république [ repyblik ] n. f.
• 1520 sens II; lat. res publica « chose publique »
I ♦ (1549) Forme de gouvernement où le pouvoir et la puissance ne sont pas détenus par un seul, et dans lequel la charge de chef de l'État (⇒ président) n'est pas héréditaire.
1 ♦ Régime d'un État ainsi gouverné. « L'esprit de la république est la paix et la modération » (Montesquieu). « Qu'est-ce que le gouvernement de la République ? Le gouvernement des partis, ou rien » (Maurras). République démocratique, socialiste; libérale, conservatrice. Républiques populaires. Vivre en république. République bananière. — Fam. On est en république ! se dit pour protester contre une interdiction, une contrainte. « Tu répondras : merde. On est en République, il me semble » (Queneau).
2 ♦ État ainsi gouverné. La république romaine, et absolt La République : le régime de la Rome antique. LA R ÉPUBLIQUE FRANÇAISE : le régime politique français ou la France sous ce régime. La Cinquième (ou la Ve) République. — Absolt (et souvent avec la majuscule) « “La République une et indivisible”, voilà ce qui est sorti de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen » (Péguy). Liberté, égalité, fraternité, devise de la République. Marianne, emblème de la République. Président de la République. « La République nous appelle » (M.-J. Chénier). — Hist. Les républiques de la Grèce antique (Athènes, Sparte...) : les cités gouvernées aristocratiquement ou démocratiquement. — La république de Genève ( XVIII e s.).— Mod. La République argentine. Anciennt L'Union des républiques socialistes soviétiques (U. R. S. S.). « Ce serait faire injure aux républiques que d'appeler de ce nom l'oligarchie qui régnait sur la France en 1793 » (Tocqueville).
II ♦ (au sens du lat. 1520)
1 ♦ Vx L'organisation politique de la société, la chose publique. ⇒ cité. « De toutes les dépenses de la république, l'entretien de l'armée de la couronne est la plus considérable » (Rousseau).
2 ♦ Spécialt (XVIIIe) Vx État, gouvernement légitime, où le pouvoir exécutif est le « ministre du souverain » (opposé à dictature, tyrannie). « J'appelle donc république tout État régi par des lois, la monarchie elle-même est république » (Rousseau).
3 ♦ Vx ou littér. Société organisée, corps politique, communauté.
♢ Fig. et littér. Groupe social. La république des lettres : les gens de lettres. « Être journaliste, c'est passer proconsul dans la république des lettres » (Balzac).
⊗ CONTR. Despotisme, monarchie.
● république nom féminin (latin republica, de res, chose, et publicus, public) Forme d'organisation politique dans laquelle les détenteurs du pouvoir l'exercent en vertu d'un mandat conféré par le corps social. (En ce sens « république » s'oppose à « monarchie », mais ne se confond pas avec « démocratie », dans l'hypothèse, par exemple, d'une restriction du suffrage.) État, pays ayant cette forme d'organisation (avec majuscule) : La République française. Littéraire. Association de gens formant une sorte de confrérie : La république des esprits cultivés. ● république (citations) nom féminin (latin republica, de res, chose, et publicus, public) Émile Chartier, dit Alain Mortagne-au-Perche 1868-Le Vésinet 1951 Ce que j'appelle République, c'est plutôt une énergique résistance à l'esprit monarchique, d'ailleurs nécessaire partout. Avec Balzac Gallimard Pierre Jean de Béranger Paris 1780-Paris 1857 J'ai pris goût à la république, Depuis que j'ai vu tant de rois. Chansons Marie-Joseph de Chénier Constantinople 1764-Paris 1811 La République nous appelle ; Sachons vaincre ou sachons périr : Un Français doit vivre pour elle ; Pour elle un Français doit mourir. Le Chant du départ (musique de Méhul) Pierre Corneille Rouen 1606-Paris 1684 Ah ! ne me brouillez point avec la République… Nicomède, II, 3, Prusias Joseph Arthur, comte de Gobineau Ville-d'Avray 1816-Turin 1882 La République, en France, a