incruster [ ɛ̃kryste ] v. tr. <conjug. : 1>
• 1555 au sens I, 2o; lat. incrustare
I ♦
1 ♦ Orner (un objet, une surface) suivant un dessin gravé en creux, avec des fragments d'une autre matière. Incruster d'émaux un coffre en bois précieux. — (Surtout au pass.). « un marbre blanc incrusté de jaspe » (Chateaubriand). Poignard incrusté d'or. ⇒ damasquiner.
♢ Par anal. Insérer dans une surface évidée (des matériaux d'ornement taillés en fragments). Incruster de l'émail sur fond d'argent. ⇒ 2. nieller.
2 ♦ Sc., techn. Couvrir d'un dépôt formant croûte.
3 ♦ Audiovis. Réaliser l'incrustation de (une image). P. p. adj. Image incrustée.
II ♦ S'INCRUSTER v. pron.
1 ♦ (XVIe) Adhérer fortement à un corps, s'y implanter. Ce coquillage s'est profondément incrusté dans la pierre.
2 ♦ (1831) Fig. S'incruster chez qqn, ne plus en déloger. ⇒ s'enraciner. « Certains immigrés âgés [...] s'étaient définitivement incrustés dans le foyer » (Tournier). Cela fait trois heures qu'il est là, il s'incruste !
3 ♦ (Pass.) Être incrusté ou susceptible de l'être. La nacre s'incruste dans l'ébène.
4 ♦ Se couvrir d'un dépôt formant croûte. Votre radiateur s'est incrusté de tartre. ⇒ entartrer.
● incruster verbe transitif (latin incrustare, de crusta, croûte) Rehausser un objet, une surface d'une ornementation composée d'éléments d'une matière différente, généralement plus précieuse, insérés à des emplacements préparés en creux et selon le dessin d'un motif de décoration : Incruster de nacre des panneaux de bois. Procéder à l'incrustation : Incruster des bois précieux dans du bois commun. Recouvrir un corps, un objet d'un dépôt de matière minérale, adhérent et dur, en parlant de certaines eaux. En parlant d'une matière minérale, se déposer en adhérant : Le calcaire a incrusté les canalisations. Remplacer dans un mur une pierre défectueuse.
incruster
v.
rI./r v. tr.
d1./d (Souvent au passif.) Orner (la surface d'un corps) en y insérant des fragments d'une autre matière. Coffret d'ébène incrusté de nacre.
d2./d AUDIOV Pp. adj. Image incrustée, qui présente une incrustation.
rII./r v. Pron.
d1./d Adhérer fortement à la surface d'une chose en y pénétrant. Coquillages qui s'incrustent dans les rochers.
d2./d Fig. S'incruster chez qqn, s'y installer et y demeurer de manière inopportune.
⇒INCRUSTER, verbe trans.
A. — Emploi trans.
1. Qqn incruste qqc. de qqc. [Le compl. d'obj. désigne l'objet à décorer, le compl. prép. la matière décorative; le plus souvent empl. au passif] Décorer (un objet) avec des fragments d'une matière différente et souvent plus précieuse, en suivant un dessin préparé en creux. Les Égyptiens ne sont pas moins adroits à sculpter le bois de cèdre, de cyprès et de sycomore, à le dorer, à le colorier, à l'incruster d'émaux (GAUTIER, Rom. momie, 1858, p. 231).
♦ Emploi part. passé. Ces messieurs qui louent des ateliers, avec tentures et portières et meubles incrustés de nacre (RAMUZ, A. Pache, 1911, p. 203).
♦ Emploi part. passé avec ell. du compl. prép. On prit sans discuter, évaluer, peser, comme à une mise à sac. Sièges de prix, lits anciens, commodes incrustées, grandes glaces biseautées (PESQUIDOUX, Livre raison, 1932, p. 60).
— P. métaph. :
• 1. Walter Scott élevait donc à la valeur philosophique de l'histoire le roman, cette littérature qui, de siècle en siècle, incruste d'immortels diamants la couronne poëtique des pays où se cultivent les lettres.
BALZAC, Av.-pr. Com. hum., 1842, p. XXVIII.
