1. tendre [ tɑ̃dr ] v. tr. <conjug. : 41>
• 980; lat. tendere
I ♦ V. tr.
1 ♦ Soumettre (une chose souple ou élastique) à une tension, une traction et la rendre droite. ⇒ bander, raidir. Tendre une chaîne, un élastique. Tendre un arc. Tendre les voiles. ⇒ étarquer. « Le poids du seau tendait et roidissait ses bras » (Hugo). — Tendre un ressort en remontant un mécanisme. — Tendre ses muscles. ⇒ 2. contracter.
♢ Par ext. Déployer en allongeant en tous sens. « Quatre femmes tendent un châle par les quatre bouts » (Louÿs). — Spécialt Tendre un filet. Araignée qui tend sa toile.
♢ Par ext. (au pr. et au fig.) Tendre un piège. Tendre une embuscade, une souricière. ⇒ dresser.
♢ Disposer en étendant. Tendre une tapisserie, l'installer.
2 ♦ Recouvrir (de qqch. qui est tendu) en guise de décoration. ⇒ tapisser; tenture. Tendre un mur de tapisserie. Une « chambre, tendue d'un papier historié » (France).
3 ♦ Fig. Pronom. Menacer de rompre, devenir tendu (liens, rapports). ⇒ tension. « les rapports de Sartre et d'Olga se tendirent. Ils eurent quelques sérieuses disputes » (Beauvoir).
4 ♦ Allonger ou présenter en avançant (une partie du corps). Tendre le cou. Chien qui tend l'oreille, qui la dresse. Fig. Tendre l'oreille, s'efforcer d'entendre. — Tendre le bras (pour saluer, tenir, présenter, prendre). Tendre les bras (pour accueillir, embrasser; pour appeler, invoquer). — Tendre la main. — Pronom. Les mains se tendent vers la nourriture.
5 ♦ Par ext. Présenter (qqch.) à qqn. Tendre un paquet de cigarettes, un stylo à qqn. ⇒ donner. Tendre son verre. Tendre la perche à qqn.
♢ Spécialt Présenter, offrir (aux coups, aux mauvais traitements), livrer sans se défendre. Tendre la gorge. Tendre le dos. Tendre l'autre joue.
II ♦ V. tr. ind. (980) Tendre à, vers.
1 ♦ Vieilli Diriger. Des gens « qui couraient sans savoir où tendaient leurs pas » (Fénelon).
2 ♦ (XVe) Avoir un but, une fin et s'en rapprocher, d'une manière délibérée. ⇒ aspirer (à), 1. viser (à). Tendre à la perfection, vers la perfection. « je tends au travers de mille douleurs à vivre heureux » (abbé Prévost). ⇒ s' attacher, s'efforcer.
♢ (D'un sentiment, d'un acte volontaire) Aller intentionnellement vers (tel but). Activités, décisions, paroles qui tendent à..., vers... ⇒ s'orienter. « Tout doit tendre au bon sens » (Boileau). Efforts qui tendent au même résultat. ⇒ concourir, contribuer, converger. — « Son premier acte dans l'assemblée fut de déposer un projet “tendant” à l'érection d'un monument expiatoire » (France). ⇒ 1. viser.
3 ♦ (Choses) Avoir tendance à, évoluer de façon à (et l'inf.). Cette coutume tend à disparaître (cf. Être en voie de disparition). — Sc. Être capable de subir, de produire un certain effet par la seule suppression d'un obstacle. Les corps pesants tendent à tomber.
♢ (Sens affaibli) Conduire, mener à (tel effet) sans le réaliser pleinement. « Ce qui tendrait à prouver [...] qu'il y a une chance pour les fous, un Dieu pour les téméraires » (Loti). ⇒ sembler.
4 ♦ S'approcher d'une valeur limite sans l'atteindre. Tendre vers l'infini. Bénéfices qui tendent vers zéro.
⊗ CONTR. Détendre, relâcher.
tendre 2. tendre [ tɑ̃dr ] adj. et n.
• v. 1050; lat. tener, eri
1 ♦ (Choses) Qui se laisse facilement entamer, qui oppose une résistance relativement faible. ⇒ 1. mou. Chair, peau tendre. — (Des choses comestibles) Facile à couper, à mâcher. Des haricots verts très tendres. Viande tendre (⇒ tendreté) , tendre comme la rosée. Pain tendre, frais. « l'herbe tendre » (La Fontaine).
♢ Moins dur, moins résistant que d'autres, dans son genre. Le calcaire est une pierre tendre.
2 ♦ Vieilli Qui peut être très éprouvé par les actions physiques (⇒ délicat, fragile) parce qu'il est au début de son développement. Bourgeon tendre. « un enfant, dont les organes encore tendres sont vivement frappés » (Montesquieu). — Par méton. L'âge tendre. Depuis ma tendre enfance.
3 ♦ (1080) Personnes Porté à la sensibilité, aux affections douces (⇒ tendresse); très accessible aux émotions et aux sentiments d'attachement. ⇒ sensible. Un cœur, une âme tendre. « La plus tendre des mères » (Rousseau). ⇒ affectueux , 2. aimant, doux. Tendre épouse. « Plus voluptueuse que tendre » (Balzac). N. C'est un tendre. ⇒ sentimental.
♢ Qui manifeste de la tendresse. Il devient tendre avec moi. ⇒ câlin. — Fam. Ne pas être tendre pour, avec qqn, être sévère, impitoyable. La critique n'a pas été tendre avec lui.
4 ♦ Qui présente un caractère de douceur et de délicatesse (sentiments). Une tendre affection, amitié. Amour tendre, où le sentiment d'affection domine. « Deux pigeons s'aimaient d'amour tendre » (La Fontaine). — Psychol. « L'émotion tendre » (Ribot) :la tendance altruiste fondamentale. ⇒ tendresse.
♢ Par ext. Qui manifeste l'affection, l'amour tendre. Tendre aveu. Dire des mots tendres. ⇒ doux. Les Méditations de Lamartine, « épanchements tendres et mélancoliques » (de Genoude). ⇒ élégiaque. « Ses lettres devinrent moins tendres » (Mme de Staël). — Regard, air tendre. ⇒ caressant, doux, langoureux.
5 ♦ Vx Qui suscite une émotion. ⇒ attendrissant, 2. touchant. Le tendre Racine.
6 ♦ Doux, atténué. Couleurs, coloris tendres. ⇒ pâle, 2. pastel. Bleu, rose, vert tendre. « des reflets tendres » (Romains).
7 ♦ N. m. Vx Les sentiments, les émotions tendres (emploi à la mode au XVIIe). « le doux, le tendre et le passionné » (Molière). — Le pays, le royaume de Tendre, conçu par Mlle de Scudéry, qui en imagina la carte, dite carte de (ou cour. du) Tendre.
⊗ CONTR. Coriace, dur, cruel, 1. froid, insensible, sec. Criard, vif.
● tendre verbe transitif (latin tendere) Soumettre quelque chose à une traction, le tirer de telle sorte qu'il devienne droit, qu'il s'allonge au maximum, qu'il occupe un plus grand espace : Tendre une corde. Revêtir un mur de tissu, de papier : Tendre une chambre de papier japonais. Allonger une partie du corps au maximum : Elle tendit les bras vers moi. Présenter un objet à quelqu'un pour qu'il le prenne avec la main : Tendre le plat à un invité. Présenter une partie du corps à quelqu'un, l'offrir : Serrer la main qu'on vous tend. Rassembler ses ressources pour les appliquer à quelque chose : Tendre toute son énergie pour réussir. Produire un état de tension, d'hostilité, de conflit entre des personnes : La discussion avait tendu l'atmosphère. Synonyme de tensionner. ● tendre (difficultés) verbe transitif (latin tendere) → tendreConjugaison Comme vendre. Accord Tendant à Participe présent, donc toujours invariable : des mesures tendant à (et non tendantes à) réduire le déficit budgétaire. Construction Tendu de Il faut dire une pièce tendue de noir (= tapissée de noir) avec la préposition de et non tendue en noir. ● tendre (expressions) verbe transitif (latin tendere) Appareil à tendre, synonyme de appareil à tensionner. Tendre le dos, l'échine, s'apprêter à recevoir des coups ou à essuyer des reproches, des critiques. Tendre la main, demander l'aumône ; demander servilement quelque faveur ; offrir son aide, son alliance. Tendre un piège, des lignes, etc., les disposer pour prendre du gibier, du poisson. Tendre un piège, des embûches, préparer contre quelqu'un une tromperie, une machination. ● tendre (homonymes) verbe transitif (latin tendere) tendre adjectif ● tendre (synonymes) verbe transitif (latin tendere) Soumettre quelque chose à une traction, le tirer de telle sorte...
Synonymes :
- raidir
- tirer
Contraires :
- détendre
- relâcher
Revêtir un mur de tissu, de papier
Synonymes :
- poser
- tapisser
Allonger une partie du corps au maximum
Synonymes :
- allonger
Présenter un objet à quelqu'un pour qu'il le prenne avec...
Synonymes :
- passer
Présenter une partie du corps à quelqu'un, l'offrir
Synonymes :
- présenter
Produire un état de tension, d'hostilité, de conflit entre des...
Contraires :
- détendre
Synonymes :
● tendre
verbe transitif indirect
Aspirer à, viser à : Des mesures qui tendent à réduire l'inflation.
Évoluer vers telle fin, tel état : La situation tend à se normaliser.
Se rapprocher d'une valeur limite sans l'atteindre : Tendre vers un maximum.
● tendre
adjectif
(latin tener, -eri)
Qui se laisse facilement entamer, qui offre peu de résistance à un objet dur : Du bois tendre.
Se dit des aliments faciles à couper, à mâcher : Un bifteck tendre.
Littéraire. Se dit d'un végétal nouveau, délicat, fragile : Se coucher dans l'herbe tendre.
Se dit d'une couleur peu marquée, de teinte délicate : Un rose tendre.
Qui est affectueux, qui manifeste l'affection, l'amour : Une mère tendre. De tendres caresses. Dire des mots tendres.
Se dit du bois des résineux, par opposition aux bois des feuillus, dits bois durs.
● tendre
nom
Personne facile à émouvoir, accessible à l'émotion, à l'amour, à la pitié.
● tendre (citations)
verbe transitif indirect
Platon
Athènes vers 427-Athènes vers 348 ou 347 avant J.-C.
Nul ne tend de son plein gré vers ce qui est ou ce qu'il croit mauvais.
Protagoras, 358c (traduction Croiset et Bodin)
● tendre (homonymes)
verbe transitif indirect
● tendre (synonymes)
verbe transitif indirect
Aspirer à, viser à
Synonymes :
- aspirer à
- prétendre à
- s'efforcer vers
Se rapprocher d'une valeur limite sans l'atteindre
Synonymes :
- chercher
- viser à
● tendre (expressions)
adjectif
(latin tener, -eri)
Avoir la bouche tendre, en parlant d'un cheval, être très sensible au mors.
N'être pas tendre, se montrer sévère et dur.
Pierre tendre ou très tendre, calcaire de faible densité (1 400 à 1 850 kg°m3) et de faible résistance à la compression (jusqu'à 12 MPa).
Tendre enfance, petite enfance, première jeunesse.
● tendre (homonymes)
adjectif
(latin tener, -eri)
tendre
verbe
● tendre (synonymes)
adjectif
(latin tener, -eri)
Qui se laisse facilement entamer, qui offre peu de résistance...
Synonymes :
- mou
Contraires :
- dur
- résistant
Se dit des aliments faciles à couper, à mâcher
Synonymes :
- moelleux
Contraires :
- coriace
Littéraire. Se dit d'un végétal nouveau, délicat, fragile
Synonymes :
- frais
Contraires :
- desséché
Se dit d'une couleur peu marquée, de teinte délicate
Contraires :
- cru
- éclatant
- vif
Qui est affectueux, qui manifeste l'affection, l'amour
Synonymes :
- aimant
- cajoleur
- câlin
- enjôleur
- pâle
- pastel
- suave
Contraires :
- cruel
- dur
- froid
- indifférent
- sec
● tendre (homonymes)
nom
tendre
adjectif
tendre
(mont) point culminant du Jura suisse, dans le cant. de Vaud; 1 679 m.
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tendre
adj. et n.
rI./r adj.
d1./d Qui peut être facilement entamé, coupé. Du bois tendre. De la viande tendre.
|| Fig. La tendre enfance: la première enfance. L'âge tendre: l'enfance.
d2./d Clair et délicat (couleurs). Un bleu tendre.
d3./d Affectueux; doux et délicat. Un père tendre. Des paroles, des gestes tendres.
