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ÉNERGIES RENOUVELABLES
ÉNERGIES RENOUVELABLES

Les énergies renouvelables utilisent des sources inépuisables d’énergies d’origine naturelle: rayonnement solaire, vents, cycles de l’eau et du carbone dans la biosphère, flux de chaleur interne de la Terre, effet de l’attraction lunaire et solaire sur les océans. Elles s’opposent ainsi aux énergies fossiles, dont les stocks forcément limités se sont constitués lors de la formation du système solaire (uranium, thorium), ou, au cours des âges géologiques, à partir d’une fraction infime de la biomasse terrestre qui a pu se fossiliser (charbon, pétrole, gaz naturel). Certaines sources d’énergies renouvelables se trouvent d’ailleurs à la charnière de la définition entre énergie de flux et énergie de stocks. Ainsi certains gisements de ressources géothermales peuvent-ils être exploités seulement durant quelques dizaines d’années, alors que leur reconstitution peut prendre un délai bien supérieur. De même, les gisements de tourbe, c’est-à-dire de végétaux en tout début de processus de fossilisation, nécessiteront plusieurs milliers d’années pour être à nouveau exploitables. Enfin, on englobe aussi dans les énergies renouvelables les flux de déchets de l’activité économique qui peuvent donner lieu à une valorisation énergétique: déchets de l’agriculture et de l’exploitation forestière, part combustible ou fermentescible des déchets industriels et des ordures ménagères.

1. Principes généraux des énergies renouvelables

La diversité des sources d’énergies renouvelables se retrouve aussi dans la variété des produits et vecteurs énergétiques qu’elles permettent de fournir: énergie thermique (capteurs solaires thermiques, géothermie...), combustibles solides, liquides et gazeux (biocombustibles et biocarburants, biogaz), électricité (hydroélectricité, centrales géothermiques et à biomasse, énergie éolienne, photopiles...). Cette variété permet aux énergies renouvelables de pénétrer le marché des produits et des services énergétiques de tous les secteurs économiques: agriculture et industrie, habitat et tertiaire, transports. Cette pénétration peut se faire par le biais de l’accès aux réseaux de distribution et de commercialisation de chaleur, de gaz, d’électricité et de carburants, ou directement par le biais d’applications décentralisées: chaudières à bois et chauffage solaire intégrés à chaque bâtiment, coopératives cantonales pour la production d’huiles végétales ou de biogaz, électrification rurale décentralisée par petits aérogénérateurs et systèmes photovoltaïques, pompes solaires pour l’alimentation de villages, etc. Cette possibilité d’applications décentralisées représente une opportunité irremplaçable pour amener le minimum de services énergétiques modernes (l’eau potable, l’électricité pour les besoins domestiques et communautaires de base: éclairage, éducation, santé, télécommunications...) dans les régions et les pays en développement, où les réseaux conventionnels de distribution d’énergie (électricité, pompes à essence, gaz en bouteille...) ne pénétreront pas avant des décennies et où l’utilisation de petits diesels se heurterait rapidement à des problèmes de coût d’approvisionnement et de nuisances locales.

Ainsi, comme toutes les ressources énergétiques, les énergies renouvelables doivent in fine concourir à mettre à notre disposition des services énergétiques: éclairage et chaleur, force motrice pour la production de biens et de services, transport de personnes et de marchandises, traitement et transmission de l’information, communication... Or, malgré le fait qu’elles sont inépuisables et pour la plupart d’accès «gratuit», les énergies renouvelables nécessitent pour être exploitées des ressources en capital, en matières premières et en main-d’œuvre. Leur exploitation rationnelle doit donc se concevoir comme le couronnement d’une démarche globale de maîtrise de l’énergie qui comporte plusieurs principes:

– La sobriété énergétique , qui permet de donner la priorité aux services énergétiques indispensables par rapport à ceux qui sont superflus, en limitant ces derniers de façon à pouvoir donner un accès généralisé aux premiers, notamment dans les pays en développement.

– L’efficacité énergétique , qui permet d’assurer ces services prioritaires en consommant le moins possible d’énergie primaire, c’est-à-dire de ressources énergétiques fossiles ou renouvelables. Ceci peut se faire en choisissant des appareils et des procédés à haut rendement. Par exemple, le choix de lampes à fluorescence plutôt qu’à incandescence permet de diviser par cinq la consommation d’électricité à niveaux d’éclairages équivalents; le recours à la cogénération, c’est-à-dire à la production simultanée de chaleur et d’électricité dans une centrale électrique, permet de valoriser jusqu’à 80 p. 100 de l’énergie contenue dans le combustible, au lieu de seulement 30 à 40 p. 100 dans une centrale conventionnelle ne produisant que de l’électricité.

– Le respect de l’environnement , qui implique le recours à des sources d’énergie qui soient le plus possible compatibles avec l’environnement local, régional et planétaire et dont l’exploitation puisse se faire à la fois dans les pays industrialisés et en développement, soit adaptée aux exigences des économies actuelles et ne s’accomplisse pas au détriment des générations futures.

Les énergies renouvelables, du fait de leur caractère inépuisable, de leur impact limité sur l’environnement et des progrès techniques et économiques accomplis pour leur exploitation, répondent de mieux en mieux à ces principes qui correspondent à ce que l’on appelle le «développement durable» et qui deviennent de plus en plus importants, notamment pour lutter contre le risque de réchauffement climatique. Ce dernier résulte du renforcement de l’effet de serre, qui est principalement dû à la combustion du charbon, du pétrole et du gaz naturel pour les usages énergétiques, alors que les énergies renouvelables n’émettent pas de gaz à effet de serre ou ont un bilan d’émission de dioxyde de carbone, ou gaz carbonique (CO2), pratiquement équilibré (usage rationnel de la biomasse où la croissance des plantes fixe le C2 émis lors de la combustion). Enfin, contrairement à l’énergie nucléaire, l’accès aux technologies d’énergies renouvelables n’est pas réservé à un petit nombre de pays. Ainsi, des gisements d’énergies renouvelables sont disponibles dans tous les pays du monde, même si la part relative des ressources offertes par la biomasse, par le soleil, par le vent et par l’eau disponibles localement peuvent varier. Par ailleurs, les techniques requises pour exploiter les énergies renouvelables vont des techniques traditionnelles (le bois de feu) à des techniques maîtrisables par tous les pays où des industries électromécaniques et chimiques sont déjà établies (hydroélectricité, énergie éolienne, capteurs solaires, biocombustibles et biocarburants...) et, enfin, à des techniques de pointe qui ont déjà donné lieu à des transferts de technologies réussis entre pays industrialisés et pays en développement, comme dans le cas de la fabrication locale de cellules, de modules et de systèmes photovoltaïques.

Pour autant, les avantages qualitatifs que présentent les énergies renouvelables ne doivent pas faire sous-estimer les difficultés qu’il reste à surmonter pour qu’elles puissent se développer rapidement et à grande échelle. En effet, la concurrence des énergies fossiles a toujours été vive, et elle demeure le frein principal à cet essor, notamment depuis le contre-choc pétrolier du milieu des années 1980, lorsque le prix du pétrole est passé de pics à près de 40 dollars par baril, après le choc pétrolier de 1979-1980, à quelque 10 dollars par baril en 1986, pour se fixer par la suite entre 15 et 25 dollars par baril. De plus, à l’horizon temporel qui peut être pris en compte par les décideurs économiques et politiques, c’est-à-dire au maximum trente ou quarante ans, il n’y a pas de risque de pénurie physique des énergies fossiles, y compris pour le pétrole. Le risque géopolitique induit par la concentration des deux tiers des réserves de pétrole conventionnel à faible coût de production (moins de 2 dollars par baril) dans cinq pays du Moyen-Orient reste cependant patent, d’autant que cette proportion devrait atteindre les trois quarts avant 2020 et que la production cumulée des autres pays producteurs a déjà amorcé son déclin dans les années 1990.

Cette prépondérance des énergies fossiles – et, au premier chef, du pétrole – dans le bilan énergétique mondial, du fait de leur faible coût et de leur facilité de transport, de transformation et d’utilisation, est donc très forte. Après un siècle d’investissements massifs, la production hydroélectrique mondiale est de l’ordre de 2 300 TWh (1 térawattheure [TWh] est égal à 1 milliard de kilowattheures [kWh]) soit plus de 510 millions de tonnes équivalent pétrole (Mtep), soit moins de 6 p. 100 des quelque 9,5 milliards de tonnes équivalent pétrole (Gtep) des besoins totaux d’énergie primaire (B.T.E.P., usages commerciaux et non commerciaux). Cinquante ans d’investissements, encore plus massifs, dans l’énergie nucléaire n’ont eux aussi abouti qu’à 2 200 TWh/an d’électricité. On voit, à partir de ces deux exemples, que changer la composition du bilan énergétique mondial ne peut être qu’une affaire de générations. Aussi, est-ce une raison de plus de ne pas prendre de retard si l’on veut vraiment agir pour réduire les risques géopolitiques dus à la mauvaise répartition de plus en plus accentuée des réserves de pétrole (et, dans une moindre mesure, de gaz naturel) et pour diminuer les risques de réchauffement climatique. Un autre grand chantier est d’ouvrir ce bilan énergétique mondial – notamment au travers d’énergies renouvelables exploitées localement et de façon décentralisée – à la couverture des services énergétiques de base dont est privée la majorité de la population de la planète, et notamment les populations rurales des pays en développement. Bien qu’elles représentent environ la moitié de la population mondiale, ces dernières contribuent de façon négligeable à la consommation d’énergies commerciales dans le monde. Elles consomment cependant de l’énergie via des circuits non commerciaux officiels, notamment pour la cuisson des aliments. En incluant cette application, la consommation de biomasse dans le monde peut ainsi être évaluée à 1,3 Gtep, dont plus de 1,1 Gtep dans les pays en développement, principalement sous forme de bois de feu.

Au total, la contribution des énergies renouvelables au bilan énergétique mondial réel est significative: leur part atteint les 19 p. 100 des consommations d’énergie mondiales commerciales et non commerciales.

Dans le futur, le développement des énergies renouvelables passera dans les pays en développement, par le remplacement de la consommation «sauvage» de biomasse non commerciale par des formes modernes et rationnelles d’utilisation de la biomasse et des autres ressources renouvelables locales. Dans les pays industrialisés, ce développement sera subordonné à l’accès des «nouvelles énergies renouvelables» (autres que la grande hydroélectricité et le bois énergie traditionnel) aux réseaux de commercialisation et de distribution des produits et des services énergétiques.

