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louche

1. louche [ luʃ ] adj.
• v. 1280; lousche « qui ne voit pas bien » v. 1200; fém. de l'a. fr. lois; lat. luscus « borgne »
1Vx Qui est atteint de strabisme. bigle, fam. louchon. « le marquis était louche » (Proust) . Yeux louches. Par métaph. Il lui jeta un regard louche. oblique, torve (cf. De travers).
2Vx Qui manque de clarté, de transparence. Vin louche. 1. trouble. « une lumière louche, un éclairage livide d'orage » (Zola). N. m. Chim. Le louche : turbidité qui se produit dans une solution par précipitation d'un sel.
3Fig. et cour. Qui n'est pas clair, pas honnête. suspect, 1. trouble (cf. Pas net). Affaires, manœuvres louches. Fréquenter des milieux louches. interlope. Un individu louche. Un cabaret, un café louche. borgne (cf. Mal famé). « patron d'une banque louche, directeur d'un journal suspect » (Maupassant). « des vices cachés, un passé louche » (Duhamel). Voilà qui me paraît louche, c'est louche (cf. Pas très catholique). Subst. Il y a du louche dans cette histoire.
⊗ CONTR. Clair, 2. franc, 2. net. louche 2. louche [ luʃ ] n. f.
louce XIIIe; frq. °lôtja
1Grande cuillère à long manche et à cuilleron hémisphérique, avec laquelle on sert le potage, les mets liquides ou pâteux. « Sa grande louche qui charriait [...] une pleine écuellée de soupe aux choux » (Giono). À la louche : en grande quantité. Manger du caviar à la louche. Fig. Estimation à la louche, grossière.
Son contenu. Encore une louche de soupe ? Fig. En remettre une louche : insister lourdement, en remettre excessivement.
2Techn. Nom de divers outils.
3Fam. Main. Serrer la louche à qqn. cuillère, pince.

louche adjectif (ancien français losche, du latin luscus, borgne) Vieux. Se dit du regard qui louche, des yeux qui manquent de parallélisme. Se dit d'une couleur, d'un éclairage qui n'a pas un ton franc : Une clarté louche. Se dit d'un liquide troublé par des particules insolubles en suspension. D'une moralité douteuse : Un type louche. Mal fréquenté ou fréquenté par des personnes louches : Hôtel louche. Équivoque, trouble, suspect, dont on doit se méfier : Une histoire louche.louche nom masculin Léger précipité qui donne à un liquide un aspect trouble. ● louche nom féminin (francique lôtja) Grande cuiller à long manche et à cuilleron profond, utilisée pour servir les potages ; le contenu de cette cuiller. Populaire. Main : Serrer la louche à un ami. Outil de verrier, pour remuer la matière dans les pots. ● louche (expressions) nom masculin Du louche, ce qui éveille la méfiance : Il y a du louche là-dessous.louche (homonymes) nom masculin louche nom féminin louche forme conjuguée du verbe loucher louchent forme conjuguée du verbe loucher louches forme conjuguée du verbe loucherlouche (homonymes) nom féminin (francique lôtja) louche adjectif et nom masculin louche forme conjuguée du verbe loucher louchent forme conjuguée du verbe loucher louches forme conjuguée du verbe loucher

louche
n. f. Grande cuiller à long manche utilisée pour servir notam. le potage. Syn. (Suisse) poche.
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louche
adj. Qui ne paraît pas parfaitement honnête; qui n'inspire pas confiance. Une affaire louche. Un personnage louche.

I.
⇒LOUCHE1, adj. et subst.
I. Vieilli. [En parlant d'un animé] Dont les yeux sont atteints d'un défaut de parallélisme. Synon. bigle. J'aime que l'on voie avec ses yeux, fût-on louche ou myope (VIGNY, Journal poète, 1835, p. 1031). Elle était (...) un peu louche, il est vrai; mais cela ne l'empêchait pas (...) d'avoir le plus doux regard et les plus jolis yeux (SAND, Hist. vie, t. 3, 1855, p. 365):
1. ... M. de Cambremer se mettait à regarder la victime en riant. Comme le marquis était louche (...) l'effet de ce rire était de ramener un peu de pupille sur le blanc, sans cela complet, de l'œil (...). Le monocle protégeait, du reste, comme un verre sur un tableau précieux, cette opération délicate.
PROUST, Sodome, 1922, p. 978.
Emploi subst. Personne atteinte de ce défaut. Les imbéciles le font [le pèlerinage] comme les héros, les tortus comme les bossus, les louches comme les aveugles, les myrmidons comme les géants (FLAUB., 1re Éduc. sent., 1845, p. 213). Le petit louche prit le couvercle, pour inviter la famille à faire les derniers adieux (ZOLA, Assommoir, 1877, p. 666).
