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aigle

aigle [ ɛgl ] n. m. et f.
XIIe; lat. aquila, probablt par l'a. provenç. aigla
I N. m.
1Grand rapace diurne (falconiformes) au bec crochu, aux serres puissantes, qui construit son nid (aire) sur les hautes montagnes. Aigle royal, impérial. Aigle jean-le-blanc. circaète. Aigle de mer. pygargue. Aigle pêcheur. balbuzard. L'aigle glatit ou trompette.
Par compar. Des yeux d'aigle, particulièrement perçants. Nez en bec d'aigle. aquilin. Fig. Coup d'œil, regard d'aigle : vue pénétrante, profonde. La pensée « s'élance du vol de l'aigle » (France).
2Loc. fam. Ce n'est pas un aigle : il n'a rien d'un esprit supérieur, il n'est pas très intelligent.
3Par ext. Figure représentant un aigle. L'aigle noir de Prusse, décoration.
Lutrin surmonté d'un aigle sculpté.
Grand, petit aigle, dénomination de formats de papier.
II N. f.
1Femelle de l'aigle. Une aigle et ses aiglons.
2Par ext. Figure héraldique représentant un aigle. Aigle éployée, essorée.
Enseigne militaire en forme d'aigle. Les aigles romaines. L'aigle impériale (des armées napoléoniennes).

aigle nom masculin (latin aquila) Grand rapace diurne (accipitridé) au vol puissant et souvent plané, capturant de ses griffes (serres) des proies vivantes : serpents, mulots, lapins, très rarement agneaux, et édifiant en un lieu peu accessible un nid grossier (aire) où le couple n'élève qu'un seul petit par nichée. Mobilier et décoration Dans certains lutrins, partie qui supporte le livre posé. Synonyme de lutrin. Monnaies Type monétaire des États-Unis. ● aigle (citations) nom masculin (latin aquila) Jean Bertaut Donnay, Calvados, 1552-Séez 1611 J'aime mieux, en soucis et pensers élevés, Être un aigle abattu d'un grand coup de tonnerre Qu'un cygne vieillissant ès jardins cultivés. Stances Robert Desnos Paris 1900-Terezín, Tchécoslovaquie, 1945 Le temps est un aigle agile dans un temple. Corps et biens Gallimard Victor Hugo Besançon 1802-Paris 1885 L'Angleterre prit l'aigle et l'Autriche l'aiglon. Les Chants du crépuscule, Napoléon II Victor Hugo Besançon 1802-Paris 1885 La continuité des grands spectacles nous fait sublimes ou stupides. Sur les Alpes on est aigle ou crétin. Tas de pierres Éditions Milieu du monde Napoléon Ier, empereur des Français Ajaccio 1769-Sainte-Hélène 1821 L'aigle avec les couleurs nationales volera de clocher en clocher jusqu'aux tours de Notre-Dame. Proclamation du 1er mars 1815 Commentaire Dès son retour de l'île d'Elbe, Napoléon fit publier de nombreuses proclamations. Dans celle qui était destinée à l'armée se trouvait cette phrase qui s'avéra prophétique, tant la marche de Napoléon sur Paris fut rapide. Edgar Allan Poe Boston 1809-Baltimore 1849 Parce que la tortue a le pied sûr, est-ce une raison pour couper les ailes de l'aigle ? But, because the tortoise is sure of foot, for this reason must we clip the wings of the eagle ? Eureka aigle (difficultés) nom masculin (latin aquila) Genre et sens Le sens du mot est différent selon qu'il est masculin ou féminin. 1. Aigle n.m. = oiseau de proie (uniquement pour désigner le mâle de l'espèce). Un aigle royal. Aigle est masculin et s'écrit avec une majuscule dans le nom de certains ordres de chevalerie : l'ordre de l'Aigle blanc. 2. Aigle n.f. = femelle de l'oiseau de proie ; enseigne militaire des Romains ; figure héraldique : une aigle et ses aiglons ; les aigles romaines ; une aigle éployée. 3. L'Aigle n.f. = constellation de l'hémisphère boréal. Avec une majuscule. La nuit était claire et l'Aigle resplendissante. ● aigle (expressions) nom masculin (latin aquila) L'Aigle de Meaux, Bossuet, évêque de Meaux. L'Aigle de Patmos, auteur de l'Apocalypse, saint Jean l'Évangéliste. Avoir un regard d'aigle, un coup d'œil d'aigle, avoir une grande pénétration d'esprit. Avoir des yeux, un œil d'aigle, avoir une vue perçante. Familier. Ce n'est pas un aigle, se dit de quelqu'un d'une intelligence médiocre. Nez (en bec) d'aigle, busqué ou aquilin. Fougère grand aigle, grande fougère des sols forestiers siliceux, dont la coupe du pétiole montre un dessin rappelant l'aigle héraldique. Grand aigle, dignité la plus haute de la Légion d'honneur, créée par Napoléon Ier le 29 janvier 1805. (On dit aujourd'hui grand-croix.) Grand aigle, petit aigle, anciens formats de papier ou de carton aux dimensions respectives de 74 × 105 cm et de 60 × 94 cm. Aigle de mer, mourine. Aigle pêcheur, balbuzard. ● aigle (homonymes) nom masculin (latin aquila) aigle nom fémininaigle (synonymes) nom masculin (latin aquila)
Synonymes :
- Mobilier et décoration. lutrin ● aigle nom féminin Enseigne nationale ou militaire représentant un aigle. Figure héraldique représentant un aigle vu de face, la tête tournée de profil à dextre, les ailes étendues ou parfois pendantes. Aigle femelle. ● aigle (difficultés) nom féminin Genre et sens Le sens du mot est différent selon qu'il est masculin ou féminin. 1. Aigle n.m. = oiseau de proie (uniquement pour désigner le mâle de l'espèce). Un aigle royal. Aigle est masculin et s'écrit avec une majuscule dans le nom de certains ordres de chevalerie : l'ordre de l'Aigle blanc. 2. Aigle n.f. = femelle de l'oiseau de proie ; enseigne militaire des Romains ; figure héraldique : une aigle et ses aiglons ; les aigles romaines ; une aigle éployée. 3. L'Aigle n.f. = constellation de l'hémisphère boréal. Avec une majuscule. La nuit était claire et l'Aigle resplendissante. ● aigle (homonymes) nom féminin aigle nom masculin

aigle
n.
rI./r n. m.
d1./d Oiseau rapace diurne de l'ordre des falconiformes qui comprend des espèces telles que l'aigle royal d'Europe (2,50 m d'envergure) et, en Afrique, l'aigle blanchard (forêts), l'aigle huppard et l'aigle bateleur (savanes), l'aigle pêcheur (marigots). L'aigle a des pattes armées de griffes très puissantes, les serres. L'aigle glatit. Aire d'un aigle, son nid.
|| Avoir un oeil d'aigle, une vue perçante.
|| Un nez en bec d'aigle, crochu.
d2./d Fig. Ce n'est pas un aigle: ce n'est pas une personne très intelligente, d'une grande valeur.
rII./r n. f.
d1./d Femelle de l'aigle.
d2./d Emblème héraldique figurant un aigle. L'aigle impériale.
d3./d ASTRO L'Aigle: constellation boréale dont l'étoile principale est Altaïr.

