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CUIR
CUIR

Le cuir est un produit naturel résultant d’un ensemble d’opérations appelé tannage, ayant pour but de transformer le derme de la peau des animaux en une substance imputrescible, présentant une certaine résistance à l’action de l’eau. En dehors de son imputrescibilité, le cuir doit posséder un certain nombre de propriétés physiques variables suivant les usages auxquels il est destiné: les cuirs choisis pour la fabrication des semelles de chaussures doivent être imperméables, fermes, leur tannage ne doit pas être modifié par l’action prolongée de l’eau; quant à ceux qui vont servir à la fabrication des gants, ils devront surtout être très souples.

L’action produite sur la peau par le tannage peut être plus ou moins accentuée, autrement dit la liaison entre les fibres de la peau et la substance employée pour les rendre imputrescibles peut être plus ou moins intime; c’est ainsi que les cuirs tannés au chrome ne se transforment pas en gélatine sous l’action de l’eau bouillante, tandis que les peaux tannées à l’alun sont susceptibles de subir assez facilement cette modification.

La tannerie a pour but de traiter la peau récupérée après l’abattage des animaux, pour la transformer en cuir. Suivant la nature de cette peau, les entreprises se classent en tanneries, qui traitent les peaux de bovins et d’équidés, et en mégisseries, qui traitent principalement les peaux d’ovins et de caprins.

Sous-produit de la viande, le cuir est à la fois un produit agricole et une matière première industrielle. L’apparition d’un grand nombre de produits de remplacement synthétiques, les succédanés du cuir, a eu pour conséquence une baisse sensible des cours mondiaux des peaux. Une propagande active, appuyée sur une amélioration continue de la qualité et des rendements, s’emploie à trouver d’autres utilisations aux cuirs.

1. Historique

L’usage du cuir remonte aux origines de l’humanité; il n’a pu toutefois être attesté qu’indirectement, grâce à la découverte d’outils ayant certainement servi au travail des peaux et de restes osseux d’animaux portant des traces de dépeçage. Pour rendre les peaux imputrescibles, on les soumettait à l’action de la fumée. Un rapprochement de cause à effet a probablement permis à l’homme, à une époque fort reculée, de découvrir le tannage végétal à l’aide d’écorces, de bois ou de feuilles.

La peau fut d’abord tannée avec le poil ou la laine, et ce pour des besoins vestimentaires. L’utilisation du cuir pour faire de la chaussure est certainement beaucoup plus récente.

L’apparition d’agglomérations urbaines détermina une localisation des artisans tanneurs à proximité des centres qui pouvaient servir de marchés d’écoulement et de lieu d’approvisionnement. Les établissements s’installèrent au bord des rivières, en raison des grandes quantités d’eau nécessaires à la préparation des peaux pour le tannage.

Égyptiens, Assyriens, Babyloniens, Hébreux, Grecs et Romains avaient déjà acquis un certain degré de perfectionnement dans la fabrication du cuir, les objets en cuir trouvés dans des tombeaux de l’époque l’attestent.

Ce n’est que beaucoup plus tard, environ au VIIIe siècle après J.-C., que les Sarrasins, au moment de la conquête de l’Espagne, apportèrent en Europe une nouvelle méthode: le tannage à l’alun.

Les tanneurs étaient, comme les autres métiers, réunis en corporations assujetties à des prescriptions sévères. Ils ne pouvaient exercer leur métier que dans des quartiers bien délimités. Dans la plupart des villes du monde, il existe encore des rues portant les noms de: rue des Tanneurs, rue des Parcheminiers ou rue des Mégissiers.

En 1791, la Révolution supprima les privilèges corporatifs, mais ce n’est que vers le milieu du XIXe siècle, avec l’avènement du machinisme, que l’armature artisanale sera ébranlée. À partir de cette époque, ce n’est plus la concurrence de qualité qui entre seule en jeu, mais surtout celle des prix. Progressivement, on assiste à la disparition des petites affaires artisanales et à l’apparition de la moyenne et grande entreprise employant jusqu’à mille ouvriers.

Sur le plan technique, l’homme qui le premier donna une impulsion à l’analyse scientifique des méthodes industrielles en général, et à la tannerie en particulier, fut Colbert. Les divers métiers furent répartis entre différents représentants de la science. La tannerie échut à Des Billettes qui fit paraître, en 1708, un écrit intitulé La Tannerie et la préparation des cuirs . Après lui, le célèbre astronome de Lalande composa un ouvrage intitulé L’Art du tanneur (1764).

Au début du XXe siècle, la tannerie prit véritablement rang d’industrie.

Le premier bouleversement fut provoqué par l’apparition des extraits tannants, qui permirent de raccourcir considérablement la durée du tannage. Puis ce fut le tannage au chrome, dont les premières études furent faites par Cavalin en 1853, suivies par les brevets de Knapp en 1858, 1862, 1877. Les méthodes actuelles en usage reposent sur ceux de A. Schultz (tannage à deux bains) et de M. Denis (tannage à un bain), datant respectivement de 1884 et 1892.

Il convient de citer aussi le tannage aux sels de fer qui vit le jour vers 1870, mais ne fut pratiquement jamais appliqué, sauf pendant la Seconde Guerre mondiale en raison de la pénurie du chrome, et le tannage aux sels de zirconium dont les premiers brevets furent déposés en 1933.

L’apparition des substituts artificiels des matières tannantes naturelles, les tanins synthétiques, ouvrirent la voie à une nouvelle chimie du cuir. Les premiers furent réalisés par Schiff en 1871, mais ils ne furent étudiés scientifiquement qu’à partir de 1910. Ils font encore l’objet de brevets nombreux; ce sont des produits macromoléculaires résultant de la polycondensation sur eux-mêmes d’acides phénolsulfoniques ou de la polycondensation d’acides phénolsulfoniques et du formaldéhyde.

Parallèlement aux perfectionnements dus à la chimie, on doit signaler le progrès considérable apporté aux méthodes de tannage par la mécanisation de cette industrie.

Le matériel utilisé pour les opérations de tannerie est de plus en plus automatisé. La fabrication du cuir sera informatisée, et le tanneur en sabots et tablier de cuir ne sera plus qu’une image du passé.

2. La peau

La matière première essentielle de la tannerie et de la mégisserie est la peau. Après l’abattage et la saignée, elle est ôtée du corps de l’animal; on s’efforce de lui donner le carré le plus parfait et d’éviter toutes languettes et échancrures sur les bords. De la dépouille, on distingue: le côté extérieur ou «côté poil», qui porte les poils constituant la robe de l’animal, caractéristique de la famille et même de la variété (bœuf du Limousin à robe blanche peu tachée, bœuf de Normandie à taches blanches et brunes); le côté interne ou «côté chair», qui est blanchâtre chez les animaux immédiatement saignés après l’abattage.

La tête, les pattes et la queue, impropres à faire du cuir, sont éliminées avant les opérations de conservation.

La palpation de la peau révèle des différences d’épaisseur et de nervosité. Mince, très souple aux plis de l’aine et à l’aisselle, elle est plus épaisse dans la région dorsale.

Les diverses régions devront donc être séparées pour constituer une matière plus homogène, permettant un meilleur rendement. Cette opération, le crouponnage, s’effectue sur les cuirs de bovidés (fig. 1).

Structure

L’examen histologique au microscope ordinaire de coupes de peau convenablement colorées montre trois zones assez distinctes: l’épiderme, le derme, le tissu sous-cutané (fig. 2).

L’épiderme situé côté poil comprend plusieurs couches de cellules superposées. Il est formé principalement d’une protéine, la kératine, riche en soufre, insoluble dans l’eau, les solvants organiques et dans les solutions diluées d’acides et de bases, mais fortement attaquée par les solutions alcalines concentrées et les solutions réductrices alcalines. Cette dernière propriété est mise à profit dans l’épilage des peaux.

Le derme , partie principale de la peau, diffère de l’épiderme par sa plus grande épaisseur et par sa constitution. Tandis que l’épiderme est formé de cellules, le derme est constitué par un feutrage serré de fibres de deux sortes: les fibres blanches (ou collagènes) et les fibres jaunes (ou élastiques).

Plus nombreuses, les fibres blanches constituent la presque totalité du feutrage dermique. Ce feutrage n’a pas partout la même structure et l’on distingue dans le derme deux régions: la fleur, partie la plus proche de l’épiderme, au feutrage dense, à fibres bien enchevêtrées; et, au-dessous de la fleur, la chair, de plus grande épaisseur, au feutrage de fibres blanches beaucoup plus grossier; les fibres élastiques y sont très clairsemées.

Quelle que soit la disposition des éléments, le derme renferme toujours: des éléments cellulaires, dont le rôle principal est d’engendrer la substance fondamentale et les fibres, et qui disparaissent après l’abat et au cours de la conservation de la peau; une substance amorphe, qui enrobe les fibres et les cimente; des fibres blanches ou jaunes.

Les opérations préliminaires de tannerie dégagent les fibres blanches, et certaines d’entre elles (pelanage, confitage, picklage) provoquent une défibrillation qui assouplit la peau et permet aux agents tannants de pénétrer en profondeur dans la fibre et de conduire à un tannage plus homogène.

Les fibres jaunes, contrairement aux fibres collagènes, sont simples, très ténues, cylindriques, lisses et généralement ramifiées. Dans le feutrage dermique, elles réagissent comme de véritables ressorts tendus. Elles donnent à la peau sa nervosité; les peaux nerveuses comme la peau de chèvre en sont riches, contrairement aux peaux souples comme la peau de veau. La suppression des fibres élastiques, opération effectuée dans le confitage, donnera une peau souple.

Au point de vue chimique, les fibres jaunes sont formées par une protéine, l’élastine, insoluble dans l’eau, les alcalis et les acides dilués et froids; elle est dissoute facilement par la trypsine, substance qui se trouve dans les confits.

Le tissu sous-cutané n’a pas de limite très nette avec le derme. Il est constitué d’un feutrage de fibres dermiques très lâche et renferme beaucoup de cellules grasses, d’où son nom de tissu adipeux. En partie détruit au moment de la dépouille de l’animal, il est complètement éliminé mécaniquement dans l’opération d’écharnage pratiquée par le tanneur.