— Subst. Un(e) tendre.
rII./r n. m. LITTER Carte du Tendre: carte du pays de Tendre (c.-à-d.: du pays des sentiments amoureux) imaginée en 1653 par Mlle de Scudéry, et montrant les différents chemins qui mènent à l'amour.
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tendre
v.
rI./r v. tr.
d1./d Tirer en écartant les extrémités d'une pièce afin qu'elle présente une certaine rigidité. Tendre une corde, une bâche.
|| Fig. Tendre son esprit: se concentrer sur qqch.
d2./d Préparer, disposer (un piège). Tendre un filet.
|| Fig. Tendre un piège à qqn, chercher à lui faire commettre une erreur fâcheuse sans qu'il s'en doute.
d3./d Tendre un mur, une pièce, les tapisser. Elle a tendu sa chambre de toile imprimée.
d4./d Présenter (qqch) en l'avançant. Tendre la main. Tendre un objet à qqn.
|| Loc. Tendre la main: mendier.
— Fig. Tendre la main à qqn, lui offrir son aide.
— Tendre l'oreille: écouter avec attention.
rII./r v. tr. indir.
d1./d Tendre à, vers (qqch): avoir pour objectif, chercher à atteindre. Propos qui tendent à l'apaisement général. Tendre à la perfection.
d2./d Tendre à (+ inf.): être en voie de, en venir à, avoir tendance à. Déficit qui tend à se résorber.
d3./d Se rapprocher d'une valeur limite. Tendre vers zéro.
rIII/r v. Pron.
d1./d être tendu. Sa main se tend vers toi.
d2./d Fig. Devenir tendu, difficile. Leurs relations se sont tendues.
I.
⇒TENDRE1, verbe trans.
I. — Empl. trans. dir.
A. — 1. [Le compl. d'obj. désigne une chose susceptible de déformation]
a) [Un objet élastique, extensible] Faire prendre une forme plus allongée ou rebondie en exerçant une traction. Synon. distendre, étirer; anton. relâcher. Tendre un ressort. Les Luxembourgeoises, (...) exactement moulées, tendaient de toute la force de leur chair opulente les courbes pures des costumes tailleur (HAMP, Champagne, 1909, p. 220). Il s'agit (...) de donner à la tige la courbure qui détermine la force de propulsion. Cela s'appelle tendre l'arc ou bander l'arc (Jeux et sports, 1967, p. 1471).
— Loc. fig. Tendez trop l'arc, la flèche dévie.
— Empl. pronom. La Goulue (...) montrait son pantalon cocassement brodé d'un cœur qui se tendait sur son postérieur, lorsqu'elle s'inclinait en saluts irrespectueux (Hist. spect., 1965, p. 1545).
b) [Un(e) (partie du) corps] Faire prendre des formes plus pleines, bombées, un relief plus accusé, sous l'effet d'un effort particulier, d'une cause physiologique, pathologique. Synon. arc-bouter, arquer, arrondir, cambrer, contracter1, courber, enfler, gonfler. Tendre ses muscles. La peau du front était tellement tendue par le poids de la pendaison, que son visage (...) ressemblait à la concrétion pierreuse d'une stalactite (LAUTRÉAM., Chants Maldoror, 1869, p. 258) Tendre le jarret.
— Empl. pronom., plus fréq. Les membranes du fœtus, soumises au toucher, se tendent, et sont poussées légèrement en avant (BAUDELOCQUE, Art accouch., 1812, p. 191). Cette marche aisée qu'ont les hommes parfaitement sains de corps, dont les muscles se tendent et se détendent en même temps, sans qu'un seul soit en retard (R. BAZIN, Blé, 1907, p. 92).
— En partic.
♦ Domaine amoureux, vieilli. [Le suj. désigne un homme] Être ou mettre en érection. Tendeur, s.m., homme qui tend (RICHEPIN, Chans. gueux, 1881, p. 290). Vieux faune en l'air guettant ton dû, As-tu vraiment bandé, tendu L'arme assez de tes paillardises? (VERLAINE, Œuvres compl., t. 2, Parall., 1889, p. 170). Empl. pronom. Le mâle se tendait, la femelle s'ouvrait, et dans la fusion des sources créatrices s'éveillait le premier frémissement de la vie (, Aphrodite, 1896, p. 76).
♦ Domaine vocal, rare. En tendant trop fréquemment et avec excès les cordes vocales pour émettre ces notes, on doit finir par les fatiguer (HOLTZEM, Bases art chant, 1865, p. 125).
2. Au fig. [Le suj. désigne une pers., son état d'esprit ou une chose abstr.]
a) Concentrer toutes les/ses facultés d'attention, de réflexion, etc. pour les appliquer fortement à tel objet. Tendre son/l'attention. Yves regarde partout, essayant de tendre son intelligence vers le passé, s'efforçant de se souvenir (LOTI, Mon frère Yves, 1883, p. 61). On ne peut pas toujours tendre sa volonté et toujours se raidir, et c'est un bonheur que de délier enfin, dans l'effusion, cette gerbe de forces dressées pour la lutte (CAMUS, Peste, 1947, p. 1449).
— Empl. pronom. Sans variété dans le travail, le cerveau se tend et s'use trop (AMIEL, Journal, 1866, p. 305).
— P. méton. [Le compl. d'obj. désigne un aspect extérieur de la pers.] Faire exprimer une attention aiguë, une volonté opiniâtre. Son front rouge, la vigilance semble le tendre et l'arrondir (FRAPIÉ, Maternelle, 1904, p. 82). Empl. pronom. Il leva une main (...). Il la contracta (...) tandis que l'expression de son visage se tendait avec une sorte d'énergie farouche (VERCORS, Sil. mer, 1942, p. 76).
b) Mettre dans un état de grande tension nerveuse. Synon. angoisser, énerver, inquiéter, préoccuper; anton. apaiser, calmer, décontracter, détendre. L'eau froide, loin de relâcher les fibres trop tendues et les nerfs agacés, les tend et les resserre encore (GEOFFROY, Méd. prat., 1800, p. 488). J'étais oppressé par l'étrange sentiment qu'(...)un monstre inconnu me surveillait de quelque cachette (...). Toutes les fibres de mon corps étaient tendues par l'attente (MILOSZ, Amour. init., 1910, p. 143).
— Empl. pronom. Le dégoût que m'inspirent mes contemporains, les nerfs qui se tendent trop, la cinquantaine sonnée et les inquiétudes d'avenir, voilà mon bilan (FLAUB., Corresp., 1872, p. 450).
— P. méton.
♦ [Le compl. d'obj. désigne un aspect extérieur de la pers.] Faire exprimer la nervosité. Il se haussa (...), son visage et ses mains s'animèrent, la colère et l'ironie tendirent sa bouche fatiguée (AYMÉ, Jument, 1933, p. 85). Empl. pronom. Il errait (...), devinant les brocards derrière son dos, voyant les visages soudain se tendre et se fermer quand on l'apercevait (MONTHERL., Célibataires, 1934, p. 765).
♦ [Le compl. d'obj. désigne une situation, des rapports humains] Tirailler entre des forces contradictoires jusqu'à susciter l'hostilité et mener au bord de la rupture. Tendre l'atmosphère. Favoriser ou défavoriser les liens collectifs, resserrer ceux-ci, tendre, briser ceux-là (Traité sociol., 1967, p. 93). Empl. pronom. Tandis que se tendent les relations entre le pouvoir politique et l'organisation professionnelle, les jeunes agriculteurs poursuivent leurs tâches de réflexion (DEBATISSE, Révol. silenc., 1963, p. 178).
♦ FIN., empl. pronom. [Le compl. d'obj. désigne les cours de la Bourse] Les cours [de l'or] se sont légèrement tendus sur toute la ligne (Le Monde, 19 janv. 1952, p. 11, col. 1).
c) Péj., peu fréq., empl. pronom. Prendre un caractère contraint, trop rigide, manquant de souplesse, de naturel. Synon. se guinder. Je sentais, comme malgré moi, mon être tout entier se tendre, se raidir, se durcir; je devenais mauvais contre moi-même (...). Parfois (...), je rêvai (...) de m'abandonner à moi-même (GIDE, Journal, Feuillets, 1896, p. 104).
— P. méton., empl. pronom. [Le compl. d'obj. désigne un aspect d'une œuvre artist.] Marquer l'effort, une recherche excessive. Son style (...), en affectant plus de couleur, s'est tendu par endroits et s'est altéré: il est moins pur qu'autrefois (SAINTE-BEUVE, Caus. lundi, t. 6, 1852, p. 80).
B. — 1. a) [Le compl. d'obj. désigne une chose souple] Étaler et fixer par ses deux extrémités, par son pourtour ou par toute sa surface, de façon à éviter les plis, les affaissements et à donner une apparence plane. Tendre une corde, un fil, une peau, une voile. Elle vint découvrir le grand lit. (...) la place du Joseph est encore formée (...). Elle tira le drap, le tendant pour effacer (GIONO, Gd troupeau, 1931, p. 50). Souhaitable de tendre quelques rangs de barbelé, et de déplier quelques accordéons de réseau Brun (ROMAINS, Hommes bonne vol., 1938, p. 151).
— Empl. pronom. La toile se tend sur châssis (Arts et litt., 1935, p. 30-1).
b) En partic. [Le compl. d'obj. désigne du papier, du tissu, etc.] Recouvrir un/des mur(s) en étalant bien et en fixant (la matière de revêtement). Dans une petite pièce (...), on avait tendu un papier vert, mis des vitraux coloriés (A. DAUDET, R. Helmont, 1874, p. 98).
— P. anal. L'heure grise qui tend ses crêpes d'ombre sur la campagne (PERGAUD, De Goupil, 1910, p. 7).
— P. méton.
♦ [Le compl. d'obj. désigne des murs, une pièce, etc.] Recouvrir de papier, de tissu, etc., fixé au support ou garnir de tapisseries, de voiles suspendus. Synon. tapisser. Elle rafraîchit quelques parties de son mobilier, tendit à nouveau son appartement, l'embellit de fleurs (BALZAC, Employés, 1837, p. 30). On eût dit qu'un immense réseau de tapis et de broderies tendait les murs, recouvrait les arcades (FAURE, Hist. art, 1912, p. 260).
P. anal. De lents flocons éparpillés (...) tendaient tout l'horizon d'une étrange hermine (LORRAIN, Sens. et souv., 1895, p. 250). Empl. pronom. Le ciel se pommelait d'ouates éclatantes, se tendait (...) de bleus tendres (CHÂTEAUBRIANT, Lourdines, 1911, p. 49).
♦ [Le compl. d'obj. désigne des murs, des fenêtres, des portes, la façade d'une maison, d'un édifice public] Garnir de tentures mobiles en signe d'apparat (fête ou deuil). Aux processions, les Sauviat tendaient soigneusement leur maison de draps chargés de fleurs, et contribuaient à l'ornement (...) du reposoir, l'orgueil de leur carrefour (BALZAC, Curé vill., 1839, p. 9). Cette pièce (...) avait été tendue de noir. Une banquette, couverte d'un drap de même couleur, y servait de sièges à une demi-douzaine de personnes également vêtues de noir (PONSON DU TERR., Rocambole, t. 3, 1859, p. 540).
Absol., rare. Le ciel devient noir. Les flocons de neige le sèment de larmes blanches. Dieu semble vouloir tendre aussi [lors des funérailles de Napoléon] (HUGO, Choses vues, 1885, p. 14).
2. [Le compl. d'obj. désigne un(e) (partie du) corps] Déployer au maximum jusqu'à donner une apparence tout à fait rectiligne. Anton. plier, replier. Le poids du seau tendait et roidissait ses bras maigres (HUGO, Misér., t. 1, 1862, p. 470).
— Empl. pronom., plus fréq. On dégage à terre, la jambe (...) fléchie; cette jambe, en se tendant, favorise le saut (BRILLANT, Probl. danse, 1953, p. 96).
C. — 1. [Le compl. d'obj. désigne une chose concr.] Dresser un dispositif pour servir à un certain usage. Synon. dérouler, éployer, établir, étaler1. On avait dressé au bord de la rivière (...) une enceinte de pieux, où des pavillons avaient été tendus (...) pour le roi (BARANTE, Hist. ducs Bourg., t. 4, 1821-24, p. 225). Qu'on nous tende un lit de camp dans un coin de cette chambre et qu'on nous serve une légère collation (GAUTIER, Fracasse, 1863, p. 433).
♦ Vieilli. Tendre une inondation. Répandre des eaux sur tel territoire (généralement avec un objectif stratégique). Le débordement de l'armée anglaise mettait en danger nos lignes de communication (...). Il était grand temps de tendre les inondations, et de replier les dépôts voisins de la frontière (JOFFRE, Mém., t. 2, 1931, p. 306).
