I).
♦ Syphilis nerveuse. Atteinte syphilitique du système nerveux central. L'œuvre de Fournier sur la syphilis nerveuse devait être tout d'abord complétée grâce aux acquisitions du début du siècle sur la cytologie et la biologie du liquide céphalo-rachidien. Ces acquisitions (...) ont éclairé non seulement l'étude de la syphilis nerveuse, mais encore celle de la thérapeutique antisyphilitique en général (Ce que la Fr. a apporté à la méd., 1946 [1943], p. 124).
♦ Syphilis cérébrale. Syphilis localisée aux méninges et aux vaisseaux du cerveau. [La] paralysie générale. C'est la plus fréquente et la plus grave des syphilis cérébrales. (...) Le tréponème qui est le germe responsable de la syphilis a été mis en évidence au niveau de l'écorce cérébrale des sujets atteints de paralysie générale(QUILLET Méd. 1965, p. 355).
♦ Syphilis sérologique. Syphilis qui se manifeste par une réaction sérologique positive, en l'absence de tout symptôme (Méd. Biol. t. 3 1972).
— [Suivi d'un adj. précisant le stade de la maladie] Syphilis primaire. ,,Stade initial de l'infection syphilitique qui se manifeste cliniquement par l'apparition d'un chancre primaire induré`` (d'apr. Méd. Biol. t. 3 1972). Syphilis secondaire. ,,Stade de l'infection syphilitique dû à la dissémination du tréponème dans l'organisme par voie sanguine et lymphatique et qui se traduit essentiellement par des lésions cutanéo-muqueuses superficielles de courte durée`` (Méd. Biol. t. 3 1972). Syphilis tertiaire. Stade de l'infection syphilitique caractérisé par l'apparition, après une période de latence, par des lésions cutanées (gommes dermiques, tubercules, etc.), des lésions muqueuses (à prédominance buccale), des lésions viscérales (en particulier cardio-vasculaire) et des atteintes du système nerveux (tabès, paralysie générale) (d'apr. Méd. Biol. t. 3 1972).
Rem. Les conceptions épidémiologiques modernes ont conduit à une nouvelle classification: a) Syphilis récente, précoce. ,,Syphilis considérée pendant les deux premières années de son évolution`` (Méd. Biol. t. 3 1972). Cliniquement la syphilis récente peut présenter successivement les manifestations de la syphilis primaire et de la syphilis secondaire, ou uniquement celles de l'un de ces deux stades (ibid.). b) Syphilis tardive. Syphilis évoluant au-delà de deux ans et correspondant à la fin de la syphilis secondaire et à la syphilis tertiaire. Certains cas de syphilis tardive symptomatique (gomme, syphilis cutanée tertiaire, tabès non traité) peuvent comporter un liquide céphalo-rachidien (ibid.).
REM. 1. Syphilomanie, subst. fém., méd. Synon. de syphilophobie. Déjà, au début du XIXe siècle, les médecins déploraient la « syphilomanie » de certains malades (Cl. QUÉTEL, Le Mal de Naples, Hist. de la syphilis, 1986, p. 185). 2. Syphilophobe, subst., méd. Personne obsédée par la crainte morbide d'être atteint de la syphilis. Ce « syphilophobe » qui depuis vingt-six ans se cautérisait chaque jour lèvres, langue, gorge et nez au nitrate d'argent (Cl. QUÉTEL, Le Mal de Naples, Hist. de la syphilis, 1986, p. 186). 3. Syphilidophobie ou syphilophobie, subst. fém., méd. Crainte obsessionnelle et morbide de la syphilis. Synon. syphilomanie. Je veux bien que la « siphilido-phobie » soit une crainte déguisée de la souillure morale, que la phobie de la pau-vreté soit, déguisée toujours, la crainte de n'être pas aimé (belle et profonde expli-cation) (GREEN, Journal, 1943, p. 65). 4. Syphiloïde, adj. et subst. a) Qui a l'aspect de la syphilis. Lésion syphiloïde. (Ds GARNIER-DEL. 1989). b) Subst. fém. Éruption cutanée rappelant par son aspect celle de la syphilis, mais indépendante de cette maladie (Ds GARNIER-DEL. 1989).
Prononc. et Orth.:[sifilis]. Att. ds Ac. dep. 1835. Étymol. et Hist. 1659 syphilis, siphilis (Lettre de Guy Patin ds FEW t. 11, p. 653b-654a, note 1). Empr. au lat. de la Renaissance syphilis, mot créé par l'humaniste ital. Fracastoro de Vérone qui a publié en 1530 un poème intitulé Syphilidis seu morbi gallici libri tres. L'opinion la plus répandue veut que la syphilis soit une maladie d'orig. amér., apparue à la fin du XVe s. Sa première et importante diffusion a eu lieu parmi les soldats de Charles VIII qui assiégeaient Naples (1494), d'où le nom de mal de Naples sous lequel elle fut connue en fr. (v. FEW t. 7, p. 9, s.v. Naples; grayne de Naples, 1496, ANDRÉ DE LA VIGNE, Mystère Saint Martin, éd. A. Duplat, 2269; malle grayne, id., 63; aussi appelée bubon, pouplain). Les rivalités pol. aidant, chaque peuple a accusé un voisin de lui avoir transmis ce fléau: cf. esp. el mal francés, ital. il mal francese, all. die Franzosen, angl. the French disease (dès 1503, the Frenche pox, v. NED). Pour célébrer la découverte du remède tiré de la plante médicinale appelée le gaïac, Fracastoro raconte l'aventure du jeune berger amér. Syphilus qui entraîne le peuple à la révolte contre le dieu du soleil. Apollon se venge en le frappant ainsi que tout son peuple d'un mal redoutable dont la nymphe Ammerica leur donnera le remède (le gaïac). Fracastoro a puisé chez Ovide le nom de son berger et le thème de la vengeance d'Apollon: Sipylus est, chez OVIDE, Métamorphoses, VI, 231, le nom du fils aîné de Niobé, qui est né près du mont Sipylus en Lydie. Qq. mss d'Ovide portent la var. siphylus, d'où Fracastoro aurait tiré Syphilus, nom du jeune berger amér. Syphilis est non seulement le titre du poème mais aussi le nom de la maladie même, et a été formé p. anal., avec Aeneis, Thebais, etc. pour désigner le « poème de Syphilus », tout comme Aeneis est le poème d'Enée. (FEW t. 11, p. 653). Fréq. abs. littér.:59.
