1. sens [ sɑ̃s ] n. m.
• 1080; lat. sensus, de sentire → sentir
I ♦
1 ♦ Faculté d'éprouver les impressions que font les objets matériels (⇒ sensation); physiol. Système récepteur unitaire d'une modalité spécifique de sensations (correspondant, en gros, à un organe déterminé). Les cinq sens traditionnels. ⇒ goût, odorat, ouïe, 2. toucher, vue. Les organes des sens (⇒ sensoriel) . « Les objets que nous touchons, voyons ou percevons par un sens quelconque » (Taine). « La vue est le sens de l'oiseau, l'odorat celui du poisson » (Michelet). Reprendre (l'usage de) ses sens : reprendre connaissance après un évanouissement, une émotion violente. — Le sixième sens : l'intuition.
♢ Sing. collect. Loc. Cela tombe sous le sens : cela va de soi, c'est évident.
♢ Relig. Vx La peine du sens (infligée à la sensibilité physique) :la peine du feu de l'enfer (opposé à peine du dam).
2 ♦ Au plur. Littér. et vieilli LES SENS. Chez l'être humain, Instinct sexuel, besoin de le satisfaire. ⇒ chair, libido, sensualité. Les plaisirs des sens. « Ces hommes grossiers qui ne prennent les transports de l'amour que pour une fièvre des sens » (Rousseau). « Ses sens que suffisait [...] à éveiller une chair saine, plantureuse et rose » ( Proust).
3 ♦ LE SENS DE... : faculté de connaître d'une manière immédiate et intuitive (comme par une sensation). ⇒ instinct. « Elle perd le sens, le goût, le besoin [...] de la réalité » (A. Gide). Avoir le sens du rythme, de l'orientation, des affaires. Il « riait rarement, n'avait nul sens du comique » (France). Le sens de l'humour. Avoir le sens du ridicule. — N'avoir aucun sens esthétique. Manquer de sens pratique.
♢ Spécialt, vx Sens interne, intime : la conscience. Mod. Le sens moral : la conscience morale.
II ♦
1 ♦ Vieilli (et dans des expr.) Faculté de bien juger. ⇒ jugement. « Des observations pleines de sens » (Balzac).
2 ♦ Mod. BON SENS : capacité de bien juger, sans passion, en présence de problèmes qui ne peuvent être résolus par un raisonnement scientifique. ⇒ raison, sagesse. « Le bon sens [...] c'est la continuité mouvante de notre attention à la vie » (Bergson). Un homme de bon sens. ⇒ sensé. Le simple bon sens. Gros, robuste bon sens : bon sens un peu rudimentaire. En dépit du bon sens.
3 ♦ SENS COMMUN : manière de juger, d'agir commune à tous les hommes (qui équivaut au bon sens). « Il suffirait qu'une pensée fût extraordinaire, qu'elle choquât le sens commun » (Musset). Ça n'a pas le sens commun : c'est déraisonnable.
4 ♦ (Dans à mon, son sens, dans le sens, en un sens, etc.) Manière de juger (d'une personne). ⇒ avis, opinion, sentiment . « Il n'y a pas, à mon sens, de plus profond abîme pour la pensée » (Musset). Abonder dans le sens de qqn. Ce que vous dites va dans mon sens, est proche de ce que je pense.
♢ Manière de voir, point de vue particulier. En un sens, dans un sens : d'un certain point de vue. « L'amour de soi : passion primitive [...] dont toutes les autres ne sont, en un sens, que des modifications » (Rousseau). — En ce sens que : dans la mesure où, c'est-à-dire que. « Thérèse avait moins d'esprit que lui, en ce sens qu'elle était naturellement rêveuse » (Sand).
III ♦
1 ♦ Idée ou ensemble d'idées intelligible que représente un signe ou un ensemble de signes. ⇒ signification. Chercher le sens d'un mot, d'une expression, d'une phrase. Avoir du sens, un sens (⇒ signifiance) . « Cette allégorie a un sens très profond » (Mme de Staël). « Des expressions dénuées de sens » (Proust). L'amour « est un mot qui n'a pas de sens » (Louÿs). Faire sens : avoir un sens, être intelligible.
♢ Spécialt Concept évoqué par un mot, une expression, correspondant à une possibilité de désignation (objet, sentiment, relation, etc.). ⇒ acception, signification, signifié, valeur; sémantique. « On parle de synonymie lorsque plusieurs mots ont le même sens, et de polysémie lorsqu'un seul mot a des sens différents » (S. Ullmann). Sens propre, figuré. Sens étymologique, primitif. Au sens strict, large du terme. ⇒ lato sensu, stricto sensu. « Nous prenons le mot de “responsabilité” en son sens banal » (Sartre). Sens nouveaux d'un mot. Mot à double sens : calembour, équivoque.
2 ♦ Idée intelligible à laquelle un objet de pensée peut être rapporté et qui sert à expliquer, à justifier son existence (cf. Raison d'être). « Il s'agissait de savoir si la vie devait avoir un sens pour être vécue » (Camus). « l'unique moyen dont il dispose pour donner un sens à son engagement consiste à le maintenir envers et contre tout » (Caillois). Sens et non-sens.
⊗ CONTR. Absurdité, déraison, non-sens.
⊗ HOM. Cens.
sens 2. sens [ sɑ̃s ] n. m.
1 ♦ Direction; position d'une droite dans un plan, d'un plan dans un volume. Dans le sens de la largeur. « La ville et l'université avaient chacune leur grande rue particulière qui courait dans le sens de leur longueur » (Hugo). Dans le bon, dans le mauvais sens : droit, de travers. Le sens d'un tissu (droit fil, biais). Tailler dans le sens du bois, en suivant les fibres. Caresser un chat dans le sens du poil. Mot qui se lit dans les deux sens. ⇒ palindrome. Cela va, part dans tous les sens (fig. n'importe comment). En tous sens. « Le bariolage des vieilles affiches, collées dans tous les sens » (Zola).
♢ Loc. adv. (1562; altér. a. fr. c'en dessus dessous, c.-à-d. ce [qui était] en dessus...) SENS DESSUS DESSOUS [ sɑ̃dsydsu ] :dans une position telle que ce qui devrait être dessus se trouve dessous et inversement (cf. À l'envers). Par ext. Dans un grand désordre. « Le salon encore encombré et sens dessus dessous » (Hugo). Fig. Dans un état de trouble, de confusion extrême. On criait « les résultats de l'élection présidentielle. Cela mit le restaurant sens dessus dessous » (Aragon) .
♢ (XIVe; altér. a. fr. ce ou c'en devant derrière) SENS DEVANT DERRIÈRE [ sɑ̃dvɑ̃dɛrjɛr ] :dans une position telle que ce qui doit être devant se trouve derrière et inversement. Mettre un pull-over sens devant derrière (cf. Devant derrière).
2 ♦ Ordre dans lequel un mobile parcourt une série de points; mouvement orienté. Chaque direction a deux sens opposés; si l'un est pris pour sens positif, l'autre est de sens négatif. — « Les larges routes sont divisées en six pistes, trois dans chaque sens » (Beauvoir). Voie à sens unique. Route à double sens. Panneau de sens interdit. Sens giratoire. Sens d'une rotation : à droite (sens des aiguilles d'une montre ou sens rétrograde ⇒ dextrorsum ), quand le mobile a le centre de rotation à sa droite; à gauche (dans le cas contraire : sens direct, positif, trigonométrique ⇒ sénestrorsum ). Un camion venait en sens inverse. Vous tournez la manivelle dans le mauvais sens.
3 ♦ (Abstrait) Direction que prend une activité. « Quand l'opinion force le gouvernement à agir dans le sens qu'elle désire » (Renan). « Son intelligence toujours exercée dans le même sens » (Proust). Il a agi dans (en) ce sens.
♢ Succession ordonnée et irréversible des états (d'une chose en devenir). Le sens de l'histoire. La grande propriété « paraît aller dans le sens même de la science et du progrès » (Zola).
● sens nom masculin (latin sensus) Chacune des fonctions psychophysiologiques par lesquelles un organisme reçoit des informations sur certains éléments du milieu extérieur, de nature physique (vue, audition, sensibilité à la pesanteur, toucher) ou chimique (goût, odorat). Aptitude à connaître, à apprécier quelque chose de façon immédiate et intuitive : Avoir le sens des nuances. Ce que quelque chose signifie, ensemble d'idées que représente un signe, un symbole : Le sens d'une allégorie. Ce que représente un mot, objet ou état auquel il réfère : Chercher le sens d'un mot dans le dictionnaire. Raison d'être, valeur, finalité de quelque chose, ce qui le justifie et l'explique : Donner un sens à son existence. ● sens (citations) nom masculin (latin sensus) Henri Frédéric Amiel Genève 1821-Genève 1881 Le dégoût est une chose curieuse. Il fait prendre en grippe jusqu'à la raison et au bon sens, par antipathie pour la vulgarité. Journal intime, 20 janvier 1866 Jean Anouilh Bordeaux 1910-Lausanne 1987 Quand une fille dit deux mots de bon sens et qu'on l'écoute, c'est que Dieu est là. L'Alouette, Jeanne La Table Ronde Louis Aragon Paris 1897-Paris 1982 À toute erreur des sens correspondent d'étranges fleurs de raison. Le Paysan de Paris Gallimard Julien Benda Paris 1867-Fontenay-aux-Roses 1956 Si l'on excepte le cas unique du cartésianisme, il n'y a pas de snobisme du bon sens. La France byzantine Gallimard Nicolas Boileau, dit Boileau-Despréaux Paris 1636-Paris 1711 Quelque sujet qu'on traite, ou plaisant, ou sublime, Que toujours le bon sens s'accorde avec la rime. L'Art poétique abbé Henri Brémond Aix-en-Provence 1865-Arthez-d'Asson, Pyrénées-Atlantiques, 1933 Académie française, 1923 Pour lire un poème comme il faut, je veux dire poétiquement, il ne suffit pas, et, d'ailleurs, il n'est pas toujours nécessaire, d'en saisir le sens. La Poésie pure Champion François René, vicomte de Chateaubriand Saint-Malo 1768-Paris 1848 Le goût est le bon sens du génie. Essai sur la littérature anglaise Jean Cocteau Maisons-Laffitte 1889-Milly-la-Forêt 1963 Académie française, 1955 Il était victime des pénombres où les sens rencontrent le cœur. Le Grand Écart Stock Sidonie Gabrielle Colette Saint-Sauveur-en-Puisaye, Yonne, 1873-Paris 1954 Les sens ? Pourquoi pas le sens ? Ce serait pudique et suffisant. Le Pur et l'impur Calmann-Lévy René Descartes La Haye, aujourd'hui Descartes, Indre-et-Loire, 1596-Stockholm 1650 L'homme n'a de connaissance des choses naturelles que par les moyens de la correspondance avec ce qui tombe sous les sens. Cogitationes privatae René Descartes La Haye, aujourd'hui Descartes, Indre-et-Loire, 1596-Stockholm 1650 Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée […] La puissance de bien juger, et distinguer le vrai d'avec le faux, qui est proprement ce qu'on nomme le bon sens, ou la raison, est naturellement égale en tous les hommes. Discours de la méthode Eugène Grindel, dit Paul Eluard Saint-Denis 1895-Charenton-le-Pont 1952 Prendre sens dans l'insensé. Poésie ininterrompue, le Château des pauvres Gallimard Paul Fort Reims 1872-Argenlieu, près de Montlhéry, Essonne, 1960 Laisse penser tes sens, homme, et tu es ton Dieu. Ballades françaises, La Vision harmonieuse de la terre Flammarion Bernard Grasset Chambéry 1881-Paris 1955 La solution du bon sens est la dernière à laquelle songent les spécialistes. Remarques sur l'action Gallimard Victor Hugo Besançon 1802-Paris 1885 Le bon sens est bourgeois et n'est pas citoyen. Fragments Victor Hugo Besançon 1802-Paris 1885 Le sens révolutionnaire est un sens moral. Les Misérables Jean de La Fontaine Château-Thierry 1621-Paris 1695 Il avait du bon sens ; le reste vient ensuite. Fables, le Berger et le Roi Gustave Le Bon Nogent-le-Rotrou 1841-Paris 1931 Beaucoup d'hommes sont doués de raison, très peu de bon sens. Hier et demain Flammarion Louis XIV, roi de France Saint-Germain-en-Laye 1638-Versailles 1715 La fonction de roi consiste principalement à laisser agir le bon sens, qui agit toujours naturellement et sans peine. Mémoires Napoléon Ier, empereur des Français Ajaccio 1769-Sainte-Hélène 1821 La haute politique n'est que le bon sens appliqué aux grandes choses. Cité par Las Cases dans le Mémorial de Sainte-Hélène Gérard Labrunie, dit Gérard de Nerval Paris 1808-Paris 1855 Il est dangereux de passer trop tôt pour un écrivain de bon sens : c'est le privilège des médiocrités mûres. La Bohème galante Jean Paulhan Nîmes 1884-Neuilly-sur-Seine 1968 Académie française, 1963 Tout a été dit. Sans doute. Si les mots n'avaient changé de sens ; et les sens, de mots. Clef de la poésie Gallimard Jean-François Paul de Gondi, cardinal de Retz Montmirail 1613-Paris 1679 […] Rien ne persuade tant les gens qui ont peu de sens, que ce qu'ils n'entendent pas. Mémoires Arthur Rimbaud Charleville 1854-Marseille 1891 Le poète se fait voyant par un long, immense et déraisonné dérèglement de tous les sens. Correspondance, à Paul Demeny, 15 mai 1871 Jean-Jacques Rousseau Genève 1712-Ermenonville, 1778 Il ne faut rien accorder aux sens quand on veut leur refuser quelque chose. Les Confessions Charles Augustin Sainte-Beuve Boulogne-sur-Mer 1804-Paris 1869 Jeune, on se passe très aisément d'esprit dans la beauté qu'on aime et de bon sens dans les talents qu'on admire. Mes poisons Charles de Marguetel de Saint-Denis de Saint-Évremond Saint-Denis-le-Gast, Manche, 1613-Londres 1703 La poésie demande un génie particulier, qui ne s'accommode pas trop avec le bon sens. Tantôt, c'est le langage des dieux, tantôt c'est le langage des fous, rarement celui d'un honnête homme. Sur les caractères des tragédies, De la poésie Horace, en latin Quintus Horatius Flaccus Venusia, Apulie, 65-Rome ? 8 avant J.-C. Le bon sens, c'est le principe et la source du bien écrire. Scribendi recte sapere est et principium et fons. Art poétique, 309 William Somerset Maugham Paris 1874-Saint-Jean-Cap-Ferrat 1965 L'argent est comme un sixième sens — sans lui, on ne peut se servir des cinq autres. Money is like a sixth sense — and you can't make use of the other five without it. In Times Magazine Octobre 1958 George Meredith Portsmouth 1828-Box Hill 1909 Le manque de courage n'est qu'un manque de bon sens. Want of courage is want of sense. Les Comédiens tragiques, XI José Ortega y Gasset Madrid 1883-Madrid 1955 La vie prend un sens lorsqu'on en fait une aspiration à ne renoncer à rien. La vida cobra sentido cuando se hace de ella una aspiración a no renunciar a nada. El espectador, I ● sens (difficultés) nom masculin (latin sensus) Prononciation Sens se prononce toujours [&ph103;̃&ph103;], en faisant entendre le s, sauf dans les expressions sens dessus dessous et sens devant derrière qui se prononcent respectivement [&ph103;̃&ph88;&ph103;&ph109;&ph88;&ph103;&ph105;] et [&ph103;̃&ph88;ə&ph106;̃&ph88;ɛʀ&ph94;ɛʀ]. Remarque Sens dessus dessous est une altération graphique de sans dessus dessous, locution qui est elle-même une altération de cen dessus dessous, où cen est la contraction de ce et en, et qui a succédé à ce dessus dessous, c'est-à-dire « ce (qui est) dessus (étant) dessous ». Sens devant derrière a connu la même évolution. Orthographe On écrit au pluriel en tous sens. → tout. On écrit un contresens, en un seul mot, mais un faux-sens, avec un trait d'union. Accord On peut écrire indifféremment des mots de sens différent (=chacun des sens est différent) ou des mots de sens différents (= les sens sont différents). ● sens (expressions) nom masculin (latin sensus) À double sens, ambigu, qui peut prêter à deux interprétations. À mon sens, à mon point de vue, selon moi, à mon avis. Bon sens, sentiment de ce qui est raisonnable ; capacité de juger sainement. École du bon sens, mouvement littéraire de la fin de la monarchie de Juillet, qui réagit contre le romantisme. Organe des sens, organe où s'effectue la réception des informations correspondant à un sens. Sens commun, capacité de juger, d'agir raisonnablement comme la majorité des gens. Sens pratique, capacité de discerner ce qui est utile, efficace, aptitude au concret. Sixième sens, intuition. Tomber sous le sens, être évident. ● sens (homonymes) nom masculin (latin sensus) cens nom masculin sens forme conjuguée du verbe sentir ● sens (synonymes) nom masculin (latin sensus) Aptitude à connaître, à apprécier quelque chose de façon immédiate et...
