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ABBÉ
ABBÉ

ABBÉ

Le mot abbé vient vraisemblablement du syriaque abba , signifiant père, où il traduisait le respect porté à un dignitaire de la société civile ou religieuse. Du syriaque le mot passa, vers le IIIe siècle, dans la langue du monachisme ancien de l’Orient chrétien.

On est alors en présence de deux types d’abbés. Il y a d’abord ces ermites, retirés dans les déserts égyptiens, à qui, en raison de leur prestige spirituel et de leur discernement, on demandait conseil. Souvent, des disciples se mirent sous la direction habituelle d’un de ces abbés, sans donner à sa personne quelque autorité institutionnelle : le groupe de disciples se disloquait à la mort du maître spirituel aussi spontanément qu’il s’était formé de son vivant.

À la même époque et dans les mêmes régions, Pacôme organisa de grands monastères placés sous le gouvernement effectif d’un abbé, chargé en outre du soin que requiert l’administration des biens nécessaires à une communauté un peu importante. L’abbé dispense toujours un enseignement spirituel, mais son rôle a perdu de la proximité familière qui était celle entre le maître spirituel et ses disciples.

Ce fut avec la règle de saint Benoît que le titre d’abbé s’imposa en Occident, alors qu’en Orient, où il avait pris naissance, il fut de moins en moins employé, les chefs de monastères étant higoumènes ou archimandrites. La règle de saint Benoît lui accorde dans l’édifice monastique une place fondamentale : “ On l’appelle seigneur et abbé parce qu’il tient la place du Christ ; ce n’est pas pour le glorifier, mais par honneur pour le Christ et par amour pour lui. ” Il était prescrit en outre que l’abbé serait élu par la communauté, qui lui doit, trait nouveau, une obéissance proprement dite. Celle-ci n’allait pas contre le caractère familial de cette autorité, qu’une influence augustinienne avait fait souligner à Benoît.

Le titre d’abbé ne se rencontre pas seulement dans les communautés monastiques, mais aussi dans les communautés canoniales, attachées au service d’une basilique et à la prière publique. Les abbés de l’ordre canonial portaient souvent, surtout dans les pays germaniques, le titre de praepositus .

Les dotations des abbayes, devenues d’importantes exploitations, conduisirent les rois francs à en disposer comme récompense pour leurs sujets : on eut alors des abbés laïcs, vivant dans les monastères avec famille et serviteurs, et contre lesquels les réformateurs combattront constamment. Sous leur influence, les monastères retrouvent, à partir du Xe siècle, leur pouvoir d’élire leurs abbés. Concurremment se développe un cérémonial de la bénédiction abbatiale du nouvel élu, qui tend à se rapprocher de la consécration épiscopale. Les abbés commencent également à faire usage des insignes pontificaux (crosse et mitre). D’où quelque fondement apparent à l’expression populaire “ avoir rang d’évêque ”, expression vicieuse qui ne tient pas compte de la différence essentielle entre un abbé et un évêque : même béni et usant des insignes pontificaux, l’abbé reste un simple prêtre. Si certains ont reçu l’ordination épiscopale, comme jusqu’à une date récente l’abbé de Saint-Maurice d’Agaune en Valais, ils n’ont pas “ rang d’évêque ”, mais sont évêques. La charge abbatiale allait atteindre son apogée avec la réunion de plusieurs abbayes, groupées en un ordre ou congrégation, placées sous l’autorité de l’abbé du monastère principal. Cluny et ses puissants abbés en sont l’exemple le plus fameux.

La réaction du XIIe siècle se fit dans le monde monastique dans le sens de la simplicité : les nouveaux ordres érémitiques comme les chartreux ne donnèrent à leur supérieur ni le titre d’abbé ni les honneurs qui l’accompagnaient ; les nouveaux ordres monastiques, comme celui de Cîteaux, mirent à la tête de leurs monastères un abbé tenu à mener une vie simple et semblable à celle de ses moines. Dans l’ordre canonial régulier, l’abbatiat est la forme de gouvernement qui est le plus fréquemment adoptée, même lorsque les communautés canoniales, se regardant comme une partie du clergé diocésain, entendaient rester sous la juridiction épiscopale et que leurs abbés n’usaient pas des insignes pontificaux. Pour rendre compte de cette inégalité dans les privilèges ou leurs manifestations extérieures, on distinguera des autres les “ abbés mitrés ” qui jouissaient du droit aux insignes pontificaux.

