grimace [ grimas ] n. f.
1 ♦ Expression caricaturale du visage due à la contraction de certains muscles faciaux. Les grimaces comiques d'un clown. Faire une grimace à qqn par dérision, pour provoquer. Enfants qui s'amusent à se faire des grimaces. Grimace de dégoût, de douleur. Grimace convulsive (⇒ tic) . « il se renvoyait des grimaces [dans la glace]. Il fronçait le nez, tirait la langue » ( Courteline).
♢ Fig. Faire la grimace : manifester son mécontentement, son dégoût. ⇒ bouder, se renfrogner. Loc. fam. La soupe à la grimace : accueil hostile d'une épouse acariâtre; par ext. attitude maussade d'une personne mécontente.
2 ♦ Fig. et vx Mine affectée par feinte. ⇒ dissimulation, frime, hypocrisie. « la grimace de la vertu » (Flaubert). — Loc. prov. On n'apprend pas à un vieux singe à faire la grimace.
♢ Au plur. Littér. Politesses exagérées. ⇒ façon, simagrée, singerie. Voilà bien des grimaces !
3 ♦ Archéol. Figure grotesque sculptée sur les sièges des stalles.
4 ♦ Mauvais pli (d'une étoffe, d'un habit).
● grimace nom féminin (ancien français grimuche, du francique grima, masque) Contorsion de certains muscles du visage qui traduit un sentiment de douleur, de dégoût, etc. : Une grimace de désapprobation. Toute contorsion des muscles du visage qui enlaidit : Enfant qui s'amuse à faire des grimaces. Faux pli d'un habit, d'une étoffe : Couture mal montée qui fait une grimace. Figure grotesque sculptée sur les stalles d'église, surtout au XVe s. ● grimace (citations) nom féminin (ancien français grimuche, du francique grima, masque) Jules Renard Châlons, Mayenne, 1864-Paris 1910 Le sourire est le commencement de la grimace. Journal, 7 janvier 1893 Gallimard ● grimace (expressions) nom féminin (ancien français grimuche, du francique grima, masque) Faire la grimace, marquer du mécontentement, du dépit, du dégoût, du mépris, etc. ; se renfrogner, faire la moue. ● grimace (synonymes) nom féminin (ancien français grimuche, du francique grima, masque) Contorsion de certains muscles du visage qui traduit un sentiment...
Synonymes :
- moue
- rictus
grimace
n. f.
d1./d Contorsion du visage.
— Loc. fig. Faire la grimace: marquer du déplaisir.
d2./d Faux pli d'une étoffe, d'un habit.
d3./d Plur. Fig. Manières feintes. Les grimaces de la politesse.
⇒GRIMACE, subst. fém.
A. — 1. Déformation momentanée du visage provoquée par une contraction volontaire ou non de certains muscles de la face. Avoir une grimace (rare), faire une grimace; légère, vilaine grimace. Pierre laissa échapper une grimace que, seul, le président surprit au passage (DURANTY, Malh. H. Gérard, 1860, p. 275). Par des grimaces on singeait sa laideur, laquelle devenait de plus en plus frappante (LACRETELLE, Silbermann, 1922, p. 83) :
• 1. ... dans le cadre rond de sa glace (...) il se renvoyait des grimaces. Il fronçait le nez, tirait la langue, s'arrondissait la bouche en cœur, et par moment, entre ses dents, tandis qu'il donnait de la main un retroussis coquet à sa longue moustache, il fredonnait sur l'air de la Botte à coco...
COURTELINE, Train 8 h 47, 1888, 1re part., 1, p. 12.
♦ Grimace de singe. Grimace particulièrement grotesque. Peu à peu entraînée par les suggestions méphistophéliques de Lorrain, qui fait des grimaces de singe, quand elle va de l'avant, elle arrive à nous conter des choses monstrueuses sur Méténier (GONCOURT, Journal, 1893, p. 393).