— Empl. pronom. Le bras des poulies à foin se tendait au dessus de la porte pourrie des greniers (NIZAN, Conspir., 1938, p. 19).
2. [Le compl. d'obj. désigne un piège] Disposer à tel endroit pour attraper le gibier. Tendre des lacets, des pièges. Un homme tendait des nasses. (...) il descendait la berge vaseuse (...) et posait l'engin parmi les roseaux (R. BAZIN, Blé, 1907, p. 203). Nous avons tendu des collets à l'orifice de quelques terriers mystérieux (...). Je m'en vais d'abord vérifier les pièges (SAINT-EXUP., Terre hommes, 1939, p. 225). V. embûche A ex. de Chateaubriand, lacs B ex. de Crèvecœur.
— Absol. Va-t-en braconner (...), on ne pourrait même plus tendre, avec ces chaumes tondus (...). Dans les temps, (...) on dressait son filet au débouché des sillons (GENEVOIX, Raboliot, 1925, p. 141).
♦ Tendre à + subst. (désignant le gibier). Confectionner des collets pour tendre aux lièvres (HÉMON, M. Chapdelaine, 1916, p. 115).
— P. anal. Araignées qui tendent leurs toiles (TOEPFFER, Nouv. genev., 1839, p. 196). P. métaph. L'ingrate (...) n'(...)aura-t-elle pas mélangé tous les fils de satin les plus inextricables que ses doigts d'Arachné auront pu tendre autour d'une pauvre victime? (...) Je suis pris (NERVAL, Filles feu, Dédic. à A. Dumas, 1854, p. 501).
— Au fig. Utiliser un stratagème destiné à tromper, séduire, surprendre, mettre en tort. Tendre une embuscade, une souricière. Cette petite fille (...) savait être, à ses heures, coquette, innocemment: alors, elle tendait ses lignes aux petits jeunes gens (ROLLAND, J.-Chr., Nouv. journée, 1912, p. 1567). Venez donc faire un tour, la nuit est si belle, et entre ses sourires il tendait ses filets (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 238). Tendre ses filets trop haut. V. filet3.
D. — 1. [Le compl. d'obj. désigne un(e) (partie du) corps] Porter dans une direction donnée. Il dresse ses oreilles, il relève ses lèvres (...), tend sa tête au vent, et flaire l'inconnu qui le flatte (LAMART., Voy. Orient, t. 2, 1835, p. 72). Elle tendait sa poitrine en avant, se renversait la nuque en arrière (MIRBEAU, Journal femme ch., 1900, p. 45).
— Empl. pronom. Un enfant puni qui, du fond de sa chambre noire, se tend vers la chaleur et les lumières de la fête (GRACQ, Syrtes, 1951, p. 81).
— Loc. Tendre l'échine. V. échine1. Tendre le front, les lèvres. [Pour les offrir au baiser] V. front ex. 1, lèvre A 1 a ex. de Zola. Tendre la joue, l'autre joue, la joue gauche. Tendre la main, la main droite, la main à qqn. Tendre le poing.
♦ Tendre le bras. [Pour offrir, prendre qqc., indiquer une direction] [Ils] tendaient le bras pour prendre leur verre (RAMUZ, Gde peur mont., 1926, p. 118). Il tendit le bras: « Regarde: (...) je fais toute une fête vénitienne » (DABIT, Hôtel Nord, 1929, p. 170). Tendre les bras à, vers. Empl. pronom. Seigneur, nous ne prenons pas les trains qui passent (...), c'est pourquoi j'élève vers vous, au-dessus de ma tête, des bras qui se tendent, qui s'allongent (NOAILLES, Visage émerv., 1904, p. 6).
♦ Tendre le cou. [En signe de vive curiosité] Il ne connaît personne (...). Il a beau tendre le cou et quêter éperdument de l'œil une tête de connaissance (BARBUSSE, Feu, 1916, p. 158). [Pour s'offrir au coup mortel] Soixante Arabes furent poignardés, dans le dos, comme des civilisés (...). Les autres n'étaient plus assez. Voilà pourquoi, sans bouger, ils tendirent le cou. Il n'y a personne comme ces gens-là pour tendre le cou, quand ils se savent perdus (MILLE, Barnavaux, 1908, p. 148). P. métaph. Loin de se révolter contre les violations de la loi, nos représentants en sont venus à tendre le cou pour les subir (CLEMENCEAU, Vers réparation, 1899, p. 1).
♦ Tendre le dos. Au fig. Appréhender un événement fâcheux, s'inquiéter. L'homme (...) le regardait avec une sourde méfiance, tendait le dos à une catastrophe, se demandait in petto à quelle averse de jours de boîte allait aboutir tout à l'heure ce déluge d'amabilités (COURTELINE, Train 8 h. 47, 1888, p. 234).
♦ Tendre l'oreille. [En signe d'attention soutenue] On percevait un bredouillement. Antoine qui tendait l'oreille parvint à saisir plusieurs mots (MARTIN DU G., Thib., Mort père, 1929, p. 1283).
2. [Le compl. d'obj. désigne une chose concr.] Présenter à bout de bras. Tendre un billet, une cigarette, une lettre, un papier, un plat, un verre. Le Corfiote (...) lui tendit une coupe de vin, qu'elle repoussa fièrement (ABOUT, Roi mont., 1857, p. 125). Décidée à piller le prêtre de ses grâces, la mère Guillerm lui tendait le bébé, lui présentait ses autres enfants (QUEFFÉLEC, Recteur, 1944, p. 223).
— P. anal. [Le liseron] tend toujours son petit bol Afin que l'averse l'emplisse (ROLLINAT, Névroses, 1883, p. 164). P. métaph. Ma mémoire est plus fidèle (...) au souvenir réussi elle a laissé son goût d'amour. Elle conserve mes bonheurs et me les tend au moindre appel, avec leur douceur, leur saveur (GÉRALDY, Toi et Moi, 1913, p. 93).
II. — Empl. trans. indir. Tendre à/vers + subst. ou pron., tendre à + inf.
A. — [Avec une idée d'intention délibérée, d'effort volontaire]
1. [Le suj. désigne une pers.] Porter ses pas vers tel endroit. Synon. s'acheminer, s'orienter vers. Que tout ton être tende en bas; trépigne pour descendre; tu trépigneras pour remonter (NERVAL, Sec. Faust, Examen analytique, 1840, p. 208). [Une dépression] se dirigeait vers le nord et faisait donc une bonne route pour la colonne qui tendait (...) vers l'Oued (...), Maxence suivit la molle vallée (PSICHARI, Voy. centur., 1914, p. 21).
2. Au fig. Orienter volontairement ses forces affectives, morales, intellectuelles vers tel but. Synon. aspirer, s'attacher, prétendre, viser à.
a) [Le suj. désigne une pers., son esprit] Tendre à un but, à un idéal, à la perfection. Bien loin d'entretenir ses passions par l'idée que cette volupté fût en elle-même un bien, le sage ne devait tendre qu'à diminuer cette nécessité, et à vivre de plus en plus en repos (P. LEROUX, Humanité, 1840, p. 74):
• Aime ne me dit quelque chose que lorsque j'associe à ce son (...) le son du mot britannique aim qui veut dire but. (...) « Je t'aime » signifierait ainsi: « Je tends vers toi, tu es mon but! »
LAFORGUE, Moral. légend., 1887, p. 185.
— Empl. pronom. Il faut que le sujet percevant (...) se tende vers des choses dont (...) il porte en lui-même le projet, s'ouvre à un autre absolu (MERLEAU-PONTY, Phénoménol. perception, 1945, p. 376).
b) [Le suj. désigne une chose abstr.] L'effort tend vers. Nos désirs, nos sollicitudes, nos affections deviennent ridicules, si ces actes ne tendent pas au plaisir, si ces affections ne se le proposent pas (SENANCOUR, Obermann, t. 2, 1840, p. 73). Les prodigues ne recherchent pas la compagnie des avares (...). Il n'y a donc que les différences d'un certain genre qui tendent ainsi l'une vers l'autre; ce sont celles qui (...) se complètent mutuellement (DURKHEIM, Divis. trav., 1893, p. 18).
B. — [Avec une idée de passivité] Avoir tendance à.
1. [Le suj. désigne une chose concr.] Se rapprocher de telle position, de tel état, sous l'influence d'une certaine cause. Tendre à se confondre, se déplacer, disparaître, s'écarter, s'effacer, s'élever, se former, se rapprocher, se répandre. L'attraction du soleil (...) est répandue dans toutes les parties de notre globe, qui tendent vers leur centre commun, et qui s'attirent les unes les autres (BERN. DE ST-P., Harm. nat., 1814, p. 343). Il faut faire une part (...) aux changements de teinte que subissent les surfaces colorées (...) sous l'influence d'une lumière (...). À mesure que la source lumineuse se rapproche, le violet prend une teinte bleuâtre, le vert tend au jaune (BERGSON, Essai donn. imm., 1889, p. 49).
2. (Sembler devoir) évoluer par nature dans tel sens, vers telle fin.
a) [Le suj. désigne une pers., son esprit] Synon. incliner à, pencher vers. L'esprit est un feu (...). Comme la flamme, il tend naturellement à s'élever. On travaille à le ravaler (JOUBERT, Pensées, t. 1, 1824, p. 151). Le sujet et l'objet d'une tendance tendent non seulement à se rejoindre, mais à s'identifier. (...) celui qui aime tend à imiter l'objet aimé (MOUNIER, Traité caract., 1946, p. 67).
b) [Le suj. désigne une chose abstr.] Synon. amener, conduire, mener, tourner à. La sagesse elle-même consiste à voir ou à prévoir la direction où tendent les choses, selon l'ordre le plus naturel (...) et à marcher dans cette direction (MAINE DE BIRAN, Journal, 1816, p. 148). La grâce divine (...) donne à l'âme une impulsion sensible vers Dieu. Autant la jouissance est grande, autant le mouvement passionné qui tend vers cette jouissance est violent (BREMOND, Hist. sent. relig., t. 4, 1920, p. 341).
SYNT. Tendre à (s')accroître, (s')accumuler, améliorer, assurer, augmenter, considérer, constituer, créer, détruire, (se) développer, devenir, diminuer, donner, égaliser, s'établir, faire, se généraliser, maintenir, mettre, modifier, obtenir, placer, prendre, prévaloir, produire, ramener, réaliser, réduire, remplacer, rendre, rétablir.
— Locutions
♦ Tendre à/vers sa fin. Être près de se terminer. Synon. tirer/toucher à sa fin. Ces arts, que nous avons portés à une si haute perfection, semblent tendre à leur fin (...) L'art dramatique périt sous la multitude des nouveautés (BONALD, Législ. primit., t. 1, 1802, p. 228).
♦ Tendre à dire, à montrer, etc. Concourir à appuyer une thèse, une interprétation, sans pouvoir apporter une certitude absolue. Les faits tendent à prouver que. On obtient sa disparition définitive [de la péripneumonie] dès que l'on a supprimé tous les malades (...). Tout tend donc à démontrer que le virus ne saurait avoir une vie saprophytique (NOCARD, LECLAINCHE, Mal. microb. animaux, 1896, p. 255). Un jeune homme (...) me débite (...) une trentaine de lieux communs très-ramassés, tendant à me prouver charitablement que je ne suis pas dans la bonne voie (BLOY, Journal, 1905, p. 252). V. apologétique ex. 2.
♦ Tendre vers + subst. quantitatif (exprimant une donnée numérique). Prendre des valeurs de plus en plus voisines de telle quantité. Tendre vers une limite, une valeur. À la suite illimitée des nombres entiers, qui augmentent indéfiniment (...), qui tendent vers l'infini, correspondent des inverses qui de-viennent de plus en plus petits et qui tendent vers zéro (E. BOREL, Paradoxes de l'infini, 1946, p. 20).
Rem. Pendant la 1re moit. du XIXe s. surtout, tendant à/en peut encore prendre la marque du fém. et du plur. (selon l'anc. usage qui accordait le part. prés.): J'ai rappelé mes anciennes idées (...) et j'ai fait de nouvelles réflexions tendantes à les confirmer (LAGRANGE, Fonctions analyt., 1797, p. 5). J'écarte avec grand soin toute conversation tendante à une entière confiance (COTTIN, Cl. d'Albe, 1799, p. 203). Notre argent, chose pesante de soi, tendante en bas! (COURIER, Pamphlets pol., Au réd. du « Censeur », 1820, p. 32).