Synonymes :
- don
- esprit
- instinct
- notion
Ce que quelque chose signifie, ensemble d'idées que représente un signe...
Synonymes :
- portée
- valeur
Ce que représente un mot, objet ou état auquel il...
Synonymes :
Bon sens
Synonymes :
- jugement
- jugeote (familier)
- lucidité
- perspicacité
- sagesse
Contraires :
- absurdité
- folie
Organe des sens
Synonymes :
- organe sensoriel
Sens commun
Synonymes :
- bon sens
- raison
- sagesse
● sens
nom masculin pluriel
Ensemble des fonctions de la vie organique qui procurent les plaisirs physiques, spécialement sexuels : Plaisirs des sens.
● sens
nom masculin
(de sens)
Direction dans laquelle se fait un mouvement : Traverser la France dans le sens nord-sud.
Direction de la circulation sur les voies routières : Voie à sens unique.
Chacun des côtés de quelque chose ; position de quelque chose dans l'espace : Cette pièce n'est pas mise dans le bon sens.
Direction prise par une activité, par un comportement, une action : Cette politique ne va pas dans le bon sens.
Mouvement, intention dans une relation entre personnes : Un amour à sens unique.
● sens (synonymes)
nom masculin pluriel
Ensemble des fonctions de la vie organique qui procurent les...
Synonymes :
- chair
- sensualité
- volupté
● sens (expressions)
nom masculin
(de sens)
Sens dessus dessous, de telle sorte que ce qui devrait être dessus soit dessous ; en grand désordre ; dans un grand trouble, bouleversé.
Sens devant derrière, dans une position telle que ce qui doit être devant se trouve derrière.
Sens de l'histoire, direction générale, impliquée par les états présents et passés, des événements de l'histoire du monde.
Bipoints (A, B) et (D, C) de même sens (respect de sens contraire), bipoints dont les supports respectifs (AB) et (CD) sont parallèles et tels que ABCD est un quadrilatère convexe (respectivement croisé).
Sens trigonométrique, sens de « rotation » inverse de celui des aiguilles d'une montre.
● sens (homonymes)
nom masculin
(de sens)
cens
nom masculin
sens
forme conjuguée du verbe sentir
sens
n. m.
d1./d Orientation donnée à une chose. Disposer une couverture dans le sens de la longueur.
|| Loc. Sens dessus dessous: de manière que ce qui devrait être dessus se trouve dessous; par ext., dans un grand désordre.
— Sens devant derrière: de façon que ce qui devrait être devant se trouve derrière.
d2./d Axe suivant lequel on exerce une action sur une chose, et qui est défini par rapport à un ou à plusieurs éléments de cette chose. Couper du tissu dans le sens des fils.
d3./d Orientation d'un déplacement. Nager dans le sens du courant. Le sens de la marche d'un train.
— (Voie à) sens unique: voie sur laquelle la circulation n'est autorisée que dans un seul sens.
— Sens interdit.
|| MATH Orientation d'un vecteur le long de son support.
— Sens direct ou sens trigonométrique, inverse de celui des aiguilles d'une montre.
|| Fig. Toutes ces recherches vont dans le même sens. Le sens de l'histoire.
————————
sens
n. m.
rI./r
d1./d Faculté d'éprouver des sensations d'un certain ordre (visuelles, auditives, tactiles, olfactives, gustatives) et, en conséquence, de percevoir les réalités matérielles. Les organes des sens.
— Le sixième sens: l'intuition.
— Fig. Cela tombe sous le sens: c'est évident.
d2./d Plur. Les plaisirs des sens: les plaisirs liés aux sensations physiques, spécial. le plaisir sexuel.
|| L'éveil des sens, de la sexualité.
d3./d Le sens de. Connaissance spontanée, intuitive. Avoir le sens des nuances, du commerce.
— Sens pratique: habileté à résoudre les problèmes de la vie quotidienne.
d4./d Bon sens: capacité de bien juger. Un homme de bon sens.
d5./d Manière de juger, de voir les choses. Abonder dans le sens de qqn.
— à mon sens: à mon avis.
|| Sens commun: ensemble des jugements communs à tous les hommes. Cela choque le sens commun.
rII./r
d1./d Idée, concept représenté par un signe ou un ensemble de signes. Sens d'un geste. Sens propre, sens figuré d'un mot.
— Faux sens: interprétation erronée d'un mot.
d2./d Caractère intelligible de qqch, permettant de justifier son existence. Le sens de la vie.
I.
⇒SENS1, subst. masc.
I. — [Faculté, capacité]
A. — Dans le domaine physique, de la sensibilité, des sensations
1. Au sing. ou au plur. Faculté d'éprouver des sensations; système récepteur d'une catégorie spécifique de sensations. Les cinq sens; sens externes, internes; sens délicats; organes des sens; erreur des sens; acuité, finesse des sens; sentir par tous les sens; objets perçus par les sens. La mauvaise odeur, pour vous, c'est du chinois. Le sens olfactif est atrophié chez l'homme moderne (BERNANOS, M. Ouine, 1943, p. 1439):
• 1. Lorsque, du pont du navire où je suis embarqué, mes yeux voient fuir les arbres et les maisons du rivage, c'est une illusion des sens, une apparence fausse et dont je reconnais immédiatement la fausseté, parce que j'ai des motifs d'être sûr de l'immobilité du rivage. Au contraire, mes sens ne me trompent pas lorsqu'ils me portent à croire au mouvement du passager qui se promène près de moi sur le pont: ce mouvement a bien toute la réalité extérieure que je suis porté à lui attribuer, sur le témoignage de mes sens...
COURNOT, Fond. connaiss., 1851, p. 7.
♦ Sens chromatique. ,,Faculté de distinguer les différentes couleurs, grâce à la sensibilité rétinienne`` (Méd. Biol. t. 3 1972).
♦ Sens kinesthésique. Sens permettant d'apprécier les mouvements et les postures du corps. L'ataxie procède surtout de l'atteinte (...) du sens kinesthésique (AVIRAGNET, WEILL-HALLÉ, MARIE ds Nouv. Traité Méd. fasc. 2 1928, p. 699).
♦ Sens musculaire. Sensibilité profonde du muscle jouant un rôle important dans le tonus musculaire. Le sens musculaire est aujourd'hui incontestable et généralement incontesté; c'est lui qui nous permet de régler nos divers mouvements, et, par la conscience qu'il nous donne du degré de contraction musculaire, de modérer ou d'augmenter l'énergie de cette contraction selon le but à atteindre (TSCHEUSCHNER, Prévis. temps, 1919, p. 5).
— Locutions
♦ OCCULT., PARAPSYCHOL. (Avoir un) sixième sens. Aptitude à percevoir des messages occultes. Mesmer a connu l'existence chez l'homme d'un « sixième sens », comme il nomme déjà la faculté de connaissance paranormale (AMADOU, Parapsychol., 1954, p. 93). La vibration du cerveau de l'autre, perçue dans la télépathie par mon propre cerveau, n'est qu'une des innombrables réalités du monde perceptibles à notre sixième sens (AMADOU, Parapsychol., 1954, p. 246).
P. ext. Aptitude à percevoir ce que d'autres ne perçoivent pas, à avoir des pressentiments, à deviner quelque chose. Dans la vie de toutes les femmes, il est un moment où elles comprennent leur destinée (...) ce n'est pas toujours un homme choisi par quelque regard involontaire et furtif qui réveille leur sixième sens endormi (BALZAC, Curé vill., 1839, p. 17). Une espèce d'horreur sacrée dénonçait comme un grouillement de vies obscures. Tandis que Mouchette, une fois de plus, se sentait entraînée malgré sa volonté et sa raison, c'était cette horreur même qui vivait et pensait pour elle. Car, à la frontière du monde invisible, l'angoisse est un sixième sens, et douleur et perception ne font qu'un (BERNANOS, Soleil Satan, 1926, p. 205).
♦ Reprendre (l'usage de) ses sens. Revenir à soi, reprendre connaissance (après un évanouissement). Il ne fut sans doute qu'assommé. Il ne tardera pas à reprendre ses sens (AUDIBERTI, Mal court, 1947, I, p. 148).
P. ext. Reprendre ses esprits (après une émotion violente). Il allait devant lui, marchant sous une poussée de fureur, sous un souffle d'exaltation, l'esprit emporté par son idée fixe. Tout à coup, il se trouva devant la gare. Un train partait. Il monta dedans. Durant la route, sa colère s'apaisa, il reprit ses sens (MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, M. Parent, 1886, p. 625).
♦ Tomber sous les sens (rare), tomber sous le sens. Être directement perçu par les sens. L'ordre des faits physiques et des réalités qui tombent sous les sens (COURNOT, Fond. connaiss., 1851, p. 45). Le langage comporte — comme les grammaires l'enseignent, et les dictionnaires, ne fût-ce que par leur aspect, le confirment — d'une part des signes qui tombent sous le sens: soit bruit, son, image écrite ou tactile. De l'autre, des idées, associées à ces signes en telle sorte que le signe, sitôt apparu, les évoque (PAULHAN, Fleurs Tarbes, 1941, p. 71).
Au fig. Aller de soi, s'imposer comme une évidence. Je l'aimais! C'est évident! Ça tombait sous les sens (LAFORGUE, Moral. légend., 1887, p. 49). Lui, du moins, avait des moyens d'expression à lui, bons ou mauvais, mais à lui, il avait son langage, son point de vue, sa sensibilité... Il n'allait pas à pieds joints sauter dans la manière de Matisse, qui a une raison d'être quand on a parcouru le chemin de Matisse, quand elle est un aboutissement... Cela tombe sous le sens, voyons! (TRIOLET, Prem. accroc, 1945, p. 196).
— Spécialement
♦ RELIG., au sing. coll., vx. Sensibilité corporelle, individu sensible. Peine du sens. Peine du feu (en enfer). (Dict. XIXe et XXe s.).
