aveugle [ avɶgl ] adj. et n. I ♦ Adj.
1 ♦ Qui est privé du sens de la vue (⇒ amaurose, cécité). Une personne, un chien aveugle. Devenir aveugle. Être aveugle de naissance (cf. Aveugle-né, infra II ). « Je deviens à peu près aveugle » (Voltaire). — Loc. Changer, troquer son cheval borgne pour un cheval aveugle : faire une mauvaise affaire, perdre dans un troc.
2 ♦ Fig. Dont la raison, le jugement, est incapable de rien discerner. Être aveugle (cf. Avoir un bandeau, des écailles sur les yeux, des œillères, un voile devant les yeux). La passion le rend aveugle. « Aveugles, ceux qui ne voient pas le miracle de cette grande âme » (R. Rolland). Je ne suis pas aveugle : je sais ce qui se passe. « Proust n'est nullement aveugle aux déficiences des Guermantes » (Maurois). — (Sentiments, passions) Qui trouble le jugement, ne permet ni réflexion ni jugement. « un orgueil démesuré, aveugle, insolemment agressif » (Martin du Gard). Une soumission, une obéissance, une confiance, une foi, une haine aveugle. ⇒ absolu, total; aveuglement. — (Personnes) Qui agit sans discernement. Il était l'aveugle instrument du destin. Fig. L'amour est aveugle.
♢ Attentat aveugle, qui frappe n'importe qui, au hasard.
3 ♦ Qui ne laisse pas passer le jour. Mur aveugle, sans fenêtres. Pièce, couloir aveugle. Arcade, fenêtre aveugle, feinte, simulée ou bouchée.
II ♦ N.
1 ♦ Personne privée de la vue. ⇒ non-voyant; et aussi amblyope, malvoyant. Un aveugle, une jeune aveugle, un aveugle de naissance, un aveugle-né . La canne blanche des aveugles. Chien d'aveugle. L'alphabet, l'écriture des aveugles. ⇒ braille; anaglyptique. « ce noir absolu qui doit exister seulement dans l'œil éteint des aveugles » (Fromentin). — Loc. prov. Juger d'une chose comme un aveugle des couleurs, en juger sans la connaître. — PROV. Au royaume des aveugles, les borgnes sont rois : les médiocres brillent lorsqu'ils se trouvent parmi les sots.
2 ♦ Loc. adv. EN AVEUGLE : sans discernement, sans réflexion. ⇒ aveuglément, aveuglette (à l'). Juger en aveugle. Elle « se livre en aveugle au bonheur d'aimer » (Stendhal). — Méd. et par ext. Métrol., statist. Faire un test en aveugle, sans connaître les hypothèses de départ. EN DOUBLE AVEUGLE. Expérimentation en double aveugle, au cours de laquelle ni les sujets testés ni les chercheurs ne savent qui reçoit ou non le produit à l'étude.
⊗ CONTR. Voyant. Clairvoyant, éclairé, lucide.
● aveugle adjectif et nom (bas latin ab oculis, privé des yeux) Qui est privé du sens de la vue. Se dit de quelqu'un qui se refuse à voir la réalité, qui manque de jugement : La passion la rend aveugle. ● aveugle (citations) adjectif et nom (bas latin ab oculis, privé des yeux) Benjamin Constant de Rebecque Lausanne 1767-Paris 1830 J'éprouve un charme inexprimable à marcher en aveugle au-devant de ce que je crains. Lettre à Mrs. Lindsay, 22 novembre 1800 Jean-Pierre Claris de Florian Sauve, Gard, 1755-Sceaux 1794 Académie française, 1788 Je marcherai pour vous, vous y verrez pour moi. Fables, l'Aveugle et le Paralytique Joseph Arthur, comte de Gobineau Ville-d'Avray 1816-Turin 1882 Les aveugles entendent mieux que personne ; les sourds voient plus loin. Mademoiselle Irnois Bible Si un aveugle guide un aveugle, tous les deux tomberont dans un trou. Évangile selon saint Matthieu, XV, 14 Georg Christoph Lichtenberg Ober-Ramstadt 1742-Göttingen 1799 « Comment allez-vous ? », demandait l'aveugle au paralytique. « Comme vous voyez », lui fut-il répondu. Wie geht es, fragt ein Blinder einen Lahmen. Wie Sie sehen, war die Antwort. Aphorismes ● aveugle (difficultés) adjectif et nom (bas latin ab oculis, privé des yeux) Emploi Seule la locution en aveugle (sens figuré) est usitée aujourd'hui : dégustation en aveugle (= sans que l'origine ou la marque des produits soit connue de ceux qui les dégustent). À l'aveugle ne s'emploie plus (on dit aujourd'hui à l'aveuglette). ● aveugle (expressions) adjectif et nom (bas latin ab oculis, privé des yeux) En aveugle, imprudemment, sans réflexion ; en parlant d'un test, effectué sur des échantillons ne portant aucune mention. Essai en double aveugle, méthode comparative de l'efficacité de deux thérapeutiques, ou d'un nouveau médicament et d'un placebo. Jouer en aveugle, en parlant d'un joueur d'échecs, jouer sans regarder l'échiquier. ● aveugle (synonymes) adjectif et nom (bas latin ab oculis, privé des yeux) Qui est privé du sens de la vue.
