1. dégrader [ degrade ] v. tr. <conjug. : 1>
• 1190; bas lat. degradare, de gradus « degré »
1 ♦ Destituer (qqn) d'une manière infamante de sa dignité, et mod. de son grade. Dégrader civiquement qqn; dégrader publiquement un officier.
2 ♦ Fig. et littér. Faire perdre sa dignité, son honneur à (qqn). ⇒ avilir, rabaisser.
♢ SE DÉGRADER v. pron. Déchoir, s'avilir. Il se dégrade en acceptant ce compromis.
3 ♦ Rabaisser (qqch.), en diminuer les qualités, réellement ou en esprit. ⇒ déformer, rabaisser, ridiculiser. « Nos arlequins de toute espèce imitent le beau pour le dégrader » (Rousseau).
4 ♦ Détériorer (un édifice, une propriété, un objet). ⇒ abîmer, endommager, mutiler. « Quiconque aura détruit, abattu, mutilé ou dégradé des monuments, statues [...] sera puni d'un emprisonnement » ( CODE PÉNAL ).
♢ (Sujet chose) ⇒ affouiller, ronger, saper. « Les eaux dégradent toujours les rochers et mettent chez vous un peu de terre meuble » (Balzac).
5 ♦ V. pron. SE DÉGRADER.(Choses) Perdre sa valeur, ses qualités. Phys. L'énergie se dégrade selon le principe de Carnot. ⇒ 1. dégradation (5o).
♢ Cour. (Personnes) Perdre ses qualités intellectuelles et morales. ⇒ baisser, 1. tomber. « Comme c'est triste de voir les êtres qu'on chérit se dégrader peu à peu » (Flaubert). Se détériorer. Sa mémoire, sa santé se dégrade d'année en année. — Devenir négatif, empirer. La situation s'est beaucoup dégradée.
⊗ CONTR. Réhabiliter. Améliorer, convertir, épanouir, réparer.
dégrader 2. dégrader [ degrade ] v. tr. <conjug. : 1>
• 1651; it. digradare, rac. grado « degré »
1 ♦ Affaiblir, diminuer progressivement (un ton, une couleur). ⇒ fondre. Dégrader les tons d'un tableau. — P. p. adj. « Les tons fondus et doucement dégradés, les ombres pénétrées de lumière » (Taine).
2 ♦ Couper (les cheveux) selon la technique du dégradé. ⇒ effiler.
● dégrader verbe transitif (latin ecclésiastique degradare, de gradus, rang) Destituer un militaire de son grade. ● dégrader verbe transitif (de dégrader) Endommager, détériorer quelque chose : Dégrader un monument historique. Rendre progressivement quelque chose mauvais, lui faire perdre de sa valeur, de sa qualité : Ses soupçons ont fini par dégrader nos relations. Avilir quelqu'un, le faire tomber dans un état de déchéance, de dégradation morale ou intellectuelle : L'alcool l'a dégradé. ● dégrader verbe transitif (italien digradare, de grado, degré) Affaiblir par degrés l'intensité chromatique ou lumineuse d'un ton. Diminuer la saturation d'une préparation de couleur. Couper les cheveux en dégradé. ● dégrader (synonymes) verbe transitif (de dégrader) Endommager, détériorer quelque chose
Synonymes :
- abîmer (familier)
- délabrer
- esquinter (familier)
- mutiler
- ravager
- saboter
Rendre progressivement quelque chose mauvais, lui faire perdre de sa valeur...
Synonymes :
- déconsidérer
- défigurer
- déformer
- dénaturer
- dévaloriser
- dévaluer
- discréditer
- gâter
- vicier
Avilir quelqu'un, le faire tomber dans un état de déchéance...
Synonymes :
- abaisser
- avilir
- dépraver
- déshonorer
- perdre
- pourrir
- ravaler
● dégrader (synonymes)
verbe transitif
(italien digradare, de grado, degré)
Diminuer la saturation d'une préparation de couleur.
Synonymes :
- éclaircir
dégrader
v. tr.
d1./d Destituer (qqn) de son grade, de sa dignité. Dégrader un militaire.
d2./d Fig. Avilir. La corruption dégrade l'homme.
d3./d Endommager, détériorer (qqch). Dégrader un monument.
|| v. Pron. Se détériorer, s'aggraver. La situation se dégrade de jour en jour.
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dégrader
v. tr. Diminuer progressivement (la lumière, les couleurs, etc.). Ce peintre sait bien dégrader les tons.
I.
⇒DÉGRADER1, verbe trans.
