broder [ brɔde ] v. tr. <conjug. : 1>
• brosder XIIe; o. germ.
1 ♦ Orner (un tissu) de broderies. Broder un napperon. Un mouchoir brodé. Broder à l'aiguille, au tambour. Absolt Fil, coton, métier à broder.
♢ Exécuter en broderie. Broder des initiales sur une chemise.
2 ♦ (1690) Fig. Vx Broder une histoire, l'enrichir de détails imaginaires. ⇒ enjoliver.
♢ Mod., absolt Raconter qqch. en ajoutant des détails inventés. « Sur sa fiche de conduite, à la mention franchise, on pouvait lire : tendance à broder » (Y. Queffélec). Il brodait sur cette aventure. — Par ext. Broder sur un sujet, en parler abondamment sans avoir beaucoup à dire. Il ne peut raconter une histoire sans broder.
● broder verbe transitif (francique brozdôn) Orner une étoffe de broderies : Broder un drap. Exécuter un ornement en broderie : Broder un chiffre sur une nappe. Littéraire. Embellir un récit en y ajoutant des fioritures. ● broder verbe intransitif Amplifier un récit en y ajoutant des détails inventés : Il brode, les choses ne se sont pas passées exactement ainsi. ● broder (synonymes) verbe intransitif Amplifier un récit en y ajoutant des détails inventés
Synonymes :
- développer
- exagérer
- grossir
- inventer
broder
v.
rI./r v. tr. Orner (une étoffe) de dessins à l'aiguille. Broder un grand boubou.
— (S. comp.) Soie à broder.
rII./r v. intr.
d1./d Fig. Amplifier, embellir un récit.
d2./d MUS Ajouter des ornements, des variations à un thème.
⇒BRODER, verbe trans.
A.— Orner une étoffe au moyen de fils (de coton, soie, or, argent ou laine) et parfois d'éléments décoratifs (paillettes, perles, rubans, etc.) passés avec une aiguille ou un crochet en formant des motifs ou des dessins. Broder une chemise, un drap, un mouchoir, une nappe; fil à broder, métier à broder :
• 1. ... et sa robe en crêpe de Chine, d'un vert argenté presque blanc, était brodée de feuillages d'argent et boutonnée de perles fines.
BOURGES, Le Crépuscule des dieux, 1884, p. 7.
• 2. Elle avait terminé le petit feuillage d'or, elle se mit à une des larges roses, tenant prêtes autant d'aiguilles enfilées que de nuances de soie, brodant à points fendus et rentrant, dans le sens même du mouvement des pétales.
ZOLA, Le Rêve, 1888, p. 44.
SYNT. 1. [Le compl. désigne l'étoffe servant de fond ou l'objet à décorer] Broder des gilets, des bouts de cravates et des mouchoirs (BALZAC, Les Illusions perdues, 1843, p. 90); broder des chasubles, des étoles, des manipules, des chapes, des dalmatiques, les mitres, des bannières, des voiles de calice et de ciboire (ZOLA, Le Rêve, 1888, p. 43). 2. [Le compl. désigne le dessin ornemental et la matière utilisée] Broder une fleur, un chiffre au coin d'un mouchoir; broder d'or, d'argent, de soie; broder à l'aiguille, au crochet, au métier, au tambour; broder à fils d'or et de soie (FARAL, La Vie quotidienne au temps de St Louis, 1942, p. 141); [emploi pronom. à sens passif, rare] robe courte (...) ce qui se brode ou se soutache (MALLARMÉ, La Dernière mode, 1874, p. 813).
— P. métaph. Broder de jolies phrases. Papier lisse qu'il faut broder de mon écriture (COLETTE, La Naissance du jour, 1928, p. 27); comme une basse continue brodée des éclats de rire des filles ou des cris de quelque rare dispute (BALZAC, Les Illusions perdues, 1843, p. 295); le prêtre le brode [le catafalque] de perles d'eau bénite (HUYSMANS, En route, t. 1, 1895, p. 23) :
• 3. Le soleil tenait lieu de lustre; la saison
Avait brodé de fleurs un immense gazon,
Vert tapis déroulé sous maint groupe folâtre.
HUGO, Les Contemplations, t. 1, 1856, p. 138.
• 4. ... ces pécheresses (...) se vengeaient, comme se vengent les femmes, petitement. Le père Alta devint le canevas de parlage qu'elles brodèrent d'incroyables insinuations et d'indescriptibles calomnies.
J. PÉLADAN, Le Vice suprême, 1884, p. 228.
B.— Au fig. [Souvent avec un compl. prép. sur, indiquant le thème de départ]
1. Emploi trans., vieilli. Ajouter des détails, des circonstances souvent imaginaires à une histoire ou à un récit; l'embellir. Il brode fort bien un conte; on vous a brodé cette nouvelle (Ac. 1835-78) :
• 5. Elle me rapportait tous les discours qu'il tenait; elle y ajoutait; elle les brodait.
