FIDÉICOMMIS
FIDÉICOMMIS
Terme désignant une disposition de dernière volonté dont l’exécution était, à l’origine, confiée à la seule bonne foi (fidei committere ) de celui qui en était grevé. L’acte n’était qu’une simple demande faite à un tiers, dont on ne pouvait exiger en justice l’exécution. Auguste chargea les consuls d’en assurer le respect au moins dans certains cas, et Claude (41-54) confia à deux préteurs la mission de veiller à l’exécution des fidéicommis: l’acte laissé jusque-là à la discrétion du fidéicommissaire grevé entrait désormais dans la sphère du droit. À partir de ce moment, le fidéicommis fut soumis à certaines conditions qui le rapprochèrent du legs. Néanmoins le régime du fidéicommis resta toujours plus libéral que celui des legs. C’est ainsi, par exemple, que tandis que le legs était mis à la charge du seul héritier testamentaire, le fidéicommis put grever toute personne qui recueillait une partie des biens du défunt (légataire, fidéicommissaire, héritier testamentaire ou ab intestat ). De même, le fidéicommis n’avait pas besoin d’être contenu dans un testament, mais pouvait être établi oralement. Cependant les mesures qui vinrent progressivement limiter la liberté des legs furent le plus souvent étendues aux fidéicommis; et, finalement, Justinien fusionna legs et fidéicommis.
Le fidéicommis peut porter soit sur des choses isolées, soit sur une fraction ou même la totalité de la succession. Dans ce second cas, on parle de fidéicommis d’hérédité. Le fidéicommissaire d’hérédité fut d’abord tenu pour un successeur à titre particulier, ayant une créance contre le fiduciaire grevé, qui demeurait le seul successeur universel, continuateur de la personne du défunt. Le sénatus-consulte trébellien, rendu sous Néron, probablement en 56, améliora la situation du fidéicommissaire en décidant qu’une simple convention entre le fiduciaire et le fidéicommissaire suffirait à faire passer sur la tête de ce dernier la propriété (prétorienne) des choses héréditaires ainsi que les créances successorales, mais l’obligerait, en contrepartie, à acquitter les dettes du défunt. Un peu plus tard le sénatus-consulte pégasien, rendu sous Vespasien (69-79), étendit aux fidéicommis la réserve au profit du fiduciaire du quart de l’actif net de la succession, afin d’inciter celui-ci à ne pas refuser la succession et faire par là même tomber le droit du fidéicommissaire. Il décida même que ce dernier pourrait demander au magistrat de contraindre le fiduciaire à accepter. Justinien instaura un système plus simple en décidant que si le fiduciaire gardait le droit à la quarte, le fidéicommissaire n’en serait pas moins toujours considéré comme dans la situation d’un héritier (loco heredis ).
L’utilisation des techniques romaines dans l’ancien droit français, et spécialement dans les pays dits de droit écrit, remit en honneur la pratique des fidéicommis. Mais ceux-ci servirent surtout à réaliser des clauses de substitution (substitutions fidéicommissaires) qui pouvaient régler la dévolution successorale pour plusieurs générations. C’est ainsi que Domat dans ses Lois civiles (1694) traite dans un même livre (2e partie, livre V) «des substitutions et des fidéicommis». Et sous le titre XLVIII «des fidéicommis», les Arrêtés du président Lamoignon ont en fait pour objet des substitutions. C’est que, dans la langue juridique des XVIIe et XVIIIe siècles, «fidéicommis» est couramment employé pour désigner la clause de substitution qui figure dans une libéralité (donation ou testament). Par ailleurs, dans son Traité des donations testamentaires , Pothier traite des legs, mais ne parle pas du fidéicommis; ce terme reparaît au contraire à propos de la substitution fidéicommissaire définie par Pothier comme «disposition d’une chose au profit de quelqu’un, par le canal d’une personne interposée, chargée de lui remettre». C’est dans le même sens que la langue juridique moderne emploie ce concept, que le Code civil n’utilise pas. Le fidéicommis a pour objet d’assurer le bénéfice d’une libéralité (entre vif ou à cause de mort) à une personne autre que le bénéficiaire apparent. Celui-ci doit assurer la transmission des biens au bénéficiaire que le disposant avait en vue. Cependant, une telle disposition n’est pas valable, puisqu’elle constitue une libéralité par personne interposée et offre ainsi le moyen de tourner l’incapacité dont la loi frappe le bénéficiaire de la libéralité. Elle n’en est pas moins relativement fréquente, car il peut être difficile de prouver l’existence du fidéicommis.