ceci de particulier, que personne n'en veut et que tout le monde y tient. La IIIe République française et ce qu'elle vaut Victor Hugo Besançon 1802-Paris 1885 Ô République universelle Tu n'es encor que l'étincelle, Demain tu seras le soleil. Les Châtiments, Lux Charles de Secondat, baron de La Brède et de Montesquieu château de La Brède, près de Bordeaux, 1689-Paris 1755 Les grandes récompenses dans une monarchie et dans une république sont un signe de leur décadence, parce qu'elles prouvent que leurs principes sont corrompus. De l'esprit des lois Pierre Joseph Proudhon Besançon 1809-Paris 1865 La république est une anarchie positive. Solution du problème social Jean-Jacques Rousseau Genève 1712-Ermenonville, 1778 J'appelle République tout État régi par des lois, sous quelque forme d'administration que ce puisse être. Du contrat social Donatien Alphonse François, comte de Sade, dit le marquis de Sade Paris 1740-Charenton 1814 L'insurrection n'est point un état moral ; elle doit être pourtant l'état permanent d'une république. La Philosophie dans le boudoir Anonyme La République n'a pas besoin de savants. Commentaire Mot forgé par l'évêque constitutionnel Grégoire, qui l'attribue au président Dumas du Tribunal révolutionnaire, à l'occasion du procès de Lavoisier, qui demandait un délai pour terminer une expérience de chimie en cours. Le mot a aussi été attribué au vice-président Coffinhal. Alphonse Aulard Montbron, Charente, 1849-Paris 1928 Ah ! que la République était belle sous l'Empire. Commentaire Ce mot de l'auteur de l'Histoire politique de la Révolution française a servi de légende à un dessin fameux de Forain. Robert de Jouvenel 1881-1924 La République des camarades. Commentaire Titre d'un ouvrage que Robert de Jouvenel publia en 1914. Ce journaliste y critique l'influence de la « camaraderie » sur la vie politique de la IIIe République. Adolphe Thiers Marseille 1797-Saint-Germain-en-Laye 1877 La République sera conservatrice ou elle ne sera pas. Message à l'Assemblée nationale, 18 novembre 1872 Giacomo Leopardi Recanati, Marches, 1798-Naples 1837 La corruption des mœurs est mortelle pour les républiques et utile aux tyrannies et aux monarchies absolues : cela seul suffit à juger de la nature et de la différence de ces deux sortes de gouvernement. La corruttela dei costumi è mortale alle repubbliche e utile alle tirannie e monarchie assolute : questo solo basta a giudicare della natura e differenza di queste due sorti di governo. Zibaldone, I, 377 ● république (difficultés) nom féminin (latin republica, de res, chose, et publicus, public) Orthographe Avec une minuscule ou une majuscule selon l'emploi. 1. Avec une minuscule quand ce mot désigne une forme d'organisation politique : la monarchie et la république. 2. Avec une majuscule s'il s'agit d'une période historique déterminée : la IVe République. 3. Avec une majuscule quand ce mot entre dans la dénomination officielle d'un État et qu'il n'est suivi que d'adjectifs : la République sud-africaine ; la République française (ou, absolument, la République : le président de la République). - Avec une minuscule si le nom propre du pays suit république : la république populaire de Chine. - Dans les textes non spécialisés, on peut écrire République avec une majuscule lorsque ce mot entre dans la dénomination officielle d'un État : la République populaire de Chine. ● république (expressions) nom féminin (latin republica, de res, chose, et publicus, public) La république des lettres, l'ensemble des gens de lettres.
république
n. f.
d1./d ANTIQ Cité; état. "La République" de Platon. La République romaine.
d2./d état gouverné par des représentants élus pour un temps et responsables devant la nation (par opposition à monarchie).
|| Forme de gouvernement, régime d'un tel pays. être en république.
d3./d Fig. La république des lettres: les gens de lettres.