♦ Faire la grimace (rare), une/des grimace(s), à qqn. Regarder (quelqu'un) en faisant une/des grimace(s) pour le provoquer ou le faire rire. Il lui prenait des fantaisies d'aller apparaître à son tour à la lucarne de la chapelle, ne fût-ce que pour avoir le plaisir de faire la grimace à ce peuple ingrat (HUGO, N.-D. Paris, 1832, p. 59). Elle fait une belle grimace avec double pied de nez aux spectateurs et leur jette des balles qu'elle a dans son corsage (APOLL., Tirésias, 1918, I, 1, p. 886).
— P. anal. [En parlant d'un animal] [J'ai sous les yeux la Chasse aux lions de Rubens] Mais l'animal se retourne avec une grimace horrible vers un autre combattant étendu tout à fait par terre (DELACROIX, Journal, 1847, p. 168).
— Loc. Un vieux singe se connaît, s'y connaît en grimaces; on n'apprend pas à un vieux singe à faire la grimace.
2. [Construit avec un compl. prép. de désignant une partie du visage] Déformation momentanée d'(une partie du visage). Grimace de la bouche. Le ministre avait eu un ton courtois, mais ferme; le commandant de Saint-Brix, un froncement du sourcil droit et une grimace des lèvres (ROMAINS, Copains, 1913, p. 189). Dans la flamme brève qui jaillit, nous aperçûmes (...) la grimace de ses yeux blessés par la clarté trop vive (GENEVOIX, Boue, 1921, p. 23).
3. [Construit avec un compl. prép. de ou un adj. désignant un affect ou une attitude] Déformation des traits du visage exprimant ou signifiant (quelque chose). Ce geste et l'inspection du costume et du bagage de l'étranger que la Thénardier passa en revue d'un coup d'œil firent évanouir la grimace aimable et reparaître la mine bourrue (HUGO, Misér., t. 1, 1862, p. 481). Bébé ne goûta pas le jeu. Une grimace de déplaisir plissa le coin de ses lèvres et la lumière des yeux perdit toute portée métaphysique (MALÈGUE, Augustin, t. 2, 1933, p. 215) :
• 2. — Eugène, fait-elle enfin, après un long silence, faut pas regarder aujourd'hui à me dire tout... C'est la phrase la plus hardie qu'elle ait sans doute jamais prononcée, car il ne souffre pas qu'on l'interroge, et même à ce moment il n'a pu réprimer une grimace de colère, une double ride au coin de ses lèvres rusées, qui d'ailleurs s'efface aussitôt.
BERNANOS, M. Ouine, 1943, p. 1476.
SYNT. Grimace de dégoût, de douleur, de mépris; grimace approbative, admirative, amère, dégoûtée, douloureuse.
4. Dans des loc. [Grimace est employé seul précédé de l'art. déf.]
— Faire la grimace (devant, à qqc.). Manifester par l'expression de son visage un sentiment de répugnance pour (quelque chose). Synon. faire la moue. Le choix des armes revenait de droit au bon Ayvaz; mais le notaire et ses témoins firent la grimace en apprenant qu'il choisissait le sabre (ABOUT, Nez notaire, 1862, p. 47). Le remède n'est pas bon à prendre, et le malade fait la grimace (ALAIN, Propos, 1922, p. 422) :
• 3. Les cartes se disposaient en croix, une au centre, en paquets. La tireuse faisait la grimace au roi de pique : l'homme de la loi, c'est un flic; ses yeux s'agrandirent avec l'as de trèfle, devinrent rêveurs sur le sept de cœur; le bras de force, mon mignon. « J'appelle ça des patiences... à vrai dire, je me tire plutôt les cartes... »
ARAGON, Beaux quart., 1936, p. 355.
— Faire la grimace (à qqn). Manifester par son comportement du dépit, de l'hostilité, de la froideur envers (quelqu'un). Synon. faire grise mine. J'entrai donc bravement, et fus surprise de la plus agréable manière du monde, en voyant que ce logis renfrogné qui faisait la grimace aux passants souriait aux hôtes (GAUTIER, Fracasse, 1863, p. 193).