fidéicommis [ fideikɔmi ] n. m.
• XIIIe; lat. jurid. fideicommissum « ce qui est confié à la bonne foi »
♦ Dr. Disposition (don, legs) par laquelle une personne (le disposant) gratifie une autre personne (le grevé de restitution) d'un bien, pour qu'elle le remette à un tiers (l'appelé ou fidéicommissaire) à l'époque fixée par le disposant (généralement à son décès).
● fidéicommis nom masculin (latin juridique fidei commissum, remis à la bonne foi) Libéralité faite par contrat ou testament en faveur du grevé, à charge pour lui de la conserver et de la restituer à sa mort à un tiers, qui lui est substitué. (Très répandus dans l'ancien droit pour assurer la conservation des biens dans les familles, les fidéicommis sont interdits presque complètement, à peine de nullité, par le Code civil.)
fidéicommis
n. m. DR Disposition testamentaire selon laquelle une personne reçoit une chose qu'elle doit transmettre à une autre.
⇒FIDÉICOMMIS, subst. masc.
A.— DR. ROMAIN. Disposition par laquelle un testateur lègue des biens à une personne (le grevé de restitution), à charge pour ce dernier de les transmettre sous certaines conditions de temps ou de circonstances à un tiers (l'appelé) (cf. LEFEBVRE, Révol. fr., 1963, p. 558). Fidéicommis particulier, universel (Ac. 1798-1932).
B.— Usuel. Fidéicommis (tacite). Fidéicommis qui est fait oralement par le testateur à une personne de confiance dans les cas où, comme en Droit français, cette disposition est illégale :
• [Le duc de Grandlieu :] — Aurez-vous recours à quelques fidéicommis : si la personne en qui vous mettez votre confiance vous trompe (...) vos enfants seront ruinés.
BALZAC, Langeais, 1834, p. 326.
Prononc. et Orth. :[]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. XIIIe s. « legs fait à quelqu'un sous la condition tacite de le remettre à un autre » (Digestes, ms. Montpellier H 47, f° 230d ds GDF. Compl.). Empr. au lat. impérial fidei commissum, part. passé subst. neutre de fidei committere « confier par fidéicommis » [proprement « remettre à la bonne foi (de quelqu'un) »]. Fréq. abs. littér. :8.
fidéicommis [fideikɔmi] n. m.
ÉTYM. XIIIe, trad. du Digeste; lat. jurid. fideicommissum « ce qui est confié à la bonne foi (de quelqu'un) ».
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♦ Dr. Disposition (don, legs…) par laquelle une personne (le disposant) gratifie une autre personne (le grevé de restitution; ⇒ Fiduciaire) d'un bien, pour qu'elle le remette à un tiers (l'appelé ou fidéicommissaire) à l'époque fixée par le disposant (généralement à son décès). ⇒ aussi Fiducie.
0 Il existe un autre danger (…) celui d'un testament fait à un tiers, le père Bongrand, par exemple, qui aurait un fidéicommis relatif à mademoiselle Ursule Mirouët.
— Si vous taquinez votre oncle, reprit Dionis en coupant la parole à son maître-clerc (…) vous le pousserez soit au mariage, soit au fidéicommis dont vous parle Goupil; mais je ne le crois pas capable de recourir au fidéicommis, moyen dangereux.
Balzac, Ursule Mirouët, Pl., t. III, p. 339.
♦ Bien transmis par cette disposition.
Encyclopédie Universelle. 2012.