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LOUIS XIV
LOUIS XIV

Louis XIV est un des personnages historiques sur lesquels l’attention demeure portée, sans que nul historien puisse prétendre donner de lui une image certaine et définitive. Qu’il ait influencé directement les destinées françaises et qu’à ce titre on ne puisse imaginer l’histoire de la France sans lui, nul doute. Mais, parce que son règne a curieusement associé une incontestable gloire à de très lourds malheurs pour la nation, il a été extrêmement loué ou critiqué et ses historiens se sont souvent partagés entre apologistes et détracteurs. On doit observer qu’il est beaucoup plus malaisé à comprendre pour des hommes de la fin du XXe siècle que pour ceux du début, parce que les profondes mutations de la société française au cours de cette période ont fait disparaître des aspects de la mentalité collective qui demeuraient, il y a soixantedix ans encore, relativement proches du XVIIe siècle. En revanche, les renouvellements de la méthode historique, surtout des études érudites sur les conditions de vie en France au temps de Louis XIV, autorisent une meilleure intelligence du pays sur lequel son action s’est exercée.

La période du règne personnel s’étend de 1661 à 1715, soit pendant cinquante-quatre ans, période du gouvernement effectif du souverain. C’est par le travail que l’on règne, disait Louis XIV; il a mis ce principe en pratique, jour après jour, par son assiduité aux affaires. Au Conseil d’en haut, véritable moteur de la monarchie, il a pris, avec un très petit nombre de ministres, les résolutions les plus importantes. Obtenir l’obéissance à l’intérieur, assurer la réputation de la France au-dehors étaient les règles essentielles de sa politique. Ses décisions avaient force de loi, elles étaient la loi même, en vertu de l’absolutisme royal, élaboré à la fois par la tradition féodale qui tenait le roi pour suprême suzerain et suprême juge et par les légistes imbus de droit romain, concevant l’autorité royale comme aussi indivisible que le point en géométrie et le roi comme arbitre, au nom de l’intérêt public, entre les divers ordres et les groupes de privilégiés (chaque groupe, même dans le tiers état, ayant ses privilèges et libertés). L’obéissance à l’intérieur signifiait donc la fidélité de la noblesse, la soumission de tous à la décision royale, la nécessité de la présence d’agents du pouvoir central (officiers et intendants).

La monarchie a ainsi reçu un caractère administratif plus marqué. Le prestige au-dehors impliquait une force militaire redoutable, afin d’appuyer les revendications vis-à-vis de l’étranger, la guerre, qui procure la gloire au vainqueur, devenant le recours normal, lorsque l’honneur est en question. À la tentation de la guerre, Louis XIV a peu résisté, mais les guerres, perdant leur caractère chevaleresque, sont devenues de plus en plus affaire de nombre, de discipline et de tactique. Elles réclamaient des sommes de plus en plus élevées au trésor royal, en fait à l’impôt. Les ressources le permettaient-elles? Pouvait-on rendre le pays plus riche et en recueillir un impôt augmenté sans cesse, mais qui parût à la fois supportable et équitable?

À cela s’ajoutait ce qu’on appelle aujourd’hui les réactions de mentalité collective. La fonction royale jouissait d’un rayonnement quasi religieux. Représentant de Dieu selon une conception hiérarchisée du monde, ayant reçu au sacre des charismes particuliers, le roi bénéficiait dans sa personne d’un prestige indiscutable. À une société patriarcale, il apparaissait comme le père par excellence, ses peuples étaient ses enfants. Or «les peuples se plaisent au spectacle, disait Louis XIV. Par là, nous tenons leur esprit et leur cœur.» D’où, ceci venant à la fois de la Renaissance et du caractère rituel de l’Église, le cadre magnifique où la vie du roi doit se dérouler comme une cérémonie. La cour, Versailles, Fontainebleau, Saint-Germain répondaient à cette quête de prestige.

Mais dans quelle mesure la France de Louis XIV, par son état démographique, par ses ressources, par l’adhésion morale des divers milieux, pouvait-elle s’adapter à ce que le roi demandait d’elle?

C’est le problème de ce règne, d’une durée surprenante et riche d’événements et de mutations.

1. Enfance et éducation (1638-1661)

La naissance d’un dauphin, le 5 septembre 1638, avait été accueillie avec joie par l’opinion du pays. À la fois dans les groupes éclairés de la société et dans les classes populaires, la France ressentait l’absence d’un héritier au trône comme une frustration nationale. Mariés depuis 1615, époux depuis 1619, le roi Louis XIII et la reine Anne d’Autriche étaient demeurés jusque-là sans enfant. Aussi ne faut-il pas s’étonner que, dans les couvents, on ait prié avec ardeur pour la naissance du dauphin et que sa venue ait été accueillie comme le signe de la dilection de Dieu envers les Français.

Presque toute l’Europe était alors religieuse et monarchique et chaque pays éprouvait la même ferveur pour ses princes légitimes.

Louis avait quatre ans et demi lorsque la mort de Louis XIII le fit roi (14 mai 1643). La France était depuis huit ans en guerre avec l’Espagne et l’Empire, lourde guerre aux frontières, et Richelieu avait plié à sa politique un pays récalcitrant, rebelle à l’impôt et aux intendants qui le faisaient payer. Pour maintenir son œuvre fragile, il avait en mourant (déc. 1642) recommandé à Louis XIII comme le meilleur ministre possible son collaborateur, le cardinal Mazarin. Anne d’Autriche, à qui le parlement de Paris avait reconnu le plein exercice de la régence, crut ne pas pouvoir gouverner sans l’assistance de Mazarin. L’épousa-t-elle secrètement? On ne le croit plus. Amants, amis, qu’importe! mais associés étroitement, dans l’éducation du jeune roi comme dans les autres affaires. On a beaucoup dit que cette éducation fut gâtée par la flatterie. Mais comment imposer des actes ordinaires à cet enfant exceptionnel, en qui l’on vénérait le roi? D’intelligence équilibrée, avec une excellente mémoire, Louis XIV reçut une éducation humaniste qui lui laissa une bonne connaissance du latin, une solide maîtrise de sa propre langue, un usage élégant de deux autres (italien et espagnol), des idées générales assez justes sur le passé de la France et ses institutions. Il fut pénétré ou se pénétra tout seul de sa conduite hors série, de son droit d’être le maître et de l’idée que résister à sa volonté (volonté ou caprice) était assurément mal faire. Il a déclaré lui-même qu’enfant il se sentait humilié par l’histoire des rois fainéants et des maires du palais. Sa principale école fut pourtant la terrible crise de la Fronde, survenue à l’heure où se terminait, par la paix de Westphalie, la guerre avec l’Empire, mais où la guerre principale contre l’Espagne prenait encore plus d’importance. Des événements, le petit roi reçut une série de chocs: la fuite à Saint-Germain par une nuit d’hiver (il avait dix ans), l’invasion de sa chambre par la populace parisienne venant s’assurer qu’on ne préparait pas un nouveau départ, les perpétuels remuements de la capitale dans la rue et même au palais royal, les allées et venues entre Paris troublé et la province, où les villes tantôt l’accueillaient, tantôt devaient être conquises, la guerre civile de l’été 1652 et le retour triomphal à Paris à l’automne. Il avait alors quatorze ans. Mazarin n’était pas encore rentré et le roi accomplit son premier acte d’autorité. Il fit arrêter le cardinal de Retz, surprenant tout l’entourage par sa résolution et sa dissimulation. Le secret, que Richelieu recommandait comme vertu royale, devait être toujours un trait de son comportement politique.

