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carreau

carreau [ karo ] n. m.
quarrel 1080; lat. pop. °quadrellus, de quadrus « carré »
I
1Anciennt Trait d'arbalète à fer en losange à quatre pans.
2(1160 « pierre ou brique posée de chant ») Cour. Petite plaque (en terre cuite, en pierre, en marbre) servant à revêtir le sol, les murs. Carreau en faïence; carreau de terre cuite ( tomette) ; carreau vernissé (Région. catelle) . Carreaux recouvrant un sol, une chaussée, une rue. 1. dalle, 1. pavé. Assemblage de carreaux. carrelage. Carreau de plâtre, pour édifier des cloisons.
3(1233 « sol ») Vx ou région. Sol pavé de carreaux. carrelage. Laver le carreau. Fig. Jeter, coucher qqn SUR LE CARREAU, le mettre à terre. Laisser qqn sur le carreau, le laisser pour mort. Demeurer, rester sur le carreau : être tué ou gravement blessé; fig. être laissé pour compte, être hors course.
Spécialt (1723) Le carreau des Halles : endroit des anciennes Halles de Paris où l'on étalait et où l'on vendait les fruits, les légumes. Le carreau du Temple. Carreau de mine, de carrière : emplacement où sont déposés les produits extraits.
4(1318) Plaque de verre dont sont munies les fenêtres, les portes vitrées. vitre. Carreau cassé. Remettre, remplacer un carreau. Taper aux carreaux. Faire les carreaux. Laveur de carreaux.
5Fam. monocle. Verre de lunettes; (au plur.) lunettes.
Œil. « tu as les plus beaux carreaux de la terre » (Fallet).
6 (1588) Anciennt Coussin carré. Petit métier portatif de dentellière, constitué d'un coussin.
7(1611) Techn. Gros fer à repasser de tailleur.
II
1(1690) Dessin symétrique formé par le croisement à angle droit de lignes, de bandes verticales et horizontales. Étoffe à carreaux. écossais, vichy. Veste à carreaux. Papier à grands, à petits carreaux. quadrillé.
2(1834) Dess. Carreaux de réduction, d'agrandissement, de reproduction de dessins, de cartes : quadrillage que l'on reporte sur le modèle à reproduire. Mettre un croquis au carreau.
3(1532 quarreau) Dans les cartes à jouer, Série dont la marque distincte est un carreau rouge. L'as de carreau. PROV. Vx Qui se garde à carreau n'est jamais capot. Loc. Se garder, (plus cour.) se tenir à carreau : être sur ses gardes. « un froussard qui se garde à carreau » ( A. Gide).

Carreau à Paris, endroit où se faisaient les ventes non officielles autour et en dehors des anciennes Halles.

carreau
n. m.
rI./r
d1./d Pavé plat de terre cuite, faïence, linoléum, etc., de forme géométrique régulière, servant au revêtement des sols, des murs. Carreaux protégeant un mur au-dessus d'un évier. Syn. (Suisse) planelle, (Québec) tuile.
|| Par ext. Sol revêtu de carreaux. Laver, vernir le carreau.
|| Loc. Sur le carreau: à terre, en parlant d'une personne vaincue, blessée ou tuée dans une lutte. Rester sur le carreau. Laisser qqn sur le carreau.
|| (Québec) (Sujet inanimé.) Laisser, mettre (qqn) sur le carreau, l'exclure, ou le laisser dans une situation financière difficile. L'incendie a laissé les travailleurs de l'usine sur le carreau.
(Sujet animé.) Rester, se retrouver sur le carreau: être éliminé; se retrouver sans emploi, sans ressources. Un joueur sur le carreau, blessé, incapable de jouer.
d2./d Vitre d'une porte, d'une fenêtre. Poser un carreau.
d3./d TECH Fer à repasser des tailleurs.
|| (Antilles fr., Haïti, oc. Indien) Cour. Fer à repasser (qu'on chauffe).
d4./d PECHE Syn. de carré 1 (sens I, 6).
d5./d (Afr. subsah., Québec) (En parlant d'un aliment.) Morceau (de sucre), carré (de chocolat).
