ANESTHÉSIE
Le terme d’anesthésie exprime la perte des sensations. C’est William T. G. Morton qui, en 1846, fit la première démonstration publique de l’emploi de l’éther pour produire un tel état d’insensibilité pendant une intervention chirurgicale. Mais, dès 1799, Humphrey Davy décrivait les propriétés anesthésiques du protoxyde d’azote et Horace Wells, en 1844, s’administra à lui-même du protoxyde d’azote pour une extraction dentaire.
L’anesthésie peut apparaître comme un symptôme, à la suite de lésions temporaires ou définitives des voies nerveuses conduisant la «sensibilité» de la périphérie vers les centres nerveux. Au cours de son trajet ascendant, la voie sensitive émet des collatérales, qui entrent en connexion avec le système multicellulaire de la formation réticulaire du tronc cérébral. Celui-ci diffuse en direction du cerveau les informations venues de la périphérie et prolonge dans le temps les trains d’influx par le jeu des retards inhérents aux multiples synapses qui interviennent. La formation réticulaire est également en rapport avec l’hypothalamus qui régit toute la vie végétative.
L’anesthésie thérapeutique peut revêtir plusieurs types: elle peut être locale ou régionale , et peut être réalisée soit par contact, soit par infiltration, soit par administration intraveineuse loco-régionale.
Généralement, l’agent anesthésique local est injecté au lieu même où l’on désire que l’anesthésie soit obtenue. Il bloque le départ même des influx. De nombreuses substances ont été utilisées à cet effet, notamment la procaïne et la lidocaïne. La réfrigération locale, en diminuant l’activité métabolique tissulaire locale, fournit une anesthésie qui permet des amputations et diminue les résorptions toxiques à partir du membre à amputer.
On peut aussi injecter l’anesthésique au contact des troncs nerveux sensitifs desservant la région à insensibiliser. L’anesthésie tronculaire est réalisée généralement à la racine des membres ou à la sortie des trous de conjugaison intravertébraux. En dehors du sac dural, dans la région dorsale ou lombaire, à la sortie même des troncs nerveux de la moelle, à l’intérieur du canal rachidien, il s’agit d’une anesthésie péridurale . Dans la région sacrée, elle est dite épidurale. Ce type d’intervention assure l’anesthésie de régions assez étendues. Quant à l’anesthésie rachidienne, elle porte l’anesthésique dans le liquide céphalo-rachidien, au contact même de l’origine des racines des nerfs rachidiens.
L’anesthésie thérapeutique peut aussi être générale et s’accompagne souvent dans ce cas de perte de la conscience. Mais, comme celle-ci peut être obtenue sans anesthésie (les réactions du sujet aux excitations ou à la douleur permettent de le constater), on doit distinguer la perte de conscience propre à l’anesthésie. On l’appellera narcose ou sommeil, en envisageant la simple perte de conscience des sensations. L’analgésie , qui indique l’absence de douleur, fait également partie de l’anesthésie générale. Mais elle peut être obtenue aussi sur un sujet qui est conscient et qui a conservé ses sensations tactiles et de pression.
1. Perspectives modernes de l’anesthésie
Le but de l’anesthésie fut primitivement et demeure encore d’éviter la douleur au cours des interventions chirurgicales. Elle vise également aujourd’hui à protéger les malades des perturbations physiologiques et biologiques provoquées par l’acte chirurgical ou par toute autre agression.
L’acte chirurgical provoque en effet des réactions du système végétatif (excitation du système sympatho-adrénergique en particulier) qui peuvent avoir des répercussions dangereuses sur l’équilibre biologique tout entier. Les anesthésies générales profondes peuvent inhiber la formation réticulaire du tronc cérébral et l’hypothalamus où ces réactions prennent naissance, mais au prix d’une intoxication anesthésique et de la dépression concomitante des grandes fonctions (ventilatoire, cardio-vasculaire). Or, des drogues, qui furent parmi les premiers «tranquillisants» ou «neuroleptiques», suppriment ces réactions avec une intoxication minime et sans déprimer les grandes fonctions. Cette inhibition hypothalamique est essentielle à la protection du sujet en face de l’agression chirurgicale: elle constitue la neuroplégie . Elle peut être utilisée isolément, en dehors de toute anesthésie, en général dans la prévention ou le traitement du «choc»; elle peut encore être associée aux différents traitements constituant l’anesthésie. Des techniques modernes combinent l’administration d’un analgésique et d’un neuroplégique. Elles limitent alors considérablement les doses de narcotiques ou d’anesthésiques généraux, qui sont nécessaires à l’obtention de l’anesthésie (anesthésie potentialisée , Laborit, 1950) ou permettent même de s’en passer (neuroleptanalgésie , de Castro et Mundeleer, 1958). Le système sympatho-adrénergique peut encore être inhibé au niveau des ganglions périphériques par les ganglioplégiques, qui permettent l’obtention de l’hypotension contrôlée (Enderby, 1952).