Du retour du cardinal (1653) à sa mort, huit années s’écoulèrent, au cours desquelles le jeune roi consentit à laisser à Mazarin les fonctions de Premier ministre et la direction des affaires. Période mal connue dans le détail, où l’autorité du roi fut de nouveau assise, beaucoup de malheurs de la guerre civile réparés, la situation de la France consolidée au-dehors par la paix avec l’Espagne, enfin conclue avantageusement (traité des Pyrénées, en 1659, où la France reçut l’Artois et le Roussillon), l’arbitrage accepté par les pays du Nord (Brandebourg, Suède, Pologne). Mais, pendant ce temps, l’adolescent devenait un jeune homme. Il paraissait enclin au plaisir et satisfait d’une vie de parade et de fêtes, figurant lui-même dans les ballets costumés, les carrousels et les cavalcades, montrant beaucoup de complaisance pour les concerts et les opéras à la manière italienne et baroque. Ses sens s’éveillaient, que la religion n’aidait guère à discipliner. Au demeurant, sa religion, difficile à apprécier équitablement, était déjà un mélange de foi profonde, d’attachement sincère au catholicisme, de déférence envers Rome et l’Église, de fidélité aux rites qui lui coûtaient le moins et d’un accommodement pharisaïque avec les entraînements de la chair. Toutefois, il se laissa marier, par nécessité politique, à l’infante Marie-Thérèse d’Espagne. De ce mariage il devait avoir six enfants, dont seul survécut l’aîné, le Grand Dauphin (1661-1711).

2. La période de jeunesse et de succès en Europe (1661-1684)

La réforme du Conseil et les essais de Colbert

La mort de Mazarin (mars 1661) permit au jeune souverain d’entrer en scène, car il se résolut aussitôt à exercer ce métier de roi que, dans les éclairants Mémoires pour l’instruction du dauphin , il a déclaré lui-même «noble, grand et délicieux». Des historiens d’à présent appliquent l’épithète «révolutionnaire» à ce qu’entreprit alors Louis XIV. Cela doit être entendu des incontestables changements que, pourtant traditionaliste (piété filiale envers son père, volonté de poursuivre l’œuvre des ancêtres pour l’élargir et l’améliorer), il apporta tout de suite au gouvernement effectif du royaume. Sa conviction est que le roi doit agir lui-même et que rien ne peut être décidé qu’en son nom. D’où la ferme décision d’écarter ceux à qui la naissance ou de hautes charges pouvaient prêter une autorité préjudiciable à la sienne. Délibérément, il ne souffrit plus jamais de Premier ministre, ni de prince du sang, ni de cardinal dans le Conseil du roi. Il ne rétablit jamais, à la tête de l’armée, la fonction de connétable (il la refusa encore à Villars en 1714). Après la chute de Fouquet, dont la richesse mal acquise (mais il y en avait d’autres) et l’influence sur trop de milieux éveillaient sa jalousie, il n’y eut plus de surintendant des Finances. Reste le chancelier qu’il n’a jamais supprimé; mais il en a diminué singulièrement l’autorité, en le confinant dans la présidence du Conseil des parties, qui devint de plus en plus un tribunal administratif. Dans les différents conseils, qui étaient de véritables conseils de gouvernement (Conseil d’en haut, Conseil des dépêches, Conseil des finances), il n’admit que des commis d’origine bourgeoise. Il les comblait d’honneurs, de titres de noblesse et de richesses, mais sans que jamais on pût les confondre avec les membres de la noblesse du sang, ni oublier qu’ils étaient les «domestiques» du roi. Il fut simplement assisté dans cette entreprise par Colbert, un ancien intendant de Mazarin, très bon connaisseur du travail effectif des conseils, prodigieusement intelligent et laborieux, passionnément ambitieux et autoritaire, mais prudent et assez habile pour ne jamais lui porter ombrage. Colbert n’eut que le titre de contrôleur général des Finances, mais il réorganisa le Conseil des finances et il reçut les secrétariats d’État de la Marine, de la Maison du roi. Pratiquement, relevèrent de lui les intendants de province, tout le commerce, la navigation, les eaux et forêts et les colonies. L’armée de terre et la politique étrangère dépendaient d’autres ministres (Le Tellier et Louvois pour la première, Lionne, Pomponne, Croissy pour la seconde), alors qu’au temps de Richelieu et de Mazarin le principal ministre connaissait de tout. Au Conseil des finances – création de Colbert – était arrêté le brevet de la taille et établi le budget, que le contrôleur général aurait voulu positif, les recettes équilibrant les dépenses; à cause des charges générales de la monarchie, surtout les frais de la guerre et de bâtiments, cela fut bientôt impossible. Comme par le passé, le gouvernement royal ne cessa de s’endetter. La méthode de Colbert eut pour résultat que la monarchie, dans les affaires intérieures du royaume, de judiciaire devint de plus en plus administrative et fiscale, soumettant effectivement les privilèges des provinces, des communautés urbaines et rurales aux exigences du contrôle général, transmises par les intendants et leurs subdélégués. Ainsi, il y eut plus d’ordre et d’unité dans le royaume, mais au détriment de la liberté. Colbert, appliquant la doctrine mercantiliste, voulait animer la production française pour vendre au-dehors et attirer en France la plus forte quantité possible d’espèces. Il fonda les manufactures d’État, accorda des privilèges à des entreprises de particuliers, s’attacha à améliorer l’administration des forêts, mit en chantier des navires de guerre pour la défense des côtes et la protection de la flotte marchande. Il encouragea la création de compagnies de commerce et de navigation pour les Antilles, le golfe de Guinée, la Baltique.

Les limites au succès de son entreprise ne tiennent pas seulement, comme on l’a dit, aux charges de la politique de magnificence que, contre son avis, Louis XIV prétendait poursuivre. Colbert aurait souhaité limiter la prodigalité du roi, mais il se heurtait à des difficultés qui ne dépendaient pas de volontés individuelles. Le XVIIe siècle a connu souvent une météorologie défavorable, compromettant les récoltes et entraînant la gêne des producteurs et des rentiers de la terre. En outre, la demande se restreignait sur le marché international, par la suite d’un fléchissement dans la production des mines d’Amérique et de l’abaissement démographique de plusieurs pays européens. Moins d’espèces en circulation, moins d’acheteurs disponibles dans le monde. Cela explique, pour une grande part, l’essoufflement des compagnies, la répugnance du public sollicité à risquer ses fonds dans des entreprises incertaines et l’attachement aux modes traditionnels de placement: achat de rentes, d’offices (d’autant plus que le Trésor en offrait toujours), prêts entre particuliers et achat de terres, souvent parcelles après parcelles, pour arrondir les héritages, au détriment des biens communaux ou des paysans les plus pauvres. Colbert s’est préoccupé de l’agriculture, essayant de diminuer la taille pour en obtenir le paiement intégral, d’encourager les cultures nouvelles et l’amélioration de l’élevage. S’il n’a pu obtenir les transformations qu’il escomptait, si la population française ne s’est pas élevée rapidement (terrible mortalité infantile, durée moyenne de vie de vingt-cinq ans), la France avait, entre 1660 et 1670, la réputation d’un pays riche en ressources.