(Québec) Couper des patates en carreaux.
(Guyane) Sucre carreau: V. sucre.
d6./d (Québec) Vieilli ou rural Compartiment ou ouverture carrés.
Carreau à patates, servant à ranger ces légumes.
Carreau à fumier, par lequel on sort le fumier de l'étable.
rII./r
d1./d Dessin, motif carré ou rectangulaire. Tissu à carreaux. Des copies à grands, à petits carreaux.
(Québec) Case d'un échiquier, d'un damier.
d2./d Carreau de réduction, d'agrandissement: réseau de lignes tracées sur le papier, la toile, permettant de réduire ou d'agrandir le modèle à reproduire. Mise au carreau d'un modèle.
rIII/r
d1./d MINES Emplacement au jour où se trouvent les bâtiments et les installations nécessaires à l'exploitation.
d2./d (Maurice, Réunion) Superficie de terrain cultivé. Carreau de canne.
(Madag., Maurice, Réunion) Lopin de terre, cultivé ou non.
d3./d (Madag., Réunion) Emplacement réservé aux bazardiers sur un marché.
rIV./r Une des quatre couleurs d'un jeu de cartes, dont la marque est un carreau rouge. Roi de carreau.
Carte de cette couleur. Il a trois carreaux.
|| Loc. fig., Fam. Se tenir à carreau: surveiller sa conduite afin d'éviter tout ennui ou erreur.

⇒CARREAU, subst. masc.
I.— Figure de forme quadrangulaire.
A.— [En tant qu'élément décoratif] Dessin de forme carrée servant de motif décoratif. Carreaux écossais; mouchoir, tissu à carreaux. Henrika avait une jupe de coton à carreau blanc et brun (RIMBAUD, Illuminations, 1873, p. 272).
Rem. Ac. 1932 signale que dans ce sens, carreau ,,ne se dit guère qu'en parlant de plusieurs carrés formant un assemblage symétrique``.
B.— [En tant que dispositif utilitaire]
1. B.-A. Quadrillage porté sur un croquis, un dessin, etc., pour en faire une reproduction sur un support également quadrillé. Mettre une esquisse, une toile, une maquette au carreau (cf. ZOLA, L'Œuvre, 1886, p. 259).
2. Figure quadrangulaire formée par le croisement des lignes horizontales et des lignes verticales d'un papier quadrillé. Les écoliers écrivent habituellement sur du papier à carreaux (DUB.).
C.— [En tant que signe ou symbole]
1. HÉRALD. Meuble présentant un carré parfait posé sur une de ses pointes.
2. JEUX DE CARTES
a) Au sing. Une des quatre couleurs, ayant la forme d'un carré ou d'un losange rouge; valeur attachée à cette couleur. As, roi, dix de carreau. Alors, vous comprenez bien, le carreau est plus fort que le trèfle et le pique est plus fort que le cœur et le carreau (G. DUHAMEL, Chronique des Pasquier, Vue de la Terre promise, 1934, p. 188).
P. méton., au sing. et au plur. Carte(s) de cette couleur. Il me reste l'as de pique et un carreau maître (PAGNOL, Marius, 1931, III, 1er tabl., p. 172).
♦ [P. anal. de forme] As de carreau. Losange. Les vieux contrevents de bois plein sont percés chacun d'un as de carreau (TOULET, Les Tendres ménages, 1904, p. 19).
P. compar., fam. Valet de carreau. Homme méprisable. Traiter qqn comme un valet de carreau :
1. — J'ai traité les agents de police comme des valets de carreau et avais fort envie de les rosser pour leur apprendre la politesse.
