louve [ luv ] n. f.
• XVe; love XIIe; lat. lupa
I ♦ Femelle du loup. La louve et ses louveteaux. La louve romaine qui selon la légende allaita Remus et Romulus.
II ♦ Fig. et techn.
1 ♦ (1460) Outil pour le levage des pierres de taille. ⇒ levier.
2 ♦ (1680) Filet de pêche, verveux à deux entrées opposées.
● louve nom féminin Femelle du loup. ● louve (expressions) nom féminin Littéraire. Les enfants, les fils de la louve, les Romains. ● louve nom féminin (de loup) Coin métallique présentant un crochet du côté le plus mince. Instrument utilisé pour la manutention des pierres de taille.
louve
n. f. Femelle du loup.
⇒LOUP, LOUVE, subst.
I. — Subst. masc.
A. — 1. Mammifère carnassier (de la famille des Canidés) dont l'espèce commune se caractérise par un pelage jaunâtre, mêlé de noir, un museau effilé, des oreilles droites, des yeux jaunes, une queue touffue. Bande de loups; meneur de loups; piège à loups; chasser les loups; grand loup, vieux loup, grand vieux loup. La voix rauque et solitaire de quelques loups de la forêt voisine (KRUDENER, Valérie, 1803, p. 134). Un traîneau, arrêté dans la neige, au milieu d'un cercle de loups aux dents luisantes, aux yeux de braise (THARAUD, An prochain, 1924, p. 45). La grande majorité des Canidés sont plus ou moins carnivores (...). La chasse est soit solitaire (Renards), soit collective (Loups, Lycaons) (Zool., t. 4, 1974, p. 1070 [Encyclop. de la Pléiade]):
• 1. La terreur du loup semble justifiée par l'aspect du grand fauve gris aux yeux dorés. Un loup d'Europe pèse de 40 à 60 kilos, parfois plus de 80, mais il est surtout, à poids égal, d'une puissance sans commune mesure avec celle d'un berger allemand (...). Solidement campé sur des pattes fines, nerveuses, il peut parcourir 150 kilomètres par jour...
Rustica, 5-12 nov. 1980, p. 51.
— Expr. et loc.
♦Froid de loup. Froid rigoureux. Ils arrivaient au bois, par des froids de loup qui leur piquaient le nez et les lèvres (ZOLA, Curée, 1872, p. 495).
♦ Soleil des loups. Synon. littér. de lune. Dans la nuit large et fraîche où brillait le soleil des loups (...) des taches de lune tombaient (GENEVOIX, Raboliot, 1925, p. 65).
♦ Entre chien et loup (cf. chien1 et entre I C).
♦ Il fait noir comme dans la gueule du loup. Il fait très noir. (Dict. XIXe et XXe s.).
♦ Vieilli. Savoir la patenôtre du loup, la prière aux loups. Connaître les paroles susceptibles de conjurer la menace du loup. Berger immobile, un taciturne qui connaissait toutes les étoiles et savait la prière aux loups (GENEVOIX, Raboliot, 1925p. 140). Enfant loup (v. enfant rem.).
2. P. méton. Fourrure de cet animal. Veste en loup blanc (Jardin des modes, janv. 1951, p. 45).
3. P. métaph.
a) Personne qui évoque un loup par son aspect extérieur, ses traits physiques. — Capitaine Schreiner. C'était un petit loup nerveux, au nez pointu et aux yeux durs (MALRAUX, Espoir, 1937, p. 491).
♦De loup (loc. adj.). Qui évoque un loup. Dents, yeux, etc., de loup. Foux, avec sa tête de loup à l'affût, les oreilles droites, le museau pointu, les yeux luisants (ERCKM.-CHATR., Ami Fritz, 1864, p. 10).
— Expr. et loc.
♦Appétit de loup. M'épouvantant, par un appétit de jeune loup (MALLARMÉ, Corresp., 1864, p. 141). Faim de loup. À pas de loup.
♦À la queue du loup; aller queue à queue comme les loups. Synon. de (aller) à la queue leu leu. Se suivant à la queue du loup, deux longues files d'hommes et de femmes (FLAUB., Champs et grèves, 1848, p. 306).
