intriguer [ ɛ̃trige ] v. <conjug. : 1>
• 1532 « embrouiller »; it. intrigare, du lat. intricare « embrouiller »
I ♦ V. tr.
1 ♦ Vx Embarrasser. Pronom. « il s'intrigue pour eux » (La Bruyère).
2 ♦ Mod. Embarrasser en donnant à penser, en excitant la curiosité (cf. Mettre la puce à l'oreille). Il m'intrigue avec ses cachotteries. Ça m'intrigue. « Rien qui puisse intriguer la police » (Romains). — P. p. adj. ⇒ étonné, perplexe. Ma grand-mère « semblait plus intriguée que sceptique » ( Sartre). Air, regard intrigué.
II ♦ V. intr. (1660) Mener une intrigue, recourir à l'intrigue. ⇒ manœuvrer, tramer; fam. grenouiller, magouiller, manigancer. Obtenir un poste en intriguant. « l'une intriguait pour son plaisir, l'autre pour son intérêt » (Cocteau).
⊗ HOM. Intriguant :intrigant.
● intriguer verbe transitif (italien intrigare, du latin intricare, embrouiller) Exciter vivement la curiosité de quelqu'un : Il avait fini par m'intriguer avec ses cachotteries. ● intriguer (difficultés) verbe transitif (italien intrigare, du latin intricare, embrouiller) Orthographe Attention, l'adjectif et le nom s'écrivent sans u après le g (intrigant), contrairement au participe présent (intriguant) : un caractère intrigant ; de méprisables intrigants ; on les a vues toutes les deux intriguant au ministère. Accord Voir grammaire. ● intriguer verbe intransitif Faire, mener des intrigues : Intriguer pour obtenir la place de quelqu'un. ● intriguer (homonymes) verbe intransitif intriguant intrigant adjectif intrigant nom masculin ● intriguer (synonymes) verbe intransitif Faire, mener des intrigues
Synonymes :
- cabaler
intriguer
v.
d1./d v. tr. Exciter la curiosité de. Cette histoire m'intrigue.
d2./d v. intr. Mener des machinations. Intriguer pour obtenir un poste.
⇒INTRIGUER, verbe
A. — Emploi trans.
1. Intriguer qqn
a) Donner à penser en suscitant un vif intérêt et une certaine perplexité.
— [Le suj. désigne une pers.] Ce vieil étudiant soucieux qui, déjà, plongeait dans un livre avant d'avoir choisi sa consommation, l'intrigua quelques secondes (MARTIN DU G., Thib., Sorell., 1928, p. 1173).
♦ En partic., vieilli. [À un bal masqué] ,,Exciter vivement, sans se faire connaître, la curiosité de quelqu'un`` (LITTRÉ). Vandenesse : (...) Reste masquée, je te fais souper avec Nathan et Florine : il sera bien amusant pour une femme de ton rang d'intriguer une actrice (BALZAC, Fille Ève, 1839, p. 192). Carbonnel : (...) je me promenais dans le foyer [au bal de l'Opéra], lorsqu'un domino me prend le bras. Bonjour Carbonnel! (...) Je me dis : « Plus de doute, c'est une dame de nos connaissances qui s'amuse à m'intriguer... » (LABICHE, J'invite le colonel, 1860, 3, p. 336).
— [Le suj. désigne une chose concr. ou abstr.] Il avait été fort intrigué la veille par le passage d'un homme qui répondait singulièrement au signalement du client de l'armurier (G. LEROUX, Parfum, 1908, p. 164). Il avait ce même air modeste et pourtant fier qui jadis avait intrigué maman, la première fois qu'elle l'avait vu (GUÉHENNO, Jean-Jacques, 1948, p. 289) :
• 1. Un cas très curieux nous est offert par la race Sebright, où le coq a un plumage de poule et acquiert le plumage typique du mâle à la suite de la castration. Ce phénomène paradoxal a longtemps intrigué les physiologistes.
CUÉNOT, J. ROSTAND, Introd. génét., 1936, p. 41.
b) Vieilli. Remplir d'inquiétude :
• 2. Je fus jeune, j'aimai; Déesse, j'aime encore,
Quand la divine nuit vient intriguer l'esprit,
Je repose mon front, anxieux et surpris,
Dans le col d'une enfant plus tiède que l'aurore.
NOAILLES, Forces étern., 1920, p. 270.
— Emploi pronom. réfl. S'inquiéter. M. de Pardaillan : Il faut que Triboulet s'intrigue, se torture, Et ne devine pas que sa belle est ici! (...) M. de Gordes : Serrons bien sur ses yeux le bandeau qui les couvre (HUGO, Roi s'amuse, 1832, p. 418).