Grâce aux avancées scientifiques, techniques et économiques, qui améliorent les performances et la compétitivité des filières d’énergies renouvelables, ce double objectif peut être atteint si l’accès de ces dernières aux marchés correspondants est facilité par un contexte suffisamment incitatif pour arriver à créer des «cercles vertueux»: l’augmentation des séries permet de diminuer les coûts, donc d’élargir les marchés accessibles et, à terme, d’obtenir la rentabilité économique. Sans compter que les progrès ainsi obtenus permettraient un passage rapide à une utilisation à grande échelle en cas de brusque remontée des prix des énergies conventionnelles ou en cas de nécessité de réagir, autrement que par des discours, à un signal incontestable de réchauffement climatique.

Indépendamment de ces caractéristiques communes, les différentes filières d’énergies renouvelables présentent des spécificités propres.

2. L’utilisation directe de l’énergie solaire

L’énergie solaire permet d’assurer des conditions de température favorables à la vie et anime les cycles de l’eau, des vents et du carbone dans la biosphère. Mais elle peut aussi être utilisée directement pour produire de la chaleur à différents niveaux de température pour divers usages: chauffage et climatisation de locaux, séchage de produits agricoles, production d’eau chaude et de vapeur, production d’électricité par le biais de cycles thermodynamiques. La production d’électricité peut être aussi obtenue directement par la conversion photovoltaïque de l’énergie solaire au moyen des photopiles (appelées aussi «cellules solaires»).

Le flux solaire incident en dehors de l’atmosphère est en moyenne de 1 367 W/m2. L’énergie reçue par la Terre en un an est donc de 5,54 憐 1024 joules, dont 30 p. 100 sont réfléchis et renvoyés dans l’espace, 23 p. 100 sont utilisés pour le cycle évaporation/précipitation de l’eau et moins de 1 p. 100 pour le cycle du carbone (croissance de la biomasse), des vents et des courants. Le reste est absorbé par l’air, les continents et les océans et transformé en chaleur, ce qui représente plus de 62 000 Gtep/an (1 tep = 42 憐 109 J), soit plus de 6 000 fois la consommation mondiale d’énergie primaire. On conçoit aisément l’enjeu pour l’humanité de pouvoir transformer quelques dix millièmes de cette quantité d’énergie pour assurer un développement énergétique durable sur le très long terme, puisqu’un tel prélèvement, destiné in fine à se dégrader lui aussi en chaleur à basse température, ne changerait aucunement le bilan énergétique de la planète.

Pour toutes les applications directes de l’énergie solaire, le gisement solaire local doit être caractérisé soigneusement puisqu’il présente des variations géographiques et saisonnières importantes. On dispose pour cela d’atlas solaires détaillés, de banques de données et de logiciels de calcul et de simulation. Ce n’est que dans des cas très spécifiques qu’il est nécessaire de procéder préalablement à des campagnes de mesures du gisement, par exemple en cas de possibilité de microclimats très accentués ou de projets de centrales solaires à concentrateurs où la connaissance fine de la répartition entre rayonnement direct (provenant du disque solaire) et le rayonnement diffus est nécessaire.

Les applications thermiques à basse température de l’énergie solaire

Le dispositif de base utilisé pour capter l’énergie solaire est le capteur solaire plan à effet de serre. Cet effet de serre est créé par la face avant, qui est transparente au rayonnement visible et du proche infrarouge correspondant à l’énergie solaire directe ou diffuse, mais qui est opaque au rayonnement infrarouge lointain émis par l’absorbeur, qui s’est échauffé après avoir reçu le rayonnement solaire. Comme les autres faces du capteur sont soigneusement calorifugées, l’énergie incidente se trouve ainsi «piégée» et la température à l’intérieur du capteur s’élève jusqu’à ce qu’un équilibre s’établisse entre l’énergie solaire incidente, les pertes thermiques et le soutirage de chaleur utile que l’on effectue par le biais d’un fluide caloporteur (eau ou air) que l’on fait circuler contre ou à l’intérieur de l’absorbeur. Le paramètre principal d’un capteur solaire est son rendement, qui dépend de ses performances optiques (transparence de la face avant, coefficient d’absorption élevé et coefficient d’émission faible de l’absorbeur) et thermique (faible coefficient de pertes thermiques). Les rendements instantanés des capteurs solaires diminuent lorsque leur température moyenne d’utilisation augmente. On en déduit donc que l’on a intérêt à les faire fonctionner à une température la plus basse possible, d’où deux recommandations de base:

– Pour le chauffage de l’eau sanitaire, le chauffe-eau solaire doit recevoir en priorité l’eau froide et le système de chauffage d’appoint, indispensable pour les périodes peu ensoleillées, ne doit jamais préchauffer l’eau mais seulement compléter son chauffage.

– Pour le chauffage des locaux, il est préférable de choisir un mode de distribution de la chaleur à la plus faible température possible. Ce principe a mené à la mise au point du chauffage par «plancher solaire direct», où l’eau chauffée par les capteurs solaires va céder sa chaleur par l’intermédiaire d’un réseau de tubes dans un plancher qui la réémettra à moins de 25 0C. Les apports solaires peuvent alors représenter entre 40 et 60 p. 100 des besoins annuels de chauffage et d’eau chaude sanitaire.

Pour ces applications optimisées, les rendements moyens annuels des systèmes solaires thermiques sont de l’ordre de 30 à 40 p. 100, soit une productivité annuelle moyenne de 300 à 600 kWh/m2 (respectivement dans le nord et le sud de la France).

Une innovation importante pour la commercialisation des systèmes solaires thermiques est venue de la mise au point et de la mise en œuvre de la «garantie de résultats solaires», concrétisée par un contrat qui engage les entreprises vis-à-vis de leurs clients et par un suivi permettant de vérifier si la production de chaleur est conforme aux prévisions. En cas de différence aux dépens du client, les entreprises doivent apporter, à leurs frais, les modifications nécessaires. Appliquée en premier lieu à de gros systèmes de chauffage solaire de l’eau dans des collectivités, cette garantie pourrait s’étendre, avec des procédures adaptées, aux particuliers.

L’enveloppe d’un bâtiment peut, elle aussi, être considérée comme un capteur solaire, à implanter et à orienter soigneusement en tenant compte des spécificités de son environnement local (ensoleillement, vents dominants...), avec pour fonction de maximiser les «apports solaires gratuits» (par les fenêtres ou des espaces tampons comme les vérandas, les atriums ou les serres solaires), de les stocker et de les répartir. Ces règles «d’architecture solaire» (appelée aussi «architecture bioclimatique» ou «solaire passif»), associées à des composants et à une conception thermique à haute efficacité, permettent de diminuer sensiblement les besoins de chauffage et de climatisation, et, par conséquent, le surcoût d’un chauffage solaire actif, qui reste toujours possible. Cette démarche n’est pas limitée à l’habitat individuel, elle s’applique aussi à l’habitat collectif et aux bâtiments du secteur tertiaire. Les résultats peuvent être spectaculaires: ainsi, sur un programme de trois cent cinquante logements individuels à loyer modéré dans la Drôme, le recours à une conception bioclimatique n’a entraîné aucun surcoût de construction. En revanche, la réduction des consommations annuelles d’énergie pour le chauffage a été estimée à 35 p. 100.

Les applications thermiques à moyenne et haute température de l’énergie solaire

Il existe toute une panoplie de capteurs et de procédés solaires adaptés à la fourniture de chaleur à moyenne température (de 90 à 200 0C) et à des applications spécifiques comme la production de froid, la climatisation ou les procédés industriels (dessalement de l’eau de mer, production de vapeur...), mais la concurrence des énergies conventionnelles à faible coût ne leur a pas permis pour le moment de dépasser le stade de projets de démonstration.

L’accès à la production d’électricité constitue un débouché stratégique et valorisant. Des efforts importants ont donc été consentis pour mettre au point des centrales solaires thermodynamiques, où une «chaudière solaire» constitue la source chaude d’un cycle thermodynamique soumis au rendement de Carnot. Les centrales de petite puissance (quelques dizaines à quelques centaines de kilowatts, par exemple celle de 100 kW à Vignola, en Corse, 1980) n’ont pas trouvé de débouchés en raison de leur faible rendement et de la concurrence prévisible de la filière photovoltaïque, mieux adaptée à la production décentralisée d’électricité du fait de sa modularité et de sa simplicité d’exploitation. Pour les puissances supérieures, deux technologies ont été développées:

– Les centrales à tour , d’une puissance de 1 à 10 MW, où des miroirs orientables, appelés «héliostats» concentrent les rayons du soleil sur une chaudière située au sommet d’une tour (fonctionnement de 400 à 500 0C). Les variantes principales concernent soit l’évaporation directe d’eau dont la vapeur sera détendue dans une turbine (centrale Solar One, États-Unis, 1982), soit l’usage d’un fluide intermédiaire et d’un stockage tampon (centrale Thémis de 2,5 MW à Odeillo, Pyrénées-Orientales, 1983; centrale Solar Two, résultant de la transformation de Solar One, États-Unis, 1996). Ces centrales pilotes ont permis de valider les options techniques principales, mais l’analyse économique montre qu’il serait nécessaire de passer à des puissances bien supérieures (typiquement de 30 à 100 MW) pour viser une compétitivité vis-à-vis de l’électricité en heures de pointe ensoleillées.

– Les centrales à concentrateurs cylindro-paraboliques , concentrant le rayonnement solaire direct sur un tube absorbeur où circule un fluide résistant à la chaleur (fonctionnement de 250 à 300 0C), qui sert à produire de la vapeur d’eau. Plusieurs de ces centrales, qui totalisent une puissance supérieure à 350 MW, ont été construites en Californie jusqu’au début des années 1990, avec des tranches atteignant 80 MW, dans un contexte alors favorable à l’énergie solaire (déductions fiscales, tarifs de vente de l’électricité solaire attractifs). Grâce à leur simplicité, à leur fonctionnement pendant les heures de pointe où l’électricité est très chère et à un recours d’appoint au gaz naturel limité à 20 p. 100, ces centrales continuent à être exploitées industriellement. La construction de nouvelles centrales dans un contexte actuellement moins favorable dépend à la fois de progrès techniques (par exemple, de la mise au point de l’évaporation directe d’eau dans les tubes absorbeurs) et de financements internationaux attractifs, ou de subventions dans le cas d’investissements dans des pays en développement.