⇒AIGLE, subst. masc. ou fém.
I.— Sens gén.
A.— Masc. ou fém. Oiseau de proie diurne (famille des Aquilidés), de très grande taille, d'une envergure très étendue, au bec crochu du bout, aux tarses emplumés aux serres puissantes et doué d'une vue perçante. Aigle brun, impérial, noir, roux, royal; grand aigle; l'aigle trompette ou glatit (ROB.) :
1. ... tous les habitans du pays chassaient ou pêchaient pour nous; (...) nous fûmes forcés d'accepter un traîneau de kamtschadales pour la collection des curiosités du roi, et deux aigles royaux pour la ménagerie, ainsi que beaucoup de zibelines.
Voyage de La Pérouse autour du monde, t. 3, 1797, p. 141.
2. L'aigle, roi des déserts, dédaigne ainsi la plaine;
Il ne veut, comme toi [Byron], que des rocs escarpés
Que l'hiver a blanchis, que la foudre a frappés;
Des rivages couverts des débris du naufrage,
Ou des champs tout noircis des restes du carnage;
Et tandis que l'oiseau qui chante ses douleurs,
Bâtit aux bords des eaux son nid parmi les fleurs,
Lui, des sommets d'Athos franchit l'horrible cime,
Suspend aux flancs des monts son aire sur l'abyme,
Et là, seul, entouré de membres palpitants,
De rochers d'un sang noir sans cesse dégouttants,
Trouvant sa volupté dans les cris de sa proie,
Bercé par la tempête, il s'endort dans sa joie.
A. DE LAMARTINE, Méditations poétiques, L'Homme, 1820, p. 26.
3. « Poursuis, ô mon héros, ton généreux dessein.
On suspendrait le vol de l'aigle altière,
Quand elle voit un daim errer sur la bruyère,
Qu'on ne détournerait tes pas audacieux
Du sentier de la gloire et des faits périlleux.
P.-M.-F.-L. BAOUR-LORMIAN, Ossian, La Bataille de Témora, Chant 5, 1827, p. 193.
4. Quelle différence réelle entre l'aigle et le vautour? L'aigle aime fort le sang et préfère la chair vivante, mais mange fort bien la morte. Le vautour tue rarement, et sert directement la vie, remettant à son service et dans le grand courant de la circulation vitale les choses désorganisées qui en associeraient d'autres à leur désorganisation. L'aigle ne vit guère que de meurtre, et on peut l'appeler le ministre de la mort. Le vautour est au contraire le serviteur de la vie. La beauté, la force de l'aigle, l'ont fait choisir pour symbole par plus d'un peuple guerrier qui vivait, comme lui, de meurtre. Les Perses, les Romains l'adoptèrent. On l'associa aux hautes idées que donnaient ces grands empires.
J. MICHELET, L'Oiseau, 1856, pp. 110-111.
5. L'aigle ordinaire s'attaque surtout au plus timide des êtres, au lièvre; l'aigle tacheté, aux canards. Le jean-le-blanc mange de préférence des mulots et des souris, et si avidement qu'il les avale sans même leur donner un coup de bec. L'aigle cul-blanc, ou pygargue, est sujet à tuer ses petits; souvent il les chasse avant qu'ils puissent se nourrir eux-mêmes.
J. MICHELET, L'Oiseau, 1856 p. 111.
6. Puis vinrent les bœufs blancs bossus, (...)
(...)
L'hyène; puis, sortis des arbres à leur tour,
Les oiseaux, l'aigle altier, le milan, le vautour
Cachant dans un lambeau souillé son bec infâme,
Les condors dont le vol est comme un jet de flamme,
Les rapides faucons, l'épervier qui sait voir
L'infini, le corbeau capuchonné de noir
Dont l'aile suit d'en haut les guerres infertiles,
Et les paons somptueux qui mangent des reptiles...
T. DE BANVILLE, Les Exilés, L'Éducation de l'amour, 1874, p. 66.
7. Ça! Un aigle! Allons donc!! — Regardez-le ce pauvre oiseau râpé! Ça... Un aigle! Allons donc!! Tout au plus une conscience.
Le fait est que le grand aigle était piteux; maigre, battant de l'aile et dépenné, à voir comme il s'acharnait goulûment sur sa douloureuse pitance, le pauvre oiseau semblait n'avoir pas mangé de trois jours.
A. GIDE, Le Prométhée mal enchaîné, 1899, p. 314.
8. L'art pour l'art!... Une foi magnifique! Mais la foi seulement des forts. L'art! Étreindre la vie, comme l'aigle sa proie, et l'emporter dans l'air, s'élever avec elle dans l'espace serein!... Pour cela, il faut des serres, de vastes ailes, et un cœur puissant. Mais vous n'êtes que des moineaux, qui, quand ils ont trouvé quelque morceau de charogne, le dépècent sur place et se le disputent en piaillant... L'art pour l'art!... Malheureux! L'art n'est pas une vile pâture, livrée aux vils passants. Une jouissance, certes, et de toutes la plus enivrante. Mais elle n'est le prix que d'une lutte acharnée, et son laurier couronne la victoire de la force. L'art est la vie domptée.
R. ROLLAND, Jean-Christophe, La Foire sur la place, 1908, p. 720.
9. Le maître vénérable en embouchant son cor
Apprend aux compagnons qu'il sait viser encor.
Ses fils sourient de voir le vieillard si ingambe
Parmi les jeunes troncs moins fermes que ses jambes.
Montagnes et coteaux à présent découverts
Ressemblent à la fable inégale en ses vers :
Fable qui s'envola jusques aux Pyrénées;
Humble alouette ici, là aigle déchaînée.
F. JAMMES, Les Géorgiques chrétiennes, 1912, pp. 20-21.
10. Certains oiseaux sont dépourvus de gésier; tel est le cas des Rapaces (aigle, chouette, buse), qui sont des oiseaux carnivores.
H. CAMEFORT, A. GAMA, Sciences naturelles, Classe de philosophie, mathématiques et sciences expérimentales, 1960, p. 119.
Rem. Dans ce sens le mot est fém. lorsqu'il désigne la femelle (ex. 3 et 9).
