imparfait, aite [ ɛ̃parfɛ, ɛt ] adj. et n. m.
• 1372; lat. imperfectus
I ♦ Adj. Qui n'est pas parfait.
1 ♦ Qui n'est pas achevé, pas complet. ⇒ inachevé, incomplet. Guérison imparfaite. Connaissance imparfaite. ⇒ insuffisant. — (XVe) Gramm. Prétérit, passé imparfait (vx ),qui exprime une action inachevée (cf. ci-dessous, II).
2 ♦ Plus cour. Qui manque de fini. ⇒ grossier. Imitation imparfaite. — Dont un ou plusieurs éléments présentent des défauts, des imperfections. ⇒ défectueux, inégal, manqué. Œuvre imparfaite.
3 ♦ Qui, par essence, ne saurait être parfait. L'homme est imparfait. Toute philosophie est imparfaite.
II ♦ N. m. (1606) « Système de formes temporelles dont la fonction essentielle dans les langues indo-européennes était d'énoncer une action en voie d'accomplissement dans le passé et conçue comme non achevée » (Marouzeau). Imparfait de l'indicatif (je chantais), du subjonctif (que je chantasse). Imparfait et passé simple. Faire un récit à l'imparfait, en employant l'imparfait. « l'imparfait de l'indicatif [...] ce temps cruel qui nous présente la vie comme quelque chose d'éphémère » (Proust). « la disparition de l'imparfait du subjonctif tué par le ridicule et l'almanach Vermot » (Queneau).
⊗ CONTR. Parfait.
● imparfait nom masculin (de imparfait) Système de formes verbales constituées d'une racine verbale et d'un affixe exprimant le passé et situant l'énoncé dans un moment indéterminé avant le moment présent ou avant le moment du récit. ● imparfait, imparfaite adjectif (latin imperfectus) Qui présente des lacunes, qui n'est pas achevé, complet : Une connaissance imparfaite des problèmes. Qui présente des défauts, qui n'atteint pas la perfection absolue : Une image imparfaite de la réalité. ● imparfait, imparfaite (synonymes) adjectif (latin imperfectus) Qui présente des lacunes, qui n'est pas achevé, complet
Synonymes :
- élémentaire
- sommaire
- vague
Contraires :
- parfait
Qui présente des défauts, qui n'atteint pas la perfection absolue
Synonymes :
- inexact
- manqué (familier)
- mauvais
- médiocre
- raté (familier)
imparfait, aite
adj. et n. m.
d1./d adj. Qui n'est pas parfait; défectueux, inachevé. Ouvrage imparfait. Guérison imparfaite.
d2./d n. m. GRAM Temps passé du verbe, indiquant qu'une action n'était pas achevée quand une autre s'est produite (imparfait de concomitance, ex.: j'écrivais quand vous êtes entré) ou marquant d'une façon absolue une action prolongée, habituelle ou répétée dans le passé (imparfait d'habitude, ex.: les Romains portaient la toge) ou forme affirmative de politesse (ex: je voulais vous demander).
I.
⇒IMPARFAIT1, -AITE, adj.
A. — Vx. Qui n'est pas achevé, pas complet. M. de Monneron fut obligé de laisser imparfait un travail qu'il regardait comme fini (Voy. La Pérouse, t. 2, 1797, p. 19). Nous laissâmes donc la cérémonie imparfaite, mais la regardant comme terminée (DELÉCLUZE, Journal, 1824, p. 61).
B. — 1. Qui manque de fini; qui manque de certains éléments ou de certaines qualités pour fonctionner correctement ou pour correspondre à un idéal esthétique, intellectuel ou moral.
a) [En parlant d'un inanimé concr.] Synon. de ébauché, élémentaire, esquissé, fragmentaire, manqué, sommaire. Forme imparfaite. Deux moignons, deux mains mal venues et imparfaites d'où seulement le pouce était sorti (CHAMPFL., Souffr. profess. Delteil, 1853, p. 10). Il les achetait [les automobiles] encore imparfaites, et avant qu'elles fussent mises au point (RADIGUET, Bal, 1923, p. 43) :
• 1. ... sans doute nos instruments de mesure sont imparfaits, mais il suffit que nous puissions concevoir un instrument parfait. Cet idéal ne pourra être atteint, mais ce sera assez de l'avoir conçu...
