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RÉÉDUCATION
RÉÉDUCATION

L’étude de ce qu’il est possible de faire en faveur des enfants ou des adultes handicapés, physiquement diminués, a fait de grands progrès au cours de ces dernières décennies. On a cessé de considérer qu’ils relevaient de la seule charité ou qu’ils avaient tout simplement droit à une pension, pour chercher de plus en plus, et avec un réel succès, à leur rendre au maximum leurs capacités physiques, à les aider à surmonter leur déficience, à leur permettre de devenir, dans toute la mesure du possible, des membres indépendants et heureux, à même de subvenir à leur existence, au sein d’une communauté normale.

L’évolution en ces différents domaines laisse encore place à de nombreux progrès, tant dans les techniques médicales pures, tenant notamment à la chirurgie orthopédique et réparatrice et aux prothèses fonctionnelles, que dans l’approche de certains aspects de la réhabilitation. C’est ainsi que le problème professionnel gagnerait à être posé plus tôt encore qu’il ne l’est, dès le premier examen après un traumatisme, car l’indication et les modalités d’une intervention chirurgicale doivent parfois être envisagées dans ce contexte particulier; il en est de même pour les prothèses destinées à se substituer à un membre amputé ou dont l’usage est irrémédiablement perdu.

On étudiera successivement les étapes de cette réadaptation globale en insistant sur le fait que, pour être efficace, ce processus doit être précoce et continu, et qu’il requiert à chacun de ses stades la collaboration éclairée, active et confiante de l’intéressé, les solutions techniquement correctes ne pouvant, de leur côté, être trouvées et élaborées que par une coordination constante des efforts de tous les protagonistes: services médicaux et paramédicaux, services d’orientation et d’enseignement professionnel, services sociaux divers fonctionnant dans le cadre de la santé publique et des organismes chargés de l’emploi.

La notion de rééducation des malades mentaux se fonde sur celle de hiérarchie fonctionnelle. La maladie mentale atteint les fonctions les plus complexes et les plus récemment acquises au cours de l’évolution des vivants. Elle se traduit par un blocage de l’évolution de la personnalité. Théoriquement, les méthodes thérapeutiques visent à modifier les fonctions atteintes, donc à réduire les troubles pathologiques, tandis que les méthodes de rééducation cherchent à développer les fonctions restées saines et qui se situent à un niveau plus primitif. En fait, toute thérapie utilise les phénomènes de régression pour désinhiber le sujet et favoriser la reprise de son évolution, et toute rééducation réussie se traduit par un bénéfice thérapeutique parfois important.

1. Rééducation des handicapés physiques

La profonde évolution des conceptions et des possibilités médicales et sociales concernant les diminués physiques a marqué les législations successives qui, de la phase passive et compensatrice qu’elles revêtaient naguère, s’orientent vers une phase réparatrice et active au sens le plus large du terme, la réhabilitation, tendant à s’approcher le plus possible d’un retour à l’état où se trouvait le sujet avant l’apparition d’une maladie ou d’un traumatisme qui a laissé des séquelles ou qui est passé à la chronicité, ou bien à réduire les conséquences des insuffisances constatées à la naissance.

La rééducation fonctionnelle

La rééducation fonctionnelle est devenue une branche importante de la thérapeutique moderne. Elle doit son individualité aux malades auxquels elle s’adresse, à l’utilisation de techniques particulières et à l’intervention d’un personnel paramédical spécialisé.

Principales indications

La rééducation fonctionnelle s’adresse à de nombreux cas: séquelles de maladies, d’accidents ou de blessures.

Atteintes de l’appareil locomoteur : maladies neurologiques (hémiplégies, paraplégies, tétraplégies), maladie de Parkinson, séquelles de comas traumatiques, poliomyélite antérieure aiguë, polynévrites, myopathie, infirmité motrice cérébrale; maladies rhumatologiques (entre autres, lombalgies, maladie arthrosique, polyarthrite rhumatoïde, pelvi-spondylite rhumatismale); traumatologie: fractures, entorses, luxations, plaies des nerfs, lésions du plexus brachial, sections tendineuses, par exemple; orthopédie dite froide: scoliose, chirurgie de la hanche (prothèse), chirurgie de la main rhumatismale, malformations du pied, par exemple; brûlures, amputations.

Pathologie respiratoire : les affections aiguës ou chroniques, qu’elles entraînent ou non le recours à des interventions chirurgicales, exigent un certain nombre d’exercices visant au meilleur contrôle de la sangle abdominale et à l’utilisation optimale du jeu diaphragmatique et permettant de diminuer l’encombrement respiratoire et d’augmenter la capacité vitale.