Aigle(-)pêcheur (parfois aigle de mer ou aigle marin). Oiseau de proie diurne vivant au bord des rivières et de la mer et se nourrissant principalement de poissons :
11. ... aussi-tôt que la basse de mer quitte l'océan pour entrer dans le fleuve, l'aigle pêcheur (fishing-hawk) vient habiter ces montagnes. Après s'être élevé dans les airs à une immense hauteur, pour mieux distinguer sa proie sous les eaux, il se précipite avec la rapidité de la foudre, s'y plonge, et bientôt reparoît tenant dans ses serres cet énorme poisson, dont le poids et les mouvemens convulsifs rendent son vol plus lent et plus pénible. Mais dans son voisinage habite aussi un ennemi formidable, l'aigle à tête chauve (bald-eagle), qui aime le poisson sans pouvoir le prendre, et que la rareté du gibier dans cette saison oblige de quitter les montagnes : aussi-tôt qu'il voit l'aigle pêcheur parvenu à la hauteur de son aire, ce monarque des oiseaux quitte le sien, le poursuit à tire-d'aile jusqu'à ce que le pêcheur, convaincu de son infériorité, abandonne sa proie.
J. DE CRÈVECŒUR, Voyage dans la Haute Pensylvanie et dans l'État de New-York, t. 1, 1801, p. 252.
12. Le vent circule dans les ruines, et leurs innombrables jours deviennent autant de tuyaux d'où s'échappent mille plaintes; l'orgue avoit jadis moins de soupirs sous ces voûtes religieuses. De longues herbes tremblent aux ouvertures des dômes : derrière ces ouvertures, on voit fuir la nue et planer l'aigle marin.
F.-R. DE CHATEAUBRIAND, Génie du Christianisme, t. 2, 1803, p. 161.
13. L'épervier, l'aigle de mer fuient devant toi; le pied traînant, ils grimpent sur leur roc pour abriter, contre toi, leur couvée sous leur poitrail; du bec, de l'aile, et de leur œil de flamme, hérissés, ils font peur à ton flot. Poursuis l'épervier et l'aigle de mer, si tu veux prendre, dans l'œuf, leurs petits coiffés de duvet.
E. QUINET, Ahasvérus, 1833, p. 76.
14. Quantité d'oiseaux au bord du fleuve; peu craintifs, car jamais chassés ni poursuivis; aigles-pêcheurs, charognards, milans (?), étincelants guêpiers vert-émeraude, petites hirondelles à tête caroubier, et quantité de petits oiseaux gris et blancs semblables à ceux des bords du Congo.
A. GIDE, Voyage au Congo, 1927, p. 816.
B.— Au fig.
1. [P. allus. aux traits physiques de l'aigle] Loc. et proverbes. Avoir des yeux d'aigle, avoir une vue perçante; au sens moral avoir un regard d'aigle, un coup d'œil d'aigle, avoir une grande vivacité et une grande pénétration d'esprit :
15. Il n'avait pas pour lui les résultats de cette vaste et terrible expérience, qui a tout vérifié et tout résumé; mais ce qu'il a vu il l'a supérieurement vu et vu sous un angle immense. Il a admirablement saisi les grandes phases de l'évolution sociale. Son regard d'aigle pénètre à fond les objets et les traverse en y jetant la lumière. Son génie, qui touche à tout en même temps, ressemble à l'éclair qui se montre à la fois aux quatre points de l'horizon.
Ch.-J. DE CHÊNEDOLLÉ, Extraits du journal, 1822, p. 115.
16. Patient, actif, énergique, constant, rapide dans ses expéditions, il avait un coup d'œil d'aigle, il devançait tout, prévoyait tout, savait tout, cachait tout; diplomate pour concevoir, soldat pour marcher.
H. DE BALZAC, Le Père Goriot, 1835, p. 102.
17. Il avait le génie de la guerre, comme il avait toutes les sortes de génies. Son œil d'aigle voyait tout à la fois. Il possédait la présence d'esprit, la mémoire, la connaissance des hommes, le sens des foules, une puissance de travail unique; il pénétrait dans les moindres détails et les subordonnait à l'ensemble.
A. FRANCE, La Vie en fleur, 1922, p. 341.
Nez d'aigle ou nez en bec d'aigle. Nez busqué ou aquilin :
18. Il devait avoir dix-sept ans. Il était beau d'une beauté caractéristique. Sa face, maigre et allongée, semblait creusée par le coup de pouce d'un sculpteur puissant; le front montueux, les arcades sourcilières proéminentes, le nez en bec d'aigle, le menton fait d'un large méplat, les joues accusant les pommettes et coupées de plans fuyants, donnaient à la tête un relief d'une vigueur singulière.
É. ZOLA, La Fortune des Rougon, 1871, p. 11.
19. Il s'était réveillé de fort méchante humeur; sa maigre figure était rigide, ses yeux gris restaient fixés droit devant eux, ses sourcils avaient l'air de deux accents circonflexes, et son nez d'aigle était plus pincé que d'habitude.
A. THEURIET, Le Mariage de Gérard, 1875, p. 21.
20. Le nez en bec d'aigle, et bien coupant, exprime toujours quelque dureté impérieuse; et cela suppose quelque relation vraie entre les traits et le caractère; car cette forme, par elle-même, ne signifie rien; il faut donc qu'elle évoque une attitude, un son de voix, un retard, des paroles et des actions enfin, qui provoquent principalement la crainte ou le respect.
ALAIN, Propos, 1912, p. 127.
Crier comme un aigle. Crier d'une voix aiguë et perçante :
21. Madame fut très gaie. Elle me raconta ses contestes à Blaye avec le général Bugeaud, de la façon la plus amusante. Bugeaud l'attaquait sur la politique et se fâchait; Madame se fâchait plus que lui : ils criaient comme deux aigles et elle le chassait de la chambre.
F.-R. DE CHATEAUBRIAND, Mémoires d'Outre-Tombe, t. 4, 1848, p. 431.
Proverbes. L'aigle ne chasse point aux mouches. L'aigle n'engendre pas la colombe (cf. Nouv. Lar. ill. et Lar. 20e).
2. [P. allus. à la noblesse de l'aigle (ex. 2, 3), en parlant d'une pers.] Homme de génie, doué d'un esprit ou d'un talent supérieur. Synon. phénix :
22. Le comte de Caylus avait ou feignait une grande passion pour les chevaux; il passait sa vie dans son écurie, et souvent y déjeunait. Cette grande passion, jointe à l'habitude de ne jamais rire, lui donnait beaucoup de considération parmi ses amis : c'était l'aigle de ce petit cercle.
STENDHAL, Le Rouge et le Noir, 1830, p. 313.