H. POINCARÉ, Valeur sc., 1905, p. 40.
b) [En parlant d'un inanimé abstr.] Synon. de approximatif, imprécis, incorrect, inexact. Connaissance, contrition, idée, image, langue imparfaite. Votre sérénité est pâle, votre contentement mal assuré, et votre confiance imparfaite (M. DE GUÉRIN, Corresp., 1837, p. 294). Des à-peu-près, des expressions imparfaites, posant plus ou moins, mais jamais à plein sur la vérité (RENAN, Avenir sc., 1890, p. 152). Un mauvais style, c'est une pensée imparfaite (RENARD, Journal, 1898, p. 502).
— Emploi subst. masc. sing. à valeur de neutre. Dans toute œuvre d'art, le défaut, la faiblesse passe à la faveur du parfait; c'est l'imparfait que reprend le disciple parce que c'est cela seul qu'il peut espérer de pousser plus loin (GIDE, Feuillets, 1921, p. 714).
c) Spécialement
— BOT. Qui présente une conformation lacunaire, rudimentaire ou mal déterminée. Les plantes les plus simples en organisation, les plus imparfaites (...) celles qui n'ont point de cotylédons, point de sexe déterminable (LAMARCK, Philos. zool., t. 1, 1809, p. 272). Les « champignons imparfaits » sont des organismes dont on ignore la sexualité et dont, en conséquence, la classification ne peut être que très artificielle (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 2, 1964, p. 788).
♦ Bois imparfait. V. bois ex. 10.
— ZOOL. Qui présente une organisation peu différenciée; qui n'est pas parvenu au terme de ses métamorphoses. Insectes imparfaits, nymphe imparfaite. Les recherches (...) n'ont pu faire découvrir de nerfs ni d'appareil cérébral dans quelques animaux imparfaits, tels que les polypes et les insectes infusoires (CABANIS, Rapp. phys. et mor., t. 2, 1808, p. 271). Buffon a vu dans ces animalcules de simples amas de molécules organiques, (...) nouvelle catégorie d'êtres imparfaits ou rudimentaires (J. ROSTAND, Genèse vie, 1943, p. 53) :
• 2. ... la grenouille, dans l'état imparfait de têtard, respire par des branchies, tandis que dans son état plus parfait de grenouille elle respire par des poumons.
LAMARCK, Philos. zool., t. 1, 1809, p. 110.
d) MUSIQUE
— [En parlant d'un accord] Qui comporte une flexion. Jusqu'à notre époque même on les a qualifiées [les tierces et les sixtes] de consonances imparfaites parce qu'elles supportent une flexion sans devenir dissonantes (GEVAERT, Harm., 1885, p. 14). Il [l'accord de tierce mineure et quinte diminuée, soit l'accord de troisième espèce] est plutôt un accord imparfait qu'un accord dissonant (REBER, Harm., 1949, p. 9).
— [En parlant d'une cadence] La cadence interrompue, que certains auteurs appellent demi-cadence ou cadence imparfaite, est (...) une sorte de cadence parfaite inachevée, tronquée (LAVIGNAC, Mus. et musiciens, 1895, p. 315).
2. [En parlant d'une pers.] Qui présente des défauts. Le monde n'est qu'un égout (...); mais il y a au monde une chose sainte et sublime, c'est l'union de deux de ces êtres si imparfaits et si affreux (MUSSET, On ne badine pas, 1834, II, 5, p. 50). Comment aurais-je été sûre de moi quand, pendant toute mon enfance, on m'a dit que j'étais imparfaite, médiocre (MAUROIS, Climats, 1928, p. 180). Pourquoi vas-tu chez ces amis si imparfaits? Comment supportes-tu celui-là qui a tel défaut (...)? (SAINT-EXUP., Citad., 1944, p. 979).
— Emploi subst. L'état religieux (...) est alors regardé comme l'état des parfaits, et l'état séculier comme celui des imparfaits, (...) la fonction métaphysique des imparfaits est d'être imparfaits et de le rester; de mener une bonne vie mondaine pas trop pieuse (MARITAIN, Human. intégr., 1936, p. 134).