On comprend ainsi que l’anesthésie moderne puisse revêtir des modalités très variées. À côté des anesthésiques généraux qui, à des degrés différents, provoquent toujours une intoxication pharmacologique des centres cérébraux et de l’ensemble des cellules de l’organisme, la pharmacologie a fourni depuis un demi-siècle à l’anesthésiologie des drogues dont l’action élective sur des aires différentes du cerveau permet l’obtention préférentielle du sommeil (action corticale prédominante), de l’analgésie (action périphérique ou centrale: réticulaire, limbique et thalamique), de la protection neuroplégique (formation réticulaire et hypothalamus). Leur combinaison avec des curares ou curarisants de synthèse, qui agissent sur la plaque motrice des nerfs moteurs, provoque, suivant les doses, une paralysie ou un relâchement musculaire hautement favorables à l’accomplissement de l’acte chirurgical. La combinaison avec une réfrigération locale ou générale (hibernation artificielle, hypothermie thérapeutique) permet encore, par le ralentissement de la vie tissulaire dû au froid, des actions thérapeutiques et chirurgicales variées.
Enfin, la majorité des drogues anesthésiques déprimant la ventilation pulmonaire, sans parler des curares qui la suppriment, le contrôle de celle-ci est devenu général et essentiel. L’intubation trachéale, quasi systématique, et la ventilation artificielle, souvent réalisée avec des appareils tendant à perturber au minimum les fonctions qu’ils permettent de contrôler, ont considérablement amélioré l’anesthésie générale.
Dans les perspectives d’avenir, il faut mentionner les méthodes modernes de stimulation de certaines fibres nerveuses capables de bloquer ou de minimiser le message douloureux. Cette stimulation peut se faire: à la périphérie, au niveau médullaire, ou même au niveau cérébral, où elle provoque la libération de substances naturelles (enképhalines, endorphines), qui occupent les mêmes sites récepteurs que la morphine, et sont aussi douées de propriétés analgésiques.
2. Anesthésie générale
Les anesthésiques généraux
L’anesthésie par inhalation est réalisée avec des agents gazeux ou volatils. Le protoxyde d’azote, le premier utilisé, conserve une place privilégiée, du fait que son faible pouvoir analgésique se trouve aujourd’hui potentialisé par les analgésiques, les neuroplégiques et les curarisants. L’éther anesthésique garde aussi une place que l’on pourrait souhaiter moins grande, compte tenu de l’excitation du système adréno-sympathique qu’il provoque. Le chloroforme puissant et toxique, surtout pour la cellule hépatique et le myocarde, est de plus en plus oublié. Le trichloréthylène, le chlorure d’éthyle ont des indications restreintes, compte tenu de leur toxicité. Le cyclopropane, puissant, explosif, dépresseur du myocarde est, lui aussi, de moins en moins utilisé. En revanche, l’halothane, ainsi que certains de ses analogues, qui est à la fois puissant, facile à manier, et qui n’est ni inflammable ni explosif, a la faveur de certains utilisateurs modernes. Sa toxicité hépatique reste en discussion, mais il pose un problème de pollution au bloc opératoire, qu’il faut équiper de moyens d’évacuation.
L’anesthésie par voie intraveineuse a fait appel à un nombre considérable de produits. Ce sont les barbiturates, entre autres le penthiobarbital sodique (Penthotal), qui sont le plus largement utilisés. Relativement peu toxiques, ils dépriment cependant la ventilation pulmonaire et le myocarde. Ils sont d’usage commode et, combinés au curare, fournissent d’excellentes anesthésies. Le contrôle de la ventilation doit toujours être possible sinon systématique.