♦ Dévorer, manger comme un loup. Dévorer, manger avec avidité. Leuwen mangeait comme un loup (...). Et moi, (...) je ne puis pas avaler un seul morceau (STENDHAL, L. Leuwen, t. 3, 1835, p. 166).
♦ Vieilli. S'enrhumer, être enrhumé comme un loup. Edouard Fould, enrhumé comme un loup et très démoralisé (MÉRIMÉE, Lettres à une autre inconnue, 1870, p. 102).
♦ Être connu comme le loup blanc.
♦Vieilli. [À propos d'un bâtard] Il est comme les loups, il n'a jamais vu son père. (Dict. XIXe et XXe s.).
b) [À propos d'une chose] Les loups du vent hurlent à ma porte (RENARD, Journal, 1897, p. 442).
4. P. anal., ZOOL. Mammifère carnassier voisin du loup commun ou lui ressemblant.
♦ Loup aboyeur/américain, loup de(s) prairies. Synon. de coyote. Quelques loups de prairies, en troupes nombreuses, maigres, affamés (VERNE, Tour monde, 1873, p. 187).
♦Loup rouge:
• 2. Lorsque le Patagon prononça le mot «aguara», Glenarvan reconnut aussitôt le nom donné au loup rouge par les Indiens de la pampa. Ce carnassier, le «canis-jubatus» des naturalistes, a la taille d'un grand chien et la tête d'un renard; son pelage est rouge cannelle, et sur son dos flotte une crinière noire qui lui court tout le long de l'échine.
VERNE, Enf. cap. Grant, t. 1, 1868, p. 175.
B. — P. méton.
1. Représentation du loup, à valeur symbolique. Les signes militaires des cohortes, l'aigle, le dragon, le loup (CHATEAUBR., Martyrs, t. 1, 1810, p. 280).
— HÉRALD. Le loup passant se représente comme le lion passant, (...) c'est-à-dire dans l'attitude de la marche, la patte dextre levée (ADELINE, Lex. termes art, 1884). Au tour de ce blason (...) reconnaissez-vous un loup, qui primitivement a dû être d'or, et des tourteaux qui ont dû être de gueules? (BOURGET, Cosmopolis, 1893, p. 11).
2. JEUX. [Le loup étant figuré par des pers. ou par des pions sur un damier] Le plan d'un jeu appelé jeu du loup (E. DE GUÉRIN, Lettres, 1837, p. 131). Il semble qu'on joue au «Loup, y es-tu?» des enfants (GIDE, Retour Tchad, 1928, p. 966).
C. — P. anal.
1. ASTRON., vx. Constellation australe. L'époque où le Soleil franchit le passage vers les signes inférieurs, à l'équinoxe d'automne, près duquel est le loup céleste, animal consacré à Mars (DUPUIS, Orig. cultes, 1796, p. 194).
2. COST. Masque couvrant le pourtour des yeux. Loup de satin, de soie. Ses yeux brillaient dans les trous de son loup de velours noir (REIDER, Mlle Vallantin, 1862, p. 48). On trouve partout [à Venise] des masques, ou plus exactement des demi-masques, des loups (...). Dans ce demi-visage noir, impassible, le regard vient directement de l'âge d'or (GIONO, Voy. Ital., 1953, p. 152).
3. PÊCHE. Filet de pêche maintenu par trois perches en angle. (Dict. XIXe et XXe s.).
4. a) MÉD., PATHOL. Lésion cutanée ulcéreuse. Synon. lupus. Une nouvelle éruption lui envahissait les épaules (...) posait sur le haut de son visage un affreux placard en ailes de chauve-souris, une espèce de loup rougeâtre et pustuleux (H. BAZIN, Qui j'ose aimer, 1956, p. 90).
b) IMPR., THÉÂTRE, TECHNOL. Défaut, malfaçon, lacune. On n'a pu empêcher qu'il y ait là un trou, un manque au milieu du drame, ce qu'on appelle un «loup» dans l'argot des acteurs et des mécaniciens (A. DAUDET, Crit. dram. 1897, p. 91). Il voyait tout, tous les défauts, tous les «loups» (VIALAR, Zingari, 1959, p. 71).