2. Qqn incruste qqc. + compl. prép. de lieu. [Le compl. d'obj. désigne la matière décorative, le compl. de lieu l'objet à décorer]
a) Insérer des fragments décoratifs à la surface d'un objet en suivant un dessin préparé en creux. Il y exécutait alors des mosaïques (...) il se donnait beaucoup de mal pour incruster les pâtes dans le ciment et pour les assembler artistement (FRANCE, Puits ste Claire, 1895, p. 92). C'est seulement les artisans du fer qui incrustèrent le corail dans les armes des guerriers celtiques (METTA, Pierres préc., 1960, p. 6).
— P. métaph. :
• 2. Car ce n'est pas sans but que la nature incruste
Dans l'albâtre vivant de la poitrine auguste
L'or du cœur maternel...
SULLY PRUDH., Justice, 1878, p. 260.
b) P. ext. Faire adhérer fortement (en enfonçant plus ou moins profondément). Le morceau de planche brisée où la figure de saint François avait été sculptée par son père; (...) il la nettoya avec son couteau (...). Il se proposait de l'incruster le lendemain sur l'extrémité intérieure de la proue (LAMART., Graziella, 1849, p. 182).
♦ Emploi part. passé. Il ouvrait la caisse incrustée au mur (A. DAUDET, Rois en exil, 1879, p. 85).
— Littér. Si tu incrustes une semence dure et fermée dans une terre fertile (SAINT-EXUP., Citad., 1944, p. 840).
c) Spécialement
— BÂT. ,,Remplacer dans un mur une pierre défectueuse`` (Lar. Lang. fr., Lexis 1975).
— BRODERIE. [Le plus souvent au passif et au part. passé] Fixer par une broderie un motif de dentelle dans une étoffe, qui sera ensuite découpée suivant les contours du motif. Pantalons-jupons incrustés de chantilly imitation (COLETTE, Chambre d'hôtel, 1940, p. 161). À 3 cm du bord rouleauté, une valencienne noire de 3 cm 1/2 de large est incrustée au point de Paris (Elle, 20 août 1951, p. 12).
d) Au fig. Faire pénétrer profondément. Synon. graver. Ursus avait cultivé en lui [Gwynplaine] le saltimbanque, et dans ce saltimbanque, il avait incrusté de son mieux la science et la sagesse (HUGO, Homme qui rit, t. 2, 1869, p. 75). Il sent sa réflexion impuissante contre la décision irrévocable que chaque mot de cette lettre incruste davantage en lui (MARTIN DU G., J. Barois, 1913, p. 473).
— Emploi pronom. Cette mort, je m'y attendais. Elle me fera plus de peine plus tard, je me connais. Il faut que les choses s'incrustent en moi (FLAUB., Corresp., 1853, p. 339).
3. Qqc. incruste qqc. Couvrir d'un dépôt en pénétrant dans les interstices :
• 3. ... ses mains sont corrodées par ce qui ne peut être que de l'encre grasse d'imprimerie; elle incruste toutes les crevasses de la peau, tout le contour des ongles...
MONTHERL., Olymp., 1924, p. 344.
— Emploi pronom. à valeur passive. [Dans la chaudière] le tuyau plongeur s'incruste fréquemment (SER, Phys. industr., 1890, p. 171). Ces carbonateurs s'incrustent de bicarbonate de soude, mais après les avoir vidés, on les nettoie avec un jet de vapeur (Ch. DURAND, Industr. minér., 1893, p. 41).
♦ P. métaph. Qu'il me soit permis (...) de m'en revenir, tout altéré, au bon La Fontaine, à cette source naïve et courante qui s'oublie parfois, mais qui ne s'incruste jamais (SAINTE-BEUVE, Portr. contemp., t. 2, 1839, p. 524).
B. — Emplois pronom. spécifiques
1. Qqc. s'incruste dans qqc. S'enfoncer dans quelque chose et y adhérer. De telle sorte que la substance vénéneuse, au lieu de glisser sur le poli, s'incrustât dans les ciselures (THIERRY, Récits mérov., t. 2, 1840, p. 170). Peu de toitures eussent résisté à la chute de ces glaçons aigus dont quelques-uns s'incrustaient dans le tronc des arbres (VERNE, Enf. cap. Grant, t. 2, 1868, p. 200).
