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JURASSIQUE
JURASSIQUE

Alexander von Humboldt proposa, en 1795, le terme de «calcaire ou terrain du Jura» pour désigner la série à dominance calcaire des monts du Jura. Sa place stratigraphique au sein du Secondaire, entre le Trias et le Crétacé, fut établie par Ami Boué. C’est en 1829 qu’Alexandre Brongniart érigea cet ensemble lithologique en système, sous le nom de Jurassique.

La durée de la période jurassique est de 70 millions d’années (de – 205 à – 135 Ma). On la divise en trois parties – le Jurassique inférieur, ou Lias , le Jurassique moyen, ou Dogger , le Jurassique supérieur, ou Malm – et en onze étages, qui ont été choisis principalement en Grande-Bretagne, en France et dans le Jura souabe.

Dans les domaines épicontinentaux d’Europe, le système jurassique constitue un cycle complet, mais dans les chaînes alpines il y a continuité avec le Trias comme avec le Néocomien (début du Crétacé). Le problème des limites se trouve ainsi posé. Au sommet du Jurassique, le terme Purbeckien désigne un faciès continental ou laguno-lacustre qui signale des émersions contemporaines du Portlandien; dans les Alpes, le terme Tithonique désigne un faciès calcaire compréhensif qui groupe une partie du Kimméridgien, le Portlandien et la base du Berriasien. Au début du cycle, le Rhétien est maintenant rattaché au Trias, pour des raisons d’affinités faunistiques, après avoir provoqué de longues polémiques. En France, cet étage ne dépasse guère l’extension du Keuper, qui est fait de sédiments salins, faciès prétendu à tort «régressif». Les apports plus détritiques, à dents de poissons et à avicules, peuvent marquer aussi bien un changement de climat qu’une modification des lignes de rivage: c’est la notion même de transgressivité qui est en cause. Ce caractère particulier du Rhétien est très local et ne peut servir d’argument déterminant pour exclure cette formation du Trias.

À l’échelle du globe, l’Amérique du Sud est encore liée à l’Afrique, mais Madagascar, l’Inde et l’Australie se sont déjà séparées du Gondwana. L’Australie reste assez proche du pôle Sud, alors que l’ensemble Amérique-Afrique a nettement migré vers le nord (fig. 1). L’Amérique du Nord, l’Europe et l’Asie sont encore unies, l’Atlantique nord ne devant s’ouvrir qu’au Crétacé supérieur, mais de vastes transgressions épicontinentales se développent à partir de la mer boréale et de la Téthys, isolant la Fennoscandie et le continent asiatique au Jurassique moyen. La transgression se fait d’abord lentement, par ouverture des mers à sédimentation saline du Trias. Le climat est toujours chaud, et des bassins en cul-de-sac déposent encore des sels (golfe du Mexique, Maroc, Aquitaine, Sahara). La Téthys est soumise à un régime qui constitue le prélude de l’orogenèse alpine; de vastes épanchements sous-marins (ophiolites) se déversent dans ses zones internes au Jurassique supérieur. Une phase d’émersion, portlandienne, provoque l’apparition des sédiments du type flysch.

Toutes les rives du Pacifique enregistrent une forte activité volcanique, principalement andésitique. À la fin du Jurassique, une phase orogénique puissante se manifeste; elle est surtout sensible en Amérique du Sud au Kimméridgien (phase andine) et en Amérique du Nord au Portlandien (phase névadienne). Elle est moins accentuée en Europe (phase néocimmérienne).

Dans les mers épicontinentales, la clémence du climat permet une vie exubérante: les faciès récifaux sont très répandus, les Mollusques innombrables, surtout les Ammonites et les Bélemnites qui fournissent une nourriture abondante aux Poissons, eux-mêmes exposés à des prédateurs puissants, Requins et Reptiles marins.

Sur les continents, de belles forêts fournissent encore au Lias des gisements houillers (Sibérie). Une végétation abondante alimente les grands Dinosaures herbivores, qui sont à leur apogée, pendant que les Mammifères se différencient, mais sont bloqués dans leur évolution, de multiples biotopes étant occupés par des Reptiles particulièrement bien adaptés. L’Archéoptéryx marque l’avènement des Oiseaux.

1. Stratigraphie, paléogéographie et tectonique

L’étude des formations du Jurassique accompagne l’élaboration des premiers fondements de la stratigraphie. William Smith (1769-1839), ingénieur anglais des ponts et chaussées, découvrit, dès 1795, sur les séries jurassiques du sud-est de la Grande-Bretagne, le principe de superposition des couches sédimentaires, et dégagea la notion de fossiles caractéristiques. L’abondance des faunes permit une analyse précise d’où naquit, avec A. Oppel, la notion de zone puis, plus tard, la notion exagérément restrictive d’hemera de Buckman. Fortement influencé par Cuvier, Alcide d’Orbigny chercha dans les changements de faunes les preuves des révolutions du globe, mais son esprit synthétique l’amena à grouper les zones en ensembles plus logiques; il créa plusieurs des étages encore utilisés mondialement comme référence chronostratigraphique. Vers 1910, E. Haug établit la première synthèse cohérente du système. W. J. Arkell publie en 1956 une mise au point claire et exhaustive des connaissances acquises sur le Jurassique mondial, complétée en 1964 par H. Hölder et, ensuite, par de nombreux chercheurs.

Le tableau signale les divisions communément adoptées pour le système jurassique, ainsi que les auteurs qui les ont définies. La localisation des stratotypes montre qu’ils ont été choisis en Europe occidentale, et plus particulièrement en France et en Grande-Bretagne. L’histoire de la France au Jurassique constitue une introduction naturelle à une revue générale des paysages et des faits géologiques qui caractérisent cette époque.