Pathologie cardio-circulatoire : la thérapeutique de réadaptation physique s’adresse surtout aux coronariens, avec l’objectif essentiel de développer la circulation collatérale myocardique et de donner ainsi toute sa valeur fonctionnelle au muscle non infarci; elle est fondée sur des activités physiques sévèrement contrôlées et très progressivement graduées.

Obstétrique même, par l’intermédiaire de la gymnastique abdomino-pelvienne des accouchées; et la préparation à l’accouchement «sans douleur» sera citée pour mémoire.

Le nombre des malades et des blessés justiciables d’une rééducation fonctionnelle est en augmentation constante du fait de l’accroissement de la durée de vie, des progrès de la réanimation et des soins après réanimation apportés aux grands handicapés, comme les tétraplégiques, qui ont une espérance de vie plus longue. Enfin, la vie moderne de plus en plus mécanisée est responsable du nombre croissant des traumatisés. Il s’agit des accidents de la voie publique, des accidents du travail, qui, en dehors de ceux qui interviennent pendant le trajet, menacent surtout les membres supérieurs, et aussi des accidents du sport, dont les plus spectaculaires sont les tétraplégies pouvant survenir lors de plongeons en piscine.

Massage et kinésithérapie

L’action thérapeutique du massage n’est pas négligeable. Il permet, en assurant une meilleure vascularisation, d’agir sur la trophicité musculaire, de réaliser une kinésithérapie active. Son action n’est cependant qu’éphémère, et lors d’une séance de rééducation, le massage, toujours agréablement ressenti par les malades, ne doit pas empiéter sur le temps de rééducation active qui, elle, a une portée durable.

La kinésithérapie a pour but de redonner au malade une fonction articulaire et musculaire aussi satisfaisante que possible. Elle empêchera les raideurs et les déformations articulaires par la mobilisation active ou passive des articulations, par la mise en posture d’articulations enraidies, par l’utilisation d’attelles s’opposant aux déformations. Elle permet de donner au malade une meilleure utilisation de sa fonction musculaire. L’atrophie d’inaction, surtout fréquente lors d’immobilisation par fracture, est combattue par des contractions volontaires, mais actives. L’atrophie par atteinte neurogène périphérique est traitée par des contractions actives. Dans l’atrophie par atteinte myogène, les muscles sont fatigables mais bénéficient largement d’un entretien dosé de leur activité. Dans les atteintes centrales (d’origine cérébrale), l’effecteur musculaire est intact; c’est un trouble de la commande qui est en cause et c’est sur lui qu’il faut agir.

Cette rééducation musculaire se fait selon deux méthodes, analytique ou globale, rejetant, quelles que soient leurs modalités de détail, les anciens moyens de mécanothérapie passive pour les remplacer par des méthodes essentiellement actives, la mobilisation passive s’adressant uniquement aux amplitudes articulaires et devant absolument rester non traumatisante. La mobilisation active est dite active aidée, lorsque le kinésithérapeute mobilise l’articulation en demandant au malade d’y associer une contraction musculaire.

La rééducation analytique s’effectue muscle par muscle, ou par groupe musculaire. Elle peut se faire contre résistance ou non. La rééducation musculaire globale utilise diverses synergies musculaires afin d’obtenir une meilleure contraction dans l’ensemble d’un membre. Ces méthodes globales ne sont pas sans risques, car elles créent parfois de nouveaux schémas moteurs non utilisables fonctionnellement. C’est, en effet, le geste fonctionnel (préhension, marche) qui doit rester le centre des préoccupations. L’utilisation de certains accessoires fixes ou mobiles (barres parallèles, espaliers, haltères, bicyclettes, poulies, entre autres) permet d’orienter et de doser plus précisément le travail musculaire effectué.

Massage et kinésithérapie sont pratiqués par des auxiliaires médicaux formés par trois années d’études sanctionnées par un diplôme d’État. Placés sous autorité médicale et ne pouvant agir que sur prescription, ils sont tenus de se conformer aux indications du médecin. La formation de masseur-kinésithérapeute constitue, pour certains aveugles, une conversion professionnelle recherchée par ces handicapés, bien qu’ils se trouvent parfois mal à l’aise pour appliquer les méthodes actives de kinésithérapie, tandis que le massage constitue pour eux un domaine d’élection.

Agents physiques ou chimiques

En hydrothérapie , l’eau est utilisée comme source de chaleur; le bain en eau tiède précédant la séance de rééducation facilite grandement celle-ci. L’application du principe d’Archimède rend beaucoup plus aisée la rééducation en piscine de certains grands paralysés ou des poliomyélitiques dont les groupes musculaires sont particulièrement déficients. Le moyen idéal est alors de disposer d’une piscine adaptée pour la rééducation. On ne fera que mentionner la thalassothérapie (traitement par l’eau de mer) et la crénothérapie (traitement par les eaux minérales).