♦ PHILOS. [Chez Aristote] Sens commun. Sens central, faculté mettant en commun et coordonnant les données de tous les sens en les rapportant à un même objet et permettant ainsi la perception de celui-ci. Synon. sensorium. Toute sensation s'accomplit (...) par une communication de l'objet au cerveau (...). La partie antérieure du viscère cérébral est la source commune de la sensibilité. Là réside ce sens commun, où toutes les impressions reçues par les organes se ramènent et se comparent (OZANAM, Philos. Dante, 1838, p. 133). Il n'existe pas de sensorium, ou sens commun, autre que la conscience elle-même, et la conscience n'a pas d'autre siége, dans la sensation, que le lieu où elle la rapporte (RENOUVIER, Essais crit. gén., 3e essai, 1864, p. VIII).
2. Au plur. Impulsion, besoin organique dont la satisfaction est source de plaisir pour l'individu. Sens blasés, usés; plaisir des sens; transport des sens; échauffer, exciter les sens. Il s'installa dans le village, il y passa cinq jours dans une joie perpétuelle. Il était comme un homme qui sort d'un long jeûne, et qui dévore. De tous ses sens affamés, il mangeait la splendide lumière (ROLLAND, J.-Chr., Nouv. journée, 1912, p. 1443). Les mots avaient une qualité nouvelle: ils flattaient mes sens; émotion ignorée, sorte de frisson dans mon cerveau (LACRETELLE, Silbermann, 1922, p. 34).
— En partic. Instinct sexuel, besoin de satisfaire l'instinct sexuel. Éveil des sens; calme, fièvre, fureur des sens; félicité, ivresse, plaisir des sens; insatisfaction des sens; avoir les sens troublés par qqc. ou qqn. Son corsage ouvert découvrait trop sa poitrine maigre. Il reconnut alors ce qu'il s'était caché, la désillusion de ses sens. Il n'en feignait pas moins de grandes ardeurs (FLAUB., Éduc. sent., t. 2, 1869, p. 220):
• 2. ... il la voulait. — Oui, je vous veux, répétait-il, en tapant son poing sur son genou d'un martèlement continu. Vous entendez bien, je vous veux... Il n'y a rien à dire à ça, je pense? Gervaise, peu à peu, s'attendrissait. Une lâcheté du cœur et des sens la prenait, au milieu de ce désir brutal dont elle se sentait enveloppée.
ZOLA, Assommoir, 1877, p. 420.
♦ Commerce des sens. Relations sexuelles, amour physique. (Dict. XIXe et XXe s.).
— P. ext., littér. Plaisirs, jouissances physiques. Chez elles [les courtisanes], le corps a usé l'âme, les sens ont brûlé le cœur, la débauche a cuirassé les sentiments (DUMAS fils, Dame Cam., 1848, p. 126).
B. — Dans le domaine intellectuel, du jugement, de la compréhension, de la raison
1. a) Vx ou littér. Faculté de bien juger, de comprendre les choses et d'apprécier les situations avec discernement. Un homme de grand sens; observations pleines de sens; avoir trop de sens pour + inf. Ce n'était point le caractère de Mathilde qui faisait rêver Julien les jours précédents. Il avait assez de sens pour comprendre qu'il ne connaissait point ce caractère. Tout ce qu'il en voyait pouvait n'être qu'une apparence (STENDHAL, Rouge et Noir, 1830, p. 317). Les lettres de ce prince (...) étaient pleines de sens, montraient du jugement et des connaissances militaires (CHATEAUBR., Mém., t. 3, 1848, p. 199).
— Locutions
♦ Être hors de sens. N'avoir plus toute sa raison. — Viva monsignor le Douc! cria l'Italien éperdu, viva le Douc! et se jetant à deux genoux comme hors de sens, il saisit frénétiquement le pied de Son Altesse, au bord de la portière ouverte, et lui baisait ses escarpins (BOURGES, Crépusc. dieux, 1884, p. 11). Et c'est aussi votre opinion que je suis un dément? Vous pensez qu'il faut qu'un homme soit hors de sens pour vouloir marier son fils à une prostituée (...)? (AYMÉ, Clérambard, 1950, IV, 11, p. 249).
♦ Perdre le sens. Perdre l'usage du jugement, perdre la raison. De temps en temps elle me demandait: « Est-ce que je suis grise? — Non, pas encore ». Et elle buvait de nouveau. Elle le fut bientôt. Non pas grise à perdre le sens, mais grise à dire la vérité, à ce qu'il me sembla (MAUPASS., Contes et nouv., t. 1, Cri d'al., 1886, p. 1061). Pour la quatrième ou cinquième fois elle perdait le sens et sa raison fondait dans la joie comme une étoile dans le ciel du matin (JOUVE, Paulina, 1925, p. 128).
♦ [Par confusion avec de sang froid] Rare, vx. De sens froid. Avec calme, sans passion, sereinement. Dans les pays où les hommes rassemblent plusieurs femmes, pour le plaisir d'un seul, et les tiennent dans une entière dépendance, la facilité de comparer et de juger de sens froid doit décider leur choix en faveur de la beauté naturelle (LACLOS, Éduc. femmes, 1803, p. 467).
♦ De sens rassis. Au jugement calme. Les gens sérieux, de sens rassis, qui ne buvaient pas de vin, qui ne fréquentaient pas la société des danseuses (GOBINEAU, Pléiades, 1874, p. 33). Sa malheureuse passion pour Mathilde (...) avait pu faire, un moment, d'un homme, jusqu'à ce jour, sobre et de sens rassis, un alcoolique (G. LEROUX, Parfum, 1908, p. 31).
b) Bon sens
) PHILOS., vx. Raison. Le philistin qui parlerait ainsi prouverait simplement qu'il a du bon sens et qu'il préfère à tout la raison (LEMAITRE, Contemp., 1885, p. 18). Descartes (...) a mis au commencement de son célèbre Discours une parole plus souvent citée que comprise: « Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée. » Mais il a éclairé plus directement cette idée en disant en ses Méditations que le Jugement est affaire de volonté et non point d'entendement, venant ainsi à nommer générosité ce que l'on veut communément appeler intelligence (ALAIN, Propos, 1921, p. 204).
) Capacité de bien juger, de prendre une décision, sans a priori, raisonnablement (à propos de choses qui ne relèvent pas du raisonnement scientifique, d'une méthodologie ou d'une théorie). Grand, robuste bon sens; un peu de bon sens. Tôt ou tard la conscience se réveille, et le bon sens du peuple fait justice, en un jour, des raisonnements du sophiste (QUINET, All. et Ital., 1836, p. 117). Certains chefs militaires (...) ont mené leurs hommes au massacre (...). Le simple bon sens eût dû les retenir de lancer cette attaque sans préparation d'artillerie, et qu'on savait devoir demeurer vaine (GIDE, Journal, 1943, p. 242).
— [P. oppos. à l'égarement, la folie, l'emportement inconsidéré] Capacité de juger normalement, sainement; jugement sain, normal. Avoir tout son bon sens; être dans son bon sens. M. de Forbin a eu le cerveau imbécile pendant plusieurs jours; il a déraisonné, puis le bon sens lui est peu à peu revenu (DELÉCLUZE, Journal, 1828, p. 486). — Ma parole, elle est à lier, s'écria Cadignan, stupéfait. Tu n'as pas un grain de bon sens, Mouchette, avec tes phrases de roman (BERNANOS, Soleil Satan, 1926, p. 82).
— [En fonction de déterm.]
♦ [Qualifie une pers.] Qui a du bon sens, sensé. Le spectacle de plusieurs religions finit par inspirer aux hommes de bon sens, une égale indifférence pour ces croyances également impuissantes contre les vices ou les passions des hommes (CONDORCET, Esq. tabl. hist., 1794, p. 108). Dans un marché, tout homme de bon sens considère ses intérêts; il accepte ou refuse les articles, nous avions accepté parce que les autres nous avaient donné des avantages (ERCKM.-CHATR., Hist. paysan, t. 2, 1870, p. 132).
♦ [Qualifie une chose] Qui manifeste, recèle du bon sens. On écoute avec patience; on ne se choque pas quand le parleur n'a aucune facilité: qu'il bredouille, qu'il ânonne, qu'il cherche ses mots, on trouve qu'il a fait a fine speech s'il a dit quelques phrases de bon sens (CHATEAUBR., Mém., t. 3, 1848, p. 99).
— Locutions
♦ En dépit du bon sens. Contrairement à ce qu'exigerait la raison. P. ext. Sans soin; sans application; n'importe comment. Se nourrir en dépit du bon sens; travailler en dépit du bon sens. Ces textes sont déplorables, rédigés avec platitude ou en dépit du bon sens (BARRÈS, Cahiers, t. 5, 1907, p. 316).
♦ Gros bon sens. Bon sens rudimentaire, sans finesse. Il leur fallait rencontrer un homme qui eût plus de probité que d'ambition, plus de gros bon sens que de capacité (BALZAC, C. Birotteau, 1837, p. 36). Je connaissais Adam, le mauvais sujet de la grande classe; sept ans bientôt (...); l'apparence d'un hercule pas méchant, un peu narquois, doué de cette intelligence ronde qu'on appelle un gros bon sens (FRAPIÉ, Maternelle, 1904, p. 73).
♦ Cela, ça n'a pas de bon sens. C'est insensé, déraisonnable, absurde. Ça n'a pas de bon sens ce qu'on fait là, dit la voix précipitée du père Barca. Si on reste là... on va... devenir fous (MALRAUX, Espoir, 1937, p. 481).
♦ (Être) hors du bon sens. N'avoir plus toute sa raison, n'avoir plus la capacité de juger raisonnablement, normalement (v. supra I B 1 a être hors de sens). Que signifie tout cela, à la fin? Voulez-vous me le dire?... Un grillage de poulailler s'en va en morceaux, et vous ne voulez pas le faire réparer!... Vous voilà hors du bon sens, mon ami! (CHÂTEAUBRIANT, Lourdines, 1911, p. 133).
♦ Il y a du bon sens, il n'y a pas de bon sens (à + inf.). Mais, ma divine, lui disais-je, il n'y a pas le moindre bon sens à sangloter ainsi. Tu es toujours ma princesse, ma seule et unique palatine (REYBAUD, J. Paturot, 1842, p. 366). Malheureux, dit le maire, y a-t-il du bon sens à manier un blessé pareil! (BERNANOS, Crime, 1935, p. 754).
c) Sens commun
) Manière de juger, d'agir commune à tous les hommes raisonnables. Synon. raison. Mon pauvre fils, tu n'avais pas déjà beaucoup de sens commun, je suis désolé de te voir tombé dans un milieu qui va achever de te détraquer (PROUST, J. filles en fleurs, 1918, p. 573). Le sens commun, en matière de langage, dispose d'un instinct qui ne le trompe guère; (...) il perçoit exactement, bien avant grammairiens et linguistes, les plus menues variations d'un sens (PAULHAN, Fleurs Tarbes, 1941, p. 78).
♦ Rappeler qqn au sens commun. Rappeler quelqu'un à la raison. Que n'était-il à Pampelune pour rappeler son père Ignace au sens commun, à la théologie des « honnêtes gens »; pour lui démontrer que la place d'un brillant officier n'est pas dans la grotte de Manrèse? (BREMOND, Hist. sent. relig., t. 4, 1920, p. 314).
♦ Ne pas avoir le sens commun
[En parlant d'une pers.] Être déraisonnable, irrationnel. Elle n'a pas le sens commun, elle a une tête à la diable, mais elle est admirable (CHÊNEDOLLÉ, Journal, 1807, p. 19).
[En parlant d'une chose] Être déraisonnable, insensé, absurde. — Barnavaux, dis-je, vos histoires n'ont pas le sens commun. — J'ai le sens commun, moi, répondit Barnavaux têtu (MILLE, Barnavaux, 1908, p. 198).
♦ Cela, ça n'a pas le sens commun. C'est déraisonnable, absurde, insensé. Être amoureux de la petite Sûzel, la fille de ton propre fermier, une enfant, une véritable enfant, qui n'est ni de ton rang, ni de ta condition, et dont tu pourrais être le père, c'est trop fort! C'est tout à fait contre nature, ça n'a pas même le sens commun (ERCKM.-CHATR., Ami Fritz, 1864, p. 98).
) Ensemble des jugements, des opinions donnés comme ne pouvant être raisonnablement remis en question. Le sens commun n'émet guère que de basses sottises. L'on sait, depuis Flaubert et Bloy, qu'il n'est idée ni phrase « reçue » où la bêtise ne coudoie la méchanceté, où la grandeur ne se voie immolée à la sottise et les martyrs aux bourreaux (PAULHAN, Fleurs Tarbes, 1941, p. 44). Comment (...) cet événement singulier et éphémère qu'est l'apparition d'une image poétique singulière, peut-il réagir — sans aucune préparation — sur d'autres âmes, dans d'autres cœurs, et cela, malgré tous les barrages du sens commun, toutes les sages pensées, heureuses de leur immobilité? (BACHELARD, Poét. espace, 1957, p. 3).