France

Les bassins épicontinentaux à sédiments salins du Trias se transforment rapidement en mers à salinité normale par des apports de la Téthys. Les mers s’étendent sur l’ensemble des bassins aquitain et parisien. L’Atlantique n’existe pas, mais une communication s’établit par le «bassin anglonormand» avec un océan boréal. Au Domérien, le «seuil du Poitou» est recouvert par les eaux, et le Massif central se réduit à une île. L’ouverture vers l’est est totale car le massif Vosges-Forêt-Noire ne s’est pas encore soulevé, et son emplacement est entièrement immergé, mais des hauts-fonds (seuil morvano-vosgien) jouent pendant tout le Jurassique un rôle paléogéographique important (fig. 2).

Bassin de Paris

La transgression liasique vient de l’est, c’est-à-dire du bassin germanique, par le sud des Ardennes émergées et par l’emplacement des Vosges. Pendant le Lias inférieur, le «détroit de la Côte d’Or» est soumis à un régime de plate-forme balayée par des courants. Dès l’Hettangien, une bonne part du bassin de Paris est submergée: les bordures sont soulignées par des sédiments détritiques, le voisinage des goulets de communication avec les mers voisines par des calcaires biochimiques; mais au centre du bassin les sédiments sont rapidement dolomitisés, ce qui semble indiquer des eaux légèrement sursalées. Des zones subsidentes s’esquissent: ce sera un trait caractéristique du bassin pendant tout le Lias, mais elles migrent ici ou là avec le temps. Elles prouvent une certaine instabilité chronique du fond de la cuvette. La communication avec l’Angleterre et la mer boréale s’établit très vite, comme en témoignent les sédiments liasiques dragués dans la Manche, au nord de la Normandie.

Le Sinémurien est représenté par des faciès néritiques et épinéritiques de mer plus ouverte: calcaires à gryphées et grandes ammonites (Arietitidae ), puis calcaires argileux bruns à nodules phosphatés ou ferrugineux. L’ensemble Hettangien-Sinémurien peut dépasser 200 mètres. Au Pliensbachien, la communication avec la Grande-Bretagne, d’abord très étroite (gouttière de Bray), s’élargit considérablement avec la transgression générale du Lias moyen. Au Domérien, le bassin de Paris communique avec l’Aquitaine par le seuil du Poitou; la mer s’avance fortement vers l’ouest, et les relations avec la mer alpine s’accroissent par immersion du nord et du nord-est du Massif central qui sera complètement submergé au Jurassique supérieur. Les faciès sont détritiques fins avec des marnes à ammonites et des grès. Le Toarcien est fait d’argiles compactées, gris-noir, les «schistes carton», sauf sur les bordures du bassin, plus détritiques. Cette formation, déposée sous forme de «black shales», riche en hydrocarbures (schistes bitumineux), est une roche-mère de pétrole, mais l’enfouissement n’a pas été suffisant pour permettre d’atteindre le stade de l’huile exploitable. Son épaisseur atteint 150 mètres en Champagne, et les faciès deviennent identiques jusqu’au Jura, ce qui retire au goulet bourguignon le rôle de seuil qu’il avait joué jusqu’alors (fig. 3).

Le Jurassique moyen et supérieur présente des alternances d’argiles ou de marnes et de calcaires puissants qui induisent, sous l’action des agents météoriques, une morphologie de cuesta particulièrement bien développée sur le monoclinal oriental du bassin. L’Aalénien marno-calcaire contient de huit à dix niveaux d’oolite ferrugineuse, la minette, minerai de fer qui fut activement exploité en Lorraine. Le Bajocien, calcaire zoogène oolitique ou à entroques, forme la «côte de Moselle»; le revers de la cuesta correspond à des sédiments moins résistants, marno-calcaires au Bathonien et calcaires à oolites ferrugineuses au Callovien. L’Oxfordien inférieur, argileux, occupe la dépression marécageuse de la Woëvre, en contrebas de la «côte de Meuse» disséquée dans les calcaires construits à polypiers, rudistes et échinodermes de l’Oxfordien supérieur. À partir de cette époque, des barrières récifales jouent un grand rôle dans la paléogéographie du bassin en créant des seuils mobiles qui séparent des domaines à faciès contrastés. Au-delà d’une nouvelle dépression creusée dans les faciès marneux du Kimméridgien, les calcaires massifs du Portlandien dessinent la «côte des Bars», dont le sommet a été tronqué par l’érosion avant le retour de la mer crétacée. Au centre du bassin, le Portlandien supérieur contient de l’anhydrite; au-dessus, 25 mètres de formations lacustres représentent le faciès purbeckien d’émersion. Au cours du Jurassique, le pôle de subsidence du bassin de Paris demeure localisé en Brie où l’épaisseur totale est de 650 mètres pour le Lias, 450 mètres pour le Dogger, 750 mètres pour le Malm, soit une subsidence moyenne de 25 mètres par million d’années.

Bassin d’Aquitaine

La paléogéographie contraste assez fortement avec celle du bassin de Paris; elle a été précisée par les nombreux sondages de recherche pétrolière (fig. 4).

Pendant tout le Jurassique, l’Aquitaine, l’emplacement des Pyrénées et le nord-est de l’Espagne étaient recouverts par une mer épicontinentale ouverte vers l’est par des goulets comme le «détroit de Rodez et de Carcassonne», puis vers le nord par le «détroit du Poitou». Aucun fait ne permet d’admettre une extension importante vers l’ouest de ce bassin qui se fermait à une distance relativement faible des côtes actuelles de l’Atlantique: la mer n’a atteint qu’épisodiquement la côte des Asturies.

Au Lias inférieur, une sédimentation de mer peu profonde fournit, au sud, des calcaires à ostracodes, dolomitisés en présence d’eaux sursalées qui déposent plus au nord, au cœur du bassin, une série saline subsidente de puissance comprise entre 100 et 800 mètres (dolomies fines - anhydrite - sel gemme). Au Sinémurien, les faciès sont néritiques, avec des dolomies rubanées et des calcaires oolitiques à dasycladacées et pentacrines. Le Lias moyen (8 à 80 m) est transgressif sur la bordure du Massif central avec des sédiments détritiques. Dans l’Est, les sédiments sont oolitiques ou littoraux. En Bigorre et au Pays basque, ce sont des boues à encrines avec des ammonites (Grammoceras ). Dès le Domérien, le détroit du Poitou amène des eaux plus froides de salure normale. Au Lias supérieur, des apports détritiques fins (marnes et pélites noires) se généralisent.