Les méthodes électrothérapiques peuvent viser à faciliter la localisation de certains composants médicamenteux dans une région anatomique définie (ionisation), ou à provoquer des effets de chaleur souvent recherchés (diathermie, infrarouges), ou des effets plus complexes (ultrasons). Les traitements excitomoteurs par application de courants continus (galvaniques), ou alternatifs (faradiques), permettent, par référence aux données de l’électrodiagnostic, d’entretenir la fonction motrice de muscles paralysés (cf. ÉLECTROPHYSIOLOGIE, chap. 4).

L’emploi de ces moyens, fondés sur des techniques de codification parfois incertaine, avec des retentissements variables selon les sujets, est souvent confié à des spécialistes et nécessite toujours la plus extrême prudence.

Les infiltrations consistent en injections intra-articulaires ou périarticulaires d’anti-inflammatoires (substances du groupe cortisonique), dont la technique doit être minutieuse, afin d’éviter les dangers majeurs d’intolérance médicamenteuse, voire d’infection.

Divers médicaments ayant des effets antalgiques ou décontracturants sont employés en appoint à la rééducation fonctionnelle.

Ergothérapie et activités contrôlées

L’ergothérapie , moins connue que la kinésithérapie, tient cependant une place essentielle en réadaptation fonctionnelle. Elle est un réentraînement ou une adaptation aux gestes de la vie usuelle nécessaires au malade pour acquérir son indépendance. Il ne suffit pas de donner au malade une bonne force musculaire et des amplitudes articulaires correctes – ce à quoi concourt, d’ailleurs, l’ergothérapie –, mais il faut aussi lui réapprendre à utiliser sa main et son membre supérieur avec suffisamment de vitesse, de force et de coordination. Pour ce faire, l’ergothérapie doit être adaptée au handicap du malade, ce qui implique une appréciation minutieuse des lésions anatomiques et de leurs conséquences fonctionnelles. Cette évaluation des impossibilités, et surtout des possibilités restantes dont le développement est à la base du travail de rééducation, doit reposer sur des données aussi objectives que possible. On utilise, par exemple, une série de tests de préhension pour apprécier la vitesse, la qualité d’exécution et les compensations employées.

Le travail en atelier utilise un ensemble de techniques artisanales telles que la menuiserie, le modelage, le tissage, la peinture, la céramique, la vannerie, la reliure. Il ne s’agit pas là d’une simple activité récréative, mais bien d’un véritable moyen de traitement, obéissant à des règles précises. Il importe de ne pas négliger les facteurs psychologiques et culturels, qui entrent en ligne de compte pour une bonne part. Les techniques utilisées sont nombreuses et varient selon les besoins et les habitudes de chaque département d’ergothérapie, la création de techniques particulières étant laissée à l’imagination de l’ergothérapeute, en fonction de chaque cas.

L’aspect attrayant, la possibilité d’aboutir à des réalisations utiles ou esthétiques, de développer l’esprit d’émulation sont autant de critères qui doivent entrer dans le choix des techniques.

L’entraînement aux activités de la vie quotidienne est un des rôles essentiels de l’ergothérapeute. Il est capital pour les grands handicapés (hémiplégiques, paraplégiques, quadriplégiques), mais tient aussi une part très importante dans la rééducation de handicaps moins sévères (lésions traumatiques ou rhumatismales de la main, par exemple). Il consiste à passer en revue toutes les activités ordinaires de la vie et à entraîner le malade à les réaliser. Le début de la matinée est le moment le plus favorable, avec l’accumulation des tâches de toilette, de petit déjeuner, d’habillage.

Le cas des gestes professionnels nécessite de la part de l’ergothérapeute une connaissance suffisante des divers métiers et postes de travail. L’acquisition de l’indépendance dans les gestes de tous les jours nécessite parfois des adaptations simples, appelées en France «aides techniques» ou «gadgets» comme aux États-Unis.

Voici quelques exemples de ces «aides techniques» valables dans différents handicaps: utilisation d’un système permettant à un hémiplégique de peler une pomme de terre avec une seule main au moyen d’une planchette percée d’un clou et maintenue par une ventouse sur le plan de travail; pinces à long manche donnant la possibilité de ramasser des objets à terre; robinets, interrupteurs électriques, récepteurs de téléphone spéciaux, douches munies de contrôleurs de température et de récepteurs antidérapants, aménagement des baignoires et des toilettes. La fixation artisanale d’une potence au-dessus de son lit aidera un grand handicapé alité; un simple plan incliné remplaçant quelques marches transformera les possibilités d’accès d’un logement. Des dispositifs beaucoup plus complexes permettront à des quadriplégiques de tourner les pages d’un livre, voire de se servir d’une machine à écrire.