BARBEY D'AUREVILLY, 1er Memorandum, 1838, p. 193.
b) Expr. et loc. fig.
Se garder, se tenir à carreau. Être sur ses gardes; rester sur la réserve, se tenir coi. J'ai été extrêmement prudent, j'ai pas raconté d'histoire, je voulais me tenir à carreau (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 200).
Garde à carreau. Moyen de se tirer d'embarras :
2. ... j'ai une garde à carreau. Dans le cas, fort probable, où ces messieurs voudraient me tirer une carotte un peu trop forte, je leur opposerai la volonté ou le caprice de la femme aimable...
STENDHAL, Nouvelles inédites, 1842, p. 322.
Rem. On rencontre ds la docum. plusieurs var. Les intérêts de la vérité sont gardés à pique et à carreau (BARRÈS, Le Jardin de Bérénice, 1891, p. 9). Il se gardait à cœur comme à carreau (L. CLADEL, Ompdrailles, 1879, p. 17).
Proverbe. Qui se garde à carreau n'est jamais capot. Qui prend ses précautions n'est jamais battu.
Rem. Selon LITTRÉ, GUÉRIN 1892, DG et ROB., ce proverbe serait fondé uniquement sur l'assonance; en réalité, il s'agit probablement du carreau en tant que forme stylisée et successeur des quatre bâtons disposés en croix de Saint André (et donc à quatre branches) du jeu de tarot (d'où l'expr. jouer du bâton); se garder (et supra se tenir) à carreau; c'est se préserver des coups de bâton et éviter d'être « battu », c'est-à-dire, au tarot symbolique, d'être victime de la force brute.
II.— P. méton. Objet, surface dont la forme est perçue comme quadrangulaire ou carrée.
A.— [La forme perçue est le contour et la surface d'un objet transparent]
1. BÂT. Carreau de vitre (vx), p. ell., usuel carreau. Plaque de verre généralement rectangulaire ou carrée garnissant le châssis d'une fenêtre, d'une porte, d'une véranda, etc. Casser un carreau; frapper, taper au carreau.
2. P. ext.
a) Châssis vitré. Ouvrir, fermer les carreaux (Ac. 1932).
b) Arg. Carreaux brouillés. Maison de prostitution (par référence au fait que les vitres de ces maisons étaient généralement blanchies afin d'empêcher de voir à l'intérieur).
3. P. anal., plais., arg. et pop.
a) Au sing. Monocle. Un monsieur, parfaitement bien mis, le carreau de vitre à l'œil, se penche en avant d'une loge (VILLIERS DE L'ISLE-ADAM, Contes cruels, La Machine à gloire, 1883, p. 86).
Au plur. Lunettes; lorgnon, pince-nez :
3. Anne, ma sœur Anne, bigle un peu (...)
Tu sais bien que je suis miro (...)
Anne, ma sœur Anne, mets tes carreaux.
L. STOLLÉ, Contes, Barbe-bleue, 1947, p. 2.
b) Au sing. et au plur. Œil. Il se carra dans un loinqué, et bigla de tous ses carreaux (L. STOLLÉ, Contes, Ali-baba, 1947, p. 1).
4. PÊCHE. Filet généralement carré tendu sur deux portions de cerceau croisées et suspendues au bout d'une perche, servant à pêcher le menu poisson. Synon. carré2, carrelet2.
Rem. Selon certains dict. (LITTRÉ, GUÉRIN 1892 et DG) ce filet est aussi appelé échiquier.
B.— [La forme perçue est le contour et la surface d'un objet compact]
1. Objet mobile.
a) AMEUBL. Coussin carré pour s'asseoir ou s'agenouiller. M. de Guise a obtenu la faveur d'avoir un carreau à la messe du roi (JOUY, L'Hermite de la Chaussée d'Antin, t. 2, 1812, p. 6).