Conservation

Les peaux fraîches, récupérées après la dépouille des animaux abattus, sont très putrescibles; l’implantation géographique des tanneries, souvent situées loin des abattoirs, oblige à différer leur mise en travail; il est donc nécessaire de leur faire subir une préparation spéciale destinée à assurer la conservation lors du transport et du stockage.

Le traitement consiste en la déshydratation plus ou moins importante des peaux, qui empêche le développement des micro-organismes, facteurs de la putréfaction. Trois méthodes sont employées: le salage, le séchage, le salage et le séchage combinés.

Salage

Pour le salage d’une peau, on étale complètement celle-ci sur le sol, le côté chair en dessus, on la saupoudre de sel, on dispose une seconde peau «chair contre chair», la quantité de sel recouvrant la première étant calculée pour deux; la troisième peau est disposée «poil contre poil» sur la deuxième et recouverte de sel sur chair; et ainsi de suite.

Un phénomène d’osmose se produit à travers le tissu dermique, l’eau contenue à l’intérieur de la peau est attirée vers l’extérieur, tandis que le sel pénètre. Pendant 48 heures, un liquide rougeâtre s’écoule des piles de peaux salées; le salage est alors pratiquement terminé. Les peaux restent en piles durant plusieurs mois. La peau salée a perdu 20 p. 100 de l’eau qu’elle renfermait.

Pour assurer une bonne conservation des peaux en toutes saisons, et en particulier en été, il faut employer 35 à 40 kg de sel pour 100 kg de peaux fraîches de bovins adultes (gros cuirs), et 45 à 50 kg pour 100 kg de peaux de veaux.

Un autre procédé de salage est le saumurage par immersion dans une solution saturée de sel, où l’on agite les peaux pendant 24 heures; elles sont ensuite empilées sur un chevalet pour les égoutter de l’excès de saumure.

Le salage par saupoudrage ou saumurage est un bon procédé de conservation, surtout s’il a été fait avec des peaux propres et une quantité convenable de sel. Les peaux ne sont pas complètement déshydratées, mais le sel ajoute un léger effet antiseptique. Si les peaux sont lourdes à transporter, elles ont l’avantage de pouvoir se réhydrater facilement et de rendre aisée la première opération de la tannerie (reverdissage).

Séchage

La peau fraîche séchée à basse température, puis stockée à l’abri de l’humidité et des insectes, peut se conserver indéfiniment. C’est un matériau léger; son poids est le tiers de celui de la peau fraîche. La conservation par séchage apparaît comme le procédé le plus simple, mais elle présente de gros inconvénients. L’opération doit être conduite soigneusement si l’on veut assurer la conservation des qualités de la peau. La peau encore fraîche ne doit pas être exposée à l’action directe des rayons solaires, car une dessication trop rapide provoque le ridement et le racornissement de la peau, parfois même sa transformation en une substance d’aspect corné qui ne disparaît jamais complètement au travail de rivière. Le séchage s’opère à une température inférieure à 50 0C sous hangar abrité et bien aéré. Il faut aussi éviter de laisser sécher la peau sur le sol, car les parties en contact avec la terre pourraient subir un commencement de putréfaction. Un autre inconvénient est l’attaque de la peau par les insectes (Dermestes) ; on peut lutter contre ce danger en traitant les peaux avant séchage avec de l’arséniate de sodium. Enfin, le reverdissage des peaux sèches est plus difficile et nécessite souvent l’intervention d’agents alcalins ou d’opérations mécaniques, telle l’écraminage qui distend les fibres de la peau.

Peu utilisé, le séchage ne subsiste que dans les régions où le sel et les moyens de transport sont coûteux. En Europe, seules les petites peaux (chèvres, chevreaux, agneaux) sont séchées.

Salage et séchage combinés

Le séchage seul ne présentant pas toute la sécurité voulue, en particulier pour les peaux épaisses difficiles à déshydrater, on combine parfois le salage et le séchage. On recourt rarement à ce moyen, sauf en Amérique du Sud et en Inde.

Il y a encore d’autres modes de conservation, par exemple le chaulage utilisé pour les «croûtes» de peau en tripe, le picklage (cf. chap. 3) employé pour les peaux de moutons délainées, en particulier celles qui sont expédiées de la Nouvelle-Zélande et de l’Australie.

Qualités et défauts

En raison des différences de races et de conditions d’élevage, les peaux arrivant à la tannerie ne sont pas toutes semblables.

Une peau est dite pleine lorsque le feutrage dermique est ferme, creuse lorsqu’il est plus lâche. Une peau est ronde lorsque sa partie centrale est plus épaisse que les bords, plate lorsque ces différences sont plus faibles. Il est très souhaitable que la peau soit pleine et, en général, la qualité du cuir dépend de celle de la peau, car les défectuosités de nature sont difficiles à effacer complètement par le travail de la peau; ces défectuosités proviennent soit des parasites ou des phénomènes pathologiques, soit des agents mécaniques.

C’est ainsi que le varron, larve de la mouche Hypoderma du bœuf, produit l’un des plus importants défauts dus aux parasites. La mouche femelle pond ses œufs sur l’animal; quelques jours après éclôt une larve, qui pénètre dans le corps de l’animal, se transforme en larve migratrice et se retrouve en automne et en hiver dans les parois de l’œsophage; au printemps, elle atteint les régions dorsale et lombaire. Elle fait une grosse tumeur sous la peau et respire grâce à une petite ouverture qu’elle y a pratiquée; c’est alors une larve sédentaire (varron blanc), dont la longueur peut atteindre 3 cm. Arrivé à maturité vers fin juillet, le varron s’échappe après avoir élargi l’ouverture de la tumeur. Les tumeurs ou abcès causés par les varrons produisent sur le dos de l’animal des petits trous (on a trouvé jusqu’à 250 trous sur la peau d’un bœuf de 18 mois) dans la meilleure partie du cuir, rendant celui-ci presque inutilisable.

Parmi les autres défauts parasitaires, il faut citer les gales, qui se rencontrent chez les bovidés, le cheval, le mouton, la chèvre. La plus grave est la gale psoroptique: la peau se plisse, prend un aspect particulier de «peau de cochon». Il faut mentionner aussi le mélophage, responsable de la noisillure, et les tiques ou Ixodes , qui se fixent solidement sur la peau et y laissent une trace de piqûre.

Les animaux élevés à l’étable ou en plein air sont exposés à toutes sortes d’accidents (éraflures, coups d’aiguillon, d’étrilles), laissant sur le tissu épidermique, et dermique même, des traces nuisant à la bonne qualité de la peau. Les marques de feu faites à l’aide d’un fer chauffé au rouge, destinées à identifier le propriétaire de l’animal, déprécient de grandes surfaces de peau.

Un certain nombre de défauts observés sur les peaux brutes proviennent d’un mauvais état de conservation. Parmi ceux-ci, on doit citer en premier lieu l’échauffe (ou échauffure), résultat d’un commencement de putréfaction de la peau. Elle est due, soit à un mauvais salage, soit à un séchage défectueux ou une putréfaction de la peau antérieure aux opérations de conservation. Il y a toute une gamme de degrés d’échauffe, pouvant aller du relâchement du poil (peaux brutes «tendres de poil»), qui au finissage se révélera sur la peau par une couleur marbrée, à celui d’une peau pourrie, qui au travail en rivière tombera en lambeaux.

En dehors de l’échauffure, on observe parfois des piqûres de sel, qui apparaissent sur le côté chair sous forme de petites incrustations. Ces piqûres proviennent de cristallisations où les ions de calcium, de magnésium et de fer semblent participer. On prévient ce défaut en complexant ces ions, ou simplement en ajoutant du carbonate de sodium au sel.

Sur les peaux salées, on relève parfois des taches rouges ou violettes. Pour éviter ces colorations d’origine microbienne, un grand nombre de produits antiseptiques ont été essayés. On a aussi préconisé avec succès le salage des peaux avec des mélanges de sel, de naphtaline et de carbonate de sodium.

Enfin, dans les magasins de stockage, les peaux brutes, surtout les peaux séchées, peuvent être attaquées par des insectes dont les larves creusent des galeries plus ou moins grandes dans la peau. Les plus importants sont les Dermestes . Signalons aussi la teigne des vêtements, dont la larve est bien connue sous le nom de mite.

Commercialisation des peaux

Bien que la production du bétail (bovins, ovins, chèvres, chevaux et mulets) soit considérable en France, elle ne suffit pas aux besoins des tanneries, qui sont obligées de rechercher à l’étranger les peaux qui leur manquent. Les peaux provenant de France et des pays de l’Europe occidentale sont appelées «peaux de pays», les autres sont désignées sous le nom de «peaux exotiques».

Les abattoirs des villes fournissent la majorité des peaux récupérées par des spécialistes; elles proviennent d’une bonne dépouille, sont bien classées et traitées rapidement et correctement après la collecte. D’autres viennent de petits abattoirs travaillant 2 à 3 jours par semaine, où les animaux sont moins bien dépouillés et où la conservation laisse parfois à désirer. Les peaux sont collectées par les mêmes professionnels que pour celles des grands abattoirs. S’y ajoutent les peaux d’équarissage, souvent en mauvais état.

Pour la commercialisation, deux systèmes sont pratiqués: la vente publique et le négoce.

Dans le premier, les bouchers, propriétaires de leurs produits, sont groupés de manière à pouvoir rassembler les peaux qu’ils possèdent dans un entrepôt coopératif; un mandataire est chargé d’assurer les opérations antérieures à la vente et pendant la vente. L’acheteur dispose d’un catalogue avec toutes les références; il peut vérifier l’exactitude des renseignements et voir les lots. À date fixe, les lots de peaux sont mis à prix et la vente a lieu aux enchères. Le prix est celui du kilogramme de peau fraîche; il s’y ajoute les frais de séchage, de salage, de magasinage et les taxes diverses.

Dans le négoce, par contre, le négociant de cuirs bruts est propriétaire des peaux.

Dans ces transactions commerciales, les peaux de gros bovidés et les peaux de veaux sont vendues au poids, après classement d’après le poids et la qualité; les peaux d’ovins sont vendues au poids et à la pièce; celles de caprins et d’équidés sont vendues à la pièce suivant leur longueur.