Il faut y adjoindre toutes les modifications qu’on peut apporter aux automobiles pour qu’un paraplégique puisse les conduire.

L’adaptation des postes de travail est à rapprocher de l’ergothérapie et représente une phase parfois essentielle de la réinsertion sociale complète. Cette adaptation, qui peut bénéficier de l’aide officielle de l’État, est parfois possible à moindres frais, mais elle se heurte souvent à des difficultés immobilières: largeur des portes, présence de quelques marches, impossibilité d’utiliser un ascenseur.

Moyens divers

L’appareillage se développe et se perfectionne grâce à l’arrivée sur le marché de matériaux nouveaux, solides et légers, ainsi qu’à l’emploi généralisé de pièces standardisées, fabriquées en série et adaptables aisément, et à l’utilisation, dans les cas extrêmes, de dispositifs d’amplification électronique des influx neurologiques recueillis au niveau de la partie proximale du membre, ou de relais pneumatiques actionnés par la contraction des groupes musculaires restants. Ces prothèses de travail visent à être non seulement efficaces, simples et bien adaptées, mais encore à être facilement acceptées sur le plan psychosocial par le porteur autant que par son entourage.

À ces prothèses destinées à remplacer un membre amputé, on adjoint les orthèses qui servent de support à un membre paralysé ou déformé, ainsi que les corsets, lombostats, minerves, chaussures orthopédiques et divers appareils plâtrés ou attelles de redressement.

Parmi les spécialités concourant à la rééducation, il faut encore faire une place à des méthodes diverses, telles que: relaxation , dont l’emploi doit être parfois entouré d’une grande prudence pour ne pas détruire le schéma corporel fragilisé chez certains malades; orthophonie , à laquelle il faudra recourir pour traiter les troubles de l’élocution et de la voix chez les amputés du larynx ou chez les malades atteints d’hémiplégie droite; rééducation de la psycho-motricité , technique en plein développement et utilisée surtout chez l’enfant; sport (natation, basket, tir à l’arc chez les paraplégiques, voire équitation pour certains aveugles).

Rééducation orthoptique

Des dispositions anatomiques congénitales, mais aussi des intoxications chroniques, des insuffisances endocriniennes, des fatigues prolongées peuvent être génératrices d’hétérophorie , c’est-à-dire du défaut de coordination dans la vision binoculaire, avec troubles de convergence et de strabisme.

La correction de tels troubles devra de toute évidence être orientée par la recherche de la pathologie causale et par son traitement général ou local. Elle fera intervenir un ensemble de techniques médicales ou chirurgicales, et d’optique «opticienne», complétées souvent par un entraînement physiologique. La prise en charge thérapeutique implique une collaboration étroite de l’ophtalmologiste et de son auxiliaire qu’est l’orthoptiste, tant pour le diagnostic précis des troubles et la mesure de leur intensité que pour la conduite du traitement de l’état pathologique.

La rééducation professionnelle

L’appréciation de chaque cas, l’élaboration des mesures chirurgicales ou médicales, des méthodes kinésithérapiques ou ergothérapiques, la recherche des prothèses ou orthèses les mieux appropriées ne sauraient jamais être complètes sans que, tout au long de ce cheminement, les aspects de la vie professionnelle à venir n’aient été évoqués. Parfois la conservation à tout prix d’un doigt enraidi ou d’un membre supérieur entièrement paralysé et définitivement inutilisable (certaines élongations du plexus brachial survenant avec une particulière fréquence en cas de chute de motocyclette) cause des souffrances excessives et n’aboutit qu’à une gêne, sans amélioration réelle. Une amputation suivie de la pose d’une prothèse adaptée aux fonctions essentielles serait peut-être alors, malgré les apparences, un geste tout à fait positif. On retrouve ici la notion globale de personnalité dont chaque médecin et auxiliaire paramédical doit tenir compte, le but final étant de remettre le malade dans son état d’équilibre antérieur, voire dans un état meilleur.

Cependant, malgré tous les efforts accomplis, il demeure parfois un handicap qui retentit sur les activités professionnelles. Dès qu’on peut prévoir que persistera un tel handicap, il importe de faire bénéficier le malade des possibilités ouvertes par le reclassement des personnes handicapées (en France, loi du 23 novembre 1957). Cette législation limite très précisément son champ d’application aux conséquences professionnelles et non au handicap lui-même. L’article premier de cette loi précise: «Est considérée comme travailleur handicapé toute personne dont les possibilités d’acquérir ou de conserver un emploi sont effectivement réduites par suite d’une insuffisance ou d’une diminution de ses capacités physiques ou mentales.» Ce libellé montre que c’est un bilan global de l’adaptation au travail d’un individu qui devra être pratiqué, et que tous les éléments devront intervenir dans cette appréciation. Le médecin étudiera donc le retentissement fonctionnel des troubles présentés par le blessé ou le malade et s’efforcera d’en déterminer les effets sur l’exercice du métier. Son rôle, cependant, sera loin de se borner à l’étude des difficultés ou des incapacités, ce qui convient à un expert appréciant un préjudice. L’essentiel, ici, sera, à l’inverse, de rechercher toutes les compensations et tous les développements que l’invalide pourra tirer des capacités restantes du fait de ses ressources propres ou des compléments que pourront lui apporter les méthodes déjà décrites.