La voie rectale peut aussi être utilisée, en faisant appel aux barbiturates, en particulier chez l’enfant pusillanime, mais son contrôle est beaucoup plus aléatoire.
On a également la possibilité d’utiliser des anesthésiques à action semi- ou ultra-rapide: barbituriques ou dérivés de l’acide eugénol glycolique, ou dérivés de l’hydroxydione (Alfadione).
Les narcotiques et hypnotiques
Parmi les corps utilisés par voie veineuse, il faut citer un stéroïde, le succinate de l’hydroxy-21-prégnane-dione (Viadryl), introduit par Lauba, P’an et Rudel (1955), l’Hémineurine, fraction thiazolique de la vitamine B1, le gamma-hydroxybutyrate de sodium (Laborit et coll., 1961).
Ces derniers corps sont en réalité surtout des narcotiques, encore que le gamma-hydroxybutyrate (Gamma-OH) y tienne une place à part. Ils exigeront donc le plus souvent d’être combinés à un analgésique et à un neuroplégique. Dans ce cas, ils fourniront une excellente anesthésie générale, dont le principal avantage est la faible toxicité.
Cette dernière caractéristique est particulièrement vraie pour le Gamma-OH, première molécule biologique à provoquer le sommeil. Ce corps, non dépresseur myocardique, non dépresseur ventilatoire, est métabolisé, comme un aliment, en C2 et H2O, et non pas détoxifié comme les autres. Il paraît poser le problème de l’anesthésie et du sommeil sur des bases nouvelles, car il n’a pas d’action dépressive sur le métabolisme oxydatif, ni sur le neurone, et possède une structure proche de l’inhibiteur central physiologique, le GABA (acide gamma-aminobutyrique). Si les précédents sont des narcotiques, il semble qu’on puisse le classer parmi les hypnotiques vrais, car il procure un sommeil voisin du sommeil physiologique. Son emploi en anesthésie obstétricale, au cours de laquelle il facilite le travail utérin sans effet nuisible pour l’enfant, est particulièrement indiqué.
Les analgésiques
Pendant longtemps ce fut à la morphine, à ses dérivés ou analogues, que fut demandée l’analgésie. Cependant, sa puissance analgésique relativement faible, la dépression ventilatoire qu’elle provoque à doses importantes limitaient son emploi à la prémédication. Les analogues récents, de puissance 400 ou 800 fois supérieure à la morphine, sont venus fournir à l’analgésie une place enviable dans la technique anesthésiologique moderne.
Le premier de ces analogues fut la péthidine ou Dolosal. C’est elle qui fut combinée primitivement aux neuroplégiques: chlorpromazine (Largactil) et prométhazine (Phénergan) dans les «cocktails lytiques» (Laborit et Huguenard, 1951) permettant analgésie, protection et une potentialisation de l’action des anesthésiques généraux qui peut aller jusqu’à l’«anesthésie sans anesthésique». Depuis lors, des corps doués de propriétés analgésiques beaucoup plus puissantes (dextromoramide ou Palfium, phénopéridine ou R 1406, Fentanyl R 4263), dont la synthèse est due à Janssen, combinés à des neuroplégiques variés, dont les plus fréquemment utilisés sont l’Halopéridol et ses dérivés et le chlorprothixène (Taractan), ont permis la réalisation de la «neuroleptanalgésie». La conscience du malade est en principe conservée. Il est, du moins le plus souvent, capable de répondre à des ordres simples et peut, dans ces conditions, subir cependant les interventions chirurgicales majeures.
Tous ces analgésiques ont cependant le défaut de déprimer la ventilation. Ce sont des analgésiques à action purement centrale. D’ailleurs la diminution de l’anxiété et l’effet tranquillisant que procure le neuroplégique ont également une part dans l’effet analgésique. Les progrès dans la pharmacologie des analgésiques seront évidemment liés à ceux qui seront réalisés dans la compréhension des mécanismes biochimiques et neurophysiologiques de la douleur.