REM. 1. Tendage, subst. masc., technol. Action de tendre; résultat de cette action. On travaille le devant au moyen du fer, par le tendage ou le rentrage (DREYFUS, Manuel apiéceur, av. 1953, p. 56). 2. Tende de tranche, subst., bouch. ,,Muscles cruraux internes, à la face interne de la cuisse détachée du quartier postérieur du bœuf`` (Alim. animale, 1973 ds Clé Mots). Bœuf bourguignon. 1 kg de bœuf (gîte à la noix, tende de tranche) (La Véritable cuis. de famille par tante Marie, Paris, Taride, 1966, p. 145). 3. Tendière, subst. fém., bât. ,,Dans un échafaudage: pièce horizontale parallèle au mur, maintenant les écoperches à distance les unes des autres. Barres horizontales maintenant les côtés du fût d'une sapine`` (PEYROUX Techn. Métiers 1985). Les maçons élèvent (...) les échafaudages (...). Ils comprennent: des pointiers, perches de sapin, dressées verticalement (...); des tendières horizontales écartées verticalement de 2 m. environ, et reliant les pointiers entre eux (Ancien Memento Barré. Notes et formules de l'architecte, Paris, Albin Michel, t. 2, 1920, p. 1133). 4. Tendine, subst. fém., rare, vx. Rideau, tenture. Lorsque ces péristyles sont ornés de pots de fleurs et de tendines de jonc, ils ont un aspect à la fois élégant et sévère (SAND, Hiver à Majorque, 1842, p. 51). Il la tenait cachée (...). De mon appartement, je n'apercevais rien de ce qui se passait dans le sien; une tendine de soie fermait son balcon (SAND, Ma Sœur Jeanne ds R. des Deux Mondes, 15 janv. 1874, p. 252).
Prononc. et Orth.:[], (il) tend []. Homon. et homogr. tendre2. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. Verbe trans. 1. fin Xe s. « tendre quelque chose à quelqu'un, présenter » (Passion, éd. d'Arco Silvio Avalle, 280); 2. id. « avancer une partie du corps » (ibid., 146); ca 1225 tendre l'oreille (RECLUS DE MOLLIENS, Miserere, 52, 9 ds T.-L.); 1697 tendre le dos (REGNARD, Le Distrait, 183); 3. ca 1100 tendre un arc (Roland, éd. J. Bédier, 780); 4. ca 1100 tendre un tref « dresser une tente » (ibid., 159); 1176 tendre une voile (CHRÉTIEN DE TROYES, Cligès, 254 ds T.-L.); 1258 tendre les cortines « étendre des tapisseries » (A. DU PONT, Mahomet, éd. Y. G. Lepage, 761); 5. ca 1175 « disposer des pièges » (Chroniques Ducs de Normandie, éd. C. Fahlin, 14873); 1462 fig. tendre ses filletz (VILLON, Testament, éd. J. Rychner et A. Henry, 1463); 1611 voy quel piege est tendu à tes pieds (LARIVEY, Fidelle, éd. Viollet-le-Duc, t. VI, 356); 1643 le piège est bien tendu (CORNEILLE, Polyeucte, V, 1); 6. 1338 part. passé fém. subst. « action de tendre des filets » et « filets pour prendre les oiseaux aux pièges » (Information, dans le rouleau Debat au sujet du droit de chace, Arch. Côte-d'Or ds GDF.); 1885 « ligne de fond que l'on place sur le sable à marée basse » (H. DE LA BLANCHÈRE, La Pêche et les poissons, p. 775); 1964 « ligne ou ensemble de lignes de fond disposées à partir d'un bateau » (Lar. encyclop.); 7. 1580 exacte et tendue apprehension de la raison (MONTAIGNE, Essais, II, 12, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, p. 492); 1664 avoir l'esprit tendu à (ABLANCOURT, Apoph. ds RICH. 1680); 1849 situation tendue (SAND, Corresp., t. 3, p. 137); 1948 atmosphère tendue (SARTRE, Engrenage, p. 62); 8. 1933 phonème tendu (MAR. Lex.). B. Verbe trans. indir. 1. 1174-76 fig. tendre a « aspirer à » (GUERNES DE PONT-SAINTE-MAXENCE, St Thomas, éd. E. Walberg, 2355); 2. 1176 tendre a (qqc.) (CHRÉTIEN DE TROYES, op. cit., 180 ds T.-L.); ca 1200 tendre a + inf. (Escoufle, 10, ibid.); ca 1275 vous savez bien a quoi la chose tent (ADENET LE ROI, Enfances Ogier, éd. A. Henry, 794); 3. ca 1175 tendre à sa fin (Chroniques ducs de Normandie, 8444); 1690 tendre à ses fins (FUR.); 4. ca 1225 « se diriger, aller vers » (RECLUS DE MOLLIENS, op. cit., 14, 10 ds T.-L.); 5. 1538 tendre à dire « viser certain but en parlant d'un discours, d'une discussion » (EST.); 6. 1759 tendre à « se rapprocher de plus en plus d'une valeur limite » (D'ALEMBERT, Élém. de philosophie, XV, XIV ds Œuvres, t. 1, pp. 288-289 ds ROB.); 1901 tendre vers zéro (HADAMARD, Géom. ds espace, p. 124). Du lat. tendere « tendre, étendre, déployer », « tendre des pièges à quelqu'un », « se diriger », « tendre vers, viser à », « dresser une tente ». Fréq. abs. littér. Tendre: 8 322. Tendant: 941. Fréq. rel. littér. Tendre: XIXe s.: a) 8 695, b) 11 336; XXe s.: a) 12 799, b) 14 247. Tendant: XIXe s.: a) 1 081, b) 1 563; XXe s.: a) 1 547, b) 1 310.
DÉR. 1. Tendelle, subst. fém., chasse. Piège à collet pour attraper les grives et autres petits oiseaux. La grive et ses congénères pourront être pris au moyen de piéges dits tendelles, usités dans le pays, à condition que l'appât soit exclusivement composé de genièvre (Arr. du préfet de la Lozère du 5 août 1875 ds Gaz. des Trib., 14 avril 1876, p. 366, 2e col. ds LITTRÉ Suppl. 1877). — []. — 1re attest. 1875 id.; de tendre1, suff. -elle. 2. Tenderie, subst. fém. a) Chasse. Forme de chasse qui utilise des pièges (notamment pour attraper des oiseaux). La capture, sans filet mais avec des lacets de crin (tenderie), des grives en Belgique, et d'autres plus petits oiseaux en France, est (...) tolérée (T. BURNAND, Connaissance et prat. de la chasse, Paris, Denoël, 1967, p. 408). P. méton. Lieu où l'on a tendu des pièges pour pratiquer cette chasse. (Dict. XIXe et XXe s.). b) Hist. Action de tendre avec des tapisseries les façades des maisons situées sur le passage d'un cortège solennel, en signe d'apparat. Lors des entrées solennelles, il était d'usage de tendre des tapisseries dans les rues que devait emprunter le cortège (...). Cette opération s'appelait la tenderie (Lar. 20e). — []. — 1res attest. a) 1334 mestier de tendrie « métier de tendeur de draps » (1er mai, Reg. aux public., Arch. Tournai ds GDF.), b) 1435 « action de tendre des tapisseries, des tapis dans les rues que devait emprunter un cortège solennel » (Chron. des Pays-Bas, de France, etc., Rec. des Chr. de Fland., III, 537, Chron. belg., ibid.); c) ) 1446 tenderiez aux oyseaulx de rivière « chasse avec des filets tendus » (Arch. du Nord, B 19514, fol. 12 r° ds IGLF), ) 1803 « terrain où l'on a tendu des pièges » (BOISTE), ) 1834 « ensemble d'une installation de pièges et filets destinés à capturer les oiseaux » (BAUDR. Chasses); de tendre1, suff. -erie. 3. Tendoir, subst. masc., technol. a) ,,En tissage: tige de bois qui empêche la poitrinière du métier à tisser de se dérouler`` (PEYROUX Techn. Métiers 1985; dict. XIXe et XXe s.). b) Perche sur laquelle ,,on fait sécher les étoffes, après qu'elles ont reçu leurs divers apprêts`` (HAVARD 1890; dict. XIXe et XXe s.). — []. — 1res attest. a) 1718 tendoires « perches sur lesquelles on étendait les étoffes pour les faire sécher » (Lett. pat., 21 août ds LITTRÉ), 1823 tendoirs « id. » (BOISTE), b) 1765 « pièce d'un métier à tisser qui maintient la poitrinière » (Encyclop.); de tendre1, suff. -oir.
II.
⇒TENDRE2, adj.
A. — 1. a) [En parlant d'une matière] Qui oppose peu de résistance à la pression, qui cède assez facilement à la pénétration, à l'incision. Synon. mou; anton. dur, rigide. Roche tendre. Toute leur substance osseuse [des dents tenant à la gencive] est d'abord tendre et poreuse, (...) se durcit uniformément, et finit par devenir entièrement dure comme de l'ivoire (CUVIER, Anat. comp., t. 3, 1805, p. 112). Matériau dur gravé en creux et à l'envers, matériau tendre qui conserve l'empreinte du creux, (...) deux aspects techniques du sceau (L'Hist. et ses méth., 1961, p. 398).
♦ Bois tendre. Partie du bois correspondant à l'aubier ou bois imparfait, par opposition au bois parfait. La différence d'aspect entre aubier et bois parfait pourra se traduire par des différences sensibles dans leurs résistances mécaniques, l'aubier étant en général plus tendre, moins dense et moins résistant (CAMPREDON, Bois, 1948, p. 12). Bois tendre. Essence d'arbre qui se travaille facilement. On appelle bois tendres tous ceux qui (...) ont les tissus lâches et spongieux; tels sont ceux des Saules, des Tilleuls, des Peupliers (...). Leur durée (...) est généralement courte (CARRIÈRE, Encyclop. hortic., 1862, p. 59). Le menuisier a tendance à abandonner le chêne pour le noyer plus tendre, plus docile à l'outil, et permettant une taille plus fine (VIAUX, Meuble Fr., 1962, p. 45).
♦ Pâte, porcelaine tendre. V. porcelaine B 1 céram. Jusqu'en 1709 (...), la porcelaine est remplacée en Europe par une céramique formée d'un mélange de divers éléments; on la nommera porcelaine tendre parce que, contrairement à la porcelaine chinoise, elle se raye au couteau. (...) l'invention de la pâte tendre en Occident doit revenir à Edme Poterat (G. FONTAINE, Céram. fr., 1965, pp. 90-91). P. métaph. Ses vers sont délicieux, mais d'une pâte si tendre qu'à des mains lourdes il n'est pas difficile de les casser (RENARD, Journal, 1901, p. 690).
♦ Pierre tendre. Pierre qui peut être aisément entamée, coupée (d'apr. NOËL 1968). Les soubassements doivent toujours être montés en pierres dures: (...) celles-ci résistent mieux à la charge et aux chocs que les pierres tendres; (...) elles sont moins poreuses (VIOLLET-LE-DUC, Archit., 1872, p. 25). Les pierres tendres étaient autrefois toutes celles qui pouvaient être sciées à la scie à dent. L'adjectif tendre a été utilisé (...) pour qualifier commercialement certaines pierres calcaires (NOËL 1968).
— Empl. subst. masc. sing. à valeur de neutre. Partie la plus molle. La terre du plateau (...) fumante d'embruns, toute écorcée, ayant découvert son tendre, coulait en épais ruisseaux de boue (GIONO, Que ma joie demeure, 1935, p. 212).
b) [En parlant d'une chose comestible] Qui se laisse aisément découper par les dents, par un instrument tranchant; qui s'abîme facilement. Synon. fondant, frais1, moelleux; anton. coriace, desséché, rassis. Bifteck, viande tendre; fruits tendres; brouter l'herbe tendre. Panade. Ayez de la mie de pain tendre; le mollet est le meilleur (VIARD, Cuisin. impérial, 1814, p. 17). Vous êtes tendres plus qu'une jeune épousée, Gigots d'agneaux! argile idéale, et rosée Qui fondez sous nos dents (PONCHON, Muse cabaret, 1920, p. 151).
♦ Blé tendre. Blé à cassure farineuse, à paille creuse, par opposition au blé dur à cassure cornée, à paille en partie pleine (d'apr. Lar. comm. 1930). On distingue (...) suivant la cassure du grain, cornée ou farineuse, des blés durs et blés tendres (PLANTEFOL, Bot. et biol. végét., t. 2, 1931, p. 290).
— Empl. subst. masc. sing. à valeur de neutre. Ce qui est de faible consistance, facile à broyer. Ils sont friands (...) des plantes aux feuilles vertes et chargées d'eau. Ils savent s'en nourrir en laissant seulement les nervures, et découpant le plus tendre (PONGE, Parti pris, 1942, p. 30).