⇒RÉPUBLIQUE, subst. fém.
I. A. — Vieilli. Chose publique, organisation politique de la société, État. (Dict. XIXe et XXe s.).
♦ La République. Dialogues de Platon sur la meilleure forme de gouvernement. Je voudrais qu'on lise la République de Platon (...) pour apprendre l'art de se gouverner soi-même, et d'établir la justice à l'intérieur de soi (ALAIN, Propos, 1910, p. 71). De la République. Traité sur l'idéal politique, de Cicéron. [Ils] l'auraient traduit en beau style académique, dans le goût de la Préface de la République de Cicéron, par M. Villemain (STENDHAL, Racine et Shakspeare, t. 1, 1825, p. 78).
B. — Vieilli, littér. Société humaine; ensemble de personnes ayant entre elles quelque chose en commun. [Les soldats] se cantonnaient dans une ville; cela faisait une république de brigands (TAINE, Philos. art, t. 2, 1865, p. 48). Une étrange république de locataires où chacun paraît à la fois subir et imposer la loi (SARTRE, Sit. I, 1947, p. 122).
♦ République chrétienne. État chrétien; ensemble d'États chrétiens. Dans la mesure où elle avait existé, où elle avait pu survivre à tant de guerres entre les nations d'Europe, la conception de la république chrétienne était abolie (BAINVILLE, Hist. Fr., t. 1, 1924, p. 151).
— Au fig. Communauté d'esprit. Quelles que soient nos divergences dans les républiques intellectuelles, quelles que soient entre nous nos contrariétés mêmes, il est évident qu'en face d'un certain grand public (...) nous sommes tous solidaires, nous sommes tous du même métier (PÉGUY, Argent, 1913, p. 1185):
• 1. Les nobles études appelant tous à tout, élevant le niveau commun, confondant les classes, faisant vivre du même pain intellectuel tous ceux qui vivent du même pain du jour, et réalisant dans le domaine de la pensée cette république des intelligences où les droits ne sont que des dons de Dieu, où les fonctions ne sont que des services, où la dictature n'est que du génie...
LAMART., Corresp., 1836, p. 213.
♦ République des arts, des lettres. Ensemble des artistes, des gens de lettres. Pendant la première partie du repas, on s'occupa des nouvelles de la république des arts: une vente de tableaux, une pièce nouvelle, l'annonce d'un concert (JOUY, Hermite, t. 4, 1813, p. 218). Je ne crois pas qu'il puisse y avoir par ma faute, dans la république des lettres, un Balzac inconnu, un Daudet méconnu, un Ferdinand Fabre inédit, ou une George Sand oubliée (GIDE, Journal, 1905, p. 179).
C. — Colonie animale. Les tribus d'insectes sociables qui travaillent avec le secours et la protection d'une république nombreuse (MICHELET, Insecte, 1857, p. 46). Nos ruches, où l'individu est entièrement absorbé par la république, et où la république à son tour est régulièrement sacrifiée à la cité abstraite et immortelle de l'avenir (MAETERL., Vie abeilles, 1901, p. 22).
II. A. — [P. oppos. à monarchie, empire] Organisation politique d'un État où le pouvoir est non héréditaire, partagé et exercé par les représentants (généralement élus) d'une partie ou de la totalité de la population. Dans le combat à mort que se livrent, au milieu de nous, la république et la monarchie, (...) qui pourra gémir du triomphe de la République (...)? (DESMOULINS ds Vx Cordelier, 1793-94, p. 70):
• 2. La religion de la raison établit tout naturellement la république des lois. La volonté générale s'exprime en lois codifiées par ses représentants. « Le peuple fait la révolution, le législateur fait la république. »
CAMUS, Homme rév., 1951, p. 155.
— En empl. adj. attribut. La France est République: la République française n'a pas besoin d'être reconnue pour exister. Elle est de droit naturel, elle est de droit national. Elle est la volonté d'un grand peuple qui ne demande son titre qu'à lui-même (LAMART., Trois mois au pouvoir, Paris, M. Lévy, 1848, p. 69).