♦ (Faire) la soupe à la grimace (fam.). Faire à table (ou ailleurs) mauvais visage, mauvais accueil à quelqu'un. [René à l'acheteur de livres] (...) ici repas complet (...) de digestion facile. Tarte à la crème, soupe à la grimace (L. DE VILMORIN, Migraine, 1959, p. 131).
5. Dépréc. Expression du visage, généralement un rire ou un sourire, figée ou forcée. Après quelques minutes, l'air qu'une femme donne à sa figure devient grimace, et, dans un pays méfiant [l'Italie], la grimace doit être le comble du mauvais goût (STENDHAL, Rome, Naples et Flor., t. 1, 1817, p. 47). Son rire tournait à la grimace (MAURIAC, Désert am., 1925, p. 181).
— En partic., dans le domaine de la crit. artistique. Représentation outrée d'une expression. Léonard de Vinci recommande l'imitation des muets dans leur pantomine (...) mais la crainte de n'être pas compris pousse les muets jusqu'à l'excès du geste, et pourrait conduire le peintre aux grimaces (Ch. BLANC, Gramm. arts dessin, 1876, p. 526). Toutes ces grimaces du XVIIIe siècle, auxquelles aboutit le désir de saisir la vie au passage (LHOTE, Peint. d'abord, 1942, p. 62).
6. P. anal., COUT. Faux pli. Son amazone était courte, mais elle ne tombait pas assez droit, sans aucun pli. Une petite grimace ridait la fermeture de la jupe (GYP, Leurs âmes, 1895, p. 20). Un bouton bien cousu doit en effet, avoir une attache assez longue, formant queue, afin d'éviter les grimaces qui ne manqueraient pas de se produire avec un bouton cousu plat (DREYFUS, Manuel apiéceur, av. 1953, p. 14).
♦ Faire la grimace. Faire des faux plis. Cet habit, ce collet fait la grimace (Ac.).
B. — Au fig., dépréc.
1. Gén. au plur. Comportement feint et ridicule. Chapelle et Bachaumont, s'étaient agréablement moqués, dans leur fameux Voyage, des précieuses de campagne, de celles de Montpellier, et les avaient montrées dans leur cercle en séance et avec toutes leurs grimaces (SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 5, 1859, p. 324). C'est là qu'il fallait le voir, le ministre (...) le grand marchand de morale religieuse, le défenseur des saines doctrines, là qu'il se montrait sans masque et sans grimaces, tout son Midi dehors (A. DAUDET, N. Roumestan, 1881, p. 295). Parlons-en de ces vingt années! Vingt années de vanité et de grimaces! Même les lettres que vous m'adressiez étaient écrites pour la postérité. Vous n'êtes pas un ami, vous êtes un styliste! (CAMUS, Possédés, 1959, 3e part., 15e tabl., p. 1079) :
• 4. Le pauvre monde est bien bon : il admire. Nous jouons un beau drame devant lui et il est dupe de nos grimaces. Nous lui avons dit avec un air de mystère que nous cherchions la vérité, qu'on s'y use les yeux, qu'on s'y mange le sang, qu'on y perd quelquefois son âme, enfin que c'est une terrible affaire. Et il le croit. Il est plein de révérence.
GUÉHENNO, Journal « Révol. », 1938, p. 149.
— En partic., au plur. Politesse(s) exagérée(s), manières affectées. Synon. manières, mines, simagrées, façons (fam.). Vous lui voyez des grimaces, des mines, des comédies de délicatesse, des prétentions à être difficile, dégoûtée (GONCOURT, Ch. Demailly, 1860, p. 300). Louise, reprit la folle, avec une certaine emphase, je hais les grimaces, je vais droit au but, j'ai toujours été franche en affaire, autant qu'un homme (BERNANOS, Joie, 1929, p. 609).