2. a) [En parlant d'une couleur] Qui a un ton peu marqué, ne heurtant pas la vue, généralement clair et sensible à la lumière. Synon. atténué, effacé, estompé, pâle, pâli, suave; anton. ardent, cru2, éclatant, foncé, vif. Rose, vert tendre. Les plumes du dos sont d'un tendre bleu de pastel; tout le dessous du corps est bleu clair; les ailes vont de ce même bleu tendre au bleu le plus sombre (GIDE, Voy. Congo, 1927, p. 836). Mes yeux (...) s'ouvraient sur ce mouvement des toits, des pierres, sur ces couleurs fondues, presque irréelles, allant du gris de l'ardoise au rose des briques passées, des noirs tendres aux blancs indécis et laiteux (VIALAR, Pt jour, 1947, p. 98). V. bleuissant rem. s.v. bleuir ex. de Gide, carnation ex. 3.
—[P. méton.; en parlant d'une chose concr.] Qui présente des coloris peu intenses, agréables à la vue. Ce bleuet céleste et ces tendres pervenches (BANVILLE, Stalact., 1846, p. 364). Des satins clairs et des soies tendres jaillissaient (...); les soies légères aux transparences de cristal, vert Nil, ciel indien, rose de mai, bleu Danube (ZOLA, Bonh. dames, 1883, p. 487).
— PEINT., rare, vx. Couleurs tendres. Couleurs fondues, sans dureté. Le peintre regarde moins autour de lui (...); son pinceau se complaît aux formes molles et aux couleurs tendres (HOURTICQ, Hist. art, Fr., 1914, p. 125).
♦ [P. méton.] Pinceau tendre. Pinceau à la touche légère qui pose la couleur avec délicatesse. Quel est le pinceau tendre et minutieux Qui leur a mis [aux petits soldats de bois] à tous des petites moustaches (ROSTAND, Aiglon, 1900, II, 6, p. 84).
♦ Empl. subst. masc. sing. à valeur de neutre. Ce qui est faiblement coloré. Le clair, le tendre, le papillotant dominent (MOREAU-VAUTHIER, Peint., 1913, p. 51).
b) [En parlant d'un phénomène lumineux, atmosphérique, d'une saison] Qui ne blesse pas la vue ou la sensibilité épidermique. Synon. doux. Tendre lueur, lumière; air tendre. La lumière diminua par degrés, jusqu'à ne verser sur les objets indécis qu'un jour tendre et délicat, semblable à celui de l'aube (NODIER, Fée Miettes, 1831, p. 162). La table autour de laquelle sont les femmes et leur douceur et où se tient debout la lampe caressante, avec le tendre éclat de sa vie (BARBUSSE, Feu, 1916, p. 48).
— Tendre à + subst. La saison d'été, si tendre aux créatures, quand le dehors a la température des chambres (...) et que la nuit des jardins est habitable, à peine moins tiède que le jour, et plus amoureuse (NOAILLES, Nouv. espér., 1903, p. 199).
c) [En parlant d'un phénomène olfactif, gustatif, sonore] Dont la douceur flatte l'odorat, le goût, l'ouïe. Tendre parfum. On dit parfois d'un vin moelleux qu'il est coulant, qu'il est tendre (ALI-BAB, Gastr. prat., 1907, p. 130). Des fleurs achevaient de se flétrir dans une flûte de porcelaine. Une tendre et poignante odeur d'alcôve abandonnée languissait (DUHAMEL, Suzanne, 1941, p. 87). V. bruissaillement dér. s.v. bruissailler ex. de Jammes.
3. a) [En parlant d'un animé, d'une partie du corps] Qui est d'une complexion, d'une apparence délicate; dont l'épiderme est particulièrement vulnérable aux influences extérieures. Synon. douillet, fragile; anton. endurci, insensible, racorni. Chair, corps tendre. Cuisses grosses mais fuselées, Tendres et fermes par dessous. Dessus d'un dur qui serait doux, Musculeuses et potelées (VERLAINE, Odes en son honn., 1893, p. 20). Ses mains, c'étaient des merveilles, effilées, roses, claires, tendres, la même douceur que le visage, c'était une petite féerie (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 273).
♦ (Avoir la) peau tendre. (Avoir une) peau fine qui ressent vivement les impressions externes. Crevasses du trayon (...). On le constate sur les jeunes nourrices dont la peau plus tendre s'accommode mal des manipulations de la traite (GARCIN, Guide vétér., 1944, p. 125). Au fig. Avoir la peau tendre (à + subst.). Être très sensible aux critiques, aux insultes. Anton. avoir la peau dure. — Quoi! dit Leuwen, vous voulez que je supporte toute ma vie cette idée d'avoir été insulté impunément? — Si vous avez la peau si tendre au mépris, pourquoi quitter Paris? (STENDHAL, L. Leuwen, t. 3, 1835, p. 55). J'ai dit franchement mon avis sur (...) les mauvais livres, et le monde littéraire a accepté mes arrêts sans trop se fâcher. Mais les artistes ont la peau plus tendre (ZOLA, Mes haines, 1866, p. 199).
♦ Avoir les pieds tendres. Avoir les pieds très sensibles aux atteintes extérieures. Je ferre entièrement les miens [des chevaux], rien que pour sortir sur l'aire. Ils ont les pieds tendres comme des demoiselles (PESQUIDOUX, Livre raison, 1932, p. 77).
♦ Vx. Vue tendre. Vue facilement blessée par une lumière un peu vive. Une vue dite tendre, force le digne notaire à porter des lunettes vertes pour conserver ses yeux constamment rouges (BALZAC, Modeste Mignon, 1844, p. 6).
— En partic. [Le suj. désigne un cheval] Avoir la bouche tendre. Être tendre à l'éperon. Être très sensible à l'éperon. (Dict. XIXe et XXe s.). Être tendre aux mouches. Être facilement affecté par la piqûre des mouches (Dict. XIXe et XXe s.). Au fig. V. mouche I C 5.
— Empl. subst. masc. sing. à valeur de neutre. Partie du corps où la peau est fragile et qui peut être fortement éprouvée par les rigueurs externes. Le soleil (...) chauffait les coins souples du corps avec insistance (...) le tendre des aisselles (GIONO, Que ma joie demeure, 1935, p. 183).
b) [En parlant d'un végét., d'un phénomène naturel] Qui est au premier stade de son développement, d'une fraîcheur toute neuve, particulièrement sensible aux agressions externes. Synon. neuf2, nouveau; anton. fané, flétri. Écorce tendre; bourgeons, pousses tendres. Le soleil pleuvait à travers le brouillard de la jeune verdure (...). De Scève (...) montrant la voûte légère de feuillage tendre: Le printemps! (VERCEL, Cap. Conan, 1934, p. 181). P. métaph. Son dixième printemps la couronnait de roses: Marie était son nom (...). Pourquoi ces tendres fleurs, dans leur avril écloses, Tombent-elles souvent sans atteindre l'été? (DESB.-VALM., Élégies, 1833, p. 129).
♦ Tendre comme la rosée. D'une fraîcheur, d'une douceur extrême. La nature (...) est à ce point unique de fraîcheur, de pureté, de grâce (...). Les feuilles ouvertes d'hier sont tendres comme la rosée et d'une verdure transparente; j'ose à peine y toucher de peur de les flétrir (M. DE GUÉRIN, Journal, 1833, p. 170).
♦ Région. (Centre notamment). Lune tendre. Lune à son premier quartier. La lune tendre a de l'influence sur la coupe du peuplier et du chêne. Il ne faut pas les couper en lune tendre (RENARD, Journal, 1901, p. 678).
c) P. méton. Tendre enfance. Première enfance. La plupart des tuberculoses, dès la plus tendre enfance comme dans l'âge adulte, relèvent d'une infection d'origine intestinale (CALMETTE, Infection bacill. et tubercul., 1920, p. 147). Tendre jeunesse. Âge tendre. V. âge I A 2 loc. Les petits n'y étaient pas [à l'institution Saint-Joseph] (...) en proie aux grands (...). D'un âge tendre, égaux en faiblesse, encore peu avancés en méchanceté, nous ne nous opprimions pas trop les uns les autres (A. FRANCE, Pt Pierre, 1918, p. 247).
B. — Au fig. [En parlant d'une pers., de sa nature, de ses sentiments]
1. Vieilli. Qui se laisse facilement toucher, émouvoir, qui cède aux mouvements d'une sensibilité vive. Synon. sensible; anton. froid, insensible. S'il faut exalter ou réprimer la sensibilité des enfants? (...) C'est selon (...). Il y a des natures tendres et des natures sèches (...). Rien n'aurait dû me durcir plus que (...) d'avoir joué, tout enfant, dans un amphithéâtre de dissection. Personne n'est pourtant plus apitoyable que moi (FLAUB., Corresp., 1869, p. 11). Cette basse littérature morale et utilitaire dont on souille leurs cerveaux tendres et impressionnables (GOURMONT, Esthét. lang. fr., 1899, p. 119). V. cœur ex. 44.
♦ Tendre à + subst. désignant une situation. Vous donc, de qui les chagrins participent de la nature poétique de votre esprit (...), et par là sont plus exposés et plus tendres aux bonnes influences, pourriez-vous résister à la beauté du ciel (...)? (M. DE GUÉRIN, Corresp., 1836, p. 242). Les Femmes. Le fils qu'Alcmène conçoit ce soir de Jupiter les sait toutes infidèles, tendres aux honneurs, chatouillées par la gloire. (...) Il les séduit (GIRAUDOUX, Amphitr. 38, 1929, III, 2, p. 178).
— Empl. subst. Personne très sensible, émotive. Esther (...) par son charme (...), par ce rapport si convenant de l'action et des personnages (...), devait ravir grands et petits, tendres et austères (SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 5, 1859, p. 490).
2. a) Qui éprouve, manifeste de l'affection, de l'amitié, de la générosité ou qui en relève. Synon. amène, amical, bon1, charitable, fraternel, généreux, gentil2, humain, sentimental; anton. cruel, dur, froid, haineux, inamical, inhumain, méchant.
— [En parlant d'une pers.] Tendre mère, père; âme tendre. Combien peu de vraie bonté (...), d'oubli de soi, de pitié sincère (...). Mesuré (...) l'énorme duperie des cœurs tendres qui donnent quatre fois plus qu'ils ne doivent et qu'on ne leur rend (AMIEL, Journal, 1866, p. 351). Cette famille tendre et chère, ce père (...) cette mère appliquée à m'épargner les rhumes, les furoncles, la fatigue de la volonté, ils m'écrasaient d'amour et de soins (ARNOUX, Gentilsh. ceinture, 1928, p. 96). V. ami ex. 5, cœur II D 3 a ex. de Sainte-Beuve.
♦ Vieilli. Tendre à + subst. Si, confessant vos crimes, Aux dames de haut lieu vous adressiez vos rimes, Elles, d'un cœur facile et tendre à la pitié, Peut-être aussi diraient que tout est oublié (BRIZEUX, Marie, 1840, p. 82).
♦ Vx. Avoir le vin tendre. Être, se montrer débordant d'affection (ou, parfois, porté aux démonstrations amoureuses) sous l'effet de l'ivresse. Ils se grisaient ensemble (...). Mais Fritz (...) avait le vin singulièrement triste et tendre (...). Il racontait (...) l'histoire du mariage de son grand-père (ERCKM.-CHATR., Ami Fritz, 1864, p. 110).
♦ (Être) tendre pour + subst. ou nom propre. Être indulgent, compatissant. Les chrétiens, très tendres pour Jésus, n'en ont pas moins été très durs les uns pour les autres, hostiles aux non-chrétiens, féroces, impitoyables pour les hérétiques (MICHELET, Journal, 1850, p. 129).
♦ [Avec une nuance iron.] N'être pas tendre (pour + subst. ou nom propre). Juger sévèrement, impitoyablement. Les jeunes ne sont guère plus tendres pour les peintres révolutionnaires que beaucoup de Béotiens. Ils n'épargnent même plus, dans leur fureur rédemptrice, l'Impressionnisme (LHOTE, Peint. d'abord, 1942, p. 164).
♦ Empl. subst. Personne affectueuse, compatissante. Les Religieuses de tout âge (...), les revêches et les tendres (MALÈGUE, Augustin, t. 1, 1933, p. 113). Lucie n'est pas facile à vivre; vous savez, les femmes qui en ont bavé trop longtemps avant de réussir, généralement c'est pas des tendres (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 270).
— [En parlant d'une chose abstr.] Tendre amitié, attachement. Le sentiment de l'humanité, c'est-à-dire, celui d'une compassion tendre, active, pour tous les maux qui affligent l'espèce humaine (CONDORCET, Esq. tabl. hist., 1794, p. 164). Ce que vous ressentez pour elle, c'est l'affection douce et tendre qu'une aimable personne fait naître, et qui a tous les droits à s'appeler amitié (GOBINEAU, Pléiades, 1874, p. 91).
