tisser [ tise ] v. tr. <conjug. : 1>
• 1361; réfect. de l'a. fr. tistre (1150), titre, dont le p. p. tissu, ue est encore usité au fig.; du lat. texere
1 ♦ (p. p. tissé ) Fabriquer (un tissu) par tissage. Tisser une toile. — Transformer (un textile) en tissu. Tisser de la laine. Absolt Métier à tisser. — Par anal. L'araignée tisse sa toile.
2 ♦ Fig. (p. p. tissu et tissé ) Former, élaborer, disposer les éléments de (qqch.) comme par tissage. ⇒ ourdir, tramer. Tisser des intrigues compliquées. « une de ces tristesses [...] dont ma vie d'enfant était tissée » (Loti). — Littér. « une grammaire surprenante, compliquée, tissue de règles strictes et d'exceptions à la règle » (Duhamel).
● tisser verbe transitif (ancien français tistre, du latin texere) Entrelacer régulièrement les fils, la trame et la chaîne d'une matière textile : Tisser du lin, de la laine, du coton. Fabriquer un tissu par l'opération du tissage : Tisser un plaid. Construire quelque chose en formant un réseau de fils, de fibres, de brins : L'araignée tisse sa toile. Élaborer quelque chose, l'agencer habilement en ordonnant divers éléments : L'auteur a subtilement tissé son intrigue. ● tisser (expressions) verbe transitif (ancien français tistre, du latin texere) Tisser des liens, les créer : L'habitude tisse des liens.
tisser
v. tr.
d1./d Fabriquer (un tissu) en entrecroisant les fils de chaîne et les fils de trame. Métier à tisser. Tisser de la toile.
|| Tisser une matière textile, en faire un tissu. Tisser du coton.
d2./d Fig. Former, constituer (qqch) par un assemblage patient d'éléments. C'est lui qui a tissé cette intrigue. Syn. ourdir.
⇒TISSER, verbe trans.
A. — 1. Entrelacer, entrecroiser des fils, des fibres textiles pour produire un tissu, une tapisserie ou pour réaliser le dessin d'un tissu. Tisser la laine, la soie; tisser du lin, du chanvre; tisser un motif, une représentation. Un modeste métier de bois où les filles du logis passent le jour à tisser du coton (ABOUT, Grèce, 1854, p. 183). Le lisage proprement dit, qui consiste à tisser le dessin à la main dans un ensemble de cordes verticales (THIÉBAUT, Fabric. tissus, 1961, p. 138).
— P. anal. L'entrée d'une nouvelle chicane où les Boches ont tissé à nouveau du fil de fer (VIALAR, Morts viv., 1947, p. 233).
2. Absolument
a) Pratiquer le tissage. Tisser à la main, au métier, sur métier. On tissait alors admirablement, mais on n'avait ni dessins ni teinture (MICHELET, Journal, 1842, p. 467). Parfois pourtant ils se vêtent d'étoffe qu'ils achètent à des nomades, car ils ne savent pas tisser (GIDE, Retour Tchad, 1928, p. 883).
b) Subst. + à tisser. Servant au tissage. Métier, navette à tisser. Pour assembler les pièces d'une machine à tisser, 37 minutes étaient nécessaires (PETHOUD, Organ. industr. et comm., 1931, p. 54).
B. — Produire une pièce de linge, de vêtement par ce procédé. Tisser un tapis, une tapisserie; tisser du drap, de la toile; tisser des draps, des mouchoirs, une écharpe, un filet. Les femmes filent le coton, et tissent les vêtemens dont leurs familles ont besoin (CRÈVECŒUR, Voyage, t. 3, 1801, p. 72). Parmi les plantes textiles figure au premier rang le lin, avec lequel ils tissent des étoffes (VIDAL DE LA BL., Tabl. géogr. Fr., 1908, p. 18).