Rem. Lar. encyclop. signale qu'av. la Révolution l'usage du carreau était réglementé ,,à la Cour, par une étiquette sévère, l'usage en étant réservé, à la chapelle royale, aux dames qui avaient un tabouret dans les appartements``.
P. ext. Coussin utilisé dans la confection de la dentelle au fuseau, sur lequel les ouvrières exécutent leur ouvrage. Son carreau de dentellière sur les genoux, elle travaillait à un voile de tabernacle (POURRAT, Gaspard des Montagnes, À la belle bergère, 1925, p. 202).
b) MAÇONNERIE
Vieilli. Pierre taillée dont la plus grande largeur est en parement. Anton. boutisse (cf. VIOLLET-LE-DUC, Entretiens sur l'archit., t. 2, 1872, p. 430).
Usuel. Plaque de ciment, de terre cuite, de marbre, etc. de forme régulière, quadrangulaire et le plus souvent carrée, que l'on assemble avec d'autres pour recouvrir un sol, une paroi. Carreaux de pavage, carreau du mur; fabrication des carreaux.
2. P. méton. (de 1 b). Sol. Tomber sur le carreau.
a) BÂT. et TRAV. PUBL.
Vieilli. Sol recouvert de carreaux, pavage de carreaux. Balayer, cirer le carreau. Le carreau, proprement balayé, se trouvait en plusieurs endroits usé, cassé, creusé (BALZAC, Le Médecin de campagne, 1833, p. 70). Synon. mod. carrelage :
4. Aujourd'hui, les seigneurs auprès des châtelaines,
Avec le lévrier à leurs longues poulaines,
S'allongent aux carreaux de marbre blanc et noir.
HEREDIA, Les Trophées, 1893, p. 91.
COMM. (parisien). Emplacement pavé de carreaux, affecté aux étalages de vente.
Carreau des Halles, p. ell. carreau. Emplacement situé à l'extérieur des pavillons des anciennes Halles et garni d'étalages pour la vente des fruits, légumes, etc. :
5. Les marchandes qui étalaient au carreau des Halles, sur l'emplacement où était situé le pilori, payaient une redevance annuelle à l'exécuteur de la prévôté et vicomté de Paris.
BALZAC, Œuvres diverses, t. 1, 1850, p. 305.
Carreau du Temple. Partie du marché du Temple à Paris où se vendent des vêtements de qualité inférieure, neufs ou d'occasion. La tante elle avait soldé la « toilette » au carreau du Temple pendant près de cinquante ans (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 51).
Loc. diverses
Coucher une pers. sur le carreau. Mettre une personne à terre, la tuer ou la blesser. J'ai couché sur le carreau trente-sept hommes qui ne s'en sont pas relevés (T. GAUTIER, Le Capitaine Fracasse, 1863, p. 350).
Demeurer, rester sur le carreau. Rester à terre, mort ou mortellement blessé. Sains et blessés prennent la fuite, cinq cadavres seulement restent sur le carreau (P. BOREL, Champavert, Don Andréa Vésalius, l'anatomiste, 1833, p. 69). Au fig. Subir un échec :
6. J'ai vu rester sur le carreau les candidats malheureux, comme Stéphen Liégard, lequel n'avait pour lui qu'un sérieux répondant, son Chambertin, dont il abreuvait ses électeurs...
L. DAUDET, Quand vivait mon père, 1940, p. 233.
Laisser une pers. (étendue) sur le carreau. Abandonner une personne blessée mortellement ou tuée. Vous avez laissé quelques hommes sur le carreau... c'est une victoire coûteuse (BALZAC, Splendeurs et misères des courtisanes, 1847, p. 636). Au fig. Abandonner, délaisser une personne dans une situation difficile :
7. ... je suis certain de mon élection; mais je suis bien forcé de me solidariser avec mes collègues, afin de ne pas les laisser sur le carreau...
ZOLA, Vérité, 1902, p. 115.
Mettre le cœur sur le carreau (pop., vx). Vomir par terre.