♦ Empl. subst. masc. sing. à valeur de neutre. Ce qui relève de l'affection, de l'amitié, de la générosité. Au lieu de marcher du tendre au rusé, comme la plupart des hommes, l'âge lui eût donné la bonté facile à s'attendrir, il se fût guéri d'une méfiance folle (STENDHAL, Rouge et Noir, 1830, p. 460).
Loc. vieillie. Avoir un tendre pour + subst. Incliner à éprouver de l'affection, de l'attachement pour. Synon. avoir un faible, un penchant pour. Je prends ma sœur Marianne, bien brave fille, à qui la vie et la solitude à deux ont fait un cuir de rhinocéros (...). Eh bien, elle a un tendre pour Henriette (L. DAUDET, Am. songe, 1920, p. 137).
b) Qui éprouve, manifeste ou relève de l'amour (à prédominance sentimentale). Synon. aimant1, amoureux, cajoleur, câlin, caressant, épris.
— [En parlant d'une pers.] Tendre amant. J'avais pour maîtresse une petite bourgeoise fort tendre et fort sentimentale, dont le sentiment et les lettres mélancoliques me faisaient rire (DUMAS fils, Dame Cam., 1848, p. 67). Les femmes vraiment tendres ne sont pas sensuelles (...). Elles sont seulement voluptueuses de cœur, dans toute l'étendue de la tendresse de ce cœur. Oh! le pauvre cœur de femme qu'un rien de l'être aimé émeut, exalte ou froisse (GONCOURT, Journal, 1888, p. 737). V. ami ex. 69 et 73.
♦ [Dans une formule d'appellation amoureuse] Ô mon amie! ma chère, ma tendre amie! ô ma Sara! ma bienaimée! l'Objet d'une éternelle tendresse! on t'enlève à celui qui t'adore! (RESTIF DE LA BRET., M. Nicolas, 1796, p. 94).
♦ Empl. subst. Personne amoureuse ou inspirant l'amour. Attendre (...) que l'amie de Madame vienne au rendez-vous de son cher et tendre! (PONSON DU TERR., Rocambole, t. 3, 1859, p. 286). Je disais quelquefois à ma très belle (...): « Je suis las de dormir, ma toute tendre » (...). Mon cher amour frappait des mains, riant aux éclats (MILOSZ, Amour. init., 1910, p. 90).
— [En parlant d'une chose abstr.] Tendre amour, inclination, intérêt; tendres émotions, liens, pensées, sentiments. Les tendres souffrances, ce sont encore des richesses (...). Les fraîches jeunes filles, au soir de leur premier amour, (...) pleurent. Le chagrin est lié aux frémissements de la vie (SAINT-EXUP., Terre hommes, 1939, p. 240):
• ... les lendemains rendent une impression douce et tendre de la personne, qu'on sent et apprécie mieux qu'au moment trouble de la jouissance. La souvenance ressuscite le désir (...), avec des émotions délicates et charmantes...
MICHELET, Journal, 1857, p. 326.
♦ Empl. subst. masc. sing. à valeur de neutre
Vieilli. Avoir un tendre pour. Avoir un penchant amoureux. P. métaph. [L'opinion] se moque des vantards et avantageux; mais elle a un tendre pour eux, car ce lui sont des amants (...) qui lui font leur cour (VALÉRY, Tel quel I, 1941, p 106).
Vx. Être du dernier tendre pour. Avoir le comportement d'un amoureux très empressé. Les paroles de tendresse ne coûtaient rien à Leuwen (...). Pendant toute la soirée, Leuwen fut du dernier tendre pour madame Grandet (STENDHAL, L. Leuwen, t. 3, 1835, p. 205).
HIST. LITTÉR. Pays de/du Tendre, royaume de Tendre ou, p. ell., le Tendre. V. pays1 D. Christine: (...) Faites-moi donc entendre Ce que signifiait son royaume de Tendre [de Scudéri] (...). La Calprenède, déroulant une carte : D'abord, le Tendre était une contrée Des vulgaires amants tout à fait ignorée (...) Que traverse en entier le fleuve Sentiment (DUMAS père, Christine, 1830, III, 4, pp. 247-248). Carte du Tendre. V. carte IV A 3 c. La Carte du Tendre. Les trois fleuves de la Carte du Tendre sont Reconnaissance, Estime et Inclination, qui naît à Nouvelle-Amitié. À Tendre-sur-Inclination, on connaît le bonheur. Mais il ne faut ni s'égarer à Grand-Esprit ou Complaisance ni se risquer à Négligence ou à Indiscrétion (G. RICHARD, Hist. de l'amour en France, 1985, p. 155). P. anal. L'Islande et L'Odéon sont des édens charmants et des pays de Tendre à côté de l'endroit où nous allons (LEMAITRE, Contemp., 1885, p. 13). Quand Paul Morand eut le talent de nous présenter le haut personnel féminin d'après-guerre, il n'aperçut point de Parisiennes sur la carte du Tendre du XXe siècle (FARGUE, Piéton Paris, 1939, p. 183).
c) P. méton. (relatif à supra B 2 a et b). Qui exprime l'affection, l'amitié, l'altruisme, l'amour (à prédominance sentimentale).
— [En parlant de l'aspect extérieur d'une pers., de son comportement] Tendre regard, sollicitude, sourire; tendres adieux, baisers, caresses, embrassements, épanchements, soins; air tendre; gestes, inflexions tendres. Il la regardoit avec des yeux si tendres, l'amour donnoit tant d'expression à ses traits déjà si beaux, que l'ingénue Mathilde (...) ne put pas lui dire qu'elle le voyoit avec horreur (COTTIN, Mathilde, t. 1, 1805, p. 161). Sa voix tendre, angélique, argentine, Conserve encor l'accent de sa voix enfantine (...), mon cœur que ce son frappe (...) me reporte aux jours où ces tendres accents De femmes, mère ou sœur (...), donnant tant de charme au foyer domestique, De mon enfance étaient la suave musique (LAMART., Jocelyn, 1836, p. 626).
— [En parlant d'un moyen d'expr. verbale] Tendre aveu; tendres paroles, reproches; mots, phrases, propos tendres. Mon cher amour! (...) je voudrais (...) t'embrasser tout le jour, en te donnant, ô mon cœur, mon chat aimé, tous les noms tendres qui me viendraient à la pensée (MAUPASS., Contes et nouv., t. 1, Mots amour, 1882, p. 602). Lady Caroline affirme que Byron lui écrivait (...) des lettres amoureuses, tendres, de tout point affectueuses (DU BOS, Journal, 1928, p. 215).
♦ [Dans une formule épistolaire] Tendres amitiés, respects, souvenirs. Mille amitiés à M. Cottu et mes tendres hommages à Mme de Sainte-Olympe (LAMENNAIS, Lettres Cottu, 1825, p. 168). V. amitié ex. 109. Mille tendres compliments et témoignages de sincère attachement de Bc (BALZAC, Corresp., 1835, p. 640).
— [En parlant d'un moyen d'expr. artist. d'une œuvre, de l'art d'un aut.] Watteau, peintre idéal de la Fête jolie, Ton art léger fut tendre et doux comme un soupir, Et tu donnas une âme inconnue au Désir En l'asseyant aux pieds de la Mélancolie (SAMAIN, Chariot, 1900, p. 68). Les chanteurs qui font entendre une musique tendre, émue, sur des paroles d'amour, et qui ont une physionomie à porter le diable en terre (MELCHISSÉDEC, Pour chanter, 1913, p. 86).
♦ [P. méton.; en parlant d'un aut.] Qui s'exprime d'une manière touchante, attendrissante. Fénelon est le plus tendre et le plus gracieux de nos écrivains, Massillon est le plus élégant et le plus pur (CHÊNEDOLLÉ, Journal, 1812, p. 71). Hermione et Roxane (...) sont, jusqu'à la fureur, « animales ». Voilà ce qu'il faut oser dire du « tendre » Racine (MAURIAC, Mém. intér., 1959, p. 167).
Empl. subst. Artiste qui s'exprime avec délicatesse, en faisant appel aux plus doux sentiments. Prudhon, un tendre, un sensible, un rêveur (MOREAU-VAUTHIER, Peint., 1913, p. 57).
♦ Empl. subst. masc. sing. à valeur de neutre. Ce qui exprime un thème affectif, sentimental. Les natures (...) moins maîtresses d'elles-mêmes ne peuvent se retenir [dans la disgrâce] ; il en est qui s'exhalent en propos vifs et outrageants, d'autres tournent au tendre et à l'élégie (SAINTE-BEUVE, Caus. lundi, t. 6, 1852, p. 406). L'Arioste (...) qui réunit tous les tons (...), le gai, le tragique, le convenable, le tendre (DELACROIX, Journal, 1854, p. 258).
d) P. anal. Qui évoque les sentiments et comportements affectueux, amicaux ou amoureux entre humains.
— [En parlant de rapports entre une pers. et un animal ou d'animaux entre eux] Un crocodile, un serpent, sont-ils moins tendres pour leurs petits, qu'un rossignol, une colombe? (...) le sentiment est pareil dans toutes les races (CHATEAUBR., Génie, t. 1, 1803, p. 203). Ce beau regard si doux, si tendre, si reconnaissant que tourne le chien de chasse vers son maître qui le caresse (SANDEAU, Mlle de La Seiglière, 1848, p. 60). V. lion II A ex. de Goncourt, philomèle ex. de Chénier.
— [En parlant de rapports entre une pers. et la nature] C'était (...) aux environs de Pâques (...) que (...) s'épanouissaient suavement les lilas (...). « Aime! » lui conseillaient les tendres fleurs (COPPÉE, Bonne souffr., 1898, p. 24). V. bon1 ex. 14.
REM. Tendrelet, tendret, -ette, adj. Qui est de consistance, d'apparence assez tendre. Viande tendrelette. Un enfant tendrelet (Lar. 19e). Les pains sont là, sous un terreau de son, blancs et tendrets (GIONO, Gd troupeau, 1931, p. 152). On découvrait des bois (...) à peine démaillottés des charpies de l'hiver, des terres brunes, grasses (...), des champs tendrets, parés d'un duvet de blés en herbes (G. CHEVALLIER, Clochemerle, Paris, Rieder, 1935 [1934], p. 85).
Prononc. et Orth.:[]. Homon. et homogr. tendre1. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. Ca 1050 « jeune, plein de fraîcheur » (Alexis, éd. C. Storey, 116); 1579 âge tendre (GARNIER, La Troade, éd. W. Foerster, 1772); 1580 tendre enfance (MONTAIGNE, Essais, I, 26, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, p. 153); 2. ca 1200 « se dit d'une chose qui n'offre pas de résistance, facile à mâcher » (J. BODEL, Fabliaux, I, 9, éd. P. Nardin, p. 69); 1636 pain tendre « nouvellement cuit » (MONET); 1564 « se dit d'une partie du corps fine qui ressent vivement une action extérieure » (RABELAIS, Cinquiesme livre, éd. J. Plattard, ch. 30, p. 112); 1565 « se dit d'une chose qui se laisse facilement couper » pierre tendre (Doc. ds Comptes des bâtiments du roi, éd. L. de Laborde, II, p. 125); 1680 bois tendre (RICH.); 1675 fig. être tendre aux mouches « être sensible aux moindres incommodités » (Mme DE SÉVIGNÉ, Corresp., 21 sept., éd. R. Duchêne, t. 2, p. 108); 1690 id. en parlant d'un cheval (FUR.); 3. 1745 couleurs tendres (A. BOSSE, Manières de graver, p. 129); 4. 1747 tendre lumière (Mme DE GRAFFIGNY, Lettres d'une péruvienne, 2 ds LITTRÉ). B. 1. a) Ca 1100 tendre coer « cœur sensible » (Roland, éd. J. Bédier, 317); b) 1787 ne pas être tendre pour qqn (Comte de CAYLUS, Œuvres badines, X, 39); 1843 subst. « personne affectueuse, indulgente » (SAINTE-BEUVE, Corresp., t. 5, p. 37); 1859 « personne sensible » (ID., Port-Royal, t. 5, p. 490); 2. déb. XVIe s. ta pitié tendre (MAROT, Œuvres, IV, 235 ds LITTRÉ); 3. 1567 tendre à « qui se laisse facilement aller à » (AMYOT, Sylla, 64, ibid.); 1638 tendre de « plein de douceur affectueuse, d'indulgence pour » (CHAPELAIN, Lettres, éd. Tamizey de Larroque, I, p. 225); 4. 1573 « qui porte à l'attendrissement » (GARNIER, Hippolyte, éd. W. Foerster, 837). C. 1. Ca 1200 subst. masc. « partie tendre d'une chose » (Escoufle, 6630 ds T.-L.); 2. 1649 « affection, penchant » (SCARRON, Virgile travesti, éd. E. Magne, l. IV, p. 174a); 3. 1656 Carte du Tendre (Mlle DE SCUDÉRY, Clélie, t. 1, p. 406). Du lat. tener « tendre, délicat, frêle », « jeune, du premier âge » aussi au sens fig. Fréq. abs. littér.:7 193. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 12 847, b) 11 606; XXe s.: a) 9 789, b) 7 521. Bbg. HASSELROT 20e s. 1972, p. 66 (s.v. tendret). — QUEM. DDL t. 27.