La conversion photovoltaïque de l’énergie solaire

Le rayonnement solaire, aussi bien direct que diffus, peut être converti directement en électricité, sous forme de courant continu au moyen des photopiles, sans avoir ainsi besoin de recourir à un cycle thermodynamique. Les systèmes photovoltaïques, sont donc particulièrement simples, puisque, à l’inverse des centrales électriques thermiques conventionnelles ou solaires, ils ne comportent ni fluides à haute température et sous pression, ni pièces tournantes, ni la nécessité de la présence d’une «source froide» consommant de l’eau.

L’installation, l’utilisation, l’entretien et la maintenance des systèmes photovoltaïques sont donc particulièrement simples, et l’expérience acquise maintenant sur des centaines de milliers de systèmes a effectivement montré qu’avec un minimum de formation initiale, aussi bien les utilisateurs que les petites et moyennes entreprises ou les artisans locaux chargés de l’installation, de l’entretien et de la maintenance s’approprient aisément cette technologie, aussi bien dans les pays industrialisés que dans les pays en développement. Par ailleurs, du fait de leur modularité, les systèmes photovoltaïques sont particulièrement bien adaptés à la production décentralisée d’électricité et à la fourniture de services énergétiques de base en sites isolés: électrification rurale (pour les besoins domestiques et les besoins communautaires: centres de santé, écoles, etc.), pompage de l’eau, réfrigération, télécommunications, etc. Ils constituent donc une solution de choix pour les populations rurales des pays en développement qui ne pourront pas être reliées avant des décennies, voire des générations, aux réseaux électriques conventionnels – ce qui concerne environ deux milliards d’habitants. Dans ces applications, plus que le coût du kilowattheure (de l’ordre de 10 à 20 francs pour les systèmes photovoltaïques avec batteries pour les sites isolés), c’est le coût du service énergétique rendu qui est important. On constate que le kit de deux modules de 100 Wc (le watt crête [Wc] est la puissance fournie par un module photovoltaïque soumis aux conditions normalisées d’essai: éclairement énergétique de 1 000 W/m2, température des cellules de 25 0C, répartition spectrale normalisée) donnant accès à l’éclairage, au radiocassette et à une petite télévision coûte moins cher, en valeur moyenne, que le raccordement au réseau électrique pour un abonné en zone rurale des pays en développement. La clé de la diffusion à grande échelle de ces équipements réside dans la mise à disposition de crédits adaptés auprès des familles concernées: seules quelques familles des pays en développement peuvent acheter cash un kit à 4 200 francs. Un crédit de type privé (durée deux ans et taux d’intérêt de 20 p. 100) couvrant 80 p. 100 de l’investissement personnel coûte 185 francs par mois et ne permettrait l’accès de l’équipement qu’à 5 ou 10 p. 100 des villageois. Des prêts bonifiés (durée cinq ans, taux d’intérêt 3 p. 100) réduisent les mensualités à 63 francs, ce qui permettrait d’électrifier jusqu’à 50 p. 100 des familles. Au-delà, un système de subventions à l’investissement est nécessaire, tout comme dans les pays industrialisés, où l’électrification rurale est subventionnée, par exemple à hauteur de 90 p. 100 dans le cas de la France. Ainsi, c’est en appliquant ce dernier taux de subvention à l’électrification photovoltaïque que, en France (principalement dans les départements et territoires d’outre-mer), plus de cinq mille foyers non raccordés au réseau sont maintenant électrifiés par générateurs photovoltaïques.

Des expériences et des programmes pilotes ont aussi permis de démontrer la faisabilité et l’intérêt de la production d’électricité sur réseau (au total, 51,5 MWc de ces applications installées fin 1995 dans les pays industrialisés), soit au moyen de centrales photovoltaïques de quelques centaines de kilowattcrêtes à quelques mégawattcrêtes, soit au moyen de petits générateurs domestiques de 2 à 4 kWc intégrés aux bâtiments (sous forme de «toits photovoltaïques»). Le coût du kilowattheure produit est encore élevé (de 5 à 10 francs selon que l’implantation concerne le sud ou le nord de l’Europe), mais, dans le cas des toits photovoltaïques, les programmes pilotes (Suisse: 600 réalisations; Allemagne: 2 500; Japon: 14 000) ont montré que les utilisateurs sont plus motivés par l’attrait d’une haute technologie favorable à l’environnement que par des économies financières sur leurs dépenses d’électricité. À terme (vers 2005), lorsque les prix installés seront au-dessous de 25 francs le wattcrête (au lieu de 44 francs sur les programmes lancés en 1997), c’est-à-dire lorsque le coût d’un équipement de 3 kWc permettant de produire sur l’année autant que la consommation d’électricité spécifique d’une famille appliquant les principes de sobriété et d’efficacité énergétique sera au-dessous de 75 000 francs), il semble que les subventions à l’investissement seront moins nécessaires pour créer un marché de plusieurs dizaines de milliers de toits par an dans chacun des grands pays industrialisés.

Ces deux exemples, aussi opposés que les kits et les toits photovoltaïques, montrent que même sur une technologie d’énergie renouvelable dont le prix du kilowattheure est élevé, on peut aussi amorcer des «cercles vertueux» permettant d’enclencher d’autres baisses de coûts, ouvrant des perspectives d’utilisation à grande échelle aussi bien dans les pays en développement que dans les pays industrialisés.

3. La biomasse

La biomasse est formée de l’ensemble des organismes vivants sur les continents et dans les océans, qu’ils soient des micro-organismes, des plantes ou des animaux. Cependant, son exploitation énergétique concerne principalement les plantes et les arbres. Grâce à la photosynthèse, mettant en jeu les molécules de chlorophylle, les plantes utilisent l’énergie solaire pour décomposer l’eau qu’elles contiennent dans leurs cellules et le gaz carbonique de l’atmosphère pour les transformer en matières végétales, principalement des hydrates de carbone (sucres) et de la cellulose, ce que l’on peut schématiser par: CO2 + H2O + énergie solairematières végétales + 2. Ces matières végétales, pour la plupart, se décomposent par oxydation soit directement en présence de l’oxygène de l’air, soit après avoir été ingérées et digérées par des animaux qui opéreront cette transformation lors de leur respiration, avec, dans les deux cas, comme sous-produits de l’énergie thermique, du gaz carbonique et de l’eau.

Une très petite partie de la biomasse sera décomposée par fermentation anaérobie (hors de la présence d’oxygène, par exemple dans l’eau des marais) et formera du méthane (CH4). Enfin, une infime partie sera transformée en tourbe en quelques milliers d’années, et une partie encore plus infime sera transformée en charbon et en hydrocarbures en plusieurs dizaines ou centaines de millions d’années.

Le charbon, le pétrole et le gaz naturel, formés au cours des âges géologiques à partir de la biomasse, et que nous brûlons depuis la révolution industrielle, libèrent ainsi non seulement de «l’énergie solaire fossile» dont nous bénéficions, mais aussi du «carbone fossile»; ce dernier, après son oxydation par l’oxygène de l’air lors de la combustion, va augmenter artificiellement la teneur en gaz carbonique de l’atmosphère, renforçant ainsi l’effet de serre naturel.

À l’inverse, lorsque nous utilisons de la biomasse à des fins énergétiques, soit directement sous forme de «biocombustibles» comme le bois, soit après l’avoir transformée en «biogaz» (mélange de méthane, d’un peu de C2 et d’autres gaz) ou en biocarburants, le C2 émis lors de la combustion ou de l’oxydation sera refixé par les plantes lors de leur croissance, à condition que l’on prenne la précaution d’équilibrer la croissance de biomasse par plantations et les prélèvements à usages énergétiques. Par ailleurs, les plantes ne contenant pratiquement pas de soufre, leur combustion ne libère pas de dioxyde de soufre, susceptible de se transformer en acide sulfurique et de donner lieu au phénomène des pluies acides.

Le recours à la biomasse pour des usages énergétiques en remplacement de combustibles fossiles présente donc des avantages importants pour l’environnement local, régional et planétaire. De plus, le gisement mondial de biomasse est suffisamment important pour permettre sans problème une utilisation énergétique à grande échelle, en substitution de combustibles fossiles.

Ainsi, le stock terrestre de biomasse est de l’ordre de 2 000 Gt (gigatonnes = milliards de tonnes), dont 1 800 sur les continents, en majorité sous forme de forêts qui représentent à elles seules 1 600 Gt. Néanmoins, une utilisation «soutenable» de la biomasse à usage énergétique ne doit pas faire appel à ce stock, mais au flux annuel de production. Sur les seuls continents, celui-ci est de l’ordre de 400 Gt/an (humidité comprise), correspondant à environ 120 Gt/an de matière sèche et représente un contenu énergétique d’environ 3 000 EJ/an (1 exajoule/an [EJ/an] = 1018 joules/an), soit plus de 71 Gtep/an (milliards de tonnes équivalent pétrole par an). Sur ce total, les prélèvements humains actuels pour l’alimentation sont de l’ordre de 2,1 Gtep (environ un quart sous forme de céréales et trois quarts sous forme de nourriture pour les animaux dont la viande ne participe qu’à environ 1/7 des apports énergétiques de la nourriture quotidienne). Les prélèvements pour les matériaux (bois, papier) sont d’environ 0,4 Gtep et pour la biomasse-énergie d’environ 1,3 Gtep (dont plus de 1,1 Gtep dans les pays en développement, principalement sous forme de bois de feu). Au total, l’homme prélève l’équivalent de 3,8 Gtep sur les 71 Gtep de production annuelle de biomasse, soit moins de 6 p. 100. Dans les scénarios les plus volontaristes d’utilisation à grande échelle de la biomasse à long terme pour les besoins énergétiques, tel le scénario de la Conférence des Nations unies pour l’environnement et le développement présenté en 1992 pour l’horizon 2050, l’objectif de la contribution énergétique de la biomasse est de 4,9 Gtep, soit moins de 7 p. 100 de la production annuelle de biomasse continentale. En supposant un triplement des prélèvements pour la nourriture et un quadruplement de ceux pour les matériaux sur la même période, les prélèvements humains sur la production de biomasse continentale seraient alors de 12,8 Gtep, soit 18 p. 100 de la ressource annuelle disponible.

