épandre [ epɑ̃dr ] v. tr. <conjug. : 41>
• 1080; lat. expandere
1 ♦ Vx ou littér. Verser en abondance (généralt sur une certaine étendue). ⇒ épancher, répandre, verser. — Fig. « cette bonté immense qu'il épandait sur les choses et sur les êtres » (Zola). ⇒ prodiguer. Pronom. S'étaler, s'étendre. « Une rougeur s'épandit sur sa joue comme du vin dans un verre d'eau » (Renard).
2 ♦ Techn. Étendre en dispersant. ⇒ 1. étaler, étendre. Épandre du fumier, des engrais (⇒ épandage) .
● épandre verbe transitif (latin expandere) Étendre un produit, une matière sur le sol en le dispersant : Épandre du fumier. ● épandre (difficultés) verbe transitif (latin expandere) Conjugaison Orthographe Étendre (famille de tendre) s'écrit avec un e, de même que ses dérivés étendage, étenderie, étendoir. Épandre (famille de répandre) s'écrit avec un a, de même que ses dérivés épandage, épandeur, épandeuse. Sens 1. Étendre = déployer en long et en large. Étendre du linge. 2. Épandre = faire tomber en étalant et en dispersant. Épandre du fumier.
épandre
v. tr. Jeter çà et là, éparpiller. épandre du fumier.
⇒ÉPANDRE, verbe trans.
A.— [Le suj. désigne une pers. ou un inanimé concr.]
1. Vieilli ou poét. [L'obj. désigne un liquide] Verser sur une certaine étendue. Synon. usuel répandre. [Dieu] épand la pluie des nuées sur une terre aride (BALZAC, Lys, 1836, p. 189). Raphaël commit une maladresse : sa timbale d'argent, roulant sur la table, épandit sur la nappe un flot d'eau rougie (DANIEL-ROPS, Mort, 1934, p. 191).
— Emploi pronom. Se déverser, se répandre. Le flot de l'averse nocturne s'est épandu sur nous (ALAIN-FOURNIER, Corresp., [avec Rivière], 1909, p. 146).
♦ P. métaph. Le bruissement des derniers vers de Hugo quand ils viennent du large s'épandre sur la grève (BARRÈS, Greco, 1911, p. 134).
2. P. ext.
a) [L'obj. désigne un inanimé concr. que l'on peut étendre, disperser] Déverser, éparpiller sur une certaine étendue. Elles [les poules] becquetaient le grain que la main de la patronne venait de leur épandre (PERGAUD, De Goupil, 1910, p. 244).
— AGRIC. [L'obj. désigne une récolte, une semence, un engrais ou un produit phytosanitaire] Étendre sur le sol en dispersant uniformément. Épandre du grain dans une terre (Ac. 1798-1878). Épandre du foin pour le faner (Ac. 1798-1932). Les femmes, tout en épandant le fumier, devisaient et riaient dans l'air doux (PESQUIDOUX, Livre raison, 1928, p. 40).
b) Emploi pronom.
— [Le suj. désigne un élément naturel] Prendre de l'extension. Les ramées obscures et cramoisies s'épandent avec lourdeur au-dessus des gazons (JAMMES, Rom. du lièvre, Almaïde d'Étremont, 1901, p. 208) :
• 1. Les deux nuages ronds de tout à l'heure s'étaient largement épandus, étalaient dans le ciel un voile plat, d'une nuance grise et bleutée pareille à celle du givre qu'on voit aux grosses prunes de monsieur.
GENEVOIX, Raboliot, 1925, p. 299.
♦ P. métaph. La méthode dite scientifique s'épanouit en une multiplicité de méthodes particulières, de même que la science s'épand en maints rameaux (AMADOU, Parapsychol., 1954, p. 21).
— [Le suj. désigne une sensation auditive, olfactive ou visuelle] Se propager. Sur tout le jardin s'épandait le hurlement des otaries (BARRÈS, Sang, 1893, p. 270). La lumière qui s'épandait par le haut de l'abat-jour (MARTIN DU G., Thib., Été 14, 1936, p. 104). L'odeur du café moulu s'épandait entre les murs déjà tièdes (BOSCO, Mas Théot., 1945, p. 348) :
• 2. Cela [l'agitation] ne cessait plus, s'enflait, recommençait au fond des allées lointaines, parmi le peuple campant sous les arbres, pour s'épandre et s'élargir dans l'émotion de la tribune impériale, où l'impératrice avait applaudi. Nana! Nana! Nana! Le cri montait dans la gloire du soleil, dont la pluie d'or battait le vertige de la foule.
ZOLA, Nana, 1880, p. 1404.