— P. méton. Objet présentant un défaut. [L'expert] — Vous avez de bonnes choses (...) dans votre petit musée et vous allez flanquer, sous les yeux des amateurs, des loups sans nom! (LA VARENDE, Bric-à-brac, 1953, p. 51).
c) MÉTALL. Loup (de fonte). Masse minérale mal fondue qui risque de provoquer une obstruction. Les fours [à l'avant-creuset] ont l'inconvénient de ne pas entraîner assez facilement les matières gênantes, ce que l'on appelle les loups (GUILLET, Métall. gén., 1923, p. 258). Surveiller la température de la fonte afin d'éviter la formation de loups de fonte dans le bain, qui mettent la poche hors service (BARNERIAS, Aciéries, 1934, p. 27).
5. TECHNOLOGIE
a) Pince pour arracher les clous. (Dict. .IXe et XXe s.).
b) HIST. MILIT. Machine de guerre défensive contre les béliers. Les tenailles à prendre les béliers s'appelant des loups (FLAUB., Salammbô, t. 2, 1863, p. 80).
6. TEXT. Appareil à grosses dents métalliques servant à battre et briser la laine. La préparation de la filature commence pour le cardé par le travail en vrac du «loup batteur» qui (...) est composé de deux arbres à bras conjugués venant battre la laine (...). A cette machine succède le «loup briseur» (...). Puis vient le loup à carder (R. THIÉBAUT, La filature, p. 81 (Q.S. n° 537) ds ROB. Suppl. 1970).
7. ZOOLOGIE
a) Poisson vorace de diverses espèces (anarrhique, brochet et bar notamment). Des monceaux de mulets bleuâtres et des loups écaillés d'argent, dont les ouïes portaient une même entaille écarlate (MAURRAS, Chemin Paradis, 1894, p. 128). Bar commun (...) appelé aussi (...) Loup (...). Le ventre est blanc argenté (COUPIN, Animaux de nos pays, 1909, p. 195).
Rem. Loup est la var. méridionale du bar commun. Loup au fenouil.
b) Loup marin, loup de mer. Phoque de diverses espèces. Nous n'avons aperçu aucune loutre de mer; nous leur avons montré des échantillons de nos peaux (...): ils ne semblaient pas y mettre plus de prix qu'à celles des loups marins, dont ils font leurs bottes (Voy. La Pérouse, t. 3, 1797, p. 111). Phoque proprement dit (...) appelé aussi Veau marin, Chien marin, Loup marin (COUPIN, Animaux de nos pays, 1909p. 40).
D. — P. métaph. [Gén. à propos de pers., parfois à propos de choses]
1. Personne avide, brutale, cruelle. Tu pouvais faire de moi un lion; le bon de mon coeur pouvait grandir sous tes caresses (...); la souffrance a fait de moi un loup féroce (BOREL, Champavert, 1833, p. 231). Charles, l'aîné (...) est un lion généreux et brave; François, le cadet, est un loup poltron et perfide. Le premier a la puissance du bien, le second celle du mal (SAND, Hist. vie, t. 1, 1855, p. 192).
— Emploi adj., rare. Ç'a été un berger un peu loup, un pâtre un peu brigand: il y paraît bien à sa férocité d'empereur (SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 1, 1840, p. 170).
— En partic.
♦Vx, pop. Créancier. [Le] loup vient quelquefois guetter son débiteur (...) à la sortie de l'atelier (BOUTMY, Typogr. paris., 1874, p. 44). Loup féroce aux débiteurs, très capable de voler dix sous dans le sang d'un homme (ZOLA, Argent, 1891, p. 39).
♦[Notamment au XXe s., dans le domaine de la politique, des affaires, du sport, du spectacle, etc.] (Jeune) loup. Jeune homme dynamique et ambitieux qui, parfois, n'hésite pas à employer des moyens peu recommandables pour réussir. Ce fameux Traité du Verbe (...) où vinrent (...) s'exercer les jeunes dents des loups en herbe du journalisme «littéraire» (VERLAINE, Œuvres compl., t. 5, Biogr. (René Ghil), 1896, p. 402). John Kennedy, le jeune loup du Massachussets qui, après avoir été accusé de tricherie et de vol aux élections de 1960, est devenu le symbole et l'inspiration de tout ce dynamisme généreux (Libération, 5 nov. 1980, p. 12, col. 3). Pierre, jeune cadre fourmillant d'idées plus séduisantes les unes que les autres, a le vent en poupe. (...) jeune loup au brillant avenir (Télérama, 7-13 mai 1981, p. 80).