1. HISTOIRE
a) Organisation politique des cités grecques et de Rome durant l'Antiquité; l'État ainsi organisé. La chute des républiques grecques entraîna celle des sciences politiques (CONDORCET, Esq. tabl. hist., 1794, p. 74). Retrouver exactement ce qu'un Romain de la République mettait derrière les mots « patriciens » ou « consul » (MARROU, Connaiss. hist., 1954, p. 158).
b) Organisation politique de certaines cités d'Italie et des Pays-Bas durant le Moyen Âge; l'État ainsi organisé. Les querelles qui agitaient les républiques italiennes se sont éteintes, avec les républiques elles-mêmes (OZANAM, Philos. Dante, 1838, p. 282). Les vieilles cités des Pays-Bas étaient des républiques, et se sont maintenues telles, en dépit de leurs suzerains féodaux, pendant tout le moyen âge (TAINE, Philos. art, t. 1, 1865, p. 233).
2. En partic.
a) République fédérale, fédérative. République composée de plusieurs États. République fédérale d'Allemagne (R.F.A.). Il est si attaché à soutenir qu'une république ne saurait gouverner une grande étendue de pays, sans le secours de la fédération, qu'il cite la république romaine comme une république fédérative (DESTUTT DE TR., Comment. sur Espr. des lois, 1807, p. 124).
b) République (démocratique) populaire, république socialiste. Organisation politique d'un pays se référant au marxisme, où l'État a la propriété des moyens de production essentiels; l'État ainsi organisé. République démocratique allemande (R.D.A.). Staline (...) obtenait (...) qu'on arrachât à Chiang-Kaï-Shek la Mongolie extérieure. Celle-ci deviendrait une « république populaire » (DE GAULLE, Mém. guerre, 1959, p. 203).
B. — P. méton.
1. Lieu, pays organisé en république. République italienne, centre-africaine. La République française. Territoire régi par les institutions de la République française. Cette lutte qui existe dans toute la république, entre les prêtres et nos institutions nouvelles (DUPUIS, Orig. cultes, 1796, p. 469). [La Convention] décrète la création, à Paris, d'une école normale « où seraient appelés, de toutes les parties de la République, des citoyens déjà instruits dans les sciences utiles (...) » (Encyclop. éduc., 1960, p. 18).
♦ La République des Soviets. L'Union soviétique. Tout État social, même prolétarien, crée une société. Nous ignorons celle qui s'édifie présentement dans la République des Soviets (MAURIAC, Journal 2, 1937, p. 151).
2. [Allégorie de la république, représentée par une femme.] Sous le buste de la République, le Maire va et vient dans son cabinet (MARTIN DU G., Vieille Fr., 1933, p. 1063).
C. — HIST., POL.
1. En France, régime particulier de cette organisation qui fixe les modalités de l'exercice du pouvoir; l'État ainsi organisé. 1re République (de sept. 1792 à mai 1804); 2e République (de févr. 1848 à déc. 1852); 3e République (de sept. 1870 à juill. 1940); 4e République (de juin 1944 à oct. 1958); 5e République (dep. oct. 1958). Après la première république, cette incertaine, il y avait eu la deuxième et puis la troisième qui était la bonne: jamais deux sans trois (SARTRE, Mots, 1964, p. 196):
• 3. Si vous appliquez les lois, toutes les lois (...) l'ordre rentrerait en France et sans persécution, car, encore une fois, nous ne ferions qu'appliquer les traditions du Tiers État français depuis le jour où il a apparu dans notre histoire jusqu'aux dernières lueurs de la République de 1848.
GAMBETTA, 1878 ds Fondateurs 3e Républ., p. 181.
— P. méton. La Ve République. Parti majoritaire de tendance gaulliste en 1966-1967. La Ve République conserve [la majorité] d'extrême justesse avec 244 sièges (dont 12 d'outre-mer) (L'Aurore, 14 mars 1967).