— [Le suj. désigne une chevelure] Tomber librement. Et ses cheveux dorés (...) Sur son front qui rougit s'épandent dénoués (LECONTE DE LISLE, Poèmes ant., 1852, p. 241). Ses cheveux noirs, libres de tout lien, s'épandaient en nappes d'ébène sur ses fragiles épaules (BENOIT, L'Atlant., 1919, p. 257).
— [Le suj. désigne une ou plusieurs pers. ou des animaux]
♦ Vieilli. Se propager, se disperser. Les Celtes s'épandirent dans l'Italie. Les Vandales s'épandirent dans l'Afrique (Ac. 1798-1878). C'était l'heure où les brebis s'épandaient sous les chênes (MAURIAC, Th. Desqueyroux, 1927, p. 190).
♦ Rare. S'allonger. Il quitta ses nippes, s'épandit sur la plume (CLADEL, Ompdrailles, 1879, p. 311).
B.— P. ext. et au fig. Manifester en abondance.
1. Prodiguer. Synon. répandre.
a) [L'obj. désigne un inanimé abstr. intérieur au sujet] Synon. épancher. Il se laissait aller à développer son opinion ou à épandre son sentiment (FLAUB., 1re Éduc. sent., 1845, p. 253).
b) [L'obj. désigne un inanimé abstr. extérieur au sujet] Synon. dispenser, étendre. Les douces mais passagères influences que jamais n'a cessé d'épandre de loin l'Académie française sur ceux qui en tentent l'approche (MAURIAC, Vie Racine, 1928, p. 99).
2. Emploi pronom.
a) [Le suj. désigne une pers. ou la manifestation d'un sentiment] Synon. s'épancher. La tendresse honteuse cachée en lui, qui n'avait jamais pu sortir, s'épandre, même aux premières heures de son mariage (MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, M. Parent, 1886, p. 590). Tout ce qu'elle m'eût avoué facilement, puis volontiers, quand nous étions de bons camarades, avait cessé de s'épandre dès qu'elle avait cru que je l'aimais (PROUST, Prisonn., 1922, p. 57). Une expression de refus, presque de haine, s'épandit sur ses traits (ROY, Bonheur occas., 1945, p. 421).
b) [Le suj. désigne un inanimé abstr.] Synon. s'étendre, se répandre. Sur la terre s'épand une félicité glorieuse et tranquille (GIDE, Journal, 1940, p. 23).
Rem. 1. Ds la plupart de ses emplois, le verbe appartient à la lang. littér.; il est fréq. suivi d'un compl. circ. de lieu (prép. sur, dans, sous). 2. On rencontre ds la docum. a) Épandement, subst. masc., rare. Synon. épanchement, extension. Dieu, en créant le monde, n'assiste plus à un épandement nécessaire de sa nature (BENDA, Trahis. clercs, 1927, p. 195). b) Épandeur, subst. masc. Machine utilisée pour épandre des engrais ou du bitume. Les épandeurs de fumier utilisés couramment en Amérique, se sont peu répandus en France (PASSELÈGUE, Mach. agric., 1930, p. 102).
Prononc. et Orth. :[], (j')épands []. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1100 « répandre » la cervelle espandre (Roland, éd. J. Bédier, 3617); en partic. 1174-80 « étendre sur le sol en dispersant » sa semance espandre (CHR. DE TROYES, Perceval, éd. W. Roach, 3); b) ca 1100 « verser, répandre un liquide » en espant le cler sanc (Roland, éd. J. Bédier, 3972); 2. ca 1165 pronom. « s'étendre, se répandre, occuper un certain espace » (B. DE STE-MAURE, Troie, 2378 ds T.-L.). Empr. au lat. impérial expandere « étendre, déployer, étaler ». Fréq. abs. littér. :258. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 208, b) 403; XXe s. : a) 529, b) 382. Bbg. GOHIN 1903, p. 313. — HASCHKE (F.). Die Sprache Richelieu's nach seinem Briefwechsel. 1934.
épandre [epɑ̃dʀ] v. tr. [CONJUG. rendre.]
ÉTYM. 1080; du lat. expandere, de ex-, et pandere « étendre, déployer ». → Expansion.
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1 Vx ou littér. Verser en abondance, généralement sur une certaine étendue. ⇒ Épancher, répandre. || Fleuve qui épand ses eaux dans la campagne. || Épandre le sang innocent.
REM. Épandre paraît déjà archaïque dans la seconde moitié du XVIIe s. : fréquemment employé par Corneille, il ne l'est jamais par Racine (sauf dans un petit poème datant de ses études à Port-Royal), et Racine le souligne par deux fois, ainsi que d'autres mots qui le surprennent, dans le Quinte-Curce de Vaugelas annoté par lui (cf. Racine, Traductions de Vaugelas et de d'Ablancourt, in Œuvres, VI, 361). Le mot reste d'un emploi restreint, encore que les symbolistes aient essayé de lui redonner vie.