— Expr. et loc. proverbiales
♦Hurler avec les loups.
♦ [D'apr. PLAUTE, Asinaria, v. 495] L'homme est un loup pour l'homme. L'homme est impitoyable pour son semblable. L'homme est un loup pour l'homme sans la charité chrétienne (CENDRARS, Lotiss. ciel, 1949, p. 190).
♦ Le loup mourra dans sa peau. L'homme mauvais ne peut pas s'amender. (Dict. XIXe et XXe s.).
♦ Les loups ne se mangent pas entre eux. Les scélérats ne s'attaquent pas mutuellement. Les loups ne se mangent pas entre eux, mon petit, murmura le bandit (GAUTIER, Fracasse, 1863, p. 173).
♦ Qui se fait brebis, le loup le mange; brebis comptées, le loup les mange.
2. Personne qui représente un danger. Les menaces et les ruses hypocrites d'une meute de gens d'église et de loi, — loups et renards, aux yeux sanglants (ROLLAND, J.-Chr., Foire, 1908, p. 820).
— En partic. [Le danger étant représenté par un homme vis-à-vis d'une femme, gén. p. allus. à des chansons pop.] Il chanta en la regardant profondément et sans cesser de sourire: — Qui craint le grand méchant loup? La petite rougit, sourit et chanta: — C'est pas nous! C'est pas nous! (SARTRE, Mort ds âme, 1949, p. 131):
• 3. — Te voilà! petit Parisien, me dit le père Dodu. Tu viens pour débaucher nos filles (...)? Tu les emmènes dans les bois pendant que le loup n'y est pas? — Père Dodu, c'est vous qui êtes le loup. — Je l'ai été tant que j'ai trouvé des brebis; à présent je ne rencontre plus que des chèvres, et qu'elles savent bien se défendre!
NERVAL, Filles feu, Sylvie, 1854, p. 619.
— Expr. et loc.
♦Avoir vu le loup. Avoir affronté des dangers; en partic., fam., avoir perdu sa virginité. Elle (...) a déjà vu le loup (...), elle couchait à seize ans avec le garçon du marchand de vin (ZOLA, Fécondité, 1899, p. 64).
♦ Crier au loup. Avertir d'un danger (parfois en exagérant son importance). Combien de fois, entre 1908 et 1914, ai-je entendu de gens raisonnables nous dire: «Pourquoi criez-vous au loup chaque matin?» Parce que le loup est là (L. DAUDET, Vers le roi, 1920, p. 174). Au loup! [interj.] Des personnes notables n'hésitaient pas à leur jeter à la face le terrible «Au loup! Au loup!» qui les mettait hors la loi (BARRÈS, Colline insp., 1913, p. 212).
♦ Enfermer le loup dans la bergerie.
♦ Se fourrer, se jeter dans la gueule du loup.
♦ Vx. Prendre, tenir le loup par les oreilles. Se trouver dans une situation critique; être prêt à s'emparer d'un malfaiteur, à écarter un danger. Tous ces mouvements devront s'exécuter Soudain et de concert, afin que le Borgia N'ait pas le temps d'agir et de se reconnaître. (...) nous tenons le loup par les oreilles. Et pourvu, chers seigneurs, que nous restions unis, Nous aurons le plaisir d'avoir bientôt sa peau (BARBIER, Satires, 1865, p. 160).
♦ Fam. Quand on parle du loup, on en voit la queue. Quand on parle d'une personne redoutable (ou, p. ext., d'une personne quelconque), elle apparaît. — (...) Tiens: quand on parle du loup... — On en voit la queue (...). On vit (...) déboucher d'un taillis (...) le museau de Lamuse comme un sanglier roux (BARBUSSE, Feu, 1916, p. 65).
♦ Vx. La lune est à l'abri des loups. Les personnes haut placées n'ont rien à craindre. (Dict. XIXe s.).
3. Personne solitaire, sauvage. Très probablement il refusera; c'est un sauvage, un loup (HALÉVY, Mar. d'am., 1881, p. 52). De ce garçon riant et amène d'autrefois la claustration avait fait un loup solitaire (ARNOUX, Algorithme, 1948, p. 43).