Synonymes :
Se dit de quelqu'un qui se refuse à voir la...
Synonymes :
- absolu
- entier
- total
Contraires :
- lucide
- prudent
● aveugle
adjectif
Se dit de quelqu'un qui suit sa propre impulsion, sans discernement, sans esprit critique, qui agit de façon irrationnelle : Fureur aveugle.
Littéraire. Se dit d'une puissance surnaturelle qui frappe au hasard : L'aveugle instrument du destin.
Se dit d'un sentiment qui ne connaît pas de limite ; entier, total : Confiance aveugle.
Anatomie
Se dit de certaines cavités qui se terminent en cul-de-sac.
Bâtiment
Se dit du vaisseau central d'une église qui ne reçoit la lumière du jour que par les collatéraux.
Se dit d'une arcade, d'une baie simulées (non ajourées), d'un mur, d'une façade sans fenêtres.
Géographie
Se dit d'une vallée sèche que termine à l'aval une contre-pente au pied de laquelle se perdent, par absorption karstique, les eaux qui la drainent épisodiquement à la suite de fortes pluies.
● aveugle (expressions)
adjectif
Essai thérapeutique en aveugle, méthode d'étude d'un traitement par comparaison avec un traitement connu, dans laquelle les malades seuls (simple aveugle) ou les malades et les médecins (double aveugle) ignorent lequel des deux traitements est appliqué.
● aveugle (synonymes)
adjectif
Se dit de quelqu'un qui suit sa propre impulsion, sans...
Synonymes :
- fou
Contraires :
- lucide
- raisonné
Se dit d'un sentiment qui ne connaît pas de limite ;...
Synonymes :
- absolu
- entier
- total
Contraires :
- borné
- limité
aveugle
adj. et n.
d1./d Privé du sens de la vue. Devenir aveugle.
|| Subst. Un aveugle. Une aveugle-née: une aveugle de naissance. Syn. non-voyant.
d2./d Fig. Manquant de clairvoyance et de discernement. La passion le rend aveugle.
d3./d Qui ne souffre pas l'examen ou la discussion (sentiments). Une foi, une obéissance, une soumission aveugle.
d4./d Loc. adv. En aveugle: sans réflexion. Juger en aveugle.
— Essai en aveugle, sans que le sujet d'un test ait connaissance de certaines informations.
d5./d ARCHI Fenêtre aveugle: fausse fenêtre ou fenêtre obturée, qui ne laisse pas passer le jour. Pièce aveugle, sans fenêtre.
⇒AVEUGLE, adj. et subst.
I.— Adjectif
A.— [En parlant d'animés]
1. Sens physique. [En parlant d'une pers. ou d'un animal] Qui est privé de l'usage, plus rarement des organes, de la vue. Une personne aveugle; un cheval, un insecte aveugle; être, devenir aveugle :
• 1. Il portait le bât, le collier, tout le harnachement du cheval de labour. On voit au fond des caves, au Maroc, des meules tirées par des chevaux aveugles.
SAINT-EXUPÉRY, Terre des hommes, 1939, p. 248.
• 2. Faut-il rappeler aussi le cas bien connu de cette petite fille aveugle, sourde et muette, Helen Keller? Il offre l'extraordinaire expérience de la découverte du langage humain et de sa double fonction symbolique par un être privé des moyens normaux de communication avec autrui et avec le monde extérieur.
Traité de sociol., 1968, p. 261.
— ANATOMIE
a) Point aveugle. ,,Zone de la rétine dépourvue de cellules visuelles en face du nerf optique`` (Pt Lar. 1968).
b) Tache aveugle. ,,La tache aveugle de Mariotte (1668) correspond à un trou dans la vision dû à la papille optique ne contenant pas d'éléments de perception`` (RAV. 1970).
— Proverbe. Changer son cheval borgne contre un aveugle. Empirer sa situation, sa condition.
— P. métaph., pop. Bouillon, potage aveugle. ,,Potage qui devrait être gras, avoir des yeux de graisse, et qui est maigre`` (A. DELVAU, Dict. de la lang. verte, 1866, p. 315).
2. Au fig. Qui manque de jugement, de discernement.
a) [En parlant d'une pers.] Qui refuse ou est incapable de voir la réalité, de se rendre à l'évidence :
• 3. À quelque foi qu'on appartienne, il faut être aveugle pour ne pas reconnaître une destination spéciale et providentielle ou naturelle dans ces forteresses élevées à l'embouchure et à l'issue de presque toutes les plaines de la Galilée et de la Judée.
LAMARTINE, Voyage en Orient, t. 1, 1835, p. 307.