Dans l’ensemble, le Lias est régulièrement transgressif, mais un axe nord-sud, au niveau de l’Ariège, sépare le bassin en deux domaines paléogéographiques, sans aucun rapport avec l’axe de la future chaîne pyrénéenne. Des mouvements se manifestent sur la bordure sud-ouest du Massif central et à la limite nord des massifs espagnols émergés. À partir du Dogger, la paléogéographie (faciès et isobathes) s’oriente dans le sens pyrénéen avec des hauts-fonds alignés, prémices de l’orogenèse pyrénéenne. Le Dogger (100 à 400 m) est marqué par une sédimentation biochimique. L’axe nord-sud devient subsident, avec des calcaires oolitiques dolomitisés à l’est et des marno-calcaires néritiques à filaments et ammonites à l’ouest.

Une phase de dépôts réduits se manifeste localement dès le Bathonien, puis se généralise à l’Oxfordien inférieur. Une dalle transgressive, faite de dépôts de plate-forme balayée par des courants, fournit un mélange de faunes appartenant à plusieurs zones de l’Oxfordien supérieur. Au-dessus, les faciès sont marneux au nord-ouest, calcaires puis dolomitiques vers l’est: la communication avec la Téthys se restreint par soulèvement du seuil oriental. Au début du Kimméridgien, un gradient de faciès (vasières à l’ouest, biostrome dolomitisé au niveau de Meillon, dolomies à l’est) signale encore des apports en eau de la Téthys, puis les détroits orientaux se ferment et les vasières à carbonates se généralisent. Au Portlandien, le bassin se réduit, de même que son couloir de communication avec la mer en régression du bassin de Paris: les saumures résiduelles déposent sur les bordures des dolomies à anhydrite (postérieurement bréchifiées par dissolution des sels), ainsi qu’une série d’évaporites, épaisse de 400 à 600 mètres, dans une zone subsidente au sud d’Auch.

Faciès intermédiaires

Dans le Jura, les séries sédimentaires évoluent du type «bassin parisien» au nord-ouest (Jura des plateaux) vers le type «subalpin» au sud-est (Jura helvétique). Le Jura moyen présente une série très voisine de celle des monts du Mâconnais (fig. 5) et du Lyonnais.

En Provence et sur la bordure du Languedoc, des dépôts néritiques, souvent dolomitiques, avec des lacunes, marquent la transition entre les domaines pyrénéen et alpin.

Alpes occidentales

C’est au Jurassique que s’individualisent les domaines sédimentaires dont l’étude a permis de reconstituer la genèse de la chaîne alpine occidentale.

La zone dauphinoise est un sillon externe accolé au Massif central, avant-pays du système. La sédimentation y est puissante, peu diversifiée, surtout marneuse et calcaire. Le Lias est calcaire à la base puis schisteux, le Dogger marneux puis argileux: ces argiles forment la base des «terres noires» (Bathonien, Callovien et Oxfordien). Le calcaire domine ensuite, et l’ensemble Kimméridgien supérieur-Portlandien-Berriasien forme la «barre tithonique», élément inférieur de la cuesta double (Tithonique-Urgonien) qui domine notamment le «sillon subalpin», creusé dans les formations tendres du Jurassique inférieur.

La zone briançonnaise est un haut-fond recevant une sédimentation réduite: des lacunes soulignent les détails d’une paléogéographie contrastée, avec des points hauts où le Jurassique peut manquer et des bassins plus creux où la série se complète.

La zone piémontaise est marquée par des sédiments planctoniques épais qui ont été transformés en «schistes lustrés» par un métamorphisme polyphasé. De vastes épanchements basiques sous-marins (ophiolites), associés à des jaspes à radiolaires, affirment, au Jurassique supérieur, le caractère océanique de ce sillon interne. Ces émissions basiques, fragments de croûte océanique incorporés aux formations sédimentaires et associés aux radiolarites, sont un trait caractéristique de tout le domaine méditerranéen, en particulier dans la péninsule balkanique et en Asie Mineure.

Europe

Le «continent nord-atlantique» constitue l’avant-pays des chaînes alpines, dont la paléogéographie est déjà inscrite dans les contrastes des faciès téthysiens. Sur ce continent, la Téthys transgresse largement vers le nord, tandis que l’océan boréal avance deux bras de part et d’autre de la Fennoscandie. Les communications entre ces deux provinces se font par des seuils éphémères, ce qui laisse aux associations faunistiques une originalité qui a rendu les corrélations difficiles. La Fennoscandie, le massif ukrainien de Podolie-Azov, l’ensemble Ardennes-Massif schisteux rhénan et le Massif central français demeurent émergés, vastes îles dans la mer épicontinentale.

Dans le bassin de Londres, l’axe de soulèvement du Weald sépare deux domaines paléogéographiques: le Dorset au sud, très semblable au bassin de Paris, et la région Oxford-Yorkshire, plus détritique et plus proche du domaine germanique.

Dans la «cuvette germanique», le Lias est du type «bassin de Paris», mais le Jurassique moyen, beaucoup plus détritique, marque la suppression de la communication avec le bassin souabe, par le rétablissement d’un pont entre Harz et Bohême; le Jurassique supérieur présente, dès lors, une originalité certaine, avec des calcaires à spongiaires, des calcaires lithographiques (Solenhofen) ou des dolomies.