La civilisation française

Dans l’ordre politique, la France avait pris la relève de l’Espagne; dans celui de la civilisation, elle allait prendre celle de l’Italie, magnifique par l’éclat de ses cours et la richesse incomparable de ses centres artistiques: Rome, Florence, Parme, Bologne, Venise, la qualité de ses ateliers, la renommée de ses théâtres, l’autorité admise des théoriciens. À cela s’ajoutait la surabondance des œuvres antiques. Il fallait donc capter des richesses et une réputation, attirer en France «tout ce qu’il y a de beau en Italie», disait Colbert. La pensée française elle-même et les arts avaient accompli d’immenses progrès. Une élite d’écrivains, d’architectes, de peintres et de sculpteurs s’était constituée au service d’une clientèle d’Église, de seigneurs et de hauts personnages. En pleine vigueur au moment où le roi prit le pouvoir, elle avait travaillé pour Mazarin, puis pour Fouquet. Louis XIV l’employa à son tour. Dix années de réussites merveilleuses: Corneille, dont le talent demeure souple et inventif, Molière, dont les comédies figurent au programme des grandes fêtes de cour, Racine, dont les tragédies renouvellent le genre, les peintres Le Brun et Mignard, l’architecte Le Vau, Mansart, le créateur de jardins Le Nôtre.

Le roi aimait le beau, et en cette matière il jugeait bien, d’instinct. Colbert, continuateur de Richelieu dans ce domaine aussi, entendait que la qualité des œuvres fût garantie par la sûreté de doctrine et le contrôle des «intelligents», c’est-à-dire de personnes instruites des règles et bien informées. À l’instar de l’Académie française qui veillait à la pureté de la langue, de nouvelles académies furent créées: Académie des inscriptions ou Petite Académie (1663) pour les médailles et les inscriptions lapidaires sur les monuments publics, Académie de peinture et sculpture (1664), Académie des sciences (1666), Académie d’architecture (1671). Tout cela officiel, assurément, mais pas du tout contraignant, comme on l’a prétendu, ni académique, au sens figuré du terme. Car les tempéraments étaient divers, les opinions et les manières se transformaient sans cesse, fût-ce en s’attachant toujours à un idéal d’harmonie, d’équilibre et de raison.

Sans doute, les artistes ont besoin de mécènes et produisent dans l’esprit qu’on leur suggère. Mais deux faits doivent être reconnus: d’une part, à cette date, l’éclosion d’une culture élaborée depuis deux générations et qui s’exprime; de l’autre, l’attrait exercé par le roi lui-même, dont la jeunesse et la gloire s’offrent comme des thèmes naturels d’inspiration. Il est Apollon, Alexandre, parce que sa renommée et sa présence semblent les incarnations de ces grands symboles et de ces illustres souvenirs (le cycle d’Alexandre, de Le Brun). Cela est si vrai que le plus grand sculpteur et architecte du temps, Bernin, le second Michel-Ange, comblé de commandes et d’honneurs, accepta de venir à Paris, dans l’espoir de couronner sa carrière illustre par un morceau hors pair: la reconstruction du Louvre. Et ce n’est pas du tout la querelle du classique et du baroque qui empêcha l’affaire conclue d’être réalisée; ce fut la coïncidence de la première guerre (1667), et des économies qu’elle imposait, avec la présence à Paris d’excellents architectes, au demeurant jaloux de l’Italien, et dont les projets prouvaient qu’ils pouvaient faire aussi bien et moins cher. Parler de feu d’artifice, parce que la période, disons flamboyante, de ces réussites fut assez brève, c’est ne pas faire sentir toute son intensité qui devait nourrir les œuvres françaises au cours des décennies suivantes et consacrer la réputation universelle d’un style. Classicisme essentiel et original, mais qui n’exclut pas nombre d’aspects baroques, ni même l’existence d’un baroque français, coloré, fervent et pourtant sans outrances. Il ne faut pas seulement penser aux grandes œuvres célèbres, ou à celles que les historiens d’art avertis d’à présent remettent au jour, mais à une très nombreuse production dans les provinces, pour les églises et les demeures privées, et encore à la multitude des exécutants, des artisans pourvus d’une véritable maîtrise technique et de beaucoup de goût, à Paris et dans les villes. Assurément, Louis XIV, sa gloire, son administration et sa politique ne peuvent porter une immédiate responsabilité, mais ce qui fut accompli autour du roi ou à cause de lui donna son impulsion à toute cette civilisation, justifiant ainsi qu’on parle du siècle de Louis XIV.

La politique étrangère

En 1667, la France rompit la paix qu’elle maintenait avec l’Espagne depuis huit ans. Ce fut le commencement des guerres qui tinrent une si grande place dans le règne et dont il est plus important de comprendre le caractère et les conséquences que d’évoquer les péripéties. Ainsi se trouvent posés deux problèmes: celui de la politique étrangère du roi et celui de la force militaire du royaume.

Y eut-il dès l’origine un programme arrêté ou même une idée directrice de la politique étrangère? Les historiens ont cru les reconnaître dans les prétentions à la succession d’Espagne ou à des fragments de cette succession, parce que la dot de la reine Marie-Thérèse, moyennant quoi celle-ci renonçait à ses droits, n’avait pas été payée et que la recherche de compensation s’était imposée, dès la mort de son père, le roi Philippe IV (1665). D’autres ont évoqué la mauvaise configuration des frontières (qui, même après la paix de Westphalie et celle des Pyrénées, laissaient le royaume vulnérable) et l’ambition d’atteindre les frontières naturelles, le Rhin sur toute sa longueur. La première interprétation est excessive, la seconde provient d’une idée fausse, étendant à l’époque de Louis XIV des desseins formés bien plus tard. On a évoqué, enfin, avec de meilleurs arguments, la passion de la gloire qui fut l’un des traits essentiels du caractère de Louis XIV. Au XVIIe siècle, un roi était, par excellence, un chef de guerre, le premier gentilhomme de son royaume et, comme tel, il devait rechercher «de grandes occasions de se signaler». Les termes sont de Louis XIV. Mais de lui aussi cette réserve: «La grandeur de notre courage ne doit pas nous faire négliger le secours de notre raison et plus on aime chèrement la gloire, plus on doit chercher à l’acquérir avec sécurité.» Louis XIV, dont un autre trait était la prudence, ne s’est jamais jeté à l’étourdie dans une aventure guerrière. Ce qui ne signifie pas que, pesées, toutes ses décisions furent sages, car son ambition et son orgueil, attisés par plusieurs de ses conseillers, provoquèrent des résistances, et même des offensives auxquelles il ne s’attendait pas. Au début du règne, le Conseil du roi (Brienne et Lionne) n’incitait pas aux actions d’éclat et la seule raison de rechercher la guerre eût été l’humeur impatiente de la jeune noblesse. Un exutoire fut offert aux plus ardents par l’envoi de troupes en Hongrie en 1664, pour secourir l’empereur et la chrétienté lors d’une offensive ottomane, qui fut arrêtée, en partie grâce aux Français, près du couvent de Saint-Gotthard, dans la région de la Raab.