• 4. — J'ai été légère, c'est possible! s'exclama-t-elle les larmes aux yeux, j'étais aveugle. Mais tout ce que vous me dites me rend plus clairvoyante, et je ne veux plus encourir le même reproche.
THEURIET, La Maison des deux barbeaux, 1879, p. 118.
♦ (Sourd et) aveugle à :
• 5. Pour sa formation artistique [de l'enfant], elle [cette réponse] demande à être examinée de près. Elle ne serait valable qu'en supposant l'enfant totalement soustrait aux influences autres que celles dont nous parlons, en l'imaginant sourd et aveugle à tout, sauf à ce que lui apporteront la mère et le pédagogue, en le considérant comme une matière vierge sur laquelle ne se graveront que des empreintes prévues et choisies à son intention.
Arts et litt. dans la société contemp., 1935, p. 8008.
— Proverbe. Pour faire bon ménage, il faut que l'homme soit sourd et la femme aveugle.
b) [En parlant de dispositions, du comportement, des sentiments, des passions] Qui dans ses manifestations n'est pas accompagné (généralement dans le sens de la modération) de réflexion, de jugement. Amour, réflexion, foi, soumission aveugle :
• 6. Je pense que la croyance aveugle dans le fait qui prétend faire taire la raison est aussi dangereuse pour les sciences expérimentales que les croyances de sentiment ou de foi, qui, elles aussi, imposent silence à la raison.
C. BERNARD, Introd. à l'étude de la méd. exp., 1865, p. 85.
c) [En parlant d'une force, d'une source d'énergie envisagée dans son action] Dont l'action n'est pas dirigée par une intelligence organisatrice, disposant les moyens en vue d'une fin :
• 7. ... la morale n'est qu'une entreprise désespérée (...) contre l'ordre universel, qui est la lutte, le carnage et l'aveugle jeu de forces contraires.
A. FRANCE, Les Dieux ont soif, 1912, p. 80.
• 8. « (...) La nature aveugle fait des cristaux, elle ne fait pas un outil; elle est géomètre, elle n'est pas artisane ... ».
J. ROSTAND, La Vie et ses problèmes, 1939, p. 182.
— Proverbe. La fortune est aveugle. Elle distribue ses faveurs ou ses disgrâces au hasard, sans égard à la valeur des personnes.
B.— P. anal., TECHNOL.
1. [En parlant d'une opération envisagée dans son déroulement] Qui a lieu sans qu'elle puisse être vue.
a) CHIR. Opération aveugle. Opération effectuée sans que le chirurgien puisse voir la partie opérée.
b) MAR. Bombardement aveugle. ,,Bombardement exécuté sans vue directe de l'objectif, la navigation et la visée étant effectuées à l'aide des instruments de bord ou par guidage depuis des stations terrestres`` (QUILLET 1965).
2. [En parlant de produits de l'industr.] Qui n'a pas d'ouverture, ne laisse pas passer la lumière.
a) ARCHIT. [En parlant d'un arc, d'une fenêtre, d'une galerie] Dont l'ouverture, seulement simulée par ses contours, est remplie de maçonnerie ou d'un autre matériau (d'apr. BARB.-CAD. 1963) :
• 9. Il n'a ni ces pinacles, ni ces clochetons, ni ces longues et étroites arcades aveugles qui amincissent et allègent les contreforts voisins.
A. FRANCE, Pierre Nozière, 1899, p. 245.
b) TRAV. PUBL. Bouclier aveugle : bouclier avançant, toutes pièces fermées (terrains fluides) (cf. BARB.-CAD. 1963).
— P. anal., ANAT. [En parlant d'une cavité] ,,Qui se termine en cul de sac`` (Méd. Biol. t. 1 1970). Intestin aveugle, trou aveugle de l'os frontal, conduits aveugles de l'uretère :
• 10. ... il en persiste des restes sous la forme de canalicules flexueux aveugles à une extrémité, ...
E. PERRIER, Traité de zool., t. 4, 1928-32, p. 3530.
II.— Substantif
A.— Personne privée du sens de la vue :
• 11. Ce qui nous manque nous attire. Personne n'aime le jour comme l'aveugle.
HUGO, Les Misérables, t. 1, 1862, p. 784.
• 12. Je ne vous parlerais pas ainsi si vous n'étiez pas marié. Mais on n'épouse pas une aveugle. Alors pourquoi ne pourrions-nous pas nous aimer?
GIDE, La Symphonie pastorale, 1919, p. 911.
• 13. En France est considéré comme aveugle tout sujet dont la vision centrale après correction est nulle ou inférieure à 1/20e de la normale.
Ordonnance du 3 juill. 1945.
♦ Aveugle-né. Celui qui est privé de la vue depuis sa naissance.
SYNT. Alphabet, caractères, institut, rééducation des aveugles; bâton, chien d'aveugle.
— P. anal., rare. Personne privée de l'usage de quelques sens. ,,L'empire de la saveur a aussi ses aveugles et ses sourds`` (BRILLAT-SAVARIN ds Lar. 19e).