2. En partic.
a) Organisation politique de la société française instaurée par la Révolution, en remplacement de la monarchie; l'État ainsi organisé. Liberté, égalité, fraternité: devise de la République; les armées, les victoires de la République. III La Constitution française ne reconnoit d'autre gouvernement légitime que le gouvernement républicain, ni d'autre république que celle qui est fondée sur la liberté et sur l'égalité. IV La République française est une et indivisible (ROBESP., Discours, Constit., t. 9, 1793, p. 509). Robespierre prononça d'une voix claire un discours éloquent contre les ennemis de la république (A. FRANCE, Dieux ont soif, 1912, p. 168). [P. réf. au calendrier républicain] Landau, 6e jour de la 3e décade du 4e mois, an II de la République française une et indivisible Mon cher Michel, « Nous venons de traverser une rude campagne; l'an I de la République comptera dans l'histoire des peuples (...) » (ERCKM.-CHATR., Hist. paysan, t. 2, 1870, p. 272). La République une et indivisible. [Proclamation de l'unité de la République par opposition aux tendances fédéralistes, durant la Révolution.] Supra ex. de Robespierre.
b) [P. réf. à l'histoire fr. de la république, comme symbole d'anticléricalisme] Elle aussi [Marianne], sans doute, la République la ruine et la déshonore... Elle aussi est pour le sabre, pour les curés et contre les juifs (MIRBEAU, Journal femme ch., 1900, p. 121).
— Expressions
♦ On est en république! [Expr. fam. qui marque le rejet d'une autorité non reconnue] Non, mon vieux, non. Il n'y a pas d'officiers: on est en république (SARTRE, Mort ds âme, 1949, p. 99).
— République sociale.
SYNT. République aristocratique, bourgeoise, conservatrice, démocratique, franc-maçonne, juive, parlementaire, représentative, tempérée; ancienne, grande, nouvelle, petite, vieille, vraie république; république des copains/coquins, des professeurs; aimer, défendre, détruire, proclamer, renverser, sauver, servir la république; établir, fonder une république; affaires, drapeau, ennemi, gouvernement, histoire, magistrats, soldat, territoire de la république; gouvernement provisoire de la république; commissaire, conseil, président, procureur de la république; la constitution, les institutions de la (nème) république.
REM. Républicatoire, adj., hapax. Lui as-tu dit mes intentions républicatoires au cas où ses petits projets prendraient corps? (VERLAINE, Corresp., t. 3, 1875, p. 112).
Prononc. et Orth.:[]. Ac. 1694-1740: republique; ensuite: ré-. Étymol. et Hist. 1. 1520 « État » (quelle que soit la forme de gouvernement) (Journal de Louise de Savoie, 8 mars ds S. GUICHENON, Hist. généalogique de la Royale maison de Savoye, Lyon, 1660, livre VI, p. 458); 2. a) 1549 « communauté, société organisée » Republique Chrestienne (DU BELLAY, Deffence et illustration, éd. H. Chamard, p. 69); b) 1648 « monde, domaine » république des lettres (G. DE BALZAC, Le Barbon ds LITTRÉ); 1656 (PASCAL, Provinciales, IX ds Œuvres, éd. L. Lafuma, Seuil, 1963, p. 409a: la petite république de vos pensées); 3. a) 1549 « État qui n'est pas une monarchie héréditaire » (DU BELLAY, op. cit., p. 126: les roys et les republiques); b) ca 1553 la république de Platon « État dont la forme de gouvernement est définie par Platon » (LA BOÉTIE, Servitude volontaire ds LITTRÉ); c) 1620 « État dont la forme de gouvernement est fondée sur la souveraineté d'un peuple de citoyens » (Hist. de Mr Jean de Boucicaut, éd. Th. Godefroy, III, p. 298, v. aussi Livre des fais de Bouciquaut, éd. D. Lalande, III, VIII, p. 325 et Romania t. 103, p. 334), la proclamation de la 1re République en