Surtout, il faut bien comprendre la nature judiciaire et chicanière de la diplomatie d’alors. Dans aucun pays elle ne s’inspirait d’un idéal philosophique ou moral et n’en mettait les principes en avant. Sur chaque territoire pesaient un nombre énorme de droits de suzeraineté, compliqués par les contrats et les successions et qui justifiaient la légitimité du détenteur actuel, contestée par d’autres prétendants à la possession. Les traités signés, leur application soulevait d’interminables débats, où naturellement le plus fort l’emportait, mais en prouvant que le droit était pour lui. Le résultat avait comporté beaucoup de complaisances et d’intrigues, afin d’obtenir les convictions ou les consentements.

Pour les territoires et les droits d’Alsace, cédés à la paix de Westphalie, pour les droits de la reine et le traité des Pyrénées, pour les terres du duché de Lorraine, les unes vassales d’Empire devenues autonomes et les autres vassales de France, la situation ne pouvait être établie que de cette manière. Aussi Louis XIV ne concevait-il la politique étrangère qu’à travers ces débats, dont la procédure, œuvre de feudistes et d’experts, était portée au secrétariat d’État aux affaires étrangères et au Conseil. La diplomatie et la représentation du roi auprès des autres souverains étaient confiées déjà à de grands commis spécialisés ou à des personnages importants. Ceux-ci employaient informateurs et espions. Une autre habitude du temps était la constitution de clientèles. Il y en avait en France. Il paraissait naturel qu’au dehors le roi, par des obligations et des cadeaux, s’attachât des seigneurs influents ou des ministres. À la fin du règne, lors des pourparlers de La Haye, il offrait encore des millions à Marlborough, général de la coalition adverse, pour l’incliner à son parti.

À son droit, à son crédit, à son influence, Louis XIV a cru, de plus en plus, comme à autant de valeurs irrésistibles. Il ne s’est probablement jamais fait une idée nette de ce que représentait l’achat d’une conscience, et, croyant chez les autres au seul intérêt et pour lui-même à son bon droit, il s’est préparé bien des désillusions et des erreurs de manœuvre. En outre, il faut citer encore, le sens et l’agrément du métier royal lui paraissant d’avoir «les yeux ouverts sur toute la terre, apprendre à toute heure les nouvelles de toutes les nations, le secret de toutes les cours, l’humeur et le faible de tous les princes et de tous les ministres étrangers», cela, pour brillant et pénétrant qu’il semble, laissait de côté la nature et les intérêts profonds des peuples, leurs traditions religieuses et leurs possibles réactions de sensibilité collective, tout ce qui pouvait rendre un jour irréductibles des adversaires ou des ennemis.

En 1661, la France disposait d’alliances: la Suède, les Provinces-Unies, l’Angleterre, depuis Cromwell et surtout la restauration de Charles II Stuart. Louis XIV était garant des traités de Westphalie, protecteur de la ligue du Rhin (alliance intérieure de plusieurs princes d’Empire) et disposait d’une clientèle en Allemagne. Mais bientôt, en pleine paix, les chicanes avec la cour d’Espagne pour la préséance des ambassadeurs, avec le pape pour la garde corse suscitèrent l’image d’un roi agressif qui entendait fonder son prestige sur l’humiliation des autres. Lui qui était doué personnellement de tant de qualités aimables se destinait à être craint au dehors, tant qu’il serait redoutable, mais à n’être jamais aimé et à devenir détesté.

Il y eut de bons résultats pourtant: l’achat, au roi Charles II, de Dunkerque, enclave anglaise sur le continent, le traité de Montmartre avec le duc de Lorraine, qui cédait son duché à la France, tout en le conservant à titre viager. Il est vrai que le duc intrigua et que Louis XIV fit occuper militairement la Lorraine, ce que l’Empire n’admit jamais. Les relations avec l’Empire et l’empereur étaient délicates. Lors de l’élection de 1658, Mazarin n’avait pas présenté la candidature de Louis XIV à l’Empire, parce qu’il ne jugeait pas l’affaire assez mûre. Léopold de Habsbourg avait été élu. Mais Louis XIV, qui jalousait la dignité impériale, espérait qu’elle lui reviendrait un jour, à lui ou au dauphin, et ce fut l’une des raisons d’entretenir une alliance avec des princes allemands, dont l’Électeur de Brandebourg. En cas de guerre avec l’Espagne, la position de l’empereur et de l’Empire serait sûrement d’une importance presque décisive.

L’armée

Cette guerre devenait de plus en plus probable, à partir de la mort de Philippe IV. Il faut ici parler de l’armée. Le secrétaire d’État qui l’avait dans son ressort était le plus fidèle serviteur de la monarchie: Michel Le Tellier, excellent intendant et administrateur. Ses réformes avaient contribué à corriger les défauts d’un système qu’on ne pouvait transformer d’un coup: armée recrutée par engagements volontaires (racolage), encadrée par des officiers nobles, courageux et braves, mais peu disciplinés. Les colonels et capitaines achetaient leurs charges, entretenaient eux-mêmes leurs troupes en trafiquant sur le nombre des hommes et les marchés. Les règlements de Le Tellier mirent le plus d’ordre possible dans les questions de solde, de subsistance et d’étapes. Ils améliorèrent l’armement de l’infanterie et de la cavalerie, l’emploi de l’artillerie qui dépendait encore d’un grand maître (1 000 canons fondus de 1664 à 1666) et l’aménagement des forteresses. On disposait déjà d’excellents ingénieurs, formés par une tradition française et italienne, bons connaisseurs de la mise en défense d’une place, de la disposition des bastions, de la manœuvre de la mine. Ainsi, l’armée devint vraiment royale, dans ce sens que le roi l’eut désormais à sa disposition comme la base et l’instrument de sa politique extérieure, qu’elle fut administrée régulièrement comme les autres secteurs. Elle eut de bons généraux, à l’école des deux grands chefs dont la réputation était européenne: Turenne, ancien élève des stratèges hollandais, Condé, tacticien intrépide et entraînant. Tous deux, qui avaient été rebelles, ne respiraient que le service du roi et Louis XIV appela le premier le «père de la patrie». Dès la guerre de 1667, l’armée française, par le nombre (72 000 hommes, dont beaucoup de régiments étrangers, suisses, allemands et italiens, selon l’usage du temps) et surtout par la capacité, était supérieure aux autres armées européennes.