Au XIVe siècle, les papes d’Avignon revendiquèrent la nomination des abbés. Ainsi, très souvent, les religieux, perdant le droit d’élection de leur supérieur, devaient subir à leur tête la présence d’un dignitaire ecclésiastique parfois étranger à leur ordre. Cette situation s’aggrava en France par le concordat de Bologne de 1516, où le pape abandonna au roi la nomination à toutes les abbayes du royaume : ce fut le régime dit de la commende, et l’apparition des abbés commendataires, clercs non religieux qui jouissaient des revenus de la mense abbatiale mais sans exercer de juridiction sur la communauté religieuse, désormais placée sous l’autorité d’un prieur et vivant de la mense conventuelle. Cette distinction permettait d’atténuer les influences néfastes sur la vie religieuse de l’institution commendataire. Quelques rares abbayes avaient pu conserver l’élection de leur abbé : pour désigner ces derniers on créa l’expression d’“ abbé régulier ”.

Comme les clercs qui avaient reçu commende d’une abbaye portaient le titre d’abbé, l’usage de cette appellation s’étendit, la vanité aidant, au cours du XVIIe siècle, pour tous les clercs séculiers, qu’ils eussent ou non reçu un bénéfice en commende. Au XVIIIe siècle, l’expression “ monsieur l’abbé ” était devenue simple appellation de courtoisie pour tout ce qui portait l’habit ecclésiastique, s’agît-il d’un simple tonsuré.

Malgré la disparition des bénéfices ecclésiastiques, l’appellation “ monsieur l’abbé ” pour les prêtres diocésains subsista, toujours vide de sens, tout au cours du XIXe siècle. Dans les pays de langue française, elle devait rester utilisée jusqu’à l’époque contemporaine où elle fut remplacée par l’appellation “ père ”, jusque-là réservée aux religieux, mais appliquée maintenant à tout prêtre séculier ou régulier. Les réformateurs monastiques du XIXe siècle avaient repris sans contestation le titre d’abbé, et, pour éviter les confusions avec le titre encore usuel de “ monsieur l’abbé ” donné à tout clerc séculier, on employa alors et depuis, pour désigner les chefs des monastères, l’expression “ père abbé ” — pléonasme, puisque abbé signifie père — bien que l’appellation protocolaire pour eux reste celle de “ monsieur l’abbé ”.

abbé [ abe ] n. m.
abed XIe; lat. abbas
1Dans l'Église catholique et orthodoxe, Supérieur d'un monastère d'hommes érigé en abbaye. Abbé régulier : religieux. Abbé commendataire : séculier. Abbé crossé et mitré.
2Au Moyen Âge, Chef d'une confrérie de jeunes gens.
3Titre donné à un prêtre séculier. Monsieur l'abbé. « Le bon abbé Blanès, curé de Grianta » (Stendhal). Dans le clergé français, Prêtre qui n'est pas détenteur d'un bénéfice (à la différence du curé).
⊗ HOM. Abée.

abbé nom masculin (latin ecclésiastique abbas, de l'araméen abba, père) Supérieur d'un monastère d'hommes qui a le titre d'abbaye. Titre donné à tout ecclésiastique. (Le titre de monsieur l'abbé est de plus en plus remplacé par celui de père.) En Afrique, prêtre d'origine africaine (par opposition à père). ● abbé (difficultés) nom masculin (latin ecclésiastique abbas, de l'araméen abba, père) Orthographe Avec deux b. Genre Le féminin d'abbé est abbesse. Remarque Abbé et ses dérivés sont les seuls mots d'usage courant commençant par ab- qui s'écrivent avec deux b.