— Expr. et loc.
♦Vivre comme un loup, vivre en loup. Vivre en sauvage, à l'écart. Il ne lisait rien, il ne voyait personne, il vivait comme un loup (GONCOURT, R. Mauperin, 1864, p. 275).
♦La faim chasseait sortir le loup du bois (cf. chasser1 et bois).
4. Vieux loup. Personne d'expérience, habile, rusée. Lecamus, ce vieux loup du commerce, si fin et si perspicace (BALZAC, Martyr calv., 1841, p. 250). Un vieux cabotin, une roulure de la province (...), un vieux loup de planche, aussi fort sur les tréteaux qu'un marin sur la mer (HUYSMANS, Marthe, 1876, p. 11). Mon père l'épouvantait avec ses manières de vieux loup blanc, de «bête fausse» (...) et sa façon de guérir les entorses en faisant une croix dessus (CLAUDEL, Otage, 1911, II, 1, p. 250).
— En partic. (Vieux) loup de mer. Marin endurci et expérimenté. Vieux loup de mer, à qui nous avons parlé de ses navigations. — J'aime ces sortes d'hommes, tout action et expérience (BARB. D'AUREV., Memor. 4, 1858, p. 99). Il a l'air d'un ancien marin, d'un vieux loup de mer qui aurait vu des choses extraordinaires et traversé d'extravagants pays (MIRBEAU, Journal femme ch., 1900, p. 375). V. bougon1 ex. 4.
♦ P. méton. Maillot de coton à rayures horizontales, bleu marine et blanches. Loup de mer coton belle qualité. Rayé blanc et marine clair (Catal. Madelios, été 1951, p. 8).
5. [Terme d'affection s'adressant à une pers.] Mon pauvre loup. Elle riait (...) appelant familièrement son compagnon: «Mon gros loup». (MAUPASS., Contes et nouv., t. 1, Dimanches bourg. Paris, 1880, p. 322). Barna, mon loup, ma joie! (MILLE, Barnavaux, 1908, p. 240). Au revoir, chéri. (...) tu m'aimes, mon petit loup? (ARLAND, Ordre, 1929, p. 409).
II. — Subst. fém.
A. — 1. Femelle du loup. Une louve au poil fauve qui lèche là-bas ses petits (QUINET, Ahasvérus, 1833, 2e journée, p. 158). L'angoisse du vieux loup étreint son coeur obscur, (...) Sa louve blanche, aux yeux flambants, et les petits Qu'elle abritait (...) Gisent, morts (LECONTE DE LISLE, Poèmes trag., 1886, p. 69). Un berger trouve dans les roseaux du Tibre deux enfants nouveau-nés qu'une louve nourrit de son lait (...) Remus et Romulus (A. FRANCE, Pt Pierre, 1918, p. 248).
2. [P. réf. à la louve qui, selon la légende, allaita Remus et Romulus] Ils me disent qu'ils n'aiment pas l'antique ni les anciens. Mais ceux qui ont sucé le lait de la louve (j'entends le suc des vieux) ont un autre sang dans la veine et ils considèrent comme des fleurs blanches de l'esprit toutes ces miévreries pudibondes (FLAUB., Corresp., 1853, p. 174). Ma raison me dit d'être dur, et j'ai la pitié en moi comme un cancer. (...) non, je n'ai pas bu à la louve; je suis le fils de la femme (MONTHERL., Songe, 1922, p. 1390).
— P. méton.
♦ Statue représentant la louve romaine. Au centre, une louve de bronze y pique de ses mamelles pointues deux poupées noires assises sur un socle étroit, Romulus et Remus (VERCEL, Cap. Conan, 1934, p. 121).
♦Rome, le peuple romain. Il était écrit que la fortune de Rome passerait: la louve franchissait le col (PESQUIDOUX, Livre raison, 1925, p. 173).
3. P. métaph. Personne qui évoque une louve parun aspect extérieur sauvage, féroce. Cette louve, cette vraie Corse au regard fauve (MICHELET, Journal, 1838, p. 273).
— Loc. adj. De louve. Qui évoque une louve. Sous le chapeau [de Nadine], les yeux de louve, luisants et ardents, jetaient des étincelles de peur (MORAND, Champions du monde, 1930, p. 62).
