escompter [ ɛskɔ̃te ] v. tr. <conjug. : 1>
• 1675; it. scontare « décompter », de contare → compter
1 ♦ Fin. Payer (un effet de commerce) avant l'échéance, moyennant une retenue (⇒ escompte). Escompter un billet à ordre, une lettre de change. Une banque qui escompte des effets peut recourir au réescompte de la Banque de France en payant le taux d'escompte central (effets bancables, mobilisables).— Par ext. Faire escompter un effet, se le faire payer d'avance. « escomptez les lettres de change que vous obtiendrez. Enfin, ayez de l'argent comptant à tout prix » (Stendhal).
2 ♦ (XIXe) Fig. Vieilli Jouir d'avance de; dépenser d'avance. ⇒ anticiper. Escompter un héritage : employer d'avance l'argent qu'on en attend. « Étrange aveuglement que d'escompter ainsi son avenir ! » (A. Karr ). ⇒ hypothéquer.
3 ♦ (fin XIXe) Mod. S'attendre à (qqch.) et se comporter, agir en conséquence. ⇒ attendre, compter (sur), espérer, prévoir, tabler (sur). « il escomptait le mécontentement produit chez les bouilleurs de cru par la suppression de leur privilège » (Péguy). Escompter faire qqch. J'escompte qu'il réussira. — « il reconnaît alors qu'il n'a plus grand désir pour cette félicité trop escomptée » (A. Gide).
⊗ CONTR. Conserver, épargner, garder. Craindre.
● escompter verbe transitif (italien scontare, décompter) Faire une opération d'escompte. Négocier un effet de commerce. (L'opération s'effectue par la cession de l'effet au banquier [par endossement] et par le paiement immédiat, au porteur de l'effet, du montant de la valeur nominale de celui-ci, diminué des agios d'escompte.) ● escompter verbe transitif (de escompter) Compter sur quelque chose, le prévoir, l'espérer et se comporter en conséquence ; tabler sur : Il escompte que la chance lui sourira. ● escompter (synonymes) verbe transitif (de escompter) Compter sur quelque chose, le prévoir, l'espérer et se comporter en...
Synonymes :
- attendre
- espérer
- supputer
- tabler sur
Contraires :
- craindre
escompter
v. tr.
d1./d FIN Prélever l'escompte sur (une traite payée avant l'échéance). Escompter un billet à ordre.
d2./d Fig. Compter sur. Escompter la réussite à un examen.
⇒ESCOMPTER, verbe trans.
A.— Acheter ou vendre un effet de commerce non échu, sous déduction d'une remise calculée selon le temps restant à courir jusqu'à l'échéance. J'ai avancé de l'argent dessus. Pour rendre service à Rosalie, je les lui ai escomptés [des billets] (ZOLA, Argent, 1891, p. 157). Mon père avait à Courbevoie un marchand de vins (...) chez lequel il escomptait quelquefois des billets de complaisance, quand il avait besoin d'argent (LÉAUTAUD, Amours, 1906, p. 241) :
• 1. ... des intrigants empressés de profiter du malheur des temps, offrirent d'escompter les billets à 3, 4, 5, 6 % de perte...
MARAT, Pamphlets, Nouv. dénonciation contre Necker, 1790, p. 190.
— P. ext. ,,Escompter des valeurs se dit de l'Acheteur à terme qui se fait livrer, avant l'échéance, des titres achetés ferme ou à prime`` (Ac. 1932).
B.— P. méton. Calculer et effectuer la remise lors de l'achat ou de la vente d'un effet de commerce non échu. Quand un banquier paie une lettre de change avant l'échéance, il escompte l'intérêt du temps (Ac.). Cf. aventurer ex. 2.
C.— Au fig.
1. Vieilli
a) Escompter sur son avenir. Compter sur un avenir hypothétique :
• 2. Votre Olivier (...) attendrait un jour un héritage; il l'escompterait d'avance sur la garantie de sa bonne étoile, et l'héritage arriverait à heure fixe.
FROMENTIN, Dominique, 1863, p. 214.
b) Calculer, prévoir. J'avais fondé quelques espérances sur l'opéra des « Martyrs », car nous nous escomptons toujours le succès, nous autres amants de la bleue déesse, l'Espérance! (BALZAC, Gambara, 1837, p. 63). Ils [ses fils] n'avaient pas dix ans, qu'elle escomptait déjà en rêve leur avenir (ZOLA, Fortune Rougon, 1871, p. 59).