A.— Destituer d'une manière infamante.
1. Vx. Destituer d'une manière infamante une personne d'une charge, d'une fonction, d'une dignité. Dégrader un gentilhomme, le dégrader de noblesse (Ac. 1835, 1878). Dégrader un membre de l'ordre de la Légion d'honneur (Ac. 1932). Le sénat de Rome dégradait ses consuls et ses dictateurs qui avaient commis quelqu'erreur dans un sacrifice (FUSTEL DE COUL., Cité antique, 1864, p. 213) :
• 1. On les [deux moines] condamna à mort; avant d'être livrés au bras séculier, il fallait les dégrader publiquement du caractère ecclésiastique.
BARANTE, Hist. des ducs de Bourgogne, t. 2, 1821-24, p. 223.
— P. métaph. Le péché, en défigurant cette ressemblance [de l'homme avec Dieu], dégrada l'homme du rang qu'il tenait dans les affections de son auteur (OZANAM, Philos. Dante, 1838, p. 199).
2. En partic., mod. Destituer d'une manière infamante un militaire de son grade et l'exclure de l'armée. Cette (...) cour de l'École Militaire qui vit dégrader Dreyfus pour le crime d'Esterhazy (CLEMENCEAU, Vers réparation, 1899, p. 466).
B.— Au fig. Diminuer la valeur morale de quelqu'un, de quelque chose. Cette conduite le dégrade aux yeux de tout le monde (Ac.). Les passions qui dégradent l'homme et en font un vil esclave (A. FRANCE, Dieux ont soif, 1912, p. 171) :
• 2. Victor Hugo a dégradé son génie par la vanité. Il n'avait pas le sentiment de sa gloire, il n'en aimait que le charlatanisme...
BARRÈS Mes cahiers, t. 6, 1908, p. 311.
— Emploi pronom. passif. En décrivant ce qui est, le poëte se dégrade et descend au rang de professeur (BAUDEL., L'Art romantique, 1867, p. 527). Privée de la connaissance intellectuelle qui l'éclaire, la volonté se dégraderait au rang d'un appétit animal (GILSON, Esprit philos. médiév., 1932, p. 105).
C.— P. ext.
1. Mettre en mauvais état, causer un dommage. Dégrader des bois. Le temps a dégradé ce monument (Ac.). Une déflagration trop instantanée [du pyroxile] (...) peut dégrader les armes à feu (VERNE, Île myst., 1874, p. 283).
— Emploi pronom. passif. Dans la vieille chambre à coucher, le papier se décolle et le plâtre du mur se dégrade. Ça fait des trous (RENARD, Journal, 1895, p. 292) :
• 3. Les lieux élevés se dégradent perpétuellement par les actions alternatives du soleil, des eaux pluviales, et par d'autres causes encore; tout ce qui s'en détache est entraîné vers les lieux bas; ...
LAMARCK, Philos. zool., t. 1, 1809, p. 78.
♦ Au fig. ,,S'aggraver, évoluer dans un sens défavorable (en parlant d'une situation politique, économique, militaire, ou de rapports entre États)`` (Lar. Lang. fr.) : ,,Depuis le dernier incident diplomatique, les relations entre les deux pays n'ont pas cessé de se dégrader`` (Lar. Lang. fr.).
2. Affaiblir, diminuer :
• 4. L'habitude du plaisir, même lorsqu'il ne va point jusqu'à dégrader directement les forces, nous rend incapables de supporter les changements brusques que les hasards de la vie peuvent amener.
CABANIS, Rapports du physique et du moral de l'homme, t. 1, 1808, p. 196.
— Emploi pronom. passif. L'énergétique pose que l'énergie se dégrade et ne monte jamais (WEIL, Pesanteur, 1943, p. 175).
Prononc. et Orth. :[], (je) dégrade []. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. a) 1174 « destituer un prêtre, un évêque » (GARNIER DE PONT SAINTE MAXENCE, Vie de Saint Thomas le Martyr, 4802, éd. E. Walberg); b) ca 1570 milit. dégrader qqn des armes (CARLOIX, Mémoires de la vie de François de Scepeaux, VI, 21 ds LITTRÉ); 1611 part. passé (COTGR.); 2. av. 1342 « abaisser, humilier » (G. DE MACHAUT, Remède de fortune, 979 ds Œuvres, éd. E. Hoepffner, t. 2, p. 36); 1792 part. prés. adj. (L.-J. Gohier ds G. LALLEMENT, Choix de rapports, opinions et discours..., t. IX, p. 365 ds DG); 3. a) ca 1593 « détériorer un édifice, quelque chose » (G. DU VAIR, Exhortation à la paix, 1381 ds Actions et traictez oratoires, éd. R. Radouant, p. 107); b) 1920 phys. énergie dégradée (F. LE DANTEC, Savoir! p. 189). Du lat. chrét. degradare « destituer un prêtre, un évêque ».