C’est ensuite que le psychotechnicien interviendra, et ce à l’intérieur du cadre général tracé par le médecin. Ici encore, l’examen ne se limitera pas à l’application de tests, mais tendra à définir les caractéristiques générales de la personnalité du sujet et à établir un pronostic d’adaptation aux conditions nouvelles que lui impose son handicap. Le technicien examinera alors, en constante liaison avec l’intéressé, les options possibles. Il est extrêmement important de considérer que le handicapé doit se réinsérer dans un contexte social complexe, mouvant, et dont beaucoup d’éléments n’offrent aucune prise à son action, comme, par exemple les conditions économiques du moment. L’ensemble de ces différents facteurs doit cependant être apprécié, si l’on veut éviter une solution irréaliste. Reprenant et élargissant ses vues à l’ensemble des difficultés liées au handicap, la loi du 30 juin 1975 a institué dans chacun des départements français des commissions techniques d’orientation destinées à examiner les situations des enfants ou des adultes à problème.

De composition adaptée selon l’âge des demandeurs, les C.D.E.S. (Commission de l’éducation spéciale) ou Cotorep (Commission technique d’orientation et de reclassement professionnel) rassemblent autour des responsables de l’emploi et de l’action sociale les techniciens essentiels ainsi que les représentants des groupes socio-économiques intéressés; ces Commissions permettent par exemple aux accidentés du travail de recevoir des primes de fin de rééducation.

C’est cette commission qui formulera la recommandation la mieux adaptée pour une réinsertion stable. De plus, elle décidera de l’attribution des avantages adaptés à la condition du handicapé, comme la priorité d’emploi, à laquelle sont tenues les entreprises et les administrations (la loi de juillet 1987 oblige les entreprises de plus de 20 salariés à employer au moins 6 p. 100 de personnes handicapées ou verser une contribution au fonds de développement pour leur insertion professionnelle), ou l’octroi de certaines primes de reclassement, ou encore de l’entrée dans un centre de travail protégé.

C’est seulement lorsque aura été concrètement réalisée cette réinsertion et que le malade aura pu y trouver la satisfaction de ses aspirations fondamentales que seront remplis les objectifs de la rééducation.

2. Rééducation des malades mentaux

Loin de s’opposer, thérapie et rééducation des malades mentaux constituent les deux aspects complémentaires d’une psychiatrie efficace: l’une (thérapie) cherchant à réduire les troubles pathologiques; l’autre (rééducation) à développer les fonctions saines susceptibles de minimiser ces troubles.

Cependant, les distinctions restent arbitraires: on attribue parfois à la psychanalyse la valeur d’une «rééducation émotionnelle»; certaines psychothérapies, à base de conditionnement, sont d’authentiques rééducations; enfin il arrive souvent que les méthodes de rééducation, en favorisant l’adaptation, permettent la reprise de la maturation de la personnalité, ce qui permet de les inclure dans les «psychothérapies institutionnelles».

Les méthodes de rééducation des malades mentaux se spécifient par certains aspects: ce sont des méthodes actives , mettant en œuvre l’expressivité et la créativité sur un mode concret (activités physiques, expression plastique, travail, activités sociales); elles utilisent les fonctions adaptatives résiduelles du handicapé mental en recherchant systématiquement et en développant les niveaux fonctionnels intacts; elles cherchent à développer l’efficacité des fonctions ainsi rétablies en favorisant les mécanismes de compensation , habituellement grâce à la spécialisation et à l’utilisation de milieux protégés.

