altération [ alterasjɔ̃ ] n. f.
• v. 1260; bas lat. alteratio → altérer
I ♦
1 ♦ Rare (sauf emplois spéciaux) Changement, modification. « Ces altérations de sens des mots » (Proust). — Géol. Transformation des roches, due à des facteurs chimiques et biologiques, responsable, avec la désagrégation, de la formation des sols.
2 ♦ Signe modifiant la hauteur de la note, placé soit à la clé, soit devant la note (pour une mesure). ⇒ bécarre, bémol, dièse; accident, armature.
II ♦
1 ♦ (XVIe) Changement en mal par rapport à l'état normal. ⇒ 1. dégradation, détérioration. « Je fus frappé de l'altération de son visage » (Chateaubriand). Ce texte ancien a subi de nombreuses altérations. Altération d'une marchandise. ⇒ corruption, pourriture.
2 ♦ Dr. Modification qui a pour objet de fausser le sens, la destination ou la valeur d'une chose et d'où résulte un préjudice. ⇒ falsification. La contrefaçon (imitation frauduleuse) et l'altération (modification mécanique ou chimique) des monnaies ( CODE PÉNAL ). Altération de la vérité dans un écrit : faux en écriture.
● altération nom féminin (bas latin alteratio, changement) Modification des traits, de la voix sous l'effet d'une émotion, d'une maladie. Changement qui dénature l'état normal de quelque chose : Altération des faits. Cartographie Dans un système de projection, différence entre l'angle formé par deux lignes dans le plan de projection et par les lignes correspondantes sur l'ellipsoïde de référence (altération angulaire), ou bien entre l'aire d'une figure élémentaire dans le plan de projection et l'aire de la figure correspondante sur l'ellipsoïde de référence (altération de surface). Géologie Modification chimique superficielle des roches provoquée essentiellement par l'eau, plus ou moins chargée de gaz carbonique et dont l'activité est liée à la nature des roches et au milieu climatique. Musique Signe qui élève ou abaisse un son. (Il existe trois altérations : le dièse [\#], le bémol [♭], le bécarre [♮].) ● altération (synonymes) nom féminin (bas latin alteratio, changement) Modification des traits, de la voix sous l'effet d'une émotion...
Synonymes :
- décomposition
- dégradation
- délabrement
- détérioration
- trouble
Contraires :
- impassibilité
- indifférence
Changement qui dénature l'état normal de quelque chose
Synonymes :
- dénaturation
Contraires :
- amélioration
altération
n. f.
d1./d Modification dans l'état d'une chose (dans quelques emplois).
— GEOL Altération des roches: modification due à des phénomènes physiques, chimiques ou biologiques (à l'exception du métamorphisme).
— MUS Signe placé devant une note pour en modifier la hauteur.
d2./d Modification qui dénature. Ce texte a subi des altérations.
d3./d DR Falsification.
I.
⇒ALTÉRATION1, subst. fém.
A.— Modification de l'état ou de la qualité d'une chose.
1. Rare. Changement radical, sans nuance :
• 1. ... ainsi parlait un des plus anciens philosophes dont les écrits soient parvenus jusqu'à nous, et depuis lui nos observations ne nous en ont pas appris davantage. L'univers nous paraît tel encore qu'il lui paraissait être alors. Ce caractère de perpétuité sans altération, n'est-il pas celui de la divinité ou de la cause suprême? Que serait donc Dieu, s'il n'était pas tout ce que nous paraissent être la nature et la force interne qui la meut? Irons-nous chercher hors du monde cet être éternel et improduit, dont rien ne nous atteste l'existence?
Ch.-F. DUPUIS, Abrégé de l'origine de tous les cultes, 1796, pp. 9-10.
— MUS. ,,Modification que l'on fait subir à l'intonation primitive d'une note en la haussant ou en la baissant au moyen de signes appelés signes d'altération.`` (ROUGNON 1935).
♦ Altération constitutive ou armure de la clé. L'altération placée auprès de la clé.
♦ Altération accidentelle ou accident. L'altération placée dans le courant d'un morceau, devant une note (cf. QUILLET 1965).
— PHILOS. ,,Chez Aristote, changement dans la catégorie de qualité : le fait de devenir ou de rendre autre.`` (LAL. 1968).