[P. méton., en parlant des yeux, de la vue, du regard] Atteint d'un défaut de parallélisme. La condition première du beau, c'est l'unité dans la variété, voilà le principe. — «Cependant, dit Bouvard, deux yeux louches sont plus variés que deux yeux droits et produisent moins bon effet, — ordinairement» (FLAUB., Bouvard, t. 2, 1880, p. 17).
Louche de + compl. de l'adj. Une tête de vache apparaissait, l'œil louche d'inquiétude et d'ahurissement (COURTELINE, Train 8 h 47, 1888, 2e part., 1, p. 90).
Emploi subst. masc. sing. à valeur de neutre. Un Oriental à la barbe rousse, ressemblant vaguement à un Théophile Gautier qui aurait du louche dans le regard (GONCOURT, Journal, 1882, p. 192).
II. A. —[Notamment en parlant d'un liquide] Qui a quelque chose de terne; qui n'est pas clair, mais troublé par de fines particules en suspension. Moût (de bière) louche. Ce vin est louche (Ac. 1835-1935). Le liquide auquel on donne issue n'est pas séreux, mais nettement louche et puriforme, c'est-à-dire formé de leucocytes vivants dont le noyau est intact (TEISSIER, DUVOIR ds Nouv. Traité Méd. fasc. 2 1928, p. 849). Le fleuve louche gonfle ses vagues boueuses (VERCEL, Cap. Conan, 1934, p. 17). Bercé encore dans un demi-sommeil sur l'eau louche souillée de débris de légumes, j'avais respiré l'odeur juteuse et entêtante des pastèques (GRACQ, Syrtes, 1951, p. 260).
Emploi subst. masc., CHIM. ,,Léger précipité plus ou moins opaque flottant dans un liquide`` (DUVAL 1959).
BIOCHIM. Observer un louche très net, peu abondant, un léger louche. Si la culture n'est pas assez abondante pour obtenir le louche désirable, on peut en prélever une anse de platine et l'émulsionner dans chaque tube (DOPTER ds Nouv. Traité Méd. fasc. 1 1926, p. 405).
CHIM. ALIM. Entre 49o et 27o (...) un séjour [du moût] de trente minutes sous forte agitation entraîne la floculation de tout le fin précipité qui occasionne le louche (BOULLANGER, Malt., brass., 1934, p. 364).
B. — 1. [En parlant d'une couleur, p. méton. d'un objet considéré du point de vue de sa couleur] Qui n'est pas d'un ton franc. Teinte louche. La poudre, abandonnée en partie par son agglutinant, prend un aspect terne, louche (MOREAU-VAUTHIER, Peint., 1933, p. 128). Il a eu de la peine de voir que son blé dont il était si fier (...) avait perdu toute sa couleur et qu'il paraissait blême et louche par rapport à l'éclat environnant de tout le gel (GIONO, Que ma joie demeure, 1935, p. 72).
[En parlant de la peint. sur verre et sur émail] Ton louche (LITTRÉ). Ton noirâtre qui obscurcit les couleurs et leur ôte leur vivacité.
2. Littér., dans le domaine visuel. [En parlant de la lueur du jour] Lueur louche; ciel, crépuscule, jour louche; reflets louches. Le soleil pâlit au milieu de son cours et l'azur du ciel, traversé de bandes verdâtres, semble se décomposer dans une lumière louche et troublée (CHATEAUBR., Martyrs, t. 3, 1810, p. 116). La nuit tombait; le ciel, couvert depuis le matin, avait d'étranges reflets jaunes qui éclairaient la ville d'une clarté louche, pareille à ces lueurs cuivrées des temps d'orage (ZOLA, Fortune Rougon, 1871, p. 294).
3. Littér., dans le domaine olfactif, gustatif. Qui est équivoque. Une odeur aigre d'arbres morts et de sciure, et puis un louche goût sucré qui mettait de la pourriture sur la langue (GIONO, Gd troupeau, 1931, p. 99):
2. Louches : voilà ce qu'ils étaient, les sons, les parfums, les goûts. Quand ils vous filaient rapidement sous le nez, comme des lièvres débusqués, (...) on pouvait les croire tout simples et rassurants, on pouvait croire qu'il y avait au monde du vrai bleu, (...) une vraie odeur d'amande ou de violette. Mais dès qu'on les retenait un instant, ce sentiment de confort et de sécurité cédait la place à un profond malaise: les couleurs, les saveurs, les odeurs n'étaient jamais vraies, jamais tout bonnement elles-mêmes et rien qu'elles-mêmes.
SARTRE, Nausée, 1938, p. 166.
C. Au fig., vieilli. Dont le sens n'est pas clair; qui peut prêter à un faux sens. Synon. ambigu. Tu as ajouté à ma lettre beaucoup trop de sens. Elle te supplie de pardonner à son langage maladroit et louche qui t'a conduite en une méprise dont je ne ferais que rire si elle ne t'avait été douloureuse (M. DE GUÉRIN, Corresp., 1836, p. 240).