23. L'artiste n'avait voulu laisser à personne le soin de conduire son œuvre. Il siégeait au pupitre, à cinq mètres au-dessus du niveau des flots de l'orchestre. Dans le périmètre étaient disposés les croque-notes chevelus jugés dignes d'applaudir avec discernement. Lui, cependant, l'artiste, le révélateur musical, l'aigle de la clef de sol, promenait son regard sur l'assemblée, cherchant à rappeler à l'ordre une incommode mèche de cheveux, et s'inspirant d'avance du succès qu'il allait obtenir. Parlez-moi du génie pour infuser de la confiance et inoculer de l'aplomb : c'est à cette pierre de touche qu'on le reconnaît.
L. REYBAUD, Jérôme Paturot, 1842, p. 200.
24. Je crois que si l'on regardait toujours les cieux, on finirait par avoir des ailes. À propos d'ailes, que de dindons sont ici-bas! Dindons qui passent pour des aigles et qui font la roue comme des paons.
G. FLAUBERT, Correspondance, 1853, p. 310.
25. Ah! mais, c'est qu'il est temps de s'expliquer, à la fin! Et il faut qu'une bonne fois je vous dise votre fait, maître Orphée, mon chaste époux, qui rougissez! Apprenez que je vous déteste! que j'ai cru épouser un artiste et que je me suis unie à l'homme le plus ennuyeux de la création. Vous vous croyez un aigle, parce que vous avez inventé les vers hexamètres!... Mais c'est votre plus grand crime à mes yeux!... Est-ce que vous croyez que je passerai ma jeunesse à vous entendre réciter des songes classiques et racler (Montrant le violon d'Orphée.) l'exécrable instrument que voilà?...
H. CRÉMIEUX, Orphée aux enfers, 1858, I, 2, p. 8.
26. Olivier, qui, dans son collège de province, n'avait point de peine à passer pour un aigle, était anéanti par ces épreuves : il semblait avoir perdu possession de tous ses dons. Au lycée où on le mit, et où il avait réussi à obtenir une bourse, son classement fut si désastreux dans les premiers temps qu'on lui enleva sa bourse. Il se crut tout à fait stupide.
R. ROLLAND, Jean-Christophe, Antoinette, 1908, p. 867.
Fam. N'être pas un aigle. N'avoir qu'une intelligence moyenne :
27. Entendu à Saint-Gervais un sermon de Ferrière (sur la graine de sénevé), bien juvénile et candide. Que cette apologétique traditionnelle est fatigante, quand on l'a percée à jour et qu'elle se répète comme si de rien n'était. L'orateur n'est pas un aigle; mais c'est toujours la même sensibilité caressante et féminine, que je remarquai dès la première composition qu'il me lut au gymnase. Sa voix et sa pensée sont restées enfantines. Il impatiente un peu mon esprit, mais mon cœur lui est sympathique.
H.-F. AMIEL, Journal intime, 20 mai 1866, p. 292.
Rem. Au sens fig., aigle est en principe du masc. Cependant, lorsqu'il est appliqué à une femme, il est parfois au fém. :
28. Elle avait une amie de chapelle, vieille vierge comme elle, appelée Mlle Vaubois, absolument hébétée, et près de laquelle Mademoiselle Gillenormand avait le plaisir d'être une aigle. En dehors des agnus dei et des ave maria, Mlle Vaubois n'avait de lumières que sur les différentes façons de faire les confitures. Mlle Vaubois, parfaite en son genre, était l'hermine de la stupidité sans une seule tache d'intelligence.
V. HUGO, Les Misérables, t. 1, 1862, p. 724.
En partic. Surnom donné à divers personnages historiques célèbres. L'Aigle de Pathmos (ou absol. l'Aigle). Surnom de l'évangéliste saint Jean :
29. ... s. Jean est bien à cet égard de l'école de Platon; il est le philosophe qui ne sépare pas le sentiment de la connaissance, et qui s'élève autant à l'aide de l'amour qu'à l'aide du raisonnement; il est l'Aigle, comme l'appellent les Pères, il a des ailes vers l'infini, et il plane avec ces ailes, tandis que s. Marc vit au désert avec les moines, et s. Paul dans les villes aux prises avec les empires.
P. LEROUX, De l'Humanité, t. 2, 1840, p. 836.
L'aigle de Meaux. Surnom donné à Bossuet :
30. Les effets de cet art surprennent quelquefois : nul ne se fût avisé, avant l'abbé Bremond, que Bossuet ait pu prêter à sourire et qu'il pût y avoir dans l'Aigle de Meaux un gibier pour Molière.
F. MAURIAC, Journal 1, 1934, p. 98.
Absol., littér. L'Aigle. Napoléon 1er :
31. Les valets à nobles ancêtres
Ont fui, le nez dans leur manteau.
Tous, dégalonnant leurs costumes,
Vont au nouveau chef de l'État
De l'Aigle mort vendre les plumes.
P.-J. DE BÉRANGER, Chansons, t. 3, Les Deux grenadiers 1829, p. 208.
32. Napoléon avait déjà pris son vol : aigle, on lui avait donné un rocher, à la pointe duquel il demeura au soleil jusqu'à son départ : on l'apercevait de toute la terre.
F.-R. DE CHATEAUBRIAND, Mémoires d'Outre-Tombe, t. 3, 1848, p. 159.
II.— Emplois spéc.
A.— Arg. Aigle blanc :
33. Aigle blanc : Chef de bande de voleurs. Sans doute parce que l'aigle vole haut (Argot des voleurs) (...) N[ouveau].
Ch. VIRMAÎTRE, Dict. d'argot fin-de-siècle, 1894, p. 6.
B.— Emplois techn. (masc. ou fém.)
1. ALCHIMIE
a) Masc. Nom donné par les alchimistes à différents corps. Aigle blanc. ,,Muriate de mercure doux.`` (LITTRÉ).
Rem. Attesté également ds BESCH. 1845, Nouv. Lar. ill., DG, Lar. 20e.
Aigle céleste. ,,Sorte de panacée préparée avec du mercure.`` (LITTRÉ).
Aigle étendu. ,,Sel ammoniac sublimé.`` (LITTRÉ).
Aigle noir. ,,Cobalt sublimé.`` (LITTRÉ).
Rem. Les 3 syntagmes ci-dessus, sont attestés également ds BESCH. 1845, Nouv. Lar. ill., DG.
b) Fém. Aigle volante. ,,Nom du mercure sublimé.`` (BESCH. 1845) :
34. Entendez-vous un peu l'alchimie (...)? (...)
— Vous êtes trop habile, monsieur Coignard, pour ne pas connaître l'Aigle volante, l'Oiseau d'Hermès...
A. FRANCE, La Rôtisserie de la Reine Pédauque, 1893, p. 107.
Rem. Attesté également ds Nouv. Lar. ill., Lar. 20e.