Elle ne cessa de se transformer, au cours de la guerre de Hollande. Le Tellier était assisté de son fils Louvois, qui le remplaçait pratiquement. Moins réservé que son père, Louvois, parce qu’il sentait l’armée de plus en plus forte et efficace, encouragea la politique de conquêtes et d’ambition. En territoire étranger, il usa de procédés d’extermination épouvantables: le dégât, c’est-à-dire l’incendie et l’arasement du plat pays. Ses soins se portèrent vers l’armement (fusil, baïonnette), l’intendance, la solde et la sécurité des étapes. Parallèlement à son effort, celui de Colbert et de Seignelay, son fils et successeur, pourvut la France d’une marine de qualité, aussi bien par la construction des meilleurs et plus beaux navires dans les arsenaux de Brest et de Toulon (vaisseaux de haut bord pour le Ponant, galères en Méditerranée) que pour l’enrôlement des marins (inscription maritime), et cela avec d’autant plus de mérite qu’à la différence de l’Angleterre et de la Hollande, l’opinion française n’était pas celle d’un pays intéressé par les choses de la mer. Surtout, il y eut l’œuvre de Vauban. Cet ingénieur militaire, que son mérite éleva jusqu’à la dignité de maréchal de France, pourvut les villes conquises et les ports d’un système nouveau d’ouvrages fortifiés, si bien que l’invasion du royaume devenait sinon impossible, du moins très difficile.

Mais les guerres successives obligèrent à augmenter le nombre des troupes et à compléter les enrôlements militaires par la milice (tirage au sort, 1688). Bien des vices anciens subsistèrent, mais, mieux encadré, mieux ravitaillé, mieux armé, entouré de plus de soins (les Invalides), le soldat français de Louis XIV prit une figure originale et connut un destin plus digne que celui de la période précédente.

Une période de succès (1661 à 1684)

Le souci du prestige de la France au-dehors, qui se confondait alors avec la puissance et la réputation de la dynastie, a incontestablement entraîné Louis XIV à une politique belliqueuse, très lourde par ses conséquences fiscales et dont les excès ont suscité contre lui des coalitions qui finirent par mettre en péril le royaume lui-même. Une première phase, celle des succès, qu’il ne faut pas croire toujours faciles, s’étend de 1661 à 1679. Elle s’est déroulée dans l’esprit de la traditionnelle rivalité entre la France et l’Espagne, mais elle a conduit aussi au conflit avec la Hollande et l’Empire. Pendant toute cette période, l’Angleterre des Stuarts demeura plutôt favorable à Louis XIV.

La guerre de Dévolution (1667-1668) n’était pas reconnue comme telle; Louis XIV prenait possession des villes du Nord comme part de la reine dans la succession de son père, en vertu d’un droit des Pays-Bas. Après une brillante campagne de sièges, il obtint onze places, dont Lille, au traité d’Aix-la-Chapelle. S’il avait pu s’assurer la neutralité de l’empereur, il avait été pressé de conclure la paix par la formation d’une triple alliance entre l’Angleterre, les Provinces-Unies, la veille adversaires, mais réconciliées pour lui offrir leur médiation, et la Suède. Il était relativement aisé de ramener l’Angleterre et la Suède dans l’orbite de la France, mais, pour des raisons religieuses, politiques et surtout économiques, la rivalité avec les Hollandais était difficile à surmonter. Après quatre ans de préparation diplomatique, Louis XIV ouvrit le conflit avec les Provinces-Unies et, en quelques semaines (1672), les réduisit à demander la paix. Mais les conditions qu’il proposa furent si dures qu’elles entraînèrent une révolution à La Haye, la chute du gouvernement républicain de Jean de Witt et l’arrivée au pouvoir du stathouder Guillaume d’Orange, qui devait être l’un des adversaires les plus acharnés de Louis XIV. Une coalition se forma entre les Hollandais, l’Espagne, l’empereur, l’Empire et le duc de Lorraine. Tout l’effort de la guerre se reporta de la Hollande vers les Pays-Bas espagnols, la Franche-Comté et l’Alsace. La nouveauté fut le déploiement de la force française sur mer, dans la guerre d’escadre et la guerre de course. Les flottes d’Espagne et de Hollande subirent de sérieux échecs en Méditerranée, autour de la Sicile, occupée par les soldats de Louis XIV. À l’est de l’Europe, l’Électeur de Brandebourg, qui était passé d’un camp à l’autre, battit les Suédois à Fehrbellin (1675). L’insurrection hongroise d’Imre Thököly, à laquelle la France aurait voulu procurer l’appui de la Pologne, gênait l’empereur, sans apporter de solution au conflit. Les négociations engagées à Nimègue garantirent les plus grands avantages à la France. Celle-ci obtenait de l’Espagne la Franche-Comté, des villes du Hainaut, de la Flandre maritime et de l’Artois, ce qui donna, après quelques échanges, un tracé continu à la frontière du Nord-Est. La Hollande était plus ménagée par un nouveau traité de commerce. Dans l’Empire, l’empereur cédait Fribourg-en Brisgau. La Lorraine devait être restituée à son duc, mais amputée de Nancy et traversée de quatre routes. La résistance du duc servit de prétexte pour la conserver provisoirement. Quant à l’Alsace, les circonstances avaient permis à Louis XIV de rompre les derniers liens qu’elle avait avec l’Empire et d’y asseoir son autorité directe, favorable à un relèvement économique du pays.

Les territoires cédés l’étant, selon la vieille formule, avec leurs appartenances et dépendances, Louis XIV, conseillé par Colbert, de Croissy et Louvois, étendit ses revendications. Des chambres des parlements de Metz, Besançon, Douai et un conseil à Brisach prononcèrent des arrêts de réunion. Puis, en 1681, Louis XIV obtint la capitulation de Strasbourg et il acheta Casal au duc de Mantoue.

Redouté de toute l’Europe, où commençaient à se nouer des alliances défensives, Louis XIV était au faîte de sa puissance. Les complications provinrent de l’Orient. Un vizir ambitieux, Kara Mu ルレaf , avait reconstitué et regroupé les forces du sultan pour les lancer à l’assaut de Vienne. Les pays de l’empereur d’Allemagne, la Pologne, l’Italie même voyaient dans cette entreprise un péril pour toute la chrétienté. Aussi le pape Innocent XI souhaitait-il la formation d’une ligue dont Louis XIV, le prince le plus fort d’Europe, aurait pris la tête. Au contraire, Louis XIV voulait utiliser cette menace pour décider les autres à reconnaître définitivement ses réunions. Le résultat fut que les Turcs purent assiéger Vienne en juillet 1683 et que, sans la participation des Français, les Allemands et les Polonais de Jean III Sobieski livrèrent et gagnèrent la bataille de la délivrance. Le prestige de la France était atteint.

Néanmoins, après une courte guerre avec l’Espagne, Louis XIV put obtenir aux traités de Ratisbonne la cession de Luxembourg et la reconnaissance pour vingt ans des réunions, y compris celles de Strasbourg et Casal. Il lui fallait se garder, dès lors, de toute provocation.

Versailles

À cette date, bien des transformations avaient été accomplies à l’intérieur du royaume. L’une des plus importantes fut l’aménagement du palais de Versailles, où les services des ministres se fixèrent auprès du roi, séparation entre la capitale et la résidence du gouvernement qui devait se révéler lourde de conséquences.

Sur le plan de l’art, la réussite était admirable: Hardouin-Mansart achevait le premier remaniement du palais commencé par Le Vau. À l’intérieur, la galerie des Glaces, décorée par Le Brun, reliait le salon de la Guerre à celui de la Paix, comme le symbole de la politique royale qui prétendait n’avoir fait la guerre que pour assurer la tranquillité à l’Europe. Au-dehors, le parc avec les bassins, le grand canal, les bosquets et Trianon: rien de pareil n’avait été accompli depuis les Romains. Et dans ce cadre, les fêtes, les concerts, la vie d’une cour bien réglée et servile autour du maître, dont elle attend faveurs et pensions, et la libre entrée du peuple qui, dans une surprenante cohue, prend sa part du spectacle.

