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PROHIBITION
PROHIBITION

PROHIBITION (1919-1933)

Par le XVIIIe amendement à la Constitution, ratifié en janvier 1919, la prohibition est instaurée aux États-Unis. Désormais, il est interdit de fabriquer, de vendre et d’acheter sur le territoire fédéral toutes les boissons qui contiennent plus de 0,5 p. 100 d’alcool. La campagne prohibitionniste remonte au milieu du XIXe siècle, lorsque l’État du Massachusetts décida que le rhum ne devait être vendu qu’en grosses quantités pour éviter que le peuple ne s’enivre. De cette époque date la création du Prohibition Party (1869), le plus ancien des petits partis américains en activité de nos jours, qui lors des élections présidentielles de 1888 et 1892 obtint jusqu’à 2,2 p. 100 des suffrages; depuis 1900, il n’a plus guère d’activité qu’à l’échelon local. Mais c’est au début du XXe siècle que les prohibitionnistes deviennent particulièrement actifs. Ce sont alors des progressistes: combattre l’ivrognerie, lutter contre les injustices sociales et la corruption politique, voilà leur programme. Une Amérique saine reviendra, croient-ils, à ses traditions démocratiques: si les influences étrangères sont néfastes, il conviendra de limiter strictement l’immigration, qui porte en elle les germes de destruction de la société américaine. Plusieurs États, notamment dans l’Ouest, suivent ces conseils avant 1914 et interdisent, à l’intérieur de leurs frontières, la consommation d’alcool. Pour que la mesure soit efficace, il faut que l’Union passe tout entière dans le camp de la prohibition. L’amendement à la Constitution offre la solution légale: son adoption est favorisée par l’esprit né de la guerre. Une évolution, toutefois, se manifeste. Les prohibitionnistes sont, après 1920, plus ruraux que citadins, plus sudistes que nordistes et se regroupent dans l’Anti-Saloon League. S’ils veulent toujours rendre la société américaine plus morale, ils soulignent en même temps que l’interdiction fera augmenter la productivité. Ils rappellent de plus en plus souvent que l’alcoolisme est essentiellement une maladie de la société européenne, que les immigrants la transportent sur le Nouveau Continent, bref qu’il convient de s’en tenir à un «américanisme à cent pour cent». Ils sont alors beaucoup plus conservateurs que progressistes et se recrutent surtout dans les milieux fondamentalistes, nationalistes, proches du Ku Klux Klan.

Les adversaires de la prohibition parlent d’une atteinte à la liberté individuelle. Ils considèrent, d’ailleurs, que l’excès d’alcool, non sa consommation mesurée, est néfaste, que le XVIIIe amendement vise à porter atteinte à un genre de vie qui est celui des immigrants de fraîche date, comme les Italiens ou des catholiques, comme les Italiens encore ou les Irlandais. Ils estiment aussi que l’application de cette mesure est impossible. De fait, les autorités fédérales ont la plus grande peine à contrôler les entrées d’alcool étranger et à empêcher sa commercialisation clandestine à des prix très élevés. Les brasseries et les distilleries, dissimulées dans les grandes villes ou dans les campagnes, rapportent des fortunes à leurs propriétaires. Gangsters et bootleggers (contrebandiers d’alcool) profitent de l’aubaine pour tirer les plus gros profits d’un trafic dangereux, mais prospère. Face à la loi, ils imposent leurs méthodes, qui reposent sur la combine et la violence: avocats marrons et hommes de main sont particulièrement appréciés; le code et la mitraillette protègent les trafiquants, tandis que la guerre entre les bandes rivales fait de nombreuses victimes. Les administrations municipales, trop faibles pour combattre la gangrène, cèdent souvent au chantage: la prohibition renforce encore la corruption politique. Les Américains honnêtes ne respectent guère le XVIIIe amendement, puisqu’ils acceptent de payer à prix d’or quelques gouttes d’un whisky frelaté, consommé en cachette dans un speakeasy . Les partis politiques sont divisés, encore que les républicains soient plutôt dry (secs) et les démocrates plutôt wet (humides). Al Capone et le syndicat du crime connaissent leurs plus beaux jours.