La lithologie des bassins de l’Allemagne du Nord et de la plate-forme russe est nuancée par l’ampleur de la transgression. Dans le Donetz, le Toarcien est discordant sur le socle primaire; à Cracovie, la série débute par un Aalénien détritique qui supporte des calcaires argileux bajociens, puis une formation oolitique très fossilifère; à Kiev et en Poméranie, c’est du Bathonien sablo-argileux qui repose directement sur le Primaire. La liaison épicontinentale à travers la Pologne et la Russie, de même que les rapports entre la cuvette germanique et le bassin russe, ne s’établissent qu’au Callovien; la jonction Téthys-mer boréale se situe au voisinage de Simbirsk. Les sédiments argileux phosphatés ou euxiniques, à ammonites pyriteuses, dominent, et ce faciès se maintiendra jusqu’à la régression fini-jurassique.

Afrique

Le Jurassique n’est connu qu’en bordure de la Téthys (Afrique du Nord, Libye, Égypte; cf. fig. 2) et sur les rives occidentales de l’océan Indien (Éthiopie, Kenya, Madagascar). Partout ailleurs, les faciès continentaux sont inclus dans la formation «continentale intercalaire», partie supérieure des «grès de Nubie». Ils ont fourni des flores originales en Égypte, en Tunisie, au Sahara, et des faunes de Dinosauriens au Maroc (Lias de Demnat, Bathonien du Sgatt), Tanzanie (Portlandien) et à Madagascar (Bathonien).

Afrique du Nord

En Afrique du Nord, les faciès marins se répartissent en quatre domaines:

– La plate-forme saharienne est occupée par une vaste mer épicontinentale qui dépose des séries salines prolongeant les dépôts chimiques du Trias; ces sels sont limités à la moitié nord-orientale du domaine saharien, alors qu’au Maroc la mer ne dépasse guère le grand accident atlasique qui fonctionnait déjà comme flexure. Les influences marines sont plus sensibles au Bajocien, dont les dépôts fossilifères sont connus, dans le Sud tunisien, jusqu’à 400 kilomètres des côtes actuelles.

– Le sillon atlasique , fortement subsident, se remplit de sédiments dolomitiques ou calcaires, de couleur noire, avec des épaisseurs de 1 500 à 4 000 mètres. En Tunisie, le sillon bifurque de part et d’autre d’un môle à sédiments néritiques ou littoraux: le sillon tunisien pélagique constitue la branche nord-est, prolongation naturelle du sillon saharien, alors qu’une branche sud-est s’installe à l’emplacement des chotts avec 3 000 mètres de sédiments.

– Les hauts plateaux sont couverts de dépôts souvent marneux du fait de l’éloignement des terres émergées, mais la faible profondeur permet le développement épisodique de biohermes. De vastes surfaces émergent de temps à autre (Meseta marocaine orientale, au Lias supérieur). Le Bajocien est partout transgressif, mais un recul s’amorce dès le Bathonien moyen, en particulier au Maroc. Ces hauts-fonds généralisés séparent le sillon atlasique de la mer ouverte: ils expliquent les dépôts euxiniques de mer calme des sillons, ainsi qu’une préconcentration des eaux à certaines époques (formations de dolomies), le sillon servant de relais évaporatoire à l’avant des bassins à sédiments salins de l’Erg oriental.

– Le sillon tellien reçoit d’abord des dépôts bathyaux marno-schisteux, mais des apports détritiques rythmés signalent bientôt l’apparition du faciès «flysch» dans un sillon parallèle, plus septentrional, séparé du précédent par un seuil à sédimentation calcaire discontinue (chaîne calcaire). La zone d’alimentation était donc plus au nord. Les séries de remplissage de ces sillons ont été fortement tectonisées au Tertiaire, et leurs éléments se retrouvent dans des écailles ou des nappes déversées vers le sud.

Partout en Afrique du Nord, le Jurassique supérieur est régressif, dès le Bathonien supérieur au Maroc. Sur les hauts plateaux algériens et en Tunisie orientale, il y a uniformisation des faciès au Callovo-Oxfordien, puis la mer se retire vers le nord au-delà de l’accident sud-atlasique.

Afrique orientale

En Afrique orientale, la transgression vient de l’est, dès le début du Lias en Somalie, avec des grès et argiles gypsifères à poissons et lamellibranches, à partir du Toarcien en Arabie. C’est au Bajocien que l’avancée se précise. Un vaste golfe s’étale sur une bonne part de l’Arabie orientale: les sédiments sont marneux, puis calcaires au sommet (site de la ville de Ryad sur une barre de 280 m d’âge kimméridgien-portlandien). En Éthiopie, la série est oolitique. La mer avance aussi plus au sud, au Kenya, en Ouganda, en Tanzanie, parfois jusqu’à 150 kilomètres des côtes actuelles. La régression se fait au Kimméridgien et permet les dépôts continentaux, riches en Reptiles, de la série de Tendaguru.

Madagascar, Antarctique et Australie

À Madagascar, seule la côte occidentale est envahie par la mer jurassique. Les sédiments correspondants font partie du groupe d’Isalo. Le Lias est marin, puis lagunaire au nord, continental au sud. À partir du Bajocien, la mer recouvre toute la côte ouest, avec des faciès très fossilifères (marnes et calcaires), présentant de grandes affinités avec les formations indiennes du Cutch. La côte orientale malgache était encore probablement soudée à l’Inde.

En Australie, le Jurassique n’est connu qu’en de rares affleurements, sur la côte sud-occidentale; ailleurs, il est continental, surtout lacustre.

Dans l’Antarctique, on connaît de belles flores (Filicales, Cycadophytes, Conifères) analogues à la flore indienne et à celle des côtes nord-ouest de l’Australie. Des épanchements importants doléritiques et basaltiques soulignent des lignes de rupture du continent de Gondwana.

Amérique

En Amérique du Nord, le Jurassique marin est connu sur la côte du Pacifique et dans un vaste golfe ouvert au nord et situé sur l’emplacement des Rocheuses, ainsi que sur la bordure septentrionale du bassin mexicain (Texas et Floride; cf. fig. 6).