2. Usuel. Espérer, en ayant de bonnes raisons de voir ses espoirs réalisés.
a) [Le compl. d'obj. est un subst.] L'armée serbe était entièrement à reconstituer et nous ne pouvions en escompter avant plusieurs mois aucun service (JOFFRE, Mém., t. 2, 1931, p. 164).
b) [Le compl. d'obj. est un procès]
— [Le procès est exprimé par un verbe à l'inf.] :
• 3. Un jour, Fox s'arrêta devant lui [un vieil adjudant] et lui dit (...) : « Il faut que vous ayez tué beaucoup d'Allemands pour avoir reçu tant de médailles? » S'il escomptait l'embarrasser, il dut être déçu, car l'autre lui répliqua tout bonnement : « Mais, (...) je pense bien! »
AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p. 105.
— [Le procès est exprimé par une prop. complétive introduite par que + verbe au futur ou au cond. à valeur temporelle] Il était permis d'escompter que l'irruption allemande serait sans retard endiguée (FOCH, Mém., t. 2, 1929, p. 52) :
• 4. ... les marraines de guerre, cette admirable invention de l'arrière pour maintenir chez le poilu une légère chaleur amoureuse, dont on escompte bien qu'il la transformera tout entière en ardeur patriotique.
ROMAINS, Hommes bonne vol., 1938, p. 232.
Rem. On rencontre ds la docum. qq. ex. du part. passé adj. escompté, ée. Espéré. Le peu qui nous restait de forces s'épuisait à conjurer cette épaisse et morne atmosphère de veulerie où nous sentions lentement s'enfoncer le kommando. Aussi le soir nous était-il à tous un havre escompté et chéri (AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p. 72). Sa déclaration ne produisit pas l'effet escompté (DRUON, Gdes fam., t. 2, 1948, p. 202).
Prononc. et Orth. :[], (j')escompte []. Ds Ac. dep. 1718. Étymol. et Hist. 1. 1675 « payer à quelqu'un la somme qui lui est due avant l'échéance, moyennant une retenue » (J. SAVARY, Le Parfait négociant, Paris, t. 1, p. 9 ds DG); 2. 1732 « compter sur, prévoir » (LESAGE, Gil Blas de Santillane, p. 925 : j'escomptai ses visites [du médecin]). Empr. à l'ital. scontare « décompter », attesté dep. XIIIe s. (Jacopone d'apr. DEI), dér. de contare (compter). Fréq. abs. littér. :264. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 302, b) 117; XXe s. : a) 295, b) 624.
DÉR. 1. Escomptable, adj. Qui peut être escompté. a) [En parlant d'un effet de commerce non échu] Qui peut être vendu avant terme, sous déduction d'une retenue. Un papier de commerce escomptable (Ac. 1932). b) Au fig. Qui peut être prévu avec de bonnes raisons de voir ses prévisions réalisées. Les jeux d'entreprises, qui permettent, en remettant à des chefs d'entreprises, des dossiers fictifs, et en enregistrant leurs décisions, de calculer (...) les conséquences qui résulteraient de ces décisions, en tenant compte d'aléas normalement escomptables (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 2, 1964, p. 120). — []. Ds Ac. 1932. — 1re attest. 1867 (DE WARU, Enquête sur la banque, p. 173 ds LITTRÉ Suppl.); de escompter, suff. -able. 2. Escompteur, euse, subst. a) Subst. masc. Celui qui achète des effets de commerce non échus. Le commerce de l'escompteur consiste à savoir si trois signatures donneront chacune trente pour cent en cas de faillite (BALZAC, Illus. perdues, 1843, p. 482). Gobseck l'escompteur, le jésuite de l'or (BALZAC, Paysans, 1844-50, p. 243). En appos. Un banquier escompteur (Ac. 1878-1932). b) Subst. masc. ou fém. Celui, celle qui fait des projets fondés sur de bonnes raisons d'espérer. Péj. Il n'y a pas de pire escompteuse de l'irréel que la république conservatrice. Il n'existe pas de chimère radicale ou socialiste, point (...) d'utopie qui suppose réalisées un aussi grand nombre de conditions irréelles et d'ailleurs irréalisables (MAURRAS, Kiel et Tanger, 1914, p. CXV). — []. Ds Ac. dep. 1878. — 1res attest. 1548 (RABELAIS, Quitt. autographe ds DG : Benvenute Olivier, escompteur de Rome), attest. isolée; 1783 (L.-S. MERCIER, Tabl. Paris, t. 5, p. 269); de escompter, suff. -eur2; l'ex. de 1548 représente prob. un calque de l'ital. scontatore (dep. 1re moitié XIVe s., Sennuccio del Bene ds TOMM.-BELL.), dér. de scontare (escompter). — Fréq. abs. littér. : 39.