Rem. ,,Les poëtes désignent fréquemment par le nom d'aveugle Homère et Milton, qui étaient aveugles l'un et l'autre`` (Lar. 19e).
— Loc. À l'aveugle, en aveugle(s). À la manière d'un aveugle, en agissant comme le ferait un aveugle :
• 14. « (...) Anthime! ... Allons-nous-en... Allons-nous-en! » Et il l'entraîna. Il l'entraîna par la descente, dans les rochers. Anthime butait contre les pierres, contre les racines, comme un homme ivre. A chaque faux pas, il se rapprochait de son père. Celui-ci le sentait près de lui, faiblissant, se rendait compte que, seul, il s'en fût sauvé à l'aveugle, devant lui. Ils allaient côte à côte, sans se rien dire.
CHÂTEAUBRIANT, M. des Lourdines, 1911, p. 220.
• 15. En haut lieu, on a cru pouvoir supprimer la sûreté; les exécutants du premier rang la rétabliront; ils n'avanceront pas en aveugles au milieu du danger, c'est humain; ...
FOCH, Des Principes de la guerre, 1911, p. 232.
B.— P. méton. ou au fig. Personne qui n'a pas été éclairée par la connaissance, qui manque de jugement ou de lumière spirituelle :
• 16. Ma fille, reprit le père avec un doux sourire, qu'est-ce que cela auprès de ce qu'a enduré mon divin maître? Si les indiens idolâtres m'ont affligé, ce sont de pauvres aveugles que Dieu éclairera un jour. Je les chéris même davantage, en proportion des maux qu'ils m'ont faits.
CHATEAUBRIAND, Génie du Christianisme, t. 2, 1803, p. 225.
• 17. ... voulez-vous hâter la victoire du Prince de la vie? Sachez-le : pour son triomphe, vos douleurs sont des armes toutes-puissantes, auprès desquelles l'éloquence et la science sont extrêmement peu de chose, car les cœurs incrédules peuvent résister à leurs témoignages, mais il y a un témoignage qui confond l'incrédule, il y a une démonstration trop rayonnante pour ne pas ouvrir les yeux des aveugles : c'est la résignation chrétienne.
H. MONOD, Sermons, 1911, p. 162.
— Loc. À l'aveugle, en aveugle :
• 18. C'était là sans doute leur récréation; de là, ils allaient chercher dans les nuages de l'Alsace ou du Schwarzwald l'horoscope de la Révolution qu'ils faisaient encore à l'aveugle.
MICHELET, Journal, 1843, p. 530.
• 19. « Les modèles de l'Antiquité », doivent être « suivis non en aveugle, mais avec le discernement que les mœurs, les usages, les matériaux modernes comportent ».
J. VIAUX, Le Meubleen France, 1962, p. 128.
♦ Arg. Jouer en aveugle :
• 20. Jouer en aveugle. Se dit d'un novice qui n'est pas au courant de la partie, qui ignore le jeu [argot des joueurs].
G. SANDRY, M. CARRÈRE, Dict. de l'arg. mod., 1953, p. 232.
C.— Proverbes et expr. proverbiales. Il n'est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir. Il est impossible de convaincre celui qui est de parti pris. Au royaume des aveugles les borgnes sont rois. Avec un faible mérite on brille parmi les sots (J.-F. ROLLAND, Dict. du mauvais lang., 1813, p. 15). C'est un aveugle sans bâton. Il manque du nécessaire. C'est un aveugle qui en conduit un autre. Il est aussi imprudent et aussi malhabile que celui qu'il dirige.
PRONONC. :[]. PASSY 1914 note une durée mi-longue pour la 2e syll. du mot. Enq. :/avøgl/.
ÉTYMOL. ET HIST. — XIe s. avogle « privé de la vue » (Alexis, str. 111a ds GDF. Compl. : Surz ne avogles, ne contraiz ne leprus); XVe s. aveugle (Passion N. S., ap. Jubin., Myst., II, 190, ibid. : Malquin, se Dieu ne doinct santé, Jhesu te feroit buef ou vugle et sy te feroit bien aveugle Devenir par enchanterie).
Orig. discutée. Les hyp. proposées, dont la synthèse a été faite par Deutschmann (Rom. Jahrb., t. 1, 1947-48, pp. 87-153), se groupent autour de deux étymons.