— À valeur passive. Les violons, eux, décoraient la salle de billard. Ils s'incrustaient dans l'écrin en velours bleu de roi des meubles d'ébène (COCTEAU, Portr. souv., 1935, p. 28).
2. Au fig. Qqn s'incruste + compl. de lieu.
a) P. plaisant. S'enfoncer profondément et rester. J'ai été charmé de monter dans la diligence et de m'y incruster chaudement entre deux fortes dames (NERVAL, Voy. Orient, t. 1, 1851, p. 17).
b) Péj. S'installer (trop) durablement. S'incruster chez qqn, dans une situation. C'est que la masse des armées allemandes s'incrustait sur notre sol (JOFFRE, Mém., t. 1, 1931, p. 426). Elle est bavarde comme une pie!... Elle s'incruste chez la fruitière... Elle en finit plus (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 376).
REM. Incrusteur, -euse, subst., technol. Celui, celle qui fabrique des ouvrages incrustés. Cette admirable écritoire de laque noir, à décor de plomb (...) et où le grand incrusteur Korin avait donné un exemple de plus (TOULET, Notes art, 1920, p. 61).
Prononc. et Orth. : [], (il) incruste []. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. Verbe trans. 1. 1555 « couvrir d'une couche poreuse en forme de croûte » (G. DU CHOUL, Des bains et antiques exercitations grecques et romaines, f° 7 r° ds GDF. Compl.); 2. 1564 parois ... incrustez de marbre (F. RABELAIS, Cinquième Livre ds Œuvres, éd. Ch. Marty-Laveaux, t. 3, p. 145); 3. 1694 « remplacer dans un mur une pierre défectueuse » (CORNEILLE). B. Verbe pronom. 1. 1564 méd. « adhérer fortement à une surface » (A. PARÉ, Œuvres, éd. J.-F. Malgaigne, chap. 35, p. 461b); 2. fig. a) 1680 préjugés qui s'incrustent ... dans l'esprit de l'homme (LAUVERGNE, Recueil de poésies ds Lar. 19e s.). b) 1834 s'incruster dans la maison de qqn (BALZAC, Femme de trente ans, Œuvr., t. II, p. 768 ds ROB.); 3. 1820 l'or s'incruste sur le fer (LAV.). Empr. au lat. incrustare « couvrir d'une croûte, d'une couche, d'un enduit », dér. de crusta (croûte). Fréq. abs. littér. : 262 (incrusté : 95). Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 418, b) 547; XXe s. : a) 360, b) 246. Bbg. GOHIN 1903, p. 371.
incruster [ɛ̃kʀyste] v. tr.
ÉTYM. Av. 1553, incrusté; trans., 1560; lat. incrustare « couvrir d'une croûte, d'une couche, d'un enduit », de in- « sur » (→ 2. In-), et crustare « revêtir », ou crusta « ce qui recouvre, revêtement ». → Croûte.
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1 (Surtout au passif). Orner (un objet, une surface) suivant un dessin gravé en creux avec des fragments de quelque autre matière. || Incruster un manche de couteau en ivoire, d'ivoire. — Passif et p. p. || Être incrusté de métal. || Porte incrustée de nacre (→ Entrebâillement, cit. 1). || Cabinet (cit. 14) incrusté en pierres dures de Florence. || Boucle incrustée de diamants (→ Fanfreluche, cit. 2). || Meuble incrusté d'écaille. || Poignard incrusté d'or. ⇒ Damasquiner. — Par anal. Insérer dans une surface évidée (des matériaux d'ornement taillés en fragments). || Incruster une mosaïque dans le pavé d'un temple (Académie). || Champlever pour incruster des émaux.
1 Cette place est marquée par un marbre blanc incrusté de jaspe et entouré d'un cercle d'argent, radié en forme de soleil.
Chateaubriand, Itinéraire, III, p. 283.
2 Dans le Tadjé-Mahal pavé de pierreriesAux dômes incrustés d'éblouissantes fleursQui mêlent le reflet de leurs mille couleurs (…)
Leconte de Lisle, Poèmes barbares, « Djihan-Arâ ».
3 (…) sa canne incrustée de pierreries (…)
Émile Henriot, les Romantiques, p. 353.