RESTIF DE LA BRETONNE, M. Nicolas, 1796, p. 146.
SYNT. Sur ce thème éternel (...) broder une fabulation ingénieuse (R. MARTIN DU GARD, Devenir, 1909, p. 113); amour (...) canevas sur lequel je brode ma vie (KARR, Sous les tilleuls, 1832, p. 113).
2. Emploi abs. Inventer de nouveaux détails. Il a brodé agréablement sur ce thème (Ac. 1932).
— Péj. Ajouter des détails pour faire du remplissage. Ah! Monsieur, vous brodez! (Ac. 1835-78) :
• 6. — Non, ne vous taisez pas. Tâchez seulement de ne pas broder. Donnez-moi les faits tout nus. N'essayez pas de me faire prendre le change avec vos commentaires.
ROMAINS, Les Hommes de bonne volonté, La Douceur de la vie, 1939, p. 176.
— Spécialement
a) Arg. Signer des reconnaissances de dettes (cf. HOGIER-GRISON, Les Hommes de proie, Le Monde où l'on flibuste, 1887, p. 185).
b) Mus. Ajouter des variations à un thème. Spéc. [En parlant d'un chanteur, d'un instrumentiste] Interpréter une œuvre musicale en l'agrémentant de variations ou fioritures pour faire briller son propre talent. Fioritures dont les chanteurs italiens brodent leurs airs les plus tragiques (TAINE, Philos. de l'art, t. 1, 1865, p. 132) :
• 7. Jusqu'à l'époque de Mozart il [l'interprète] fleurit et varie à son gré les mouvements lents (...). En 1831 encore, voici un puriste parmi les puristes, Spohr, qui considère comme légitime de broder le premier violon d'un quatuor; Baillot, en 1835, apprend à ses disciples l'art d'enjoliver un adagio de concerto.
Arts et litt. dans la société contemp., 1936, p. 6009.
Rem. 1. La constr. trans. proche de la métaph. est plus fréq. au XIXe s. La constr. abs. l'emporte au XXe s. 2. L'emploi pronom. est rare au sens fig. Sur le fracas continuel se brodaient deux ou trois lignes de bruits (QUEFFÉLEC, Un Recteur de l'île de Sein, 1944, p. 41).
PRONONC. :[], (je) brode [].
ÉTYMOL. ET HIST. — 1. Av. 1105 judéo-français brosder infinitif substantivé « broderie » (A. DARMESTETER, D.-S. BLONDHEIM, Les Gloses françaises dans les Commentaires talmudiques de Raschi dans Bibliothèque des Hautes Études, fasc. 254, 1929, p. 18); vers 1160 « orner un tissu de broderies » (Énéas, 5881 dans T.-L.); 1200-20 fig. (J. RENART, G. de Dole, 14, ibid.); 2. 1690 fig. « enrichir un sujet » (FUR.).
L'orig. germ. semble certaine, mais il est difficile de dire si l'a. fr. (cf. lat. médiév. brusdus « broderie » Bourgogne ca 840 dans NIERM.), l'a. prov. broydar (XIVe s., part. passé broydat dans RAYN., t. 6, p. 6, appendice) et leurs corresp. romans sont issus du germ. bruzdan (FEW t. 15, 1, pp. 319-320, 1re hyp.) ou bien s'ils tirent leurs orig. respectivement : l'a. fr. de l'a. b. frq. brozdôn; l'a. prov. et les lang. hisp., du got. bruzdôn; l'a. ital., du longobard brustan (FEW, loc. cit., 2e hyp.; v. aussi REW3 et EWFS2); ces formes germ. sont à rattacher à l'a. nord. broddr, a. h. all. brort « pointe », a. nord. brydda « piquer », a. h. all. brortôn « border, orner » (DE VRIES Anord.; KARG-FRINGS).
STAT. — Fréq. abs. littér. :396. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 497, b) 801; XXe s. : a) 720, b) 394.
BBG. — FEUGÈRE (F.). La Volière de Marie de France. Déf. Lang. fr. 1970, n° 54, pp. 9-11. — FRANCESCATO (G.). Per la storia di it. borzacchino. Vox rom. 1961, t. 20, p. 298. — SAIN. Sources t. 2 1972 [1925], p. 285.
broder [bʀɔde] v. tr.