France le 21 sept. 1792 consacra la généralisation de l'usage du terme dans ce seul sens, la substitution de l'inscription « Empire français, Napoléon empereur » à « République française, Napoléon empereur » sur les pièces de monnaie en 1808 attestant cette évolution. Empr. au lat. res publica « la chose publique, l'État, l'administration de l'État ». Fréq. abs. littér.:4 758. Fréq. rel. littér.: XIXe s.: a) 7 116, b) 8 232; XXe s.: a) 8 177, b) 4 832. Bbg. BAADER (H.). Einige Bemerkungen zur Geschichte der Wörter cité... In: [Mél. Gamillscheg (E.)]. München, 1968, pp. 41-44. — DUB. Pol. 1962, pp. 404-405; p. 440 (s.v. république universelle). — FUNKE (H.-G.). « La République sauvage ». Rom. Forsch. 1986, t. 98, pp. 36-57. — QUEM. DDL t. 11 (s.v. république démocratique). — SICCARDO (F.). République et républicain: contribution à l'hist. de deux mots. Annali della Facoltà di Scienze Politiche. 1974, t. 2, pp. 569-617. — TOURNIER (M.). Un Vocab. ouvrier en 1848... Thèse, Paris, 1975, pp. 87, 92-100, 106. — VARDAR Soc. pol. 1973 [1970], pp. 301-302.
république [ʀepyblik] n. f.
ÉTYM. V. 1410, au sens II, 1; lat. res publica « chose (res) publique ».
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I (1520). Au sens du latin res publica.
1 Vx. L'organisation politique de la société, la chose publique. ⇒ Chose (infra cit. 11), cité (n. f.). → Diligent, cit. 3, La Bruyère; entretien, cit. 3, Rousseau. || Jouer (cit. 32) sur le mot république (sur les sens I et II). || Du Souverain ou de la République, titre du chap. X des Caractères de La Bruyère.
♦ La République (Politeia), dialogues de Platon sur une Constitution politique idéale identifiée à la justice. — De la République (De republica), traité de Cicéron sur l'idéal politique. — Les Six Livres de la République, traité politique de Jean Bodin (1576).
2 (XVIIIe). État, gouvernement légitime, où le pouvoir exécutif est le « ministre du souverain » (opposé à dictature, tyrannie).
1 J'appelle donc république tout État régi par des lois (…) car alors seulement l'intérêt public gouverne, et la chose publique est quelque chose. Tout gouvernement légitime est républicain (…) (En note) : Je n'entends pas seulement par ce mot une aristocratie ou une démocratie, mais en général tout gouvernement guidé par la volonté générale, qui est la loi (…) alors la monarchie elle-même est république.
Rousseau, Du contrat social, II, VI.
3 (Vx ou didact.). Société organisée; corps politique (→ Divers, cit. 10). || La république humaine (→ Engeance, cit. 2). — La république de Platon : la société fondée sur le projet politique décrit par Platon dans sa République (ci-dessus, 1.). → Amphibie, cit. 1.
♦ (XVIIe). Vx. Ensemble d'États ayant un caractère commun. || La république chrétienne (cf. Pascal, Voltaire, Rousseau, in Littré) : la chrétienté.
4 (1680). Fig. et littér. Groupe social. || La république des lettres : les gens de lettres considérés comme formant un groupe à part (→ Bannissable, cit., Molière; proconsul, cit., Balzac).
2 (…) la république des lettres était celle des loups, toujours armés les uns contre les autres (…)
Beaumarchais, le Barbier de Séville, I, 2.
3 L'allocution du curé fut comme celle des autres prêtres dans la même circonstance. Après avoir tonné contre les rois, il glorifia la République. Ne dit-on pas la république des lettres, la république chrétienne ? Quoi de plus innocent que l'une, de plus beau que l'autre ?
Flaubert, Bouvard et Pécuchet, VI.
N. B. Dans cette citation il y a un jeu de mots entre les sens I et II.
♦ Vx. Communauté. || « C'est une petite république » (Mme de Sévigné, 29 sept. 1680).