Rem. Grimace est employé pour désigner de façon dépréc. le comportement conventionnel d'un groupe ou d'un rôle social, les attitudes affectées par une pers. hypocrite ou que l'on soupçonne d'hypocrisie, les conduites manquant de naturel ou de sincérité.
2. En partic.
a) Emploi prédicatif, au sing. Synon. comédie, hypocrisie. Son air décent, honnête... (mais elle l'avait démenti, cet air honnête et décent), tout cela n'était que grimace et tromperie? (RESTIF DE LA BRET., M. Nicolas, 1796, p. 126). Je fréquente ici même de toutes jeunes filles ou jeunes femmes (...) en qui je sens bien que tout n'est que grimace, entraînement ou mode, tout, excepté l'instinct tendre et protégeant de la maternité (A. DAUDET, Pte paroisse, 1895, p. 248).
b) Fam. [Grimace est employé pour désigner de façon insultante le comportement d'un interlocuteur ou d'une tierce pers.] « ... Ah! dit Madame Bineau, c'est tous ces griffonnages qui te mettent la tête en feu! Je ne veux plus en entendre parler. » Et elle mit le feu aux feuilles de papier écrites, étalées sur le bureau. (...) — Tu vas venir te coucher tout de suite, Monsieur Bineau, je ne veux plus que tu recommences tes grimaces, entends-tu? (CHAMPFL., Souffr. profess. Delteil, 1855, p. 203). Ça faisait au moins deux bonnes heures complètes qu'on était dehors dans la bise!... — Ça suffit! Il se fout de notre fiole... il nous fait quand même assez chier avec ses grimaces! (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 553).
3. Rare. [Construit avec un compl. de ou un adj.] Imitation maladroite de (quelque chose). Étrange effet de la routine académique, dès que les artiste actuels ne font plus la grimace antique ou la grimace Renaissance, ils tombent dans la gravure de mode (PÉLADAN, Décad. esthét., Salon de 1883, 1888, p. 190). [Les Juifs] ne nous ont présenté qu'une grimace de l'Occident, comme ils ne sont eux-mêmes qu'une caricature des Hongrois (THARAUD, Qd Israël est roi, 1921, p. 266).
C. — P. anal.
1. Vx. Boîte de pains à cacheter dont le couvercle servait de pelote à épingles. Des tables à casiers chargés à en rompre d'autres paperasseries en désordre, de lourds encriers, de grimaces hérissées d'épingles (VERLAINE, Œuvres compl., t. 5, Confess., 1895, p. 164).
2. Vieilli. Figure grotesque. Il y a des difformités en plâtre et des grimaces en bronze (GONCOURT, Journal, 1864, p. 24).
— ARCHIT. Figure grotesque sculptée sous les miséricordes des stalles dans les églises médiévales. (Ds ROB. et Lar. Lang. fr.).
Prononc. et Orth. : []. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) 2e moitié du XIVe s. « contorsion du visage involontaire ou faite à dessein » (G. DE SAINT-ANDRÉ, Bon Jehan, éd. E. Charrière, 2219); fin du XIVe s. faire la grimace (à qqn) « faire un accueil froid, hostile » (E. DESCHAMPS, Œuvres, éd. Queux de Saint-Hilaire et G. Raynaud, t. 6, p. 170); b) 1632 « mine affectée par feinte » (CORNEILLE, Galerie du palais, III, 4); c) 1690 faire la grimace « faire de mauvais plis (de vêtements) » (FUR.); 2. 1387 « figure grotesque » (Doc. ap. B. et H. PROST, Inventaires mobiliers (...) des ducs de Bourgogne, t. 2, p. 270); 3. 1721 « boîte servant à la toilette, dont le dessus est une pelote à épingles » (Trév.). Le rad. du mot remonte à l'a. b. frq. grîma « masque » (cf. le m. néerl. grime « id. », a. nord. grima), dont une trace se trouve peut-être déjà dans des gloses lat. du IXe s. (CGL t. 5, p. 390, 9; ibid. p. 392, 15, v. encore Archiv für lat. Lexikogr. t. 9, 1896, p. 398). La forme fr. la plus ancienne est grimuche « figure grotesque » (ca 1200, JEAN BODEL, Jeu de saint Nicolas, éd. A. Henry, 505, v. la note de l'éd.), tandis que grimace est prob. issu de ce dernier par substitution de suff. Le lat. grimutio, équivalent de grimuche, est attesté comme surnom au XIIe s. (FEW t. 16, p. 65a). Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 837, b) 2 175; XXe s. : a) 1 745, b) 1 944. Bbg. KIDMAN (J.). Les Emprunts lexicol. du fr. à l'espagnol... Paris, 1969, pp. 115-118. - NIGRA (C.). Metatesi. Z. rom. Philol. 1904, t. 28, p. 4. - QUEM. DDL t. 1.