2. Usuel. Modification immédiatement perceptible des traits, de la voix d'une pers., sous l'effet d'une émotion vive :
• 2. ... aussitôt je fis un mouvement pour m'éloigner; mais Charlemagne, sans proférer une parole, me retint en me prenant fortement la main; la sienne étoit tremblante, l'altération de ses traits et l'expression de sa physionomie avoient quelque chose de terrible et d'effrayant : il fit passer dans mon ame le trouble affreux qu'il éprouvoit...
Mme DE GENLIS, Les Chevaliers du Cygne, t. 1, 1795, p. 302.
• 3. Un flot de sang vint aux joues de Mlle Chantal.
— Et moi, dit-elle sans daigner dissimuler l'altération de sa voix, je n'ai rien fait pour mériter d'entendre des paroles telles que celles-ci. Non, je n'ai rien fait.
G. BERNANOS, La Joie, 1929, p. 546.
• 4. ... il est une altération, lente et essentielle, à laquelle nous ne saurions échapper : l'âge, la vieillesse, qui, d'instant en instant, nous enlèvent à nous-mêmes pour nous pousser vers la fin.
P. TEILHARD DE CHARDIN, Le Milieu divin, 1955, p. 83.
B.— Dégradation par rapport à l'état initial ou normal d'une chose, ou aspect de l'être humain.
1. [L'altération est spontanée]
a) [En parlant de choses] Altération des roches :
• 5. Pasteur vint passer huit jours à Tantonville. Il en revint avec des principes (toute altération de la bière dépend du développement des organismes microscopiques qui sont apportés par l'air, par les matières premières, par les appareils dont on fait usage dans les brasseries).
M. BARRÈS, Mes cahiers, t. 2, oct. 1899-juill. 1901, pp. 214-215.
• 6. Les principales causes de l'altération des couleurs sont l'action des gaz de l'atmosphère et l'action des rayons chimiques de la lumière.
MOREAU-VAUTHIER, La Peinture, les divers procédés, les maladies des couleurs, les faux tableaux, Préf. d'É. Dinet, 1933, p. 181.
b) [En parlant d'une qualité humaine] :
• 7. ... aussi de pareils propos la froissaient-ils dans son orgueil, en même temps que l'altération d'humeur si soudaine du savant lui rendait leur commun intérieur presque inconfortable.
P. BOURGET, Le Disciple, 1889, p. 211.
• 8. ... j'avais trouvé comme un refuge matériel pour ce nom de Guermantes auquel il prêtait sa dernière réalité, ce milieu avait lui-même subi, dans sa constitution intime et que j'avais crue stable, une altération profonde.
M. PROUST, À la recherche du temps perdu, Le Temps retrouvé, 1922, p. 956.
— SPÉC., PSYCHANAL. ,,Chez Freud. Altération du moi : ensemble des limitations et des attitudes anachroniques acquises par le moi au cours des étapes du conflit défensif, et qui retentissent défavorablement sur ses possibilités d'adaptation.`` (LAPL.-PONT. 1967).
2. [L'altération est voulue] Contrefaçon, falsification, imitation frauduleuse :
• 9. ... Mais les docteurs juifs, chrétiens, musulmans, se récriant sur cet exposé, et traitant les Parses d'idolâtres et d'adorateurs du feu, les taxèrent de mensonge, de supposition, d'altération de faits; et il s'éleva une violente dispute sur les dates des événements, sur leur succession et sur leur série...
C.-F.-C. DE VOLNEY, Les Ruines, 1791, p. 187.
• 10. 52. Toute altération, tout faux dans les actes de l'état civil, toute inscription de ces actes faite sur une feuille volante et autrement que sur les registres à ce destinés, donneront lieu aux dommages-intérêts des parties, sans préjudice des peines portées au Code pénal.
Code civil, 1804, p. 11.
• 11. Lui, que j'avais toujours connu si sévère pour les moindres altérations de la vérité, je le surprenais à mentir, et d'un mensonge évidemment pathologique. Il disait par exemple qu'il s'était promené au jardin, quand il était resté dans son bureau, et vice versa. Il prétendait avoir lu un journal qu'il n'avait pas lu.
P. BOURGET, Le Sens de la mort, 1915, p. 94.
— Spécialement
♦ ARM. Altération de consigne. ,,Action de changer sciemment la consigne, en parlant du chef d'un poste. C'est un délit que l'on punit de six mois d'emprisonnement.`` (BESCH. 1845).
♦ FIN. Altération d'une monnaie :
• 12. La promptitude avec laquelle on aurait soin de reporter à l'hôtel des monnaies une pièce altérée, fournirait au ministère public des moyens de remonter plus aisément à la source des altérations frauduleuses.