Rem. Selon LITTRÉ ,,cette locution est fondée sur le double sens de cœur de carte et cœur pris pour estomac, et de carreau le sol et carreau carte``; mais la réf. au jeu de cartes n'est qu'une plaisant. secondaire.
b) Usuel, MINES Carreau d'une mine, d'une carrière. Emplacement où sont déposés les produits d'extraction. Les pauvres gens s'en vont au carreau des mines voler du charbon (MORAND, L'Europe galante, 1925, p. 26).
c) Région., HORTIC. Planche de jardin potager. Synon. carré2 C 1 c. Il descendait au jardin et donnait une façon à quelque carreau de légumes (POURRAT, Gaspard des Montagnes, La Tour du Levant, 1931, p. 109).
3. MÉD., vx. [P. anal. avec la dureté du sol] Carreau mésentérique, p. ell. carreau. Tuméfaction abdominale à consistance dure accompagnant diverses maladies de l'enfance (cf. J. VALLÈS, Jacques Vingtras, L'Enfant, 1879, p. 299).
C.— [La forme est celle d'un objet dont la section est rectangulaire ou carrée]
1. Vx. Trait d'arbalète à fût court et à quatre faces (cf. carre B 2) Juan Forès pique en vain d'un carreau d'arbalète/Un vieux rouan fourbu qui bronche et qui halète (HEREDIA, Les Trophées, 1893, p. 195).
P. métaph., littér. Carreau céleste; carreau de la foudre, de Jupiter. La foudre, le tonnerre. Le nuage crève;/Son brûlant carreau/Jaillit comme un glaive/Qui sort du fourreau! (LAMARTINE, Harmonies, Jehova ou l'idée de Dieu, 1830, p. 362).
2. MÉTIERS
a) Gros fer à repasser de tailleur servant à rabattre les coutures des habits (cf. A. GENDRON, Le Métier de tailleur, Culottières, 1927, p. 34).
b) Grosse lime à métal de section rectangulaire terminée par une pyramide tronquée, servant à dégrossir (cf. carrelet3, carrelette).
Prononc. et Orth. :[] ou []. [a] ant. ds DUB., Pt Lar. 1968 et Lar. Lang. fr.; cf. aussi ds NOD. 1844, BESCH. 1845. [] post. ds PASSY 1914, BARBEAU-RODHE 1930 et WARN. 1968; cf. aussi ds FÉR. 1768, FÉR. Crit. t. 1 1787, LAND. 1834, GATTEL 1841, FÉL. 1851, LITTRÉ et DG. [] post. également pour KAMM, 1964, p. 97. [a] ou [] ds Pt ROB. [RR] géminées ds FÉR. 1768. À ce sujet cf. aussi GATTEL 1841 qui recommande r forte. Ds Ac. 1694 sous la forme quarreau mais avec la rem. ,,on écrit présentement carreau``. Ds Ac. 1718-1932 sous la forme moderne. Étymol. et Hist. A. Ca 1100 quarrel « trait d'arbalète dont le fer est de section carrée » (Roland, éd. Bédier, 2265), donné comme ,,anc.`` par Pt ROB.; 1611 p. anal. « gros fer à repasser des tailleurs » (COTGR.); 1676 gros carreaux « grosse lime de serrurier » (FÉLIBIEN Dict., p. 512). B. 1. 1160 quarel, « pavé plat fait de terre cuite, de pierre, etc., dont on se sert pour paver, pour recouvrir une paroi » (WACE, Rou, 3e p., 1464 ds GDF. Compl.); p. ext. a) 1330 « sol pavé de carreaux » (H. Capet, 931, ibid.); 1723 carreau de la Halle « endroit où les marchands font leur étalage » (J. SAVARY DES BRUSLONS, Dict. universel de comm., Paris); 1867 carreau de la mine (Lar. 19e); cf. 1885 (ZOLA, Germinal, II, p. 207); d'où les expr. ca 1600 étendre qqn sur le carreau (Hardy ds FEW t. 2, s.v. quadrus, p. 1401b); XVIe s. sur les carreaux « dans la rue » (LOYSEL, 482 ds LITTRÉ); cf. 1690 sur le carreau (FUR.); b) 1718 « affection des ganglions mésentériques avec tuméfaction et dureté du ventre » (Ac.); 2. 