B. — P. anal.
1. MARINE
) Verveux ayant plusieurs ouvertures. La louve est disposée à l'embouchure des rivières et des estuaires (GRUSS 1952).
b) Conduit, glissière pour charger ou décharger les navires. (Dict. XIXe et XXe s.).
2. TECHNOL. Instrument servant à soulever les pierres de construction. Poser les pierres à la louve (VIOLLET-LE-DUC, Archit., 1872, p. 28).Un (...) système [de montage ] consiste à suspendre la pierre [de taille] par une louve, instrument en fer composé de deux branches en bras de levier articulées sur un axe (ROBINOT, Vérif., métré et prat. trav. bât., t. 1, 1924, p. 83).
3. ZOOL., rare. Femelle du loup-cervier. P. métaph. Sais-tu ce que c'est qu'un enfant qu'on a? Hé! loup-cervier, n'as-tu jamais gîté avec ta louve? n'en as-tu jamais eu un louveteau? (HUGO, N.-D. Paris, 1832, p. 552).
C. — P. métaph.
1. [Avec une idée de férocité, de force malfaisante]
a) [À propos de pers.] La presse aux mille voix, cette louve hargneuse (HUGO, Voix intér., 1837, p. 209).
— En appos. à valeur adj. La vague horreur du lieu plaît à cette âme louve (HUGO, Fin Satan, 1885, p. 875).
b) [À propos de choses] La faim, cette louve décharnée hurlant sans cesse à leur porte (FABRE, Xavière, 1890, p. 177). Disputant aux maigres louves Du regret les brebis de tes heures laissées (RÉGNIER, Jeux rust., 1897, p. 38).
2. [Avec une idée de moeurs libres, dépravées] Femme débauchée, prostituée. Les louves du trottoir, lancées parmi les promeneurs, le regard aigu, la bouche provocante (BOURGET, Nouv. Essais psychol., 1885, p. 32). Jean Péloueyre s'intéressait à la quête des prostituées, dénombrait ce troupeau de maigres louves (MAURIAC, Baiser Lépreux, 1922, p. 186). Elle est revenue ici parce que certains étudiants lui plaisent (...). C'est ce que les Latins appelaient lupa, une louve, une bête sans cesse affamée (GREEN, Moïra, 1950, p. 176).
REM. 1. Loup est utilisé comme élém. de lexie complexe: a) ) Chien-loup. ) Enfant-loup (cf. enfant rem. b ). b) ) Cul-de-loup, subst. masc. Endroit retiré. Tu me vois d'ici au pied de mon arbre, dans ma cabane: même pas un cul-de-loup enterré, rien qu'une petite hutte dressée avec des branches (GENEVOIX, Raboliot, 1925, p. 138). ) Dent de loup, V. dent D 2 b Arts décoratifs et technol. ) Gueule(-)de(-)loup, (Gueule de loup, Gueule-de-loup)subst. fém. Tuyau coudé, posé sur le haut d'une cheminée, etc. Ces gueules de loup qui versent les eaux du ciel dans la rue en longues cascades bruyantes (SOULIÉ, Mém. diable, t. 2, 1837, p. 45). La gueule de loup est (...) un tuyau coudé à angle obtus, mobile autour d'un axe (...) et portant une flèche d'orientation qui prend la direction que le vent lui imprime (ROBINOT, Vérif., métré et prat. trav. bât., t. 5, 1928, p. 92). ) Saut-de-loup. ) Tête-de-loup. ) Ventre de loup. [Juron] Ventre de loup! comme il était en colère! (MÉRIMÉE, Chron. règne Charles IX, 1829, p. 20). Ventre de loup! vous êtes bien heureux que je sois un tyran! (SARDOU, Rabagas, 1872, I, 12, p. 38). c) Bot. ) Gueule-de-loup. ) Pied-de-loup. ) Vesse-de-loup. 2. Lupeux, subst. masc. Être surnaturel, malfaisant. Le lupeux est un être franchement désagréable (SAND, Prom. autour vill., 1860, p. 223). 3. Lupiforme, adj., rare. a) Qui rappelle l'aspect extérieur du loup (supra I A 1). Les hommes montraient des visages d'animaux, hircins, lupiformes, simiesques (L. DAUDET, Sylla, 1922, p. 190). b) Qui est de la nature du loup (supra I C 4 a) ou du lupus. On rencontre quelquefois des dermatoses sporotrichosiques polymorphes, (...) lésions verruqueuses, lupiformes (LANGERON ds Nouv. Traité Méd. fasc. 4 1925, p. 503).