3. Les opérations de tannerie

Le tanneur ne présente pas au tannage la peau brute telle qu’il la reçoit de l’usine. Il lui fait subir un travail préalable au cours duquel il en élimine les souillures superficielles, les substances solubles dans l’eau et les tissus non utilisables: d’une part, l’épiderme et les poils; d’autre part, le tissu sous-cutané, sa graisse et les débris de muscles qui y adhèrent encore. La peau se trouve alors réduite au derme qui en constitue la portion utilisable. De plus, le tissu dermique subit, avant tannage, des modifications qui ont pour effet, soit de faciliter la pénétration et l’absorption de la matière tannante, soit de permettre l’obtention d’un cuir présentant des propriétés plastiques particulières et, plus spécialement, une grande souplesse.

La peau ainsi préparée, prête pour le tannage, est désignée sous le nom de «peau en tripe»; l’ensemble des opérations qui conduisent à l’obtention de la peau en tripe, à partir de la peau brute, se nomme le «travail de rivière».

Cette expression a son origine dans le fait que les opérations qu’elle couvre étaient pratiquées en partie dans le courant de la rivière qui bordait toujours la tannerie.

La peau en tripe, substance encore très putrescible qui deviendrait dure et cornée (parchemin) en séchant, est soumise à l’action d’agents tannants pour être transformée en cuir, substance imputrescible à l’état humide, moins hydratée, souple et plastique à l’état sec, et beaucoup moins sensible à l’eau, en particulier à l’eau chaude (80 à 100 0C).

Cette transformation est toujours réalisée en milieu aqueux et résulte de la combinaison de la matière tannante avec certains groupes d’atomes de la molécule de collagène.

Viennent ensuite les opérations de corroyage qui ont pour but de transformer le produit semi-ouvré que représente le cuir simplement tanné en un produit plus élaboré, plus souple, égalisé en épaisseur et teint.

Les opérations de finissage viendront achever le corroyage et communiqueront des qualités marchandes aussi avantageuses que possible (tabl. 1).

Le travail de rivière

Si les méthodes de tannage utilisées pour obtenir de nombreuses variétés commerciales de cuirs sont très diverses, le travail de rivière, par contre, mis à part des différences dans le détail de sa technique (composition des bains, durée des traitements, etc.), comporte toujours les mêmes opérations fondamentales, qui sont: la trempe ou reverdissage; l’épilage et le pelanage; les façons de rivière: ébourrage, écharnage, etc.; le déchaulage ou neutralisation.

Si le produit doit présenter un caractère de grande souplesse, comme c’est le cas du cuir pour empeigne de chaussures ou des peausseries pour le vêtement ou pour la ganterie, il est nécessaire de pratiquer l’opération du confitage. Enfin, certains tannages, tout particulièrement le tannage au chrome, doivent être précédés d’un traitement acide (picklage).

Trempe ou reverdissage

Premier traitement que doit subir la peau mise en fabrication, il a pour but: d’une part, de débarrasser la peau de ses souillures superficielles (boue, crotte, etc.) et des substances solubles (sel utilisé pour la conservation, protéines solubles); d’autre part, de lui faire absorber le plus d’eau possible et de lui rendre toute la souplesse et toute la flaccidité qu’elle a perdues au cours de sa conservation.

La trempe consiste essentiellement en une immersion plus ou moins prolongée dans une eau agitée et renouvelée. Il se produit simultanément une diffusion des produits solides et une absorption d’eau par la peau. Dans le cas des peaux salées, cette absorption est rapide: 24 heures pour les peaux minces et 48 heures pour les peaux épaisses. Elle l’est moins dans le cas des peaux salées sèches, et elle est très lente dans le cas des peaux sèches (3 à 4 jours). Dans ce dernier cas, le reverdissage peut présenter de sérieuses difficultés et nécessite parfois l’addition de produits chimiques à l’eau de trempe (soude ou sulfure de sodium).

Épilage et pelanage

À la trempe fait suite l’opération d’épilage, qui a pour but d’éliminer de la peau l’épiderme et les productions épidermiques telles que les poils, la laine. Toutes les méthodes d’épilage sont basées sur l’attaque des kératines épidermiques par des réactifs chimiques (épilage alcalin) ou biochimiques (épilage microbien et épilage enzymatique) qui n’altèrent pas sensiblement le collagène des fibres dermiques dans les conditions du traitement.

Les kératines jeunes des couches épidermiques profondes sont en effet beaucoup plus sensibles à l’action de ces réactifs que ne le sont les kératines vieilles et cornées de l’épiderme superficiel et des poils. La destruction des couches épidermiques profondes suffit pour provoquer le relâchement et l’élimination aisée de l’épiderme superficiel et des poils. Aussi existe-t-il des méthodes d’épilage qui laissent le poil apparemment intact et permettent de le récupérer.

Les méthodes d’épilage alcalin ne provoquent pas seulement le relâchement du poil; les réactifs utilisés (soude, sulfure de sodium) réagissent aussi sur les fibres dermiques elles-mêmes, dont elles provoquent le gonflement et l’hydrolyse plus ou moins accusée. Gonflement et surtout début d’hydrolyse constituent l’effet de pelanage.

Épilage microbien

L’épilage microbien ou «à l’échauffe» est utilisé pour le délainage des peaux de moutons à belle laine, dont le principal centre mondial est Mazamet. Les peaux complètement reverdies sont suspendues dans les chambres d’échauffe (étuvage), salles basses de plafond, sombres et bien isolées thermiquement. Il y règne une température constante toute l’année (18 à 20 0C). Les peaux sont assez espacées les unes des autres afin que l’air circule entre elles. Après quelques jours, le poil cède sous une faible traction, tandis que se développe dans la chambre une odeur butyrique et ammoniacale, et qu’exsude des peaux un liquide visqueux et trouble. Ces phénomènes correspondent à un début de fermentation putride; si l’opération n’est pas bien surveillée, les peaux subissent des altérations plus ou moins considérables, qui peuvent aller jusqu’à la formation de trous.

Au cours de l’échauffe, les couches profondes de l’épiderme (couche de Malpighi) sont lentement désagrégées et dissoutes, ce qui provoque le départ des couches épidermiques supérieures et des poils. Ceux-ci sont inattaqués, ce qui est particulièrement avantageux pour des peaux à laine fine. C’est pourquoi ce mode d’épilage est réservé aux peaux à belle laine et à cuir médiocre, pour lesquelles le cuir n’est qu’un sous-produit (moutons d’Australie, de Nouvelle-Zélande, de la république Argentine).

Les peaux délainées, appelées cuirots, sont rapidement séchées, puis vendues à des mégissiers qui les traitent ordinairement par tannage mixte végétal-synthétique, pour fabriquer de la basane.

Épilage enzymatique

Dans l’épilage bactérien, la dissolution de la couche de Malpighi et le relâchement du poil sont provoqués par les enzymes sécrétées par les bactéries protéolytiques présentes sur la peau. Dans l’épilage enzymatique, on utilise les enzymes au lieu des microbes. La différence a son importance, car la conduite industrielle d’une fermentation est très difficile. Par contre, une fermentation enzymatique, sans la présence de cellules vivantes, peut être conduite comme une opération chimique.

Divers produits enzymatiques ont été utilisés avec plus ou moins de bonheur: les enzymes du pancréas; les enzymes fongiques, provenant d’une culture d’aspergillus oryzae sur du son humide acidifié par l’acide lactique; les enzymes microbiennes, principalement obtenues à l’aide de cultures de bacillus subtilis , streptomyces fradiae , aspergillus flavius orizae .

L’épilage enzymatique n’a pas encore eu le développement industriel qu’il mérite, probablement en raison du travail ultérieur que doit subir la peau et qui ne paraît pas encore au point: les produits enzymatiques produisent un décollement de la fleur du derme que l’on n’a pu encore éviter.

Épilage chimique

Un troisième groupe de méthodes est représenté par l’épilage chimique. Les kératines épidermiques sont plus sensibles à l’action des solutions alcalines froides que le collagène des fibres dermiques; cette sensibilité augmente encore dans le cas des kératines profondes de l’épiderme. Il en résulte que, si l’on soumet la peau reverdie à l’action d’une solution alcaline de concentration convenable, les couches profondes de l’épiderme sont désagrégées, ce qui provoque la chute des poils, bien avant que les fibres dermiques aient subi une altération notable. Ce traitement est appelé l’épilage alcalin et les bains utilisés sont dénommés pelains.

Pour obtenir le relâchement du poil, il est nécessaire d’avoir une alcalinité assez forte (11 麗 pH 麗 13); certains ions (Ca2+, S2-, SH-, NH4+, R 漣NH3+) favorisent l’épilage.

Dans l’épilage à la chaux , le pelain, constitué par une solution saturée de chaux, n’est pas très actif. Il faut 9 à 10 jours d’immersion pour obtenir le relâchement du poil. Ce procédé est utilisé pour les petites peaux et réalisé dans des coudreuses. Il est accéléré par l’addition de sulfure de sodium à la chaux.

Dans l’épilage à l’orpin , l’épilage est réalisé avec des solutions d’orpiment (sulfure d’arsenic) additionnées de chaux. Les pelains à l’orpiment sont moins alcalins que les pelains au sulfure de sodium; ils épilent moins vite, mais donnent des cuirs à fleur très fine, c’est pourquoi ils sont quelquefois utilisés pour les peaux fragiles.

Une autre méthode d’épilage qui se distingue surtout par le mode opératoire est l’enchaucenage , utilisé pour les peaux de veaux et de moutons, qui consiste à enduire le côté chair de la peau d’un mélange pâteux de sulfure de sodium et de chaux; par perfusion à travers le derme, l’enchaux atteint en 6 à 8 heures la base de l’épiderme et les bulbes des poils, provoque le relâchement du poil et permet de le récupérer intact par grattage.

Les peaux épilées sont soumises à des opérations purement mécaniques (ébourrage, écharnage) dans le but d’éliminer le poil ou les résidus épidermiques, le tissu graisseux sous-cutané et les débris de muscles adhérents du côté chair qui gêneraient la pénétration des liquides tannants.

Déchaulage

La peau en tripe au moment de son introduction dans le bain de tannage doit présenter une réaction aussi voisine que possible du point isoélectrique du collagène, tel qu’il se présente dans la peau en tripe (pH = 5,5); elle ne doit plus présenter de gonflement appréciable.