♦ (Le compl. désigne l'incrustation). || Incruster de l'émail sur argent, sur fond d'argent. ⇒ Nieller. — Par métaphore (→ ci-dessous, cit. 4 et 6) ou figuré (→ ci-dessous, cit. 5).
4 L'un (l'artiste), comme Calderon et comme Mérimée,Incruste un plomb brûlant sur la réalité.
A. de Musset, Premières Poésies, « La coupe et les lèvres », Dédicace.
5 Maintenant je la voyais comme une divinité redoutable, si rivée à nous, son visage insignifiant si incrusté dans notre cœur que (…)
Proust, À la recherche du temps perdu, t. XIII, p. 9.
6 (…) ce vieux quartier plein de passé humain incrusté dans les pierres.
J. Chardonne, l'Amour du prochain, p. 71.
2 (1555). Sc., techn. Couvrir d'un dépôt formant croûte. — Au p. p. || Aorte incrustée de sels de chaux (→ Artériosclérose, cit. 1).
7 Le relateur observe : « Que les ouvriers ayant laissé une pelle de fer dans une de ces mines de cuivre où il coule de l'eau, cette pelle se trouva quelque temps après tout incrustée de cuivre (…) il ajoute que non seulement le cuivre incruste le fer mais que (…) le tout tombe en poudre au fond du réservoir (…) ».
Buffon, Hist. nat. des minéraux, Du cuivre.
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s'incruster v. pron.
1 (XVIe). Adhérer fortement à un corps, s'y implanter. || Ce coquillage s'est profondément incrusté dans la pierre. — Par métaphore (→ Assimiler, cit. 16).
2 (1831, Balzac). Fig. (Sujet n. de personne). || S'incruster chez qqn, ne plus en déloger. ⇒ Enraciner (s'); → fam. taper l'incruste. || Cela fait deux heures qu'il est là, il s'incruste ! — Se conduire en parasite, en pique-assiette chez qqn.
8 Il voulut aimer platoniquement, vint tous les jours respirer l'air que respirait madame d'Aiglemont, s'incrusta presque dans sa maison et l'accompagna partout (…)
Balzac, la Femme de trente ans, Pl., t. II, p. 768.
♦ (XVIIe). Par métaphore du sens 1 (personnes, abstractions) :
9 (…) le fardeau d'un passé parasite qui s'incrustait à lui et dont il ne parvenait pas à se défaire (…)
R. Rolland, Jean-Christophe, La révolte, p. 397.
10 (…) de petites armoires de murailles, protégées par un auvent, où tout le long du jour un marchand vient s'incruster au milieu de ses pains de sucre (…) de son beurre rance, derrière sa balance rouillée.
Jérôme et Jean Tharaud, Marrakech, V.
♦ Par ext. S'obstiner (dans une position, une attitude).
10.1 Plus il mesurait ce qu'il y avait de vil et de vulgaire, de mesquin et de ridicule — de bourgeois, en un mot — dans son attitude envers elle, plus il s'y incrustait.
Montherlant, Pitié pour les femmes, p. 45.
3 (1820; sujet n. de chose). Être incrusté ou susceptible de l'être. || La nacre s'incruste dans l'ébène. — Fig. ⇒ Graver (se). || Les passions se sont incrustées sur ce visage de femme (→ Grimer, cit. 1).
11 Sur un fond de filigrane d'or s'incrustent des perles et des pierres précieuses disposées avec une admirable entente de l'ornementation.
Th. Gautier, Voyage en Russie, p. 282.
4 (Sujet n. de chose concrète). Se couvrir d'un dépôt formant croûte. || Les dents s'incrustent de tartre. ⇒ Entartrer.
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incrusté, ée p. p. adj.
ÉTYM. (Av. 1553, Rabelais).
♦ || Objet incrusté de… (→ ci-dessus, 1.). — Absolt, adj. || Poignard incrusté.
♦ (1783, Buffon). Par ext. Enfoncé comme une incrustation. || Une marque incrustée dans la pierre.
♦ N. m. (Un incrusté). Pièce de tabletterie ornée d'incrustations.
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CONTR. Désincruster.
DÉR. Incrustant, incrusteur.
Encyclopédie Universelle. 2012.