Les neuroplégiques
Leur participation à l’analgésie est importante, mais on attend d’eux, en outre, un effet tranquillisant, antiémétique et surtout antichoc. En effet, toute agression, chirurgicale en particulier, excite le système adréno-sympathique. Les catécholamines libérées provoquent une vasoconstriction des organes abdominaux, qui paraît avoir un rôle essentiel dans le mécanisme d’apparition du «choc». L’inhibition par les neuroplégiques, tant de la mise en jeu du système adréno-sympathique par leur action centrale, que de l’action des catécholamines à la périphérie par leurs propriétés adrénolytiques, met à l’abri des principales conséquences vasomotrices et métaboliques de la réaction adréno-sympathique. Les plus fréquemment utilisés sont la chlorpromazine, la prométhazine, la diéthazine, la lévopromazine, l’Hydergine, le chlorprothixène, l’Halopéridol et le Dominal.
Les curares et curarisants
Le tonus musculaire est une gêne considérable pour le chirurgien; il complique l’abord des organes profonds. La contraction du diaphragme, pendant la respiration, pousse les anses intestinales à travers la paroi abdominale ouverte. La curarisation facilite aussi l’intubation trachéale. Certains cependant préfèrent pratiquer cette dernière après une anesthésie locale soigneuse de la glotte, par pulvérisation de lidocaïne.
Jusqu’à l’avènement des substances curarisantes, seule une anesthésie profonde, donc dangereuse et toxique, fournissait une relaxation musculaire autorisant ces différentes manœuvres. Les curares, par la paralysie musculaire qu’ils provoquent, ont donc transformé la chirurgie, diminué les causes d’intoxication anesthésique et du choc opératoire, facilitant ainsi l’acte chirurgical. Leur emploi exige évidemment le contrôle de la ventilation, du fait de la paralysie des muscles respiratoires.
L’hypothermie généralisée
Elle exige l’inhibition des mécanismes de maintien de la température centrale, de siège hypothalamique. C’est pourquoi il faut la combiner, soit à une anesthésie générale profonde interdisant le frisson, mais dont la toxicité est d’autant plus grande que les processus métaboliques sont plus réduits, soit, et mieux, à une neuroplégie, qui obtient un résultat identique avec une moindre toxicité. Il s’agit alors d’une «hibernation artificielle» (Laborit et Huguenard, 1951). L’hypothermie obtenue peut être modérée (jusqu’à 25 0C) ou profonde (jusqu’à 10 0C et au-dessous). Dans ce cas, la dépression du fonctionnement cardio-vasculaire et ventilatoire au-dessous de 25 0C exige l’assistance d’un cœur-poumon artificiel. Certaines interventions intracardiaques nécessitant un arrêt circulatoire prolongé ne peuvent être réalisées autrement. L’hypothermie modérée, au contraire, ne limite pas ses indications à la chirurgie, et tous les déséquilibres aigus et graves peuvent amener à y faire appel.
L’hypotension contrôlée
En cas d’intervention très hémorragique, on utilise parfois des corps de la série des dérivés nitrés (nitro-prussiate de sodium, trinitrine) qui, par le relâchement de la musculature des vaisseaux, et la diminution des résistances périphériques, sont puissamment hypotenseurs. Ils ont dans cette indication remplacé les dérivés des méthoniums, ganglioplégiques utilisés précédemment.
On peut alors opérer sur des tissus pratiquement exsangues. Il faut noter que la neuroplégie aboutit à un état souvent analogue, sans en avoir la brutalité ni les dangers.
3. Rôle de l’anesthésie
Quelle que soit la technique, une anesthésie, même locale, n’est jamais dépourvue de dangers et demande à être pratiquée par un spécialiste confirmé. Le risque d’explosion, avec des agents comme le cyclopropane et l’éther, peut être évité, car, dans la gamme d’anesthésiques à notre disposition, la plupart ne présentent pas cet inconvénient. Les dangers sont surtout alors respiratoires et cardio-vasculaires. Il est donc toujours avantageux de choisir une technique anesthésique et des anesthésiques aussi peu toxiques qu’il est possible et cela d’autant plus que l’état du malade est plus précaire.
Ce choix sera fait par l’anesthésiste, qui tiendra compte de l’état de santé du patient, du type d’intervention pratiquée, de la région de l’organisme où elle s’effectue, de sa durée, de sa gravité, des réflexes et des réactions qu’elle peut engendrer. Il tiendra compte de l’âge, de l’état psychique, des maladies et tares antérieures (diabète, urémie), ainsi que des appareils dont le fonctionnement risque d’être le plus perturbé par l’intervention: appareil ventilatoire, circulatoire. Malgré les moyens modernes de contrôle de la ventilation, on évitera de déprimer celle-ci, la prolongation de cette dépression en phase postopératoire, souvent sous-estimée en dehors d’une étude spirométrique précise, ayant de graves conséquences. Enfin, le rôle de l’anesthésie et de l’anesthésiste ne s’arrête pas à la sortie de la salle d’opération. La douleur aussi bien que l’équilibre biologique général de l’opéré en phase postopératoire seront bien souvent justiciables des techniques, des méthodes et de la pharmacologie anesthésiques.