S’il n’en était pas ainsi, le contact de la solution tannante, acide et astringente, déterminerait un dégonflement brutal avec formation de plissements superficiels. Ces plissements, qui constituent le grain de tannage, sont fixés par le tanin et restent apparents dans le cuir fini. D’autre part, un grand nombre de substances tannantes (tanins végétaux, sels de chrome, sels d’aluminium) sont précipités par les bases alcalines ou la chaux; les précipités s’opposeraient au tannage.

L’opération du déchaulage a pour but d’éliminer les substances alcalines retenues par la peau en tripe et, par suite, de faire disparaître son gonflement alcalin. Cette neutralisation s’effectue par des acides, par des sels, ou encore par les «confits»; dans ce dernier cas, le déchaulage proprement dit s’accompagne d’un phénomène biochimique, le confitage.

Dans le déchaulage par les acides, on utilise l’acide chlorhydrique, l’acide sulfurique ou de préférence des acides faibles (acides borique, butyrique, lactique, acétique, formique) qui permettent de mieux contrôler l’opération.

Le déchaulage par les sels utilise surtout l’hydrogénosulfite de sodium, le chlorure d’ammonium ou le sulfate d’ammonium.

Confitage

Le confitage consiste à faire macérer les peaux pendant quelques heures dans des bains (confits), afin de leur donner une grande souplesse et un grain particulièrement fin. Le confitage est pratiqué sur les peaux pour dessus de chaussures (box, chevreau), sur celles destinées à la ganterie et aux vêtements. Il réalise: le déchaulage de la peau; le «décrassage» par la dissolution des produits kératiniques, c’est-à-dire des résidus de nature épidermique qui subsistent dans le tissu dermique du côté fleur après l’épilage et qui constituent la crasse et le mort-poil; la dissolution partielle ou totale des fibres élastiques, dissolution qui a pour résultat de donner de la souplesse au cuir; l’attaque légère des fibres collagéniques.

Le déchaulage est un processus chimique dû à des sels minéraux ou à des amines. Les autres effets sont la conséquence d’une action biochimique provoquée par les enzymes se trouvant dans le confit.

Il convient de distinguer deux sortes de confits: les naturels et les artificiels.

Les confits naturels sont abandonnés aujourd’hui, en raison des résultats incertains qu’ils fournissaient et de leur caractère peu hygiénique. Ils étaient obtenus, soit par fermentation de macération de son, soit par macération d’excréments de chiens ou d’oiseaux.

Les confits artificiels sont soit d’origine microbienne ou pancréatique, soit des préparations enzymatiques. Les premiers, dont le type fut l’Érodine préparée avec le Bacillus erodiens , n’eurent aucun succès.

Par contre, l’utilisation des confits pancréatiques marqua un tournant décisif pour améliorer l’opération. Avec l’Oropon, mélange de pancréas sec, de chlorure d’ammonium et de sciure de bois, le confitage s’effectuait à l’aide d’enzymes (trypsine), sans le concours de micro-organismes.

Le pancréas des animaux de boucherie étant très prisé, donc d’un prix élevé, on s’employa à rechercher d’autres sources d’enzymes protéolytiques. En 1922, L. Krall proposa l’Aspergillus oryzae ; en 1928, la société Rapidase mit sur le marché des produits désignés «Batinases», préparés à partir de bactéries reconnues aptes à sécréter abondamment des protéases. Ces produits sont largement utilisés aujourd’hui.

Picklage

Le picklage consiste à traiter la peau en tripe par une solution fortement acide (pH 力 2), en présence d’une grande quantité de sel destiné à réprimer le gonflement du collagène que ne manquerait pas de provoquer un pH aussi bas.

La peau picklée présente un gonflement inférieur à celui de la peau en tripe déchaulée; elle a donc subi une déshydratation. Une section montre les fibres du collagène apparentes et séparées les unes des autres. Par suite de cette déshydratation, les solutions tannantes dans lesquelles la peau sera plongée pénétreront rapidement ses tissus. Si l’on dessèche la peau picklée, elle ne fournit pas une matière translucide et cornée, comme le fait la peau en tripe, mais une substance blanche, opaque et souple, ressemblant beaucoup au cuir obtenu par tannage à l’alun. Toutefois, si elle est remouillée, cet effet de tannage disparaît entièrement. Le picklage peut donc être considéré comme un pseudo-tannage.

La quantité d’acide à utiliser dans le picklage des peaux dépend du but que l’on se propose. Le picklage peut en effet avoir pour objet d’assurer la conservation de la peau en tripe, ce qui est le cas des peaux de moutons délainées et vendues à l’état de «tripe picklée» (peaux picklées de Nouvelle-Zélande, d’Australie); c’est aussi le cas des croûtes en tripe provenant du sciage de la peau. Le développement microbien est empêché par l’acidité et le sel qui imprègne la peau.

On peut recourir au picklage à titre de préparation des peaux au tannage. S’ajoutant aux effets du pelanage et du confitage, le picklage contribue à accentuer la défibrillation des fibres dermiques. Il facilite la pénétration des sels chromiques et leur meilleure répartition dans le tissu dermique. Complétant les effets du pelanage et du confitage, il donne de la souplesse aux peausseries.

Rappelons que, pendant longtemps, le picklage a constitué un pseudo-tannage pour l’apprêtage des fourrures (apprêt de Leipzig ou apprêt à l’eau: les fourrures apprêtées par picklage sont graissées sur chair, au tampon, avant d’être séchées).

Le tannage

Les produits capables de transformer en cuir la peau en tripe sont nombreux et très divers. Ils peuvent se classer en: substances d’origine végétale (tanins végétaux); produits minéraux (sels de chrome, d’aluminium, de zirconium, etc.); produits organiques autres que les tanins (tanins synthétiques; composés organiques: formol, quinone; huiles pour chamoisage).

Le choix de l’agent tannant est fait suivant le cuir que l’on désire et surtout sa destination (tabl. 2). C’est ainsi que le tannage avec tanins végétaux est conseillé pour faire du cuir à semelle; pour avoir un cuir à fleur fine, on préconise le tannage au chrome; le tannage au formol et le tannage aux tanins synthétiques permettent d’avoir un cuir blanc. Pour obtenir des gants lavables, il ne faut pas que la peausserie soit tannée ou uniquement tannée à l’alun. Le tannage végétal convient à la fabrication de cuirs fortement nourris et le tannage à l’huile donne une peausserie d’une souplesse remarquable.

Tannage végétal

Le tannage végétal est le plus important des trois plus anciens procédés de tannage: tannage aux huiles, tannage végétal et tannage à l’alun.

Il est utilisé pour la fabrication des gros cuirs: cuirs lissés, en suif, en huile, à trépointe. Il reste encore utilisé dans le tannage des petites peaux: chèvre, mouton, reptile, porc, et comme second tannage (retannage) dans la fabrication de la vachette.

À l’origine et dans tous les pays, les matières tannantes trouvées à proximité, dans le pays même, suffirent à assurer les besoins de la tannerie de tannage végétal. La mise en œuvre directe de substances telles qu’écorces, bois, feuilles, ne peut conduire par lixiviation à l’eau froide qu’à des jus de très faibles concentrations et donc à un tannage lent. L’extraction, à l’échelle industrielle, du tanin des substances végétales a permis de préparer des solutions tannantes, aux concentrations souhaitées et avec les tanins désirés. Le tannage végétal est devenu rapide et même ultra-rapide.

Les solutions de faible concentration pénètrent rapidement, mais ne peuvent donner un tannage complet. D’autre part, il existe des tanins doux (mimosa) qui pénètrent bien, mais dont la fixation est médiocre, et des tanins astringents (tanin de châtaignier) qui pénètrent mal, mais se fixent rapidement, et peuvent provoquer des crispations par fixation massive à la surface de la peau.

Logiquement, le tannage végétal doit débuter avec des solutions peu astringentes, pour obtenir une pénétration satisfaisante de la matière tannante, et se terminer par des tanins astringents.

Tannage lent

Le tannage lent, dont les avantages sont la régularité et la constance dans les résultats du cuir fini, est de plus en plus délaissé aujourd’hui en raison de l’énorme immobilisation de capitaux qu’il nécessite. Il comporte trois phases. La première, appelée basserie , consiste à immerger la peau en tripe, incomplètement déchaulée, dans des solutions pauvres en tanin et, par suite d’une fermentation, légèrement acides. Les peaux sont déchaulées et fixent du tanin; elles prennent une couleur noisette et un toucher caractéristique du cuir. Le traitement dure 30 à 40 jours; la peau passe dans quatre ou cinq cuves qui constituent un «train de basserie».

Après quoi vient l’opération du refaisage ; elle s’effectue dans des cuves en bois ou en maçonnerie, enterrées dans le sol, d’un diamètre de 2 à 2,50 m et de 3 m de profondeur. On dispose les peaux dans ces cuves en plaçant entre elles de l’écorce moulue (tan). On utilise environ 30 kg de tan pour 100 kg de peau en tripe. Lorsque la cuve est remplie, on arrose avec un jus provenant du lessivage d’écorce de chêne. Les cuirs séjournent un mois à un mois et demi dans ces cuves, puis on procède à un deuxième refaisage dans les mêmes conditions. À la sortie de celui-ci, les cuirs sont pratiquement traversés par le tanin, sauf dans les parties épaisses.

La troisième opération est appelée fosse . Elle est pratiquée dans des cuves (ou fosses) identiques aux cuves de refaisage. Les cuirs, étalés avec soin par un ouvrier, sont recouverts d’une couche de tan (100 kg de tan pour 100 kg de peau en tripe). Les couches successives de cuirs et de tan sont abreuvées de jus concentré. Le tout repose pendant trois mois. On pratique ainsi deux fosses pour les cuirs minces, trois pour les cuirs moyens et quatre pour les cuirs épais.

Les cuirs sortant des fosses sont coupés en deux suivant l’échine, ou crouponnés; ils sont ensuite séchés à l’air et donnent le «cuir en croûte», qui est soumis au corroyage.

En moyenne, 100 kg de peau fraîche fournissent 82 kg de peau en tripe et 45 à 47 kg de cuir en croûte à 14 à 16 p. 100 d’humidité.