Pacifique et Rocheuses

Les sédiments jurassiques sont abondants sur la côte du Pacifique, mais une bonne part a été érodée. En fait, le Jurassique est difficile à étudier en raison des déformations violentes et du métamorphisme poussé, dus à l’orogenèse névadienne fini-jurassique et aux phases postérieures. Les sédiments sont très épais au nord, depuis l’Alaska jusqu’en Oregon, où 6 à 8 kilomètres de formations pauvres en produits volcaniques ont fourni des faunes couvrant toute l’échelle des temps jurassiques. En Californie, les phénomènes volcaniques furent beaucoup plus violents, et les terrains sont des alternances de dépôts plus ou moins détritiques, avec des laves, des tufs et des brèches volcaniques; des bancs de conglomérats à galets granitiques sont discordants sur les formations carbonifères. À l’est persiste un continent (Nevada, Idaho) avec des dépôts continentaux riches en plantes variées. En Californie et dans l’Oregon, une formation continentale à plantes recouvre en discordance un complexe volcano-sédimentaire du Jurassique supérieur: cette discordance postorogénique marque la fin de la phase névadienne.

Dans les Névadides, des batholites de granodiorites recoupent et digèrent des phyllites et des schistes contenant des céphalopodes kimméridgiens, mais ces roches grenues sont remaniées en galets dans les conglomérats néocomiens discordants: ces intrusions marquent donc le sommet du Jurassique. Les Névadides contiennent également, en bordure du Pacifique, des péridotites serpentinisées qui témoignent de plissements préorogéniques dans les sillons à croûte peu épaisse, sur la marge occidentale des accumulations considérables de la bordure continentale.

Il est en fait très difficile d’établir des corrélations et des schémas paléogéographiques valables, en raison des cisaillements de plusieurs centaines de kilomètres qui ont décalé, les unes par rapport aux autres, de longues lanières du continent américain.

Le grand golfe oriental (2 à 3 . 106 km2) n’a été envahi qu’au Bajocien, par une transgression venue du nord (mer de Logan ou de Sundance), qui s’avance sur 3 000 kilomètres, de l’Alberta jusqu’au Nouveau Mexique septentrional. La série comprend trois termes (fig. 7): un Jurassique inférieur sableux, un Jurassique moyen marin et un Jurassique supérieur de plus en plus continental. Ce dernier constitue la «formation Morrison»: conglomérats et sables riches en gîtes d’uranium, associés à du matériel organique et charriés vers l’est par l’orogenèse névadienne. La constance des lithofaciès et de la faune implique une certaine stabilité et contraste avec la variété des séries pacifiques.

Bassin mexicain

Les eaux enveloppaient par le sud la province de Coahuila (nord-ouest de Mexico), qui constituait une péninsule. Le Jurassique marque la première incursion marine mésozoïque, antérieure à l’ouverture de l’Atlantique. La communication se faisait avec le Pacifique dans le sud de l’État de Sonora, mais des rapports brefs ont pu s’établir avec la Téthys.

Au Mexique, ce bassin dépose des formations du Jurassique supérieur directement sur du Précambrien ou du Paléozoïque ancien. Aux États-Unis, du Texas à la Floride, la série est saline à la base, calcaire dans sa partie moyenne et argileuse au sommet, sauf sur les bordures (fig. 8). L’âge des sels a provoqué de longues polémiques, mais la plupart des auteurs les attribuent maintenant au Trias supérieur et au Jurassique inférieur et moyen: un bassin à fond océanique aurait ainsi déposé plusieurs milliers de mètres de sel gemme, dont le volume est estimé à 6 梁 1. 105 km3, ce qui correspondrait, toutes choses égales par ailleurs, à une dessalure de la totalité des eaux océaniques de 1 à 2 grammes par litre.

Le Jurassique n’est pas connu sur les côtes de l’Atlantique, mais il est bien représenté dans la série mésozoïque des côtes arctiques des îles du nord-ouest du Canada.

En Amérique du Sud , le Jurassique a occupé une longue gouttière à l’emplacement de la cordillère des Andes, avec une série volcano-sédimentaire andésitique épaisse. La phase andine (kimméridgienne) est marquée par une recrudescence du volcanisme et par des intrusions granitiques.

2. La vie au Jurassique

Dans les mers

La fin du Trias coïncide avec une série d’extinctions qui donneront aux premières associations faunistiques du Jurassique une originalité certaine. La raison de la disparition de nombreux groupes n’est pas claire, mais on peut penser que la paléogéographie très particulière du Trias supérieur n’est pas étrangère à cette hécatombe.

Les mers épicontinentales étaient nombreuses mais localisées dans la zone aride, ce qui les fit évoluer en bassins sursalés qui déposaient des séquences d’évaporites correspondant à des salures de quatre à dix fois plus fortes que celle de l’eau de mer actuelle.

Les océans étaient eux-mêmes assez chauds et peut-être légèrement dessalés par rapport à l’époque hercynienne, en raison du stockage considérable des sels aux époques permienne et triasique. La vie n’était donc possible que dans les océans, mais une température élevée diminue considérablement la teneur des eaux en oxygène et en gaz carbonique, ce qui limite les domaines favorables à un riche peuplement.

Au Jurassique, les températures restent élevées, même sous les latitudes proches des pôles (Australie); l’étude des rapports isotopiques 1618O a fourni pour les bélemnites des températures de 15 à 21 0C. Mais la migration des continents permet une ouverture plus grande des mers épicontinentales sur les océans. Un peu partout dans le monde, des eaux de salure normale envahissent de vastes surfaces des continents: ces bassins développent et multiplient les habitats, ce qui favorise une évolution rapide et diversifiée des faunes dès la transgression liasique.

Algues et Protistes

Les Dasycladacées , algues vertes de mers chaudes, sont encore nombreuses, dans le Lias en particulier, où des faciès imitent ceux du Trias.

L’originalité de la microfaune réside dans le grand développement de deux groupes particuliers:

– Les Radiolaires pullulent au point de constituer parfois l’essentiel de lydiennes et de jaspes, souvent associés à des émissions volcaniques sous-marines.