Prononc. et Orth.: [lu], fém. [lu:v]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. A. 1. Ca 1100 lu (Roland, éd. J. Bédier, 1751); ca 1200 esgarder comme un blanc leu (Escoufle, 7609 ds T.-L.); ca 1230 venir entre chien et leu (H. PAUCELE, D'Estormi, 90 ds A. DE MONTAIGLON et G. RAYNAUD, Recueil gén. fabliaux, t. 1, p. 201), v. aussi queue le(u) leu (à la); - allus. à la voracité, la rapacité, la cruauté du loup, appliquées au comportement de l'homme ca 1160 (Eneas, 5371 ds T.-L.); ca 1165 (BENOÎT DE STE-MAURE, Troie, 9159, ibid.: Hector, ensi come li lous Qui de longues est fameillos, S'embat por sa preie saisir, Que rien ne la li puet tolir...); a) proverbes XIIIe s. (Isopet ds Lyon, 3361, ibid.: Vous avez fait dou lou bergier); ca 1317 (ds Proverbes fr., éd. J. Morawski, 1000: La fains enchace le louf dou bois); id. (ibid., 1900: Qui de louf parole, près en a la coue); XVe s. (ibid., 2126: Qui se fait brebis, le leu le mengcue); b) loc. av. 1467 (JEAN MOLINET, Débat de l'aigle, du harenc et du lyon, ds Faictz et dictz, éd. N. Dupire, t. 2, p. 629, 30: Tresbuché suis en la gueulle des leups); 1520 tenir le loup par les oreilles «être dans une situation périlleuse» (MICHEL DE TOURS, trad. Suétone, III, 109 r° ds HUG.); 1599 avoir veu le loup «avoir de l'expérience» (MARNIX, Differ. de la Relig., I, I, 3, ibid.); 2. a) ca 1165 «homme cruel et avide» (BENOÎT DE STE-MAURE, op. cit., 8369, 15477 ds T.-L.); b) 1786 loup de mer «marin expérimenté, endurci, aux moeurs quelque peu sauvages» (d'apr. JAL1 t. 2, p. 944 a); c) 1872 mon gros loup terme de tendresse (LARCH.). B. 1. Ca 1225 désigne une affection corrosive, une sorte d'ulcère, de chancre (PÉAN GATINEAU, St Martin, 8743 ds T.-L.: Il avoit la maladie Qui par tot est lous apelee ... La maladie qui mangiee Li ot la char et derungiee); 2. 1284 «sorte de grappin (engin de guerre)» (JEAN DE MEUN, Art de chevalerie [trad. Végèce], éd. U. Robert, p. 136: coment ... lou [lupi] coulombes ... valent encontre les moutons); 3. 1453 ichtyol. leu (ds Z. rom. Philol. t. 94, 670); 1505 loup, loup de mer (DESDIER CHRISTOL, Platine en françoys, fol. 87 v° a d'apr. R. Arveiller ds Mél. Séguy, p. 71: on appelle ces poissons les loups pource qu'ilz devorent les aultres poyssons ainsi que les loups de terre font les brebis; 87 v° a: du loup de mer); 4. 1680 «masque de velours porté par les femmes» (RICH.); 5. début XVIIIe s. techn. «machine à carder la laine» (d'apr. BRUNOT t. 6, p. 415); 6. 1765 «filet de pêche» (Encycl. t. 9, p. 703 a); 7. a) 1807 arg. «dette faite chez un marchand» (d'apr. ESN.); b) 1832 id. Arts-et-Métiers Châlons «malfaçon, faute, pièce manquée» (id.); 1835 faire un loup «rater une pièce» (d'apr. G. Esnault ds Fr. mod. t. 18, p. 141); 1865 arg. comédiens «faute commise par les acteurs qui laissent la scène vide» (d'apr. ESN.). II. A. 1. 