Si le tannage lent fournit des cuirs de très bonne qualité, il nécessite de 11 à 13 mois pour être réalisé, et, par conséquent, du fait de l’immobilisation d’une matière première chère, il est d’un prix de revient élevé.

Tannage rapide

Par contre, le tannage rapide permet d’obtenir un cuir végétal en 25 jours. Il comporte deux phases: la basserie, où se produit pratiquement la totalité du tannage, et le tannage au foulon.

Une basserie de tannage rapide comprend un groupe de cuves renfermant des jus (solutions d’extraits tannants), dont la concentration varie de 5 à 100 g de tanin par litre. Le pH varie de 6 (pour le jus de faible concentration) à 3,5.

Lorsque les cuirs passent d’une cuve à la suivante, un tiers du jus de la cuve est éliminé et remplacé par le jus de la précédente, de sorte que deux mouvements en sens contraire, celui du cuir et celui du jus, se produisent.

Dans la basserie, les cuirs sont le plus souvent travaillés entiers et crouponnés avant d’être foulés lentement (tannage au foulon ) pendant 2 à 3 jours dans des jus concentrés, renfermant de 150 à 180 g de tanin par litre.

À la sortie du foulon, le cuir de tannage rapide ne peut être séché sans un traitement préalable. En effet, ce cuir est imprégné de la solution tannante à haute concentration; si l’on tente de le dessécher en cet état, les surfaces côté chair et côté fleur se recouvrent d’un enduit noir de tanin partiellement oxydé; le cuir devient cassant au séchage. Pour éviter cet inconvénient, il faut ou bien éliminer le tanin en excès non combiné, ou bien insolubiliser ce tanin par précipitation dans le sein du tissu dermique, à l’aide du sulfate de magnésium, ou bien encore combiner ces deux méthodes.

Tannages minéraux

Un très grand nombre de sels minéraux peuvent, dans certaines conditions, transformer en cuir la peau en tripe. Cependant, seuls quelques sels, en raison de leur abondance et de leur facilité de mise en œuvre, sont utilisés. Les plus importants sont sans aucun doute les sels basiques de chrome. Ce mode de tannage, utilisé seul ou associé au tannage végétal, au tannage à l’alun ou aux tannages organiques, intervient dans plus de 80 p. 100 des fabrications de cuir. Le tannage à l’aide de sels d’aluminium ou tannage à l’alun a été très employé et l’est encore de nos jours, mais à une faible échelle. Viennent ensuite d’autres procédés qui ont connu des succès divers: par ordre d’importance, citons les tannages aux sels de zirconium, au soufre, aux sels de fer, à la silice, aux polyphosphates, etc.

Les méthodes actuelles de tannage aux sels de chrome reposent sur les brevets de A. Schultz et M. Dennis, datant respectivement de 1884 et de 1892. Ces méthodes se classent en deux groupes principaux, selon qu’elles utilisent deux bains ou un seul. Plus coûteux et plus délicat à réaliser, le tannage à deux bains est pratiquement abandonné aujourd’hui.

Bien que les produits mis en œuvre au début de l’opération de tannage ne soient pas les mêmes, le tannage résulte toujours de l’action sur le collagène d’un sel chromique basique produit par hydrolyse d’un chlorure ou encore d’un sulfate conformément aux équilibres:

Cette hydrolyse peut être favorisée par addition de soude ou de carbonate de sodium (basification de la liqueur de chrome). Le degré de basicité indique le nombre total de valences de chrome qui sont saturées par l’hydroxyde OH: basicité 0 pour Cr Cl3, basicité 1/3 pour Cr OH CL2, basicité 2/3 pour Cr(OH)2 Cl, basicité 3/3 pour Cr(OH)3.

Il se forme des complexes polynucléaires qui se combinent au collagène. En première approximation, on peut schématiser cette réaction par la formule ci-dessous.

De nombreux facteurs interviennent lors de la fixation du chrome sur le collagène: la nature du sel chromique (on utilise le sulfate), la masse moléculaire (il faut des masses supérieures à 1 000), la nature du complexe chromique (le tannage ne se produit qu’avec du chrome cationique), la basicité (l’indice 1/3 a été reconnu comme l’indice moyen le plus favorable au tannage), la concentration de la solution, le pH, la présence de sels neutres dans la solution, etc.

Si l’on veut obtenir un tannage complet, sans crispation de surface, il faut que l’astringence de la solution tannante augmente progressivement. Pour les sels de chrome, l’astringence ne varie qu’avec la basicité de la solution; les solutions de faible basicité traversent rapidement la peau; la fixation du chrome est faible. Les solutions de forte basicité pénètrent lentement; l’oxyde de chrome se fixe massivement et produit des crispations de fleur.

La facilité avec laquelle l’ion chrome donne des complexes a été exploitée par le tanneur pour préparer des liqueurs où le chrome complexé à l’aide d’agents organiques, par exemple le formiate ou le phtalate de sodium, réagit moins rapidement sur la peau et autorise l’emploi de solutions à haute basicité et à forte concentration. Le tannage est accéléré et peut être terminé en 6 à 8 heures. La préparation de certains complexes permet de faire un tannage presque à sec en introduisant dans le foulon le sel de chrome en poudre.

Au moment où il est retiré du bain résiduaire de tannage, le cuir au chrome est nettement acide, une certaine quantité d’acide sulfurique libre résultant de l’hydrolyse des sels chromiques. Cet acide est fixé par le collagène. Selon une hypothèse récente, la fixation du chrome sur le collagène se ferait par l’intermédiaire du groupe S4, qui s’éliminerait ultérieurement.

Une acidité trop forte du cuir peut nuire à sa conservation ultérieure en magasin et ne correspond pas, d’autre part, au pH pour lequel les propriétés du cuir sont optimales. Il est par conséquent nécessaire de la neutraliser. Le cuir est alors prêt pour les opérations de teinture et de nourriture.

Le tannage à l’alun est le plus ancien des tannages minéraux; il a donné lieu à la mégisserie, qui prépare des peaux fines d’agneaux et de chevreaux pour la ganterie, et au hongroyage, qui traite les gros cuirs de bovidés pour le harnachement (cuir de Hongrie fortement graissé, blanc et très résistant).

L’industrie du hongroyage a presque complètement disparu; le cuir à bourrellerie se fabrique d’ailleurs aujourd’hui par tannage végétal et par tannage au chrome. La mégisserie pour la ganterie est également concurrencée par le tannage au chrome, mais elle conserve néanmoins une certaine importance.

Il faut souligner que les propriétés tannantes des sels d’aluminium sont assez médiocres. Le cuir obtenu résiste mal à l’action de l’eau froide et encore moins à celle de l’eau chaude. Le tannage à l’alun s’apparente beaucoup plus au picklage qu’au tannage proprement dit.

Dans la pratique, lorsque l’on veut conférer aux peausseries tannées à l’alun l’irréversibilité à l’eau, on leur donne un tannage complémentaire, soit au chrome lorsque les peaux doivent être teintes en couleur, soit au formol lorsqu’elles sont destinées au glacé ou au suède lavable blanc pour la ganterie.

L’analogie constatée entre les composés du fer trivalent et ceux de l’aluminium et du chrome a incité les chimistes à rechercher si elle s’appliquait aux propriétés tannantes. De nombreux essais ont été effectués, mais la forte hydrolyse acide des sels ferriques, l’instabilité des solutions basiques et le caractère hydrolysable de la combinaison que donnent les sulfates ferriques avec la peau n’ont réservé au tannage au fer que des échecs.

Le tannage au zirconium est le plus récent des tannages minéraux. En 1907, le chimiste italien Garelli constata le premier que les nitrates de zirconium et de thorium se fixaient sur la peau, mais c’est le chimiste américain Sommerville qui mit au point ce mode de tannage.

Le tannage au zirconium s’effectue avec des solutions de sulfate basique. Il a lieu en milieu très acide (0,5 麗 pH 麗 1), fournit un cuir blanc, d’un bel aspect, de texture serrée, et remplit mieux la peau que le tannage au chrome, ce qui est avantageux pour des peaux maigres et plates. Il peut être associé avec le tannage végétal, en particulier dans la fabrication de croupons pour semelles; il donne alors un cuir possédant une bonne résistance à l’usure, mais d’un comportement à l’eau médiocre.

Quoi qu’il en soit, le tannage au zirconium est très peu répandu et ne peut concurrencer le tannage au chrome, plus économique et d’une réalisation plus facile.

Le tannage à la silice est basé sur un brevet pris par A. T. Hough en 1915. Il consiste à traiter les peaux en tripe par un sol d’acide silicique suffisamment dispersé et suffisamment stable. Au point de vue pratique, le tannage à la silice a suscité un réel intérêt en raison même de l’abondance et du bas prix de revient de la matière tannante. On avait espéré d’une part réaliser ainsi, dans le cas des peausseries, des tannages parfaitement blancs, et, d’autre part, en raison des doses massives de silice qui peuvent être absorbées par la peau, on avait envisagé aussi le tannage des gros cuirs pour semelles. Le tannage à la silice aurait pu éventuellement être appliqué en conjonction avec le tannage végétal. Malheureusement, ces espoirs ne se sont pas réalisés. On n’est pas encore parvenu à préparer de façon sûre des sols siliciques stables et correspondant à un degré de polymérisation bien déterminé. Il en résulte de très grandes irrégularités dans le processus du tannage, où l’on observe souvent une accumulation de silice sur les couches superficielles provoquant une forte crispation de la fleur, alors que les parties profondes ne sont pas tannées.

Découvert en 1935 par J. A. Wilson, le tannage aux polyphosphates fournit un cuir qui présente les caractères du cuir à l’alun. Il s’agit plutôt d’un simili-tannage, car il résiste mal à l’eau chaude. C’est pourquoi les polyphosphates sont plutôt préconisés comme agents de prétannage.

Il en est de même des composés soufrés. La peau prétannée au soufre peut ensuite être tannée aux tanins végétaux. Elle se tanne plus rapidement et, tout en absorbant moins de tanin, fournit un cuir plus souple. Enfin, le cuir prétanné au soufre est susceptible d’absorber des quantités plus importantes de matières grasses. C’est pourquoi le prétannage au soufre présente un grand intérêt pour la fabrication des cuirs imperméables.