Si le développement à grande échelle des usages énergétiques de la biomasse n’est donc pas limité globalement par les ressources naturelles, des facteurs qualitatifs influeront fondamentalement sur ce développement à moyen et à long terme:

– La compétition entre les usages alimentaires et non alimentaires des ressources naturelles (sol arable, eau...) sera très forte dans des zones à haute densité démographique, notamment en Asie. Le maintien d’un équilibre alimentaire fondé sur la prépondérance des apports nutritifs directs par les céréales et des apports indirects par la viande sera un facteur clé dans ces zones afin de préserver un potentiel suffisant d’usages énergétiques de la biomasse à partir de l’exploitation des forêts ou de cultures énergétiques.

– Les usages non rationnels de la biomasse, c’est-à-dire ceux pour lesquels les prélèvements sont supérieurs à l’accroissement naturel et où l’utilisation énergétique de la biomasse se fait avec un rendement global très faible, devront être remplacés avec une gestion de la ressource fondée sur un équilibre prélèvement/croissance naturelle par le biais de plantations ou de reboisements, et, en parallèle, le recours à des appareils à haut rendement pour l’usage final de la biomasse récoltée. Il s’agit, en priorité, de modifier l’usage traditionnel du bois de feu, utilisé par des milliards de ruraux dans les pays en développement. Cet usage conduit trop souvent à la déforestation et à un gaspillage énergétique, le recours au foyer ouvert traditionnel ne permettant d’utiliser que moins de 5 p. 100 de l’énergie du bois! Le passage à des «foyers améliorés» peut à lui seul diminuer d’un facteur supérieur à deux la consommation de bois de feu et réduire d’autant le besoin de reboisement. Mais la diffusion à grande échelle de ces foyers améliorés se heurte au faible pouvoir d’achat des populations concernées, aux réticences à changer les habitudes de cuisson et au peu d’intérêt apporté par les pays industrialisés à la résolution de ce problème, malgré la réduction considérable des émissions de gaz à effet de serre qui serait induite par une réduction de la déforestation. En effet, cette dernière, qu’elle soit due à l’usage du bois de feu sans reforestation où à la culture sur brûlis, contribue pour environ 2 Gt à l’émission annuelle de carbone (soit 85 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre des pays en développement), à comparer aux quelque 6 Gt/an d’émissions mondiales de carbone dues à l’usage des combustibles fossiles.

– Dans les pays industrialisés, le développement de l’utilisation de la biomasse sera lié, d’une part, à une bonne synergie entre les politiques agricoles et énergétiques, par exemple en favorisant les cultures énergétiques sur les terres mises en jachères, et, d’autre part, au potentiel de pénétration des produits énergétiques issus de la biomasse dans les «réseaux énergétiques», pris soit au sens propre dans le cas des réseaux d’électricité, de chaleur et de gaz, soit au sens figuré dans le cas des réseaux de commercialisation des carburants et des combustibles. En effet, dans ce dernier cas, les applications décentralisées, comme le chauffage domestique au bois, risquent de diminuer pour les applications traditionnelles (poêles à bois dans l’habitat rural, avec collecte directe sur la propriété ou dans le voisinage), et leur remplacement par des chaudières à bois individuelles ou collectives à haut rendement suppose une disponibilité commerciale de ressources en biocombustibles garanties en quantité, en prix et en facilité d’usage (plaquettes, granulés...). Ce remplacement ne peut se faire sans aides publiques, au moins dans un premier temps, comme en Autriche, où ces subventions ont mené à l’installation de plus de 1 GW de chaufferies collectives au bois, ou comme l’a montré la décision des pouvoirs publics français de lancer en 1994 un «plan bois énergie», visant pour 1998 à une contribution de 50 000 tep/an par des chaufferies collectives alimentant de petits réseaux de chaleur.

– Les modifications des politiques fiscales sont aussi indispensables pour permettre aux biocarburants l’accès au marché des transports. Ainsi, en France, les biocarburants ont-ils été exonérés de la T.I.P.P. (taxe intérieure sur les produits pétroliers) compte tenu du caractère national de leur production (pas d’importations) et des avantages qu’ils présentent pour la politique agricole et l’environnement. Cette exonération compense ainsi la différence de coût entre les produits pétroliers importés (de 1 à 1,3 F/l) et les biocarburants (de 3 à 3,5 F/l, avec l’objectif de réduire ces coûts d’environ 1 F/l grâce à la recherche-développement et à l’industrialisation).

Le développement de la biomasse peut bénéficier des progrès déjà réalisés ou en cours dans les différentes filières et procédés d’utilisation de la biomasse.

C’est le cas de la mobilisation de la ressource de biomasse. Celle-ci provient tout d’abord de sous-produits des exploitations forestières, agricoles et d’élevage. Sa quantité peut être augmentée en collectant systématiquement ces sous-produits, en évitant de les brûler ou de les transformer en déchets – évitant ainsi deux problèmes d’environnement. La qualité de cette ressource peut être améliorée au niveau de la collecte (débroussaillage mécanisé), du conditionnement (séchage, transformation en plaquettes ou en granulés) et du stockage (silos).

La ressource peut aussi provenir de cultures énergétiques spécifiques. Dans le cas du bois, on peut ainsi créer des taillis à courte rotation dont la plantation, la récolte (tous les trois à cinq ans) et le conditionnement seront complètement mécanisés. Les rendements dépendent du climat, de la qualité des sols, des espèces (peupliers, saule...), des apports en eau et en engrais. Pour les pays tempérés, le rendement moyen annuel est de dix tonnes de matière sèche par hectare, avec des maximums de 20 t/ha, soit une ressource brute d’environ 3,6 à 7,2 tep/ha. En comparaison, une forêt tropicale produit en moyenne 20 t/ha/an de matière sèche, avec des maximums de 35 t/ha/an. Les plantes peuvent aussi faire l’objet de cultures énergétiques: plantes amylacées riches en amidon (blé, topinambour...), plantes saccharifères riches en sucres (canne à sucre, betterave...), plantes oléagineuses et protéo-oléagineuses (tournesol, colza, soja...). Ces cultures à usage énergétique contribuent à la réduction du déficit financier des exploitations agricoles européennes sur les 15 p. 100 des terres arables qui ont dû être mises en jachères depuis 1992. Mais elles doivent s’accompagner de pratiques culturales soutenables en optimisant les apports en eau, en engrais et en produits phytosanitaires, de façon à ne pas réduire à néant les avantages environnementaux par des impacts négatifs sur les ressources naturelles (sols, nappes phréatiques, diversité biologique).

Les différentes ressources de biomasse à usage énergétique peuvent être transformées en produits énergétiques: chaleur (pouvant elle-même être transformée en électricité), combustibles solides (plaquettes et granulés de bois, charbon de bois), combustibles liquides (biocarburants), combustibles gazeux (biogaz), par différents procédés qui sont décrits ci-après ainsi que leurs principales applications.

La combustion directe

Le bois ou des sous-produits d’exploitation, comme la paille, peuvent être brûlés en présence d’air pour récupérer de la chaleur à différents niveaux de température adaptés à différents usages comme le chauffage de locaux, la production d’électricité ou la production combinée de chaleur et d’électricité (cogénération). Deux paramètres doivent être absolument optimisés: le contenu énergétique de la ressource, qui peut être amélioré par tri et séchage préalable (à l’air, ou en valorisant, par exemple, des rejets de chaleur inutilisés), et le rendement de conversion énergétique. Le rendement de conversion en chaleur varie énormément: de 2 à 5 p. 100 avec les foyers ouverts traditionnels pour la cuisson des aliments, 10 p. 100 avec les cheminées ouvertes, 30 p. 100 avec les poêles à bois, de 45 à 66 p. 100 avec les chaudières traditionnelles à tirage naturel, de 70 à 85 p. 100 avec les chaudières modernes à tirage forcé et à combustion inversée. Le passage de chaudières individuelles à des chaufferies collectives distribuant l’énergie par un réseau de chaleur local permet une rationalisation de la collecte, du conditionnement et du transport de la ressource (bois, paille...) ainsi qu’une automatisation de l’approvisionnement et de la conduite des chaudières, en optimisant les paramètres de combustion de façon à minimiser les rejets gazeux et à augmenter le rendement de combustion (jusqu’à 90 p. 100).

La pyrolyse

Il s’agit des procédés de transformation de la biomasse solide par la chaleur et en l’absence d’air. Les procédés traditionnels de pyrolyse utilisent des températures de 300 à 500 0C et permettent de produire du charbon de bois. Ce dernier a l’avantage de présenter par kilogramme un contenu énergétique double de celui du bois sec et de brûler plus proprement tout en donnant des températures plus élevées. Cependant, la production d’une tonne de charbon de bois nécessite de 4 à 10 tonnes de bois et environ deux tiers de l’énergie de ce bois sont perdus dans des produits volatils lors de la carbonisation. En dehors de la sidérurgie, le charbon de bois est utilisé principalement pour la cuisson dans les zones urbaines des pays en développement. Compte tenu des problèmes de déforestation déjà cités, le passage à des solutions de cuisson alternatives, comme le biogaz ou même le gaz en bouteille serait sans doute préférable. Les procédés modernes de pyrolyse utilisent des températures plus élevées et récupèrent l’énergie des produits volatils. Ils mènent à la production de produits liquides qui, du fait de leur acidité, doivent être traités avant d’être utilisés comme combustibles éventuels. Enfin, la pyrolyse rapide à haute température (de 800 à 900 0C) permet de transformer 10 p. 100 de l’énergie contenue dans le bois utilisé en combustible solide et 60 p. 100 en combustible gazeux de bonne qualité (gaz de synthèse riche en hydrogène et en monoxyde de carbone [CO]). Techniquement, il serait possible de transformer ce gaz de synthèse en méthane ou en méthanol (utilisable comme carburant), mais actuellement les coûts relatifs du gaz naturel et du méthanol produit à partir de charbon rendent non rentables ces procédés.