Abbe
(Ernst) (1840 - 1905) physicien allemand connu par ses travaux d'optique.

⇒ABBÉ, subst. masc.
I.— RELIG. Supérieur ecclésiastique exerçant sa juridiction sur une abbaye ou un monastère régulier.
A.— Sens propre
1. [Abbé est suivi du nom de l'abbé ou de l'abbaye dont il est titulaire] :
1. ... il confondit les tems et les races; donna Clovis, au lieu de Dagobert, pour fondateur à cette abbaye, et fit de l'abbé Suger le confesseur de Charlemagne ...
V. DE JOUY, L'Hermite de la Chaussée d'Antin, t. 4, 1813, p. 12.
2. ... l'abbé de Saint-Denis, revêtu de ses ornements pontificaux, lui adressa un beau discours où il lui rappela les devoirs de la royauté, ...
P. DE BARANTE, Histoire des ducs de Bourgogne de la maison de Valois, t. 3, 1824, p. 264.
3. Le sire de Villette, abbé de Saint-Denis, avait revêtu ses ornements sacerdotaux, et s'était réfugié à l'autel dans la chapelle, où il tenait élevée la sainte hostie.
P. DE BARANTE, Histoire des ducs de Bourgogne de la maison de Valois, t. 4, 1824, p. 179.
4. Supérieur général et abbé triennal de la congrégation de Sainte-Geneviève, il avait porté la crosse et la mitre, et même tenu tête à l'archevêque de Paris ...
F. MAURIAC, La Vie de Jean Racine, introd. 1928, p. 38.
5. Un abbé mitré n'a qu'à passer la consigne au frère portier.
G. BERNANOS, Journal d'un Curé de campagne, 1936, p. 1043.
6. Il a eu l'idée de se faire bénédictin, mais le révérendissime père abbé de l'abbaye de Sainte-Madeleine-des-Sables le juge incapable, en raison de son âge, de s'adapter à l'austère discipline de ce couvent.
G. BERNANOS, Journal d'un Curé de campagne, 1936 p. 222.
2. Style formulaire (emploi appellatif) :
7. Nous arrivâmes à la pointe du jour, et nous fûmes reçus par le père cellérier, dont le visage était quadrangulaire et le nez en obélisque. « Messieurs, dit le bon père, soyez les bienvenus : notre « révérend abbé sera bien content quand il saura que vous êtes arrivés; ... »
J.-A. BRILLAT-SAVARIN, Physiologie du goût, 1825, p. 371.
8. « Dimanche, à trois heures, vêpres chantées; cérémonie de vêture, présidée par le Révérendissime Père Dom Etienne, abbé de la Grande Trappe, et salut. »
J.-K. HUYSMANS, En route, t. 1, 1895, p. 197.
9. ... je viens de rencontrer le révérend père abbé qui m'a dit que j'avais fait une impertinence en vous laissant seul et que je ne manquerais pas de trouver, derrière ma cellule, mon jardin, ...
M. BARRÈS, La Colline inspirée, 1913, p. 119.
10. ... le religieux se nomma : Dom Rocard, vicaire du révérendissime abbé provincial ...
A. BILLY, Introïbo, 1939, p. 13.
11. ... Dom Garé avait réalisé son rêve : il était devenu abbé révérendissime de l'abbaye de Saint-Antoine, ...
A. BILLY, Introïbo, 1939 p. 210.
3. Expr. proverbiale (cf. Ac. 1835 et ROB.) :
12. L'ami Daumont arriva comme on enlevait la soupe : il s'annonça par un gros rire dont j'observai qu'il faisait toujours précéder ses plaisanteries : « Je m'aperçois qu'on m'attend, comme l'abbé attend les moines, dit-il en serrant la main à chaque convive l'un après l'autre, ...
V. DE JOUY, L'Hermite de la Chaussée d'Antin, t. 5, 1814, p. 36.
Rem. Au sens propre, la dénomination canonique est abbé régulier.
B.— P. ext. Bénéficiaire partiel du revenu, séculier ou laïc, d'un monastère sur lequel il n'existe aucune juridiction [p. oppos. à abbé régulier] :
13. Il n'y avait pas de sort plus heureux que celui d'un riche prieur ou d'un abbé commendataire; ils avaient de la considération, de l'argent, point de supérieurs, et rien à faire.
J.-A. BRILLAT-SAVARIN, Physiologie du goût, 1825, p. 368.