Divers produits organiques peuvent compléter ou remplacer les tanins végétaux naturels. Le plus utilisé est le formol, qui fournit des cuirs blancs souples servant à fabriquer des gants lavables. C’est surtout un agent prétannant. Mélangés aux tanins végétaux, les tanins synthétiques augmentent la vitesse de diffusion de ces derniers dans la peau.

Le corroyage et le finissage

Le corroyage (ou finissage) englobe l’ensemble des traitements que l’on doit faire subir aux cuirs et peausseries pour les amener de l’état de cuir en croûte à l’état de produit fini prêt à la vente. Il comporte toute une série de traitements mécaniques mettant en œuvre un appareillage très spécial et également des opérations chimiques: la nourriture, la teinture et le finissage.

La nourriture consiste à incorporer au cuir une quantité variable de matières grasses, afin de lui donner de la souplesse, de l’imperméabilité, et de modifier ses propriétés mécaniques.

Les deux principales méthodes sont: la mise en suif, qui consiste en une imprégnation d’un cuir sec à l’aide d’une matière grasse concrète (suif); la mise en huile, dans laquelle un cuir humide est imprégné par une matière grasse liquide contenant de l’eau en émulsion. La mise en suif est utilisée pour les cuirs à bourrellerie et pour les cuirs à équipement. Au lieu de matières grasses concrètes qui donnent de la fermeté, on utilise au contraire des matières grasses fluides telles que les huiles, pour obtenir des cuirs souples et imperméables.

Les méthodes de teinture et la nature des colorants utilisés en tannerie dépendent du tannage que le cuir a subi.

Mis à part le cas particulier des colorants réactifs vrais, qui sont les seuls à se fixer par covalence sur les chaînes collagéniques, l’affinité des colorants pour le cuir est obtenue par attraction de charges électriques opposées. Les colorants les plus utilisés sont des colorants anioniques appartenant au groupe des azoïques.

Les teintures sont de plus en plus réalisées par immersion des peaux dans des solutions de colorant. Une légère couverture peut cependant s’effectuer par teinture au pistolet. Enfin, on utilise encore la teinture à la brosse lorsqu’on veut obtenir des couleurs différentes pour l’envers et l’endroit.

Le finissage d’un cuir est l’opération qui consiste à le recouvrir d’une couche mince de matière adhérente et solide qui le protège des agents extérieurs et améliore son aspect. Cette couche mince comporte toujours deux sortes de constituants de base: des produits liants assurant la cohésion des pigments ou des colorants.

Suivant la nature du liant, on peut distinguer trois classes de finissage: ceux à base de liants protéiques (appelés finissages à l’eau); ceux à base de liants cellulosiques (finissages cellulosiques), et ceux à base de résines synthétiques.

Les finissages à base de résines synthétiques sont actuellement les plus employés. On distingue les liants résultant d’une polymérisation du type vinylique et les liants obtenus par polycondensation, destinés essentiellement aux cuirs dits «vernis».

Les méthodes les plus évoluées font appel aux résines polyuréthannes particulièrement bien adaptées à cet usage. Malgré leur prix élevé, elles ont totalement remplacé les anciens vernis à l’huile de lin, très délicats à réaliser et de qualité inférieure.

Une technique très utilisée pour le cuir verni des chaussures consiste à coller une feuille de polychlorure de vinyle ayant déjà l’aspect verni sur des cuirs refendus ou sur des croûtes.

4. Qualité des cuirs

Le cuir est une matière hétérogène. Il n’y a pas deux cuirs semblables; cela tient surtout à l’hétérogénéité de la peau: non seulement les différentes parties de la peau ne présentent pas la même texture, mais aussi la race, le sexe, l’âge de l’animal, la nourriture, le mode d’élevage, influent sur la nature de la peau.

L’appréciation de la qualité d’un cuir est donc délicate et exige une grande compétence. L’examen du cuir porte sur des éléments mesurables et sur des éléments non mesurables.

Éléments mesurables

L’analyse chimique du cuir a pour but de rechercher non seulement les constituants naturels du cuir (substance dermique, tanins combinés, eau, etc.), mais encore les matières incorporées au cours du tannage et du corroyage (matières grasses, matières minérales diverses, excès de tanin, etc.).

Les essais traditionnels sont les suivants: dosages de l’humidité, des matières grasses, des matières lavables à l’eau (tanins non combinés à la substance dermique), des matières minérales, mesure de l’acidité.

Les essais physico-mécaniques portent sur la résistance à la traction, l’allongement sous la charge de rupture, la résistance à la déchirure, la résistance à l’abrasion, la tenue à la chaleur, la dureté, la densité, la résistance de la fleur à la flexion, la capacité d’absorption de l’eau, la perméabilité à la vapeur d’eau, etc.

Suivant l’utilisation du cuir, on fixe les tests à lui faire subir: par exemple, on exigera d’un cuir pour dessus de chaussures de la souplesse, une bonne imperméabilité à l’eau, une certaine perméabilité à la vapeur d’eau. Il devra être, en outre, résistant à la traction sans accuser un trop grand allongement sous la charge de rupture, ce qui dénoterait une tendance à la déformation permanente (le cuir des dessus de chaussures doit avoir du «prêtant», pour faciliter le montage de la chaussure et assurer l’aisance des mouvements du pied, mais sans excès). Enfin, il devra être résistant à la déchirure.

Un cuir à vêtement devra avoir beaucoup de souplesse, une très bonne imperméabilité à l’eau, une perméabilité convenable à la vapeur d’eau, une résistance affirmée à la déchirure, et être apte à la teinture.

Éléments non mesurables

Ils consistent principalement dans l’aspect de la fleur (un bon cuir a une fleur fine et uniforme, un grain serré et lustré), l’aspect de la chair (un bon cuir a une chair uniforme, bien écharnée ou nettement refendue s’il s’agit d’un cuir refendu), les défauts provenant de l’animal vivant ou de l’habillage, de la conservation de la peau brute, du tannage, les qualités de toucher (fleur soyeuse, cuir agréable au toucher: cuir qui a «de la main»).

La qualité d’un cuir dépend avant tout de la qualité de la peau, mais aussi des opérations de fabrication. Le travail de rivière, le tannage, puis le corroyage apportent à la peau des propriétés nouvelles de fermeté ou de souplesse, de résistance à la traction ou de prêtant.

5. Les succédanés

On appelle succédanés du cuir les matières qui, possédant un ensemble de propriétés comparables aux siennes, peuvent être employées en ses lieu et place.

Ces succédanés sont connus depuis fort longtemps, mais c’est au cours des dernières années que, par suite de la pénurie et du prix élevé du cuir, la fabrication des produits de remplacement s’est considérablement développée et que s’est constituée une industrie nouvelle dont l’importance, grâce à la qualité et aux avantages des matières fournies, ira certainement en croissant.

Étant donné le grand nombre de produits qui, actuellement, sont susceptibles d’être utilisés à la place du cuir, il importe de distinguer: les matières de remplacement à base de textile recouvert ou non d’une enduction imperméable à l’eau, auxquelles on donne artificiellement un «grain» comparable à certains cuirs: simili-cuir, texon (fibre de cellulose), etc.; les matières plastiques souples: chlorures de polyvinyle; les matières de remplacement à base de fibres de cuir qui, dès lors, ont une apparence et des propriétés qui se rapprochent beaucoup plus de celles du cuir que les produits précédents: syndermes, corfam, clarino, cuir reconstitué, ou autres.

Fabrication des syndermes

La matière première est constituée par les déchets de cuir. Les opérations de fabrication commencent par un broyage des déchets en présence d’eau, de manière à réaliser une suspension aqueuse. Les fibres de cuir doivent, autant que possible, conserver leurs dimensions naturelles pour faciliter leur enchevêtrement ultérieur. On obtient ainsi une pâte dont la concentration est de l’ordre de 50 g de cuir par litre. Les fibres peuvent alors être retannées s’il y a lieu et additionnées de matières grasses, afin de donner de la souplesse et de l’imperméabilité à l’eau au produit fini. Un liant, le plus souvent du latex mais dans certains cas du chlorure de polyvinyle ou un autre haut polymère, est ajouté, puis coagulé, pour assurer la cohésion entre les fibres. La fabrication s’achève par des opérations diverses s’inspirant de celles qui sont effectuées dans la fabrication du papier, et se termine par le ponçage, l’enduction à l’aide d’un pigment, le grainage, etc.

On utilise les syndermes comme semelles premières de chaussures, semelles de pantoufles, trépointes, ou bien pour faire des guêtres, des dessus de galoches, des objets de maroquinerie.

Le cuir reconstitué

Le cuir reconstitué est un produit imputrescible, obtenu à partir de fibres de collagène agglomérées à l’aide de liants, généralement des polymères de synthèse.

La matière première est la peau elle-même (peaux abîmées ou déchets de peaux). Après épilage, la peau est broyée et réduite en forme de pâte, puis traitée par un dispersant du collagène, par exemple de l’acide monochloracétique, qui donne un gel plus ou moins concentré duquel on précipite des fibres, soit en neutralisant avec de l’ammoniaque, soit en dialysant, soit en ajoutant un solvant organique. La coagulation peut se faire à la sortie d’une filière comme pour les fibres textiles.