2. [Constr. avec un compl. prép. de ou un adj. désignant un ordre de choses ou des valeurs] Faculté de connaître, de comprendre, d'apprécier de façon intuitive et immédiate (un ordre de choses, des valeurs). Sens des affaires, des hiérarchies, des nuances, des réalités, des responsabilités; sens de l'efficacité, de l'équilibre, de la mesure, de l'orientation; sens du réel; sens de la propriété; sens du beau, du comique, de l'humour, du ridicule; sens artistique, critique, littéraire, philosophique; sens national, politique. Cavalier hors de pair (...); possédant le sens inné du cheval, ce je ne sais quoi qui fait deviner l'humeur d'un animal, comment se servir de lui et jusqu'où (PESQUIDOUX, Livre raison, 1928, p. 179):
• 3. Tel est l'équilibre qui se réalise en Gœthe: au sens de l'infini, qui menacerait de l'entraîner à la dissolution mystique dans le Tout, s'ajoute le sens du particulier, de la limitation, qui est proprement le sens esthétique. À l'univers, comme à la position de l'homme dans le cosmos, s'applique la loi de l'œuvre d'art, qui est bien de saisir l'éternité, mais dans l'instant, de percevoir l'infini, mais dans l'objet.
BÉGUIN, Âme romant., 1939, p. 59.
Rem. On relève également dans cet empl. sens constr. avec un compl. prép. pour: Ce sens inné pour le cérémonial que manifestent les Napolitains à chaque occasion (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 132).
♦ Sens interne ou sens intime (vieilli). Conscience, faculté grâce à laquelle l'homme a la connaissance immédiate de ses états psychiques. Les sens externes sont ce que Locke appelle tout simplement les sens; et les sens internes sont ce que Locke appelle la conscience ou la réflexion (COUSIN, Philos. écoss., 1857, p. 38). L'homme-microcosme a commencé par être un organisme parfait, doué d'un seul moyen de perception, que l'on nomme le sens interne ou sens universel. Ce sens connaissait l'univers par analogie, selon la doctrine occultiste: l'homme, étant encore semblable à la nature harmonieuse, n'avait qu'à se plonger dans la contemplation de soi-même pour atteindre à la réalité dont il était le pur reflet (BÉGUIN, Âme romant., 1939, p. 74).
♦ Sens moral. Conscience morale, sentiment immédiat du bien et du mal. Tu as un manque de sens moral vraiment stupéfiant! Enfin, tu me proposes de rester avec toi, avec toi qui, aux yeux du monde, es l'ancienne maîtresse de mon gendre (Tr. BERNARD, M. Codomat, 1907, III, 3, p. 185). Ces Boches! (...) Ils font la guerre comme des brutes! (...) massacrer d'innocentes populations civiles, ça dépasse tout, c'est monstrueux! Il faut qu'ils aient perdu tout sens moral, tout sentiment d'humanité! (MARTIN DU G., Thib., Épil., 1940, p. 872).
♦ Sens pratique, sens utilitaire. Faculté de discerner ce qui est utile, profitable. Aussi voulut-il s'expliquer, en garçon de sens pratique qui est convaincu d'avoir de bonnes raisons (ZOLA, Débâcle, 1892, p. 525).
3. a) [Constr. avec à ou dans] Manière de juger, de comprendre (d'une personne); sentiment, opinion. N'est-ce pas La Rochefoucauld qui disait que l'esprit est souvent la dupe du cœur? Il va sans dire que je n'osai le faire remarquer à Jacques aussitôt, connaissant son humeur et le tenant pour un de ceux que la discussion ne fait qu'obstiner dans son sens (GIDE, Symph. pastor., 1919, p. 916). Je ne puis d'aucune façon me figurer l'inconnu occupé de moi (j'ai dit à supposer: même si c'est vrai, c'est absurde, mais enfin: je ne sais rien), il est à mon sens impie d'y songer (G. BATAILLE, Exp. int., 1943, p. 209).
♦ Abonder dans le sens de qqn. Exprimer sans réserve, parfois avec excès, la même opinion que quelqu'un. Elle ne voyait aucune différence entre le jeu de Georges et celui de Christophe (...). Christophe n'y contredisait pas; malicieusement, il abondait dans le sens de la jeune fille (ROLLAND, J.-Chr., Nouv. journée, 1912, p. 1573).
♦ Parler dans le sens de qqn. Exprimer la même opinion, le même avis que quelqu'un. J'eus beau épuiser mes arguments, ainsi que plusieurs autres membres de la société qui parlèrent dans mon sens, nous ne pûmes pas convertir le vitaliste (Cl. BERNARD, Princ. méd. exp., 1878, p. 204).
b) [Constr. avec dans ou en] Manière de voir; point de vue particulier. Dans, en un certain sens. Pour la nourriture, qu'il enchaîna, c'est rien que de la conserve, j'en bouffe depuis un an moi... J'en suis pas mort!... Dans un sens c'est bien commode, mais ça ne tient pas au corps (CÉLINE, Voyage, 1932, p. 206):
• 4. — (...) je n'ai pas, moi, envie de partir. J'ai mes raisons. Il ajouta après un silence: — Vous ne me demandez pas quelles sont mes raisons? — Je suppose dit Rambert, que cela ne me regarde pas. — Dans un sens, cela ne vous regarde pas, en effet. Mais dans un autre... Enfin, la seule chose évidente, c'est que je me sens bien mieux ici depuis que nous avons la peste avec nous.
CAMUS, Peste, 1947, p. 1332.
II. — [Propriété d'un objet de pensée ou d'un signe]
A. — [Signification]
1. Idée, signification représentée par un signe ou un ensemble de signes; représentation intelligible évoquée ou manifestée par un signe ou une chose considérée comme un signe. On pourrait prendre dans un sens métaphorique le vulgaire proverbe, Tout chemin mène à Rome, et l'appliquer au monde moral; tout mène à la récompense ou au châtiment (BAUDEL., Paradis artif., 1860, p. 348). La mariée me regardait (...) et je ne pouvais me tromper sur le sens de ce regard, c'était un regard de mépris (JOUVE, Scène capit., 1935, p. 195).
SYNT. Sens apparent, caché, ésotérique, général, littéral, philosophique; sens injurieux; sens d'une allégorie, d'un discours, d'une expression, d'une leçon, d'un mythe, d'un oracle, d'une phrase, d'une prophétie, d'un texte; sens d'un rite, d'un geste, d'un sourire; lieu chargé de sens; avoir plus d'un sens; attribuer un sens à des paroles; donner un sens à qqc.; interpréter dans le bon, le mauvais sens; pénétrer le sens d'un texte.
— En partic. [Constr. avec une nég., ou empl. dans un cont. nég.] Signification assignable. Propos dépourvus de sens; rêves dénués de sens. Que me font des phrases stéréotypées qui n'ont pas de sens pour moi, semblables aux formules de l'alchimiste et du magicien qui opèrent d'elles-mêmes (RENAN, Avenir sc., 1890, p. 474). Pourquoi le mot de liberté me paraît-il, soudain, vide de sens? (J. BOUSQUET, Trad. du sil., 1936, p. 248).
2. En partic. Signification d'un élément signifiant d'une langue (ou d'un langage). Le style de Mallarmé doit précisément son obscurité, parfois réelle, à l'absence quasi totale de clichés, de ces petites phrases ou locutions ou mots accouplés que tout le monde comprend dans un sens abstrait, c'est-à-dire unique (GOURMONT, Esthét. lang. fr., 1899, p. 304):
• 5. Quand je fixe un objet dans la pénombre et que je dis: « C'est une brosse », il n'y a pas dans mon esprit un concept de la brosse, sous lequel je subsumerais l'objet et qui d'autre part se trouverait lié par une association fréquente avec le mot de « brosse », mais le mot porte le sens, et, en l'imposant à l'objet, j'ai conscience d'atteindre l'objet.
MERLEAU-PONTY, Phénoménol. perception, 1945, p. 207.
SYNT. Sens ambigu, clair, étroit, large, précis, restreint, strict, vague; sens concret; sens courant, usuel; sens dérivé, original, primitif; sens fort, plein d'un mot; sens favorable, défavorable, péjoratif; sens usé, vieilli, vieux; sens figuré (v. ce mot A 2 b), métaphorique; sens propre (v. ce mot I A d ); altération, changement, évolution, extension de sens; filiation, classification des sens; mots de sens opposés; mot qui a plusieurs sens; chercher le sens d'un mot; prendre un mot dans un sens; dans tous les sens d'un mot, d'un terme; sens d'un symbole chimique, mathématique.
♦ Au sens + adj. Dans l'acception, la signification (déterminée par l'adj.) du terme. Au sens pascalien, racinien, mathématique, politique, philosophique du terme; au bon, au mauvais sens du terme. Il n'y eut pas de la part de Swann, quand il épousa Odette, renoncement aux ambitions mondaines, car de ces ambitions-là depuis longtemps Odette l'avait, au sens spirituel du mot, détaché (PROUST, J. filles en fleurs, 1918, p. 470):
• 6. Le Cogito me fait l'effet d'un appel sonné par Descartes à ses puissances égotistes. Il le répète et le reprend en plusieurs endroits de son œuvre, comme le thème de son Moi, le réveil sonné à l'orgueil et au courage de l'esprit. C'est en quoi réside le charme, — au sens magique de ce terme, — de cette formule tant commentée, quand il suffirait, je crois, de la ressentir.
VALÉRY, Variété IV, 1938, p. 229.
♦ Faux sens. Erreur sur la signification d'un mot dans un texte. Je produisais des thèmes et des versions bien éloignés de cette exactitude, de cette élégance et de cette concision. Tout ce qui sortait de ma plume abondait en solécismes et en barbarismes, en faux sens et en contre-sens (FRANCE, Vie fleur, 1922, p. 360).
♦ Mot à double sens. Mot ayant une signification ambiguë sur laquelle le locuteur joue de façon à ce que les deux acceptions soient possibles dans le contexte. Est-il saoul ou ne l'est-il pas, ce président Desmazes, dont l'entrée est toujours avec, à la bouche, un mot à double sens cochon et qui a tout le long de la soirée la démarche titubante et le sourire salivant d'un pochard? (GONCOURT, Journal, 1894, p. 672). Je n'avais pas l'intention de m'éterniser dans cet échange de sourires et de mots à double sens que les adolescents prodiguent aux adolescentes (H. BAZIN, Vipère, 1948, p. 246).
— LING., SÉMIOL. Effet de sens. Signification spécifique déterminée par le contexte et la situation. À chaque unité significative minima, correspond, dans la langue, un et un seul sens, et cela, malgré l'infinité de significations (ou effets de sens) qu'il peut avoir en fait dans le discours, et dont chacune représente un point de vue partiel, une visée particulière sur le sens (DUCROT-TOD. 1972, p. 160).
Rem. Pour les valeurs de chaque terme dans l'oppos. sens/signification, v. signification.
B. — [Fondement, justification]
1. Idée, suite d'idées, raisonnement auquel un objet de pensée se rapporte et se trouve ainsi justifié, fondé dans son existence. Distinction, question qui a un sens. Tout ce qui n'est pas pensée est le pur néant; puisque nous ne pouvons penser que la pensée et que tous les mots dont nous disposons pour parler des choses ne peuvent exprimer que des pensées; dire qu'il y a autre chose que la pensée, c'est donc une affirmation qui ne peut avoir de sens (H. POINCARÉ, Valeur sc., 1905, p. 276). Dire que les Français sont des lâches n'a pas plus de sens que de dire que les ouvriers ne rêvent que de devenir des petits bourgeois (comme dit ma sœur). C'est vrai et c'est faux: la question est mal posée (VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, p. 67).
♦ Cela n'a pas de sens (de + inf.). Cela n'a pas de raison d'être. On ne pouvait même pas se demander d'où ça sortait, tout ça, ni comment il se faisait qu'il existât un monde, plutôt que rien. Ça n'avait pas de sens, le monde était partout présent, devant, derrière. Il n'y avait rien eu avant lui. Rien (SARTRE, Nausée, 1938, p. 171).