Il faut insister sur les deux orientations principales de l’anesthésie moderne: la première est la «dissection» de l’anesthésie, qui a nécessité et nécessitera encore de longs efforts pour élucider les mécanismes d’action biochimiques et neurophysiologiques sur les cellules du système nerveux, qui caractérisent les différentes drogues fournissant le sommeil, l’analgésie, l’anesthésie, la neuroplégie, la tranquillisation, etc. La seconde est de déborder largement le cadre de la suppression momentanée de la douleur chirurgicale pour s’étendre, à mesure que les mécanismes des réactions de l’organisme aux agressions les plus variées sont mieux connus, à la protection de l’organisme contre ces agressions. Cette protection n’est pas seulement pharmacologique, elle fait encore appel à des connaissances étendues de physiologie et de physiopathologie, respiratoires, et cardio-circulatoires en particulier. L’anesthésie est associée à la réanimation, à tel point qu’elle est devenue souvent un moyen de réanimer.
C’est dans cette optique qu’il faut associer à l’anesthésie générale la notion actuelle de «protection cérébrale» dans des cas de souffrance cérébrale grave, par certains agents anesthésiques (barbiturates, 4-hydroxybutyrate de sodium), dont les propriétés protectrices seraient dues en partie à une diminution (variable selon les produits) de la consommation d’oxygène du cerveau, et de la circulation cérébrale, mais surtout à leur rôle de «piégeurs» de radicaux libres, facteurs de lésions membranaires cérébrales.
Pour conclure, il est utile de signaler l’existence de plus en plus fréquente de consultations d’anesthésiologie, permettant une connaissance plus précoce du malade, une meilleure prévention de complications éventuelles et donnant au médecin anesthésiste son véritable rôle de médecin traitant de la période pré, per et postopératoire.
anesthésie [ anɛstezi ] n. f.
• 1753; lat. anaesthesia, du gr.
1 ♦ Perte d'un des modes de la sensibilité, ou de la sensibilité d'un organe, ou de la sensibilité générale. Anesthésie visuelle, auditive, thermique, algique (⇒ analgésie) .
2 ♦ (1847 ) Suppression de la sensibilité, et spécialt de la sensibilité à la douleur, obtenue par l'emploi des anesthésiques. ⇒ insensibilisation, narcose. Anesthésie générale, locale, locorégionale. Anesthésie par inhalation, par intubation. Anesthésie rachidienne (⇒ rachianesthésie) , péridurale. Pratiquer, faire une anesthésie. L'opéré est sous anesthésie.
3 ♦ Fig. État d'indifférence. « la miséricordieuse anesthésie que dispense l'amour » ( Colette).
⊗ CONTR. Hyperesthésie.
● anesthésie nom féminin (anglais anesthesia, du grec anaisthêtos, insensible) Perte locale ou générale de la sensibilité, en particulier de la sensibilité à la douleur (analgésie), produite par une maladie du système nerveux ou par un agent anesthésique. Action d'endormir quelqu'un, un groupe, de les rendre amorphes : L'anesthésie de l'opinion publique. ● anesthésie (expressions) nom féminin (anglais anesthesia, du grec anaisthêtos, insensible) Anesthésie générale, suspension de l'ensemble des sensibilités de l'organisme. Anesthésie locorégionale, abolition transitoire de la sensibilité d'une partie du corps pour une intervention chirurgicale, un examen ou un traitement. ● anesthésie (synonymes) nom féminin (anglais anesthesia, du grec anaisthêtos, insensible) Perte locale ou générale de la sensibilité, en particulier de...
Synonymes :
- analgésie
- narcose
anesthésie
n. f. MED Disparition plus ou moins complète de la sensibilité superficielle ou profonde. Anesthésie générale, qui atteint l'organisme entier, avec perte de conscience (narcose). Anesthésie locale, qui touche un territoire limité, sans perte de conscience. Anesthésie péridurale.