14. ... il commençait par obtenir les bénéfices simples, qui fournissaient aux frais de son éducation; et dans la suite, il devenait prince, abbé, commendataire ou évêque selon qu'il avait plus ou moins de dispositions à l'apostolat.
J.-A. BRILLAT-SAVARIN, Physiologie du goût, 1825 p. 367.
15. Abbé de cour, ancien grand vicaire, homme de table et de boudoir dans sa jeunesse, homme d'aventures ensuite pendant une longue émigration, il avait fréquenté les salons du cardinal de Bernis ...
A. DE LAMARTINE, Nouvelles Confidences, 1851, p. 85.
16. Pendant vingt ans le docteur Neubourg (bien qu'il fût, dans son domaine, éminent) avait trouvé « qu'il faisait, mon cher, abbé du XVIIIe n'est-ce pas? » ...
A. MALRAUX, L'Espoir, 1937, p. 751.
Rem. On trouve dans ce sens les groupes associatifs abbé commendataire (ex. 13, 14), abbé de cour (ex. 15), abbé du XVIIIe s. (ex. 16).
II.— P. ext. Titre donné à un clerc qui se destine à exercer ou le plus souvent exerce la fonction sacerdotale, depuis le clerc tonsuré jusqu'au vicaire général s'il n'est pas prélat.
A.— [Quand le nom (habituellement de famille) est indiqué, il suit immédiatement abbé. Le clerc est volontiers appelé, sans autre indication, Monsieur l'abbé ou l'abbé] :
17. « Monsieur l'abbé », reprit-il aussitôt, en souriant, et sans laisser au prêtre le temps de la riposte, ...
R. MARTIN DU GARD, Les Thibault, La Mort du père, 1929, p. 1385.
18. ... il sentait confusément que c'était par là qu'il pourrait reconquérir le prêtre, et sans rien avoir à céder sur la question du pénitencier. Une force le poussait à faire davantage encore, à surprendre l'abbé par la profondeur de sa foi, (...) — « L'abbé! » fit-il soudain, ...
R. MARTIN DU GARD, Les Thibault, Le Pénitencier, 1922, p. 735.
B.— [L'exercice de la fonction sacerdotale est fréquemment précisé dans le contexte] :
19. ... on élevait de jeunes demoiselles sous la direction d'un saint homme prêtre, abbé qui les confessait, les instruisait, catéchisait, ...
P.-L. COURIER, Pamphlets politiques, Réponses aux anonymes, 1822, p. 157.
20. Il s'y joignait une singulière impression d'effroi qui dérivait de l'enseignement donné par l'abbé Martel, le prêtre chargé de nous préparer à cette première communion.
P. BOURGET, Le Disciple, 1889, p. 84.
21. L'abbé Guibourg officiait, consacrait l'hostie, la coupait en petits morceaux et la mêlait à ce sang obscurci de cendres; c'était là la matière du Sacrement.
J.-K. HUYSMANS, Là-bas, t. 1, 1891, p. 100.
22. L'abbé Boutarel l'avait mise en garde lorsqu'il était venu la communier pour Pâques ...
H. POURRAT, Gaspard des Montagnes, À la belle bergère, 1925, p. 218.
23. ... l'abbé Maurer dirait-il vraiment la messe, le seize août, jour fixé pour leur propre ascension, à la croix du Matterhorn?
J. PEYRÉ, Matterhorn, 1939, p. 123.
24. L'abbé Sancerre n'a pas violé le secret de la confession.
A. BILLY, Introïbo, 1939, p. 235.
C.— [Sa place parmi les clercs séculiers est parfois notée] :
25. Pourquoi l'image s'imposa-t-elle aussitôt à son esprit d'un homme si différent de lui, si peu fait pour l'entendre, l'abbé Chevance, ancien curé de Costerel-sur-Meuse, actuellement prêtre habitué à l'église de Notre-Dame-des-Victoires?
G. BERNANOS, L'Imposture, 1927, p. 336.
26. L'abbé Gamallon fit en sorte que je vinsse à confesse tous les samedis et à la table de communion tous les dimanches, fréquence qui n'était pas du goût du curé doyen, l'abbé Moriatte, prêtre de haute valeur ...
A. BILLY, Introïbo, 1939, p. 23.
27. ... l'abbé Moble, premier vicaire de la cathédrale, refusa d'aller présenter ses vœux à l'évêque.
A. BILLY, Introïbo, 1939 p. 109.
28. La paroisse de Fairières était desservie par trois prêtres, dont deux vicaires. Le plus jeune, l'abbé Gamallon, était d'une sainteté rare chez un débutant.