Mais les difficultés du gouvernement intérieur sont nombreuses, surtout les affaires religieuses.

Les affaires religieuses

Louis XIV prenait appui sur l’Église, le concordat de 1516 et les indults lui donnant le droit de nommer les évêques et de pourvoir à de nombreux bénéfices. D’autre part, le clergé de France, dans ses assemblées de cinq en cinq ans, lui accordait, par le don gratuit, une solide contribution financière. Les curés avaient la charge de l’état civil. Cette religion liée aux institutions et à l’ordre social du royaume, était vécue avec plus d’intensité et de foi par les fidèles, sous l’influence de prêtres plus éclairés et formés dans les séminaires. Au début du règne personnel, Louis XIV se méfiait des dévots qui censuraient le théâtre et les divertissements auxquels il prenait le plus de plaisir, et qui, par la compagnie du Saint-Sacrement, surveillaient la vie privée.

Mais il voyait dans l’unité de foi et de doctrine une garantie d’ordre et de stabilité pour le royaume et, bien qu’attaché au Saint-Siège, il voulait marquer l’indépendance absolue de sa monarchie de droit divin à l’égard de toute puissance spirituelle. De là bien des flottements dans sa politique religieuse. Depuis l’époque de Mazarin, les jansénistes étaient persécutés comme rebelles à la doctrine officielle de la Sorbonne et aux bulles du pape. Louis XIV sévit contre le groupe de Port-Royal, religieuses et solitaires.

L’extension à tous les évêchés de France d’un droit de régale qui réservait au roi des avantages dans certains diocèses suscita un conflit avec le pape Innocent XI et la résistance d’évêques de tendance janséniste. Le roi demanda à l’assemblée du clergé, dont les attributions étaient financières, de rédiger un corps de doctrine des libertés gallicanes et de le faire enseigner dans les séminaires. Ce fut la déclaration de 1682, qu’Innocent XI et ses successeurs condamnèrent. Il semblait que l’on fût à la veille d’un schisme: pure apparence, car les évêques français, bons théologiens et canonistes, cherchaient à préserver l’harmonie des deux pouvoirs. La crise se dénoua après la révolution d’Angleterre, qui consolidait le protestantisme dans l’Europe du Nord.

Les évêques, comme le roi, souhaitaient la conversion des protestants par la persuasion (Fénelon), par la discussion (Bossuet) et par la prédication. Mais ils jugeaient licite, sinon nécessaire, le secours du bras séculier. En 1685, persuadé qu’il ne restait plus que des opiniâtres, Louis XIV révoqua l’édit de Nantes et interdit le culte réformé dans le royaume. Peut-être, par cette mesure retentissante, pensait-il atténuer les mérites qui revenaient à l’empereur d’avoir sauvé la chrétienté à Vienne. Les conséquences furent désastreuses: l’élite sociale des protestants (nobles et bourgeois) s’enfuit de France et porta dans les pays de refuge (Brandebourg et Hollande) ses capitaux et ses procédés de fabrication.

Des pays protestants, une propagande indignée dénonça la tyrannie de Louis XIV et les Soupirs de la France esclave (Pierre Jurieu).

L’esprit janséniste ou du moins augustinien, le succès d’une morale austère et d’une pratique sérieuse se trouvaient largement diffusés par les ouvrages d’écrivains religieux et combattus par d’autres. Tel le livre de l’oratorien Pasquier Quesnel: Réflexions morales sur l’Ancien et le Nouveau Testament . La querelle engagée autour de lui réveilla le jansénisme. À la fin du règne, le roi sollicita du pape la bulle Unigenitus qui condamnait cent une propositions du P. Quesnel. À l’opposé du jansénisme, une doctrine mystique, le quiétisme, opposa deux des plus grands évêques français: Bossuet et Fénelon. La soumission exemplaire de Fénelon lui prêta plus d’autorité dans la lutte qu’il menait contre le jansénisme. Ainsi les affaires religieuses, sous leur aspect politique comme sous leur aspect spirituel, avaient troublé l’opinion au lieu de l’apaiser.

3. Trente années difficiles (1684-1715)

De part et d’autre de 1700

On établit parfois une opposition entre une période de succès (1661-1684) et un long déclin, de 1685 à la mort du roi, le temps des deux grandes guerres de coalition: celles de la ligue d’Augsbourg (la guerre de Neuf Ans des historiens anglais, 1688-1697) et de la Succession d’Espagne. Deux guerres très longues, en effet, coïncidant avec des pointes de détresse économique (famines de 1693 et 1709) et comportant des revers militaires encore jamais vus. La politique extérieure a suscité des complications immenses et vraiment superflues pour un pays dont la vie générale était difficile, mais les deux guerres ont trop accaparé l’attention et fait oublier qu’on ne peut interpréter par un constant déclin la vie de la nation pendant ces trente ans que divise en parts égales la date charnière de 1700, passage du XVIIe au XVIIIe siècle.

La vie privée de Louis XIV avait été longtemps scandaleuse. S’il n’accordait à ses maîtresses aucun rôle politique, il les laissait paraître à la cour plus reines que la reine, surtout Mme de Montespan, et, après avoir dissimulé quelques années ses bâtards, il les fit légitimer par le parlement de Paris, dota les fils de titres princiers et maria les filles avec des princes de sang. À la mort de la reine (1683), il contracta un mariage secret avec la marquise de Maintenon, qu’il laissa prendre sur les affaires générales une influence discrète, mais efficace, de conseillère. La cour parut plus grave, malgré les contradictions entre la dévotion et le dérèglement des mœurs. Contemporains et historiens on fait porter à Mme de Maintenon la responsabilité de toutes les mesures fâcheuses: c’est exagérer de beaucoup son rôle. Si les plaisirs de Versailles ne furent plus ceux du début du règne, on ne peut parler d’un déclin de la civilisation française. Le roi continue à embellir et transformer Versailles, Trianon, Marly; on joue les opéras de Lulli, les œuvres de musique religieuse et profane se multiplient. L’art décoratif évolue avec Bérain, la sculpture se renouvelle avec Coysevox, la peinture avec Largillière et les débats de l’Académie sur le coloris et le dessin; l’urbanisme accomplit des réussites à Paris et en province; on ne saurait oublier l’essor des arts provinciaux et populaires, le grand nombre de retables qui ornent les églises, mêmes les paroissiales de campagne, l’imagerie et la faïencerie. La littérature produit des chefs-d’œuvre, des Caractères de La Bruyère à l’Athalie de Racine. Mais un nouvel esprit, plus critique, apparaît. Un plus grand nombre de gens savent lire et écrire, prennent goût aux ouvrages de religion, de jurisprudence et d’histoire. C’est le temps du Dictionnaire de Bayle, du Détail de la France de Boisguillebert, du Projet d’une dîme royale de Vauban. L’intérêt augmente pour les sciences, les voyages, les peuples étrangers. À un rythme lent, mais soutenu, les promotions sociales s’accomplissent dans les familles du peuple et de bourgeoisie. L’élite s’est élargie et nuancée. Enfin, les signes ne manquent pas, à Paris et dans plusieurs provinces, d’un progrès économique, mais fragile et qui retombe, très vite, sous l’influence des guerres et des charges fiscales.