Aigle de Vénus. ,,Safran composé de vert-de-gris, au moyen d'un feu de réverbère, auquel on ajoute du sel ammoniac, quelquefois sublimé.`` (BESCH. 1845, Nouv. Lar. ill.).
2. ARBORIC. Bois d'aigle. ,,Sorte de bois odoriférant qui croît en Chine et au royaume de Siam, et dont il se fait, au Japon, un commerce considérable.`` (Ac. Compl. 1842).
Rem. Attesté également ds BESCH. 1845, LITTRÉ.
3. ARCHIT. (masc.)
a) Figure sculptée représentant un aigle aux ailes déployées et ornant le lutrin de certaines églises. Chanter à l'aigle (Ac. 1798, 1835) :
35. Dans les grandes églises modernes de Smyrne et de Constantinople (...), sur le devant [de la chaire] est ordinairement un pupitre que supporte un aigle en bois doré, (...) quelquefois accompagné de l'ange, du lion et du bœuf, qui, avec lui, forment les attributs des quatre évangélistes.
A. LENOIR, Architecture monastique, t. 1, 1852, p. 341.
36. Villard de Honnecourt nous a laissé des dessins de lutrins ou aquila du XIIIe siècle; (...) ils sont composés d'un socle en bois (...); une tige s'élève au milieu de ce soubassement et supporte l'aigle, dont les ailes ouvertes sont disposées de manière à former un pupitre.
A. LENOIR, Architecture monastique, t. 2, 1856, p. 253.
b) Figure d'oiseau ornant les chapiteaux de certaines églises ou de certains temples :
37. Dès le Ve et le VIe siècle, (...) l'aigle ou la colombe viennent remplacer la volute corinthienne pour soutenir l'abaque.
A. LENOIR, Architecture monastique, t. 1, 1852, p. 217.
38. Quand l'évêque Euphrasius construisit la basilique de Parenzo, en Istrie, on exécuta, sous ses ordres, des chapiteaux ornés d'aigles et de feuillages groupés sur une masse de forme byzantine.
A. LENOIR, Architecture monastique, t. 1, 1852 p. 402.
4. ASTRON. ,,Constellation de l'hémisphère septentrional, située entre le Serpentaire et le Dauphin.`` (Nouv. Lar. ill.) :
39. Les Syriens avaient consacré dans leurs temples les images des poissons, un des signes célestes. Les constellations Nesra ou l'aigle, aiyûk ou la chevre, yagutho ou les Pléiades, et Suwaha ou Alhauwaa, le serpentaire, eurent leurs idoles chez les anciens Sabéens. On trouve encore ces noms dans le commentaire de Hyde sur Ulug-Beigh.
Ch.-F. DUPUIS, Abrégé de l'Origine de tous les cultes, 1796, p. 41.
Rem. Attesté également ds Ac. 1798-1878, WAILLY Vocab. 1818, BOISTE 1834, LAND. 1834, BESCH. 1845, LITTRÉ, QUILLET 1965.
5. BOT. Aigle impériale ou Fougère aigle/à l'aigle/ grand aigle. Grande fougère (Ptéridophytes) dont le pétiole, sectionné à la base, figure un aigle double :
40. Le Ptéris ou Fougère-Aigle est très abondant dans les bois sablonneux des environs de Paris; c'est la plus grande de nos Fougères indigènes. Elle produit une seule feuille très découpée et qui peut atteindre plusieurs mètres de longueur. C'est sur les bords de la feuille que se trouvent les sporanges. On l'appelle Fougère-Aigle parce qu'en coupant un peu en biais la base du pétiole, on voit la partie fibreuse, de couleur brune, dessiner un double Aigle qui rappelle celui des armes d'Autriche ou de Russie.
E. CAUSTIER, Botanique, Paris, Vuibert, 14e éd. 1911, pp. 245-246.
41. La plus grande et la plus belle de nos Fougères indigènes, la Fougère aigle, Pteris aquilina, a donné son nom au vaste embranchement des Ptéridophytes. Ses frondes majestueuses et finement ciselées, enroulées en crosse à leur extrémité, font partie de tous les paysages; car la Fougère aigle est une espèce cosmopolite qui s'accommode de tous les climats.
J.-M. PELT, Évolution et sexualité des plantes, Genève, Roto-Sadaz, 1970, p. 44.
Rem. Attesté ds Nouv. Lar. ill., Lar. 20e et Lar. 3.
6. FINANCES
a) Aigle. ,,s.f. pièce de cinq francs en argent.`` (NOUGUIER, Notes manuscrites interfoliées au Dict. de Delesalle, 10 janv. 1900, p. 7).
Rem. Donné comme subst. masc. ds ESN. 1965.
b) ,,Nom des pièces d'or de 10 dollars aux États-Unis, portant l'aigle américain. Il existe aussi des demi-aigles et des doubles-aigles.`` (BAUDHUIN 1968).
Rem. Attesté également ds Ac. Compl. 1842, LITTRÉ, Nouv. Lar. ill., DG, Lar. 20e, ROB., QUILLET 1965, Lar. 3, Lar. Lang. fr.
7. HÉRALD. et domaine de l'emblématique
a) BLAS. (au fém.) Figure héraldique représentant un aigle, sur les armes de certaines familles, de certaines villes, de certaines provinces, de certaines nations. Il porte sur le tout d'azur, à l'aigle éployée d'argent. L'aigle impériale, « les armes de l'Empire d'Autriche ». (Ac. t. 1 1932) :
42. Tout avait un sens dans ce grave et vénérable édifice. Derrière chaque chaise, sur la face de chaque pan de la plate-forme octogone, étaient sculptées et peintes les armoiries des sept électeurs : le lion de Bohême; les épées croisées de Brandebourg; Saxe, qui portait d'argent à l'aigle de gueules; le Palatinat, qui portait de gueules au lion d'argent; Trèves, qui portait d'argent à la crois de gueules; Cologne, qui portait d'argent à la croix de sable; et Mayence, qui portait de gueules à la roue d'argent.
V. HUGO, Le Rhin, 1842, p. 273.
43. Les souvenirs et les passions étaient descendus; on abattait et l'on brûlait les armes de France; on les attachait à la corde des conducteurs de diligences et des facteurs de la poste; les notaires retiraient leurs panonceaux, les huissiers leurs rouelles, les voituriers leurs estampilles, les fournisseurs de la cour leurs écussons. Ceux qui jadis avaient recouvert les aigles napoléoniennes peintes à l'huile de lis bourboniens détrempés à la colle n'eurent besoin que d'une éponge pour nettoyer leur loyauté : avec un peu d'eau on efface aujourd'hui la reconnaissance et les empires.
F.-R. DE CHATEAUBRIAND, Mémoires d'Outre-Tombe, t. 3, 1848, pp. 594-595.