C. — [Souvent p. réf. à un absolu d'ordre divin] Qui, par essence, ne saurait être parfait. Synon. fini, limité. Recevez le tribut de mes louanges : il est foible et imparfait; tout est défectueux dans l'homme de misere et d'iniquité (SAINT-MARTIN, Homme désir, 1790, p. 323). Ce n'est pas seulement parce que tous les objets du monde sont changeants et périssables que nous souffrons; c'est encore parce qu'ils sont si misérablement imparfaits, qu'ils ne sauraient remplir notre soif de bonheur (P. LEROUX, De l'Humanité, t. 1, 1840, p. 15). [L'homme] se sent frôlé par un mystère impénétrable pour ses sens grossiers et imparfaits, et il tâche de suppléer, par l'effort de son intelligence, à l'impuissance de ses organes (MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, Horla, 1886, p. 1107) :
• 3. ... toute créature étant nécessairement bornée et imparfaite, Dieu, par sa puissance infinie, peut sans cesse ajouter à ses perfections : à cet égard, il y a toujours, à un degré quelconque, privation de bien dans la créature. Réciproquement, si imparfaite et bornée qu'on la suppose, du moment que la créature existe, elle jouit d'un certain degré de bien, meilleur pour elle que le néant.
PROUDHON, Syst. contrad. écon., t. 1, 1846, p. 355.
— Emploi subst. masc. sing. à valeur de neutre. Je ne tirerai jamais du fini l'idée de l'infini, de l'imparfait l'idée de parfait, de l'humanité l'idée de Dieu; mais si Dieu, si le parfait, si l'infini existe, alors ma raison pourra les concevoir (COUSIN, Hist. philos. XVIIIe s., t. 2, 1829, p. 533). Les rares minutes où, échappant à l'exil « dans l'imparfait » et dans le temps, il [Baudelaire] atteignait à la contemplation de l'éternité (BÉGUIN, Âme romant., 1939, p. 378).
Prononc. et Orth. : [], fém. [-]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1370-72 « qui n'est pas parfait » (ORESME, Ethiques, éd. A. D. Menut, p. 402 : l'abit est imparfait et n'a pas sa perfeccion naturele); 1550 subst. « ce qui est imparfait » (RONSARD, Odes, IV, 10 ds Œuvres, éd. P. Laumonier, t. 2, p. 118 : Tout l'imparfait de ma jeunesse folle); 2. 1372 « inachevé, incomplet » (J. CORBICHON, Propr. des choses, XVIII, 1, ms. BN fr. 217 ds DG); 3. fin XIVe s. « qui présente des défauts, des lacunes » (E. DESCHAMPS, Œuvres complètes, éd. de Queux de Saint-Hilaire, t. 3, p. 337 : Sanz Amour est imparfait Tout homme). Adaptation d'apr. parfait du lat. imperfectus « inachevé, incomplet; imparfait ».
II.
⇒IMPARFAIT2, subst. masc.
GRAMMAIRE
A. — Imparfait (de l'indicatif). Temps simple de l'indicatif, exprimant notamment qu'une action s'est déroulée ou répétée pendant une certaine période dans un passé réel ou imaginaire, qu'elle a été concomitante ou antérieure à une autre action passée. Judith, descendit; Jérimadeth, demandait. (...) troisième personne du singulier (du parfait ou de l'imparfait) de l'indicatif (PÉGUY, V.-M., comte Hugo, 1910, p. 761). J'ai pu voir un homme admirable. (...) C'était — car cela n'a pas duré, l'imparfait est de rigueur — mon père (DUHAMEL, Maîtres, 1937, p. 269) :
• 1. ... celui qui se propose de peindre des états doit au contraire donner l'impression de la durée. (...) ils [les Goncourt] utilisent dans ce but certains temps des verbes, par exemple l'imparfait, qui procure le mieux l'idée de l'événement indéfini, en train de se réaliser et cependant inachevé. Pour me servir d'un terme de métaphysique allemande, l'imparfait est le temps du « devenir ».
BOURGET, Nouv. Essais psychol., 1885, p. 167.