Louis XIV n’est pas vraiment populaire, à la manière des enthousiasmes modernes, mais il demeure le roi et, en dehors des polémistes, l’opinion l’identifie toujours à la France.

La guerre de la ligue d’Augsbourg

La guerre de la ligue d’Augsbourg est sortie de l’impatience de Louis XIV à transformer en paix définitive les trèves de Ratisbonne et de sa crainte de voir l’empereur et l’Empire se retourner contre la France dès que serait terminée la guerre contre les Turcs (reprise de Bude en 1686, de Belgrade en 1688). Crainte justifiée ou non? Le problème n’est pas éclairci. Mais Louis XIV, en même temps, semblait saisir toutes les occasions de se montrer insatiable (exigences pour l’élection de l’archevêque de Cologne et réclamations pour l’héritage de Madame, fille de l’Électeur Palatin). Or, il était de plus en plus détesté et critiqué en Allemagne, tandis que ses rapports avec l’Angleterre se détérioraient. Parce qu’il y avait implantation des Français au Canada, progrès de la colonisation en Amérique, du commerce des Îles, établissement des comptoirs dans l’Inde, les milieux d’affaires et le Parlement anglais prenaient conscience de la rivalité économique avec la France et surveillaient le roi Jacques II, catholique et client de Louis XIV. Le 25 septembre 1688, Louis XIV lança un manifeste exigeant dans un délai de deux mois la transformation des trèves en traité définitif et il prit des gages en ordonnant l’entrée de ses troupes au Palatinat et la dévastation du pays. Cette mesure horrible, conseillée par Louvois et Chamlay, eut pour résultat le rassemblement de l’Europe contre la France. L’âme en fut le stathouder de Hollande, Guillaume d’Orange, qui suscita contre son beau-père, Jacques II, la révolution anglaise de 1688, se fit reconnaître pour roi, associé à sa femme Marie II. Une coalition à la fois formidable et hétéroclite réunit contre la France l’Angleterre, les Provinces-Unies, l’empereur, l’Empire, l’Espagne et la Savoie. Louis XIV crut qu’il la dissocierait par des victoires sur l’Angleterre. Mais sa flotte de guerre, victorieuse d’abord (Tourville au cap Beveziers, 1690) fut dispersée au désastre de la Hougue. Il y eut alternances d’avantages et de revers dans la guerre de course, les luttes au Canada et autour de Pondichéry.

Les opérations de terre se déroulèrent en Flandre (victoires de Fleurus, Steinkerque et Namur) et en Savoie (Staffarde et La Marsaille). Mais, dès 1693, la disette et le coût de la guerre inclinaient à faire la paix. Rallié à l’opinion de son ancien secrétaire aux Affaires étrangères, le marquis de Pomponne, Louis XIV comprit qu’il fallait sacrifier une partie des réunions pour garder l’essentiel. Au Congrès de Ryswick (1697) les délégués français firent preuve de sagesse. Le roi rendit les réunions, mais conserva Strasbourg et obtint la vallée de la Sarre. Il restitua la Lorraine au duc, qui épousa la fille de Monsieur. Il reconnut Guillaume III pour roi d’Angleterre. Des garnisons hollandaises occupèrent des forteresses aux Pays-Bas.

Finances et économie

La guerre obligeait le gouvernement à trouver des ressources, alors que, par son seul déroulement, elle pesait sur la vie économique et contribuait à la détérioration de celle-ci. Pendant la guerre de la ligue d’Augsbourg le besoin d’espèces, qui explique le retentissant sacrifice de son mobilier d’argent par le roi et l’appel peu écouté à tous les détenteurs de métal précieux, obligea le deuxième successeur de Colbert, le comte de Pontchartrain, à s’engager dans le jeu compliqué des manipulations monétaires (dévaluation et réévaluation du louis et de l’écu) et à réclamer toujours davantage à la taille, au bail des fermes, à solliciter enfin des contributions plus importantes du clergé et des états provinciaux. Il prit des mesures nouvelles: un impôt par tête, la capitation de 1695, fut institué. La répartition des contribuables en classes se révéla assez arbitraire et décevante; néanmoins l’impôt rapporta quelque 22 millions par an. Le contrôleur général multiplia les créations d’offices et de rentes, avec un certain succès au début. Les effets de la famine de 1693 paraissent avoir été très importants sur les rentrées de fonds: les arriérés de taille augmentèrent, l’industrie périclita, les rentes et les offices attirèrent moins, faute d’argent disponible. Il fallait donc emprunter à des négociants et à des munitionnaires, et des fortunes de spéculateurs s’édifiaient sur la gêne ou la misère du plus grand nombre.

Cependant, la guerre finie, le relèvement du pays fut rapide. Les enquêtes demandées aux intendants en 1697 pour fournir au duc de Bourgogne, fils aîné du dauphin, une image exacte de son futur royaume et permettre au Conseil du roi de préparer de possibles réformes nous révèlent une extrême diversité dans la condition des provinces. Le poids du passé est lourd: le mode de culture demeure routinier et peu productif. On se plaint de la baisse des biens fonds et du déclin des rentes foncières en nature ou en argent. Mais ailleurs le commerce s’anime, surtout dans les ports atlantiques. Et pour fournir des cargaisons aux vaisseaux à destination de l’Amérique espagnole, sans passer par Cadix, le textile (drap et toile) reprend un bel essor. D’où la fortune et l’autorité des grands marchands: les Legendre, les Mesnager, et des armateurs pour lesquels s’ajoute bientôt le profit de la traite des nègres. Bien que le Trésor soit de plus en plus obéré, un redressement de l’économie se dessine et, lentement, gagne de proche en proche. Les idées de mercantilisme et de colbertisme ne sont plus de saison, on croit que la liberté est nécessaire et les nouvelles compagnies des mers du Sud s’inspirent d’un esprit nouveau. Les hommes d’affaires vont être appelés à siéger au Conseil du commerce. L’économique va-t-il l’emporter sur le politique?

Tout fut remis en cause en 1700 par la mort du roi d’Espagne. Pour préserver l’intégrité de la monarchie, Charles désigna pour héritier unique le duc d’Anjou, second fils du dauphin, ou, s’il refusait, l’archiduc Charles, second fils de l’empereur. Après Ryswick, par deux traités de partage successifs avec l’Angleterre et la Hollande, Louis XIV avait prévu un partage de la succession d’Espagne, qui attribuait seulement à la France quelques territoires. Mais l’empereur n’avait jamais consenti à reconnaître ces traités.

La plus terrible guerre

Louis XIV prit l’avis de son conseil et de Mme de Maintenon avant de décider s’il accepterait ou non le testament. Il sentait le risque d’une guerre avec l’empereur qui venait de conclure une paix avec les Turcs. Il pensait que les puissances maritimes et l’Angleterre apprécieraient qu’il renonçât pour la France à tout bénéfice territorial. Mais il n’appliquait pas des traités qu’il avait signés et, surtout, il était moins question de provinces continentales que de commerce de mer. L’assurance que la France aurait une situation privilégiée dans l’empire espagnol et qu’elle serait capable de devenir le premier État du monde remplaça toutes les autres raisons de revenir sur la reconnaissance résignée que l’Europe (sauf l’empereur) avait paru accorder à Philippe V.