– Les Calpionnelles , Protozoaires ciliés à coque gélatineuse agglutinante, sont très abondantes au Jurassique supérieur; elles fournissent une échelle stratigraphique précise du Tithonique.

Les Invertébrés

Beaucoup de régions fossilifères avaient une position telle que des mers tropicales baignaient leurs côtes: des récifs nombreux caractérisent cette période, accompagnés de biostromes et de biohermes importants.

Les Ammonites , qui s’étaient multipliées de façon spectaculaire pendant le Trias, sont particulièrement touchées par la crise fini-triasique. Un seul groupe survit qui fournit deux souches, les Lytoceratidae et les Phylloceratidae . Ces deux lignées habitaient les eaux des grands bassins à partir desquelles elles ont colonisé des milieux beaucoup moins profonds mais plus diversifiés, en donnant naissance à des formes nombreuses, plus spécialisées et souvent très ornementées. De nombreuses familles évoluent parallèlement; leurs représentants révèlent leur origine commune par des ressemblances de base, mais signalent leurs adaptations à des modes de vie et des habitats originaux par des différences de détail. Cette évolution rapide a permis une variabilité remarquable des formes sur laquelle s’est appuyé l’essentiel de la chronostratigraphie du Jurassique (fossiles de zones).

Parmi les Gastéropodes , la famille des Pleurotomariidés atteint son apogée avec des espèces adaptées à la vie épinéritique ou même littorale. D’autres formes présentent une hypertélie du labre, qui se développe en aile ou palmure digitée.

Les Lamellibranches sont très répandus, mais ce sont d’assez mauvais fossiles stratigraphiques, car, malgré leur vaste extension géographique, ils évoluent très lentement. Les Dysodontes sont représentés par des moules, des avicules, des pectens et des huîtres (Liogryphaea arcuata et gigantea du Sinémurien et du Pliensbachien). Les trigonies sont souvent très abondantes, de même que les pholadomyes. Dans les milieux récifaux, les Mégalodontidés servent de souche aux Rudistes, Lamellibranches fixés à valves puissantes. Ils apparaissent dans la Téthys à l’Oxfordien supérieur, avec le genre Diceras , fixé par l’une ou l’autre valve; les espèces qui en dérivent sont toutes, au Jurassique supérieur, fixées par la valve gauche.

Les Brachiopodes sont peu variés, mais souvent rassemblés en grande abondance dans certains biotopes particuliers. Le brachidium spiralé disparaît au Toarcien avec le dernier genre des Spiriférinidés (Spiriferina ).

Les Échinodermes , très nombreux, plus particulièrement dans les faciès pararécifaux, contribuent à fournir des calcaires zoogènes (calcaire à entroques, très communs au Jurassique moyen). Plusieurs familles d’Échinides évoluent vers le type «irrégulier», par migration du périprocte qui s’éloigne du pôle apical (Holectypus , Dysaster ).

Les Vertébrés

La richesse des mers en ammonites et bélemnites, l’exubérance de la vie récifale expliquent la richesse corrélative en Poissons et Reptiles.

Les Requins prédateurs sont déjà presque identiques aux Requins actuels; des formes se spécialisent et s’adaptent à la vie benthique aux dépens des Mollusques à coquilles. Les Poissons osseux sont surtout des Holostéens, mais les premiers Téléostéens apparaissent à la fin des temps jurassiques.

Depuis le Trias, certains Reptiles se sont réadaptés à la vie aquatique de leurs ancêtres Amphibiens; ils ont conservé leurs poumons, et les membres marcheurs se sont transformés en palettes natatoires.

– Les Ichtyosaures sont remarquablement adaptés à la vie marine pélagique, au même titre que les dauphins actuels. Ils atteignent 10 mètres de long pendant le Lias. La tête, au long museau pointu armé de dents nombreuses, fines et aiguës, s’articule sans cou sur une colonne vertébrale aux vertèbres biconcaves. De grands yeux, protégés par des plaques sclérotiques ossifiées, correspondent à une adaptation probable à la vue en eaux profondes. Quatre palettes natatoires servaient à freiner et à virer, une nageoire dorsale membraneuse et une queue hétérocerque inverse à l’équilibre et à la propulsion. Incapables de revenir à terre pour pondre, les Ichtyosaures étaient probablement vivipares ou ovovivipares (fig. 9).

– Les Plésiosaures évoluent pendant tout le Mésozoïque à partir de formes triasiques par allongement du cou (augmentation du nombre des vertèbres), recul progressif du tronc et allégement de la tête. Au Jurassique, les formes sont encore assez trapues, et une lignée, celle des Pliosaures, diverge rapidement et se rapproche un peu du type «ichtyosaure», avec un cou bref, une tête grosse et longue, terminée par un rostre.

– Les Géosaures sont les seules formes d’adaptation des Crocodiles à la vie marine; ils sont pourvus, comme les Ichtyosaures, de palettes natatoires et d’une nageoire caudale hétérocerque inverse.

– Les Reptiles volants (Ptérosauriens ) vivent sur les côtes ou chassent en pleine mer. Ils apparaissent au Lias, après des essais de vol de certains Lézards du Trias, et correspondent à la première solution naturelle du problème du vol, avec une grande membrane alaire tendue entre le corps, le membre antérieur et le doigt le plus externe, lequel est hypertrophié en quatre longues phalanges. Dimorphodon (Lias) ressemblait un peu à un pélican pourvu de dents. Ramphorhynchus (40 cm) avait de nombreuses dents aiguës, inclinées vers l’avant, et une longue queue terminée en palette membraneuse (fig. 10). Pterodactylus , dont on connaît vingt-trois espèces (de 10 à 60 cm), a été trouvé surtout dans les calcaires lithographiques du Jurassique supérieur de Bavière et du Wurtemberg. Il a la tête et le cou deux fois plus longs que le tronc, des ailes petites et des membres postérieurs assez puissants (fig. 10).

Des études récentes sur les insertions musculaires et les articulations des membres postérieurs des Ptérosauriens semblent prouver, contrairement à certaines assertions antérieures, que la plupart d’entre eux pouvaient courir assez vite pour décoller contre le vent.