1174-77 love (Renart, éd. M. Roques, 5723: Hersant la love); ca 1265 allus. aux amours de la louve (BRUNET LATIN, Trésor, éd. J. Carmody, I, CXC, p. 167: Et quant li tens de sa [de la lue] luxure vient, plusor malle ensivent par la lue. Mais a la fin ele regarde en trestoz et eslit le plus lait qui gise o li); 2. id. «femme débauchée» (id. I, XXXV, p. 43-44: maintes ystores devisent que Romulus et Remus furent norris par une lue ... Il est voirs ke quant il furent nés, on les gieta sus une riviere... Entor cele riviere manoit une feme ki servoit a tous communalment, et teles femes sont apelees lues en latin. Cele feme prist les enfans et les norri molt doucement; et por ce fu il dit k'il estoient fius d'une lue). B. 1. 1460 technol. Tournai «trou fait aux pierres de taille pour introduire la louve propre à les soulever» (doc. Arch. de Tournai ds GDF. s.v. traceure; v. aussi FEW t. 5, p. 462 b, note 16); 1552 louve de fer (EST. s.v. cheloma); 2. 1679 pêche «baril défoncé par où on jette les morues dans la cale du bateau» (FOURNIER, Hydrographie d'apr. FEW t. 5, p. 461 b); 1680 «filet rond pour prendre le poisson» (RICH.). I du lat. lupus «loup; espèce de poisson vorace; croc, grappin [en réf. à la robuste mâchoire du loup]». La forme rég. a.fr. leu a été remplacée par lou, prob. sous l'infl. combinée de la forme dial. de l'Ouest et du fém. louve (POPE, § 230, 343, 489; v. aussi FEW t. 5, p. 462 a); loup, par infl. étymol. En B, différentes acceptions dérivées du caractère de voracité, d'agressivité du loup; 4 s'explique prob. par la couleur sombre du masque et l'aspect quelque peu effrayant et mystérieux donné à celle qui le portait; 7 relève prob. de la notion de manque, de tort qui découle de celle d'agression, de rapacité. II du lat. lupa «louve; prostituée»; B 1 par allus. aux griffes de l'animal; 2 par allus. à son avidité, v. FEW t. 5, p. 462 b, notes 14 et 15. Fréq. abs. littér. Loup: 2301. Louve: 201. Fréq. rel. littér. Loup: XIXe s.: a) 2511, b) 4024; XXe s.: a) 2664, b) 3884. Louve: XIXe s.: a) 259, b) 388; XXe s.: a) 409, b) 178. Bbg. LENOBLE-PINSON (M.). Le Langage de la chasse. Bruxelles, 1977, pp. 297-302. — QUEM. DDL t. 2, 5, 6, 14, 19, 20. — SAIN. Sourcest. 2 1972 [1925], p. 159; t. 3 1972 [1930], p. 30 (s.v. lupeux).
louve [luv] n. f.
ÉTYM. XVe; love, v. 1175; du lat. lupa, fém. de lupus. → Loup.
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1 Femelle du loup. ⇒ Loup. || La louve et ses louveteaux. || Hurlement de la louve (→ Cri, cit. 27). || La louve romaine qui selon la légende allaita Remus et Romulus (→ Fratricide, cit. 1; demi-dieu, cit. 1).
0 Au début de ce récit, j'ai voulu conduire le lecteur dans le monde infâme des pierreuses et des souteneurs, au pays de la basse prostitution où les « louves du trottoir » provoquent le passant, et subissent l'amant de cœur.
Goron, l'Amour à Paris, t. I, p. 4 (v. 1900).
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II Techn.
1 (1460). Outil de fer pour le levage des pierres de taille, sorte de levier dont les bouts prennent appui dans des trous spécialement aménagés dans la pierre. || Soulever qqch. avec une louve. ⇒ Louver.
➪ tableau Noms d'outils.
2 (1680). Filet de pêche, verveux à deux entrées opposées. || On place la louve à l'embouchure des rivières.
3 Mar. Manchon de gouvernail (syn. de : jaunière). — « Glissière employée pour charger et décharger les navires de commerce » (Gruss).
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DÉR. Louvard, louver, louvet, louveteau, 1. louveter.
Encyclopédie Universelle. 2012.