La gazéification

La gazéification de la biomasse solide (bois, paille) peut être obtenue en présence de vapeur et d’oxygène. Les procédés de gazéification à l’air, à faibles température et pression, (les «gazogènes» traditionnels) ne permettent que la production de «gaz pauvre», mélange de monoxyde de carbone et d’hydrogène, et de 50 p. 100 d’azote et de gaz carbonique, qui sont incombustibles. La valeur énergétique du gaz pauvre est donc très faible (de l’ordre du dixième de celle du gaz naturel), et son seul intérêt est de pouvoir valoriser sur place une ressource locale gratuite, pour entraîner, par exemple, un moteur à gaz de quelques dizaines de kilowatts et produire de d’électricité. Des procédés évolués de gazéification visent, d’une part, à améliorer la qualité du gaz produit et, d’autre part, à augmenter la taille des installations pour pouvoir alimenter des centrales électriques de plusieurs dizaines de mégawatts. Ils nécessitent, en amont, une gazéification à l’oxygène à haute température et à haute pression et, en aval, une épuration du gaz. Pour la production d’électricité, les avantages de la gazéification sur la combustion directe résident dans une plus grande propreté de la combustion (absence de cendres et de goudrons), dans la possibilité d’obtenir des rendements plus élevés du fait de températures de combustion plus hautes, et, compte tenu de la possibilité de valoriser l’énergie contenue dans les gaz d’échappement de la turbine à gaz, dans la production de vapeur utilisable soit pour des procédés industriels, soit pour l’injecter dans la chambre de combustion (centrales à gazéification de biomasse intégrée et à injection de vapeur, connues sous l’acronyme anglais Bigstig ), soit pour la détendre dans une turbine à vapeur entraînant un alternateur (centrales à gazéification de biomasse intégrée et à cycles combinés IGCC). Ces centrales électriques en sont pour le moment au stade de la validation technique et économique sur des projets pilotes (Europe du Nord, États-Unis, Brésil).

La digestion anaérobie

Il s’agit de la transformation de la biomasse humide (boues de stations d’épuration, ordures ménagères, sous-produits de cultures et d’élevages...) par l’action de bactéries en l’absence d’air et en milieu tiède (plus de 35 0C) et humide (jusqu’à 95 p. 100 d’eau). Tout comme dans les processus naturels (gaz des marais), le produit obtenu est un mélange gazeux (appelé «biogaz»), formé de méthane (CH4), de gaz carbonique et d’autres gaz en traces. Les digesteurs peuvent être adaptés à des utilisations familiales dans les exploitations agricoles, notamment dans les pays en développement (plusieurs millions de ces appareils ont été construits en Chine et en Inde) en fournissant du gaz, pour la cuisson des aliments, et des fertilisants à partir de déjections animales. Mais les meilleurs rendements (de 200 à 500 m3 de biogaz contenant de 50 à 75 p. 100 de méthane par tonne de matière sèche utilisée) sont obtenus avec des digesteurs de taille industrielle (jusqu’à plusieurs milliers de mètres cubes) alimentés par des circuits organisés et pérennes de collecte des sous-produits d’élevages ou des fractions fermentescibles d’ordures ménagères (un tri préalable est indispensable dans ce dernier cas). Un des avantages principaux de la digestion anaérobie est son impact positif sur l’environnement, car on évite une fermentation naturelle menant à des émissions de méthane dans l’atmosphère (le biogaz brûlé se transforme en C2, vingt à trente fois moins actif en terme d’effet de serre que le méthane) et on recycle des sous-produits gênants et polluants (ordures ménagères, lisiers...) sous forme de produits énergétiques et de fertilisants. Outre les applications domestiques déjà citées, le biogaz peut être utilisé directement pour des besoins thermiques locaux. Après épuration, il peut aussi être injecté dans les réseaux de gaz ou être utilisé dans des moteurs, par exemple pour la production d’électricité dans des stations d’épuration, ou pour des bus en ville, avec l’avantage d’une pollution bien moindre qu’avec des moteurs Diesel.

La fermentation

Il s’agit d’un procédé anaérobie de transformation en alcool des sucres contenus dans les plantes (canne à sucre, betterave, céréales...) par des micro-organismes, comme les levures. L’alcool obtenu après distillation est de l’éthanol (C2H5OH), de préférence au méthanol (CH3OH). L’éthanol, d’un contenu énergétique de 30 GJ/t, peut être utilisé pur dans des moteurs à combustion spécialement adaptés à cet usage. C’est la solution adoptée au Brésil pour le plan «proalcool» de production à grande échelle d’éthanol à partir de canne à sucre, instauré après le premier choc pétrolier et qui a produit en 1995 plus de 12 millions de mètres cubes d’éthanol pur. Dans les pays industrialisés qui ont déjà un parc automobile conventionnel très important, l’éthanol est de préférence intégré en mélange à 5 ou 10 p. 100 dans les carburants, soit directement, soit sous forme d’E.T.B.E. (éthyl-tertio-butyl-éther, obtenu à partir de 45 p. 100 d’éthanol et de 55 p. 100 d’isobutylène). Le choix de la matière première pour la production d’éthanol est à la fois technique et économique. Les meilleurs rendements sont obtenus avec la canne à sucre (de 0,4 à 12 m3/ha/an), mais cette culture est impossible dans les pays occidentaux pour des raisons climatiques. Les rendements obtenus à partir de la betterave à sucre ou de céréales (maïs aux États-Unis, blé en Europe) sont inférieurs, mais ces cultures sont mieux adaptées aux politiques agricoles nationales et communautaires, en raison notamment de la possibilité de les mener sur les terres mises en jachère en Europe. Pour une application à grande échelle de l’éthanol biocarburant, l’enjeu est de pouvoir utiliser toute la plante ou le bois comme matière première, ce qui n’est pas possible actuellement car on ne sait pas encore transformer économiquement la cellulose en sucres (par exemple par hydrolyse enzymatique) afin de convertir ces derniers en éthanol.

Extraction mécanique et chimique

Les graines des plantes oléagineuses et protéo-oléagineuses (tournesol, colza, soja, etc.) peuvent être triturées et traitées pour en extraire des huiles végétales utilisables comme biocarburants. Ces huiles peuvent être utilisées brutes ou dégommées dans des moteurs spécialement adaptés (par exemple pour des tracteurs alimentés en biocarburants par une coopérative locale ou régionale). Mélangées à du fioul, elles peuvent être aussi utilisées directement dans des moteurs Diesel. Enfin, en les estérifiant avec de l’éthanol ou du méthanol, on obtient un biocarburant comme l’E.M.C. (ester méthylique de colza), déjà commercialisé en France où son incorporation est autorisée à hauteur de 5 p. 100 pour les usages standards ou de 30 p. 100 ou plus pour des flottes captives (parc de véhicules appartenant à un même propriétaire gérant lui-même l’entretien, la maintenance et l’approvisionnement en carburant de ce parc).

On voit que les procédés de transformation de la biomasse en produits énergétiques sont variés et qu’ils ont l’avantage de permettre des applications très diverses dans tous les secteurs économiques: agriculture, habitat et tertiaire, industrie et transports. Si toutes les applications ne se développent pas au même rythme et si les motivations pour leur utilisation dans un contexte donné peuvent être différentes – depuis la pénétration de marchés commerciaux du fait d’une rentabilité déjà assurée jusqu’aux politiques volontaristes d’ouverture de marchés –, les synergies des utilisations énergétiques de la biomasse avec les politiques agricoles, énergétiques, d’environnement et d’aménagement du territoire devraient permettre une continuité du développement de ces applications, aussi bien dans les pays en développement que dans les pays industrialisés.

4. L’hydroélectricité

Le cycle de l’eau dans la biosphère est fondé en particulier sur l’évaporation d’une infime partie de l’eau des océans par l’énergie solaire. Cette eau forme les précipitations, dont une partie tombe sur les continents et permet la croissance de la biomasse et la formation des rivières et des fleuves. L’énergie potentielle de ces précipitations entre leur point de chute sur les continents et le niveau de la mer est de l’ordre de 80 000 TWh/an. Sur ce total, le potentiel techniquement exploitable est de l’ordre de 15 000 TWh/an, alors que seulement 2 300 TWh/an sont actuellement exploités sous forme d’électricité produite par des centrales hydroélectriques. En assurant ainsi 18 p. 100 des 12 800 TWh d’électricité produites dans le monde en 1994, l’hydroélectricité est ainsi la principale filière de production mondiale d’électricité primaire (c’est-à-dire produite sans recourir au charbon, au pétrole ou au gaz). La croissance de sa contribution est régulière et correspond à plus de 10 GW/an de croissance du parc installé mondial. Dans le futur, cette croissance va continuer, compte tenu de plusieurs facteurs favorables:

– Seulement 15 p. 100 du potentiel technique est équipé, avec des situations très contrastées suivant les pays. Un petit nombre d’entre eux, dont la France et la Suisse, ont exploité plus de 90 p. 100 de leur potentiel technique, en démontrant ainsi qu’il est possible de mettre en valeur ce potentiel sans problèmes majeurs de coût et d’environnement. À l’opposé, l’Asie et l’Amérique latine n’ont exploité que 20 p. 100 de leur potentiel, et l’Afrique seulement 5 p. 100. Le potentiel de croissance est donc très important, en particulier dans les pays émergents et en développement.

– Le coût du kilowattheure hydroélectrique est compétitif vis-à-vis de l’électricité d’origine fossile (charbon et hydrocarbures), surtout si l’on prend en compte le fait que très souvent les aménagements hydroélectriques sont à buts multiples: énergie, irrigation, contrôle des crues, etc. Par ailleurs, une fois les emprunts initiaux remboursés, soit après vingt ou trente ans, le coût du kilowattheure hydroélectrique tombe de 0,3 F/kWh à beaucoup moins de 0,1 F/kWh (puisque seules les dépenses d’exploitation et d’entretien-maintenance sont à assurer, ainsi que des provisions pour de grosses réparations). Sur le long terme, on assiste ainsi à la création d’une «rente hydroélectrique», qui peut être très importante qualitativement et quantitativement.

– La «valeur» de l’hydroélectricité pour la gestion des systèmes électriques est très élevée, car, avec ses réserves de puissance des barrages mobilisables en quelques minutes, elle permet le mieux d’adapter finement l’offre à la demande d’électricité sur un réseau.

– Les technologies de fabrication des équipements (turbines, alternateurs) et de réalisation des ouvrages sont déjà maîtrisées par les grands pays en développement ou émergents (Chine, Inde, Brésil...), ce qui réduira leur déficit commercial avec les pays industrialisés.

– Les tailles des aménagements hydroélectriques sont adaptées aux différents besoins des communautés humaines: moyennes et grandes centrales (de 10 à 1 000 MW et plus) pour les réseaux interconnectés; petites centrales hydroélectriques (P.C.H., moins de 10 MW) pour les réseaux régionaux ou locaux et accessibles aux producteurs autonomes et aux collectivités locales; centrales villageoises de quelques kilowatts à quelques centaines qui ont un rôle économique et social irremplaçable dans les pays en développement. Ainsi, en Chine, de 1984 à 1992, plus de 90 millions d’habitants ont eu accès à l’électricité grâce à de petites centrales hydroélectriques villageoises autonomes, qui assurent à la fois les besoins domestiques et productifs (pompes d’irrigation, ateliers, petites industries locales). Au total, la production mondiale des P.C.H. peut être évaluée en 1993 à 80 TWh/an (dont 43 pour la Chine), alors que le potentiel technique et économique mondial est de plus de 500 TWh/an.

