débauche [ deboʃ ] n. f.
• 1499; de débaucher
A ♦
1 ♦ Vieilli Usage excessif, jugé condamnable, de plaisirs sensuels. ⇒ désordre (de la conduite), inconduite. S'adonner à la débauche. Tomber dans la débauche. Compagnons de débauche. — Débauche de table. ⇒ beuverie, ribote, ripaille, soûlerie.
♢ Mod.; littér. ou iron. Excès des plaisirs de la chair. ⇒ dépravation, dévergondage, dissolution, intempérance, libertinage, licence, luxure, vice. Débauche honteuse. ⇒ stupre, turpitude. « dans la débauche, vous avez une âme qui se dégoûte de son propre corps » (Montesquieu). Loc. Vivre dans la débauche (cf. Mener une vie de bâton de chaise, faire la noce, la bombe). Actes, partie de débauche. Lieu de débauche. « Le grand plaisir du débauché, c'est d'entraîner à la débauche » (A. Gide). — Dr. Incitation de mineurs à la débauche.
2 ♦ Au plur. Vieilli Acte de débauche. ⇒ débordement, déportement, 1. écart (de conduite). « les honteuses débauches souillaient de fange les cheveux blancs » (Courteline).
B ♦ Fig.
1 ♦ Usage excessif et déréglé (de qqch.). ⇒ abus, excès, intempérance. L'auteur se livre à des débauches d'imagination.
2 ♦ Une débauche de... : profusion (de ce qui est surabondant et étalé). ⇒ étalage, luxe, orgie, surabondance. Une débauche de couleurs. « C'est une débauche de poésie dramatique, une orgie de beautés sublimes ! » (Duhamel).
⊗ CONTR. Frugalité, sobriété. Austérité, chasteté, décence, retenue, vertu. Modération.
● débauche nom féminin Usage excessif, déréglé des plaisirs de l'amour, de la table ; libertinage, dévergondage : Se livrer à la débauche. ● débauche (citations) nom féminin Charles Baudelaire Paris 1821-Paris 1867 Toute débauche parfaite a besoin d'un parfait loisir. Les Paradis artificiels Gustave Flaubert Rouen 1821-Croisset, près de Rouen, 1880 Académie française, 1880 La courtisane est un mythe. Jamais une femme n'a inventé une débauche. Correspondance, à Mme X, 1852 Joseph Joubert Montignac, Corrèze, 1754-Villeneuve-sur-Yonne 1824 Il entre, dans toute espèce de débauche, beaucoup de froideur d'âme. Elle est un abus réfléchi et volontaire du plaisir. Carnets ● débauche (expressions) nom féminin Une débauche de, une abondance, une profusion de : Une débauche de mots d'esprit. Excitation de mineurs à la débauche (aujourd'hui corruption de mineur), action de mettre un mineur en situation d'être témoin d'actes ou d'exhibitions de nature sexuelle, érotique ou pornographique, même si le mineur n'y participe pas. Provocation à la débauche, tentative de corruption de mineur ou incitation au racolage. ● débauche (synonymes) nom féminin Usage excessif, déréglé des plaisirs de l'amour, de la table ;...
Synonymes :
- débordement
- dépravation
- dérèglement
- dévergondage
- licence
- luxure
- orgie
- stupre
Contraires :
- ascétisme
Une débauche de
Synonymes :
- étalage
- luxe
- prodigalité
débauche
n. f.
d1./d Dérèglement des moeurs, recherche excessive des plaisirs sensuels. Incitation de mineurs à la débauche.
d2./d Fig. Débauche de: profusion, abus de. Raconter une histoire avec une débauche de détails.
⇒DÉBAUCHE, subst. fém.
A.— Au sing.