♦ Empl. pronom. passif. Cependant, dans les métairies, les chemises de femmes se tissaient avec deux fils: de lin pour le corps, d'étoupe de la taille aux genoux (PESQUIDOUX, Livre raison, 1932, p. 20). La moquette est un tissu à surface endroit velue qui se tisse soit à poils coupés, soit à poils bouclés (THIÉBAUT, Fabric. tissus, 1961, p. 114).
— En partic. Produire un objet avec une matière semi-rigide. Synon. tresser. Virgile, pour ajouter à la mélancolie de son site, se suppose occupé à tisser une corbeille de branches de houx (BERN. DE ST-P., Harm. nat., 1814, p. 121).
— P. anal. [Le suj. désigne un animal] Construire en entrecroisant des fils, des fibres, etc. Tisser un nid, un cocon. L'araignée des bois tisse sa toile que la rosée et le soleil diamantent et dorent (VERLAINE, Œuvres compl., t. 5, Hommes d'auj. (A. Theuriet), 1885-93, p. 476). Les larves carnivores (...) tissent une sorte de hamac entouré de fils verticaux glutineux reflétant leur lumière et qui servent à « pêcher » les divers insectes attirés qui se collent à eux et deviennent ainsi des proies faciles (GÈZE, Spéléol. sc., 1965, p. 162).
♦ P. métaph. Ils la meublaient [une villa], la tapissaient, l'ornaient; devant le sourire attendri des leurs ils bâtissaient, ils tissaient plutôt leur nid (PESQUIDOUX, Livre raison, 1925, p. 228).
C. — 1. P. anal., littér. Former un réseau, un voile dans un espace. Un matin délicieux et clair, mais où la brume d'automne commençait à tisser ses légers voiles (L. DAUDET, Astre noir, 1893, p. 215). Le jour gris, tombant comme une pluie fine, tissait sans arrêt de transparents filets (PROUST, Guermantes 2, 1921, p. 347).
— Empl. pronom. La neige, c'était la joie de l'enfance. Pourtant cette blancheur qui se tissait dans le crépuscule lui causa un grand malaise (GREEN, Moïra, 1950, p. 205).
2. Au fig. Élaborer, organiser quelque chose. Ils furent nombreux à défricher les lignes commerciales tendant à tisser un réseau de plus en plus dense autour du globe (Industr. aéron. fr., 1962, p. 4). Le capitalisme ne tissait pas encore entre les états une solidarité suffisante pour que le mercantilisme, même en Angleterre, perdît son crédit (LEFEBVRE, Révol. fr., 1963, p. 86).
♦ Au part. passé. Toute la monstrueuse iniquité, tissée dans l'ombre depuis deux jours, lui apparut sous le ciel clair (ZOLA, Vérité, 1902, p. 88).
— En partic. Établir, créer des liens, des relations entre des personnes. Par la soupe onctueusement persuasive (...) par la chaleur douce de l'abri, elle tissera prudente, un rets de fragiles habitudes (GENEVOIX, Rroû, 1931, p. 162).
♦ Empl. pronom. Ils n'ont pas aperçu ce lent travail de consolidation, ce réseau de liens qui peu à peu se tisse de soi-même et qui fait de la solidarité organique quelque chose de permanent (DURKHEIM, Divis. trav., 1893, p. 358). Il sentait avec appréhension se tisser autour de lui les mailles serrées du réseau dont la femme amoureuse enveloppe celui qu'elle aime (BOURGET, Drame, 1921, p. 94).
♦ Tisser des liens. Empl. pronom. À mesure que des liens mystérieux se tissaient entre Christophe et ses amis invisibles, une révolution se faisait dans sa pensée artistique (ROLLAND, J.-Chr., Amies, 1910, p. 1137). Il songea longuement à sa jeunesse, aux années où il avait connu Albert et s'étaient tissés entre eux ces liens inavouables (GRACQ, Argol, 1938, p. 181). Au part. passé. Il était impossible d'imaginer qu'il pût se dégager des liens si habilement et si fortement tissés dont elle l'avait enveloppé (FEUILLET, Veuve, 1884, p. 166).