II.
⇒DÉGRADER2, verbe trans.
Diminuer graduellement, insensiblement l'intensité d'une couleur, d'une lumière. Entre l'eau et les cabines de la plage, l'éparpillement des baigneurs dégradait la blancheur du sable (HAMP, Champagne, 1909, p. 205).
♦ Emploi pronom. passif. Une bouteille [en flambé chinois] où le violet aubergine se dégrade en pourpre, traversé de fumées agatisées de couleur bleue (E. DE GONCOURT, Mais. artiste, 1881, p. 294) :
• Le ciel est divin. Le bleu profond du zénith se dégrade en rose jusqu'à l'or de l'horizon, sans un heurt, ni un nuage, tout d'une teinte.
BARRÈS, Mes cahiers, t. 6, 1907-08, p. 190.
— Spéc., PHOT. ,,Atténuer insensiblement sur les bords la teinte sombre du fond`` (Ac. 1932).
Rem. On rencontre ds la docum. un ex. d'emploi intrans. corresp. à l'emploi pronom. passif. Si la lune était un corps sphérique tout uni, nous n'y verrions, lorsqu'elle est pleine, d'autre lumière brillante qu'un point lumineux qui irait en dégradant sur le reste de son hémisphère (BERN. DE ST-P., Harm. nat., 1814, p. 371).
Prononc. et Orth. :[], (je) dégrade []. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 1651 peint. (Traité de la peinture de L. de Vinci [...] trad. d'ital. en fr. par R. Fréart de Chambray, Paris, p. 15 ds BRUNOT t. 6, p. 695); 1669 part. passé (MOLIÈRE, Val de Grâce, 115 ds Œuvres complètes, éd. A. Régnier, t. 9, p. 544); 1888 part. passé subst. « affaiblissement d'une couleur, d'une lumière » (COURTELINE, Train 8 h 47, 2e part., p. 99); 2. 1879 phot. fond dégradé (Lar. 19e); 1884 subst. dégradé (ADELINE, Lex. termes art). Empr. à l'ital. digradare « dégrader (couleur, lumière) »; (début du XVe s., Cennini ds TOMM.-BELL.), de grado « degré ».
STAT — Dégrader1 et 2. Fréq. abs. littér. :426. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 981, b) 460; XXe s. : a) 360, b) 510.
BBG. — HOPE 1971, p. 283.
1. dégrader [degʀade] v. tr.
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1 Destituer (qqn) d'une manière infamante, de sa dignité, et mod., de son grade. || Dégrader civiquement quelqu'un. || Dégrader un ecclésiastique. ⇒ Dégradation. — Anciennt. || Dégrader publiquement un officier.
1 (…) (Rome) vous dégraderait peut-être dès demain
Du titre glorieux de citoyen romain.
Corneille, Nicomède, I, 2.
2 (Ils) le dégraderaient de sa qualité de docteur de la grâce.
Racine, Port-royal.
2 Fig. et littér. Faire perdre sa dignité, son honneur à (qqn). ⇒ Abaisser, avilir, déchoir, déshonorer, rabaisser. — Affaiblir, diminuer la valeur de (quelque chose).
2.1 (…) si dans la première école, à quelques écarts près, Juliette a servi la Nature, elle en oublie les loix dans la seconde; elle y corrompt entièrement ses mœurs; le triomphe qu'elle voit obtenir au vice dégrade totalement son âme; elle sent que, née pour le crime, au moins doit-elle aller au grand et renoncer à languir dans un état subalterne, qui, en lui faisant faire les mêmes fautes, en l'avilissant également, ne lui rapporte pas, à beaucoup près, le même profit.
Sade, Justine, t. I, p. 14.
3 Je dégradais mon intelligence en laissant s'atrophier en moi les qualités délicates de la vie affective.
M. Barrès, Leurs figures, p. 341.
3 Rabaisser (qqch.), en diminuer les qualités réellement ou en esprit. ⇒ Déformer, rabaisser, ridiculiser.
4 (…) nos arlequins de toute espèce imitent le beau pour le dégrader (…)
Rousseau, Émile, II (→ Arlequin, cit. 3).