44. ... on voit que beaucoup des familles auxquelles appartenaient les héroïnes du tournoi fictif avaient part à l'administration de la ville et, fait particulièrement notable, qu'à l'instar des nobles elles avaient leurs armoiries : celle-ci, d'azur à l'aigle d'or, bordées de sinople et papillonnées d'argent; celle-là, de vair, semées de coupes d'or; cette autre, d'or, semées d'aigles noires; cette autre encore, de vair, frétées de campanelles; ou bien d'or, à deux lions rampants vermeils; ou bien d'or semé d'aigles d'azur, à belingues de gueules, chargées de trois écus enfermant chacun un château de sinople. Et ainsi des bourgeois qui, deux siècles auparavant ou peut-être moins, n'étaient encore que d'industrieux, mais chétifs artisans, formaient maintenant une aristocratie à l'image de l'ancienne; ...
E. FARAL, La Vie quotidienne au temps de Saint Louis, 1942, p. 63.
b) Au fém. et gén. au plur. Enseignes militaires de quelques nations. Se dit en particulier des aigles romaines des enseignes de l'armée française sous l'Empire. L'aigle romaine, les aigles romaines. L'aigle française, les aigles françaises (Ac. t. 1 1932) :
45. Je l'entends encore, nous pleurions tous comme de vrais enfants; les aigles, les drapeaux étaient inclinés comme pour un enterrement, car, on peut vous le dire, c'était les funérailles de l'Empire, et ses armées pimpantes n'étaient plus que des squelettes.
H. DE BALZAC, Le Médecin de campagne, 1833, p. 187.
46. Pour l'œil du penseur qui voit vivre l'histoire, deux grandes aigles planent perpétuellement sur le Rhin, l'aigle des légions romaines et l'aigle des régiments français.
V. HUGO, Le Rhin, 1842, p. 121.
47. La grande peste d'orgueil nationaliste s'était répandue là. Elle avait transformé le caractère italien. Ces gens, que Christophe avait connus indifférents et indolents, ne rêvaient plus que de gloire militaire, de combats, de conquêtes, d'aigles romaines volant sur les sables de Libye; ils se croyaient revenus au temps des Empereurs.
R. ROLLAND, Jean-Christophe, La Nouvelle journée, 1912, p. 1560.
c) Au masc. Nom donné à diverses décorations représentant un aigle. L'Aigle blanc de Pologne, l'Aigle noir de Prusse, etc. :
48. Les uniformes surtout fatiguaient l'œil de leurs broderies; les ordres étrangers, les plaques de pierreries, les grands cordons, tous les aigles allemands, toutes les jarretières anglaises, les toisons d'or et les couronnes de fer, les Cincinnatus et les Nicham Iftihar se déployaient sur les fracs civils ou militaires et formaient comme autant de ruisseaux d'or et d'argent qui se croisaient dans des directions différentes. Quel luxe! Dieu! quel luxe! J'étais ébloui, suffoqué...
L. REYBAUD, Jérôme Paturot, 1842, p. 227.
49. Gustave-Adolphe, le détrôné et le banni, fut le seul des rois alors régnants qui osa élever la voix pour sauver le jeune prince français. Il fit partir de Carlsruhe un aide-de-camp porteur d'une lettre à Bonaparte; la lettre arriva trop tard : le dernier des Condé n'existait plus. Gustave-Adolphe renvoya au roi de Prusse le cordon de l'Aigle-Noir, comme Louis XVIII avait renvoyé la Toison-d'Or au roi d'Espagne. Gustave déclarait à l'héritier du grand Frédéric que, « d'après les lois de la chevalerie, il ne pouvait pas consentir à être le frère d'armes de l'assassin du duc d'Enghien ». (Bonaparte avait l'Aigle-Noir.)
F.-R. DE CHATEAUBRIAND, Mémoires d'Outre-Tombe, t. 2, 1848, p. 138.
Spéc. Grand aigle. ,,Appellation donnée par Napoléon en 1805 à la plus haute dignité de la Légion d'honneur. (On dit, auj., grand-croix).`` (Lar. 3) :
50. Il eut là son cinquième cheval tué sous lui. En sueur, la flamme aux yeux, l'écume aux lèvres, l'uniforme déboutonné, une de ses épaulettes à demi coupée par le coup de sabre d'un horse-guard, sa plaque de grand-aigle bosselée par une balle, sanglant, fangeux, magnifique, une épée cassée à la main, il disait : Venez voir comment meurt un maréchal de France sur le champ de bataille!
V. HUGO, Les Misérables, t. 1, 1862, p. 407.
51. Le général portait sur sa large poitrine le ruban de grand-aigle de la Légion d'Honneur et la croix de Saint-Louis. Je ne fis pas de difficulté à ce qu'il portât la croix de Saint-Louis à Wagram. J'en eusse fait quand je revis plus tard ce portrait chez un brocanteur, si l'on ne m'eût appris que le général comte Michaud, comblé de faveurs et d'honneurs par les Bourbons, avait fait ajouter, en 1816, cette croix à son portrait.
A. FRANCE, Le Petit Pierre, 1918, p. 168.
Rem. Attesté également ds Nouv. Lar. ill.
8. ICHTYOL. Aigle ou aigle de mer.
a) Nom spécifique d'une raie des mers d'Europe, principalement de la Méditerranée, à la chair dure, à l'odeur désagréable, armée au bout de la queue d'un aiguillon dentelé, de 3 à 4 pouces de long, très redouté des pêcheurs (d'apr. BAUDR. Pêches 1827) :
52. Les raies en général ont leurs deux mâchoires garnies de dents disposées comme des pavés; quelquefois chacune d'elles a son milieu relevé d'une épine, comme dans la torpille; d'autrefois toutes sont plates; le plus souvent toutes ces dents sont petites et à-peu-près égales; d'autres fois celles du milieu sont plus grandes, et en forme de bandes transverses, les latérales seules sont en carreaux; c'est le cas de la raie aigle, et sans doute de plusieurs raies étrangères.
G. CUVIER, Leçons d'anatomie comparée, t. 3, 1805, p. 179.
Rem. Attesté également ds WAILLY Vocab. 1818, BOISTE 1834, LITTRÉ, Nouv. Lar. ill., Lar. 20e, QUILLET 1965, Lar. 3, Lar. Lang. fr.
b) ,,Nom vulgaire du maigre, poisson du genre sciène (sciena aquila).`` (Lar. 20e).
Rem. Attesté également ds BESCH. 1845, Lar. 3.
9. IMPRIM. (masc.)
a) Nom donné à un format de carton de 80 X 114 cm (Grand aigle), ou de 75 X 105 cm (Petit aigle) (d'apr. COMTE-PERN. 1963).