– Les solutions pour intégrer au mieux les aménagements hydroélectriques dans l’environnement local sont connues, et les méthodes d’analyse et les équipements adéquats sont disponibles (méthodes de détermination des débits réservés à laisser en permanence dans les rivières, conception des passes à poissons, turbines sur de très faibles chutes permettant d’éviter les barrages et les dérivations de fleuves...).

– Les progrès en cours et à venir sur le transport à longue distance de l’électricité permettront de plus en plus de mettre en valeur des «mégagisements» hydroélectriques encore inexploités (Himalaya, Andes, bas Zaïre, etc.). À plus long terme, si la production de nouveaux vecteurs énergétiques (hydrogène, par exemple) à partir de sources énergétiques ne produisant pas de gaz à effet de serre venait à se révéler nécessaire, l’hydroélectricité sur ce type de gisements serait sans doute la filière la mieux adaptée du fait de son faible coût et de sa disponibilité.

À l’inverse, des facteurs négatifs peuvent freiner le développement futur de l’hydroélectricité. Le plus important est la déréglementation du secteur électrique, à la fois dans les pays industrialisés et dans les pays émergents, qui conduit les compagnies d’électricité à faire des calculs économiques sur le court terme et donc à privilégier les centrales au coût d’investissement le plus faible (par exemple, les centrales au gaz naturel à cycles combinés), même si tous calculs faits, le coût de l’hydroélectricité serait plus intéressant sur le long terme. Le second facteur est la décision de pays industrialisés (la Suède, par exemple) de «geler» tout ou partie de leur potentiel hydroélectrique inexploité afin de laisser les rivières et les fleuves non aménagés à l’état naturel. Cette position peut se justifier tant que la nécessité de lutter contre les émissions de gaz à effet de serre n’apparaît pas clairement. En cas contraire, elle serait difficilement justifiable et ouvrirait plutôt la voie à des positions aussi radicales concernant d’autres filières d’énergies renouvelables – par exemple avec l’argument de laisser libres de toute intrusion d’aérogénérateurs les grands espaces ventés et sauvages de tel ou tel pays.

Le privilège, mais aussi le (léger) fardeau, de l’hydroélectricité est en effet d’avoir été la première filière d’énergie renouvelable industrialisée à grande échelle pour la production d’électricité. À ce titre, il vaut mieux analyser impartialement ses quelques revers et erreurs à la lumière de son succès et de ses réussites globales et en tirer des conclusions opérationnelles pour les autres filières d’énergies renouvelables, plutôt que de chercher à présenter celles-ci comme une relève et une alternative qui éviteront tous les aspects négatifs, réels ou imaginés, de l’hydroélectricité.

5. L’énergie éoliennne

L’énergie éolienne est l’énergie cinétique de l’air en déplacement dans une veine de vent. Sa transformation en énergie mécanique se fait au moyen d’éoliennes. Lorsque ces éoliennes sont équipées d’un générateur électrique, on les appelle des aérogénérateurs. Plusieurs de ceux-ci peuvent être regroupés sur un même site pour former un «parc d’aérogénérateurs» constituant une «centrale éolienne», appelée aussi une «ferme éolienne».

L’énergie éolienne a été domestiquée depuis l’Antiquité. En dehors de la marine à voile, qui a connu son apogée dans les années 1870 avec l’équivalent de 500 MW, les usages traditionnels de l’énergie éolienne ont d’abord valorisé directement l’énergie mécanique produite: entraînement de meules de moulins, pompage de l’eau. Les «moulins à vent» ont ainsi contribué au développement économique de l’Europe, depuis leur introduction au XIIIe siècle jusqu’à leur apogée au XIXe siècle. Sous Vauban, seize mille moulins à vent étaient ainsi en activité en France. Des tentatives d’utilisation de l’énergie éolienne pour la production d’électricité ont eu lieu dès la fin du XIXe siècle, avec un certain succès dans des régions bien ventées et ne disposant pas de ressources hydroélectriques. Ainsi, dès 1918, au Danemark, 3 MW d’aérogénérateurs participaient à l’électrification rurale; la production d’électricité éolienne dans ce pays a atteint 4 millions de kilowattheures au début des années 1940. Après la Seconde Guerre mondiale, ces installations ont été délaissées du fait de l’extension des réseaux interconnectés et des baisses de coût de l’électricité conventionnelle. Cependant, de nombreux prototypes d’aérogénérateurs ont été construits dans le monde dans les années 1950, sans pouvoir toutefois déboucher sur des applications commerciales du fait de la compétitivité sans cesse croissante des combustibles fossiles.

Après le premier choc pétrolier, des efforts pour développer à nouveau l’énergie éolienne ont été consentis, en particulier aux États-Unis et en Europe du Nord. Après une période de tâtonnements, souvent marquée par la mise au point de prototypes d’aérogénérateurs géants, il s’est révélé que la bonne stratégie était celle qu’avait choisie dès le début le Danemark. Elle a consisté à perfectionner une solution éprouvée (éoliennes tripales à axe horizontal orientées face au vent) et à augmenter progressivement la puissance des aérogénérateurs, en s’appuyant sur la création de marchés subventionnés donnant une base industrielle suffisante au développement de la filière.

La production d’électricité sur réseaux est ainsi devenue la principale application de l’énergie éolienne. C’est maintenant une activité industrielle et commerciale à part entière et en forte croissance : + 19 p. 100 par an d’électricité produite de 1988 à 1995, année où la production mondiale a dépassé les 9 TWh et où le marché mondial a dépassé le gigawatt, menant à un parc mondial de plus de 5 GW. Les baisses de coût du kilowattheure éolien sur réseau (moins de 0,4 F/kWh en 1997 sur un bon site, au lieu de 2 F/kWh au début des années 1980) qui ont résulté de ce développement et celles qui sont en cours et prévisibles (0,26 F/kWh en 2005 sur un bon site) laissent bien augurer de la pérennité du développement de ce marché sur le long terme. D’autant qu’il s’avère que cette application n’est pas réservée aux pays industrialisés. Ainsi, l’Inde avait réussi à installer un parc d’aérogénérateurs reliés au réseau de plus de 800 MW à la fin de 1996, alors que son objectif initial en 1990 n’était que de 500 MW pour la fin du XXe siècle! De plus, les impacts de la production d’électricité éolienne sur l’environnement sont très faibles et uniquement locaux (visibilité dans le paysage, perception auditive limitée à une distance de 200 à 800 m selon les cas), alors que ses bénéfices pour l’environnement local, régional et planétaire sont importants puisqu’un parc d’aérogénérateurs n’émet ni polluants ni gaz à effet de serre et qu’il ne génère pas de déchets. Enfin, les aérogénérateurs en fin de vie peuvent être démantelés et recyclés aisément et le site peut être remis à l’état naturel ou agricole sans dépenses notables, puisque les fondations et les accès d’une ferme éolienne moderne ne représentent que de 1 à 2 p. 100 de sa surface.

Les autres applications de l’énergie éolienne sont moins importantes en termes de marchés et d’activité industrielle, bien qu’elles répondent aux besoins de nombreuses populations. Citons:

– Le pompage d’eau au moyen d’éoliennes multipales, encore très répandu dans les pays ou les zones agricoles ne disposant pas de réseau électrique dense. Cependant, les progrès rapides du pompage photovoltaïque de l’eau rendent l’extension de cette application éolienne peu probable sur le long terme, malgré des efforts importants consacrés à sa modernisation dans les années 1980.

– La recharge de batteries pour fournir de l’électricité de base (éclairage, radio, petit poste de télévision) à une famille isolée, au moyen de petits aérogénérateurs de moins de deux mètres de diamètre, très répandue en Chine et en Mongolie (plusieurs centaines de milliers d’équipements, y compris chez les populations nomades). L’extension et la généralisation de cette application sont cependant freinées par la faiblesse du pouvoir d’achat des populations concernées et la concurrence des petits systèmes photovoltaïques.

– L’alimentation de petits réseaux électriques isolés par des systèmes hybrides éolien-diesel, où des aérogénérateurs de 10 à 100 kW peuvent produire une part importante de l’énergie annuelle. Cette application a un potentiel mondial très important (îles, pays en développement), et de nombreuses opérations pilotes ont été réalisées avec succès dans les années 1990, y compris en France, sur l’île de la Désirade en Guadeloupe. Cependant, la rentabilité de ces projets est limitée par le faible coût actuel des combustibles fossiles et par le manque de financements adéquats dans les pays en développement pour compenser les surcoûts d’investissement initial.

Toutes ces applications de l’énergie éolienne doivent prendre en compte les spécificités du gisement éolien. En effet, le vent a des caractéristiques extrêmement variables:

– sa direction et sa vitesse varient d’un site à un autre et, pour un site donné, sa vitesse dépend de l’altitude considérée et des perturbations locales engendrées par la rugosité du sol et la présence de masques plus ou moins importants (végétation, constructions, etc.);

– les caractéristiques du vent, notamment sa vitesse, varient dans le temps: variations brusques pour les phénomènes de turbulence, variations horaires, journalières et mensuelles dues aux effets de températures (jour/nuit, saisons), variations pluriannuelles dues à celles du climat.

La production d’une installation éolienne dépend très fortement de la qualité du gisement éolien disponible, c’est-à-dire de la vitesse annuelle moyenne du vent V m à la hauteur du moyeu, et un soin particulier doit être apporté au choix du site d’implantation et à la détermination des caractéristiques du gisement éolien local.

Différents outils sont disponibles à cet effet:

– des «atlas éoliens» à grande échelle peuvent servir à prédéterminer les régions suffisamment ventées;

– l’examen des mesures sur une longue période d’une station météorologique voisine et des logiciels appropriés permettent d’extrapoler les caractéristiques du vent du site étudié en prenant en compte le relief et les conditions d’implantation locales;

– enfin, une campagne de mesures d’au moins six mois sur le site étudié est indispensable pour valider et affiner l’extrapolation précédente.