1. Usage excessif ou déréglé de tous les plaisirs des sens, notamment de ceux de l'amour et de ceux de la table. S'adonner, se livrer à la débauche; mener une vie de débauche. Les évêques de Mingrelie sont journellement en fêtes, et passent leur vie en repas de débauche (DUPUIS, Orig. cultes, 1796, p. 550). En amour, tout ce qui n'était pas vice et débauche le rasait (MIRBEAU, Journal femme ch., 1900, p. 243) :
• L'apprentissage de la débauche ressemble à un vertige; on y ressent d'abord je ne sais quelle terreur mêlée de volupté, comme sur une tour élevée. Tandis que le libertinage honteux et secret avilit l'homme le plus noble, dans le désordre franc et hardi, dans ce qu'on peut nommer la débauche en plein air, il y a quelque grandeur, même pour le plus dépravé.
MUSSET, La Confession d'un enfant du siècle, 1836, p. 104.
SYNT. Sombrer, tomber dans la débauche; lieu, maison de débauche; compagnon(s) de débauche; incitation, excitation de mineurs à la débauche.
— P. plaisant., fam. [Sans nuance péj.] Petit écart, petit excès (de table, de conduite) inaccoutumé. Nous avons fait hier une petite débauche (Ac.). Un petit rentier maniaque dont l'unique débauche était d'acheter de la peinture (ZOLA, Œuvre, 1886, p. 91). Valentin venait de manger une côtelette, de grand appétit, véritable débauche qu'il ne se permettait pas depuis des mois (ZOLA, D. Pascal, 1893, p. 49).
2. Au fig. Usage excessif ou déréglé de quelque chose. Cet ouvrage est une débauche d'esprit (Ac.). Il ne cessait de fumer. Il faisait une débauche de cigarettes et d'allumettes (PESQUIDOUX, Livre raison, 1928, p. 38).
— P. ext. [Exprimant la quantité] Une débauche de + subst. Synon. profusion, surabondance. C'était une gigantesque débauche de fleurs, une colossale orgie aromale (T. GAUTIER, Le Roman de la momie, 1858, p. 235). Débauche de couleurs : toutes les nuances de l'arc-en-ciel (MARTIN DU G., Thib., Épil., 1940, p. 942).
B.— P. méton., au sing. ou au plur. Acte de débauche. Une nuit dépensée en débauches raffinées et coûteuses (MILOSZ, Amour. initiation, 1910, p. 225). Une société secrète qui se livrait à de dégoûtantes débauches (CAMUS, Possédés, 1959, p. 1008).
Prononc. et Orth. :[]. Ds Ac. 1694 et 1718 sous l'anc. forme desbauche; ds Ac. 1740-1932 sous la forme moderne. Étymol. et Hist. 1499 (Gringore d'apr. P. Wexler ds Fr. mod., t. 29, 1961, p. 138); 1541 [éd. 1561] « abus des plaisirs des sens » (CALVIN, Inst., 263 ds LITTRÉ); 1690 fig. j'ay fait une desbauche de melons « ce qui se fait au-delà de l'ordinaire » (FUR.); av. 1872 débauche de couleurs (T. GAUTIER, Caprices et zigzags, 286 d'apr. MATORÉ). Déverbal de débaucher. Fréq. abs. littér. : 866. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 1 345, b) 1 373; XXe s. : a) 1 604, b) 829. Bbg. MAT. Louis-Philippe 1951, p. 136.
débauche [deboʃ] n. f.
ÉTYM. 1499; de débaucher.
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♦ Usage excessif, jugé condamnable, des plaisirs sensuels.