J.-B. SAY, Traité d'économie politique, 1832, p. 299.
II.
⇒ALTÉRATION2, subst. fém.
Rare. Soif insatiable souvent causée par la fièvre :
• 1. ... je me couche et lirai plutôt dans mon lit. Je suis las et d'une altération brûlante. Aurais-je un peu de fièvre par hasard?
J. BARBEY D'AUREVILLY, Premier Memorandum, 1838, p. 197.
• 2. — Le temps est à la pluie et aux éclairs plus que tantôt encore. — Bu de l'eau, — les mains brûlantes, les nerfs abattus et l'altération insatiable. — Dans l'impossibilité de travailler.
J. BARBEY D'AUREVILLY, Deuxième Memorandum, 1838, p. 316.
Prononc. :[]. Harrap's 1963 : .
Étymol. ET HIST. — 1. Ca 1265 philos. « changement dans la nature d'une chose » (BRUNETTO LATINI, Li Livres dou tresor, éd. Chabaille, 1863, p. 149 : Alteracion est cele euvre de nature qui mue une chose en une autre); cf. 1690 id. (FUR. : [...] Aristote admet un mouvement d'alteration qui est cause des generations & corruptions); connaît des applications dans différents domaines a) 1580 méd. (MONTAIGNE, Essais, I, XIX ds Dict. hist. Ac. fr. t. 3 1888, p. 23a : Et puis, n'est-ce rien d'aller au moins jusque-là [la pensée de la mort] sans altération et sans fiebvre?); b) 1718 phys. chim. « corruption d'une substance » (Ac. : [...] Les élemens purs ne sont pas susceptibles d'altération, l'alteration des qualitez dans les corps Physiques); c) 1718 fin. (ibid. : Alteration. En parlant des Monnoyes, sign. La falsification des monnoyes); 2. 2e moitié XVIe s. au fig. « trouble, agitation, émotion » (PH. DE MARNIX, Correspond. et Meslanges, p. 416 ds HUG. : Trouver inventions ... à soulager les mescontentemens du peuple, à appaiser leurs alterations); 3. 1532 « soif » (RABELAIS, Pantagruel, éd. V.-L. Saulnier, chap. II, p. 17 : c'estoit pitoyable cas de veoir le travail des humains pour se guarentir de ceste horrificque altération).
Empr. au b. lat. alteratio « changement » (BOÈCE, in Porph. comm., 4, p. 118B ds TLL s.v., 1749, 38 : alteratio ...continens est, aliud vero intra alterationis spatium continetur); spéc. en lat. médiév., terme de philos. (1248-1256, ALBERT LE GRAND, Phys., 7, 1, 5, p. 496a, 32 ds Mittellat. W. s.v., 509, 36 : alteratio non est nisi quando sub eodem subiecto manente in omnibus suis substantialibus mutatio fit); de méd. (1256-1260, ID., Animal., 19, 2, ibid., 509, 55 : quaedam sunt alterationes animalium secundum accidentia); de chim. (XIIe-XIIIe s., GEBERUS, alchimista, Summ., 1, 13, ibid., 509, 66 : quae [proiectio] est ad intentionem alterationis metallorum); de fin. (1154, Chart. Basil., A I 210, p. 323, 20, ibid., 509, 71 : super monete alteratione, que sui viluit levitate).
STAT. — Fréq. abs. litt. :617. Fréq. rel. litt. :XIXe s. : a) 1 739, b) 603; XXe s. : a) 310, b) 629.
BBG. — AC. CAN.-FR. 1968. — BACH.-DEZ. 1882. — BAILLY (R.) 1969 [1946]. — BAULIG 1956. — BÉL. 1957. — BÉNAC 1956. — CANDÉ 1961. — CAP. 1936. — CROS-GARDIN 1964. — DARM. Vie 1932, p. 103. — DUP. 1961. — Éd. 1913. — FROMH.-KING 1968. — GOBLOT 1920. — LACR. 1963. — LAL. 1968. — LAPL.-PONT. 1967. — LITTRÉ-ROBIN 1865. — NYSTEN 1814-20. — PIÉRON 1963. — PLAIS.-CAILL. 1958. — ROUGNON 1935. — ST-EDME t. 1 1824. — SPRINGH. 1962.
altération [alteʀɑsjɔ̃] n. f.