4 Dans le fait, ces gens sages y exercent le plus ennuyeux despotisme; c'est à cause de ce vilain mot que le séjour des petites villes est insupportable pour qui a vécu dans cette grande république qu'on appelle Paris.
Stendhal, le Rouge et le Noir, I, I.
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II Forme de gouvernement où le pouvoir et la puissance ne sont pas détenus par un seul, et dans lequel la charge de chef de l'État (⇒ Président) n'est pas héréditaire; État ainsi gouverné.
1 (V. 1410). En parlant du régime. REM. Ce sens est le premier attesté; jusqu'à la Révolution française, le mot n'a pas un sens juridique précis : les dictionnaires du XVIIe et du XVIIIe s. le définissent comme « État ou gouvernement populaire », comprenant la démocratie (cit. 1 et 2) et l'aristocratie, mais excluant parfois leurs déformations (démagogie, oligarchie) :|| « Les Vénitiens, les Génois, appellent leurs États République quoique leur gouvernement soit oligarchique » (Furetière, 1690). — Monarchie, république et despotisme (→ Éducation, cit. 4, Montesquieu). || L'esprit (cit. 170) de la république. || La république et les partis (cit. 34). || République démocratique (⇒ Démocratie), libérale, populaire, sociale, socialiste. ⇒ Démocratie (démocratie populaire, etc.).
5 Elle (la population de Paris) se passait de roi à merveille. Le départ du Roi avait révélé la vérité de la situation, à savoir, que depuis longtemps la royauté n'existait que comme obstacle. Elle n'agissait plus, elle ne pouvait rien, elle embarrassait seulement. Plusieurs avaient peur de tomber en république; mais l'on y était.
Michelet, Hist. de la Révolution franç., V, I.
6 Michelet appelait la République « une grande amitié ». Michelet était un poète et les temps sont changés : la République n'est plus qu'une grande camaraderie.
H. de Jouvenel, la République des camarades, Avant-propos.
♦ ☑ Fam. On est en république !, se dit pour protester contre une interdiction, une contrainte.
6.1 — Tu répondras : merde. On est en République, il me semble.
R. Queneau, le Dimanche de la vie, p. 251.
2 Hist. (En parlant à la fois du régime et de l'État ainsi gouverné). || La République romaine, et, absolt, la République : le régime de la Rome antique depuis la fin des Tarquins (509 av. J.-C.) jusqu'à l'Empire (mort de Marc-Antoine). → Grandeur, cit. 6.
7 — De quoi se mêle Rome, et d'où prend le sénat,
Vous vivant, vous régnant, ce droit sur votre État ? (…)
— Ah ! ne me brouillez point avec la République.
Corneille, Nicomède, II, 3.
8 Dominatio et servitus disparaissent en — 509 et l'État, passé aux mains et au pouvoir du peuple romain, devient la res publica populi romani Quiritium. Le pouvoir est exercé dorénavant par son légitime détenteur et tel est le fondement de la libertas romaine (…) symbole de la République romaine.
R. Bloch, Rome et l'Italie, in Encycl. Pl., Histoire universelle, t. I, p. 875.
♦ La République française, se dit du régime politique français ou de la France sous ce régime. — a) Première République : depuis 1793 (acte constitutionnel du 24 juin) jusqu'à 1804 (sénatus-consulte du 18 mai : « Le gouvernement de la République est confié à un empereur »). — b) Deuxième ou Seconde République : après l'Empire et la Restauration, de 1848 (Constitution du 4 nov. : « La France s'est constituée en République ») à 1852 (sénatus-consulte du 7 nov.). — c) Troisième République : de 1870-1871 et de la Constitution de 1875 à 1940 (acte constitutionnel du 10 juillet). — d) Après le régime de Vichy (État français), et le Gouvernement provisoire de la République française de 1944, depuis la Constitution de 1946 (Quatrième République) et celle de 1958 (Cinquième République). || Les gouvernements, les présidents de la Cinquième République (ellipt, de la Cinquième).