2. Manière de comprendre une chose, signification qu'a une chose pour une personne et qui constitue sa justification. Sens des choses, de l'univers, du travail; donner, trouver un sens à l'existence, à ses actes. Tout le précipitait à l'action politique: l'espoir d'un monde différent, la possibilité de manger quoique misérablement (...), la satisfaction de ses haines, de sa pensée, de son caractère. Elle donnait un sens à sa solitude (MALRAUX, Cond. hum., 1933, p. 227). Quand nous prendrons conscience de notre rôle, même le plus effacé, alors seulement nous serons heureux. Alors seulement nous pourrons vivre en paix et mourir en paix, car ce qui donne un sens à la vie donne un sens à la mort (SAINT-EXUP., Terre hommes, 1939, p. 256).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1694. LITTRÉ, DG []; dep. PASSY 1914 []. Restauration de la cons. finale sous l'infl. de la graph. notamment dans les monosyllabes pour des besoins de clarté, v. G. STRAKA ds Trav. Ling. Litt. Strasbourg t. 19 n ° 1 1981, pp. 237-244. Selon MART. Comment prononce 1913, p. 308, bon sen(s) ou contresen(s) ont longtemps résisté; à cause de l's entravé par la cons. qui suit, sen(s) commun se dit encore mais serait ,,déjà néanmoins fort atteint``; on dit sen(s) dessus dessous, sen(s) devant derrière car ils sont ,,sans rapport avec sens``. BARBEAU-RODHE 1930: sens commun, bon sens [], [] mais contresens, non-sens [(:s)], [(:s)]. FOUCHÉ Prononc. 1959, p. 479, [] uniquement dans sens dessus dessous et sens devant derrière. Étymol. et Hist. I. A. 1. Ca 1100 « faculté de bien juger », « entendement », « raison » (Roland, éd. J. Bédier, 1724); d'où ) id. perdre le sens (ibid., 305); ca 1165 estre fors del sens (BENOÎT DE STE-MAURE, Troie, éd. L. Constans, 11631); 1306 estre hors du sens (JOINVILLE, Vie de Saint-Louis, éd. N. L. Corbett, p. 126); 1538 être en son sens (EST.); ) 1661, 3 avr. tomber sous le sens (BOSSUET, 2e sermon, Dimanche de la Passion, Préambule, éd. Abbé J. Lebarq, p. 26); ) ca 1480 le sens raisonnable (Mystère du Viel Testament, éd. J. de Rothschild, 42259); ca 1270 sens rassis, v. rasseoir; 1615 sens froid (E. PASQUIER, Les Recherches de la France, p. 423 ds IGLF); ) 1761 sens moral (J.-B. ROBINET, De la nature, p. 189); 1771 sens intime (Trév.); 1831 sens pratique (MICHELET, Hist. romaine, t. 1, p. 32); 2. 1119 « manière de comprendre, de juger », « avis, opinion » (PHILIPPE DE THAON, Comput, éd. E. Mall, 574); 1688 en un sens (LA BRUYÈRE, De l'homme, éd. M. G. Servois, t. 2, p. 3). B. 1. Ca 1150 boin sens « capacité de juger avec justesse dans les questions de la vie courante » (Conte de Floire et Blancheflor, éd. J.-L. Leclanche, 229); ca 1393 le bon sens naturel « jugement sain et normal » (Ménagier de Paris, I, 2, éd. G. Brereton et J. Ferrier, p. 11); ca 1480 parler d'un bon sens rassis (Mystère du Viel Testament, 29977); 1668 estre dans son bon sens (MOLIÈRE, Amphitryon, I, 2); 1674 au mépris du bon sens (BOILEAU, Art poétique, chant I, 81); 1719 c'est bon sens de... (LA MOTTE, Fables, 168); 1721 homme de bon sens (VOLTAIRE, Tancrède, p. 26); 2. 1637 « raison » (DESCARTES, Méthode, éd. F. Alquié, t. 1, p. 568). C. 1. 1534 sens commun « intelligence commune » (RABELAIS, Gargantua, éd. R. Calder, p. 186); 2. 1561 id. « fonction de l'esprit par laquelle nous avons conscience de nos sensations » (A. PARÉ, De l'Anatomie de la teste, fol. 27 ds Œuvres, éd. J.-Fr. Malgaigne, t. 2, p. 657); 3. 1690 id. « ensemble des opinions et des jugements qui s'imposent à la conviction » (FUR.); 1718 tomber sous le sens commun (Ac.); 1727 parler de sens commun (MARIVAUX, L'Indigent philosophe, 317). II. 1. 1119 « chacune des fonctions par lesquelles l'homme et les animaux peuvent éprouver les diverses catégories de sensation » (PHILIPPE DE THAON, op. cit., 910); spéc. 1458 la peine de sens (ARNOUL GREBAN, Mystère de la Passion, éd. O. Jodogne, 2151); 1667 reprendre ses sens (RACINE, Andromaque, V, 5); a) 1174-76 les cinc sens (GUERNES DE PONT-SAINTE-MAXENCE, Saint Thomas, éd. E. Walberg, 5868); 1393 les .v. sens temporelz (Ménagier de Paris, I, III, 117, p. 45); XVe s. les .v. sens corporelz (ibid., var. du ms. de Bruxelles); 1579 les sens organiques (LARIVEY, Laquais, V, 2, vers 89 ds IGLF); b) 1686 le sixième sens (FONTENELLE, Mondes, 3e soir ds LITTRÉ: on a dit qu'il pourrait bien nous manquer un sixième sens naturel, qui nous apprendrait beaucoup de choses que nous ignorons); 1762 id. « sens commun » (J.-J. ROUSSEAU, Émile, II, éd. de la Pléiade, t. 4, p. 417); 1684 « conscience » (ID., Confessions, XI, t. 2, p. 547); c) 1751 sens interne du beau (Encyclop. t. 2, p. 547); 2. subst. plur. 1636 « concupiscence, sensualité » (MONET); 1669 plaisir des sens (PASCAL, Pensées, éd. L. Lafuma, p. 534); 1680 mortifier ses sens (RICH., s.v. mortifier). III. 1. 1119 « signification d'un mot » (PHILIPPE DE THAON, op. cit., 558); 1636 double sens (MONET); 1690 sens propre, sens figuré (FUR.); 2. a) 1316-28 « ensemble d'idées que représente un ensemble de signes » (Ovide moralisé, IX, 2531, éd. C. de Boer, t. 3, p. 282); b) 1585 sens allegoric (N. DU FAIL, Contes d'Eutrapel, II, 119 ds IGLF). Empr. au lat. sensus (dér. du supin de sentire, v. sentir) « perception, sensation, manière de sentir, de penser, de concevoir, idée; signification d'un mot ». A absorbé l'a. fr. sen qui subsiste dans assener et forcené, forcener. Bbg. BAHNERS (K.). Zum bon sens bei Boileau. Die Neueren Sprachen. 1969, t. 68, pp. 350-353. — BERLAN (F.). À propos de sens dans les dict. des 17e et 18e s. Colloque du Groupe d'ét. en hist. de la lang. fr. Limoges, 1984, pp. 143-148. — BRUCKER (Ch.). Dat. nouv. Fr. mod. 1973, t. 41, p. 293. — GIER (A.). Das Verwandschaftsverhältnis von afr. sens und sen. Rom. Jahrb. 1977, t. 28, pp. 54-72. — KOENIG (D.). Sen/sens et savoir et leur synon. dans qq. rom. courtois du 12e et du début du 13e s. Berne-Francfort, 1973, 202 p. — MARTIN (R.). Inférence, antonymie et paraphrase. Paris, 1976, pp. 16-21. — QUEM. DDL t. 9, 15, 19, 23, 24. — SCKOMMODAU (H.). Zur Geschichte von le bon sens. In: [Mél. Rohlfs (G.)]. Tübingen, 1968, pp. 73-88.
II.
⇒SENS2, subst. masc.
I. A. — 1. [En parlant d'un mouvement ou d'un mobile qui se déplace] Orientation, direction. Sens d'un cours d'eau, du courant; aller dans un sens, dans le même sens; inverser un sens; ouvrir, tourner, visser dans le bon, le mauvais sens; dans les deux sens; en sens contraire. Je tournoyais sur moi-même comme une barque que le courant hale dans un sens et que le vent sollicite dans le sens opposé (DUHAMEL, Confess. min., 1920, p. 91). Je venais de traverser ce carrefour dont j'oublie ou ignore le nom, là, devant une église. Tout à coup, alors qu'elle est peut-être encore à dix pas de moi, venant en sens inverse, je vois une jeune femme, très pauvrement vêtue, qui, elle aussi, me voit ou m'a vu (BRETON, Nadja, 1928, p. 58).
♦ P. métaph. ou au fig. Le mouvement du bal agit sur elle et sur moi en sens contraire: elle devint parfaitement libre et presque joyeuse; quant à moi, je devins plus sombre à mesure que je la voyais plus gaie (FROMENTIN, Dominique, 1863, p. 175).
— Dans le domaine de la circulation. Plus les routes sont larges plus les accidents y sont nombreux, à moins que les deux sens de circulation ne soient nettement séparés, c'est-à-dire qu'il n'y ait en fait que deux chaussées, réservées chacune à un sens de circulation (J. THOMAS, Route, 1951, p. 312).
♦ Sens interdit. Sens dans lequel la circulation n'est pas autorisée; p. méton., voie dans laquelle la circulation est interdite dans un sens. Panneau de sens interdit. Eh bien, répondit automatiquement Trouscaillon, voilà. Faut d'abord prendre à gauche, et puis ensuite à droite (...). Naturellement, dans tout ça, y aura des sens interdits (QUENEAU, Zazie, 1959, p. 146).
♦ Sens giratoire.
♦ Sens obligatoire. Sens dans lequel la circulation doit obligatoirement se faire. (Dict. XXe s.).
♦ Voie à sens unique ou, p. ell. du déterminé, sens unique. Voie où la circulation des véhicules s'effectue obligatoirement dans le même sens. On y accède par une venelle dont on a fait, depuis six mois, un « sens unique », parce que deux voitures ne pourraient y passer de front (DUHAMEL ds Lar. Lang. fr.).
2. Spécialement
a) ÉLECTR. Sens du courant. Sens dans lequel circulent des charges positives (sens inverse de celui dans lequel circulent les électrons). Un double courant, l'un d'électricité positive, l'autre d'électricité négative, partant en sens opposés des points où l'action électromotrice a lieu, et allant se réunir dans la partie du circuit opposée à ces points (A.-M. AMPÈRE ds Ann. chim. et phys., t. 15, 1820, p. 64). Ampère tira des principes qui restent importants:Premier principe: les actions d'un courant sont inversées quand on inverse le sens de ce courant (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 1, 1961, p. 212).
b) MATHÉMATIQUES
) Mode de parcours sur une droite ou sur une courbe x'x, soit de x' vers x, soit de x vers x'. Sens d'un vecteur; sens négatif, sens positif d'une droite orientée (UV.-CHAPMAN 1956).
) Mouvement de rotation autour d'un axe. Sens d'une rotation. Il supposait l'attraction, l'invariabilité des lois de la mécanique, et s'assignait pour seule tâche d'expliquer le sens de rotation des planètes et de leurs satellites, le peu d'excentricité des orbes, et la faiblesse des inclinaisons (VALÉRY, Variété [I], 1924, p. 135).
♦ Sens à gauche, sens positif, sens direct, sens trigonométrique. Mouvement de rotation de droite à gauche autour d'un axe. Orientons le plan, c'est-à-dire choisissons un sens positif de rotation, par exemple celui de la flèche (ROUX, MIELLOU, Géom., 1946, p. 16). Le soleil tourne (...) sur lui-même dans le sens direct (DANJON, Cosmogr., 1948, p. 249).
♦ Sens à droite, sens négatif ou rétrograde. Mouvement de rotation de gauche à droite autour d'un axe. Synon. sens des aiguilles d'une montre (v. montre2). Dans le mouvement diurne, il y a renversement du sens de rotation: si la terre tourne dans le sens direct, les étoiles semblent tourner dans le sens rétrograde (pour le même « observateur ») (KOURGANOFF, Astron. fondam., 1961, p. 5).
c) MÉCAN. Sens d'une force. Direction dans laquelle une force s'exerce. Si (...) l'une des deux sommes l'emporte sur l'autre, le levier tendra à tourner dans le sens des forces qui auront donné la plus grande somme (POISSON, Mécan., t. 1, 1811, p. 179). Le principe d'équilibre obtenu par des forces agissant en sens opposés (VIOLLET-LE-DUC, Archit., 1872, p. 3).
B. — 1. a) Ordre dans lequel se succèdent les éléments d'un processus, d'un raisonnement. La nature humaine se soucie peu de la contradiction. Dans le même temps que les mœurs devenaient plus libres, l'intelligence le devenait moins; elle demandait à la religion de la remettre au licou. Et ce double mouvement en sens inverse s'effectuait, avec un magnifique illogisme, dans les mêmes âmes (ROLLAND, J.-Chr., Nouv. journée, 1912, p. 1570):
• 1. Dans toutes les révolutions que présente l'histoire, les peuples ont passé de la haine d'un souverain cruel et tyrannique, à la haine de l'autorité pour la limiter; dans la révolution de la France, la marche a été en sens contraire, le peuple satisfait du monarque, auquel il ne pouvait rien reprocher, a commencé par attaquer le pouvoir souverain dont il n'abusait pas...
SÉNAC DE MEILHAN, Émigré, 1797, p. 1686.
b) Succession ordonnée et irréversible (des différents états d'une chose en évolution, d'une chose qui correspond à une finalité). Le sens du progrès, de la science. L'acte bon est celui qui va dans le sens de l'histoire, l'acte mauvais celui qui s'y oppose: le progrès de l'humanité, voilà donc la norme suprême qui permet de juger de la valeur morale de l'action (LACROIX, Marxisme, existent., personn., 1949, p. 20). Si l'on cherche à dégager le sens de l'évolution générale des Vertébrés, on constate qu'il y a deux sortes d'évolution; l'une progressive, l'autre régressive; l'une qui agit par addition, l'autre par soustraction d'organes (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 1, 1961, p. 522).
2. Au fig. Dans le, dans un sens. Dans la direction dans laquelle s'exerce une action, dans un but déterminé, selon une certaine modalité. Agir, parler dans le même sens que qqn; forcer qqn à agir dans un sens; intervenir dans un sens. Le capitalisme pousse le prolétariat à la révolte parce que, dans la vie journalière, les patrons usent de leur force dans un sens contraire au désir de leurs ouvriers (SOREL, Réflex. violence, 1908, p. 119). L'attitude de plus en plus nette de Vichy dans le sens de la collaboration avec l'Allemagne a dû, semble-t-il, détruire enfin toute illusion en ce qui concerne l'efficacité d'une opposition de Vichy à la pénétration allemande en Afrique (DE GAULLE, Mém. guerre, 1954, p. 376).
Rem. La signif. de sens est ici très proche de la signif. de sens1 (v. ce mot I B 3 a: abonder, parler dans le sens de qqn).