A. BILLY, Introïbo, 1939 p. 22.
29. Il y a toujours eu un ou deux mauvais prêtres dans votre vie — enfin des prêtres suspects — votre abbé Connétable, par exemple, ou ces pasteurs défroqués de la Christian Science, ...
G. BERNANOS, Un Mauvais rêve, 1948, p. 922.
Rem. Le n. Connétable empl. ici rappelle le titre conféré autrefois dans l'Aquitaine angl. pour désigner certains clercs chargés de l'admin. financière (,,Connétable de Bordeaux``).
Stylistique — Mot très stable aux XIXe et XXe s., le passage p. ext. du sens I au sens II étant ant. à cette période. À l'époque contemp. abbé est fortement concurrencé dans l'usage par le mot père.
Prononc. ET ORTH. — 1. Forme phon. :[abe]. Enq. :/ abe1 /. 2. Homon. : abée, subst. fém. 3. Dér. et composés : abb-, abbé, abbesse; abbacomite, abbatial, abbatiat, abbaye. 4. Hist. — Le mot apparaît sous sa forme actuelle au XIIIe s. (cf. ex. T.-L.) et dans les dict. dep. NICOT 1606. Le mot entre dans la lang. au XIe s. sous la forme abé sans redoublement de b (cf. étymol.), encore attestée ds RICH. 1680 et 1706; Ac. 1842 signale la forme abbat « abbé » (vx lang.). On rencontre en a. fr. les var. graph. abeit, abbeit, abbet.
ÉTYMOL. — Corresp. rom. : a. prov. ábas; n. prov. abát; ital. roum. abate; esp. abad; port. abade; cat. abat.
1100 « supérieur d'une abbaye » (Roland, éd. Bédier, 2955 : Asez i ad evesques et abéz); ca 1130 « id. » (Couronnement de Louis, éd. Langlois, 1762 : Iluec trova et evesques et abes).
Empr. au lat. chrét. (acc. de abbás, d'où la forme ábes) empr. lui-même à l'araméen par l'intermédiaire du grec eccl. « père » (en s'adressant à Dieu) », Nouv. Test., passim. Lat. d'abord sous la forme abba, fréquente jusqu'au IXe s., de même sens que le gr. (cf. St Jérôme, ds epist. ad Gal. 4, 6 ds BLAISE : cum abba pater Hebraeo Syroque dicatur); attest. continues en lat. chrét. et médiév. au sens de « supérieur d'une abbaye ».
HIST. — Attesté pour la 1re fois en 1100 (cf. étymol.), abbé est encore empl. dans la lang. contemp. dans son accept. primitive en usage dep. St Benoît. Pour ses accept. extensives (cf. sém. I B et C) ce mot subsiste aux XIXe et XXe s. par all. au passé. La distinction établie sous l'Anc. Régime entre l'abbé régulier et l'abbé commendataire est encore explicite dans la lang. contemp. et se retrouve implicitement dans les expr. : abbé commendataire, abbé de cour, abbé du XVIIIe s. et abbé connétable. Le développement de la commende et l'habitude de voir des abbés vivre dans le monde — tels les abbés de cour — amenèrent la coutume d'appeler aux XVIIe et XVIIIe s. tout ecclésiastique du nom d'abbé même s'il n'exerçait pas le sacerdoce, cf. MARION, Dict. des institutions de la France. De là la nouv. déf. donnée par la plupart des dict. au terme abbé :« tout homme revêtu de l'habit ecclésiastique » (BESCH., LITTRÉ, DG, DUB.). Cet usage semble auj. périmé, abbé désignant plus précisément et sans considération vestimentaire le titre attaché à la fonction sacerdotale (sém. II). — Rem. Dans certains emplois région. abbé désignait au Moy. Âge le chef de certaines confréries de jeunes gens organisant les fêtes du village (cf. Ac. Compl., Lar. 20e) ou « le chef de certaines confréries d'artisans dans le Midi » (cf. LITTRÉ). Cf. aussi DU CANGE s.v. abbas : abbé des cornards (Rouen, Evreux), abbé de liesse (Arras).
STAT. — Fréq. abs. litt. :8 403. Fréq. rel. litt. :XIXe s. : a) 12 343, b) 13 709; XXe s. : a) 12 771, b) 10 176.
BBG. — AHOKAS (J.). De l'Emploi des mots abbé et moine pour désigner des personnages et des organisations laïques. Neuphilol. Mitt. 1962, t. 63, n° 2, p. 81-106. — LELOIR 1961. — LEP. 1948. — MARCEL 1938. — Mét. 1955. — SPR. 1967. — Théol. cath. 1909.