Guillaume III, avant de mourir lui-même, conclut avec Anthonie Heinsius, grand pensionnaire de Hollande, et l’empereur Léopold Ier la grande alliance de La Haye, à laquelle adhérèrent la Savoie et le Portugal. La coalition était dirigée par des chefs de très haute valeur: le prince Eugène de Savoie, prestigieux vainqueur des Turcs et véritable homme d’État, Heinsius et Marlborough, général et diplomate habile. Mais elle avait aussi ses points faibles. La France disposait de l’alliance de l’Espagne, de celle des Électeurs de Cologne et de Bavière, au ban de l’Empire, mais elles devenaient des charges autant que des secours, surtout à cause de l’extraordinaire chaos du gouvernement de l’Espagne. L’armée française (200 000 hommes) possédait encore de bons chefs: Villars, Vendôme, Berwick, à côté de très médiocres, tels Villeroy, La Feuillade, Marcin, mais elle se montra bien inférieure à ce qu’elle avait été, par la moindre qualité de l’état-major et la baisse de combativité de la troupe. On essaya, par l’Italie et la vallée du Danube, d’attaquer Vienne et de mettre mat l’empereur. La liaison ne put se faire, malgré la victoire des Français à Höchstädt (1703), et ce fut, un an après, aux mêmes lieux (Hôchstädt-Blenheim), l’écrasement d’une armée franco-bavaroise par les efforts conjugués de Marlborough et du prince Eugène. Les revers, dès lors, se suivirent d’année en année: Belgique perdue après Ramillies, citadelles du Nord tombant l’une après l’autre (Lille, 1708), le Milanais, Naples au pouvoir de l’archiduc Charles, reconnu pour roi d’Espagne par les alliés et installé lui-même à Barcelone. L’alliance de Charles XII tourna au désastre, après la brillante équipée terminée à Poltawa. Impossible d’assister utilement la révolte hongroise de François Rákóczi. Au printemps de 1709, Louis XIV se résignait à demander la paix: il renonçait à Lille et à Strasbourg. Mais les exigences des alliés, «tellement contraires à la justice et à l’honneur du nom français», le décidèrent à poursuivre la lutte; la bataille de Malplaquet eut des résultats indécis. Et, après de nouvelles offres de paix en 1710, il fallut lutter encore, pour ne pas consentir à la honte de tourner ses armes contre Philippe V d’Espagne. Bientôt, la fortune changea: en Espagne, Vendôme remporta la victoire de Villaviciosa (1710); Villars, par une brillante manœuvre, barra au prince Eugène, qui la croyait ouverte, la route de Paris (Denain, 1712). Sans doute la guerre continentale avait-elle mis le royaume en danger, mais ce danger avait été écarté, grâce à la volonté du vieux roi et du ministre Torcy et, à travers des misères atroces, à la résistance morale obstinée de la nation.

Toutefois l’enjeu de la lutte, autant que le maintien des Bourbons à Madrid, était la puissance sur mer. En Amérique, les terres de colonisation française, Canada et Louisiane, enveloppaient le domaine des colonies anglaises. Dans les Antilles, les îles françaises produisaient des denrées de plus en plus recherchées par la clientèle européenne. Les Français possédaient des territoires dans l’Inde et, même pendant la guerre, les vaisseaux de commerce français avaient apporté des mers du Sud des piastres, à temps pour renflouer le Trésor. L’alliance de la France et de l’Espagne coloniales était une idée inacceptable pour les milieux d’affaires anglais.

Mais, en 1711, la mort de Joseph Ier et l’élection de l’archiduc à l’Empire firent craindre aux Anglais une trop grande puissance des Habsbourg. La paix leur parut préférable, avec des traités de commerce. À Utrecht, en 1713, la monarchie espagnole fut partagée: Philippe V, gardant l’Espagne et les colonies, accordait aux Anglais les privilèges concédés à la France et le droit d’occuper Gibraltar. Louis XIV renonçait à Terre-Neuve et à l’Acadie et aux fortifications de Dunkerque. Un beau duel de guerre se déroula en Souabe entre Villars et le prince Eugène, à l’avantage du premier. À la fin de 1713, les adversaires se retrouvèrent en négociateurs à Rastatt, où ils conclurent la paix en 1714. La France gardait Strasbourg et obtenait Landau. En faisant l’une à l’autre le sacrifice peu honorable de leurs alliés respectifs (les Catalans pour l’empereur, Rákóczi pour Louis XIV), les deux puissances se promirent amitié et alliance. La fin de leur irréductible inimitié pouvait garantir une paix durable en Europe, où la Russie avait peu d’influence encore, et neutraliser les deux régions où elles s’étaient fait si longtemps la guerre: l’Allemagne et l’Italie.

Fin du règne

Les finances du roi s’étaient épuisées à soutenir cette lutte de dix années, malgré une nouvelle capitation (1701) et quelques innovations ingénieuses, comme les billets de monnaie. Néanmoins, très vite, dès 1714 et 1715, reparurent les signes d’une nouvelle prospérité: les ateliers se ranimèrent, on reparla de liberté pour les affaires. Mais l’un des résultats les plus concrets du règne avait été l’insensible développement d’un absolutisme administratif. L’État avait capté un pouvoir d’intervention, de décision et d’initiative qui soumettait de plus en plus tous les régnicoles à une autorité exercée au nom du roi, mais qui partait en réalité du Conseil et des bureaux et que les intendants appliquaient dans les provinces. Les institutions provinciales et municipales étaient désormais tenues en bride. Pourtant, dans la pratique, et surtout à la campagne, les anciens usages persistaient et maintenaient la diversité.

Le vieux roi conservait sa lucide attention aux affaires, plus préoccupé sans doute de prestige au-dehors que de changements à l’intérieur. Ayant livré les fortifications de Dunkerque, il pensait à en reconstruire à Mardyck. La mort du dauphin en 1711, celle du duc de Bourgogne et du fils de celui-ci en 1712 ne lui laissaient pour héritier direct qu’un arrière-petit-fils, né en 1710. Quand il mourut lui-même, le 1er septembre 1715, il mesurait les difficultés d’une régence qu’il avait cru un temps écartée de l’avenir.

Son règne avait été démesurément long. Traversé de gloire et de catastrophes, il n’est pas de ceux que l’on puisse apprécier et moins encore juger par une formule. Les excès en sont évidents, et surtout les provocations de guerre qui lui valurent tant de haines et coûtèrent si cher au pays. Mais à l’intérieur de frontières améliorées (Lille, Strasbourg, l’Alsace, la Franche-Comté), le territoire de la France avait été préservé de l’invasion étrangère et, malgré les difficultés et les disparates, la nation française, par la culture de l’élite, le rayonnement de ses œuvres, le prestige de son travail, avait pris, parmi les autres d’Europe, qui la tenaient pour grande et respectable, une place de premier ordre.

Encyclopédie Universelle. 2012.