La rééducation corporelle

Dans la rééducation corporelle, il s’agit de réapprendre au sujet à se situer corporellement dans l’espace par rapport aux autres. Les jeux sportifs en équipe sont le moyen le plus habituellement utilisé. L’expression corporelle en groupe (mime, danse) est aussi un précieux moyen de rééducation. Pour les malades qui ne sont plus capables de participer à des activités, il reste la possibilité de contact social à un niveau plus régressif (échanges de balles en petit groupe) ou celle du retour à la situation dyadique rappelant la relation parentale (échanges et jeux entre moniteur et patient dans un espace restreint). Un niveau plus régressif encore est réalisé par certaines méthodes kinésithérapiques et balnéothérapiques évoquant la relation maternelle la plus primitive. À partir de cette relation, bien des méthodes sont possibles pour favoriser, d’une part, la conscience des limites du corps et de l’image de soi, d’autre part la relation avec les objets et les personnes dans un cadre spatio-temporel de plus en plus large. Ces méthodes corporelles, prudemment et patiemment employées, permettent parfois des reprises de contact avec des patients profondément régressés, actuellement inaccessibles par d’autres moyens.

La rééducation par le travail

La rééducation par le travail est sans doute la plus ancienne méthode connue de rééducation des malades mentaux. Les anciens auteurs avaient noté l’influence bénéfique des travaux des champs. Pinel avait remarqué que les pensionnaires des asiles d’aliénés guérissaient plus vite lorsqu’ils appartenaient à la clientèle pauvre qui était assujettie aux travaux de culture et d’entretien que lorsqu’il s’agissait de malades payants, abandonnés à l’inaction. C’est dans cet esprit que son disciple G. Ferrus fit aménager à Paris la ferme Sainte-Anne, destinée aux travaux des aliénés et qui est devenue depuis un centre psychiatrique important. Sous le nom de thérapeutiques occupationnelles dans les pays anglo-saxons, de thérapeutiques par le travail dans les pays germaniques, d’ergothérapie dans les pays de langue française, ces méthodes se sont considérablement développées. Elles se situent entre les méthodes expressives et la rééducation professionnelle, tout au long d’une gamme de procédés où s’associent, en proportions variées et judicieusement dosées, les contraintes du groupe social (rythme, délais, qualité, prix de revient, etc.) et les tolérances de l’expressivité individuelle (initiative, invention, satisfaction personnelle).

Au plus haut niveau de contrainte sociale, on trouve le travail de type industriel: travail répétitif, excluant toute initiative individuelle, exigeant rapidité et relative perfection. Ce travail n’a de valeur adaptative qu’en favorisant l’acquisition d’automatismes permettant un rendement professionnel acceptable. Chez le malade mental, cette contrainte n’est supportable que si elle est compensée par un cadre de vie spécialement aménagé pour favoriser les relations humaines: ce sont les milieux protégés. Si le sujet était à la fois capable de répondre aux exigences du travail industriel normal et à celles d’une autonomie sociale complète, c’est qu’il ne serait plus un malade mental.

Un moindre degré de contrainte est obtenu en permettant l’adoption d’un rythme personnel, en réduisant la durée des périodes de travail nécessaires à l’accomplissement d’une tâche, en diminuant la complexité des instruments, des matériaux (vivants, malléables, fluides), des relations humaines (petits groupes homogènes). On arrive ainsi à des modes de travail se rapprochant de plus en plus de l’expression plastique (dessin, modelage). Pratiquement, on atteint le niveau de l’artisanat.

C’est ici que peuvent jouer les mécanismes de compensation (A. Adler), où la spécialisation au niveau d’une tâche relativement simple permet l’acquisition d’une qualification socialement utilisable. Par exemple, D. F. Early, en Angleterre, a spécialisé des schizophrènes dans le lavage des voitures. Ce travail permet un rythme individuel, il favorise la mise à distance convenable des autres grâce au rideau de pluie, il comporte un matériau infantile (le jet d’eau), il offre la satisfaction de la valorisation rapide de l’objet du travail.

Sous le terme de sociothérapie , on rassemble toutes les méthodes utilisant les modes d’activités sociales au sein de groupes humains diversement structurés pour favoriser la reprise des communications entre le sujet et son entourage. Les données de la dynamique des groupes entrent ici en jeu. La dimension, l’homogénéité ou l’hétérogénéité des groupes, leur structuration interne, leur permanence, leur objectif sont parmi les facteurs les plus déterminants. Parmi les activités sociales, à l’intérieur des institutions de soins, signalons en premier lieu les réunions où sont discutés les problèmes quotidiens de la vie collective. Par ailleurs, l’organisation des loisirs, l’aménagement d’activités culturelles diverses sont l’occasion de nombreux apprentissages sociaux. L’expression scénique a, dans ce contexte, un rôle important.

Les institutions psychiatriques de rééducation

La rééducation des malades mentaux s’effectue soit en hôpital psychiatrique, où elle vient s’insérer dans un ensemble d’activités thérapeutiques, soit à l’intérieur de centres spécialement aménagés en vue de la rééducation après traitement (ateliers, fermes et foyers de post-cure).