On peut ainsi déterminer une courbe expérimentale de répartition des vitesses du vent dans l’année. On en déduit la répartition statistique théorique qui donne la meilleure approximation. La puissance P (en watts) d’une veine de vent stable de surface S (en m2) et de vitesse V (en m/s) est: P = 0,5 dSV 3, d étant la masse volumique de l’air (1,225 kg/m3 au niveau de la mer et à 15 0C).

Connaissant le nombre d’heures annuel de chaque classe de vitesse de vent, on en déduit l’énergie cinétique d’une veine de vent de 1 m2 et la puissance cinétique moyenne de cette veine de vent sur l’année.

L’aérogénérateur ne peut pas extraire la totalité de l’énergie cinétique du vent. Une première limitation théorique est la limite de Betz, du nom du chercheur qui a démontré que la puissance maximale extractible d’une veine de vent stable est au maximum de 16/27 (soit 59 p. 100) de la puissance théorique. Ensuite, l’aérogénérateur a un rendement global, par rapport à cette limite de Betz, inférieur à 1. Enfin, du fait qu’il ne démarre qu’à une vitesse de vent suffisante (typiquement de 3 à 4 m/s) et qu’il doit être arrêté pour des raisons de sécurité à une vitesse de vent limitée (typiquement de 21 à 25 m/s), l’énergie annuelle qu’il produira ne sera typiquement que de 20 à 33 p. 100 de l’énergie cinétique du vent.

Sur une région donnée et avec des aérogénérateurs actuels, en faisant certaines hypothèses de pourcentage maximal de territoire utilisé pour des centrales éoliennes (par exemple 10 p. 100), de taille et d’espacement de machines (typiquement 8 ha/MW), on peut déduire le gisement éolien techniquement exploitable.

Au niveau mondial, ce gisement est au moins de 20 000 TWh/an pour les installations à terre. Pour la France, ce potentiel est estimé à 66 TWh/an pour les installations à terre et à 97 TWh/an pour les installations en offshore peu profond (avec moins de 10 m de submersion et à moins de 10 km des côtes).

Le potentiel économiquement exploitable est bien inférieur au potentiel technique, puisqu’il dépend du prix de revient du kilowattheure éolien (donc de la vitesse moyenne du vent) et à son prix de vente possible qui détermine la rentabilité des projets. Il varie donc dans le temps, en augmentant au fur et à mesure des baisses de coûts du kilowattheure éolien.

Enfin, le potentiel réellement exploitable devra être étudié à une échelle beaucoup plus réduite, canton ou commune, en prenant en compte toutes les servitudes et les conditions réglementaires et d’exploitation: zones urbaines et résidentielles, parcs naturels, relief, éloignement des routes et des lignes électriques, etc. Une telle démarche est déjà courante et inscrite dans les réglementations concernées (aménagement du territoire, zonages...) dans les régions ou les pays qui, comme le Danemark, ont déjà exploité une part importante de leur potentiel éolien et qui veulent rationaliser et favoriser son développement.

Une fois les caractéristiques du gisement éolien déterminées, la connaissance de celles de l’aérogénérateur à utiliser, notamment sa courbe de puissance en fonction de la vitesse de vent à la hauteur du moyeu, permettra de déterminer la production éolienne potentielle et son coût.

Les aérogénérateurs modernes bénéficient maintenant d’une expérience qui a abouti à simplifier les choix de conception et de construction. Si la transformation de l’énergie cinétique de l’air en mouvement en énergie mécanique peut se faire en utilisant deux phénomènes aérodynamiques, celui de traînée, qui se traduit par une force dans le sens du vent, et celui de portance, qui se traduit par une force perpendiculaire à ce mouvement, plus aucun aérogénérateur moderne n’utilise le phénomène de traînée, qui ne mène qu’à des rendements trop faibles.

Tout comme dans le cas d’une aile d’avion, le phénomène de portance est créé autour du profil aérodynamique d’une pale de rotor d’éolienne, en mouvement relatif par rapport à la vitesse du vent. Là aussi, des considérations de rendement ont mené à abandonner les rotors à axe vertical, et tous les aérogénérateurs commercialisés sont maintenant à axe horizontal.

Dans cette configuration, sur une section de pale, la circulation de l’air autour de son profil, plus rapide à l’extrados qu’à l’intrados, crée une force de portance P des dizaines de fois supérieure à la force de traînée T . Pour un angle d’incidence i , les forces de poussée et de traînée sur une surface S de pale au repos sont respectivement: P = 0,5 Cz dS V 2, T = 0,5 Cx dS V 2.

Les coefficients de portance et de traînée Cz et Cx dépendent de l’angle d’incidence i et sont déterminés expérimentalement en soufflerie. Pour une certaine valeur de i , on atteint le «décrochement aérodynamique»: les filets d’air ne glissent plus sur l’extrados de la pale mais y créent des turbulences ; de ce fait, Cz diminue brusquement, alors que Cx augmente. On a donc une baisse brutale du rendement énergétique de la pale, phénomène qui peut être utilisé pour réguler la puissance de l’aérogénérateur à un certain niveau maximal. Un autre moyen de régulation consiste à faire varier l’angle d’incidence i en faisant varier l’angle de calage de la pale par rapport à son plan de rotation.

Lorsque la pale est en mouvement, on doit tenir compte du vent relatif créé par la combinaison du vent réel au niveau du moyeu avec le déplacement de la pale. Là aussi, c’est principalement la composante de portance de l’effet de l’air sur les pales qui crée le couple moteur sur le rotor. Par ailleurs, la vitesse de déplacement d’une section de pale dépendant de l’éloignement de cette section par rapport à l’axe de rotation, on sera amené à donner à la pale un aspect «vrillé» pour l’optimiser sur toute sa longueur.

Pour un diamètre donné de rotor, deux paramètres principaux vont fixer sa réalisation:

– Le rapport entre la vitesse en bout de pale et la vitesse du vent, le rendement du rotor étant d’autant plus élevé que ce ratio est grand. La vitesse en bout de pale doit cependant rester bien inférieure à la vitesse du son dans l’air. Ainsi les aérogénérateurs modernes sont-ils conçus pour que la valeur de ce paramètre soit comprise entre 6 et 8.

– Le rapport entre la surface projetée des pales sur le plan du rotor et la surface du rotor. Ce rapport, appelé «solidité du rotor», fixe un compromis entre le rendement du rotor (solidité faible) et le couple de démarrage (solidité élevée).

La liberté de choix laissée aux concepteurs d’aérogénérateurs, compte tenu de ces paramètres théoriques, des techniques disponibles et des innovations possibles, est élevée. Cependant, pour les aérogénérateurs qui dominent le marché actuel et dont la puissance nominale varie entre 500 et 1 500 MW, les compromis entre les performances, la fiabilité et les coûts mènent à l’émergence d’un standard de fait fondé sur les options suivantes:

– rotors à trois pales menant à un équilibrage statique, dynamique et visuel plus aisé et à une vitesse de rotation moins élevée que ceux à une ou deux pales, ce qui est un avantage pour l’intégration dans le paysage;

– rotor face au vent, orienté par un servomécanisme asservi à la mesure de la direction du vent. Cette disposition évite le phénomène acoustique et les instabilités découlant du passage des pales dans le sillage du mât lorque le rotor est placé «sous le vent», en aval du mât.

Pour les autres options, le choix reste encore largement ouvert. Ainsi les avantages théoriques amenés par la régulation par calage variable ou par la vitesse variable associée ou non à un entraînement direct sont-ils contrebalancés par des surcoûts provisoires ou structurels. Par ailleurs, la vérification incontestable en conditions réelles de l’augmentation de productivité d’une solution technique par rapport à une autre est difficile (du fait de la variabilité du gisement éolien d’un site à un autre).

Les augmentations des performances et les baisses de coûts des aérogénérateurs ont mené à des conditions de rentabilité des projets qui peuvent être assurées lorsque les tarifs de vente de l’électricité produite tiennent compte non seulement des coûts évités pour les compagnies d’électricité (environ 0,3 F/kWh), mais aussi des différences de coûts pour l’environnement des diverses filières de production de l’électricité. Ainsi peut-on voir l’influence sur un des critères de rentabilité d’un projet éolien, son «taux d’enrichissement en capital», du tarif de vente de l’électricité produite et de la qualité du gisement éolien, caractérisée par la vitesse annuelle moyenne du vent à la hauteur du moyeu. Avec un tarif basé uniquement sur les coûts évités (soit 0,3 F/kWh), on voit que la rentabilité ne peut jamais être obtenue, y compris sur les sites excellents à 8 m/s à 40 m de hauteur de moyeu. En revanche, avec un tarif de vente du type de celui accordé au Danemark, soit 0,55 F/kWh en 1997, on voit que la rentabilité peut être atteinte sur les sites de vitesse annuelle moyenne supérieure ou égale à 6,5 m/s à 40 m de hauteur de moyeu, c’est-à-dire sur la quasi-totalité des zones attribuées au développement de l’énergie éolienne dans ce pays, où, depuis 1995, les collectivités locales doivent établir un zonage incluant les zones favorables et réservées aux installations éoliennes. Il faut noter que ce tarif de 0,55 F/kWh résulte de 0,3 franc de coût évité, de 0,15 franc de reversement de la taxe énergie et de 0,1 franc de reversement de la taxe sur les émissions de dioxyde de carbone instituée en 1992 au titre de la lutte contre le réchauffement climatique.

Cette prise en compte de l’intérêt de l’énergie éolienne pour l’environnement et la création locale d’énergie et d’activités économiques par le biais de la prise en compte des différentiels d’externalités dans le tarif de vente du kilowattheure éolien, non seulement au Danemark mais aussi en Allemagne et en Grande-Bretagne, ont, là aussi, mené à la création d’un «cercle vertueux» en créant un marché éolien pérenne entraînant des baisses de coûts significatives et un élargissement du marché accessible. C’est au vu de ces succès que les pouvoirs publics français ont décidé de lancer en 1996 un plan éolien «Eole 2005» visant à installer de 250 à 500 MW d’éolien en France à horizon 2005, fondé sur des appels d’offres portant sur le tarif d’achat demandé pour assurer la rentabilité des projets.