1318 « carré de verre à vitre » (Pontoise, A. S.-et-O., A 1434 ds GDF. Compl.); plus gén. 1830 « les vitres de la fenêtre » (BALZAC, Gobseck, p. 39b : des petits rideaux tendus aux carreaux); d'où 1858 fam. carreau de vitre « monocle » (LARCH., p. 599); 3. ca 1285 quarrel « coussin carré pour s'asseoir ou se mettre à genoux » (Le Livre d'Artus ds The Vulgate version of the Arthurian Romances, éd. H.O. Sommer, vol. 2, p. 174); en partic. 1400 « petit coussin que les dentellières mettent sur leurs genoux » (E. DESCHAMPS, Ballade des nouveaulx mariés ds HAVARD). C. 1. XIe s. « petit carré » (Pt ROB. sans ex.); d'où a) 1513 « planche d'un jardin potager » (Pierre Vachot ds Anc. Poés. fr., éd. A. de Montaiglon, t. 3, p. 522 : carrel De noble fleur); b) 1690 « étoffe à petits carreaux » (FUR.); 2. 1834 dessin (LAND. : Carreau [...] Réduire une estampe, un dessin aux carreaux, les graticuler [diviser en un même nombre de petits carrés un tableau ... et la toile ou le papier sur quoi l'on veut en faire une copie]); 3. 1594 jeux « série, dans les cartes à jouer, dont la marque distinctive est un carreau rouge » (Sat. Mén., Harangue du Recteur Roze, p. 148 ds HUG. : Roy de carreaux); 1842 fam. avoir une garde à carreaux, supra ex. 2; 1863 id. se garder à carreau (LITTRÉ). Du lat. vulg. quadrellus (dér. de quadrus « carré ») représenté par le lat. médiév. quadrellus « mesure agraire de superficie » (D. Charles le Ch., n° 313 [a. 868] ds NIERM.). Fréq. abs. littér. :1 546. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 1 081, b) 3 540; XXe s. : a) 3 060, b) 1 914. Bbg. BARB. jr. Poissons 7 1915, pp. 291-292. — DAUZAT Ling. fr. 1946, p. 152. — DENQUIN (P.). Le Parler de la mine. Vie Lang. 1961, p. 475. — GOTTSCH. Redens. 1930, p. 293. — GOUVERNEMENT DE QUÉBEC. Vocab. techn. des quilles. 1972, p. 11, 16. — LEW. 1960, p. 35. — RAUVILLE (C. de). La Réunion et son lang. Vie Lang. 1970, p. 332. — ROG. 1965, p. 92. — RITTER (E.). Les Quatre dict. fr. Rem. lexicogr. B. de l'Inst. nat. genevois. 1905, t. 36, p. 367. — ROMMEL (A.). Die Entstehung des klassischen französischen Gartens im Spiegel der Sprache. Berlin, 1954, p. 10, 11, 16, 17, 18, 54. — SAIN. Arg. 1972 [1907], p. 87, 254. — SAIN. Sources t. 2 1972 [1925], p. 164, 191.

carreau [kaʀo] n. m.
ÉTYM. 1080, quarrel, sens I., 5.; du lat. pop. quadrellus, de quadrus « carré ».
———
I
1 (1160, « pierre ou brique posée de chant »). Pavé plat (en terre cuite, en pierre, en marbre…), de forme généralement carrée, utilisé pour le pavage des sols ou le revêtement des murs. || Carreau en faïence; carreau vernissé. || Carreau à quatre pans. || Carreau rectangulaire, hexagonal. || Carreau de revêtement. Azulejo. || Carreaux recouvrant un sol, une chaussée, une rue. Dalle. || Assemblage de carreaux. Carrelage.