1. tendre [tɑ̃dʀ] v. [CONJUG. fendre.]
ÉTYM. V. 980, passion; du lat. tendere.
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I V. tr.
1 a Rendre droit (une chose souple), éloigner de sa forme primitive (une chose douée d'élasticité) en exerçant une traction, un effort. ⇒ Tirer; bander, raidir. || Tendre une corde (→ Guirlande, cit. 2), une chaîne, un lien (→ Absence, cit. 10, par métaphore). || Tendre un élastique, un arc (cit. 5). || Tendre à l'excès, jusqu'à rompre… (⇒ Distendre). || Le vent tend les voiles. || Le poids (cit. 2) du seau tendait ses bras. — Tendre un ressort en remontant un mécanisme. — Tendre ses muscles. ⇒ Contracter. || Tendre le jarret.
1 Prends cet arc, c'est le mien; appelle à ton aide un, deux, trois, quatre de tes camarades, et tâchez de le tendre. Je le tends moi seul.
Diderot, Suppl. au voyage de Bougainville, II.
2 Il boutonna son habit jusqu'en haut, le tendit sur son torse pour qu'il ne fît pas de plis (…)
Hugo, les Misérables, III, VI, IV.
b Déployer en allongeant (une surface). || Tendre un châle par les quatre bouts (→ Pantin, cit. 2). || Tendre un drap. — Spécialt. || Tendre un filet (cit. 9 et 10), des lacs (cit. 1), des lacets, des panneaux (→ Désarçonner, cit. 4), pour prendre du gibier. || Araignée (cit. 8) qui tend sa toile, ses fils. — Absolt. || Tendre : disposer des pièges (pour chasser, braconner). ⇒ Tenderie, tendue.
2.1 Paulet commença donc de « tendre ». Il tendait au fromage et au lard, coupant à l'aide de son couteau de poche, dans le bloc de gruyère ou la bande de panne, ces petits cubes égaux (…)
Pierre Gascar, les Bêtes, p. 102.
c (V. 1160). Au propre et au fig. || Tendre un piège. ⇒ Piège (cit. 3 et 4). || Tendre un collet (→ Rabattre, cit. 12), un leurre (cit. 5). ⇒ Disposer. || Tendre une embûche, une embuscade (→ Garder, cit. 75), une souricière… ⇒ Dresser (I., 2.).
3 Il y a des êtres qui tendent leurs toiles et peuvent jeûner longtemps avant qu'aucune proie s'y laisse prendre : la patience du vice est infinie.
F. Mauriac, la Pharisienne, XIII.
d (1080). Disposer en étendant. — Vx. || Tendre un lit, y mettre les draps. || Tendre un pavillon, une tente. ⇒ Dresser. — Spécialt. || Tendre et détendre (cit. 6) une tenture, une tapisserie.
e Par ext. (Rare). || Tendre un mur, une pièce, une salle : décorer en tendant une tapisserie, etc. ⇒ Tapisser.
f Pron. (Par métaphore de a). || Se tendre : menacer de rompre, devenir tendu (liens, rapports).
4 (…) sans doute à cause de l'imminence d'une séparation qui donnait à chaque instant un caractère définitif, les rapports de Sartre et d'Olga se tendirent. Ils eurent quelques sérieuses disputes (…)
S. de Beauvoir, la Force de l'âge, p. 269.
2 (V. 980). a (Concret). Allonger ou présenter en avançant (une partie du corps). ⇒ Allonger, avancer, étendre, lancer (2.), présenter. || Tendre le buste en avant (→ Polir, cit. 2). ☑ Tendre le cou (→ Loto, cit. 2), pour voir, se grandir, etc. || Tendre la bouche (→ Enivrer, cit. 19). || Chien qui tend l'oreille, qui la dresse (→ ci-dessous, fig.). — Tendre le bras, pour saluer, tenir, présenter, prendre, etc. || Tendre le bras à quelqu'un (⇒ Donner). || Tendre les bras, pour accueillir, embrasser, pour appeler, invoquer, etc. ⇒ Bras (cit. 23 et 46). — ☑ Tendre la main, pour toucher, prendre (une autre main; ⇒ Main, cit. 25; et, fig., cit. 30 et 31); pour saluer; pour demander l'aumône (cit. 15; → Mendier, cit. 3), ou, au contraire, pour présenter, offrir quelque chose, et, fig., pour aider, secourir. — ☑ Tendre la perche. — Spécialt. Présenter, offrir (aux coups, aux mauvais traitements…), livrer sans se défendre. ☑ Tendre la gorge (cit. 3) au couteau. ☑ Tendre le dos (→ Mouton, cit. 15). ☑ Tendre la joue.
5 Tendre au fer de Calchas une tête innocente.
Racine, Iphigénie, IV, 4.
6 Il m'a considéré sans mot dire et m'a donné une gifle. Quelle sensation affreuse ! Alors, j'ai pensé… j'ai cru… j'ai… oui, j'ai tendu l'autre joue. Il m'a donné une gifle sur l'autre joue.
G. Duhamel, Salavin, Journal, 5 juin.
b ☑ Loc. fig. Tendre l'oreille : s'efforcer d'écouter (cit. 7), de mieux entendre (→ Concluant, cit. 2; rater, cit. 10). ⇒ Dresser (I., 2.), prêter.
c ☑ (XVIIIe). Fig. Tendre son esprit : appliquer son attention, sa réflexion avec intensité et effort (⇒ Tension). || Tendre son attention, son énergie. ⇒ Concentrer. — REM. Dans ces emplois, tendre a en même temps le sens II, « diriger vers ». → Attendre et entendre (étym.).
d (V. 980). Présenter (qqch.) à qqn. ⇒ Passer; présenter (I., 3.; → Éponge, cit. 3; goupillon, cit. 3). || Tendre un paquet de cigarettes (→ 1. Feu, cit. 34), un stylo (→ Signer, cit. 2) à quelqu'un.
———
II (980). V. tr. indir. (suivi de à, vers).
1 Vieilli. Aller, se diriger (vers). || « Les lignes suivant lesquelles tend cette action » (→ 1. Rayon, cit. 4, Descartes). || Des gens « qui couraient sans savoir où tendaient leurs pas » (Fénelon). ⇒ Aboutir. — Par métaphore. || Tendre l'un vers l'autre. ⇒ Chercher (se).
♦ Mécan. Se diriger, incliner (II., 1.) vers… ⇒ Tendance (→ Attraction, cit. 2). — Par métaphore. || Tendre à un centre (cit. 18).
2 (XVe). Avoir un but, une fin et s'en rapprocher, d'une manière délibérée (et, généralement, avec l'idée d'effort, par influence du sens I). ⇒ Intention. || Tendre à un but (cit. 5). ⇒ Efforcer (s'), travailler (à), viser (à). || Tendre à la perfection (cit. 5), vers la perfection. ⇒ Aspirer. || Tendre à être heureux. ⇒ Attacher (s'), prétendre. — L'âme tend vers l'idéal. ⇒ Chercher, désirer, graviter (fig.). → Bon, cit. 42.
7 Tous les hommes recherchent d'être heureux; cela est sans exception; quelques différents moyens qu'ils y emploient, ils tendent tous à ce but.
Pascal, Pensées, VII, 425 (cf. aussi VII, 477).
8 J'aime Manon; je tends au travers de mille douleurs à vivre heureux et tranquille auprès d'elle.
Abbé Prévost, Manon Lescaut, I, p. 97.
9 Il les espérait, il y travaillait, il y tendait; c'est encore un mot moderne pour exprimer qu'on veut une chose sans la vouloir, parce qu'elle est impossible.
A. de Gobineau, les Pléiades, II, VI.
♦ (Le sujet désigne un sentiment, un acte). Aller vers (tel but), par un projet (supra cit. 5); « être combiné de manière à aboutir à une fin » (Hatzfeld). || Activités, décisions, paroles qui tendent à…, vers… ⇒ Orienter (s'). || « Tout doit tendre au bon sens » (→ Glissant, cit. 4). || Efforts qui tendent au même résultat. ⇒ Concorder, concourir, confluer, conspirer, contribuer, converger.
10 Qu'importe que César continue à nous croire,
Pourvu que nos conseils ne tendent qu'à sa gloire (…)
Racine, Britannicus, I, 2.
11 Son premier acte dans l'assemblée fut de déposer un projet « tendant » à l'érection d'un monument expiatoire (…)
France, le Chat maigre, Œ., t. II, II, p. 150.
3 (Fin XIIe). || Tendre à…, vers…, se dit de ce qui, par sa nature, doit ou semble devoir atteindre tel but ou s'effectuer dans telle direction. || Le but vers lequel tend nécessairement l'amour (→ Revanche, cit. 8). || Les passions qui tendent au bien (→ 1. Faux, cit. 29). || Tendre à la ruine. ⇒ Courir, marcher (fig.), tourner (à la catastrophe, etc.). — (Avec un inf.). || La force des choses tend à détruire (cit. 22) l'égalité (→ aussi Monde, cit. 45).
12 On incline à, en effet, et on penche à — le complément étant un verbe qui exprime un acte ou un sentiment —; on n'incline et on ne penche pas vers des objets. C'est exactement la différence… entre tendre à et tendre vers où nous ramenions toute la distinction entre de simples impulsions et de vraies tendances.
M. Pradines, Traité de psychologie générale, t. I, p. 168.
♦ (Sens affaibli). Conduire, mener à… (tel effet) sans le réaliser pleinement. || Ce qui tend à prouver (→ Chance, cit. 8). — Le nez mince, tendant un peu à l'aquilin (→ Ovale, cit. 4), presque aquilin.
4 Sc. Être capable de subir, de produire un changement, une transformation, par la seule suppression d'un obstacle. || Les corps pesants tendent à tomber.
5 Être de plus en plus voisin d'une valeur limite. || « Le terme auquel le fini tend toujours sans y arriver » (→ Infini, cit. 22). || Variable qui tend vers zéro.
➪ tableau Verbes exprimant une idée de mouvement.
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tendu, ue p. p. adj.
ÉTYM. (XIe-XIIe, nerfs tendus).
1 Rendu droit par traction (→ ci-dessus I., 1.). || Corde tendue, fil tendu. ⇒ Droit (→ 2. Plan, cit. 2; résistance, cit. 23, par métaphore). || Une manœuvre (1. Manœuvre, cit. 3) tendue raide. || Écheveau bien tendu (→ Dévidage, cit. 1). — Filets, pièges (cit. 6) tendus. — Toiles tendues sur un châssis (→ Praticable, cit. 3). — Peau tendue (→ Dinde, cit. 2), tendue comme un tambour. || Ventre tendu. ⇒ Gonflé. — Par ext. Lisse. || Peau luisante et tendue (→ Gras, cit. 15).
13 (La peau) tendue sur les os, non du fait d'une maigreur anormale ou de la maladie, mais parce que cette tension semble, comme l'intensité du regard (ni curieux, ni effronté, seulement tendu lui aussi, intense, attentif, grave), leur nature même (…)
Claude Simon, le Vent, p. 46.
♦ Ressort tendu, remonté. || Muscles tendus (⇒ Ton, tonus). || Jarret (cit. 2) tendu. || Nerfs tendus (→ Intense, cit. 2). — (XXe). || Tir tendu, dont la trajectoire, ou une partie, est proche d'une droite (opposé à courbe).
♦ Tapissé. || Chambre tendue d'un papier historié (cit. 2). → aussi Noix, cit. 5.
2 (1580). Par métaphore, fig. || Esprit tendu (→ Agitation, cit. 4), volonté tendue, qui s'applique avec effort à un objet.
♦ (Personnes). Dans un état de tension morale. || Tendu, irritable (cit. 3)… — Visages silencieux et tendus (→ Menaçant, cit. 1). || Regard tendu. — Style tendu, où l'on sent l'effort. — Spécialt. || Cours de bourse tendus.
14 Je ne suis pas entêté, je suis tendu : je ne sais pas me laisser aller.
Sartre, L'Âge de raison, p. 176.
3 (1867). Difficile; qui menace de se dégrader, de rompre. || Avoir des rapports tendus (→ Conflit, cit. 3), des relations tendues avec quelqu'un. || Situation (cit. 1) tendue.