Prononc. et Orth.:[tise], (il) tisse [tis]. Att. ds Ac. dep. 1778 (1694-1740: uniquement tistre; 1778-1798: tisser et tistre; 1835: tisser et tistre qui ,,n'est plus en usage que dans les temps formés de tissu, qui est son participe``; 1878, 1935: tisser et s.v. tissu, ue réf. à tistre considéré comme inusité). Étymol. et Hist. A. 1. a) Ca 1160 tistre « faire de la toile, de l'étoffe en croisant ou entrelaçant des fils » (Eneas, éd. J.-J. Salverda de Grave, 4013: la porpre fu a or broudee, par grant entante fu ovree: trois faees serors la firent, an une chanbre la tissirent); b) ca 1470 fig. (GEORGES CHASTELLAIN, Chronique, éd. Kervyn de Lettenhove, t. 4, p. 347: tant [...] que matiere mesme se presente pour etre tissue de present et mise en œuvre); 2. déb. XIIIe s. toiscir (Bible, Richel. 763, f° 233 ds GDF., s.v. tissir). B. 1361 tisser (Ordonnances des Rois de France, t. 4, p. 210), a supplanté les autres formes apr. le XVIe s. Du lat. texere de même sens; tistre a d'abord été remplacé par tissir, p. anal. avec issir/ist, puis tissir a été supplanté par tisser (cf. FOUCHÉ Morphol., pp. 110-111); l'anc. part. passé tissu subsiste dans la lang. littér., empl. seul ou dans les temps composés. Fréq. abs. littér. : 481. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 292, b) 459; XXe s.: a) 847, b) 1 037.
DÉR. Tisseur, -euse, subst. Ouvrier, ouvrière qui réalise un ouvrage sur métier à tisser, qui fait du tissage. Synon. tisserand (vieilli). Tisseur au Jacquard, au métier mécanique; tisseur d'Aubusson, de Beauvais, de Gobelins; tisseur de lisses; tisseur de tapis, de carpettes. Il lui réservait les tissus les plus imprévus créés par la fantaisie des tisseurs japonais, hindous ou lyonnais (THARAUD, Dingley, 1906, p. 48). C'est seulement en 1786 que Cartwright fait apparaître le métier mécanique qui libère enfin totalement le tisseur de son travail fastidieux (THIÉBAUT, Fabric. tissus, 1961, p. 133). P. métaph. Laissez-moi déployer (...) cette toile que pendant bien des nuits J'ai tissée, renvoyé d'un mur à l'autre de cette amère vérandah comme une navette aux mains des noires tisseuses! (CLAUDEL, Soulier, 1929, 3e journée, 13, p. 840). En appos. — (...) Votre père n'était pourtant pas un homme de la noblesse? — Oh non, madame (...) tout ce qu'il y a de plus roturier, de plus humble (...) un ouvrier tisseur (A. DAUDET, Rois en exil, 1879, p. 224). P. anal. Celui, celle qui tresse. Le boucher blanc à l'air de sacrificateur, le plumeur de poulets, le tisseur de corbeilles de jonc sur son genou (GONCOURT, Mme Gervaisais, 1869, p. 108). — [], fém. [-ø:z]. Att. ds Ac. 1935. — 1res attest. ca 1170 tissur (Livre des Rois, éd. E. R. Curtius, II, 70 r°, p. 101), fin XIVe s. tixeur (Gloss. gall.-lat., B. I. 1. 7684 ds GDF. Compl.), 1567 tisseur (H. JUNIUS, Nomenclator octolinguis omnium rerum propria nomina continens s.v. vestiaria), de tisser, suff. -eur2; cf. tissier att. du XIIe au XVIIIe s. (v. GDF.), supplanté, avec tisseur, par tisserand à partir du XVIe s. (v. FEW t. 13, 2, pp. 291-194). — Fréq. abs. littér.: 33.