1 Ils (…) la traînèrent (…) sur un pavé de pierres inégales et escarpées (…) elle était tout écorchée (…) par les pointes de ces carreaux.
Racine, Traductions.
2 (…) un grand maître tireur d'armes, qui vient, avec ses battements de pied (…) nous déraciner (…) tous les carriaux (sic) de notre salle.
Molière, le Bourgeois gentilhomme, III, 3.
2.1 Les carreaux, par terre, sont blancs et verts, d'un vert plus pâle que celui des tables.
Jacques Teboul, Vermeer, p. 33.
2 a Vx ou régional. Sol pavé de carreaux. || Le carreau d'une chambre. || Laver le carreau. — ☑ Fig. Jeter, coucher qqn sur le carreau, le mettre à terre.Laisser qqn sur le carreau, le laisser à terre, mort ou gravement blessé.Demeurer, rester sur le carreau : être tué, gravement blessé.Fig. Subir un échec; être laissé pour compte.
2.2 Il n'y a que moi jusqu'ici qui suis resté sur le carreau. Mais on ne peut pas savoir. La chance est dans ma famille; qui sait si je ne serai pas un jour président de la République ?
Proust, Sodome et Gomorrhe, Pl., t. II, p. 980.
Fig. Laisser (qqn) sur le carreau : abandonner (qqn) dans une situation difficile.
Loc. pop. Vx. Mettre le cœur sur le carreau : vomir (jeu de mots sur cœur [mal au cœur] et carreau, II., 3.).
b Mod. || Le carreau des Halles (à Paris), endroit des anciennes Halles où l'on étalait et où l'on vendait les fruits, les légumes.Dans des halles modernes, Emplacement regroupant des denrées de même nature.
2.3 Ils marchèrent dans une odeur exquise qui traînait autour d'eux et semblait les suivre. Ils étaient au milieu du marché des fleurs coupées. Sur le carreau (…) des femmes assises avaient devant elles des corbeilles carrées, pleines de bottes de roses (…)
Zola, le Ventre de Paris, t. I, p. 34 (1873).
2.4 (Florent) passa au carreau de la triperie, parmi les têtes et les pieds de veau blafards (…)
Zola, le Ventre de Paris, t. I, p. 48 (1873).
Le carreau du Temple, partie du marché du Temple, à Paris, où le prix des vêtements vendus peut être débattu.
c Carreau de mine, de carrière : emplacement où sont déposés les produits extraits. || Travailler au carreau ou au fond.
2.5 (…) autour des bâtiments, le carreau s'étendait, et il (Étienne) ne se l'imaginait pas si large, changé en un lac d'encre par les vagues montantes du stock de charbon (…) encombré dans un coin de la provision de bois (…)
Zola, Germinal, t. I, p. 76 (1885).
3 (Du sens 1). Méd. Tuberculose des ganglions mésentériques (le ventre devenant dur comme un carreau).
4 (Par anal. du sens 1). a Plaque de verre dont sont munies les fenêtres, les portes vitrées. Vitre. || Carreau cassé. || Remettre, remplacer un carreau. || Regarder aux carreaux, à travers les vitres.Par ext. Châssis garni de carreaux. || Ouvrir, fermer les carreaux (Académie).
b Fam. Monocle.Mod. Verre de lunettes; (au plur.) lunettes.Par ext. Les yeux.
2.6 Comme je le racontais tout à l'heure à c'gros presse-papier, j'ai ouvert les carreaux juste à temps pour me cramponner à ma toile de tente qui fermait mon trou (…)
H. Barbusse, le Feu, t. I, p. 8 (1917).
5 (1588, Montaigne; par anal. du sens 1). Vieilli. Coussin carré, parfois recouvert de tapisserie, et servant de siège, d'agenouilloir, ou garnissant le fond, le dossier de certains sièges. || Un carreau de velours.