4 Que l'on tend, que l'on avance (→ ci-dessus, I., 2.). || Main tendue. ☑ Fig. Politique de la main tendue, de bonne entente ou de réconciliation. — Bras tendus et levés (→ Cadencer, cit. 4). ☑ Loc. À bras tendus : à bout de bras. || Paumes tendues (→ Garçon, cit. 26). — Poings tendus, levés (→ Revendication, cit.). — Oreille tendue.
15 Il écartait à bras tendus deux jeunes arbres, et, penché sur l'eau, surveillait une ablette.
Giraudoux, Juliette au pays des hommes, VIII.
16 Le procureur s'est alors levé, très grave et d'une voix que j'ai trouvée vraiment émue, le doigt tendu vers moi, il a articulé lentement : Messieurs (…)
Camus, l'Étranger, p. 133.
5 Vx. Qui tend (II.) à…, vers quelque chose.
6 (XXe). Phonologie. Se dit d'un phonème dont la réalisation se caractérise par une déformation plus grande de l'appareil vocal (opposé à lâche) par rapport à sa position de repos.
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CONTR. Assouplir, détendre; reculer, retirer; relâcher. — Écarter (s'), fuir. — (Du p. p.) Ballant, flasque, lâche, large. — Décontracté, détendu.
DÉR. Tendage, tendance, tendant, tende, tendelle, tenderie, tendeur, tendières, tendoir, tendon, tendue. — (Du même rad.) Tenderolle. — V. aussi tenseur, tension; tente, tenture; étendre.
COMP. Détendre, retendre, sous-tendre, surtendre.
HOM. 2. Tendre.
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2. tendre [tɑ̃dʀ] adj. et n. m.
ÉTYM. V. 1050, Alexis; du lat. tener, eri; a signifié en anc. franç. aussi « délicat, sensible; léger; changeant ».
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1 (V. 1200). Qui se laisse facilement entamer, qui oppose une résistance relativement faible. ⇒ Mou. || Chair, peau tendre (premier emploi). || Avoir la plante des pieds (→ Envergure, cit. 4), la paume des mains tendre. — Spécialt. (En parlant de choses comestibles). || Croûte tendre (d'une galette). → Fondre, cit. 16. || Haricots (2. Haricot, cit. 1) verts et tendres. || Viande tendre (→ Lit, cit. 28; saisir, cit. 18), tendre comme la rosée (⇒ Tendreté). || Pain tendre. ⇒ Frais. || « L'herbe tendre » (→ Faim, cit. 2, La Fontaine; et aussi herbe, cit. 14).
1 Ça, déjeunons, dit-il. Vos poulets sont-ils tendres ?
La Fontaine, Fables, IV, 4.
♦ Moins dur, moins résistant que d'autres, dans son genre. || Métal tendre (vx). || Mur (cit. 13) de pierre tendre. || Roche tendre; grès (→ 2. Mollasse, cit.), schiste tendre et feuilleté (cit. 5). || Bois tendres, dénomination commerciale des résineux (par opposition aux feuillus, dits bois durs).
2 (Du sens 1, en parlant des végétaux). Qui est fortement éprouvé par les actions physiques (⇒ Délicat, fragile) parce qu'il est au début de son développement. || Bois de printemps, encore tendre. || Bourgeon tendre (→ Bois, cit. 24). || Fleurs tendres et délicates (→ Coton, cit. 5; et aussi fille, cit. 15, par métaphore). — Tendres germes (Buffon). || Tendres agneaux (→ Brebis, cit. 2).
2 (…) je suis comme un enfant, dont les organes encore tendres sont vivement frappés par les moindres objets.
Montesquieu, Lettres persanes, XLVIII.
3 J'avais un peu plus de vingt ans; mais je n'eus vingt ans qu'assez tard; j'étais encore tendre et neuf.
Gide, Journal, mars-avril 1910, « Elche ».
♦ (1580). Par métonymie. || Âge (cit. 27 et 28) tendre. — Tendre jeunesse (→ Désarmer, cit. 5); tendre enfance (cit. 1 et 2).
3 Fig. et vieilli. a Qui ressent vivement; qui peut être blessé par… (une action physique). ⇒ Délicat, douillet. || Il est trop tendre. (XVIe). || Cheval qui a la bouche tendre, trop sensible au mors. — Vue tendre, fragile (→ Œil, cit. 6). — Par métaphore. || « (Songez) Que cet honneur est tendre et se blesse de peu » (Molière, l'École des femmes, III, 2).
♦ Vx. || Tendre à… : qui ressent vivement. ⇒ Sensible. || Cheval tendre à l'éperon, aux mouches. ☑ Fig. Être tendre aux mouches (Mme de Sévigné), sensible aux moindres incommodités, aux moindres offenses.
b Vieilli. Qui ressent avec force une action morale, qui cède aux impressions. ⇒ Impressionnable; sensible (I., 2.). || Cerveau, cœur, conscience, imagination tendre.
4 D'où vient (…) que l'on a honte d'y pleurer (au théâtre) (…) Est-ce une peine que l'on sent à laisser voir que l'on est tendre (…)
La Bruyère, les Caractères, I, 50.
5 David était une de ces natures pudiques et tendres qui s'effraient d'une discussion, et qui cèdent au moment où l'adversaire leur pique un peu trop le cœur.
Balzac, Illusions perdues, Pl., t. IV, p. 474.
c (1559). || Tendre à… : facilement accessible à…; qui se laisse aller, qui cède à… || « Vous êtes donc bien tendre à la tentation » (→ Chair, cit. 51), accessible. || Coquette (cit. 4)… tendre à la fleurette. || « Moi qui suis tendre aux larmes » (Mme de Sévigné, 1er juil. 1672).
6 Mais un cœur à leurs vœux moins facile et moins tendre.
Molière, le Misanthrope, II, 1.
4 Qui concerne la sensibilité, les affections douces (⇒ Tendresse). a (1080). Personnes. Qui est très accessible aux sentiments altruistes (⇒ Sensible, I., 2., spécialt), aux émotions et aux sentiments d'attachement (⇒ Affection, amour, sympathie; pitié…) et y trouve un plaisir moral. || Une personne tendre, un cœur (→ Image, cit. 55; néant, cit. 8), une âme (cit. 66) tendre. ⇒ Affectueux, aimant, doux, sentimental. → Extrême, cit. 11. || La plus tendre des mères (→ Maman, cit. 5). || Tendre épouse (→ Résister, cit. 17). ⇒ Amoureux. || Plus voluptueuse que tendre… (→ Dépraver, cit. 5). — (T. d'affection). || Ma tendre amie… (→ Impression, cit. 13).
7 (…) un cœur trop affectueux, trop aimant, trop tendre, qui, faute d'en trouver d'existants qui lui ressemblent, est forcé de s'alimenter de fictions.
Rousseau, les Confessions, I.
8 C'était pour le bonhomme une insupportable et irritante anxiété de se sentir si tendre et si éploré au dedans et de ne pouvoir être que dur au dehors.
Hugo, les Misérables, IV, VIII, VII.
♦ N. (XXe). || Un, une tendre. || C'est un tendre. → Résonance, cit. 2.
♦ Spécialt. Qui manifeste de la tendresse, qui se comporte comme un amoureux tendre. || Le vin le rend tendre. ⇒ Câlin, cajoleur. — Par métonymie. || Il a le vin tendre.
♦ Fam. et par euphém. || N'être pas tendre pour qqn : être sévère, impitoyable. ⇒ Critique (→ Étrivière, cit. 5).
b (En parlant des états affectifs). Qui présente un caractère de douceur et de délicatesse (spécialt, en parlant de l'amour). || Sentiment tendre. ⇒ Affection; affectueux (cit. 2); → Douleur, cit. 10; épurer, cit. 3; héritier, cit. 21; pudeur, cit. 1; renforcer, cit. 1. || Tendre affection (→ Intimement, cit. 2). || Une pitié (cit. 13) si tendre. || Une tendre émotion (→ Aube, cit. 10). || Tendre amitié (→ Bras, cit. 24; possession, cit. 9); tendre confiance (→ Époux, cit. 11). || Le tendre instinct (cit. 28) du cœur. || Tendres engagements (cit. 10). || Aventure naïve et tendre. ⇒ Idylle. || Amour tendre, où le sentiment d'affection domine. || « Deux pigeons s'aimaient (cit. 67) d'amour tendre. »
9 Ces unions de cœurs, et ces tendres pensées
Du commerce des sens si bien débarrassées.
Molière, les Femmes savantes, IV, 2.
10 (…) et, au contraire, dans toutes les misères de ma vie, je me sentais constamment rempli de sentiments tendres, touchants, délicieux, qui, versant un baume salutaire sur les blessures de mon cœur navré, semblaient en convertir la douleur en volupté (…)
Rousseau, Rêveries…, VIIIe promenade.
11 L'amour est chez eux un sentiment tendre, profond, affectueux, bien plus qu'une passion. C'est une volupté intérieure qui use et tue.
Renan, Souvenirs d'enfance…, I, III, Œ. compl., t. II, p. 743.
c (Actes, choses). Qui manifeste l'affection, l'amour tendre (avec une valeur plus forte que affectueux). || Tendres baisers, tendres caresses (cit. 1 et 13). || Tendre aveu (→ Équivaloir, cit. 4), tendres protestations (→ Ardent, cit. 28) : aveu, protestations de tendresse. || Tendres soupirs (→ Prouver, cit. 8). || Épanchements tendres et mélancoliques (→ Méditation, cit. 8). || Propos légers et tendres. ⇒ Fleurette; roucouler. || Gronderie (cit. 1) tendre. ⇒ Gentil (4.). || Ses lettres devinrent moins tendres (→ Inquiétude, cit. 14). — (1667). || Regard, air tendre. ⇒ Câlin, caressant, doux, langoureux. || Des yeux tendres (→ Gazelle, cit.; passion, cit. 18). || Faire les yeux tendres à qqn. || Sourire gracieux et tendre.
12 On parlait de Debussy. — Il est si tendre ! disait Mme X… — Oh ! non, Madame : il est câlin, reprenait Mme Debussy.
Gide, Journal, 8 févr. 1908.
13 Il est vrai que, privé comme je suis, je ferais des yeux tendres à une servante de bistrot.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. III, XI, p. 154.
5 Vx. Qui suscite une émotion, un sentiment doux et délicat. ⇒ Attendrissant. — Par ext. Touchant, gracieux. || « Mais la tendre élégie (cit. 2) et sa grâce touchante ». ⇒ Élégiaque. || Air tendre (→ Musique, cit. 10). — Le tendre Lamartine (→ Lac, cit. 3). — Allus. littér. || Le tendre Racine (→ 1. Coulant, cit. 3; et aussi moins, cit. 8).
6 (XVIIIe). Qui est doux, atténué. || Lumière tendre (vx). — Couleurs, coloris tendres (→ Paon, cit. 1) : bleu (→ Bâtiment, cit. 9), lilas (cit. 3), rose (→ Nuance, cit. 2), vert tendre (→ Gamme, cit. 8; rotonde, cit. 2). ⇒ Pastel.
14 (…) la nappe jonchée de fleurs jetait aux plastrons des reflets tendres.
J. Romains, les Hommes de bonne voloné, t. III, XIV, p. 185.
♦ Par métonymie. || Soies tendres (→ Satin, cit. 3; et aussi pistache, cit. 2).
7 N. m. (1656). Vx (langue class.). Au sens 4. Les sentiments, les émotions tendres (emploi à la mode au XVIIe). || Pousser le doux, le tendre et le passionné (cit. 10). || Le pays, le royaume de Tendre, conçu par Mlle de Scudéry (→ Gourme, cit. 3), qui en imagina la carte dite carte (cit. 22) de Tendre (→ Repère, cit. 4). || Tendre sur Estime, sur Inclination (cit. 11, Mlle de Scudéry).
15 Puis la belle marquise laissa sa rivale voyager sur la carte moderne du pays de Tendre, qui n'est pas une conception aussi ridicule que le pensent quelques personnes. Cette carte se regrave de siècle en siècle avec d'autres noms et mène toujours à la même capitale.
Balzac, le Cabinet des Antiques, Pl., t. IV, p. 386.
♦ Vx (langue class., notamment, usage précieux du XVIIe). Sentiment tendre. || Avoir un furieux (cit. 7) tendre pour… ⇒ Penchant.
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CONTR. Coriace, dur, cruel, desséché, dur (fig.), froid, haineux, rigoureux, sec, sévère.
DÉR. Tendrement, tendrelet, tendresse, tendret, tendreté.
COMP. Attendrir.
HOM. 1. Tendre.
Encyclopédie Universelle. 2012.