impunément [ ɛ̃pynemɑ̃ ] adv.
• 1554; altér. de impuniment 1553, de impuni
1 ♦ Sans être puni, sans subir de punition. Voler, tuer impunément (cf. En toute impunité). On ne se moque pas de lui impunément.
2 ♦ (1691) Sans dommage pour soi, sans s'exposer à aucun risque, à aucun inconvénient. On ne fume pas cinquante cigarettes par jour impunément. « on ne lit pas impunément des niaiseries » (Hugo).
● impunément adverbe (de impuni) Sans subir une punition, sans encourir de châtiment : Franchir impunément un barrage de police. Sans s'exposer à des conséquences fâcheuses, à des inconvénients : On ne peut pas impunément se passer de repos. ● impunément (difficultés) adverbe (de impuni) Emploi Impunément signifie « sans subir ou sans encourir de punition », et, par extension, « sans s'exposer à des conséquences fâcheuses » : il a commis impunément de graves indélicatesses ; on ne fume pas impunément quarante cigarettes par jour pendant trente ans. Recommandation Ne pas employer impunément au sens de « en vain, inutilement ».
impunément
adv.
d1./d Sans subir de punition. Voler impunément.
d2./d Sans inconvénient. On ne joue pas impunément avec sa santé.
⇒IMPUNÉMENT, adv.
A. — 1. Sans être puni, sans encourir de punition, de châtiment. Synon. en toute impunité. Pouvoir impunément commettre qqc.; tuer impunément. Nous ne voulons pas que de prétendus juges, qui se font un jeu de condamner un innocent et d'acquitter un traître, puissent continuer impunément leurs méfaits (CLEMENCEAU, Vers réparation, 1899, p. 465). Depuis longtemps, je suis peinée de certaines persécutions impunément exercées (FRAPIÉ, Maternelle, 1904, p. 85) :
• 1. Toutes les lois seraient des lettres mortes; le plus fort aurait toujours raison; en vous mettant la main sur la bouche, il pourrait vous voler et vous égorger impunément dans un coin. Aussi la constitution garantit-elle à chacun, comme droits naturels et civils, la liberté de parler, d'écrire, d'imprimer ses pensées et de les répandre par tous les moyens.
ERCKM.-CHATR., Hist. paysan, t. 1, 1870, p. 411.
2. P. ext.
a) Sans dommage, sans danger (pour soi); sans courir de risque, sans s'exposer à des conséquences fâcheuses. Les paysans russes mangent impunément en beaucoup d'endroits les espèces de champignons vénéneux, les plus dangereuses pour les hommes des pays chauds ou tempérés (CABANIS, Rapp. phys. et mor., t. 2, 1808, p. 199). Je sens que je m'en vais : je suis trop vieux pour subir impunément des émotions aussi cruelles (FLAUB., Corresp., 1875, p. 248) :
• 2. L'homme ne supporte pas impunément le mode d'existence et le travail uniforme et stupide imposé aux ouvriers d'usine, aux employés de bureau, à ceux qui doivent assurer la production en masse. Dans l'immensité des villes modernes, il est isolé et perdu.
CARREL, L'Homme, 1935, p. 327.
b) [L'idée de conséquence fâcheuse peut être, dans certains contextes, atténuée ou absente] Sans résultat (pour soi); sans en ressentir quelque effet, quelque influence. Edmond n'avait tout de même pas traversé impunément cette atmosphère d'ambition qui constituait le cadre de la vie des Barbentane. (...) Edmond avait appris à apprécier la nature des soifs paternelles (ARAGON, Beaux-quart., 1936, p. 200). Ce n'est pas impunément que, toute une vie durant, mon esprit s'est exercé à comprendre l'autre. J'y parviens aujourd'hui si bien, que le « point de vue » où il m'est le plus difficile de me maintenir, c'est le mien propre (GIDE, Journal, 1941, p. 64).
B. — 1. Vieilli. Sans punir, sans se venger. Ce qui me confond, c'est que la Garde Nationale souffre impunément dans son sein des scélérats de cette espèce, qui déshonorent un habit fait pour être respecté (MARAT, Pamphlets, Relation fid. affaires Nancy, 1790, p. 252) :
• 3. ... par respect pour ceux qui m'ont élu, je ne saurais laisser imprimer impunément que la lâcheté d'esprit et le mauvais goût, les seuls contraires du bon goût et du courage d'esprit seront, pour la société des gens de lettres, le moyen de connaître les vrais principes de l'indépendance et du bon goût.
BALZAC, Corresp., 1839, p. 696.
2. P. ext., rare. Sans faire courir un risque, un danger; sans entraîner des conséquences fâcheuses. Le peuple romain n'était point tel que ses mœurs se corrompissent impunément (MICHELET, Hist. romaine, t. 2, 1831, p. 86). La nature n'est jamais grosse impunément. Les montagnes n'ont jamais accouché d'un rat, ni les orages d'un oiseau, mais de lave et de foudre (GIRAUDOUX, Intermezzo, 1933, II, 1, p. 93) :
• 4. ... le Jura, la Bourgogne, nous envoient des matériaux calcaires d'une résistance considérable, en gros blocs, pouvant être posés impunément en délit...