Rem. Attesté également ds LAND. 1834, Nouv. Lar. ill., Lar. 3, Lar. Lang. fr.
b) Nom donné à un format de papier de 75 X 106 cm (Grand aigle), ou de 70 X 94 cm (Petit aigle) (d'apr. COMTE-PERN. 1963) :
53. Voici les noms des différents papiers dont on se sert à Paris pour l'impression; savoir, le grand-aigle, le nom-de-jésus, le grand-raisin, le carré, l'écu, la couronne et la petite couronne.
A.-F. MOMORO, Traité élémentaire de l'imprimerie, 1794, p. 247.
54. Dans ce quinzième siècle, si vigoureux et si naïf, les noms des différents formats de papier, de même que les noms donnés aux caractères, portèrent l'empreinte de la naïveté du temps. Ainsi le Raisin, le Jésus, le Colombier, le papier Pot, l'Écu, le Coquille, le Couronne furent ainsi nommés de la grappe, de l'image de Notre-Seigneur, de la couronne, de l'écu, du pot, enfin du filigrane marqué au milieu de la feuille, comme plus tard, sous Napoléon, on y mit un aigle : d'où le papier dit Grand-Aigle. De même, on appela les caractères Cicéro, Saint-Augustin, Gros-Canon, des livres de liturgie, des œuvres théologiques et des traités de Cicéron auxquels ces caractères furent d'abord employés.
H. DE BALZAC, Les Illusions perdues, 1843, p. 117.
Rem. Attesté également ds BOISTE 1834, Ac. 1835-1932, Ac. Compl. 1842, BESCH. 1845, POIT. 1860, LITTRÉ, Nouv. Lar. ill., DG, Lar. 20e, ROB., QUILLET 1965, Lar. 3, Pt ROB., Lar. Lang. fr.
10. MÉD., vx. Aigle (ou aige) (fém.). ,,Petite tumeur qui se forme au blanc de l'œil sous la conjonctive.`` (NYSTEN 1814-20).
Rem. Attesté également ds LITTRÉ-ROBIN 1865.
11. MINÉR. Pierre d'aigle ou aétite. ,,Variété d'oxyde ferrique hydraté, ainsi nommée parce que, suivant une légende, les aigles portaient cette pierre dans leur nid.`` (Lar. 3) :
55. Les limonites sont des hydrates de fer, non doués d'éclat métallique, bruns ou jaunes, à poussière jaune. (...) 1. Pierre d'aigle. — Limonite en rognons rougeâtres renfermant un noyau libre (géodes); minerai de fer.
A. PÉRÈS, Les Pierres et les roches, Guide pratique, 1896, p. 31.
Rem. Attesté également ds BESCH. 1845, LITTRÉ, Nouv. Lar. ill., Lar. 20e, ROB., QUILLET 1965, Lar. Lang. fr.
12. ZOOL. (Mollusques), vx. Aigle royal. ,,Nom vulgaire du bulimus bicarinatus. Cette coquille est aujourd'hui très commune et se trouve dans l'Afrique équatoriale.`` (BESCH. 1845).
Rem. Attesté également ds Nouv. Lar. ill.
Prononc. — 1. Forme phon. :[]. PASSY 1914 note [] ouvert mi-long (pour [] ouvert long, cf. DG). 2. Dér. et composés : aiglet, aiglette, aigliau, aiglon, aiglure (cf. Lar. encyclop.), aquilin.
Étymol. ET HIST. — 1. 1165 eigle, fém. « grand oiseau de proie diurne » (CHRET. DE TROYES, Guillaume d'Angleterre, éd. Foerster, 883 ds T.-L. : Une eigle vint); ca 1170 egle, masc. « id. » (Livres des Rois, éd. Le Roux de Lincy, 123 ibid. :li egles); fin XIIe-début XIIIe s. aille, masc. (GERVAISE, Bestiaire, ms. Brit. Mus., add. 28 260, f° 95c ds GDF. Compl. :Quant li aille est viel); 2. 1re moitié XIIe s. hérald. « aigle considéré comme emblême » (Pèlerinage de Charlemagne à Jérusalem, éd. Koschwitz, 263 ds T.-L. : Virent Costantinoble [...] Les clochiers et les aigles et les ponts reluisanz); 3. 1690 liturg. (FUR. : On appelle aussi dans les Églises aigle le pulpitre de cuivre qui est au milieu du Chœur, à cause qu'il représente une aigle : et on dit dans les Chapitres, qu'un Chanoine est à l'aigle, quand il est Semainier, lors qu'il fait l'Office).
Soit emprunté à l'a. prov. aigla fém. « id. » (dep. Deudes de Prades, XIIIe s. ds RAYN. t. 1, p. 38 b; lat. aquila, fém.) soit, plus prob., issu par un traitement partic., non pop. du lat. aquila (ce mot désignant non seulement l'oiseau de proie mais aussi l'enseigne romaine) dont le processus serait le suiv. : au stade de l'étape régulière agwila, anticipation de w (cf. agwa [< lat. aqua] augwa), d'où : , puis apr. réduction à , assimilation de l' diphtongal par l'i pénultième atone en  : d'où aigila. , aigle apr. syncope, voir FOUCHÉ t. 3 1961, pp. 718-719. La forme rég. a. fr. aille, supra demeure vivante en fr.-prov. (Suisse romande, fém. alye, aye, masc. alyo, ayo ds Pat. Suisse rom., s.v. aigle). Masc. et fém. en a. fr. aux sens 1 et 2, prob. en raison de l'hésitation de genre dans l'emploi de l'art. devant un subst. à voyelle initiale; très souvent fém. au XVIe s.; déclaré de genre masc. au sens 1, fém. au sens 2 par Ac. 1694; le genre masc. au sens 1 l'emporte en fr. mod. peut-être p. anal. avec d'autres noms d'oiseaux de proie : faucon, épervier ...
STAT. — Fréq. abs. litt. :1 930. Fréq. rel. litt. :XIXe s. : a) 3 887, b) 3 850; XXe s. : a) 2 813, b) 1 135.
BBG. — Ac. Gastr. 1962. — BAILLY (R.) 1969 [1946]. — BAR 1960. — BAUDHUIN 1968. — BAUDR. Chasses 1834. — BAUDR. Pêches 1827. — BÉL. 1957. — BÉNAC 1956. — BERTIN 1967. — Bible 1912. — BOUILLET 1859. — BRARD 1838. — COMTE-PERN. 1963. — CUISIN 1969. — DAIRE 1759. — DAUZAT Ling. fr. 1946, p. 51. — Divin. 1964. — DUMAS 1965 [1873]. — Éd. 1913. — ÉD. 1967. — ESN. 1965. — FÉR. 1768. — GAY t. 1 1967 [1887]. — GOUG. Lang. pop. 1929, p. 96. — GRANDM. 1852. — HANSE 1949. — LACR. 1963. — LAF. 1878. — LAF. Suppl. 1878. — LA RUE 1954. — LAV. Diffic. 1846. — LE ROUX 1752. — LITTRÉ-ROBIN 1865. — MARCEL 1938. — Mots rares 1965. — NYSTEN 1814-20. — POPE 1961, § 54. — PRÉV. 1755. — PRIVAT-FOC. 1870. — THOMAS 1956. — TIMM. 1892. — ZIMMERMANN (A.). Wie sind die aus dem Romanischen zu erschliessenden vulgärlateinischen Suffixe attus (a), ottus (a) und itta entstanden? Z. rom. Philol. 1904, t. 28, p. 344.