Rem. 1. L'imparfait de l'indicatif peut exprimer aussi une action imminente, éventuelle, hypothétique ou prendre une valeur purement subjective, pour exprimer l'atténuation, l'affection, le souhait, le regret, etc. 2. Dans cet emploi, imparfait a été utilisé autrefois adjectivement : passé/prétérit imparfait. Le passé imparfait exprime une existence passée, qui a été contemporaine d'une autre (DESTUTT DE TR., Idéol. 2, 1803, p. 226).
B. — Imparfait (du subjonctif). Temps simple du subjonctif exprimant généralement, dans une proposition subordonnée, un fait présent ou futur en rapport avec le fait passé qui est exprimé dans la principale. On peut être un imbécile et pratiquer tout de même l'imparfait du subjonctif, cela s'est vu. Mais la haine de l'imparfait du subjonctif ne peut exister que dans le cœur d'un imbécile (BLOY, Journal, 1902, p. 117). Les imparfaits du subjonctif. C'est affaire de mesure (...). Il n'est pas plus ridicule de se servir de l'imparfait du subjonctif que de dire : « je fus... » (RENARD, Journal, 1909, p. 1239). Elle ne conversait la tante qu'à l'imparfait du subjonctif. C'étaient des modes périmées. Ça coupait la chique à tout le monde (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 51) :
• 2. Pour ce qui est de l'accord du subjonctif, j'estime qu'il est absurde d'employer systématiquement l'imparfait, si showy, si gênant, après n'importe quel premier verbe au passé; (...) il est bon de dire : « Je voudrais qu'il devienne un honnête homme » — et non : qu'il devînt et garder ce temps pour indiquer que ce désir ou souhait a pris fin, que l'on a cessé d'espérer (...). De sorte que l'on peut dire que l'imparfait du subjonctif reste facultatif et d'appréciation particulière après l'imparfait de l'indicatif et le conditionnel...
GIDE, Journal, 1927, p. 855, 856.
Rem. 1. L'imparfait du subjonctif peut exprimer aussi (dans une proposition apposée à la principale et avec inversion du sujet) la concession, l'opposition, etc. 2. Dans cet emploi, imparfait s'utilise parfois adjectivement : Après un présent comme verbe principal, on trouve le subjonctif imparfait (ou plus-que-parfait) pour exprimer un fait simplement possible ou soumis à une condition (M. GREVISSE, A. GOOSSE, Nouv. gramm. fr., Paris-Gembloux, Duculot, 1980, p. 265).
Prononc. et Orth. : []. Att. ds Ac. dep. 1718. Étymol. et Hist. XIVe s. prétérit imperfet (Ms ds THUROT, p. 204); ca 1543 passé imparfait (BONIVARD, Gramm. all., B, 25 v° ds FEW t. 4, p. 586 a); 1596 temps imparfait (HULSIUS, ibid.); 1606 p. ell. imparfait subst. (J. MASSET, Acheminement à la langue fr., p. 11 ds NICOT : Le passé se divise en imparfait, aoriste simple, parfait...). Empr. au b. lat. praeteritum imperfectum « prétérit imparfait » (IIIe s. ds TLL), lat. médiév. preteritum imperfectum (XIIIe s. ds THUROT, p. 339). V. prétérit et imparfait1.
STAT. — Imparfait1 et 2. Fréq. abs. littér. : 1 058. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 2 556, b) 754; XXe s. : a) 1 152, b) 1 220.
BBG. — BARRAL (M.). L'Imparfait du subjonctif. Paris, Picard, 1980, 627 p. - DUCROT (O.). L'Imparfait en fr. Linguistische Berichte. 1978, n° 60, pp. 1-23. - GUILLAUME (G.). Époques et niveaux temp. ds le syst. de la conjug. fr. Québec, 1955, 32 p. - IMBS (P.). L'Emploi des temps verbaux en fr. mod. Paris, 1960, pp. 90-100. - LAROCHETTE (J.). L'Imparfait et le passé simple. Ling. antverp. 1969, t. 3, pp. 259-294.
imparfait, aite [ɛ̃paʀfɛ, ɛt] adj. et n. m.
❖
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I Adj. Qui n'est pas parfait.