grimace [gʀimas] n. f.
ÉTYM. XIVe, grimache; de l'anc. franç. grimuche, XIIe, par changement de suff.; probablt du francique grima « masque ».
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1 a Contorsion du visage, involontaire ou faite à dessein. || Grimace de dégoût (cit. 3), de douleur. || Les grimaces comiques d'un clown. || Grimace convulsive (⇒ Tic; → Consolider, cit. 5). || Grimace féroce (→ Étrangler, cit. 22). || Une sotte grimace (→ Figer, cit. 7). || Les grimaces déforment les traits (→ Déformation, cit. 1). || Grimaces de singe, simiesques. || Concours de grimaces. — Faire une, des grimaces. || Faire d'horribles grimaces. || Faire une grimace à qqn, par dérision, moquerie, pour provoquer ou faire rire. — (En parlant d'un animal). || La grimace, les grimaces du singe (→ Bienfaisance, cit. 4). — (En parlant du visage, de la bouche). || Grimace de la bouche, des lèvres. || Les enfants s'amusent à se faire des grimaces.
1 (…) sa gueule faisait une laide grimace (…)
Molière, la Princesse d'Élide, I, 2.
2 (…) l'ours boucha sa narine :
Il se fût bien passé de faire cette mine.
Sa grimace déplut (…)
La Fontaine, Fables, VII, 7.
2.1 Les grimaces commencèrent. La première figure qui apparut à la lucarne, avec des paupières retournées au rouge, une bouche ouverte en gueule et un front plissé comme nos bottes à la hussarde de l'Empire, fit éclater un rire tellement inextinguible qu'Homère eût pris tous ces manants pour des dieux (…) Une seconde, une troisième grimace succédèrent, puis une autre, puis une autre; et toujours les rires et les trépignements de joie redoublaient. Il y avait dans ce spectacle je ne sais quel vertige particulier, je ne sais quelle puissance d'enivrement et de fascination (…) Qu'on se figure une série de visages présentant successivement toutes les formes géométriques (…) toutes les expressions humaines, depuis la colère jusqu'à la luxure; tous les âges (…) en un mot, un kaléidoscope humain (…) Tout s'effaçait dans la licence commune. La grand'salle n'était plus qu'une vaste fournaise d'effronterie et de jovialité où chaque bouche était un cri, chaque face une grimace, chaque individu une posture; le tout criait et hurlait.
(…) un tonnerre d'applaudissements, mêlé à une prodigieuse acclamation, vint couper court à (la) conversation. Le pape des fous était élu (…) C'était une merveilleuse grimace, en effet, que celle qui rayonnait en ce moment au trou de la rosace (…) L'acclamation fut unanime; on se précipita vers la chapelle. On fit sortir en triomphe le bienheureux pape des fous. Mais c'est alors que la surprise et l'admiration furent à leur comble; la grimace était son visage.
Ou plutôt toute sa personne était une grimace (…) Tel était le pape que les fous venaient de se donner.
Hugo, Notre-Dame de Paris, I, V, Quasimodo.