Sur les continents

Avec le Jurassique, le milieu continental se trouve progressivement restreint, ce qui provoque une crise parmi la gent terrestre. En raison du petit nombre des dépôts continentaux connus, il existe une discontinuité importante dans les informations au moment de l’extension généralisée des mers épicontinentales. Par contre, faunes et flores sont riches au Lias, et plus encore au Jurassique supérieur, avec la formation Morrison aux États-Unis, le Kimméridgien d’Europe et la formation Tendaguru du Jurassique supérieur africain.

La flore

Sur les continents encore vastes du Lias, des bassin houillers se développent parfois et fournissent, ainsi que certaines séries détritiques, des flores d’une grande richesse.

Sous un climat chaud et homogène, les plantes évoluent lentement. Le Jurassique voit le passage des dernières Ptéridospermées aux Conifères, puis l’avènement des Angio-spermes: les plantes «inventent la fleur» et deviennent ainsi de plus en plus indépendantes du milieu en abandonnant progressivement l’«oviparité» des Ptéridospermées pour une placentation de plus en plus parfaite des ovules, protégés par la plante mère jusqu’à l’émission de la graine.

Les Caytoniales apparaissent au Rhétien et disparaîtront seulement au Crétacé supérieur. Dans le genre Caytonia , les appareils femelles sont sur des petites frondes grêles dont les pennes courtes se terminent par un ovaire résultant du rabattement de la penne sur elle-même: 6 à 8 ovules orthotropes groupés par paires sur la paroi dorsale, ce qui annonce l’ovaire carpellé à placentation pariétale; les appareils mâles sont des petites frondes à pennes bifides, chaque extrémité portant de 3 à 6 étamines nues, tétraptères, à déhiscence longitudinale: c’est déjà une fleur mâle. Après pénétration jusqu’au nucelle du pollen ailé, l’ovule se détache, puis la fécondation a lieu. Les feuilles sont pétiolées, composées digitées, à 3-6 folioles linéaires lancéolées de type «glossopteris».

Les Cycadales apparaissent au Trias avec, comme premier genre bien connu, le Palaeocycas (Rhétien). Les troncs simples mesurent quelques mètres et se terminent par une couronne de grandes feuilles souples, en ordre spiralé. Les organes reproducteurs sont groupés au sommet de l’axe, qui reprend sa croissance après la floraison. Les ovules occupent la place de folioles sur des feuilles petites à larges rachis. Issues des Ptéridospermées, les Cycadales donnent de vraies graines à germination rapide et manifestent une tendance à former des cônes.

Les Bennettitales , apparues au Trias, constituent plus de 50 p. 100 des arbres du Lias. Deux grands groupes y ont été reconnus avec des milliers d’espèces: les Cycadéoïdacées, à fleurs bisexuées; les Williamsoniées, à fleurs bisexuées ou monoïques.

Les Ginkgoales , apparues au Permien, sont à leur apogée. Le seul genre actuel (Ginkgo ) est connu depuis le Jurassique supérieur. Elles présentent des affinités avec les Cordaïtales, mais la structure de la tige est celle des Conifères modernes. La pollinisation a lieu sur l’arbre, mais la fécondation peut suivre la chute de l’ovule. La germination succède quelquefois, sans stade de repos, à l’embryogenèse.

Les Coniférales sont abondantes, avec dominance des Araucariacées et apparition des Taxodiées.

La faune

Le Jurassique est marqué par la prédominance des grands Reptiles dinosauriens jusqu’à des latitudes de 45 à 500 nord, mais beaucoup moins loin vers les latitudes sud.

Le milieu dans lequel ils vivaient semble du type tropical ou subtropical, riche en végétation, analogue à celui de la Floride actuelle. Malgré la température moyenne assez chaude du Jurassique, cela correspond à une position de certains continents (Amérique du Nord et Europe en particulier) beaucoup plus méridionale qu’à l’heure actuelle. La migration vers le sud, dès l’aube du Crétacé, des grands Reptiles, comme celle, sensible dès le Jurassique, des récifs coralligènes, souligne un déplacement vers le nord de ces continents, vers une position plus proche de celle que nous connaissons.

Chez les Sauripelviens , les carnivores théropodes, bipèdes, sont représentés par des formes rapides, de petite taille: Compsognathus (60 cm), trouvé à Solenhofen, Ornitholestes (2 m), de la «Morrison formation», et par des formes beaucoup plus grandes comme Allosaurus (5 à 6 m), prédateurs des grands herbivores (fig. 9).

Les Sauripelviens herbivores ou Sauropodes sont revenus à une attitude quadrupède. Ils se développent à partir du Jurassique moyen, mais leur origine est mal connue en raison de l’oblitération des biotopes par la grande transgression liasique. L’insularisation a favorisé des adaptations variées, mais les témoins de ces îlots sont rares. À côté d’espèces assez petites, les Sauropodes comportent une majorité de formes gigantesques atteignant plus de 20 mètres pour une masse de l’ordre de 35 tonnes, soit 6 à 7 fois la masse d’un éléphant adulte: Brachiosaurus , Brontosaurus , Diplodocus (fig. 11). Il est probable que les grands Sauropodes n’étaient pas des animaux habituellement terrestres: ils vivaient sans doute en partie immergés dans l’eau des marécages, comme les hippopotames actuels, abordant rarement la terre ferme. Leur grande taille et ce mode de vie aquatique permettaient une homéothermie par inertie, leur assurant la possibilité de résister à des changements sensibles de la température.

Les Avipelviens , tous herbivores, sont représentés dès le Lias par le groupe des Stégosaures: quadrupèdes hauts et étroits, à armure médiane composée de tubercules au Lias, de plaques et d’épines dressées au Jurassique supérieur. La taille varie de 4 à 7 mètres de long; leur tête est petite avec un cerveau réduit, mais un «cerveau sacré» de grande taille correspond à un renflement de la moelle épinière: il permettait des réactions réflexes rapides des membres postérieurs et de la queue qui constituait une arme redoutable.