1 (1372, Corbichon). a Vx. Qui n'est pas terminé. || Laisser un travail imparfait. || Certaines choses gagnent à demeurer imparfaites (→ Achevé, cit. 2).
b Mod. Qui n'est pas achevé, pas complet, et de ce fait présente des défauts. ⇒ Ébauché, inachevé, incomplet. || Avorton (cit. 7) aveugle et imparfait. || Guérison imparfaite. || Une science encore imparfaite (→ Géométrie, cit. 2). || Il a de cette langue une connaissance très imparfaite. ⇒ Insuffisant; lacune (plein de lacunes).
1 (…) il (ce miroir) convient à votre chambre, qui est encore bien imparfaite.
Mme de Sévigné, 964, 13 juin 1685.
2 Quelle morale puis-je inférer de ce fait ?Sans cela toute fable est un œuvre imparfait.
La Fontaine, Fables, XII, 2.
3 Toutes les joies de nos sens ont été imparfaites comme des mensonges.
Gide, les Nourritures terrestres, p. 116.
4 Victor Hugo ne laissait jamais derrière lui la moindre rédaction imparfaite, et le manuscrit atteste par ses repentirs et ses variantes (…) que le poète avait revisé tout ce début avec le plus grand soin.
Émile Henriot, les Romantiques, p. 56.
♦ Emplois spéciaux. a Bot. || Fleur imparfaite, à laquelle il manque une partie essentielle à la fructification.
b Mus. (Vx). || Accord imparfait, qui porte une dissonance ou une sixte.
c Gramm. || Prétérit imparfait, passé imparfait (vx), qui exprime une action inachevée. || Subjonctif imparfait ou imparfait (→ ci-dessous, II.) du subjonctif.
2 Qui manque de fini, n'est pas absolument achevé (en parlant d'une œuvre humaine). ⇒ Grossier, imprécis. || Dessin, crayon (cit. 4) imparfait. || Travail d'une exécution imparfaite. — Qui ne remplit pas absolument son objet. || La plus imparfaite des imitations (→ Architecture, cit. 8). || Ne donner qu'une idée imparfaite de qqch. ⇒ Approximatif, rudimentaire, vague.
♦ (Fin XIVe). Dont un ou plusieurs éléments ne sont pas ce qu'ils devraient être, présentent des défauts, des imperfections. ⇒ Défectueux, inégal, manqué, mauvais, médiocre. || Solution imparfaite. || Son plan est bien imparfait. ⇒ Boiteux. || Œuvre imparfaite. ⇒ Attaquable, critiquable, discutable. || Ce premier essai est encore bien imparfait. — « L'œuvre imparfaite de Dieu » (→ Face, cit. 12). || Ce monde si imparfait et qui pourrait être si beau (→ Carence, cit. 1).
3 (1370, Oresme). Qui, par essence, ne saurait être parfait. || Dieu est parfait, l'homme est imparfait (→ Christianisme, cit. 7; créer, cit. 3). ⇒ Fautif (vx). || Une créature imparfaite (→ Faire, cit. 149). || Vérité imparfaite de la science et vérité absolue (cit. 15) de la religion. || Toute philosophie est imparfaite (→ Cadre, cit. 6). || Nos connaissances (cit. 14) sont superficielles et imparfaites.
5 (…) tout exemple cloche, et la relation qui se tire de l'expérience est toujours défaillante et imparfaite.
Montaigne, Essais, III, XIII.
♦ N. m. Rare. || Le parfait et l'imparfait.
———
II N. m. (1606; d'emplois adj. comme prétérit imperfet [XIVe], passé imparfait [mil. XVIe]). Gramm. « Système de formes temporelles dont la fonction essentielle dans les langues indo-européennes était d'énoncer une action en voie d'accomplissement dans le passé et conçue comme non achevée… » (Marouzeau). ⇒ Temps, verbe.