I. Le plus vraisemblable est : le b.lat. ab oculis attesté au sens de « aveugle » dans un texte hagiographique du Ve ou VIe s. (Actus Petri cum Simone, éd. Lipsius, cité par Rohlfs ds Mél. Wartburg, 1968, t. 2, p. 199 : 1. ecce subito de senioribus viduae Petro ignorante sedentes ab oculis [viduae ab oculis : veuves aveugles] non credentes, exclamaverunt...; 2. iacentibus autem nobis solae illae viduae stabant, quae erant ab oculis [illae viduae quae erant ab oculis : ces veuves qui étaient aveugles]; [cf. à l'encontre de l'existence même de ab oculis « aveugle » l'interprétation des ex. 1 et 2 par Heisig ds Rom. Forsch., t. 62, 1950, p. 69, qui, à tort semble-t-il, construit pour 1 viduae ab oculis sedentes et pour 2 solae illae stabant, quae viduae ab oculis erant, contrairement à Löfstedt, Syntactica, t. 2, 1933, p. 376, qui considère viduae comme un subst. fém. plur. « les veuves » et non comme un adj. régissant la prép. ab]). L'orig. de ab oculis, est contestée : il serait soit 1 issu, p. ell. de l'adj., d'une loc. viduus, vacuus ab oculis [supra] (FEW, 1re hyp., W. v. Wartburg ds R. de dialectologie romane, t. 3, 1911, p. 422) ou plus prob. orbus ab oculis (Rohlfs ds Arch. St. n. Spr., t. 190, 1945, p. 70; ce syntagme est à l'origine de l'évolution sém. de orbus de « privé de » à « aveugle » > a.fr. orb « aveugle »); soit 2, moins prob. un calque du gr. tardif « aveugle » (DIEZ5, 2e hyp., Löfstedt, loc. cit., REW5, FEW 2e hyp.); à l'encontre de cette dernière hyp. la difficulté à rendre par ab, ce dernier n'étant synon. de sine, absque, que très rarement et dans la lang. poétique (Ve s., Dracontius, VIe s., Corippus ds TLL s.v. ab, 40, 70), et le fait qu'il n'existe, semble-t-il, aucune expression des lang. rom. occid. empr. à la lang. jur. byzantine ou formée sur elle (Herzog ds Z. rom. Philol., t. 26, 1902, p. 732); 3. l'hyp. de ab oculis issu de absque oculis (Lerch ds Rom. Forsch., t. 60, 1947, p. 68) n'offre aucune vraisemblance sur le plan grammatical. Un ab-oculus formé à partir de ab « sans » (DIEZ5, 1re hyp.) n'est pas acceptable du point de vue morphol. (v. supra à propos du calque gr.). Aboculus formé de ab au sens de « avec », d'où « avec un seul (?) œil » (Heisig ds Rom. Forsch., t. 62, 1950, p. 69) n'est pas vraisemblable. On peut considérer que dans aveugle la survivance du groupe lat. -cl-, conservé dans le fr. -gl- (à côté des formes pop. aveule, avule, etc., voir FEW, t. 24), résulte de l'emploi du mot surtout dans les milieux sav. (médecins, juristes, lang. relig., voir Deutschmann, loc. cit., p. 102, Lerch ds Rom. Forsch., t. 60, pp. 68 à 70 et EWFS2).
II. Autre hyp. : l'adj. b.lat. alboculus, d'où par dissimilation aboclus (proposé par DIEZ5, 3e hyp., Herzog loc. cit., Gerloff ds Z. rom. Philol., t. 30, 1906, p. 85 et EWFS2) issu du terme méd. albios oculus glosé staraplinter « affecté de la cataracte, aveugle » dans les Gloses de Cassel au IXe s. (DIEZ, Anciens glossaires romans, 1870, p. 113 et Marchot ds Z. rom. Philol., t. 20, 1896, p. 84); s'y rattache le nom lat. de la maladie oculaire album oculi attesté par Pelagonius (NIEDERMANN, Glotta, Zeitschrift für griechische und lateinische Sprache, t. 8, 1916-17, p. 229), dans la Mulomedicina de Chiron (Herzog ds Z. rom. Philol., t. 26, 1902, pp. 732-33) et sous la forme album in oculo par Columelle (Herzog, loc. cit.), tous dér. de albus « blanc » à cause de l'aspect blanchâtre de l'œil dans les affections ophtalmiques (à rapprocher du mot sav. mod. leukoma, leucome, v. Gerloff, loc. cit.). Cette hyp., certes recevable, (Herzog, loc. cit. et Deutschmann, loc. cit.) semble pourtant, en l'absence d'autres attest. que la forme isolée des Gloses de Cassel, et étant donné que a(l)boculus n'aurait désigné qu'une maladie précise de l'œil mais non la cécité, moins fondée que l'étymon ab oculis.
STAT. — Fréq. abs. littér. :4 273. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 5 142, b) 6 049; XXe s. : a) 5 562, b) 7 194.