1 J'abandonne mon sang à qui voudra l'épandre.
Corneille, Cinna, IV, 3.
2 Un soupir, une larme à regret épandue.
Corneille, Polyeucte, II, 2.
3 Océan qui sur tes rives
Épands tes vagues plaintives.
Lamartine, Harmonies…, II, XIII.
3.1 Une lucarne y recueillait comme de l'eau la clarté toute pure de la nuit, et l'épandait sur un coffre de tulipes peintes.
Claude Mauriac, Le Temps immobile, p. 49.
♦ Fig. Répandre sur une large surface, une vaste étendue.
4 L'usage de notre langue est à présent si épandu par toute l'Europe, principalement vers le nord, qu'on y voit peu d'États où elle ne soit connue.
Corneille, Au lecteur.
5 Midi, roi des étés, épandu sur la plaine.
Leconte de Lisle, Poèmes antiques, « Midi ».
♦ Fig. Prodiguer, verser en abondance. ⇒ Émettre, jeter, semer, verser. || Épandre des cris, des plaintes (→ Débat, cit. 5). || Projecteur qui épand sa lumière (→ Ciment, cit. 2). || Épandre des bienfaits.
6 Daigne du juste ciel la bonté souveraine (…)
(…) n'épandre sur vous que des prospérités.
Corneille, Rodogune, II, 3.
7 Qu'il faut de tout aux entretiens :
C'est un parterre où Flore épand ses biens (…)
La Fontaine, Fables, Disc. à Mme de la Sablière.
8 (…) cette bonté immense qu'il devait à son amour de la vie, qu'il épandait sur les choses et sur les êtres, dans le continuel souci du bonheur de tous.
Zola, le Docteur Pascal, t. II, p. 36.
8.1 (…) dans maintes scènes le plus beau est l'impassibilité du masque un, épandant les paroles hilarantes ou graves.
A. Jarry, Textes relatifs à Ubu roi, Pl., t. I, p. 409.
2 Techn. Mod. Étendre en dispersant. ⇒ Étaler, répandre. || Épandre de l'engrais, du fumier dans un champ (⇒ Épandage, épandeur).
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s'épandre v. pron.
♦ Vx ou littér. Couler en abondance, se répandre. || Le fleuve s'épandit dans la campagne. || L'eau s'épand sur le fourneau (→ Bouillotte, cit. 1).
9 Un long fleuve de sang de dessous ses sandales
Sortait, et s'épandait sur la terre, inondant
L'Orient, et fumant dans l'ombre à l'Occident (…)
Hugo, la Légende des siècles, XVI, « Sultan Mourad ».
♦ S'étendre, s'étaler, se répandre. || Les rameaux s'épandent au-dessus des gazons (→ Dorer, cit. 5). || Un souffle parfumé s'épandait. || La lumière s'épandait de l'abat-jour (→ Crûment, cit. 2).
10 La nuit couvre la terre et s'épand sur les eaux.
La Fontaine, Vers latins traduits en vers français, Les épîtres de Sénèque, CXXII.
11 Elle la prit à son cou, comme une enfant malade, et la belle chevelure rousse, dénouée, s'épandit sur son horrible épaule.
Loti, les Désenchantées, VI, XLVIII.
12 Une rougeur s'épandit sur sa joue comme du vin dans un verre d'eau.
J. Renard, Journal, 4 nov. 1892.
13 (…) des réverbères répartissent par sursauts la lumière, sur les murs où naguère l'égale clarté des nuits s'épandait (…)
Gide, Feuilles de route, Syracuse, 1896, in Journal 1889-1939, Pl., p. 69.
14 (…) une jupe (…) qui lui serrait les hanches et luisait sur ses cuisses pour s'épandre ensuite en une sorte de flot bruyant tout autour de ses jambes.
J. Green, Adrienne Mesurat, p. 116.
♦ Abstrait :
15 Toutes les idées que je laisse volontiers s'épandre et vaguer en moi (…)
Sainte-Beuve, Correspondance, t. I, p. 21.
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épandu, ue p. p. adj.
16 Tout s'agitait dans une rougeur épandue, car le Dieu, comme se déchirant, versait à pleins rayons sur Carthage la pluie d'or de ses veines.
Flaubert, Salammbô, Pl., t. I, p. 784.
♦ Épandu sur, dans… ⇒ Répandu.
17 Dans cet amour épandu sur tout le cours de la fatalité la plus chargée de sens, il est le christianisme même.
Malraux, les Voix du silence, p. 259.
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DÉR. Épandage, épandeur.
Encyclopédie Universelle. 2012.