3 Dans cette position M. Barthélemy d'Orbane m'apprit à faire des grimaces. Je le vois encore et moi aussi. C'est un art dans lequel je fis les plus rapides progrès, je riais moi-même des mines que je faisais pour faire rire les autres. Ce fut en vain qu'on s'opposa bientôt au goût croissant des grimaces, il dure encore, je ris souvent des mines que je fais quand je suis seul.
Stendhal, Vie de Henry Brulard, 5.
4 Elle emplit deux verres, elle regarda son neveu et sa nièce d'un œil si rond, qu'ils durent les vider sans une grimace, pour ne pas la blesser. Ils la quittèrent, la gorge en feu.
Zola, la Terre, II, VII.
5 (…) dans le cadre rond de sa glace (…) il se renvoyait des grimaces. Il fronçait le nez, tirait la langue, s'arrondissait la bouche en cœur (…)
Courteline, le Train de 8 h 47, I, I.
♦ (Qualifié par un adj. désignant une réalité psychologique ou un compl. causal en de). Contorsion expressive du visage, caractéristique d'une attitude, d'un affect généralement pénible ou hostile. || Une grimace de dégoût, de dépit, de douleur, de mépris, de rage. || « Il n'a pu réprimer une grimace de colère, une double ride au coin des lèvres » (Bernanos). || Une grimace amère, dégoûtée, furieuse, haineuse. — Rare (avec une caractérisation positive). || Une grimace admirative, d'admiration, d'approbation. || « (Les gestes) firent évanouir la grimace aimable et reparaître la mine bourrue (de la Thénardier) » (Hugo, les Misérables, t. I, p. 481, in T. L. F.). — REM. Dans cet emploi, grimace suppose que la mine expressive a un caractère forcé ou hypocrite, le mot tendant en général à impliquer une péjoration.
b ☑ Loc. Spécialt. Faire la grimace : manifester (par l'expression du visage) du mécontentement, de la désapprobation ou du dégoût. ⇒ Moue (faire la), renfrogner (se). || Faire la grimace devant un plat qu'on n'aime pas. || Ce spectacle lui faisait faire la grimace. ☑ Sans faire la grimace : sans rechigner, de bon cœur.
6 Sache qu'il faut aimer, sans faire la grimace,
Le pauvre, le méchant, le tordu, l'hébété (…)
Baudelaire, Nouvelles Fleurs du mal, Le rebelle.
7 Le professeur fit la grimace et tout de suite me prit en aversion. Depuis lors, quand il me parla, ce fut toujours du bout des lèvres, d'un air méprisant.
Alphonse Daudet, le Petit Chose, I, II.
♦ ☑ Fig. Faire la grimace à qqn, lui faire un accueil froid, hostile. → Faire grise mine. — Par anal. || Faire la grimace à une invitation.
8 La comédienne est aussi fière que la duchesse (…) elle la morgue, elle lui fait la grimace (…)
Mme de Sévigné, 443, 11 sept. 1675.
♦ ☑ Faire la grimace à qqch., considérer avec réticence, dépit.
♦ ☑ Prov. (métaphore du sens physique). On n'apprend pas à un vieux singe à faire la grimace. ⇒ Singe (A., 3.); → ci-dessous, cit. 16.
♦ ☑ Loc. fam. Soupe à la grimace : mauvais accueil (en général, d'une épouse acariâtre au mari qui rentre chez lui et à qui la tradition veut que sa femme fasse la soupe). || Faire à qqn la soupe à la grimace. || Manger la soupe à la grimace.
c Expression forcée ou figée du visage. || Une grimace de sourire. || Son sourire se figeait en grimace. || « Son rire tournait à la grimace » (Mauriac, in T. L. F.). — Expression artificielle, fausse et figée, dans la représentation du visage humain.
d Par métaphore. || « Toute sa personne (de Quasimodo) était une grimace » (Hugo; → Tête, cit. 1 et ci-dessus, cit. 2.1).