1 (La débauche). a Vx ou relig. Excès, abus des plaisirs sensuels en général, condamnés par un jugement moral et social (lié aux idées dominantes à chaque époque, notamment aux idées religieuses); conduite qui en découle. ⇒ Abus, excès; corruption, immoralité; débordement, déportement, dérèglement, désordre (de la conduite), inconduite. REM. La notion est liée à celles d'excès, de désordre, de faute morale (→ Vice) et d'abaissement (→ Crapule) autant qu'à celle de plaisir (→ Jouissance; plaisirs, n. m. pl.; volupté); au XVIIe siècle, cette notion s'applique surtout aux hommes, et concerne « l'abandonnement au vin, aux femmes, au jeu et aux autres vices » (Furetière, 1690). — S'adonner, s'abandonner à la débauche. || Tomber dans la débauche. || Vivre, passer sa vie dans la débauche : avoir une conduite désordonnée, relâchée, scandaleuse. || Compagnons de débauche. — (Qualifié). || Débauche de table (sens b); la débauche des femmes (sens c).
♦ Par exagér. Excès (dans quelque domaine que ce soit), écart par rapport à des règles de conduite. || « Un petit rentier (…) dont l'unique débauche était d'acheter de la peinture » (Zola, in T. L. F.).
N. B. Cet exemple atteste le glissement de la notion de « excès moralement condamnable » à « entorse aux principes bourgeois d'économie, etc. », fondé sur la notion commune d'« excès »; l'extension de sens est attestée dès le XVIIe siècle.
b Spécialt et vx. Excès des plaisirs de la table; intempérance dans la gourmandise (⇒ Gloutonnerie) et la boisson (⇒ Ivrognerie.). || « Repas de débauche » (Dupuis, 1796, in T. L. F.). || Partie de débauche. ⇒ Beuverie, ripaille, soûlerie.
REM. Dans ce sens, qui ne survit plus qu'au sens 2 (une débauche… de table), débauche implique en général aussi la notion d'excès d'ordre sexuel (ci-dessous, c).
c Spécialt et mod. Excès des plaisirs de la chair; recherche et pratique de la sexualité sans retenue et au mépris des règles morales de la société. — REM. Cette valeur est la plus vivante du mot; mais l'évolution des mœurs fait qu'en dehors des contextes de jugement moral explicite (religion, etc.), débauche, comme les mots de la même famille, est souvent ironique ou plaisant. ⇒ Dépravation, dévergondage, dissolution, incontinence, intempérance, libertinage, licence, luxure, orgie, paillardise, polissonnerie, relâchement, ribauderie (vx). || Débauche effrénée, éhontée. || Débauche honteuse. ⇒ Stupre, turpitude. || S'adonner à la débauche. || Se plonger, se vautrer, sombrer, tomber dans la débauche. ⇒ Boue, fange, ordure. ☑ Vivre dans la débauche, mener une vie de débauche. → (loc.) Rôtir le balai, mener une vie de bâton de chaise, courir les mauvais lieux, faire la noce. || Un homme perdu de débauche. ⇒ Débauché. || Actes, partie de débauche. ⇒ Bacchanale, bamboche, bamboula, bombe, bordée, bringue, foire, godaille, orgie, partie, partouse, ribote, ribouldingue, riole (vx), virée. || Bruyantes scènes de débauche. ⇒ Bacchanales, saturnales. || Lieu de débauche. ⇒ Bordel, boucan (vx), bousin, lieu (mauvais lieu, lieu de perdition); prostitution.
♦ Dr. || Excitation des mineurs à la débauche. ⇒ Corruption, prostitution.
1 Sera puni (…) 1o Quiconque aura attenté aux mœurs en excitant, favorisant ou facilitant habituellement la débauche ou la corruption de la jeunesse de l'un et de l'autre sexe (…) 2o Quiconque, pour satisfaire les passions d'autrui, aura embauché, entraîné ou détourné, même avec son consentement une femme ou fille (…) en vue de la débauche (…)
Code pénal, anc. art. 334-1.
REM. 1. Les attestations littéraires concernent en général cette valeur sexuelle; fréquentes dans la langue classique, elles se font plus rares au XXe s., où le mot est assez « marqué ».
2 Je sais fort bien que la débauche,
Tantôt à droit, tantôt à gauche,
Déshonore infailliblement
La maîtresse plus que l'amant.
Bussy-Rabutin, Maximes d'amour.