1 Imparfait de l'indicatif. || En français, l'imparfait et le passé simple (ou défini, ou prétérit) sont les temps simples du passé. || « Je mangeais », « il pleuvait » sont des imparfaits. || L'imparfait de l'indicatif est « le plus expressif, le plus affectif des temps du passé » (A. Dauzat). || L'imparfait marque essentiellement la durée, la continuité dans le passé (« Elle était malade; il neigeait »). ⇒ Parfait. || Il a aussi d'autres fonctions : imparfait de simultanéité (« Il lisait pendant que je dormais »); d'habitude (« Que faisiez-vous au temps chaud ? — Je dansais. — Vous dansiez ? »); de répétition (« Chaque matin, il prenait le train »); d'explication (« Elle entendit un bruit : c'était la voiture »); de cause (« Il faisait froid, elle ferma les fenêtres »); de description (« L'ombre était nuptiale, auguste et solennelle »). — Emplois figurés : imparfait du style indirect libre (« Le marchand s'écria qu'elle avait tort; ils se connaissaient; est-ce qu'il doutait d'elle ? », Flaubert); imparfait d'atténuation, « qui semble retenir la demande en même temps qu'on la présente » (Brunot; « Écoute, je voulais te demander si tu sors ce soir »); imparfait hypocoristique (« Oh ! il avait bien des misères, le petit ange ! »); imparfait énonçant une action inachevée ou non commencée (« Il était temps, je partais ! » : j'allais partir). — Imparfait employé pour le conditionnel passé, en corrélation avec une hypothétique amenée par si, ou après sans (« Si tu n'étais pas venue me surprendre, je repartais sans t'avoir vue », Gide; « Sans toi, je tombais »). — Après si, en phrase indépendante (exclamative), l'imparfait marque le souhait, le regret (« Si jeunesse savait ! si vieillesse pouvait ! »), une interrogation détournée ou atténuée (« Si on y allait ? » « Si monsieur voulait descendre ? Mademoiselle pleure », Flaubert).
♦ En subordonnée, après si, en relation avec un conditionnel dans la principale, l'imparfait énonce un fait présent ou futur « Si je la haïssais, je ne la fuirais pas », Racine; « S'il venait demain, je le recevrais ». ⇒ Si.
6 L'imparfait vous fait voir successivement les divers moments de l'action qui, pareille à un panorama vivant, se déroule devant vos yeux, c'est le présent dans le passé.
C.-M. Robert, Grammaire franç. (1909), p. 330.
7 Le passé simple ou composé semble nous faire regarder les choses d'autrefois au moment actuel. L'imparfait nous les fait voir en nous reportant à leur époque.
F. Brunot, la Pensée et la Langue, p. 776.
8 Tandis que le passé indéfini associe au présent une chose passée, la considère comme un fait de mémoire, une réalité du souvenir (…) l'imparfait joue un rôle plus objectif (…) Bien qu'il s'appuie aussi sur la mémoire, il objective les notions qu'elle contient, et les associe au temps (…) Si je dis : Hier, mon oncle était malade, j'associe oncle et malade au temps dans la mesure où le terme hier le permet. Je m'exprime non dans mon passé subjectif, mais dans le passé social universel.
J.-M. Buffin, Rem. sur les moyens d'expression de la durée et du temps en français, p. 37-38 (1925).
9 J'avoue que certain emploi de l'imparfait de l'indicatif — de ce temps cruel qui nous présente la vie comme quelque chose d'éphémère à la fois et de passif, qui, au moment même où il retrace nos actions, les frappe d'illusion, les anéantit dans le passé sans nous laisser, comme le parfait, la consolation de l'activité — est resté pour moi une source inépuisable de mystérieuses tristesses.
Proust, Mélanges, Journées de lecture, Note.
10 L'imparfait énonce une action (ou un état) qui se situe dans le passé; mais il l'énonce d'une façon spéciale, et qui le différencie profondément de tous les autres passés. Il offre en effet cette particularité remarquable d'énoncer toujours l'action (ou l'état) sous l'aspect de continuité (…)Si une action est présentée comme continue, c'est qu'on la considère comme n'ayant pas pris fin (au moment du passé auquel elle se rapporte). De là, ce caractère d'inachevé qui consomme l'essence de cette forme verbale. Il a vivement frappé l'esprit des grammairiens; aussi lui ont-ils donné le nom d'imperfectum, imparfait.
G. et R. Le Bidois, Syntaxe du franç. moderne, t. I, p. 427-428.
10.1 L'imparfait est le temps de la fascination : ça a l'air d'être vivant et pourtant ça ne bouge pas : présence imparfaite, mort imparfaite; ni oubli ni résurrection; simplement le leurre épuisant de la mémoire.