DÉR. 1. Syphilide, subst. fém., pathol. Lésion cutanée (à l'exception du chancre) ou muqueuse de la syphilis secondaire et/ou tertiaire, présentant l'aspect d'une tache, d'une élevure purulente ou non. Syphilide bulbeuse, maculeuse, papuleuse, pustuleuse, secondaire, tertiaire. Pour mieux examiner Pécuchet, il lui souleva sa casquette — et apercevant un front couvert de plaques cuivrées: — Ah! ah! fructus belli! — ce sont des syphilides, mon bonhomme! soignez-vous! diable! ne badinons pas avec l'amour (FLAUB., Bouvard, t. 2, 1880, p. 87). Au cours de la syphilis secondaire, il est tout à fait ordinaire de constater des syphilides pigmentaires cervicales (JOSUÉ, GODLEWSKI ds Nouv. Traité Méd. fasc. 8 1925, p. 355). — [sifilid]. — 1res attest. 1818 syphilide pustuleuse merisée (ALIBERT, Précis sur les maladies de la peau, t. 2, p. 222), 1830 syphilide papuleuse (Encyclop. méthod. Méd., s.v. syphilis); de syphilis, suff. -ide. 2. Syphiloïde, adj. et subst. a) Qui a l'aspect de la syphilis. Lésion syphiloïde. (Ds GARNIER-DEL. 1989). b) Subst. fém. Éruption cutanée rappelant par son aspect celle de la syphilis, mais indépendante de cette maladie (Ds GARNIER-DEL. 1989). 3. Syphilome, subst. masc., pathol. Tumeur d'origine syphilitique. Syphilome diffus. Le syphilome (...) est (...) encore désigné sous le nom de gomme syphilitique (QUILLET Méd. 1965, p. 341). Syphilome primaire. Chancre induré. Des tréponèmes (...) pullullent (...) dans toute l'étendue du syphilome primaire (BORY ds Nouv. Traité Méd. fasc. 5, 1 1924, p. 46). — [sifilo:m], [-]. Lar. Lang. fr. [o:], ROB. 1985 [o:] ou []. — 1re attest. 1865 (LITTRÉ-ROBIN); formé de syphilis et de -ome1.
BBG. — MIGL. Nome propr. 1968 [1927], p. 174. — QUEM. DDL t. 21 (s.v. syphilide et syphilome). — SPITZER (L.). Nazi, syphilis, syphilitique. Mod. Lang. Notes. 1936, t. 51, p. 35.
syphilis [sifilis] n. f.
ÉTYM. 1659, méd.; le mot usuel était vérole; répandu v. 1868 (Année sc. et industr. 1869, p. 486); lat. mod. syphilis « poème de Syphilus », personnage imaginé par Fracastor de Vérone (1530), d'après Sipylus, personnage d'Ovide (Métamorphoses, VI, 231). REM. Le mot a été masculin (cf. Encyclopédie, 1765) et s'est écrit siphilis, par fausse étymologie.
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1 Vx. Maladie vénérienne (lorsque la syphilis proprement dite était mal distinguée des autres affections transmises par contact sexuel, blennorragie notamment). ⇒ Vérole. → Mal de Naples, mal français. ⇒ Vénérien.
2 Mod. Maladie vénérienne contagieuse et inoculable causée par un tréponème. ⇒ Luès (didact.). || Séro-diagnostic (méthode de Bordet-Wassermann et test de Nelson, complétés aujourd'hui par les réactions d'immunofluorescence et d'hémagglutination), sérologie de la syphilis. || Stade primaire, secondaire (⇒ Roséole), tertiaire (⇒ Gomme) de la syphilis. || Syphilis précoce ou récente (infectieuse ou latente). || Syphilis tardive (latente ou symptomatique), évoluant depuis plus de deux ans. || Syphilis acquise, caractérisée par un chancre induré (accident primitif), puis par des éruptions (roséole; « couronne » ou « collier de Vénus ») accompagnées d'inflammation des « ganglions » (bubons), de lésions proliférantes ou dégénératives, parfois par un tabès. || Syphilis nerveuse : atteinte syphilitique du système nerveux central. || Syphilis congénitale, dite autrefois à tort héréditaire. ⇒ Hérédosyphilis. || Thérapeutiques de la syphilis par le gaïac, au XVIe siècle, par le mercure, du XVIIe au XIXe siècle (→ Sublimé corrosif), l'arsenic et ses composés, puis les sels de bismuth, les antibiotiques (pénicilline, auréomycine).
➪ tableau Principales maladies et affections.
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DÉR. et COMP. Syphilide, syphiligraphe, syphiligraphie, syphiligraphique, syphiliser, syphilithérapie, syphilitique, syphiloïde, syphilologie, syphilomanie, syphilome, syphilophobe, syphilophobie. Hérédosyphilis, neurosyphilis.
Encyclopédie Universelle. 2012.