3 (…) quand la débauche et le dévergondement sont poussés à un certain point de scandale, cet excès fait plus de tort aux hommes qu'aux femmes (…)
Mme de Sévigné, 663, 15 oct. 1677.
4 L'avantage de l'amour sur la débauche, c'est la multiplication des plaisirs. Toutes les pensées, tous les goûts, tous les sentiments deviennent réciproques. Dans l'amour, vous avez deux corps et deux âmes; dans la débauche, vous avez une âme qui se dégoûte de son propre corps.
Montesquieu, Cahiers, p. 26.
5 Il entre, dans toute espèce de débauche, beaucoup de froideur d'âme; elle est un abus réfléchi et volontaire du plaisir.
Joseph Joubert, Pensées, V, XIII, p. 65.
5.1 J'arrive toute émue, Dubourg était seul, dans un état plus indécent encore que la veille. La brutalité, le libertinage, tous les caractères de la débauche éclataient dans ses regards sournois.
Sade, Justine…, t. I, p. 25 (1791).
6 Ah ! malheur à celui qui laisse la débauche
Planter le premier clou sous sa mamelle gauche !
A. de Musset, Premières poésies, « La coupe et les lèvres », IV, 1.
7 Le grand plaisir du débauché, c'est d'entraîner à la débauche.
Gide, Si le grain ne meurt, II, II, p. 343.
8 Je veux remarquer à présent dans les vices une sorte de défi à l'honneur; et je vois trois vices principaux, l'ivresse, la débauche et la cruauté (…)
Alain, les Aventures du cœur, p. 94.
REM. 2. À l'opposé de dévergondage, débauche se dit surtout des hommes.
9 (…) tu prétends, ivrogne (…) que j'endure (…) tes insolences et tes débauches ?
Molière, le Médecin malgré lui, I, 1.
10 (…) un père de famille qui a enfin réussi à embarquer pour la Bolivie le fils prodigue de qui les honteuses débauches souillaient de fange les cheveux blancs.
Courteline, Messieurs les ronds-de-cuir, 4e tableau, II, p. 244.
♦ Fam. et vieilli. Excès de table inaccoutumé. || Faire une petite débauche. — Vx. Excès, action inaccoutumée.
1 (Qualifié). Usage excessif et déréglé (de qqch.). ⇒ Abus, excès, intempérance. || Une débauche d'esprit, d'imagination. || Se livrer à des débauches intellectuelles, verbales. — ☑ Loc. Faire débauche de…
11 (…) vous soupez peut-être à l'heure qu'il est chez l'Intendant. Vous n'y faites pas, à mon avis, débauche de sincérité.
Mme de Sévigné, 367, 5 janv. 1674.
♦ (Produits consommés). || Faire une débauche de cigarettes, de cigares.
2 Une débauche de… Profusion (de ce qui est surabondant et étalé). ⇒ Étalage, luxe, profusion, surabondance. || Une débauche de couleurs, de bons mots, de fleurs.
12 Débauche de couleurs : toutes les nuances de l'arc-en-ciel.
Martin du Gard, les Thibault, t. IX, p. 188.
13 C'est une débauche de poésie dramatique, une orgie de beautés sublimes !
G. Duhamel, Inventaire de l'abîme, IX, p. 137.
♦ Littér. (sans compl. en de).
13.1 (…) la nourriture elle-même (…) exposée derrière le comptoir avec cette profusion, cette débauche ostentatoire qu'on ne rencontre que chez les pauvres (…)
Claude Simon, le Palace, éd. de Minuit, p. 21-22.
♦ Avec un jeu de mots entre les sens A et B :
14 Et, bientôt, la grande débauche des phrases avait commencé, accompagnant la grande débauche des principes et suivie de la grande débauche des gestes.
Louis Madelin, Hist. du Consulat et de l'Empire, De Brumaire à Marengo, IV, p. 47.
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Encyclopédie Universelle. 2012.