BBG. — HOPE 1971, p. 285.
escompter [ɛskɔ̃te] v. tr.
ÉTYM. 1675, Savary; ital. scontare « décompter », de contare (→ Compter), ou dér. de escompte, attesté antérieurement.
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1 Fin. Payer (un effet de commerce) avant l'échéance, moyennant une retenue (⇒ Agio, commission, escompte). || Escompter un billet à ordre, une lettre de change. || La Banque de France n'escompte que les effets revêtus d'au moins trois signatures (papier bancable). || Escompter un effet à un taux élevé, faible, à un taux de faveur. || Faire escompter une traite.
0.1 Emma s'embarrassait un peu dans ses calculs, et les oreilles lui tintaient comme si des pièces d'or, s'éventrant de leurs sacs, eussent sonné tout autour d'elle sur le parquet. Enfin Lheureux expliqua qu'il avait un sien ami Vinçart, banquier à Rouen, lequel allait escompter ces quatre billets, puis il remettrait lui-même à Madame le surplus de la dette réelle. Mais, au lieu de deux mille francs, il n'en apporta que dix-huit cents, car l'ami Vinçart (comme de juste) en avait prélevé deux cents, pour frais de commission et d'escompte. Puis il réclama négligemment une quittance. — Vous comprenez…, dans le commerce…, quelquefois… Et avec la date, s'il vous plaît, la date.
Flaubert, Mme Bovary, Folio, p. 356.
♦ Par ext. || Faire escompter un effet, se le faire payer d'avance.
1 Consentez un rabais sur le prix de cette terre s'il le faut, ou escomptez les lettres de change que vous obtiendrez. Enfin, ayez de l'argent comptant à tout prix.
Stendhal, Mina de Vanghel, Pl., t. II, p. 1171.
♦ Fig. Accepter comme ayant une valeur réelle, sûre.
2 (…) un critique affirme sans vergogne que, quelque beau que soit le génie de M. Poe, il eût mieux valu pour lui n'avoir que du talent, parce que le talent s'escompte plus facilement que le génie.
Baudelaire, E. Poe, sa vie et ses ouvrages, I.
2 (XIXe). Vieilli. Jouir d'avance de, dépenser d'avance. ⇒ Anticiper. || Escompter un héritage, employer d'avance l'argent qu'on en attend. — Escompter sa jeunesse, la consommer rapidement, prématurément. || Escompter son avenir. ⇒ Compromettre, hypothéquer.
3 Courir de maîtresse en maîtresse
Passer ses jours en libertin
Dans la continuelle ivresse
Qui naît de l'amour et du vin (…)
C'est, en terme de banque, escompter sa jeunesse.
4 Étrange aveuglement, que d'escompter ainsi son avenir !
3 (Fin XIXe). Mod. S'attendre à (qqch.), compter sur (qqch.) et se comporter, agir en conséquence. ⇒ Attendre, compter (sur), espérer, prévoir, tabler (sur). → Attente, cit. 24. || Nous escomptons un grand succès. || Escompter la venue d'un ami. || Avoir autre chose que ce qu'on escomptait. || Il n'en escomptait pas tant. — Escompter (et inf.). || La majorité escomptait rallier ce parti. || Escompter que (et futur ou cond.). || J'escomptais qu'il viendrait.
5 On sait comme il comptait introduire le monopole de l'empoisonnement; il escomptait le mécontentement produit chez les bouilleurs de cru par la suppression de leur privilège; le jeu était simple, au moins sur l'échiquier parlementaire (…)
Ch. Péguy, la République…, p. 60.
6 Et, quand enfin l'événement est à ce point préparé qu'il n'y ait plus qu'à laisser venir, la détente qu'il éprouve alors lui permet de réfléchir; il reconnaît alors qu'il n'a plus grand désir pour cette félicité trop escomptée.
Gide, Journal, 9 mai 1918.
7 Jerphanion qui escomptait cette offre, qui la désirait, répondit avec le moins d'élan possible (…)
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. II, XV, p. 162.
8 Dans toutes ses lettres à madame Hanska, l'incomparable illusionniste (Balzac) annonce l'imminent achèvement de quelqu'une de ses pièces, dont la plupart du temps pas une ligne n'était écrite, ce qui ne l'empêchait nullement d'en escompter la réussite et d'en supputer le bénéfice.
Émile Henriot, les Romantiques, p. 313.
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CONTR. Conserver, épargner, garder. — Craindre, refuser.
DÉR. Escomptable, escompteur.
COMP. Réescompter.
Encyclopédie Universelle. 2012.