BBG. — BODMER (A.). Spinnen und Weben im frz. und deutschen Wallis. Genève, 1940, p. 77. — GEORGE (K. E. M.). Les Désignations du tisserand ds le dom. gallo-rom. Tübingen, 1979, p. 10, 13, 20 (s.v. tisseur, euse). — GOHIN 1903, p. 378. — LANLY (A.). Morphol. hist. des verbes fr. Paris, 1977, pp. 97-99. — QUEM. DDL t. 2.
tisser [tise] v. tr.
ÉTYM. 1361; au p. p. tissé, 1428; réfection, par changement de conjug. de l'anc. franç. tistre, tître (1150) dont le p. p. tissu, ue est encore usité au fig.; du lat. texere.
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1 Fabriquer (un tissu) par tissage (→ Expert, cit. 5; jour, cit. 29; maquiller, cit. 3; pansement, cit. 4); transformer (un textile) en tissu. || Tisser de la laine. || Tisser une étoffe d'or : passer des fils d'or. ⇒ Brocher, broder. (1874). Absolt. || Métier (cit. 1) à tisser. — Par métaphore. Former, élaborer, constituer en entrelaçant… (→ Envelopper, cit. 16; honnêtement, cit. 2; 1. maille, cit. 5). — Au p. p. || Tissé, ée. || Étoffe tissée d'or, où l'on a passé des fils d'or. → Étole, cit. 1. — REM. La forme tissu, ue, au sens propre, est archaïque.
0.1 Ces femmes (les religieuses de l'obédience de Martin Verga) pensent-elles ? non. Veulent-elles ? non. Aiment-elles ? non. Vivent-elles ? non. Leurs nerfs sont devenus des os; leurs os sont devenus des pierres. Leur voile est de la nuit tissue.
Hugo, les Misérables, II, VI, II.
1 (…) je me vis vêtu d'un petit habit brun de forme ancienne, entièrement tissu à l'aiguille de fils ténus comme ceux des toiles d'araignées.
Nerval, Aurélie, I, VI.
2 Cette fois, la pure brute apparaît : tout le vêtement que les siècles lui avaient tissé et dont la civilisation l'avait revêtue, la dernière draperie humaine tombe à terre (…)
Taine, les Origines de la France contemporaine, t. III, III, VII.
♦ Par anal. || Araignée (cit. 11) qui tisse sa toile (→ Assez, cit. 4, sous la forme tissu.) Par métaphore (→ Destin, cit. 25; raisonneur, cit. 2).
2 (Déb. XXe). Fig. Former, élaborer, disposer les éléments de (qqch.) comme par tissage. ⇒ Ourdir, tramer. || Tisser des liens (→ Briser, cit. 18), des intrigues (→ 2. Ensemble, cit. 15). || Tisser des mensonges. — Au p. p. || Tissé, ée ou tissu, ue littér. || L'histoire est tissue de légendes (→ Doré, cit. 4).
3 (…) il me prit un de ces regrets désolés, une de ces tristesses tout à fait insondables et sans explication possible, dont ma vie d'enfant était tissée surtout aux heures où s'allongeaient les ombres des soirs.
Loti, Figures et choses…, « Vacances de Pâques », IV.
♦ Littéraire :
4 Les Français ont édifié une grammaire surprenante, compliquée, tissue de règles strictes et d'exceptions à la règle, de logique et de fantaisie.
G. Duhamel, Refuges de la lecture, VIII.
5 (…) de tout ce que cet homme avait tissu autour de lui durant soixante années, il ne resta plus que la valeur d'une petite caisse, qu'on relégua au grenier (…)
Montherlant, les Lépreuses, I, I.
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DÉR. Tissage. — Tisserand, tisserin, tisseur, tissure. — V. aussi Tissu.
COMP. Détisser.
Encyclopédie Universelle. 2012.