2. Intriguer qqc. [Le compl. d'obj. désigne un ouvrage littér. (roman, pièce de théâtre)] Vieilli. Y mettre une intrigue, une action plus ou moins compliquée. Sa pièce [de Térence] de l'Eunuque est fort intriguée (SAINTE-BEUVE, Nouv. lundis, t. 5, 1863, p. 338). On n'a pas encore repris La Contagion. C'est pourtant une pièce intéressante, admirablement intriguée (A. DAUDET, Crit. dram., 1897, p. 308).
B. — Emploi intrans. Se livrer à des intrigues (v. ce mot B2). Bottot joignit le général français à Passeriano; il intrigua beaucoup dans les alentours de Napoléon (LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 760). On a intrigué et remué pour avoir la place de mon père que l'on voulait ravir à Achille (FLAUB., Corresp., 1846, p. 57) :
• 3. ... il avait longuement intrigué pour obtenir, au laboratoire de psychologie expérimentale, une place de création récente et notablement rémunérée.
DUHAMEL, Cécile, 1938, p. 56.
— Emploi pronom. réfl., vieilli. S'agiter beaucoup, se donner beaucoup de peine pour faire réussir une affaire. Je les vois tellement s'intriguer autour de moi qu'ils m'auront appris à intriguer autour des autres (PICARD, Marionn., 1806, V, p. 287). Je m'étois intriguée secrètement pour acheter deux ou trois de ces antiquailles (CHATEAUBR., Itinér. Paris Jérus., t. 2, 1811, p. 25).
♦ S'intriguer partout. ,,Se fourrer partout, chercher à se donner de l'accès partout où l'on peut`` (Ac. 1835, 1878).
REM. Intrigué, -ée, part. passé adj. Qui ressent ou qui dénote une curiosité, une perplexité plus ou moins inquiète. Regard intrigué. Un peu intrigués et émus, nous cherchions des yeux ces cousins dont nous ne connaissions même pas les portraits, et qui sans doute guettaient notre arrivée, viendraient à notre rencontre (LOTI, Rom. enf., 1890, p. 177). Antoine agressif, surveillait d'un œil intrigué l'énigmatique frisson de cette bouche, qu'allongeait une pointe de fard aiguë comme une égratignure (MARTIN DU G., Thib., Mort père, 1929, p. 1314). Ma grand-mère (...) semblait plus intriguée que sceptique (SARTRE, Mots, 1964, p. 124).
Prononc. et Orth. : [], (il) intrigue []. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1532 « embrouiller » (Gramm. de G. du WES, éd. F. Génin [à la suite de PALSGR.], p. 948c d'apr. Chr. SCHMITT ds R. Ling. rom. t. 43, p. 27); 2. av. 1630 réfl. « s'occuper de, s'intéresser à » (D'AUBIGNÉ, Vie, XXXIV ds GDF. Compl. : Il s'intrigue d'un mestier que tu ne sçais pas); av. 1679 « s'immiscer (dans) » (RETZ, Mém., éd. A. Feillet, J. Gourdault, R. Chantelauze, t. 5, p. 82 : Croissi étoit un conseiller du parlement de Paris, qui s'étoit beaucoup intrigué dans les affaires du temps); 3. 1656 abs. « se livrer à des intrigues » (PASCAL, Prov. 3 ds Œuvres, éd. L. Lafuma, p. 381 : les plus habiles d'entre eux [les Jésuites] sont ceux qui intriguent beaucoup, qui parlent peu, et qui n'écrivent point); 4. 1678-79 trans. « préoccuper » (LA FONTAINE, Fables, VIII, 5, 7 : Il semble [...] que le plus petit de la race mortelle, A chaque pas qu'il fait, à chaque bagatelle, Doive intriguer l'Olympe et tous ses citoyens); 1735 intrigué « inquiet, anxieux (de savoir quelque chose) » (MARIVAUX, Paysan parvenu, éd. F. Deloffre, 2e part., p. 81 : Catherine vint au-devant de nous, toujours fort intriguée des intentions de Mlle Habert sur son chapitre). Empr. à l'ital. intrigare, attesté au sens 1 dep. fin XIIIe s. (GIAMBONI ds BATT.), aussi « mettre dans l'embarras, rendre perplexe » (ID., Fiore di Virtù, ibid.), « se livrer à des intrigues » (av. 1541, GUIDICCIONI, ibid.), « s'immiscer (dans) » (1545, L'ARÉTIN, ibid.), « éveiller la curiosité, intéresser » (av. 1610, GUARINI, ibid.), forme septentrionale de intricare (intriquer). Fréq. abs. littér. : 641. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 561, b) 808; XXe s. : a) 1 003, b) 1 206. Bbg. HOPE 1971, p. 203. - KOHLM. 1901, p. 48. - WIND 1928, p. 37, 179.
intriguer [ɛ̃tʀige] v. tr. et intr.