abbé [abe] n. m.
ÉTYM. 1080; du lat. ecclés. abbatem, accus. de abbas « abbé ».
1 (Dans l'église catholique et orthodoxe). Supérieur d'un monastère d'hommes érigé en abbaye.
1 Savez-vous bien qu'abbé signifie père ? (…)
Les anciens moines donnèrent ce nom au supérieur qu'ils élisaient.
Voltaire, Dict. philosophique, Abbé.
2 Moines, Abbés, Prieurs, tout s'arme contre moi.
Boileau, le Lutrin, II.
Abbé régulier : religieux. || Abbé commendataire : séculier bénéficiaire d'une abbaye en commende. || Abbé crossé et mitré.
Prov. Nous l'attendrons comme les moines font l'abbé : nous ne l'attendrons pas pour dîner au delà de l'heure fixée.Le moine répond comme l'abbé chante : les inférieurs modèlent souvent leurs allures, leurs habitudes sur celles de leurs supérieurs.
Loc. Abbé de cour (cit. 14.1).
2 Hist. Chef de certaines confréries de jeunes gens, au Moyen Âge.
3 Titre donné à un prêtre séculier. || Monsieur l'abbé.
REM. 1. Au XVIIe et au XVIIIe s., les abbés portaient le petit collet, mais tous ne remplissaient pas les fonctions sacerdotales :
3 Mais si vous n'êtes monsieur l'abbé que pour avoir été tonsuré, pour porter un petit collet, un manteau court, et pour attendre un bénéfice simple, vous ne méritez pas le nom d'abbé.
Voltaire, Dict. philosophique, Abbé.
2. Aux mêmes époques, le mot est utilisé comme appellatif, sans monsieur. Bonjour, l'abbé !
4 — L'abbé divague. — Et toi, marquis,
Tu mets de travers ta perruque (…)
— Ma flamme… — Do, mi, sol, la, si.
L'abbé, ta noirceur se dévoile !
Verlaine, Fêtes galantes, « Sur l'herbe ».
4 Dans le clergé français, Prêtre qui n'est pas détenteur d'un bénéfice (à la différence du curé).
DÉR. V. Abbéton. — (Du lat. abbatia). V. Abbatial, abbaye.
HOM. Abée.

Encyclopédie Universelle. 2012.