VIOLLET-LE-DUC, Archit., 1872, p. 53.
Prononc. et Orth. : []. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1553 impuniment « sans encourir, subir de punition » (RONSARD, 5e livre des Odes, Elégie à M. Muret, éd. P. Laumonier, t. 5, p. 230, 101); 1554 impunément (LE CARON, La Claire, 95B, d'apr. H. VAGANAY ds Rom. Forsch. t. 32, p. 82); 2. 1699 « sans inconvénient, sans risque » (FÉNELON, Télémaque, I, éd. A. Cahen, t. 1, p. 8). Pour impuniement (dér. de impuni, -ie; suff. -ment2) devenu impuniment, puis impunéement (cf. 1588, Triomphes de Marie, 326 r°, d'apr. H. VAGANAY ds Rom. Forsch., t. 45, p. 143), impunément, plus prob. p. anal. avec les adv. où -ément est mis pour -éement (type assurément; v. NYROP t. 3, § 608) — que d'apr. la prononc. scol. [impuné] de l'adv. lat. impune « impunément » (FEW t. 4, p. 611a). Fréq. abs. littér. : 487. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 976, b) 738; XXe s. : a) 593, b) 484. Bbg. VAGANAY (H.). Notes sur la lang. du 16e s. R. Philol. fr. 1933, t. 45, p. 143.
impunément [ɛ̃pynemɑ̃] adv.
ÉTYM. 1554, Le Caron; impuniment, 1553, Ronsard; de impuni (probablt par impuniement, impuneement).
❖
1 Sans être puni, sans subir de punition. → Dans l'impunité, en toute impunité. || Voler, tuer impunément (→ Baigner, cit. 25). || Exercer (cit. 39) impunément la piraterie. || Être impunément méchant (→ Bon, cit. 67). || Se moquer impunément de qqn (→ Canaille, cit. 9). || Hypocrite qui abuse, trompe impunément (→ Grimace, cit. 11).
1 On ne s'attaque point à lui (Dieu) impunément, et l'on n'échappe point au bras de sa justice.
2 On fait souvent du bien pour pouvoir impunément faire du mal.
La Rochefoucauld, Réflexions et maximes, 121.
3 D'où vous vient, lui dit-elle, cette témérité d'aborder en mon île ? Sachez, jeune étranger, qu'on ne vient point impunément dans mon empire.
Fénelon, Télémaque, I.
4 Je pouvais faire ce coup impunément, je n'avais qu'à voyager cinq ou six jours et m'en retourner ensuite comme si je me fusse acquitté de ma commission.
A. R. Lesage, Gil Blas, VII, 1.
♦ Iron. (en parlant d'une action louable qui mériterait récompense). || « Il ne m'est pas permis de vaincre impunément » (→ Hautement, cit. 2, Corneille).
5 Pensez-vous être saint et juste impunément ?
Racine, Athalie, I, 1.
2 (1667). Sans dommage pour soi, sans s'exposer à aucun risque, à aucun danger, à aucun inconvénient (→ Cœur, cit. 76; feutrer, cit. 4; fourche, cit. 7). || À son âge, on ne peut faire impunément des excès de table.
6 (…) cette veuve qui maniait si impunément des barres de fer rouge (…)
Voltaire, Essai sur les mœurs, XLV.
7 (…) la Thénardier ne fut plus qu'une grosse méchante femme ayant savouré des romans bêtes. Or, on ne lit pas impunément des niaiseries. Il en résulta que sa fille aînée se nomma Éponine (…)
Hugo, les Misérables, I, IV, II.
8 C'était la rançon d'une enfance trop studieuse, d'une adolescence malsaine; un garçon en pleine croissance ne vit pas impunément courbé sur une table, les épaules ramenées, jusqu'à une heure avancée de la nuit, dans le mépris de tous les exercices du corps.
F. Mauriac, le Nœud de vipères, II.
9 Mme de Sainte-Selve, c'était indéniable, allait vers une maladie. On ne passe pas impunément de la vie qu'elle avait menée au bord de la mer des Antilles à celle qui était la sienne depuis trois ans sur les rives de la Tamise.
Pierre Benoit, Mlle de la Ferté, p. 86.
♦ Impunément pour… : sans causer de dommages à… || Impunément pour soi, pour les autres.
9.1 Schultze, tel qu'il le lui avait dépeint, n'était pas homme à disparaître impunément pour les autres, à s'ensevelir seul sous les ruines de toutes ses espérances (…) On était en droit de tout redouter de la dernière pensée d'un tel personnage (…) Elle ne pouvait rappeler que l'agonie terrible du requin ! (…)
J. Verne, les Cinq Cents Millions de la Bégum, p. 235 (éd. Hetzel).
3 (1669). Vx. Sans punir, sans tirer vengeance.
10 Néron impunément ne sera pas jaloux.
Racine, Britannicus, II, 2 (cf. aussi Iphigénie, IV, 1).
11 Julien avait compris que se laisser offenser impunément une seule fois par cette fille si hautaine, c'était tout perdre.
Stendhal, le Rouge et le Noir, I, X.
Encyclopédie Universelle. 2012.