ÉTYM. V. 1260; bas lat. alteratio, du supin de alterare. → Altérer.
❖
———
1 Changement, modification en mal par rapport à un état normal (l'altération de qqch.); élément altéré, défaut (une, des altérations). ⇒ Dégradation, détérioration. || L'altération de qqch. par une cause, un agent, une force. || Notre amitié n'a subi aucune altération. || Altération légère, extrême. || Ce manuscrit a subi de nombreuses altérations. || L'altération d'une marchandise en voyage ou en magasin. ⇒ Décomposition, détérioration, pourriture, putréfaction. || Des altérations graves. ⇒ Avarie, dégât, tare. || L'altération des couleurs d'une étoffe, d'un tableau. || Altération de la santé. ⇒ Affaiblissement, désordre, maladie. || Altération des tissus vivants par ulcération. || Altération de l'éclat du teint. ⇒ Flétrissure. || Altération du goût, de l'odorat. ⇒ Corruption, dépravation, perversion. — (Dans l'ordre psychologique, moral). Littér. || Altération du caractère, de l'humeur. || L'altération des sentiments. || Altération d'un ordre. ⇒ Dérangement, ébranlement. || L'altération profonde des mœurs.
1 Pour réparer (…) dans un climat qui vous était salutaire l'altération que celui d'Édimbourg a faite à votre santé.
Rousseau, Lettre à Milord Maréchal, 25 mars 1764.
2 (…) ce sens (l'odorat) qui, plus directement en rapport que les autres avec le système cérébral, doit causer par ses altérations d'invisibles ébranlements aux organes de la pensée.
Balzac, Études philosophiques, Pl., t. X, p. 371.
2.1 Autour de ces étroits passages, la surface blanche est presque partout restée vierge; de menues altérations se sont néanmoins produites çà et là, telle la zone arrondie que les grosses chaussures du soldat ont piétinée, contre le réverbère.
A. Robbe-Grillet, Dans le labyrinthe, p. 41.
♦ Psychol., psychan. || Altération du moi : ensemble des facteurs qui limitent les possibilités d'adaptation du moi.
♦ Altération des traits, du visage. ⇒ Bouleversement, décomposition, déformation. || Une altération de la voix. ⇒ Trouble.
3 À mesure qu'il approcha de moi, je fus frappée de l'altération de son visage; ses joues étaient dévalées et livides, ses yeux âpres, son teint pâli et brouillé.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. II, II, LV, II, p. 287.
3.1 (…) j'avais devant moi maintenant un visage étrange, défiguré non par la peur, mais par une panique plus profonde, plus intérieure. Oui, j'ai l'expérience d'une certaine altération des traits assez semblable, seulement je ne l'avais observée jusqu'alors que sur des faces d'agonisants et je lui attribuais, naturellement, une cause banale, physique. Les médecins parlent volontiers du « masque de l'agonie ».
Bernanos, Journal d'un curé de campagne, in Romans, Pl., p. 1135.
♦ L'altération des conditions de vie, de l'environnement. — Une profonde altération de la vie politique, de l'atmosphère politique. ⇒ Dégradation.
2 Dr. Modification qui a pour objet de fausser le sens, la destination ou la valeur d'une chose et d'où résulte un préjudice. ⇒ Falsification. || La contrefaçon (imitation frauduleuse) et l'altération (modification mécanique ou chimique) des monnaies (Code pénal). — Altération de la vérité dans un écrit : faux en écriture. || Altération de liquides ou de marchandises.
3 (Rare, sauf emplois spéciaux). a Changement, modification, sans dégradation. || Les mots subissent des altérations de sens au cours des âges.
4 Saint-Loup employait à tout propos ce mot de « faire » pour « avoir l'air », parce que la langue parlée, comme la langue écrite, éprouve de temps en temps le besoin de ces altérations de sens des mots, de ces raffinements d'expression.
Proust, À la recherche du temps perdu, t. VI, p. 86.
b Mus. Signe modifiant la hauteur de la note devant laquelle il est placé. ⇒ Bécarre, bémol, dièse; altératif. || Altération accidentelle.
c Géol. Transformation des roches, due à des facteurs chimiques et biologiques, responsable, avec la désagrégation, de la formation des sols. Spécialt. Destruction par désagrégation ou décomposition chimique. || Altération météorique.
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II Rare. Fait d'être altéré, d'avoir très soif.
Encyclopédie Universelle. 2012.