6. La géothermie

L’intérieur du globe terrestre émet un flux de chaleur provenant de son refroidissement résiduel et de la radioactivité de certains corps (uranium, thorium, potassium, etc.). Il en résulte un flux moyen de 60 mW/m2 à la surface. Ce flux est donc bien inférieur à celui de l’énergie solaire auquel est soumis la Terre (340 W/m2 en moyenne). Cependant, dans certaines zones, ce flux peut s’élever à 200 mW/m2 et créer une accumulation de chaleur dans des aquifères que l’on peut exploiter industriellement. Le rythme d’exploitation est toujours supérieur aux apports du flux de chaleur, et l’on doit donc veiller à ne pas trop densifier les zones d’exploitation qui mettront des dizaines ou des centaines d’années à se reconstituer. Le gradient vertical de température est un paramètre primordial, compte tenu du fait que le coût des forages croît très rapidement avec la profondeur. Un gradient minimal de 0,025 0C/m est requis, mais des gradients de l’ordre de 0,12 0C/m sont possibles localement, comme en certains points du Bassin parisien.

Selon la qualité de la ressource géothermale, différentes applications peuvent être développées:

– La géothermie à basse température (de 50 à 100 0C) est utilisée principalement pour le chauffage de locaux, via des réseaux de chaleur, et de façon plus marginale pour le chauffage de serres ou l’aquaculture. En 1995, la puissance installée mondiale était de 4,1 GW thermiques, dont 270 MW en France où l’équivalent de 200 000 logements sont chauffés par des réseaux de chaleur alimentés par soixante-six installations. On peut aussi rattacher à cette géothermie l’utilisation de pompes à chaleur utilisant des nappes phréatiques à faible profondeur ou des «sondes géothermales», forages de 50 à 100 mètres permettant de récupérer des calories du sol pour chauffer une habitation.

– La géothermie à haute température permet de produire de l’électricité soit par détente directe de vapeur si les températures sont suffisantes (170 à 200 0C à Larderello en Italie, près de Pise, ou dans les champs des geysers en Californie), soit par le biais de l’évaporation d’un fluide organique si les températures sont insuffisantes (de 120 à 170 0C). En 1995, la puissance installée mondiale était de 6,9 GW (5 MW en France, grâce à la centrale de Bouillante en Guadeloupe) et elle pourrait dépasser 9 GW en l’an 2000.

– Lorsque l’on dispose d’une source de chaleur (de 170 à 220 0C) à moins de 5 kilomètres de profondeur, mais qu’il n’y a pas de nappe phréatique permettant son exploitation, comme dans le cas des socles granitiques, on peut créer artificiellement une circulation d’eau entre deux forages par fracturation hydraulique préalables. C’est le concept de «roches chaudes et sèches», qui fait l’objet d’un programme pilote européen à Soultz, en Alsace. Les essais d’injection et de circulation d’eau devaient débuter en 1997. Ils permettront de préciser si l’étape suivante, consistant à exploiter et à valider sur une plus longue période l’échangeur de chaleur ainsi créé, peut être engagée.

7. L’énergie des mers

Les océans peuvent être considérés comme des sources potentielles d’énergie: énergie marémotrice, énergie des vagues, énergie thermique des mers.

L’énergie marémotrice est principalement due à la différence d’attraction lunaire entre les océans situés du côté et à l’opposé de la Lune à un instant donné, l’influence de l’attraction solaire étant environ deux fois moins importante que celle de la Lune pour le phénomène des marées. Ce n’est que dans des sites où se produit une amplification du mouvement moyen de la hauteur des océans (au-delà de 5 m environ) que l’énergie marémotrice peut être exploitée industriellement. En tenant compte de cette contrainte, le potentiel technique mondial d’énergie marémotrice est de l’ordre de 250 GW, dont 15 GW en France et 18 GW au Royaume-Uni. Une autre contrainte, provenant du cycle des marées lui-même, est la limitation à un maximum de 25 p. 100 de la durée de fonctionnement équivalant à pleine puissance des aménagements sur l’année, au lieu de 50 p. 100 ou plus pour l’hydroélectricité classique, ce qui limite le potentiel mondial à environ 500 TWh/an, soit le même ordre de grandeur que celui de la petite hydroélectricité (centrales de moins de 10 MW). Enfin, la nécessité de travaux maritimes et de matériaux résistant à la corrosion marine renchérissent aussi le coût des investissements. Cependant, la faisabilité technique et économique de centrales marémotrices a été prouvée, notamment par l’aménagement de l’estuaire de la Rance (Bretagne), équipé depuis 1967 d’une centrale marémotrice de 250 MW produisant régulièrement 500 GWh/an, et ce, pour encore longtemps et à un coût maintenant très faible puisque les investissements initiaux sont amortis. Des études détaillées ont été menées sur l’aménagement des îles Chausey (15 GW, environ 30 TWh/an) et plus récemment de l’estuaire de la Severn (8,6 GW, 17 TWh/an) et de la Mersey (700 MW, 1,4 TWh/an), mais ces projets ont été abandonnés pour des raisons économiques: le coût de l’investissement initial est du même ordre de grandeur (10 F/W) que celui du nucléaire ou de la grande hydroélectricité, mais avec une productivité annuelle de deux à trois fois plus faible. Les projets qui pourraient déboucher dans le futur (Corée, Chine, etc.) seraient donc sans doute de taille inférieure (quelques mégawatts).

L’énergie de la houle et des vagues peut être exploitée par des dispositifs à terre ou en mer. Ainsi, en Grande-Bretagne, où l’énergie des vagues a fait l’objet de recherches et d’études approfondies, la ressource théorique a été évaluée à 700 TWh/an, mais le potentiel techniquement utilisable (en dehors des considérations de coût) est limité à 87 TWh/an. De nombreux prototypes de quelques kilowatts à 2 MW (Osprey, 1995) ont été testés au titre de la recherche et développement, mais aucun n’a pu encore atteindre le stade des essais industriels pour évaluer les paramètres fondamentaux, qui sont la productivité moyenne sur de longues périodes et le montant des coûts d’exploitation, deux facteurs particulièrement difficiles à cerner dans le cas des installations offshore. Les remarques sur l’analyse économique faites ci-dessus pour l’énergie marémotrice s’appliquent aussi à l’énergie des vagues, et il est probable que cette technologie restera au stade de la recherche et développement et de la qualification sur des pilotes de démonstration.

Legradient de température de 15 à 20 0C entre la surface des océans intertropicaux et les eaux profondes froides peut théoriquement être exploité pour produire de l’énergie via un cycle thermodynamique. Le rendement de Carnot qui en résulte est inférieur à 7 p. 100, et les débits d’eau à l’évaporateur et au condenseur sont très élevés, ce qui entraîne des consommations élevées pour les auxiliaires. Tous les essais faits (Georges Claude à Cuba, États-Unis et Hawaii dans les années 1980) ont débouché sur la démonstration de la faisabilité de ce concept, mais aussi sur sa fragilité et son coût beaucoup trop élevé.

Ce panorama de l’exploitation possible de l’énergie des mers peut paraître pessimiste, mais, pour être exhaustif, on doit en toute logique citer aussi l’exploitation de l’énergie éolienne en offshore peu profond (à moins de 10 m de profondeur et à moins de 10 km des côtes). Les expériences déjà menées (Danemark, Pays-Bas) et en cours (Royaume-Uni), ainsi que l’analyse économique et du potentiel disponible (par exemple 97 TWh/an pour la France), donnent à penser que, grâce à cette application, les océans seront à moyen terme une source d’électricité intéressante et importante, notamment pour l’Europe.

8. La fusion bien tempérée

Les énergies renouvelables ont donc su démontrer leur utilité pour les politiques énergétiques des pays industrialisés et en développement malgré les prix des énergies fossiles, qui sont retombés à leur niveau d’avant le premier choc pétrolier. Si l’on prend comme exemple la production d’électricité, de nombreux progrès ont été accomplis et sont en cours, et les zones de rentabilité des différentes filières d’énergies renouvelables au regard des moyens classiques de production d’électricité, depuis les grandes centrales sur les réseaux interconnectés jusqu’à «l’électricité portable» des piles, en passant par les réseaux ilôtés ou les sites isolés alimentés par Diesel.

L’extension des zones de rentabilité permises par l’utilisation rationnelle de l’énergie, notamment pour les applications de l’électrification rurale décentralisée, sont particulièrement bien couvertes par les systèmes photovoltaïques et la petite hydroélectricité.

Comme on l’a vu de façon détaillée dans le cas de l’énergie éolienne, la prise en compte des avantages des énergies renouvelables pour l’environnement local et planétaire devrait maintenant permettre à celles-ci d’améliorer encore cette rentabilité, en particulier pour pénétrer les réseaux interconnectés d’électricité. Le débat sur la valeur exacte des externalités à affecter à chacune des filières énergétiques dans chacune des configurations d’utilisation (leur «coût pour l’environnement et la santé» ramené au kilowattheure produit) risque d’être sans fin s’il occulte que ce qui compte c’est l’ordre de grandeur du différentiel d’externalités, très en faveur des énergies renouvelables par rapport aux énergies fossiles. C’est bien la prise en compte d’une part arbitraire de ce différentiel d’externalités par une démarche volontariste qui a amorcé le «cercle vertueux» menant au succès européen et mondial de cette technologie.

Ainsi l’intégration des énergies renouvelables dans la démarche globale de maîtrise de l’énergie et dans les politiques environnementales et de coopération entre les pays industrialisés et les pays en développement peut-elle mener à un développement soutenu de leurs applications. La dynamique ainsi créée pourra se renforcer continûment des progrès apportés par la recherche et le développement, qui n’ont pas à faire sauter des obstacles fondamentaux dans le cas des énergies renouvelables car celles ci ne nécessitent pas des programmes de «big science» mais plutôt l’application de «sciences fines et diffusantes» comme la physique du solide, les biotechnologies, la science des matériaux, les technologies de l’information appliquées à l’optimisation et la conduite de systèmes... Cela n’empêche pas que d’«heureuses surprises» puissent se produire et créer des accélérations et des élargissements des progrès possibles, mais elles seront plutôt une «prime» qu’une condition nécessaire au progrès.

Ainsi, sur le moyen et le long terme, l’intégration de plus en plus poussée des applications des énergies renouvelables dans tous les secteurs économiques et l’utilisation sobre et efficace des ressources mèneront à ce que l’on peut d’ores et déjà appeler la «fusion bien tempérée»: s’il n’y a aucun doute que, sur le très long terme, l’humanité devra appuyer son développement sur l’énergie issue de la fusion thermonucléaire, le recours au Soleil – qui est lui-même un réacteur thermonucléaire dont l’énergie directe ou indirecte est accessible partout, de façon sûre et de plus en plus économique – est une solution évidente et rationnelle lorsqu’on veut parvenir à un «développement durable».

Encyclopédie Universelle. 2012.