II. A. — 1. Orientation, direction d'une droite dans un plan ou d'un plan dans un volume. Sens de la largeur, de la diagonale. « Aidez-moi à plier mon châle, » me dit-elle (...). La longue étoffe chamarrée était entre nous, pliée dans le sens de sa longueur, et ne formait déjà plus qu'une bande étroite dont chacun de nous tenait une extrémité (FROMENTIN, Dominique, 1863, p. 268). Mon ignorance était telle que je me suis longtemps représenté le sexe féminin, non pas dans le sens vertical, mais dans le sens horizontal, comme la bouche (H. BAZIN, Vipère, 1948, p. 243).
— En partic. Direction, orientation privilégiée d'une matière. Sens d'un tissu; sens du poil; sens du bois. Observer, en repassant, le sens des fils, et ne pas faire glisser le fer dans le biais du tissu, qu'il faut travailler dans le sens de la chaîne (Lar. mén. 1926, p. 1046). [Un cheval] sursauta quand on lui posa seulement la main vers l'attache de la cuisse, où les poils changent de sens comme la limaille de fer sous l'action d'un aimant (MONTHERL., Bestiaires, 1926, p. 416).
— En tous sens, dans tous les sens. Dans toutes les directions, dans n'importe quelle direction. De leurs vols brisés les hirondelles rayèrent l'azur en tous sens (ADAM, Enf. Aust., 1902, p. 271). C'est la châtelaine de Wambescourt, Mme de Néréis, qui s'efforce de sourire, et ne réussit qu'une grimace compliquée tandis que sa pauvre tête folle s'agite en tous sens, cherche en l'air un invisible appui (BERNANOS, M. Ouine, 1943, p. 1356).
♦ P. ext. Partout. Elle se trouvait sur l'emplacement même de la batterie. C'était effroyable, le sol bouleversé comme par un tremblement de terre, des débris traînant partout, des morts renversés en tous sens, dans d'atroces postures, les bras tordus, les jambes repliées, la tête déjetée, hurlant de leur bouche aux dents blanches, grande ouverte (ZOLA, Débâcle, 1892, p. 429).
2. Côté d'un objet considéré en fonction de son orientation, de sa position dans l'espace. Objet, tableau placé dans le bon, le mauvais sens; changer le sens de qqc.; examiner un objet dans tous les sens. La caisse du char (...) était flanquée de deux grands carquois posés diagonalement en sens contraire, dont l'un renfermait des javelines et l'autre des flèches (GAUTIER, Rom. momie, 1858, p. 222). Je voulais justement vous montrer un article que j'ai découpé à votre intention (...). Tenez, lisez-le. Didace Beauchemin prit le papier et le retourna en tous sens. Le curé Lebrun se mordit la lèvre. Il avait oublié que son paroissien ne savait pas lire (GUÈVREMONT, Survenant, 1945, p. 277).
B. — Locutions
1. Sens dessus dessous. Dans une position telle que ce qui devrait être dessus ou en haut soit dessous ou en bas. Mettre une caisse, un meuble sens dessus dessous. Toute la flottille fut halée sur la dune où, après les avoir démâtées, l'on retournait les barques sens dessus dessous et l'on relevait la terre contre les bords (QUEFFÉLEC, Recteur, 1944, p. 126):
• 2. Le puzzle de l'amour avec tous ses morceaux
Tous ses morceaux choisis choisis par Picasso
Un amant sa maîtresse et ses jambes à son cou
Et les yeux sur les fesses les mains un peu partout
Les pieds levés au ciel et les seins sens dessus dessous
Les deux corps enlacés échangés caressés
PRÉVERT, Paroles, 1946, p. 289.
— P. méton. Dans un grand désordre. Il aura mis la maison sens dessus dessous (BERNANOS, Joie, 1929, p. 672). Alexis pensait maintenant à la boîte de petits pois qu'Henriette avait dans une valise (...). Alexis s'en fut fouiller dans les valises, mit tout sens dessus dessous et revint avec la boîte (TRIOLET, Prem. accroc, 1945, p. 254).
— Au fig.
♦ [En parlant d'une collectivité, d'un groupe de pers.] Dans un état d'agitation, de trouble social ou politique extrême. Vaut-il pas mieux arranger la chose que risquer de mettre les gens sens dessus dessous, de bouleverser ma commune? Une commune aussi tranquille (BERNANOS, M. Ouine, 1943, p. 1399). Les femmes Gourvennec, par leurs histoires, avaient excité toute la gent féminine — une histoire d'amour, une histoire de jalousie, une histoire de religion; une seule histoire eût suffi à mettre les esprits sens dessus dessous, et elles racontaient trois histoires! (QUEFFÉLEC, Recteur, 1944, p. 57).
♦ [En parlant d'une pers.] Dans un grand désarroi, dans un trouble psychologique extrême. Synon. retourné. Un instant, il dut s'appuyer contre le mur, il défaillait, et il ne vit pas, il n'entendit pas Estelle qui, toute sens dessus dessous, les mains tendues, prête à le secourir, le rejoignait (CHÂTEAUBRIANT, Lourdines, 1911, p. 164). I faut pas se mettre la tête sens dessus dessous; il n'y a pas de quoi s'affoler, mademoiselle Céleste (BERNANOS, Crime, 1935, p. 729).
2. Sens devant derrière. Dans une position telle que ce qui devrait se trouver devant se trouve derrière et inversement. (Dict. XIXe et XXe s.).
Prononc. et Orth. V. sens1. Étymol. et Hist. A. 1. 1160 « côté d'un objet considéré en fonction de son orientation » (Eneas, éd. J. Salverda de Grave, 7560); 1690 « direction privilégiée d'une chose » (FUR.); 2. ca 1165 « orientation selon laquelle s'effectue un mouvement » (BENOÎT DE STE-MAURE, Troie, éd. L. Constans, 790); 1933 sens unique (MORAND, Londres, p. 29); 3. 1782 « direction dans laquelle s'exerce une action » (L. MERCIER, Tableau de Paris, t. 2, p. 289: agissent aujourd'hui presque dans le même sens); 1783 abonder dans le sens de qqn (L. CARMONTELLE, Le Bal de province, p. 93); 4. 1891 math. (F. KLEIN, Le Programme d'Erlangen trad. M. Padé, rééd. ds coll. « Discours de la Méthode », Paris, Gauthier-Villars, 1974, p. 6); 1905 sens rétrograde (H. POINCARÉ, Valeur sc., p. 181). B. Loc. adv. 1. 1559 sans dessus dessoubs (AMYOT, Fabius Maximus, éd. L. Clément, p. 68); 1562 sans-dessus-dessoubs (RONSARD, Discours a la royne, éd. P. Laumonier, t. 11, p. 29); 1611 s'en dessus dessoubs (COTGR., s.v. dessus); 1611 sens dessous dessus (ibid., s.v. sens); 1613 fig. sans dessus dessous « dans un grand état de trouble » (RÉGNIER, Sat., 14, éd. G. Raibaud, p. 189); 1656 mettre qqn sens dessus dessous (Th. CORNEILLE, Le Géolier de soi-même, V, 7); 2. 1534 sens davant et sens darriere (RABELAIS, Gargantua, éd. R. Calder, p. 86); 1611 s'en (or sens) devant derriere (COTGR., s.v. devant); id. sens devant, et sens derriere (ibid., s.v. sens). Croisement de l'a. fr. sen « chemin, direction » repris au germ. sinn (v. assener) et de sens1 (le lat. class. sensus ne possédait pas la notion de direction). Les loc. adv. sous B, sont prob. dues à des altér. graph. d'apr. sens de sen, lui-même altér. de cen, contraction de ce en (cf. sen dessus dessouz, mil. XVe s., CHARLES D'ORLÉANS, Rondeaux, 98, éd. Champion, p. 404; c'en dessus dessoubz, 1511, GRINGORE, Farce à la suite du Jeu du Prince des Sots, éd. D'Héricault et Montaiglon, t. 1, p. 281). En a. fr. et m. fr., on rencontre les formes ce devant derriere (1268, Claris et Laris, 11802 ds T.-L., s.v. devant), ce dessus dessoubs (1342, JEHAN BRUYANT, Pauvreté et Richesse, 30b, ibid., s.v. desus).
STAT. — Sens1 et 2. Fréq. abs. littér.:30 734. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 37 086, b) 31 801; XXe s.: a) 38 252, b) 59 024.
1. sens [sɑ̃s]; [sɑ̃] jusqu'au XIXe. n. m.
ÉTYM. 1080, Chanson de Roland; lat. sensus « action, manière de sentir; sentiment; pensée; signification ».
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1 Faculté d'éprouver les impressions que font les objets matériels (⇒ Sensation); chaque système récepteur unitaire d'une modalité spécifique de sensations, correspondant, en gros, à un organe déterminé. || Les cinq sens selon Aristote. ⇒ Goût, odorat, ouïe (cit. 1 et 2), tact ou toucher, vue (→ Exercice, cit. 9; receler, cit. 1). || On ajoute aujourd'hui le sens kinesthésique (sens articulaire, musculaire) et le sens spatial cutané (sens du lieu de la peau). || Sens chromatique : vision des couleurs. || Sens externes (cit. 2) et sens internes. || Organes des sens (→ Impression, cit. 46; mouvement, cit. 8). || Objets (cit. 3) perçus par un sens. ⇒ Sensible. || Sentir par tous les sens (→ Aimer, cit. 37). || Acuité et finesse (cit. 2) des sens. ⇒ Sensoriel. || Sens délicats (→ Friandise, cit. 6). || Nos sens n'aperçoivent (cit. 11) rien d'extrême. || « Les sens abusent (cit. 10) la raison par de fausses apparences » (Pascal). || Erreurs (cit. 8), illusions (cit. 4) des sens (→ Aspect, cit. 33; hallucination, cit. 10). || Les sciences exactes (cit. 18) ne dépendent pas de nos sens. || Affecter, troubler les sens. ⇒ Saisir (→ Attentif, cit. 4; épouvanter, cit. 12; et aussi confondre, cit. 8). || Reprendre l'usage de ses sens, ou, par ext., ses sens, reprendre connaissance après un évanouissement, une émotion violente (→ Proférer, cit. 1).
1 Pour ce qui est des sens extérieurs, tout le monde a coutume d'en compter cinq, à cause qu'il y a autant de divers genres d'objets qui meuvent les nerfs, et que les impressions qui viennent de ces objets excitent en l'âme cinq divers genres de pensées confuses.
Descartes, Principes de la philosophie, IV, 191.
2 Pour rendre la nature, Théophile Gautier faisait seulement appel à ses yeux. Depuis, tous les sens des auteurs ont été mis à contribution pour le rendu en prose d'un paysage.
Ed. et J. de Goncourt, Journal, 8 juin 1884, t. VI, p. 224.
3 (L'organe des sens) est donc un immense clavier, sur lequel l'objet extérieur exécute tout d'un coup son accord aux mille notes, provoquant ainsi, dans un ordre déterminé et en un seul moment, une énorme multitude de sensations élémentaires correspondant à tous les points intéressés du centre sensoriel.
H. Bergson, Matière et Mémoire, p. 144.
4 La notion courante de la vérité exclusive du fait, tel qu'il est révélé par les sens, est radicalement détruite par une assertion comme celle-ci, d'un physicien contemporain, Max Planck : « L'image du monde physique s'écarte, en sa structure, de plus en plus du monde des sens ».
Daniel-Rops, le Monde sans âme, VIII.
♦ Vx. Au sing. collectif. L'individu sensible, la sensibilité corporelle. — Relig. || La peine du sens : la peine du feu en enfer (peine corporelle par opposition aux peines morales ou dam). — REM. On opposait autrefois le sens intérieur au sens extérieur. Le sens extérieur ne peut appréhender (cit. 1) la nature de Dieu.
♦ ☑ Loc. Tomber sous les sens (→ Monosyllabe, cit. 1), ou (plus cour.) tomber sous le sens (→ Histoire, cit. 19; langage, cit. 5) : être perçu directement par les sens. ⇒ Palpable, perceptible, tangible, visible. — Fig. Aller de soi, s'imposer comme une vérité qu'on ne peut mettre en doute. ⇒ Évident (→ Industrie, cit. 11).
♦ Philos. anc. (empr. du grec, chez Aristote). || Le sens commun : faculté de l'âme qui met en commun les données de tous les sens (→ Espèce, cit. 2), correspondant à l'emploi moderne de « perception ». → ci-dessous, II., supra cit. 16.
5 (…) la réception de la lumière, des sons, des odeurs, des goûts de la chaleur, et de telles autres qualités, dans les organes des sens extérieurs; l'impression de leurs idées dans l'organe du sens commun et de l'imagination, la rétention ou l'empreinte de ces idées dans la mémoire (…)
Descartes, Traité de l'homme, Pl., p. 873.
2 (Au pluriel). || Les sens : source de plaisirs. || Plaisirs des sens (→ Chair, cit. 47; flatter, cit. 5). ⇒ Volupté. || Chatouillement (cit.), transport des sens (→ Ambre, cit. 1). || Échauffer, exciter les sens. || Sens usés, blasés (cit. 3 et 8).
6 Et, traitant de mépris les sens et la matière,
À l'esprit comme nous donnez-vous toute entière.
Molière, les Femmes savantes, I, 1.