4 Détériorer (un édifice, une propriété, un objet). ⇒ Abîmer (fig.), défoncer, délabrer, détruire, ébrécher, endommager, mutiler, profaner, ruiner. || Dégrader légèrement un meuble. ⇒ Égratigner (fig.). || Dégrader un bâtiment. || Le temps dégrade les plus solides constructions.
5 Quiconque aura détruit, abattu, mutilé ou dégradé des monuments, statues et autres objets destinés à l'utilité ou à la décoration publique (…) sera puni d'un emprisonnement (…) et d'une amende (…)
Code pénal, art. 257.
♦ (Sujet n. de choses). || Eau courante qui dégrade un mur. ⇒ Dégravoyer.
♦ Géol. ⇒ Affouiller, éroder, ronger, saper. || Les eaux dégradent les pentes.
6 Les eaux dégradent toujours les rochers et mettent chez vous un peu de terre meuble; j'en ai profité, car tout le long de la vallée ce qui est en dessous du chemin vous appartient. Le chemin sert de démarcation.
Balzac, le Curé de village, Pl., t. VIII, p. 672.
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se dégrader v. pron.
1 (Personnes). Déchoir, s'avilir. || Il se dégrade en acceptant ce compromis.
♦ Perdre ses qualités physiques, intellectuelles ou morales. ⇒ Baisser, tomber.
7 (…) elle se dégradait à mes yeux en se partageant (…)
Rousseau, les Confessions, V.
8 Les corps (parlements, académies, assemblées) ont beau se dégrader, ils se soutiennent par leur masse (…)
Chamfort (→ Corps, cit. 40).
9 Comme c'est triste de voir les êtres qu'on chérit se dégrader peu à peu !
Flaubert, Correspondance, IV, p. 54.
10 (…) en acceptant tu t'abaisses et, tranchons le mot, tu te dégrades.
Flaubert, Correspondance, III, p. 174.
2 (Choses). Perdre sa valeur, ses qualités.
11 La volupté partout s'insinue; mes plus belles vertus se dégradent et même l'expression de mon désespoir est émoussée.
Gide, Journal, 1er sept. 1905.
♦ Chim., biol. Perdre les caractères d'une matière chimique, se déstructurer.
3 Cour. Devenir négatif, mauvais (d'une situation). ⇒ Aggraver (s'). || Les relations entre ces deux pays se dégradent rapidement.
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dégradant, ante p. prés. et adj.
ÉTYM. (1792)
♦ Qui abaisse moralement. || Action, conduite dégradante.
12 (…) avec tout ce qu'une semblable déchéance comporte de dégradant (…)
Paul Bourget, Un divorce, V, p. 167.
13 Mais ce respect de l'homme n'entraînait pas la prosternation dégradante devant la médiocrité de l'individu, devant la bêtise ou l'ignorance (…)
Saint-Exupéry, Pilote de guerre, XXVI, p. 224.
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dégradé, ée p. p. et adj.
♦ Officier dégradé. — Mur dégradé. — Homme dégradé (→ Avili, cit. 27).
14 (…) elles (les femmes) se dévouent à des êtres souffrants, dégradés, criminels, qu'elles veulent consoler, relever, racheter (…)
Balzac, Séraphîta, Pl., t. X, p. 480.
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CONTR. Réhabiliter. — Améliorer, convertir, ennoblir, épanouir, sanctifier. — Refaire, relever, réparer; entretenir.
HOM. Dégradé, 2. dégrader.
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2. dégrader [degʀade] v. tr.
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♦ Affaiblir, diminuer progressivement (un ton, une couleur). ⇒ Fondre.
1 Ils emploient, avec un art qu'on ne se lasse point d'admirer, les teintes, les demi-teintes et toutes les diminutions de couleurs nécessaires pour dégrader la couleur des objets.
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se dégrader v. pron.
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dégradé, ée p. p. et adj.
♦ Tons dégradés.
1.1 La lumière dégradée sur les jambes du Christ depuis les genoux.
E. Delacroix, Journal 1850-1854, 12 août 1850.
2 (…) Otto Venius, après sept ans passés en Italie, en rapporte les nobles et purs types antiques, le beau coloris vénitien, les tons fondus et doucement dégradés, les ombres pénétrées de lumière (…)
Taine, Philosophie de l'art, t. II, III, II, II, p. 37.
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DÉR. Dégradateur, 2. dégradation.
HOM. Dégradé, 1. dégrader.
Encyclopédie Universelle. 2012.