La première formule a l’avantage d’associer les méthodes de rééducation aux méthodes de traitement, suivant en cela la tendance des autres branches de la médecine et de la chirurgie: la rééducation fonctionnelle pour un blessé, pour un cardiaque, pour un pulmonaire est envisagée dès la phase aiguë du traitement. Il doit en aller de même en psychiatrie, où les difficultés de resocialisation proviennent trop souvent des mesures aliénantes précédemment imposées au malade (internement, inaction et isolement trop prolongés). C’est dans cet esprit qu’ont été créés, en France, les centres de traitement et de réadaptation sociale, où étaient associées les méthodes de traitement et celles de rééducation fonctionnelle.

La seconde formule permet une rééducation plus spécialisée dans des conditions reproduisant davantage celles de la vie réelle. L’inconvénient est que parfois l’intervention des méthodes rééducatives est trop tardive pour des sujets longuement chronicisés par une hospitalisation prolongée. Ces centres sont soit des externats (hôpitaux de jour, ateliers), soit des internats (centres agricoles). Dans les externats, les patients passent la journée au centre, y prenant parfois le repas de midi, et rentrent le soir chez eux ou dans un foyer protégé. Le centre de réadaptation ou internat est souvent une ferme modèle où sont enseignées les diverses techniques maraîchères, celles du petit élevage, et aussi un certain nombre de techniques d’artisanat rural. Les pensionnaires vivent en groupes larges (trente par «famille», cent cinquante au total) et acquièrent une qualification professionnelle qui favorise considérablement leur réinsertion et leur intégration sociale.

Les foyers de post-cure sont plus spécialement orientés vers la rééducation de la sociabilité. Ils constituent des substituts du milieu familial absent ou défaillant et fournissent au sujet les structures relationnelles et le support affectif favorisant son adaptation au monde extérieur. Ici encore, l’homogénéité du groupe, sa faible dimension et les techniques employées (psychothérapies de groupe incluant le rôle du jeu et du rêve) conjuguent leurs effets.

rééducation [ reedykasjɔ̃ ] n. f.
• 1899; de re- et éducation
1Action de traiter un malade afin de rétablir chez lui l'usage normal d'une fonction ou d'un membre. Rééducation de la parole. orthophonie. Rééducation de la main. Rééducation motrice ( kinésithérapeute) , psychomotrice ( psychomotricien) . Centre de rééducation.
2(1907) Éducation (morale, idéologique) nouvelle. Camp de rééducation.

rééducation nom féminin Action de rééduquer ; ensemble des moyens mis en œuvre pour rééduquer. Ensemble des mesures d'assistance, de surveillance ou d'éducation ordonnées par le juge à l'égard de l'enfance délinquante ou des mineurs en danger physique ou moral (assistance éducative, protection judiciaire). Ensemble des moyens et des soins non chirurgicaux mis en œuvre pour rétablir plus ou moins complètement l'usage d'un membre, d'une fonction spécialité médicale correspondante.

rééducation
n. f.
d1./d Traitement visant à faire recouvrer l'usage d'une fonction lésée à la suite d'un accident, ou d'une maladie. Rééducation motrice.
d2./d Nouvelle éducation (sociale, morale, idéologique).
|| Ensemble des mesures judiciaires prises à l'égard de l'enfance délinquante ou en danger, sur le plan social.