ÉTYM. Av. 1105, brosder; orig. discutée; soit du germanique buzdan — qui expliquerait aussi l'anc. provençal braydar —, soit du francique brozdôn; ou p.-ê., d'après Guiraud, d'un gallo-roman broccidare, broder étant, par l'interm. de l'anc. franç. broche « aiguille à broder », à rapprocher de brocher.
❖
♦ Absolt. || Broder à l'aiguille, au crochet, au tambour, à la main, au métier. || Broder en ambigu. || Métier à broder : appareil servant à exécuter des ouvrages de broderie. ⇒ Brodeuse. || Coton à broder. || Fil à broder. ⇒ Cannetille, cartisane, cordonnet.
1 Pour les lui présenter on choisit cent pucelles,
Toutes sachant broder, aussi sages que belles (…)
La Fontaine, les Filles de Minée.
2 Elles étaient occupées à broder de paillettes d'or de petites pantoufles rouges, à bouts retroussés comme des trompettes.
Loti, Aziyadé, XXIII, p. 207.
REM. Les emplois métaphoriques concrets (→ ci-dessous, cit. 3, 5 et 7) semblent plus modernes, encore que très littéraires, que les emplois abstraits.
3 Des pluies de choses jaunes et rouges grêlaient les ténèbres, et la nuit était comme un métier à tapisserie où des fils d'or couraient sans cesse, brodant la trame noire d'arabesques changeantes et de dessins inattendus.
Edmond Jaloux, le Jeune Homme au masque, I, p. 22.
♦ Par métaphore (cit. 6) et fig. Orner, embellir.
4 (L'amour) C'est l'étoffe de la nature que l'imagination a brodée.
Voltaire, Dict. philosophique, Amour.
5 (…) et la mer qui se brise,
Là-bas, d'un flot d'argent brode les noirs îlots.
Hugo, les Orientales, X.
6 Les vertus que les anachorètes brodent soigneusement sur le tissu de la foi sont aussi fragiles que magnifiques (…)
France, Thaïs, I.
7 (…) itinéraires changeants, fortuits, brodés chaque fois d'une sinuosité de plus.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. III, p. 271.
♦ Par métaphore du sens 1, b. Ajouter (qqch.) comme un embellissement.
8 Nous sommes aujourd'hui à l'énergie et à l'atrocité, et nous brodons sur le canevas de ces passions des ornements qui seraient d'un terrible à faire dresser les cheveux sur la tête, si nous pouvions les prendre au sérieux.
G. Sand, François le Champi, Avant-propos, 15.
2 Fig. a Absolt ou v. intr. Amplifier ou exagérer à plaisir. ⇒ Exagérer, mentir. || Vous brodez, les choses se sont passées plus simplement. || C'est un bavard, il ne peut pas raconter une histoire sans broder. || Broder autour d'un sujet donné. || Il brode à merveille sur ce thème.
9 (…) il s'agit de faits ayant une grande part de vérité, mais sur lesquels l'imagination aurait plus ou moins brodé au détriment de l'exactitude historique.
Daniel-Rops, le Peuple de la Bible, IV, I, p. 281.
b V. tr. (1690). Vx. Enrichir de détails fournis par l'imagination; inventer (un tel détail). ⇒ Agrémenter, développer, embellir. || Broder ses aventures.
10 (…) la musique et la poésie ne sont, pour ainsi dire, que les thèmes sur lesquels chacun brode ses propres sentiments (…)
Lamartine, Graziella, XVIII, p. 78.
♦ Mus. Agrémenter de variations, de fioritures (un morceau de musique).
——————
se broder v. pron.
♦ Passif. || La toile se brode facilement.
——————
brodé, ée p. p. adj.
♦ Qui comporte des broderies. || Un mouchoir, un drap brodé. || Un habit brodé.
11 (…) cette Espagnole (…)
Qui soulève, en dansant son fandango léger,
Les plis brodés de sa basquine !
Hugo, les Orientales, 21.
♦ Techn. || Tissu brodé : tissu dont les fils du dessin sont orientés dans tous les sens.
♦ Exécuté en broderie. || Initiales brodées.
12 — Enfin, est-ce qu'ils n'ont pas mangé un melon l'autre jour qu'on n'pouvait pas en approcher; pas un brodé… un cantalou… deux fois ma tête. J'suis loin de m'opposer à ce qu'ils en mangent, du melon; qu'ils en crèvent s'ils veulent, j'm'en moque pas mal encore; mais qu'ils viennent exprès étaler leurs épluchures sur le carré en face mon paillasson, j'dis qu'c'est une petitesse.
Henri Monnier, Scènes populaires, « Le roman chez la portière », p. 22.
❖
CONTR. Enlaidir. — Abréger, simplifier.
DÉR. Broderie, brodeur.
COMP. Rebroder, surbrodé.
Encyclopédie Universelle. 2012.