aigle [ɛgl] n. m. et f.
ÉTYM. XIIe; du lat. aquila; probablt par l'anc. provençal aigla.
———
I N. m.
1 Oiseau rapace diurne (Falconidés, ordre des Falconiformes) scientifiquement appelé aquila, à la vue perçante, au bec crochu, au torse emplumé jusqu'aux doigts, et aux serres puissantes. || L'aigle royal (brun rouge) peut atteindre trois mètres d'envergure. || L'aigle impérial se distingue par sa nuque d'un blanc sale. || Le grand aigle criard a un plumage foncé avec des taches plus claires. || L'aigle bâtit son aire dans des lieux inaccessibles. || L'aigle trompette ou glatit. || En poésie, l'aigle est dit roi des oiseaux, oiseau de Jupiter, etc.
1 Les uns ont la grandeur et la force en partage;
Le faucon est léger, l'aigle plein de courage (…)
La Fontaine, Fables, II, 17.
2 Le vautour s'en allait le lier, quand des nues
Fond à son tour un aigle aux ailes étendues.
La Fontaine, Fables, IX, 2.
3 L'aigle, c'est le génie ! oiseau de la tempête
Qui des monts les plus hauts cherche le plus haut faîte (…)
Hugo, Odes et Ballades, IV, XVII.
4 L'aigle ouvrit son œil fauve où l'âpre éclair palpite (…)
Hugo, la Légende des siècles, III, « Le titan », VI.
5 La pensée tantôt chemine avec la sourde lenteur de la taupe, tantôt s'élance du vol de l'aigle.
France, les Opinions de J. Coignard, p. 431.
(Qualifié). Se dit d'oiseaux rapaces diurnes (Falconidés) voisins de l'aigle. || Aigle Jean le Blanc. Circaète. || Aigle de mer. Frégate. || Aigle pêcheur. Pygargue; aussi harpie, spizaète, uraète.
tableau Noms d'oiseaux.
Par compar.Des yeux d'aigle : une vue perçante.Avoir un regard d'aigle, un (coup d') œil d'aigle, une grande pénétration d'esprit.
Nez d'aigle ou en bec d'aigle, aquilin ou busqué.
5.1 Le nez en bec d'aigle, et bien coupant, exprime toujours quelque dureté impérieuse; et cela suppose quelque relation vraie entre les traits et le caractère (…)
Alain, Propos, 4 févr. 1912, Nez.
Loc. Bois d'aigle : bois d'aloès (Aquilaria agallocha).
Loc. Vx. Crier comme un aigle, d'une voix aiguë et perçante.
5.2 De quoi parliez-vous donc tous si haut dans la chambre ? J'ai entendu quelqu'un qui criait comme un aigle.
Marivaux, le Paysan parvenu, II, Pl., p. 618.
2 C'est un aigle, un esprit supérieur, un génie. Phénix.
6 Le plus médiocre jésuite est un aigle chez eux (les Malabares).
Voltaire, Lettre au Roi de Prusse, in Littré.
Plus cour.Ce n'est pas un aigle : il n'est pas très intelligent.
6.1 — C'est que je vais vous dire, on m'a assuré qu'elle me croit tout à fait idiot.
— Cela, je ne le crois pas : Oriane n'est pas un aigle, mais elle n'est tout de même pas stupide.
Proust, le Côté de Guermantes, Folio, p. 120.
3 Par ext. Figure représentant un aigle. || L'aigle noir, l'aigle rouge de Prusse; l'aigle blanc de Pologne, anciennes décorations. || Ordre de l'aigle blanc.Grand-aigle : grand-croix de la Légion d'honneur, sous l'Empire.
Pupitre d'église représentant un aigle aux ailes étendues.
Grand, petit aigle : dénomination de formats de papier (75×106 cm, 70×94 cm).Ellipt. || Une carte marine grand aigle, imprimée sur format grand aigle.
Monnaie d'or des États-Unis portant un aigle au revers (10 dollars). || Double aigle (20 dollars). || Demi-aigle (5 dollars).
6.2 Vous pouvez tirer bon parti du nom de la maison. Sous la condition de payer toutes les dettes, dont voici l'état complet, dit-il en montrant une feuille de papier grand-aigle chargée de chiffres (…)
Stendhal, Lucien Leuwen, II, LXVIII, in Romans, Pl., t. I, p. 1380.
4 (Surnom donné à divers personnages historiques). || L'aigle de Patmos : l'évangéliste saint Jean, symbolisé dans l'iconographie par un aigle. || L'aigle de Meaux : Bossuet.Absolt. || L'Aigle : Napoléon Ier.
7 Le grand aigle tombant de l'empire céleste,
Sème sa trace au loin de son plumage épars.
Hugo, Odes et Ballades, I, II, IV.
5 Minéralogie. || Pierre d'aigle (ou aétite) : variété d'oxyde ferrique hydraté.
6 Bot. Fougère du genre Pteris (dont le pétiole présente sur la section l'aspect d'un aigle), aux feuilles grandes et divisées, très commune dans les bois et sur les coteaux.
———
II N. f.
1 Femelle de l'aigle. || « L'aigle est furieuse quand on lui ravit ses aiglons » (Académie).
2 Par ext. Figure héraldique représentant un aigle. || Il porte sur le tout d'azur à l'aigle éployée d'argent.
7.1 Un corps de vieillard, maigre telle une aigle de blason, et son cou pousse tout seul, dressant en l'air une tête hérissée, aiguë, au rictus ignoble.
J.-M. G. Le Clézio, la Fièvre, p. 200.
tableau Termes de blason.
Enseigne militaire en forme d'aigle. || L'aigle romaine, les aigles romaines : les enseignes des légions romaines.
8 (Voyant) Parmi ses étendards porter l'aigle romaine.
Racine, Mithridate, V, 4.
L'aigle impériale de France. || Les armes de l'Empire français étaient une aigle tenant un foudre dans ses serres.L'aigle à deux têtes, emblème de l'Empire austro-hongrois (titre d'une pièce de J. Cocteau).
DÉR. Aiglette, aiglon. — V. Aiglure.

Encyclopédie Universelle. 2012.