9 Cette République (en 1875), encore provisoire puisque la révision des lois constitutionnelles y était prévue, cette République en quelque sorte monarchique, c'était toujours la République sans les républicains.
J. Bainville, Hist. de France, XXI, p. 522.
10 Comme on l'a vu, l'existence de la République (en 1875) résulte seulement du titre donné au Chef de l'État. C'est autour de l'amendement Wallon qu'a eu lieu la bataille décisive sur la confirmation du régime déjà établi le 4 septembre 1871.
Quant au fond, à la différence de 1791 et de 1830, de l'an XII et de 1852, mais comme en 1795 et 1848, la constitution n'attribue que des pouvoirs temporaires et électifs (…) Ainsi, aucune autorité, quelle qu'elle soit, n'est dévolue héréditairement.
Marcel Prélot, Précis de droit constitutionnel, p. 215.
♦ Absolt (En France; souvent avec la majuscule). La République française. || La République une et indivisible (cit. 4). || Liberté, égalité, fraternité, devise de la République. || Marianne, buste de femme coiffée du bonnet phrygien, emblème de la République. || La place de la République, à Paris. || Défense de la République. — Loc. || Président de la République. || Conseil de la République (qui a remplacé un temps le Sénat). || Procureur de la République. — Hist. (En parlant de la Première République). || Les armées, les victoires de la République (→ Frontière, cit. 4). || « La République nous appelle » (→ Mourir, cit. 29). || L'an I, II… de la République.
♦ Allus. hist. || « La République n'a pas besoin de savants » : mot qui aurait été prononcé (par Fouquier-Tinville ou Coffinhal) à la condamnation de Lavoisier. — « Ah ! que la République était belle sous l'Empire », mot du journaliste E. Durranc, souvent cité pour exprimer la désillusion après un changement de régime. — || « La République sera conservatrice (cit. 2), ou elle ne sera pas » (Thiers). — || « La République une et indivisible, c'est notre royaume de France » (Péguy, l'Argent [Suite], avr. 1913, p. 179). — REM. Cette phrase abrégée a servi de titre à un choix de textes politiques de Péguy (La République… notre royaume de France). — La République des professeurs, ouvrage de Thibaudet (1928). — ☑ La république des camarades.
11 (…) je ne suis pas (…) un ennemi de la République aujourd'hui. Elle a un titre à mes yeux : elle est, de tous les gouvernements, celui qui nous divise le moins.
Thiers, Disc. à l'Assemblée législative, 13 févr. 1850.
3 Une république. État qui est en république. Hist. || Les républiques de la Grèce antique (Athènes, Sparte…) : les cités gouvernées aristocratiquement ou démocratiquement. — Les républiques italiennes : les grandes communes de l'Italie médiévale (aristocraties ou oligarchies). || La république de Gênes, de Venise (→ 2. Port, cit. 4). — La république de Genève (au XVIIIe siècle). → Exciter, cit. 38. — Mod. || La république Argentine. || L'Union des républiques socialistes soviétiques (U. R. S. S.). → aussi Fédéral, cit. 2. — Le rêve d'une république universelle.
12 Ce palais est une de ces fameuses villas où les nobles Génois ont dépensé des millions au temps de la puissance de cette république aristocratique.
Balzac, Honorine, Pl., t. II, p. 248.
13 Ô République universelle,
Tu n'es encor que l'étincelle,
Demain tu seras le soleil !
Hugo, les Châtiments, « Lux », I.
♦ Rare. || République populaire : démocratie populaire.
14 Les Républiques populaires sont des spectres que la démocratie française, cette fois encore, n'a pas pu conjurer. Rien ne peut faire que les songes de Paris ne soient hantés par Budapest et par Prague.
F. Mauriac, le Nouveau Bloc-notes 1958-1960, p. 61.
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CONTR. Despotisme (cit. 3 et 4), monarchie.
DÉR. Républicain.
Encyclopédie Universelle. 2012.