BBG. — ALLEAU 1964. — Archéol. chrét. 1924. — BACH.-DEZ. 1882. — BARB.-CAD. 1963. — BAUDR. Pêches 1827. — BAULIG 1956, p. 62. — Bible 1912. — BLANCHE 1857. — BOUILLET 1859. — BRUANT 1901. — CHABAT 1881. — CHESN. 1857. — DARM. Vie 1932, p. 144. — DAUZAT Ling. fr. 1946, p. 28. — DEUTSCHMANN (O.). Fr. aveugle. Ein Beitrag zur Methodik und Problematik etymologischer Forschung. Rom. Jahrb. 1947/48, t. 1, pp. 87-153. — DUCH. 1967, § 13, 45, 50. — GEORGE 1970. — GIR. t. 2 Nouv. Rem. 1834, pp. 14-15. — GOTTSCH. Redens. 1930, p. 49, 52, 142. — Gramm. t. 1 1789. — HEISIG (K.). Zur Etymologie von fr. aveugle. Rom. Forsch. 1950, t. 62, pp. 69-74. — LAFON 1969. — Lar. méd. 1970. — LERCH (E.). Woher stammen aveugle und avec? Rom. Forsch. 1947, t. 60, pp. 68-70. — LE ROUX 1752. — LITTRÉ-ROBIN 1865. — MALKIEL (Y.). The Uniqueness and complexity of etymological solutions. Lingua. 1955/56, t. 5, pp. 236-239. — MARCEL 1938. — Méd. Biol. t. 1 1970. — NYSTEN 1824. — PIERREH. Suppl. 1926. — POPE 1961 [1952], § 638, 640. — POROT 1960. — PRÉV. 1755. — PRIVAT-FOC. 1870. — RÉAU-ROND. 1951. — ROHLFS (G.). Traditionalismus und Irrationalismus in der Etymologie. In : [Mél. Wartburg (W. von)]. Tübingen, 1968, t. 2, pp. 198-202. — ROHLFS (G.). Zur Wortgeschichte von frz. aveugle. Arch. St. n. Spr. 1954, t. 190, pp. 70-73. — ST-EDME t. 2 1825.
aveugle [avœgl] adj. et n.
ÉTYM. Fin XIe, avogle; lat. ab oculis, de oculus « œil », calque du grec.
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I Adj.
1 Qui est privé du sens de la vue. ⇒ Amaurose, cécité. || Une personne aveugle. || Un cheval aveugle. || Devenir aveugle : perdre ses yeux. || Être aveugle de naissance. → Aveugle-né (infra, II.). || Être aveugle comme une taupe. || Je vois bien, je ne suis pas aveugle.
1 Je deviens à peu près aveugle, monsieur. Un petit garçon qui passe pour être plus aveugle que moi, et qui vous a servi comme s'il était clairvoyant, s'est un peu mêlé des affaires de Ferney.
Voltaire, Lettre à l'abbé de Chauvelin, 13 févr. 1763.
2 Si jamais un philosophe aveugle et sourd de naissance fait un homme à l'imitation de celui de Descartes, j'ose vous assurer, Madame, qu'il placera l'âme au bout des doigts.
2.1 — Le maître dit que s'il ne peignait plus, il lui semblerait qu'il est devenu aveugle. Et plus qu'aveugle : seul.
Malraux, la Condition humaine, p. 160.
♦ ☑ Loc. prov. Changer, troquer son cheval borgne contre un aveugle : changer une chose défectueuse contre une autre plus défectueuse encore, une position médiocre contre une autre pire.
2 Anat. || Point aveugle : partie de la rétine qui ne comporte pas de cellules visuelles. — Par métaphore. || Le point aveugle d'une théorie.
3 Qui ne voit pas, ne perçoit pas par la vue. || Un regard aveugle.
2.2 (…) le buste est penché en avant, la tête inclinée, dans une contemplation fixe — ou aveugle — du sable pâle devant ses chaussures vernies.
A. Robbe-Grillet, la Maison de rendez-vous, p. 27.
B Fig.
1 Dont la raison, le jugement, est incapable de rien discerner (→ Avoir un bandeau, des écailles sur les yeux, un voile [1. Voile] devant les yeux). || La passion le rend aveugle. || Aveugle à qqch., sur qqch. || Aveugle à tout.
3 Je ne suis pas ensemble aveugle et téméraire;
Je connais bien l'erreur que l'amour m'a fait faire (…)
4 Nous sommes sourds à tous les sages avertissements, aveugles aux voies de salut (…)
Bossuet, Disc. sur l'Hist. universelle, II, 21.
5 Les amis sont aveugles aux défauts de leurs amis.
Racine, Livres annotés.
6 Il faut que le monde soit bien aveugle s'il vous croit.
Pascal, Pensées, t. III, 937.
7 Si l'on ne se connaît plein de superbe, d'ambition, de concupiscence, de faiblesse, de misère et d'injustice, on est bien aveugle.
Pascal, Pensées, t. II, 450.
8 Les hommes (…) sont aveugles et sur le bien et sur le mal.
Fénelon, Télémaque, XIV.
9 Craintive je te sers, aveugle je te suis (…)
Voltaire, Mahomet, III, 2.
10 Aveugles, ceux qui ne voient pas le miracle de cette grande âme; incarnation de l'amour fraternel dans un siècle ensanglanté par la haine.