⇒ANESTHÉSIE, subst. fém.
A.— MÉDECINE
1. Suspension momentanée de la sensibilité dans une partie ou dans l'ensemble du corps, provoquée en vue d'une intervention chirurgicale. Anesthésie générale, anesthésie locale, être sous anesthésie :
• 1. ... le souffle s'arrêtait, soit par ces mêmes changements d'octaves qu'il y a dans la respiration d'un dormeur, soit par une intermittence naturelle, un effet de l'anesthésie, le progrès de l'asphyxie, quelque défaillance du cœur.
M. PROUST, À la recherche du temps perdu, Le Côté de Guermantes 2, 1921, p. 344.
2. Perte partielle ou totale de la sensibilité (au froid, à la chaleur, à la douleur, etc.) consécutive à une affection du système nerveux :
• 2. En général, l'urémie produit une anesthésie croissante, une mort assez douce.
R. MARTIN DU GARD, Les Thibault, La Mort du père, 1929, p. 1275.
• 3. ... Dupré notait que la fabulation mythomaniaque peut se traduire aussi bien en simulations organiques : maladies, anesthésies, paralysies, contractures, idiosyncrasies, amnésies qu'en mensonges oraux ou écrits.
E. MOUNIER, Traité du caractère, 1946, p. 383.
B.— P. anal., au fig. État d'indifférence allant de l'inertie à la quiétude et à l'oubli. Anesthésie affective, morale, religieuse :
• 4. Cette théorie, qui se raccordait si bien à ma vue scientiste de l'univers, m'avait procuré une sorte d'anesthésie intellectuelle; une autre anesthésie, le surmenage des affaires et du travail; une anesthésie encore, la paisible atmosphère de ma vie de famille.
P. BOURGET, Nos actes nous suivent, 1926, p. 30.
• 5. Mais non, je ne veux plus rien. Je lis encore et toujours; les lettres passent; à ma limite de charge, j'ai vaincu la nausée et atteint l'anesthésie. Je ne suis plus qu'un robot qui fut inspiré, une machine enregistreuse qui se déglingue, un automate aux ressorts fatigués, qui s'avachit...
R. ABELLIO, Heureux les pacifiques, 1946, p. 358.
Prononc. ET ORTH. :[]. Enq. :/anestezi/. — Rem. Ac. Compl. 1842 écrit anésthésie.
Étymol. ET HIST. — 1. 1771 pathol. « privation ou affaiblissement de la sensibilité » (J. J. SCHMIDLIN, Catholicon ou Dict. universel de la lang. françoise); 2. 1847 méd. « suppression de la sensibilité produite par certaines substances » (A. MUSSAT, Physiologie. Note concernant les effets de l'inhalation du chloroforme sur les animaux et sur l'homme ds Comptes rendus hebdomadaires des séances de l'Ac. des sc., t. 25, p. 804 : ... l'insensibilité ou l'anesthésie produite par l'inhalation de l'éther est due à l'altération du sang artériel ...); 3. 1897 fig. « affaiblissement, atténuation (des facultés, des sentiments) » (M. BARRÈS, Les Déracinés, p. 474 : Le pauvre garçon a une complète anesthésie des facultés délicates).
Empr. à l'angl. anaesthesia « id. » attesté au sens 1 dep. 1721 (BAILEG, Anœsthesia ds NED), au sens 2 dep. 1846 (HOLMES, Letter to W. T.G. Morton, 21 nov. ds DAE 1938), au sens 3 dep. 1865 (Mrs WHITNEY, Gayworthys, xliii ds NED), lui-même formé par l'intermédiaire d'un lat. sc. (NED) à partir du gr. « qui ne sent pas », attesté dep. HIPPOCRATE, De l'anc. méd., 14 ds BAILLY.
STAT. — Fréq. abs. litt. :47.
BBG. — BONV. 1969. — BOUILLET 1859. — FROMH.-KING 1968. — GARNIER-DEL. 1961 [1958]. — GOBLOT 1920. — HÖFLER (M.). Une Source négligée de Landais et des compl. au Dict. de l'Ac. fr. Fr. mod. 1969, t. 37, p. 36. — LAFON 1969. — LAL. 1968. — Lar. méd. 1970. — LITTRÉ-ROBIN 1865. — MARCEL 1938. — MARCH. 1970. — Méd. 1966. — Méd. Biol. t. 1 1970. — NYSTEN 1824. — PIÉRON 1963. — PRIVAT-FOC. 1870. — Sexol. 1970.
anesthésie [anɛstezi] n. f.