R. Barthes, Fragments d'un discours amoureux, p. 258.
2 Imparfait du subjonctif, l'un des quatre temps du mode subjonctif. || Dans la phrase : « Je craignais qu'il ne fût trop tard », « fût » est à l'imparfait du subjonctif. a En proposition subordonnée, après une principale au passé, l'imparfait du subjonctif exprime un fait présent ou futur par rapport au fait énoncé dans la principale : « Elle voulait (voulut, a voulu, avait voulu, eût voulu) que sa fille fît un beau mariage ». « Il était généreux quoiqu'il fût économe » (Hugo). — REM. Après un verbe principal au conditionnel présent, l'imparfait du subjonctif tend de plus en plus à céder la place au présent du subjonctif. — En valeur de conditionnel, marquant l'éventualité : « On craint que la guerre, si elle éclatait, n'entraînât des maux incalculables » (Littré); « En est-il un seul parmi vous qui consentît ? » (Académie).
b En phrase juxtaposée à une principale, l'imparfait du subjonctif de certains verbes (avoir, être, devoir, etc.) marque l'opposition ou la concession : « J'accepte l'âpre exil, n'eût-il ni fin ni terme » (Hugo); « Je préfère vous laisser voir l'envers du décor, cela dût-il nuire à votre émotion » (Gide). Cf. les locutions figées Fût-ce, ne fût-ce que. ⇒ Ce, être (cit. 79). — REM. Dans ces tours, le sujet et le verbe sont toujours intervertis (cf. Plût aux dieux que… !).
11 Les grammairiens accepteront malaisément il faudrait que nous parlions; leur goût est de dire il faudrait que nous parlassions. Cette forme, pour régulière, devient inusitée et n'est plus, en presque tous les cas, qu'une affirmation de pédantisme. On ne peut le nier : l'imparfait du subjonctif est en train de mourir.
12 L'emploi de l'imparfait du subjonctif n'est pas seulement une affaire de syntaxe, mais aussi une affaire de tact.
Nyrop, Grammaire historique de la langue franç., VI, p. 342.
13 (…) j'estime qu'il est absurde d'employer systématiquement l'imparfait (…) après n'importe quel premier verbe au passé; que l'oreille et la raison sont ici seuls juges; qu'il est bon de dire : Je voudrais qu'il devienne un honnête homme — et non : qu'il devînt (un honnête homme)…Une mère dira : Je souhaitais qu'il fasse ses devoirs avant d'aller se promener, exprimant un souhait encore réalisable — et qu'il fît ses devoirs avant d'être allé se promener; mais dans ce cas mieux vaut dire : J'avais souhaité qu'il fît ses devoirs avant de (…)
Gide, Journal, oct. 1927.
14 L'imparfait du subjonctif n'est plus employé dans la langue parlée. Mais, dans la langue écrite soignée, il s'impose encore, non seulement pour les livres, mais pour les journaux. Comme le passé simple, il n'a plus qu'une existence littéraire. Mais il ne faudrait pas en conclure que sa disparition y est prochaine (…) Les formes de l'imparfait du subjonctif sont précieuses pour l'écrivain (…)
F. Brunot et Ch. Bruneau, Précis de grammaire historique de la langue franç., p. 386.
15 L'imparfait du subjonctif est en danger. Heureusement il tient encore. Nombre de gens l'honorent sans affectation comme sans ridicule.
G. Duhamel, Discours aux nuages, p. 44.
16 L'exemple le plus célèbre de cette évolution du français est la disparition de l'imparfait du subjonctif tué par le ridicule et l'almanach Vermot. Les que je susse, que je visse, n'ont pas résisté aux plaisanteries les plus élémentaires et l'enseignement officiel a même éliminé ce malheureux temps.
R. Queneau, Bâtons, Chiffres et Lettres, p. 71.
❖
CONTR. Parfait. — Achevé (cit. 2), complet, fini, formé, précis. — Excellent. — Absolu, accompli, idéal.
DÉR. Imparfaitement.
Encyclopédie Universelle. 2012.