3 Une de ses femmes (…) lui apporte un siège; l'autre (…) met un carreau dessus.
Racine, Remarques sur l'Odyssée.
4 J'aperçus la divinité assise sur un gros carreau de satin, je la trouvai charmante et grasse de la fumée des sacrifices.
A. R. Lesage, Gil Blas, III, IX.
5 Comme siège, on m'apporte un carreau de velours noir (…)
Loti, Mme Chrysanthème, III, p. 24.
Petit métier portatif de dentellière, disposé sur un coussin.
6 Vx. Trait de l'arbalète, au fer court et pesant, losangé à quatre pans.Par ext. (Littér.). || Les carreaux vengeurs de Jupiter. || Les carreaux de la foudre. Foudre.
7 Techn. (objets de forme carrée). Grosse lime de serrurier. Carrelet (3.), carrelette.Gros fer à repasser des tailleurs.
———
II
1 Petit carré faisant partie d'un assemblage symétrique formant le décor d'un tissu. || Étoffe à carreaux. || Tapisserie à grands, à petits carreaux. Quadrillé. || Les carreaux d'un tissu écossais. || Veste à grands carreaux.
5.1 Sur le damier de petits carreaux rouges et blancs de la toile cirée, le verre a laissé plusieurs traces circulaires, mais presque toutes incomplètes, dessinant une série d'arcs plus ou moins fermés.
A. Robbe-Grillet, Dans le labyrinthe, p. 40.
Dessin. || Carreaux de réduction, d'agrandissement, de reproduction de dessins, de cartes : procédé de reproduction exacte d'un modèle à l'échelle voulue, qui consiste en un réseau de lignes parallèles et perpendiculaires formant des carreaux que l'on reporte sur la toile ou le papier. Carroyage. || Mettre un croquis au carreau.Par métaphore. Réduire, régler (selon un principe).
5.2 Ainsi se révèle mon désir de peindre : peindre des femmes. Et les mettre au carreau de mon vouloir pour me leurrer sur ce qu'elles révèlent de mon impuissance.
Jacques Teboul, Vermeer, 1977, p. 258.
2 Vx ou régional (Auvergne, Suisse). Carré (de terre cultivée). || Les carreaux d'un jardin. || Un carreau d'artichauts.
6 Le pis fut que l'on mit en piteux équipage
Le pauvre potager; adieu planches, carreaux (…)
La Fontaine, Fables, IV, 4.
6.1 C'est pas bien grand un carreau de pois, pourtant c'est haut; quand on y est on ne voit plus rien (…)
C.-F. Ramuz, Aline, in Œ. compl., t. I, p. 126.
3 Dans les cartes à jouer, Série dont la marque distincte est un carreau rouge. || L'as de carreau. || Le roi, la dame, le valet, le dix…, le sept ( Lindor) de carreau.
Prov. Qui se garde à carreau n'est jamais capot, dicton fondé sur la consonance. — ☑ Loc. Se garder à carreau; (cour.) se tenir à carreau : être sur ses gardes.
7 (…) à travers sa pourpre, je reconnais sans cesse un froussard qui se garde à carreau.
Gide, Journal, 11 avr. 1948.
8 Tiens-toi à carreau.
F. Mauriac, le Sagouin, II, p. 79.
9 Qu'elle ait fait mauvaise impression, à Rueil, elle en paraissait d'ailleurs consciente (…) Elle se tenait à carreau (…) Elle se tassait par moments (…) engourdie, bénigne (…)
Hervé Bazin, Cri de la chouette, p. 46.
DÉR. V. Carreler, carrelet, carroyage.
COMP. Lèche-carreaux, passe-carreau, porte-carreaux.

Encyclopédie Universelle. 2012.