♦ (Chez l'être humain). Instinct sexuel, besoin de le satisfaire, plus ou moins vif et plus ou moins réprimé selon les individus. ⇒ Chair, libido. || Ardeur (cit. 26) du cœur et des sens. ⇒ Amoureux, sensuel; chaleur, concupiscence, sensualité, tempérament. || Éveil du cœur et des sens (→ Ascétique, cit. 1). || Calme des sens. || Fureur, fièvre des sens (→ Avilir, cit. 25; croître, cit. 13). ⇒ Salacité. || Avoir des sens (→ Lent, cit. 4). || Être esclave de ses sens (→ Pour, cit. 5). || Objet qui trouble, allume les sens (→ Avant-goût, cit. 3). || Plaisir, félicité (cit. 5), ivresse (cit. 13) des sens. || Insatisfaction des sens (→ Frigidité, cit. 2). || Mortification des sens (→ 3. Mal, cit. 48). || Les sens s'endorment (cit. 24) avec la continence. || Commerce des sens : relations sexuelles (→ Épurer, cit. 1), amour physique.
7 (…) ses sens étaient embrasés par le spectacle de ces actrices aux yeux lascifs et relevés par le rouge, à gorges étincelantes, vêtues de basquines voluptueuses à plis licencieux, à jupes courtes, montrant leurs jambes en bas rouges à coins verts (…)
Balzac, Illusions perdues, Pl., t. IV, p. 719.
8 Elle est bien jeune encor ! — Son âme exaspérée
Et ses sens par l'ennui mordus
S'étaient-ils entr'ouverts à la meute altérée
Des désirs errants et perdus ?
Baudelaire, les Fleurs du mal, CX.
9 La profondeur, la mélancolie de l'expression, glaçaient ses sens que suffisait au contraire à éveiller une chair saine, plantureuse et rose.
Proust, Du côté de chez Swann, Pl., t. I, p. 192.
9.1 Mme Kielland donnait auprès de lui les signes d'un grand désordre des sens; elle gémissait, joignait et disjoignait les doigts, se mordait les lèvres, les joues, la langue !
— Encore, disait-elle, pâmée.
Maurice Bedel, Jérôme 60° latitude Nord, p. 98.
3 Le sens de…, le sens (et adj.) : « faculté de connaître d'une manière immédiate et intuitive (comme celle que paraissent manifester les sensations proprement dites) », Lalande. || Le sens de l'orientation, de l'équilibre (→ Raccrocher, cit. 7). || Le goût (bon goût), le plus subtil des sens (→ Malpropre, cit. 3). || Le sens de Dieu (→ Concept, cit. 3), du sacré, du merveilleux (→ Garder, cit. 47). || Le sens de l'humain. || Le sens des réalités, de la réalité (→ Enfoncer, cit. 41), de l'efficacité (→ Discipliner, cit. 3). || Le sens pratique, le sens politique (cit. 16), national (→ Aliénation, cit. 1). — Sens des responsabilités (→ aussi Fuite, cit. 7), des hiérarchies (→ Heurter, cit. 18), des affaires. ⇒ Instinct, notion. — Sens artistique (→ Amenuisement, cit. 2), esthétique (cit. 10); sens du beau (→ Prosaïque, cit. 3). || Avoir le sens du comique (cit. 7), du ridicule (→ Humour, cit. 5), de l'humour. || Perdre le sens de la mesure (→ Hyperbole, cit. 2). — Spécialt. (Vieilli). || Sens interne ou intime. ⇒ Conscience (I.). — Mod. || Sens moral (cit. 1). ⇒ Conscience (II.).
10 La poésie est une folie rythmée. Or vous n'êtes pas fou et vous n'avez pas le sens du rythme.
A. Maurois, les Silences du colonel Bramble, VII.
10.1 Heureux ceux qui n'ayant point failli à leur lourde tâche, auront su penser et vouloir dans le sens de l'humain et de l'Universel, sans égard aux contingences du présent.
M. Aymé, Travelingue, p. 90.
———
II Vx. Faculté de bien juger.
1 ⇒ Discernement, entendement, jugement, raison. || Un grand sens (→ Haut, cit. 45; héros, cit. 10). || Le droit sens (→ 1. Fougue, cit. 7). || Observations pleines de sens (→ Gâteau, cit. 5). ⇒ Sagesse. || Avoir trop de sens pour… (→ Méfiance, cit. 2). || Hors de leur sens (→ Orgie, cit. 1). — ☑ Loc. De sens rassis (vx), au jugement calme (→ Ivresse, cit. 1). || De sens froid (vx), par confusion avec de sang froid (→ Langoureux, cit. 1). || « Je n'attendrai point de sens froid cette joie » (Mme de Sévigné, 14 oct. 1676).
11 (…) je suis un homme résistant, de sens froid; je sais écarter l'idée d'un événement redoutable (…)
J. Chardonne, Éva, p. 31.
2 (1167). || Bon sens. a Philos. (chez Descartes). Vx. Raison. || « Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée » (cit. 20).
b Mod., cour. Capacité de bien juger, sans parti pris, sans passion, en présence de problèmes, de questions qui ne peuvent être résolus par un raisonnement rigoureux, scientifique. — REM. Bon sens est un véritable nom composé auquel on peut joindre une épithète. ⇒ Raison; jugeote, sagesse (→ Éblouir, cit. 10; esprit, cit. 128; mobilité, cit. 4). || Le bon sens dispense (cit. 11) de savoir. || Le droit naturel est fondé sur le bon sens (→ Équité, cit. 19). — ☑ Loc. En dépit (cit. 9) du bon sens. — Un peu de bon sens (→ Entrailles, cit. 13; incertain, cit. 6). || Le simple bon sens (→ Cause, cit. 50). || Grand, robuste bon sens (→ Étendard, cit. 8; quintessencier, cit. 2). — (1781). || Gros (cit. 28) bon sens : bon sens rudimentaire, sans finesse, qui se satisfait de peu. — Homme, gens de bon sens, sensés (→ Avis, cit. 1; habileté, cit. 18; recevable, cit. 1). ⇒ Sensé. || Sans bon sens (→ Croire, cit. 71). ⇒ Insensé. Par ext. (Choses). ☑ Cela n'a pas de bon sens : c'est insensé, déraisonnable.
12 Le bon sens n'exige pas un jugement bien profond (il) se forme d'un goût naturel pour la justesse et la médiocrité; c'est une qualité du caractère plutôt encore que de l'esprit.
Vauvenargues, Introd. à la connaissance de l'esprit humain, I, VII.
13 Ça n'a pas de bon sens, dit-elle. Je vous attends depuis le mois de juin, et nous sommes à la mi-septembre (…)
Zola, Nana, VI.
14 Le bon sens est excellent et nécessaire au fond de notre esprit, mais à la condition qu'une inquiétude élevée le surveille et lui rappelle au besoin l'infini de son ignorance; sinon il n'est que la routine des parties basses de notre intelligence.
Maeterlinck, la Vie des abeilles, VII, I.
♦ Par ext. ☑ Avoir son bon sens, être dans son bon sens : être sain d'esprit, avoir toute sa tête.
15 Ne suis-je pas dans mon bon sens ?
Molière, Amphitryon, I, 2.
3 ☑ Sens commun (lat. sensus communis) : manière de juger, d'agir commune à tous les hommes (qui équivaut au bon sens). → Égarement, cit. 5; projet, cit. 3. || Avoir du sens commun (→ Connaître, cit. 16). — (1625, in D. D. L.). || N'avoir pas de sens commun, le sens commun (→ Imbécile, cit. 5). || Choquer (cit. 8), heurter (cit. 16) le sens commun. — (Choses). || Solution qui n'a pas le sens commun (→ Représenter, cit. 18), inepte, insensée (→ aussi ci-dessus, I., supra cit. 5 et le rapprochement des deux acceptions chez Rousseau, cit. 16).
16 Il me reste à parler dans les livres suivants de la culture d'une espèce de sixième sens, appelé sens commun, moins parce qu'il est commun à tous les autres hommes, que parce qu'il résulte de l'usage bien réglé des autres sens, et qu'il nous instruit de la nature des choses par le concours de toutes leurs apparences.
Rousseau, Émile, II.
17 Quand on a raison vingt-quatre heures avant le commun des hommes, on passe pour n'avoir pas le sens commun pendant vingt-quatre heures.
Rivarol, Philosophie, « Fragments et pensées », Notes.
18 Non, se disait-il, toujours, elle pourrait être ma fille; ça n'a pas le sens commun.
Loti, les Désenchantées, IV, XXIX.
4 (Dans à mon, à son sens…, dans le sens, en un sens, etc.). Manière de comprendre, de juger (d'une personne). ⇒ Avis, gré, opinion, point (de vue), sentiment. || À mon sens, à son sens (→ Autre, cit. 100; chose, cit. 3; menace, cit. 4; parfaire, cit. 4). ☑ Abonder (cit. 8), donner dans le sens de qqn, être de son opinion. || Agir dans le sens de qqn, en épousant ses intentions.
19 (…) c'est lui qui méritait la croix, c'est moi qui l'ai, et je dois agir dans le sens du gouvernement qui me la donne.
Stendhal, le Rouge et le Noir, II, VII.
20 Une illusion, c'est l'esprit qui pense dans son sens.
J. Paulhan, Entretien sur des faits divers, p. 114.
♦ (Loc. avec en). Manière de voir; point de vue particulier. ☑ Les hommes en un sens ne sont point légers (cit. 24), d'une certaine manière. ⇒ Manière (→ aussi Antérieur, cit. 1; réfléchir, cit. 8). ☑ En un certain sens, on peut dire que… (→ Devenir, cit. 14; gageure, cit. 6). ⇒ Mesure. ☑ En ce sens que… (→ Dessécher, cit. 9; monarque, cit. 2; neutralité, cit. 3). || Il faut qu'il change d'attitude, je lui parlerai en ce sens (→ aussi Discréditer, cit. 3; pointe, cit. 16). — REM. De « manière de voir » est sortie l'acception « orientation » qui elle-même a donné des figurés très proches des expressions ci-dessus.
21 Thérèse avait moins d'esprit que lui, en ce sens qu'elle était naturellement rêveuse et paresseuse à causer (…)
G. Sand, Elle et Lui, II.
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III (De II., 4.).
1 Cour. Idée ou ensemble intelligible d'idées que représente un signe ou un ensemble de signes. ⇒ Signification. || Le sens d'une allégorie (cit. 2), d'un oracle (cit. 2). || Sens obscur d'un mythe (cit. 3), sens caché d'une prophétie (→ Charnel, cit. 4), d'un texte (⇒ Clef). || Rite dont le sens originel échappe (→ Politesse, cit. 5). || Sens d'un geste, d'un sourire… || Mots et sens d'une leçon (cit. 2). || Sens littéral et sens philosophique d'un texte. ⇒ Lettre; esprit (→ Esotérique, cit. 1; libre, cit. 7). || Chercher un sens moral (→ Emblématique, cit. 1), allégorique à… ⇒ Caractère (infra cit. 29). || Le son et le sens d'un vers, le fond (cit. 58) et la forme (→ Hémistiche, cit. 1). — (Dans des expressions négatives). Sens intelligible, assignable. || Expressions, rêves (cit. 10) dénués de sens (→ Musique, cit. 25). || Propos dépourvus (cit. 2) de sens. || Mots vides de sens (⇒ Verbiage; → Devoir, cit. 3), qui n'ont pas de sens (→ Inconciliable, cit. 2). — Mots pleins de sens (→ Dru, cit. 5). || Se tromper sur le sens. ⇒ Contresens, faux (sens), non-sens. — Gramm. || Sens actif, passif d'un mot : signification liée au fait que le sujet est actif ou passif (→ -ible, cit.).
22 Pour examiner les prophéties, il faut les entendre; car, si on croit qu'elles n'ont qu'un sens, il est sûr que le Messie ne sera point venu; mais si elles ont deux sens, il est sûr qu'il sera venu en Jésus-Christ.
Pascal, Pensées, X, 642.
23 Quand je songe à cette fable
Dont le récit est menteur
Et le sens est véritable (…)
La Fontaine, Fables, V, 10.
24 (…) le parler d'un vieillard est dans l'oreille des jeunes gens ce qu'est le parler des jeunes gens dans l'oreille des vieillards, un bruit dont le sens échappe.
Balzac, Une ténébreuse affaire, Pl., t. VII, p. 559.
25 Le poème — cette hésitation prolongée entre le son et le sens.
Valéry, Rhumbs, p. 217.
26 Dans l'amitié véritable, tout est clair, tout est paisible; les paroles ont un sens pour les deux amis.
F. Mauriac, le Jeune Homme, V.
2 Ce qu'un signe (notamment un signe du langage) signifie. ⇒ Acception, signification, signifié, valeur. || Le mot (cit. 4) et le sens. ⇒ Sémantique. || Mot qui a un sens (→ Définition, cit. 5; étymologie, cit. 3, 4 et 5), plusieurs sens. ⇒ Monosémie, polysémie. → Élargissement, cit. 4; misérable, cit. 13; protocole, cit. 3. || Donner, fixer le sens d'un mot (→ Erroné, cit. 3); chercher le sens d'un mot dans un dictionnaire (→ Génération, cit. 11). || Filiation, classification de sens (→ Exemple, cit. 36; lexicographe, cit. 3). — Prendre un mot dans un sens (→ Anarchie, cit. 1; expressionnisme, cit. 1; responsabilité, cit. 6). || Au sens de… (→ 1. Bigorne, cit.). || Au sens politique du terme (→ Hellénistique, cit. 3). || Au sens pascalien du mot (→ Évasion, cit. 5). — Sens primitif (→ Affaiblir, cit. 14), premier (→ Enchaînement, cit. 5), originel (→ Ascèse, cit. 5). || Sens plus ou moins compréhensif (cit. 5). || Sens étroit (cit. 24), restreint (→ Humilier, cit. 40), strict (→ Gouvernemental, cit. 1). ⇒ Stricto sensu. || Sens large (→ 3. Droit, cit. 61), général (→ Homme, cit. 1), étendu… ⇒ Lato sensu. || Sens plein, fort. || Dans tout le sens du mot. ⇒ Force. || Sens vague, ambigu (cit. 2); précis (→ 1. Fou, cit. 27), clair (→ Didactique, cit. 2), transparent, éclairé par un contexte. || Sens concret, matériel (→ Influencer, cit. 2), sens propre (→ Replacer, cit. 2). || Sens abstrait, moral (cit. 11). || Sens figuré. || Sens défavorable (→ Impulsif, cit. 2), péjoratif. || Sens usé (→ Écrire, cit. 63), vieux. || Altération (cit. 4), extension, changement de sens (→ Accident, cit. 6). || Sens nouveau. ⇒ Néologisme (cit. 2 et → Fixer, cit. 9). || Mots de sens opposés (⇒ Antonyme), voisins (⇒ Synonyme). || Mot à double sens (→ Irritation, cit. 3). || Jeu sur le sens des mots. ⇒ Calembour (cit. 4), équivoque (cit. 5).