Au Jurassique supérieur, les Ornithopodes bipèdes se développent: Camptosaurus , de la formation Morrison, annonce la lignée des Iguanodons crétacés.

L’avènement des Oiseaux, avec le genre intermédiaire Archaeopteryx du Jurassique supérieur de Solenhofen, mérite un intérêt particulier. Cet animal possède encore de nombreux caractères reptiliens: longue queue (faite de 20 vertèbres distinctes), os non pneumatiques, bec armé de nombreuses dents, métacarpiens et métatarsiens libres, trois doigts de la main porteurs de griffes, côtes non articulées sur le sternum. Mais de nombreux caractères aviens sont présents: pubis allongé vers l’arrière, clavicules soudées en «fourchette», premier doigt du pied opposable et surtout présence de plumes de même structure et de même disposition que celles des Oiseaux (fig. 10).

Les Mammifères, nés au Trias des derniers représentants (Ictidosauriens) de la lignée des Reptiles mammaliens, ne sont connus que par quelques gisements, dont les plus importants sont le Jurassique moyen de Stonesfiel et le Jurassique supérieur de Purbek en Grande-Bretagne, ainsi que la formation Morrison dans le Wyoming (États-Unis).

Les Pantothériens sont les seuls à présenter des affinités sérieuses avec leurs ancêtres reptiliens, mais rien encore dans les nombreuses espèces connues ne permet d’entrevoir la séparation conduisant aux Marsupiaux et aux Placentaires. Certaines formes avaient déjà une denture typique: 3 i, 1 c, 4 pm, 3 m. Les molaires ont habituellement trois cuspides en triangle et un talon postérieur.

Les Triconodontes , limités au Jurassique, sont des carnivores de taille inférieure à celle du chat (4 i, 1 c, 4 pm, 5 m), mais leur crâne est allongé comme celui des Insectivores actuels. Ils ne paraissent pas avoir eu de descendants.

Les Symmétrodontes , avec des molaires à trois cuspides, étaient des prédateurs de petite taille, sans descendance connue.

Les Multituberculés apparaissent au Purbeckien. À l’opposé des deux groupes précédents, ils sont un exemple unique de longévité dans l’histoire des Mammifères, car ils survivent jusqu’au Paléocène supérieur. Ce sont des herbivores ou des frugivores à denture très différenciée: molaires broyeuses, une seule incisive et pas de canine à la mandibule (Plagiaulax d’Angleterre).

Malgré la profusion des formes, dont beaucoup restent à découvrir, le développement des Mammifères semble freiné en raison de l’occupation des niches écologiques nécessaires à leur évolution par des formes reptiliennes moins évoluées, mais parfaitement adaptées.

jurassique [ ʒyrasik ] adj. et n. m.
• 1829; de Jura
Géol. Se dit des terrains secondaires dont le Jura est constitué en majeure partie. Système, période jurassique. N. m. Le jurassique : partie centrale de l'ère secondaire.

jurassique adjectif et nom masculin (de Jura, nom propre) Se dit d'une période de l'ère secondaire, ayant duré 60 millions d'années environ. (Le jurassique est marqué par le début du morcellement du Gondwana : le départ de Madagascar, de l'Inde, de l'Australie et de l'Antarctique crée l'océan Indien.)

jurassique
n. m. et adj. GEOL Période du milieu de l'ère secondaire faisant suite au trias, caractérisée par l'apogée des grands reptiles et l'apparition des oiseaux.
|| adj. La période jurassique.

⇒JURASSIQUE, adj.
GÉOL. Synon. de jurassien.
A. — [En parlant d'une période] Qui est compris entre le trias et le crétacé (deuxième période de l'ère secondaire) et est caractérisé par le dépôt d'épaisses couches calcaires, notamment dans le Jura. Des roches calcaires d'âge crétacé ou jurassique (VIDAL DE LA BL., Princ. géogr. hum., 1921, p. 162).
Emploi subst. masc. sing. (parfois avec majuscule). La flore du Jurassique est la flore la plus riche et la plus caractéristique des temps secondaires (PLANTEFOL, Bot. et biol. végét., t. 2, 1931, p. 620).
B. — Qui se rapporte à cette période. Faune, roche jurassique. La couche de grès vert située entre la craie et le calcaire jurassique (HUGO, Misér., t. 2, 1862, p. 527). De tous les Reptiles, ceux dont le cerveau a été le moins développé (...) sont les énormes Dinosauriens jurassiques (E. PERRIER, Zool., t. 4, 1928-32, p. 3056).
Prononc. et Orth. : []. Att. ds Ac. dep. 1878. Étymol. et Hist. 1829 (A. BRONGNIART, Tableau des terrains qui composent l'écorce du globe, p. 223). Dér. de Jura (v. jurassien); suff. -ique. Fréq. abs. littér. : 12.

jurassique [ʒyʀasik] adj. et n. m.
ÉTYM. 1829, Brongniart; de Jura.
Géologie.
1 Se dit des terrains secondaires compris entre le trias et le crétacé, qui forment la majeure partie du Jura. || Système, période jurassique.
N. m. || Le jurassique, partie centrale de l'ère secondaire, subdivisée en deux sous-systèmes. Lias, oolithique. || Étages du jurassique : oolithique supérieur (Portlandien), moyen (Kimméridgien; Lusitanien, groupant l'Argovien, le Rauracien, le Séquanien), inférieur (Oxfordien, callovien, bathonien, bajocien); liasique supérieur (Aalénien, toarcien), moyen (Charmouthien), inférieur (Sinémurien, hettangien), rhétien (parfois rattaché au Trias). || Les ammonites, bélemnites, gastéropodes, les grands reptiles (ichtyosaures), les premiers oiseaux (archéoptéryx) du jurassique.
2 Relatif à cette période géologique. || Calcaire jurassique. || Les reptiles jurassiques.

Encyclopédie Universelle. 2012.