⇒RÉÉDUCATION, subst. fém.
A. — 1. Action de rétablir l'usage normal d'une fonction, d'un membre ou d'un organe après une blessure ou une affection, ou chez un sujet qui souffre d'une déficience ou d'une infirmité; p. méton. résultat ainsi obtenu ou durée de cette thérapeutique. Rééducation musculaire, psychique, psychologique, psychomotrice; rééducation d'un bras, d'une main; séance de rééducation; longue rééducation. Si les accidents ne sont pas trop anciens (...) la rééducation des aphasiques est chose possible et assez souvent satisfaisante (CODET, Psychiatrie, 1926, p. 82). La dernière fois que je t'ai vue, Eva, il y a six ans, tu enseignais à ce bébé adulte, à l'institut de rééducation, les mots les plus simples: chien, chat, café au lait (GIRAUDOUX, Siegfried, 1928, I, 2, p. 16).
Au fig. Notre diplomatie a besoin d'une rééducation, d'un entraînement et de se souvenir qu'elle est au service d'une France victorieuse (BARRÈS, Cahiers, t. 12, 1919, p. 124).
2. ,,Éducation de mouvements ou de techniques que le sujet n'avait pas appris antérieurement`` (KAMEN. 1972). Rééducation visuelle. V. orthoptiste dér. s.v. orthoptie.
3. En partic.
a) Rééducation fonctionnelle ou motrice. ,,Ensemble des méthodes de développement et de récupération du système locomoteur, visant à pallier une déficience motrice ou fonctionnelle`` (KAMEN. 1972). La rééducation motrice compte moins sur le mouvement lui-même que sur l'attention et l'effort psychique qui, en recréant celui-ci et en l'adaptant à son but, donne au malade la possibilité d'acquérir de nouvelles habitudes (Cl. KOHLER, L'Enfant arriéré dans sa famille, 1956, p. 60). Un Certificat d'Études spéciales de rééducation et réadaptation fonctionnelles fut institué par l'arrêté du 4 août 1965 (KAMEN. 1972, s.v. rééducateur). V. kinésithérapie ex. de QUILLET Méd. 1965.
b) SÉCUR. SOC. Rééducation professionnelle. ,,Ensemble de mesures permettant à la victime d'un accident du travail qui ne peut plus exercer son métier d'en apprendre un autre`` (CIDA 1973). La rééducation professionnelle est une des phases de la réadaptation. Celle-ci est médicale, psychologique et professionnelle (A. RAUZY, S. PICQUENARD, La Législ. de l'aide soc., 1955, p. 114). Le droit à la rééducation professionnelle figure au code de la Sécurité sociale (article 44) (SILL. 1965).
B. — 1. Éducation spécialisée permettant la réinsertion sociale ou familiale d'un sujet mal adapté à la société. Dans la rééducation des petits déséquilibrés et des délinquants mineurs, ses succès [de l'adlérisme] sont incontestables (CHOISY, Psychanal., 1950, p. 229).
2. P. anal. Éducation nouvelle permettant de corriger ou de réformer une mauvaise formation. Il est évidemment bien difficile d'entreprendre la rééducation du public et de lui faire perdre de très anciennes habitudes (BRUNERIE, Industr. alim., 1949, p. 12). L'Union centrale des arts décoratifs, joue un rôle déterminant sur la rééducation du goût (GRANDJEAN, Orfèvr. XIXe s., 1962, p. 74).
3. P. euphém. Dans un régime totalitaire, nouvelle éducation visant à remettre une personne dans la ligne de l'idéologie dont il a dévié. Rééducation des masses; centre de rééducation. Après la chute de Saïgon en avril 1975, ce sont les communistes du Nord qui s'emparent des leviers de commande. Les militaires et fonctionnaires de l'ancien régime sont internés dans des camps de « rééducation » dont ils ne reviennent pas (Le Nouvel Observateur, 22 oct. 1979, p. 104, col. 1).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. 1935. Étymol. et Hist. 1. a) 1900 « action de rétablir l'usage normal d'une fonction, d'un membre ou d'un organe » (L'Année sc. et industr., 43e année (1899), p. 206: la rééducation des mouvements chez les ataxiques; p. 207: la rééducation des mouvements des jambes); 1907 rééducation musculaire (Nouv. Lar. ill. Suppl.); 1915 rééducation professionnelle (Lar. mens., p. 545: rééducation professionnelle des mutilés de la guerre); 1935 rééducation de la parole (Ac.); 1956 rééducation motrice (Cl. KOHLER, loc. cit.); b) 1904 psychol. (Nouv. Lar. ill., s.v. psychothérapie: la rééducation des sentiments et des émotions); 1906 rééducation psychologique (H. ZBINDEN, Conception psychol. du nervosisme in Arch. de psychol., t. 5, p. 235 ds QUEM. DDL t. 29); 1907 rééducation psychique (Nouv. Lar. ill. Suppl.); 1960 rééducation psychomotrice (Encyclop. éduc., p. 205); 2. a) 1925 « nouvelle éducation morale » (DU BOS, Journal, p. 341: rééducation de la volonté); 1935 (Ac.: rééducation d'un enfant perverti); b) 1936 « nouvelle éducation idéologique » (MARITAIN, Human. intégr., p. 100: la rééducation des masses [en URSS]). Dér. de éducation; préf. ré- (re-). Fréq. abs. littér.:23.

rééducation [ʀeedykɑsjɔ̃] n. f.
ÉTYM. 1899, in Année sc. et industr. 1900, p. 206-207; de ré-, et éducation.
1 Méd. « Action de refaire l'éducation d'une fonction lésée par accident » (Académie); résultat de cette action. || Rééducation des mouvements, de la parole… Par ext. || Rééducation de la main. || Rééducation d'un blessé dans un centre de rééducation.
0 Ai peut-être eu tort de renoncer à la rééducation du larynx, d'écourter les exercices respiratoires.
Martin du Gard, les Thibault, t. IX, p. 231.
Par ext. Ensemble des moyens utilisés pour parvenir à ce résultat. || Rééducation motrice.
2 (1907). Éducation (morale, idéologique) nouvelle.
DÉR. Rééduquer.

Encyclopédie Universelle. 2012.