27 Il n'y a rien de plus, il ne peut rien y avoir de plus dans un sens de mot que ce que chaque esprit a reçu des autres, en mille occasions diverses et désordonnées, à quoi s'ajoutent les emplois qu'il en a faits lui-même, tous les tâtonnements d'une pensée naissante qui cherche son expression.
Valéry, Regards sur le monde actuel, Œ., t. II, Pl., p. 952.
28 De tout temps, le sens des mots s'est altéré ou dévalué ou compliqué. Feuilletez un dictionnaire étymologique, vous constaterez qu'au cours des siècles, un grand nombre d'entre eux ont désigné successivement des objets différents.
M. Aymé, le Confort intellectuel, p. 43.
29 On parle de synonymie lorsque plusieurs mots ont le même sens, et de polysémie lorsqu'un seul mot a des sens différents (…) Si nous avions des termes séparés pour chaque notion, le fardeau mémoriel deviendrait insupportable. La polysémie nous permet d'exploiter rationnellement le potentiel des mots, en leur rattachant plusieurs sens distincts. Le prix de cette rationalisation est le risque d'ambiguïté, de confusions pathologiques (…)
S. Ullmann, Précis de sémantique franç., p. 199.
♦ Didact. || Le sens (signification) et le référent d'un signe. || Étude du sens dans la langue. ⇒ Sémantique. — Sens dénotatif, correspondant à la dénomination d'un référent (« chose »). || Sens connotatif (⇒ Connotation). — Effet de sens : signification prise par un ou plusieurs signes dans le discours.
3 Idée intelligible à laquelle un objet de pensée peut être rapporté et qui sert à expliquer, à justifier son existence. ⇒ Raison (d'être). || Question, distinction qui a un sens (→ Gauche, cit. 16). || L'absurde (cit. 1) a un sens. || Sens et non-sens. || N'avoir de sens et de réalité que relativement (→ Grâce, cit. 35). Psychan. || Sens (ou signification) d'un symptôme. || Pour Freud l'oubli (cit. 3) a un sens. — Sens d'une institution (→ Monastique, cit. 2). || Cela n'avait pas de sens (→ Exister, cit. 7). || Le sens de la vie (→ Critère, cit. 7; enseigner, cit. 17), de l'univers (→ Dépouiller, cit. 10). || Trouver, donner un sens à l'existence (→ Rétorquer, cit. 2). || Le sens de nos actes (→ Provisoire, cit. 3); d'un travail (→ Foule, cit. 12).
30 (…) ce qui donne un sens à la vie donne un sens à la mort.
Saint-Exupéry, Terre des hommes, VIII, III.
31 Les plus modestes de nous attendent une religion, une morale, et le sens de la vie enfin révélé.
J. Paulhan, les Fleurs de Tarbes, p. 15.
32 J'ai dit que j'aime; voilà la promesse. À présent, il faut que je me sacrifie pour que par moi le mot d'amour prenne un sens, pour qu'il y ait de l'amour sur terre.
Sartre, Situations I, p. 225.
♦ Avoir du sens. ⇒ Signifiance, signifier. || Pour les logiciens, la tautologie et la contradiction n'ont pas de sens. || Phrase dépourvue de sens. ⇒ Asémantique.
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CONTR. (De II.) Absurdité, aliénation, déraison, folie.
DÉR. Sensé, sensément.
COMP. Contresens, forcené, insensé, non-sens.
HOM. Cens, 2. sens.
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2. sens [sɑ̃s] n. m.
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1 Math., cour. Ordre dans lequel un mobile parcourt une série de points; mouvement orienté. || Une direction de droite a deux sens opposés. || Direction Nord-Sud dans le sens du Sud au Nord, ou dans le sens du Nord au Sud. — (Alg.). || Sens positif et sens négatif d'une droite orientée. || Sens d'une rotation décrivant un cercle fixe : à droite (dextrorsum) quand le mobile, représenté par un homme qui marche, a le centre de rotation à sa droite; à gauche (sinistrorsum) quand le centre est à sa gauche. || Le sens à droite est nommé sens des aiguilles d'une montre (cit. 5) ou sens rétrograde; le sens à gauche, sens direct, positif ou trigonométrique. || Donner un sens à un mouvement. ⇒ Orienter. — Mécan. || Sens d'une force. — Électr. || Sens du courant. — Biol. || Croissance, mouvement… dans un sens déterminé. ⇒ Tropisme.
♦ Cour. || Aller dans un sens. ⇒ Direction (II., 1.). — REM. Direction est employé couramment, à tort, pour sens. — Sens d'un cours d'eau. ⇒ Fil. || Dans le même sens (→ 1. Canon cit. 9; morue, cit. 1). || En sens inverse (→ Association, cit. 21), en retournant au point de départ. ⇒ aussi Réversible. || Mobiles, voitures qui vont en sens inverse (→ Ombrageux, cit. 1). || Inverser un sens. ⇒ Inversion. || En sens contraire (→ Magnétisme, cit. 1). || Faire un trajet dans les deux sens (cf. Aller et retour). || Ouvrir, tourner, visser… dans le bon sens, dans le mauvais sens. || Dans le sens opposé au sens convenable ou ordinaire. ⇒ Contre-, contre-courant, contrepoil, contresens, rebours (à). — Voie à sens unique, où les véhicules vont obligatoirement dans le même sens, ne peuvent se croiser. || Sens interdit, opposé au sens unique, dans une voie à sens unique. || Panneau de sens interdit. || Sens obligatoire. || Sens giratoire, par lequel on doit contourner un refuge. || Signe figurant le sens. ⇒ Flèche.
33 Comme la chose qu'ils voyaient venait à eux et qu'ils allaient à elle, ces deux marches en sens contraire abrégèrent la distance (…)
Diderot, Jacques le fataliste, Pl., p. 542.
34 La circulation est terrifiante; les larges routes sont divisées en six pistes, trois dans chaque sens, délimitées par des lignes blanches, et on a le droit de doubler soit à droite, soit à gauche (…)
S. de Beauvoir, l'Amérique au jour le jour, p. 110.
35 — Eh bien, répondit automatiquement Trouscaillon (l'agent), voilà. Faut d'abord prendre à gauche, et puis ensuite à droite (…) Naturellement, dans tout ça, y aura des sens interdits (…)
R. Queneau, Zazie dans le métro, X.
36 L'amateur de Musset s'affine et l'abandonne pour Verlaine. Tel, nourri précocement de Hugo, se dédie tout entier à Mallarmé. Ces passages spirituels se font, en général, dans un certain sens plutôt que dans l'autre, qui est beaucoup moins probable : il doit être rarissime que le Bateau Ivre transporte à la longue vers Le Lac.
Valéry, Variété, « Théorie poétique et esthétique », Œ., t. I, Pl., p. 1281.
♦ (Fin XIXe). Succession ordonnée et irréversible (des états d'une chose en devenir). || Le sens de l'évolution (→ 1. Politique cit. 14). || Variations biologiques qui se font dans le même sens. ⇒ Orthogénèse. || Aller dans le sens de la science et du progrès (→ Propriété, cit. 15). || Le sens de l'histoire.
37 Ajoutons que la religion du fait prétend aussi trouver, et à elle seule, le « sens de l'histoire », la « philosophie de l'histoire », et que, là encore, elle illustre une faiblesse d'esprit dont les âges qui nous précèdent semblaient exempts (…)
Julien Benda, la Trahison des clercs, p. 193.
38 (…) beaucoup de penseurs depuis Kant et Hegel (Ranke, Comte, Spencer, Haeckel, Marx, etc.) croient à une unité de l'histoire humaine, à une marche, à un sens de l'évolution. L'être ne peut être saisi. Assignant une finalité particulière au mouvement, Teilhard de Chardin écrira : Du haut en bas de la série des êtres, tout se meut, tout se hisse, s'organise dans un même sens qui est celui de la plus grande conscience (…)
G. Matoré, l'Espace humain, p. 156.
♦ Par métaphore ou fig. || Dans le, dans un sens : en se dirigeant dans un domaine, selon une modalité (à l'exclusion de tout autre). || Forcer qqn à agir dans un sens (→ 1. Arbitre, cit. 7). || Sens dans lequel s'oriente notre activité (→ Regretter, cit. 9). || Intelligence exercée (cit. 7) toujours dans le même sens. || Glissement (cit. 7) dans le sens autoritaire. || Intervenir dans un sens modérateur (→ Reculade, cit. 1).
39 (…) l'imagination travaille le plus généralement où va la joie — ou tout au moins où va une joie ! — dans le sens des formes et des couleurs, dans le sens des variétés et des métamorphoses (…)
G. Bachelard, l'Eau et les Rêves, p. 2.
———
II
1 Direction; position d'une droite dans un plan, d'un plan dans un volume. || Sens vertical, horizontal. || Le sens de la longueur (→ Grand, cit. 12), de la diagonale (⇒ Biais). || Dans quel sens ? En long, en large… ⇒ Épaisseur, hauteur, largeur, longueur, profondeur. || Objet, tableau placé dans le bon sens (→ Droit); dans le mauvais sens (→ À l'envers, de travers, la tête en bas…). || Changer le sens de qqch. ⇒ Renverser (cit. 6), retourner. || Le droit fil, le biais, sens d'un tissu (→ aussi Contre-fil, contre-biais). || Tailler dans le sens du bois, en suivant les fibres. || Tourner de tout sens (vx), en tout sens, de n'importe quel côté (→ Examiner, cit. 3; 1. plan cit. 2).
♦ ☑ En tout sens, dans tous les sens (→ Miroiter, cit. 2; patrouille, cit. 4; précoce, cit. 4). Par ext. Partout. || Fouiller (cit. 32) en tous sens.
40 (…) il n'apercevait plus que l'envers du décor, le bariolage des vieilles affiches, collées dans tous les sens.
Zola, Nana, V.
2 ☑ Loc. Sens dessus dessous [sɑ̃d(ə)sydsu] loc. adv. (1562, Ronsard, dans la forme moderne; pour c'en dessus dessous, anc. franç., littéralt « ce (qui est) en dessus (étant) dessous », par rapprochement sémantique; écrit dès le XVIIe sans dessus dessous). Dans une position telle que ce qui devrait être dessus se trouve dessous et inversement. ⇒ Envers (à l'); régional boucheton (à). || Mettre un meuble, une voiture sens dessus dessous. ⇒ Capoter, culbuter, renverser, retourner (→ aussi Capotage). Par ext. Dans un grand désordre. || Le salon était encombré (cit. 7) et sens dessus dessous. || Il a mis tout sens dessus dessous. ⇒ Bouleverser, bousculer, chambarder. Fig. Dans une grande confusion, dans un état de trouble. ⇒ Retourné, troublé.
41 La mort, le sang, la guerre, et les meurtres épais
Ont assiégé leur terre, et cent sortes de vices
Ont sens-dessus-dessous renversé leurs polices.
Ronsard, Disc. des misères de ce temps, « Remontrance peuple de France. »
42 Elle aimait à faire des chansons et des vers sur les gens qui lui déplaisaient. Si elle m'eût trouvé assez de talent pour lui aider à tourner ses vers, et assez de complaisance pour les écrire, entre elle et moi nous aurions bientôt mis Chambéri sens dessous dessus.
Rousseau, les Confessions, V.
43 La turbulence, la franchise même, chaque fois qu'il va téléphoner, l'abbé Gandarillas met ces demoiselles du bureau de Postes sens dessus dessous. Monseigneur lui interdit le bureau de Postes.
M. Jouhandeau, Chaminadour, II, IX, Gandarillas.
44 On criait les journaux au dehors, les résultats de l'élection présidentielle. Cela mit le restaurant sens dessus dessous. Les gens sortirent, un camelot entra. On s'arrachait les feuilles. Poincaré élu ! Vive Poincaré !
Aragon, les Beaux Quartiers, II, IX.
♦ ☑ Sens devant derrière [sɑ̃d(ə)vɑ̃dɛʀjɛʀ] loc. adv. (Même évolution que ci-dessus). Surtout régional, de nos jours. Dans une position telle que ce qui doit être devant se trouve derrière et inversement. || Mettre un tablier, un pull-over sens devant derrière.
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HOM. Cens, 1. sens.
Encyclopédie Universelle. 2012.