Les fibres de collagène sont ensuite tannées et agglomérées. Le compound collagène-liant peut être calandré. On obtient une sorte de feuille analogue aux syndermes ou au corfam.

cuir [ kɥir ] n. m.
quir 1080; lat. corium
1Vieilli ou plaisant Peau de l'homme. « Ils ont la tête rasée jusqu'au cuir » (La Bruyère). « Il était de stature moyenne, nerveux, brun de poil et de cuir » (Duhamel). Tanner le cuir à qqn. Mod. Le cuir chevelu : la peau du crâne qui porte les cheveux.
2(XIIe) Peau des animaux séparée de la chair, tannée et préparée. peau. Grain d'un cuir. Cuir lisse. Cuir souple. Cuir de bœuf, de vache ( croupon, nubuck, vachette) , de veau ( 1. box, vélin) , de chèvre ( maroquin) , de mouton ( basane, 3. chagrin) , de reptiles ( crocodile, lézard, serpent) . Cuir brut ou cuir vert, mis au tannage. Cuir corroyé. Travail du cuir par les corroyeurs, fouleurs, tanneurs. Apprêter, chamoiser, chromer, écharner, fouler, gaufrer, greneler, lisser, vernir les cuirs. Croûte de cuir. Cuir pleine fleur. Cuir suédé. daim. Cuir bouilli. Travail, commerce du cuir ( bourrelier, cordonnier, maroquinier, sellier) . Semelles de cuir. Livre relié en cuir. Cuir artificiel. moleskine, skaï, synderme. Cuir à rasoir : bande de cuir pour donner le fil aux rasoirs. — Rond de cuir. rond-de-cuir.
Fam. Vêtement de cuir. Il a mis son cuir et pris sa moto.
3Peau épaisse de certains animaux (dure comme le cuir, 2o). « Le cuir d'un chameau de Tartarie » (Bloy).
4(1783) Fig. et fam. Faute de langage qui consiste à lier les mots de façon incorrecte (ex. Les chemins de fer [ z ] anglais [ leʃmɛ̃dfɛrzɑ̃glɛ ] ). Faire un cuir. Les velours et les cuirs.
⊗ HOM. Cuire.

cuir nom masculin (latin corium, peau) Dépouille d'animal, en particulier de bovin, destinée au tannage ; peau tannée et corroyée, propre aux usages de l'industrie : Commerce de cuirs et peaux. Familier. Objet, vêtement, article en cuir. Familier. Peau épaisse de certains animaux : Le cuir de l'hippopotame. Populaire. Peau humaine. Populaire. Blouson de cuir. Faute de liaison (exemple : Dis-moi-t-un peu). Arts décoratifs Entourage d'un cartouche rappelant un morceau de cuir découpé et enroulé en volutes. (Renaissance maniériste, école de Fontainebleau.) Chapellerie Bande de cuir mince bordant intérieurement l'entrée de tête d'un chapeau d'homme. ● cuir (expressions) nom masculin (latin corium, peau) Cuir chevelu, ensemble de tissus mous qui recouvrent le crâne, normalement garni de cheveux. Entre cuir et chair, sous la peau. Cuir de laine, synonyme de cuir-laine. ● cuir (homonymes) nom masculin (latin corium, peau) cuire verbe cuirent forme conjuguée du verbe cuirecuir (synonymes) nom masculin (latin corium, peau) Faute de liaison (exemple : Dis-moi-t-un peu ).
Synonymes :
- lapsus
- pataquès
Textiles. Cuir de laine
Synonymes :
- cuir-laine

cuir
n. m.
d1./d Peau épaisse de certains animaux, contenant une couche dermique fibreuse.
d2./d Cette peau séparée de la chair et préparée pour les besoins de l'industrie. Veste, bagages en cuir. Cuir de Russie, parfumé à l'essence de bouleau.
d3./d Cuir chevelu.
d4./d Fig., Fam. Vice de langage qui consiste à faire une liaison incorrecte entre des mots. Ex.: Il va à Paris au lieu de.
Encycl. La peau brute séparée du corps de l'animal présente un côté poil (ou fleur) et un côté chair. Le tannage des peaux, précédé par des opérations destinées à assouplir les peaux et à en ôter les poils et résidus, a pour but de transformer la peau en cuir (tannage végétal, tannage minéral ou chamoisage). Ensuite, le corroyage lui donne souplesse, résistance et imperméabilité.

I.
⇒CUIR1, subst. masc.
A.— [En parlant d'un être vivant]
1. Vx ou p. plaisant. Peau de l'homme. Le berger accroupi, le menton ras, le cuir tanné, son cachimbau (pipe courte) au coin de la bouche finement dessinée, parlait à peine (A. DAUDET, Trente ans Paris, 1888, p. 167) :
1. La trogne du père Bazouge, avec sa bouche tordue et son cuir encrassé par la poussière des enterrements, lui semblait [à Gervaise] belle et resplendissante comme un soleil.
ZOLA, L'Assommoir, 1877, p. 779.
Cuir chevelu (cf. chevelu A 1 a).
Loc. Entre cuir et chair (cf. chair I A 2 a).
Tanner le cuir de qqn. Le battre, lui administrer une correction (cf. FRANCE 1907).
P. méton. [Désignant une partie de la pers., la pers. tout entière ou son caractère] Toi, Gérane amène ton cuir. Arthur se casa dans le fauteuil, offrit ses joues (H. BAZIN, Tête contre murs, 1949, p. 333). Ils auront ton cuir et ta moelle (ARNOUX, Solde, 1958, p. 86) :
2. ... tu sais que je t'aime, toi, Juif, ami fraternel. Mais vraiment, vous avez le cuir trop irritable, vous êtes impossibles.
DUHAMEL, Chronique des Pasquier, Les Maîtres, 1937, p. 83.
2. Peau particulièrement épaisse de certains animaux. Cuir du chameau, de l'éléphant, de l'hippopotame. C'est la nature (...) qui a renfermé sous le cuir de la baleine tout ce qui était nécessaire aux besoins de l'homme (BERN. DE ST-P., Harm. nature, 1814, p. 73). Les bombes atomiques les plus effroyables doivent n'être que quelque pétard sur le cuir d'un rhinocéros (COCTEAU, Lettre Amér., 1949, p. 88) :
3. Quand le taureau eut après lui sept ou huit banderillas dont le fer lui déchirait le cuir et dont le papier lui bruissait aux oreilles, il se mit à courir...
GAUTIER, Tra los montes, Voyage en Espagne, 1843, p. 83.
B.— [En parlant de la peau séparée de la chair de certains animaux]
1. Dépouille d'animal, notamment de gros bovin, destinée au tannage. Négociant en cuirs et peaux :
4. Aujourd'hui, nous avons cinq tanneries, elles emploient tous les cuirs du département, elles en vont chercher quelquefois jusqu'en Provence, et chacune possède son moulin à tan.
BALZAC, Le Médecin de campagne, 1833, p. 51.
Rem. 1. Dans ce sens, on dit aussi cuir brut (le procédé du salage qui nous intéresse (...) consiste à empiler les cuirs bruts côté poil en dessous, en recouvrant le côté chair de chacun d'eux par une couche de sel [STOCKER, Sel, 1949, p. 90]); cuir cru (cf. cru I B 1 b); cuir vert. Anton. cuir tanné, cuir fini. 2. Le terme de peau, également employé dans ce sens, est gén. réservé aux dépouilles des animaux de petite taille.
Cuir en tripe. Peau qui a subi la préparation (travail de rivière) précédant le tannage proprement dit (cf. BÉRARD, GOBILLIARD, Cuirs et peaux, 1947, p. 70)
2. Usuel. Matière imputrescible, relativement résistante à l'eau, souple, obtenue par tannage de la peau et utilisée à diverses fins. Cuir fauve; casquette, chaussures de cuir. Une ceinture de cuir, commandée au bourrelier, d'après un modèle que je lui avais moi-même fourni (MAURIAC, Nœud vip., 1932, p. 157) :
5. Une paire de bottes! c'était depuis longtemps le rêve, (...) du gros garçon. Il avait essayé de s'en faire avec de vieilles tiges à Deschartres et un grand morceau de cuir qu'il avait trouvé dans la remise, ...
SAND, Histoire de ma vie, t. 2, 1855, p. 379.
SYNT. Cuir bouilli, chamoisé (II A), durci, épais, fin, gaufré, glacé, gras, lissé, repoussé; cuir à bourrellerie, à empeigne, à semelle; cuir (tanné) au chrome; cuir de Cordoue; (côté) chair du cuir (cf. chair I A 2 a), (côté) fleur du cuir; odeur, relent de cuir, corroyage, nourrissage, travail du cuir; banquette, blouson, courroie, portefeuille, sac de (en) cuir; (personne, objet qui) sent le cuir; harnaché, sanglé, recouvert, relié de cuir (en plein cuir).
Cuir de Russie. Cuir traité à l'huile de bouleau. Il voyait Mme Ewans ouvrir sans cesse son petit porte-monnaie en cuir de Russie (A. FRANCE, Servien, 1882, p. 48).
Rond de cuir. Coussin plat en cuir. Mais il fallait de l'initiative et de l'intelligence, il s'agissait de ne pas s'endormir sur son rond de cuir, comme un empoté (ZOLA, Pot-Bouille, 1882, p. 29). Le rond de cuir du bureaucrate (FAURE, Esprit formes, 1927, p. 263). Au fig. cf. rond-de-cuir.
Expr., loc.
Vx, iron. Orfèvre en cuir. Savetier (cf. HAUTEL t. 1 1808).
Rem. LITTRÉ, Lar. 19e, Lar. 20e attestent la var. orfèvre en vieux cuirs.
Au fig. Vouloir du cuir d'autrui faire large courroie. Vivre aux dépens d'autrui (cf. Ac. 1798-1878).
P. méton. Objet, vêtement en cuir. Le cuir d'aviateur que Gardet portait par-dessus sa combinaison (MALRAUX, Espoir, 1937, p. 830).
Cuir à rasoir. Bande de cuir utilisée pour entretenir le fil du rasoir (cf. Catal. d'instruments de lab. (Jouan), 1933, p. 106).
Spéc., IMPR. Cuir de balle (cf. balle3 B) ou absol. cuir (BERTRAND-QUINQUET, Impr., 1799, p. 169).
Arg. ,,Ballon`` (ESN. 1966).
P. métaph. Cuir épais et mouillé des feuilles d'hortensia (COLETTE, Mais. Cl., 1922, p. 87). Ses belles épaules de cuir tiède (LA VARENDE, Roi Écosse, 1941, p. 153).
P. anal.
a) Cuir artificiel, faux cuir, simili-cuir. Produit de remplacement d'origine naturelle (déchets divers) ou synthétique. Elle ouvrit son sac de faux cuir et se mit à fouiller parmi les objets qui s'y trouvaient (G. ROY, Bonheur occas., 1945, p. 94).
Cuir de banane :
6. ... la grille du cimetière des chiens, à travers laquelle on voit de vieilles dames à fourrure en poil végétal, à boas en plume de palmier, à chaussures en cuir de bananes, terribles pour les végétaux, ...
GIRAUDOUX, Suzanne et le Pacifique, 1921, p. 30.
b) Cuir de brouette (cf. brouette B 1).
c) Cuir (de) laine. Sorte de tissu croisé très solide. C'est un bon cuir de laine et défiant l'usure (ROSTAND, Aiglon, 1900, I, 9, p. 36).
d) Carpe cuir. Variété de carpe (de chair médiocre) sans écaille (cf. Le Temps, 25 sept. 1938). Allégé, il [l'inconnu] repart (...) comme s'il était attiré par ce gargouillis (...) qui signale en tout temps l'emplacement du petit étang artificiel où prospèrent d'énormes carpes cuir (H. BAZIN, Huile sur feu, 1954, p. 14).
Prononc. et Orth. :[]. Ds Ac. 1694-1932. Homon. cuire. Étymol. et Hist. 1. Ca 1100 quir « peau de l'homme » (Roland. éd. J. Bédier, 1012); 1800 spéc. cuir chevelu (GEOFFROY, Méd. prat., p. 447); 2. ca 1160 cuir « peau d'un animal tué » (Eneas, éd. J.-J. Salverda de Grave, 395 : cuir de tor); ca 1170 « peau tannée servant à divers usages » (CHR. DE TROYES, Erec et Enide, éd. M. Roques, 3764). Du lat. class. corium « peau de l'homme » et « peau des animaux ». Fréq. abs. littér. :1730. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 1 290, b) 3 437; XXe s. : a) 2 473, b) 2 926. Bbg. GOTTSCH. Redens. 1930, p. 63, 254. — GOUG. Mots t. 2 1966, p. 122. — LE BRETON GRANDMAISON. Comment parlent les relieurs. Vie Lang. 1961, p. 434. — QUEM. Fichier. — STRAKA (G.). En relisant Menaud, maître-draveur. In : [Mél. Imbs (P.)]. Trav. Ling. Litt. Strasbourg. 1973, t. 11, n° 1, p. 281.
II.
⇒CUIR2, subst. masc.
Défaut de prononciation qui consiste à lier les mots sans raison (plus particulièrement en faisant entendre un « s » pour un « t » à la fin d'un mot, et vice-versa). Faire des cuirs; s'exprimer sans cuirs; parler avec des cuirs. Synon. rare velours :
Le Mal Soult qui faisait souvent des cuirs battait l'opposition à la tribune parce qu'il savait son affaire mieux que tous les démosthènes.
MÉRIMÉE, Lettres à Madame de Beaulaincourt, 1870, p. 144.
Rem. La docum. atteste un emploi, p. plaisant., de cuirassier subst. masc. pour désigner celui qui fait des cuirs (cf. ESN. 1966). Comme il saupoudrait souvent ses harangues d'une infinité de liaisons dangereuses, ses auditeurs (...) l'avaient surnommé le Cuirassier ou le Tanneur (VIDOCQ, Vrais myst. Paris, t. 2, 1844, p. 204).
Prononc. et Orth. :[]. Ds Ac. 1835-1932. Homon. cuire. Étymol. et Hist. Av. 1783 cuir « faute de liaison » (Ch. COLLÉ, Correspondance, pp. 382-383 ds PROSCHWITZ, p. 88 : leur prononciation vicieuse est pleine de cuirs). Même mot que cuir1. Peut-être dû à l'expr. écorcher un mot (BL.-W.5), déjà attestée chez Rabelais (Pantagruel, éd. V.-L. Saulnier, chap. VI, p. 33 : escorcher le latin).