ÉTYM. 1771, « baisse ou privation de la sensibilité »; de l'angl. anaesthesia, du lat. sc., du grec anaisthêsos « insensible », de an- priv. (→ 2. A-), et aisthêsia.
❖
1 Méd. Perte d'un des modes de la sensibilité, ou de la sensibilité d'un organe, ou de la sensibilité générale. || Anesthésie visuelle. ⇒ Achromatopsie, amaurose, amblyopie. || Anesthésie auditive. ⇒ Agnosie (auditive), surdité (tonale). || Anesthésie algique. ⇒ Analgésie. || Anesthésie du sens tactile ou thermique (thermo-anesthésie). || Anesthésie d'une moitié du corps. ⇒ Hémianesthésie. — Anesthésie hystérique : absence de perceptions sensitives, observée dans l'hystérie.
0.1 Devenu insensible, pour ainsi dire, à la douleur physique, comme s'il eût été sous l'influence d'une anesthésie permanente, ne vivant plus que par le désir d'arriver à son but, coûte que coûte, il ne voyait qu'une chose dans cette course insensée, c'est que la route fuyait rapidement derrière lui.
J. Verne, Michel Strogoff, p. 219.
2 (1847). Suppression de la sensibilité, et spécialt, de la sensibilité à la douleur, obtenue par l'emploi des anesthésiques. || Anesthésie générale, en vue d'une opération chirurgicale. ⇒ aussi Narcose. || Anesthésie locale (⇒ Insensibilisation) par le chloroforme, la cocaïne, l'éther. ⇒ Chloroformisation, cocaïnisation, éthérisation. || Anesthésie rachidienne (ou rachianesthésie). || Anesthésie extradurale, épidurale, péridurale. || Anesthésie chirurgicale : anesthésie locale ou générale permettant un acte chirurgical. || Anesthésie par inhalation (⇒ Masque), par insufflation (⇒ Intubation); anesthésie intraveineuse, par voie intraveineuse, piqûre d'anesthésie; anesthésie par voie rectale. || Anesthésie électrique. — Être mis, placé sous anesthésie. — Médication donnée avant une anesthésie. ⇒ Prémédication. || Pratiquer l'anesthésie, une anesthésie. ⇒ Anesthésiste. || Techniques, recherches en anesthésie. ⇒ Anesthésiologie.
0.2 Il y a cent ans, lorsque l'anesthésie a fait son entrée dans les salles d'opération, certains chirurgiens se sont récriés : « La chirurgie est morte, a dit l'un d'eux. Elle reposait sur l'union dans la souffrance du patient avec le praticien. Avec l'anesthésie, elle est ravalée au niveau de la dissection de cadavre ».
M. Tournier, le Roi des Aulnes, p. 123.
➪ tableau Lexique de la chirurgie.
3 (1897). Fig. Suppression momentanée de la sensibilité, de l'émotivité. ⇒ Arrêt, apaisement, détachement, inconscience, indifférence, insensibilité, sommeil. || Anesthésie intellectuelle, affective, religieuse.
1 Détachez-vous maintenant, assistez à la vie en spectateur indifférent : bien des drames tourneront à la comédie (…) Le comique exige donc (…) quelque chose comme une anesthésie momentanée du cœur. Il s'adresse à l'intelligence pure.
H. Bergson, le Rire, I, 1.
2 Usure de la sensibilité plutôt, créant un état de moindre réaction, un commencement d'indifférence, ou plus exactement d'anesthésie.
Martin du Gard, les Thibault, VIII, 15.
3 (…) n'avez-vous pas joui, inconsciemment, de la miséricordieuse anesthésie que dispense l'amour ?
Colette, la Vagabonde, p. 164.
❖
CONTR. Hyperesthésie. — V. Sensibilité.
DÉR. et COMP. Anesthésier, anesthésiologie, anesthésique, anesthésiste. — Cryanesthésie, électro-anesthésie, hémianesthésie, préanesthésie, rachianesthésie.
Encyclopédie Universelle. 2012.