2 a (1690; d'abord dans faire la grimace). Mauvais pli (d'une étoffe, d'un habit). ⇒ Grimaçant (1.), grimacer (I., 4.).
b Vx. Ride.
9 Je n'ai ni vapeurs la nuit (…) ni de grimace à mes mains (…)
Mme de Sévigné, 1283, juin 1690.
3 (1632). a Fig. Vx. Mine affectée; comportement faux et trompeur (généralement excessif et peu convainquant). ⇒ Affectation, dissimulation, frime, hypocrisie. || Ce n'est que pure grimace (→ Argumenter, cit. 2). || Ne vous laissez pas prendre à ses grimaces. — Littér. || Grimace de… : simulacre. || Une grimace de vertu (→ Condamnation, cit. 6). || Grimaces d'amour (→ Comédien, cit. 5). — Les grimaces des hypocrites (→ Dévot, cit. 9; effaroucher, cit. 6). ☑ Payer qqn de grimaces. ⇒ Singe (monnaie de); → Aloi, cit. 3.
10 Quitte cette grimace, et mets à part la feinte.
Corneille, Galerie du Palais, III, 4.
11 Que ces francs charlatans, que ces dévots de place,
De qui la sacrilège et trompeuse grimace
Abuse impunément et se joue à leur gré
De ce qu'ont les mortels de plus saint et sacré (…)
Molière, Tartuffe, I.
11.1 Je n'oublie aucun de ces traits, qui peignent la vraie piété filiale, réduite à de pures grimaces dans les Villes.
Restif de la Bretonne, la Vie de mon père, p. 193.
♦ (Par métaphore du sens 1). || La grimace : la simulation.
12 Reste à savoir où cesse le vrai visage, où commence la grimace.
Gide, Journal, 20 mai 1933.
♦ Spécialt. Marques extérieures qui imposent à l'imagination (Pascal).
13 Mais n'ayant que des sciences imaginaires, il faut qu'ils (les magistrats, les médecins) prennent ces vains instruments qui frappent l'imagination à laquelle ils ont affaire; et par là, en effet, ils s'attirent le respect. Les seuls gens de guerre ne sont pas déguisés de la sorte, parce qu'en effet leur part est plus essentielle, ils s'établissent par la force, les autres par grimace.
Pascal, Pensées, II, 82.
14 Quand la force attaque la grimace, quand un simple soldat prend le bonnet carré d'un premier président et le fait voler par la fenêtre.
Pascal, Pensées, V, 310.
♦ Spécialt. Comportement démonstratif dénoncé comme faux, trompeur. || Arrête tes grimaces, on ne te croit pas ! ⇒ Singerie; cirque.
b (1663). Au plur. ⇒ Afféterie (cit. 2), façon, minauderie, mine, simagrée, singerie. || Voilà bien des grimaces ! || Les grimaces de la coquetterie (→ Assortissant, cit. 1; emprunter, cit. 11). || Grimaces de commande (cit. 6). || Grimaces affectées (cit. 4).
15 Tout ce qu'il vous débite en grimaces abonde;
À force de façons, il assomme le monde (…)
Molière, le Misanthrope, II, 4.
♦ ☑ Loc. prov. (métaphore du sens 1). Un vieux singe se connaît, s'y connaît (cit. 19) en grimaces.
16 Un vieux singe se connaît en grimaces : j'ai offert mille francs par mois, une voiture (…)
Balzac, Splendeurs et Misères des courtisanes, Pl., t. V, p. 854.
4 (1387). Archéol. Figure grotesque sculptée sur les sièges des stalles dans les églises médiévales.
5 (1721). Techn. Boîte de pains à cacheter dont le couvercle est une pelote à épingles.
17 (…) une grimace en carton pleine de pains à cacheter rouges (…)
Hugo, les Misérables, V, IV.
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DÉR. Grimacer, grimacerie, grimacier.
Encyclopédie Universelle. 2012.