L’échec de la prohibition entraîne toutefois un revirement de l’opinion publique. En 1933, le XXIe amendement annule le XVIIIe amendement.

prohibition [ prɔibisjɔ̃ ] n. f.
• 1237; lat. prohibitio
1Défense, interdiction légale. condamnation, 1. défense, interdiction. Prohibition du port d'armes. La prohibition de l'inceste.
2Interdiction d'importer, de fabriquer, de vendre certaines marchandises, certaines denrées (pour répondre à des préoccupations stratégiques, de santé morale ou physique, etc.). Douanes Marchandises frappées de prohibition de sortie, dont l'exportation est subordonnée à la production d'une licence. « un droit de prohibition sur les blés étrangers » (Zola).
(1890) Absolt LA PROHIBITION : la prohibition de l'alcool, aux États-Unis (de 1919 à 1933). « La prohibition appartient à la même série législative que la défense d'enseigner l'évolution » (Siegfried). Les speakeasys de la prohibition.
⊗ CONTR. Autorisation, permission.

prohibition nom féminin (latin prohibitio, -onis) Action de prohiber ; interdiction décrétée par une autorité : La prohibition de certaines armes. Aux États-Unis, interdiction de fabriquer et de vendre des boissons alcooliques qui fut en vigueur entre 1919 et 1933. (La prohibition absolue exista aussi en Norvège de 1919 à 1926 et en Finlande de 1919 à 1932.)

prohibition
n. f.
d1./d Action de prohiber (qqch). La prohibition de l'inceste.
d2./d ECON Interdiction légale d'importer ou d'exporter (un produit).