R. Rolland, Vie de Tolstoï, p. 174.
11 (…) cette forme d'intelligence inflexible, obstinée, aveugle, sourde, stérilement calculatrice, que je suis bien obligé d'appeler l'intelligence allemande (…)
G. Duhamel, le Temps de la recherche, VII, p. 92.
12 Proust n'est nullement aveugle aux déficiences des Guermantes.
A. Maurois, À la recherche de Marcel Proust, IX, 4.
12.1 Elle était aveugle à beaucoup de choses; mais elle réagissait vivement à ce qu'elle voyait et sans jamais tricher (…)
S. de Beauvoir, les Mandarins p. 79.
2 (Sentiments, passions). Qui trouble le jugement. || Une haine, une colère aveugle. || Un amour, une passion aveugle.
13 À mon aveugle amour tout sera légitime.
Racine, Iphigénie, V, 2.
14 Dissimulez, Seigneur, cet aveugle courroux.
Racine, Esther, III, 1.
15 Quand Dieu voulut sauver la ville de Béthulie, il tendit, dans la beauté de Judith, un piège imprévu et inévitable à l'aveugle brutalité d'Holopherne.
Bossuet, Oraison de Henriette-Anne d'Angleterre.
16 Son attitude cabrée, le feu de son regard, exprimaient un orgueil démesuré, aveugle, insolemment agressif.
Martin du Gard, les Thibault, VIII, p. 46.
17 (…) la fureur aveugle n'a qu'un jour, et le patient labeur est le pain de tous les jours.
R. Rolland, Au-dessus de la mêlée, p. 59.
3 Qui ne permet ni réflexion, ni raisonnement. || Une soumission, une obéissance, une confiance, une foi aveugle. ⇒ Absolu, total. || Un attachement aveugle pour une opinion. — Le fondement de son aveugle confiance (→ Montrer, cit. 38). || Dévouement aveugle (→ Ressource, cit. 3).
18 Vous les verrez soumis rapporter dans Byzance
L'exemple d'une aveugle et basse obéissance.
Racine, Bajazet, I, 1.
19 La bonne façon d'en juger (des pièces de théâtre) qui est de se laisser prendre aux choses, et de n'avoir ni prévention aveugle, ni complaisance affectée, ni délicatesse ridicule.
Molière, Critique de l'école des femmes, 5.
20 La prévention du peuple en faveur des grands est si aveugle (…) que s'ils s'avisaient d'être bons, cela irait à l'idolâtrie.
La Bruyère, les Caractères, IX, 1.
21 M'y exposer par une aveugle témérité, ce serait me rendre indigne de votre assistance, ce serait courir à ma perte.
Bourdaloue, Pensées, t. II, p. 84.
22 La charité ne doit point dégénérer dans une tolérance aveugle et pusillanime (…)
Bourdaloue, Pensées, t. II, p. 473.
23 Mais me réponds-tu bien de leur aveugle zèle ?
Voltaire, Mérope, I, 4.
24 Que donne le chef à ses hommes en échange de cette aveugle soumission ? Il leur donne « des directives ».
A. Maurois, Études littéraires, t. II, p. 258.
25 Seul, Christophe, avec son besoin d'expansion et son trop-plein de vie, les enveloppait tous, sans qu'ils le sussent, de sa vaste sympathie, aveugle et clairvoyante.
R. Rolland, Jean-Christophe, VII, 2.
4 (Personnes). Qui agit sans discernement. || Il était l'aveugle instrument du destin, de sa colère. — ☑ Fig. L'amour, le sort, la fortune sont aveugles.
26 Le hasard, aveugle et farouche divinité, préside au cercle des joueurs (…)
27 La fortune ne paraît jamais si aveugle qu'à ceux à qui elle ne fait pas de bien.
La Rochefoucauld, Maximes, 391.
28 Suis-je libre en effet ? ou mon âme et mon corps
Sont-ils d'un autre agent les aveugles ressorts ?
Voltaire, 2e Discours.
29 Faut-il ainsi poursuivre (…)
Et l'argent et l'amour, aveugles déités ?
André Chénier, 171.
30 Nul, dans notre âge aveugle et vain de ses sciences,
Ne sait plier les deux genoux.
Hugo, Ballades, 8.
C Par métonymie.
1 Littér. Qui ne permet pas de voir. ⇒ Sombre, obscur.
31 Sombre nuit, aveugles ténèbres (…)
Fuyez, le jour s'approche, et l'olympe blanchit (…)
2 Qui ne laisse pas passer le jour. || Arcade, fenêtre aveugle, feinte, simulée.
31.1 Il se souvenait de certaines grosses fermes picardes dont toutes les façades s'ouvraient à l'intérieur de la cour, et qui n'offraient que des murs aveugles à l'extérieur.
M. Tournier, le Roi des Aulnes, p. 175.
3 Effectué par une personne qui ne contrôle pas visuellement. || Bombardement aveugle.
♦ Chir. || Opération aveugle, qui s'effectue sans que le praticien puisse voir la partie opérée.
31.2 (…) Si ces opérations se rapportent bien à des maladies intra-cardiaques, elles n'ont pas pour effet l'ouverture du cœur. Ce sont des opérations aveugles, au cours desquelles un doigt ou des instruments tranchants sont introduits dans le cœur, sans qu'à aucun moment le chirurgien puisse voir le travail qu'il effectue.