cuir [kɥiʀ] n. m.
ÉTYM. 1080, quir, Chanson de Roland; du lat. corium « peau ».
———
I
1 Vx (langue class.) ou par plais. La peau de l'homme.
1 (…) ils ont la tête rasée jusqu'au cuir (…)
La Bruyère, les Caractères de Théophraste, De l'épargne sordide.
2 Donc, il dit à ses damnés, à ceux qui avaient le cuir plus dur que les autres : « Allez me nettoyer la route ».
Balzac, le Médecin de campagne, Pl., t. VIII, p. 457.
3 Il était de stature moyenne, nerveux, brun de poil et de cuir.
G. Duhamel, le Temps de la recherche, III, p. 29.
Loc. Entre cuir et peau : sous la peau. || Entre cuir et chair : entre peau et chair. || S'enfoncer une épine entre cuir et chair. Fig.Jurer entre cuir et chair, sourdement (→ Dans sa barbe).
(1800). Mod. || Le cuir chevelu : la peau du crâne qui porte les cheveux. || Affections du cuir chevelu ( Alopécie, pelade, teigne).
Fig. Tanner le cuir à qqn, le battre.
4 (…) depuis trente ans que je reçois des coups, je devrais avoir le cuir tanné.
G. Duhamel, Chronique des Pasquier, VII, p. 82.
2 (V. 1160). Peau (d'un animal); spécialt, peau épaisse. || Le cuir épais et dur du mulet. || Le cuir de l'hippopotame, du rhinocéros, de l'éléphant.
5 (…) la couleur faisait penser bizarrement au cuir d'un chameau de Tartarie, à l'époque de la mue du poil (…)
Léon Bloy, la Femme pauvre, II, XV, p. 244.
3 Cour. Peau des animaux séparée de la chair, tannée et préparée pour différents usages. Peau; mégisserie, pelleterie, tannerie. || Aspect d'un cuir. Grain. || Cuir grenu. || Cuir lisse. || Cuir souple. || Cuir fort. || Cuir dur, racorni. Coriace. || Côté chair, côté fleur du cuir. || Qui a l'aspect du cuir. Alutacé.
Variétés de cuirs. || Cuir de bœuf, de buffle, de vache. Croupon, vachette. || Cuir de veau. Box-calf, vélin. || Cuir de cheval. Chagrin. || Cuir de chèvre ( Maroquin), de mouton ( Basane). || Cuir de reptiles. Crocodile, lézard, serpent. || Cuir de mollèterie, ou cuir d'œuvre, pour empeignes de chaussures. || Cuir de poule, cuir souple pour la ganterie. || Préparation des cuirs. || Cuir brut, cru, ou cuir vert, mis au tannage. Tanner; tan. || Cuir corroyé. Corroyage; corroyer. || Apprêter le cuir. Chamoiser, chevaler, chromer, drayer, écharner, fouler, gaufrer, greneler, lisser, vernir. || Cuirs spéciaux. || Cuir parcheminé. || Cuir plaqué. || Cuir en croûte. || Cuir suédé, Chamois, daim. || Cuir bouilli (propre et fig. Bouilli). || Cuir jusé. || Cuir en huile, traité à l'huile végétale, non teint. || Cuir grainé, imprimé. || Cuir de Russie, traité à l'huile de bouleau ( Dioggot). || Cuir de Valachie, préparé dans un passement d'orge. || Cuir de Hongrie ( Hongroyer). || Cuir de Transylvanie, préparé à la farine de seigle. || Cuir de Cordoue.
5.1 Cette agonie qu'on appelle l'existence, si elle n'était pas meublée d'objets sensuels et parfaitement inutiles, ne mériterait pas qu'on la prolonge. De surcroît, l'art de la reliure, insiste Matri, est un art olfactif : un constant plaisir de la narine, qui doit déceler sans effort le vélin ivoire du demi-veau ou le chagrin du cuir de Russie, encore que parfois les gardes de soie en atténuent le parfum.
Alain Bosquet, les Bonnes Intentions, p. 205-206.
Personnes qui travaillent le cuir. Corroyeur, coupeur, fouleur, mégissier, tanneur; bourrelier, cordonnier, sellier. || Billot pour battre le cuir. || Refendage du cuir. || Coudre du cuir avec une alêne. || Coudre, clouer le cuir. || Teindre, cirer du cuir (→ Cirage, cit. 2). || Cuir repoussé. || L'industrie du cuir. || Vente du cuir. Maroquinerie.
Objets de cuir, en cuir. || Chaussures, semelle de cuir, tout cuir. || Blouson, manteau, veste de cuir. || Gants de cuir. || Manchettes en cuir. Crispin. || Bandes, lanières en cuir. Bandoulière, baudrier, bourdalou, brayer, ceinture, courroie, cravache, guide, lanière, trépointe. || Cartouchière, porte-monnaie en cuir. || Livre relié en cuir (→ Couvrir, cit. 41). || Tablier de cuir des forgerons.
6 Une ceinture marocaine de cuir jaune ornée de broderies de couleurs vives serrait à la taille leurs petites robes très courtes, inspirées des modes européennes.
P. Mac Orlan, la Bandera, VII, p. 77.
Par métonymie. || Porter un cuir, un vêtement de cuir. || « “Dépouiller” les gosses de leurs “cuirs” » (le Nouvel Obs., 16 oct. 1978, p. 79).
Spécialt. || Cuir à rasoir : bande de cuir pour donner le fil aux rasoirs.
Absolument :
6.1 Alidor… repassant son rasoir sur sa main : Savez-vous où il met son cuir ?
E. Labiche, Deux merles blancs, II, 8.
Argot de sport. Ballon.
Rond de cuir. Rond-de-cuir.
4 Par anal. || Cuir de poisson. || Carpe cuir : type de carpe sans écaille.Cuir de requin. Galuchat.Fig. || Cuir fossile. Asbeste.Cuir des Vosges : sorte de carton.Cuir de laine : étoffe de laine croisée très résistante.Cuir artificiel ou reconstitué : toile enduite de cellulose.On dit aussi faux cuir, ou simili-cuir.
———
II (1783). Fig. et fam. Faute de langage qui consiste à lier les mots de façon incorrecte (ex. : les chemins de fer[z] anglais [lɛʃ(ə)mɛ̃dfɛʀzɑ̃glɛ]). || Faire un cuir. || Parler sans (avec des) cuirs.
7 (…) ces mots français que nous sommes si fiers de prononcer exactement ne sont eux-mêmes que des « cuirs » faits par des bouches gauloises qui prononçaient de travers le latin ou le saxon, notre langue n'étant que la prononciation défectueuse de quelques autres.
Proust, À la recherche du temps perdu, t. IX, p. 176.
DÉR. Cuirasse, cuirot, curée. — V. Coriace.
COMP. Simili-cuir.
HOM. Formes du v. cuire.

Encyclopédie Universelle. 2012.