⇒PROHIBITION, subst. fém.
A. —Interdiction promulguée par une autorité; p.méton., mesures qui en découlent. Prohibition de l'inceste; prohibition du port d'armes; prohibition des stupéfiants. La croyance nouvelle (...) allait bientôt décréter à son tour certaines prohibitions et parmi celles-ci l'interdiction du mariage entre proches (GAULTIER, Bovarysme, 1902, p.154). V. inceste A 1 ex. du Monde dimanche:
1. Sous Louis XI, les prohibitions devinrent plus sévères (...): ce tyran (...) fit menacer par son parlement de la confiscation, des verges et du bannissement, tous clercs, tant du Palais que du Châtelet, qui joueraient des farces et des sotties...
SAINTE-BEUVE, Tabl. poés. fr., 1828, p.178.
P. métaph. [Les pédants étourdis] renouvellent leur prohibition du grotesque allié au sublime (HUGO, Préf. Cromw., 1827, p.18).
Vx ou littér. Prohibition de + inf. Les servitudes non apparentes sont celles qui n'ont pas de signe extérieur de leur existence, comme (...) la prohibition de bâtir sur un fonds (Code civil, 1804, art. 689, p.126). Comme la prohibition d'écrire ne s'étend pas jusqu'à moi, je veux vous faire mention d'Agnès de Catane dont on raconte ici la romanesque histoire (SAND, Lélia, 1839, p.486). J'ai peint la figure de Pan, la passion de l'univers travaillé par la prohibition de subsister (CLAUDEL, Art poét., 1907, p.160).
B. —1. ÉCON. POL. Interdiction d'importer, d'exporter certains produits, pour des raisons diverses (salubrité, sécurité publique, fiscalité, protection douanière). Prendre des mesures de prohibition; prohibitions à l'importation, à l'exportation. Pourquoi êtes-vous forcés d'approuver la prohibition de l'exportation des grains à l'étranger toutes les fois que l'abondance n'est point assurée dans l'intérieur? (ROBESP., Discours, Subsist., t.9, 1792, p.113). V. convention1 ex. 1:
2. On a vu (...) des fabricans de chapeaux de Marseille solliciter la prohibition d'entrée des chapeaux de paille venant de l'étranger, sous prétexte qu'ils nuisaient au débit de leurs chapeaux de feutre!
SAY, Écon. pol., 1832, p.180.
Droit de prohibition. Taxe de douane très élevée équivalant à la prohition d'importation ou d'exportation d'un produit. Synon. droit prohibitif. La protection, n'est-ce pas? La surtaxe, un droit de prohibition sur les blés étrangers, pour que les blés français doublent de prix! (ZOLA, Terre, 1887, p.369).
2. En partic., absol., HIST. Interdiction d'importer, de fabriquer, de vendre et de consommer de l'alcool aux États-Unis (de 1919 à 1933). À New-York (...) la prohibition a supprimé l'ivresse officielle (MORAND, New-York, 1930, p.77). —Quoi donc, s'étonna Caracalla, n'importe qui peut entrer [au bar], il suffit de connaître le nom de la patronne! —C'était la même chose pour les speakeasies, à New-York, du temps de la prohibition (VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, p.58).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1237 «interdiction absolue» (Franchises commerciales accordées par la commune de Londres aux marchands d'Amiens, de Corbie et de Nesle ds A. THIERRY, Rec. des Monuments inéd. de l'Hist. du Tiers État, t.1, p.805); 2. 1890 la prohibition «interdiction de vendre certaines boissons alcoolisées (dans un état américain)» (La vie polit. à l'étranger, p.384 ds QUEM. DDL t.21); plus spéc. 1927 «interdiction des boissons alcoolisées sur tout le territoire des États-Unis» (A. SIEGFRIED, Les États-Unis d'aujourd'hui, p.67 ds REY-GAGNON Anglic.). Empr. au lat. prohibitio «interdiction, défense», dér. de prohibere, v. prohiber; au sens 2 d'apr. l'usage de l'angl. prohibition aux États-Unis (1851 ds Americanisms) plus spéc. à propos de l'interdiction nationale du dix-huitième amendement de la Constitution des États-Unis du 16 janv. 1919 dont l'application relevait du National Prohibition Act appelé Volstead Act (v. Americanisms, DAE, Encyclop. Brit.). Fréq. abs. littér.:95.

prohibition [pʀɔibisjɔ̃] n. f.
ÉTYM. 1237; lat. prohibitio, de prohibere.
1 Action de prohiber; défense, interdiction légale. Condamnation, défense, inhibition (vx), interdiction (→ Indivision, cit.). || Prohibition du port d'armes.Vx. || Prohibition de faire qqch.
2 Écon. Interdiction d'importer, de fabriquer, de vendre certaines marchandises, certaines denrées (pour des raisons de salubrité, de sécurité, de protection douanière…). || Droits de prohibition. Prohibitif.
1 Ah ! oui, la protection, n'est-ce pas ? la surtaxe, un droit de prohibition sur les blés étrangers, pour que les blés français doublent de prix ? Enfin, la France affamée, le pain de quatre livres à vingt sous, la mort des pauvres ! (…) Comment, vous, un homme de progrès, osez-vous en revenir à ces monstruosités ?
Zola, la Terre, IV, V.
(1890, à propos des lois des États, in D. D. L.). Hist. || La prohibition (calque de l'angl. des États-Unis prohibition). Prohibition de l'alcool, aux États-Unis (entre 1919 et 1933). → Alcool, cit. 2; bootlegger.
2 La prohibition appartient à la même série législative que la défense d'enseigner l'évolution : c'est une mesure de moralisation nationale (…) Le mouvement prohibitionniste a donc sa source au « saint des saints » : de là son immense portée. Celui qui en aurait la compréhension intégrale pourrait se vanter d'avoir pénétré l'âme américaine.
André Siegfried, les États-Unis d'aujourd'hui, I, V.
CONTR. Autorisation, permission.
DÉR. Prohibitionnisme, prohibitionniste.

Encyclopédie Universelle. 2012.