Claude d'Allaines, Chirurgie du cœur, p. 20.
4 Encre aveugle, invisible pour l'œil humain, mais déchiffrable par un lecteur optique. ⇒ Invisible.
5 Géol. || Vallée aveugle : vallée fermée en aval par une falaise.
———
II N.
1 Personne privée du sens de la vue. ⇒ Non-voyant. || Les aveugles et les voyants, et les mal (III., 4.)-voyants. || Un aveugle de naissance. || L'aveugle-né rapporte tout à l'extrémité de ses doigts (→ Palpable, cit. 1). || La canne blanche des aveugles. || Chien d'aveugle. || L'alphabet, l'écriture des aveugles. ⇒ Anaglyptique (écriture), braille, cécographie. || L'hôpital fondé par Saint Louis pour les aveugles. ⇒ Quinze-Vingts. || L'institut des jeunes aveugles.
32 Laissez-les : ce sont des aveugles qui conduisent des aveugles. Or, si un aveugle conduit un aveugle, ils tomberont tous deux dans une fosse.
Bible (Jérusalem) Évangile selon saint Matthieu, XV, 14.
33 Comment l'aveugle que voici (…) perdit la lumière (…)
La Fontaine, Fables, XII, 14.
34 Les démons chassés, les aveugles-nés guéris, les morts de quatre jours ressuscités.
Bourdaloue, Mystère de la résurrection de J.-C., t. I, p. 320.
35 Si pourtant il est permis à un aveugle de chercher son chemin à tâtons (…)
36 L'aveugle-né, opéré, ne peut distinguer ce qu'il avait jugé rond d'avec ce qu'il avait jugé angulaire.
Voltaire, Philosophie de Newton, II, 5.
37 L'analyse, qui est le bâton que la nature a donné aux aveugles.
Voltaire, Philosophie, Traité de métaphysique, 4.
38 Les aveugles sont gais, parce que leur esprit n'est pas distrait de la représentation des choses qui peuvent leur plaire et qu'ils ont encore plus d'idées que nous n'avons de spectacles. C'est un dédommagement que le ciel leur accorde.
Joseph Joubert, Pensées, V, XVIII.
39 (…) il n'y avait plus rien que le noir, ce noir absolu qui doit exister seulement dans l'œil éteint des aveugles.
E. Fromentin, Un été dans le Sahara, p. 32.
40 (…) on est comme des aveugles, tâtonnant et trébuchant sous un déluge, avec une musique de pluie aux oreilles, qui vous rend sourd.
Loti, Ramuntcho, II, 9.
♦ ☑ Crier comme un aveugle qui a perdu son bâton : crier beaucoup pour un léger mal.
♦ ☑ Juger d'une chose comme un aveugle des couleurs, en juger sans la connaître.
41 Sans doute il parlait de vertu comme un aveugle des couleurs (…)
A. Maurois, Ariel…, p. 187.
♦ ☑ C'est un aveugle qui en conduit un autre : il ne montre pas plus d'habileté que celui qu'il dirige.
♦ ☑ Prov. Au royaume des aveugles, les borgnes sont rois : les médiocres brillent lorsqu'ils se trouvent parmi des sots; cf. « Au milieu d'ignorants, un demi-savant est un puits de science » (Martel).
2 ☑ Loc. adv. En aveugle : sans discernement, sans réflexion. ⇒ Aveuglément. || Juger en aveugle.
42 Je me livre en aveugle au transport qui m'entraîne (…)
Racine, Andromaque, I, 1.
43 Ah ! Prince où courez-vous ? Quelle ardeur inquiète
Parmi vos ennemis en aveugle vous jette ?
Racine, Britannicus, I, 3.
44 Je marche en aveugle, sans savoir ma destinée (…)
45 (…) ennuyée de la prudence, elle néglige toute précaution et se livre en aveugle au bonheur d'aimer.
Stendhal, De l'amour, III.
♦ Techn. || Assemblage (de pièces) en aveugle.
3 ☑ Vx ou littér. À l'aveugle : sans voir. — Fig. Sans discernement. || Agir à l'aveugle. ⇒ Aveuglette (à l').
46 L'auteur oublie à chaque page ce qu'il vient de dire dans l'autre, s'enferrant lui-même à l'aveugle dans ses propres raisonnements.
Michelet, Hist. de la Révolution franç., t. I, p. 440.
47 Et elle fit même en sorte, amenée malgré elle par la promenade à la tombe de Lise Moeller, de s'arrêter adossée à la pierre (…) Dos à la morte, elle toucha de la main les lettres gravées, vérifiant à l'aveugle l'inscription pleine de mousse, la caressant (…)
J. Giraudoux, les Aventures de Jérôme Bardini, p. 101.
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CONTR. Clairvoyant, éclairé, lucide, voyant.
DÉR. Aveuglement, aveuglément, aveugler, aveuglette.
HOM. Formes du v. aveugler.
Encyclopédie Universelle. 2012.