ÉTYM. 1640; entriquer et intriquer, au sens du latin intricare « embrouiller », XIVe et XVe; s'intriguer, fin XVIe; ital. intrigare, du lat. intricare.
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I V. tr.
1 Vx. Mettre dans l'embarras, tourmenter. || Intriguer l'esprit de qqn. ⇒ Inquiéter. — Pron. Se mettre en peine, se donner du mal. || S'intriguer pour qqn dans une affaire.
1 (…) ont-ils une prétention, il s'offre à eux, il s'intrigue pour eux.
La Bruyère, les Caractères, VIII, 61.
2 Mod. (Sujet n. de chose ou de personne; compl. n. de personne). Faire chercher (qqn), embarrasser (qqn), en excitant la curiosité, en donnant à penser. || Cet étrange paquet l'intriguait fort (→ Conglutiner, cit. 1). — Passif et p. p. || Femmes intriguées par le dédain d'un fat (cit. 5). || Être intrigué par une inconnue (cit. 14). — REM. Avec un nom de personne pour sujet, le sens du verbe est ambigu; qqn intrigue qqn, soit par un comportement voulu : paroles, apparence volontaire (→ ci-dessous, spécialt), soit en tant qu'objet de curiosité.
2 (…) Cathos vint me dire que quelqu'un demandait à me parler. Cela me surprit; je n'avais d'affaire avec personne. — « Est-ce quelqu'un de la maison ? » dit Mlle Habert encore plus intriguée que moi.
Marivaux, le Paysan parvenu, III, p. 131.
3 Je ne vois point l'utilité de cette chose; elle ne me fait penser à aucun besoin qu'elle satisfasse. Elle m'a intrigué; elle amuse mes yeux et mes doigts (…)
Valéry, Variété V, p. 24.
4 Dans la malle, si on l'ouvrait, il n'y a rien de suspect ? rien qui puisse intriguer la police ou la mettre sur la voie ?
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. I, XXI, p. 250.
♦ Spécialt. (Sujet et compl. n. de personne). S'amuser à piquer la curiosité de (qqn) sans se faire connaître (notamment à un bal masqué).
4.1 (…) toute fête, si simple soit-elle, quand elle a lieu longtemps après qu'on a cessé d'aller dans le monde et pour peu qu'elle réunisse quelques-unes des mêmes personnes qu'on a connues autrefois, vous fait l'effet d'une fête travestie, de la plus réussie de toutes, de celle où l'on est le plus sincèrement « intrigué » par les autres, mais où ces têtes, qu'ils se sont faites depuis longtemps sans le vouloir, ne se laissent pas défaire par un débarbouillage, une fois la fête finie. Intrigué par les autres ?
Proust, le Temps retrouvé, Pl., t. III, p. 923.
3 Vx. (Compl. n. de chose). || Intriguer une pièce, un roman, en composer l'intrigue, la trame.
5 Aussi l'auteur qui se compromet avec le public pour l'amuser ou pour l'instruire, au lieu d'intriguer à son choix son ouvrage, est-il obligé de tourniller dans des incidents impossibles (…)
Beaumarchais, le Mariage de Figaro, Préface.
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II V. intr. (1660). Mener une intrigue, des intrigues. || Cette clique intrigue contre l'État. ⇒ Cabaler, comploter, manœuvrer.
♦ Recourir à l'intrigue. || Intriguer pour obtenir un poste (⇒ Briguer), un renseignement précieux (→ Espionnage, cit. 3; faveur, cit. 15).
6 (…) Rohner (…) intrigue avec ardeur pour que la présidence du congrès ne soit pas donnée à Chalgrin.
G. Duhamel, Chronique des Pasquier, VI, XII.
♦ Absolt. || Homme habile (cit. 16) qui intrigue en se fourrant (cit. 22) partout. || Il intrigua si bien qu'il obtint la place. ⇒ Manœuvrer (→ 1. Griller, cit. 12).
7 Elle était aussi laide, vulgaire et rapace que madame de Bormes était belle, noble, désintéressée. Ces deux femmes se rencontraient sur le terrain de l'intrigue. Simplement, l'une intriguait pour son plaisir, l'autre pour son intérêt.
Cocteau, Thomas l'Imposteur, Folio, p. 22.
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s'intriguer v. pron.
ÉTYM. (Déb. XVIIe).
♦ Vx (langue class.). Se donner du mal pour réussir qqch. en faveur de qqn. — Péj. Se dépenser pour réussir.
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intrigué, ée p. p. adj.
♦ || Des spectateurs intrigués. || Un œil, un regard intrigué.
REM. Le dérivé péj. intrigailler a été utilisé pendant la Révolution (1794, Babeuf, Camille Desmoulins), ainsi que intrigailleur (v. 1770, Turgot) « intrigant ».
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DÉR. 2. Intrigant.
Encyclopédie Universelle. 2012.