GRAMM. ANC. ,,Qui paroît d'abord annoncer un sens, et qui finit par en déterminer un autre tout différent. (...) notamment en parlant des phrases, dont la construction a un certain tour amphibologique (...). Ce qui rend une phrase louche, vient donc de la disposition particulière des mots qui la composent, lorsqu'ils semblent au premier aspect avoir un certain raport, quoique véritablement ils en ayent un autre`` (Gramm. t. 4 1789).
III. —[En parlant de ce qui a trait au comportement de la pers., de ses attributs, son activité, son milieu social, son environnement] Qui, manquant de netteté, paraît étrange, bizarre et éveille les soupçons ou la méfiance. C'est louche; tout cela paraît, semble louche; voilà qui est louche; le fait est que c'est fort louche. L'Europe avec ses petites maisons, (...) avec ses musées, ses cathédrales, sa politique louche et violente, sa grandeur et ses bassesses, qu'elle est loin d'ici [New York] et peu comprise! (GREEN, Journal, t. 3, 1933, p. 168):
3. ... qui sait si la lettre de ce prêteur, de ce Muller ne recelait pas quelque combinaison frauduleuse ? Comment le débrouiller ? Il en était bien incapable, ignorant tout du monde de l'argent, hors que s'y brassaient d'obscures affaires, souvent louches, toujours compliquées.
CHÂTEAUBRIANT, Lourdines, 1911, p. 73.
SYNT. Conduite, démarche, intrigue, entreprise, besogne, combinaison, manoeuvre louche; commerce, trafic louche; aventure, histoire louche; fréquentations louches; activités, menées louches.
Emploi subst. masc. sing. à valeur de neutre. Jeter du/beaucoup de louche sur qqc.; il y a du louche dans/en ce que fait une pers. Il y a du louche dans la conduite de cet homme (Ac. 1835-1935). On nous a reproché (...) de souligner l'ignominie humaine, de montrer partout le sordide, le louche, le visqueux (SARTRE, Existent., 1946, p. 10):
4. Toute l'absence de virilité chez Sainte-Beuve, tout le féminin de son talent, tout le tortueux, tout le louche, tout le misérable de son caractère, un mot vous l'expliquera. Il était... non, il n'était pas impuissant, (...) mais la gymnastique de l'amour, chez lui, s'exécutait avec (...) un tel embarras (...) que c'était tout de même.
GONCOURT, Journal, 1873, p. 929.
[P. méton., en parlant d'une pers.] Ce que je pouvais appréhender ne se réalise point; elle ne me demande pas de la sortir, (...) ne me réclame aucune prébende, n'exige aucune compromission d'aventurière plus ou moins louche (HUYSMANS, Là-bas, t. 2, 1891, p. 95). Des entraîneuses de boîte de nuit, des filles et leurs louches protecteurs formaient la clientèle de la maison (CARCO, Montmartre, 1938, p. 263).
Louche + coll. Milieu, monde louche; population louche. Luc, le coeur saignant, le cerveau assombri des plus noires prévisions, se remit à errer au milieu de la cohue louche et menaçante (ZOLA, Travail, t. 1, 1901, p. 29).
SYNT. Conspirateur, créature, inconnu, individu louche; air, allure, apparence, aspect, attitude, caractère, mine, mise louche; gens louches.
[P. méton., en parlant des établissements et lieux fréquentés par des personnes louches] Bistro, cabaret, établissement, taverne louche; quartier louche; garni, hôtel, maison louche; rues louches. Cette guinguette était un endroit louche et de mauvais renom, où les débauchés de Sarlande faisaient leurs parties fines (...) jamais je ne lui avais trouvé une physionomie aussi sinistre que ce jour-là (A. DAUDET, Pt Chose, 1868, p. 131). Le triste aspect d'ensemble subsiste. Pareillement quelques immeubles neufs, confortables, décorent çà et là les rues avoisinant l'école, mais ils n'enlèvent pas au quartier des Plâtriers sa dégaine louche et crasseuse (FRAPIÉ, Maternelle, 1904, p. 144).
REM. Louchissime, adj., hapax. Très louche. L'auteur de cette lettre [au grand chancelier de la Légion d'honneur] déclarait qu'il fallait en finir avec «le louchissime M. Pasquier» et lui retirer cette croix qu'il avait gagnée, d'ailleurs, dans des conditions fort obscures (DUHAMEL, Combat ombres, 1939, p. 246).
Prononc. et Orth.: []. Ac. 1694, 1718 lousche; dep. 1740 -che. Étymol. et Hist. A. 1. 1181-90 lois adj. masc. «qui ne voit pas bien» (CHRÉTIEN DE TROYES, Perceval, éd. F. Lecoy, p. 816); ca 1200 lousche adj. masc. «id.» (Escoufle, éd. Fr. Sweetser, 6702); 2. a) ca 1300 «qui ne regardent pas dans la même direction (des yeux)» (GUILLAUME DE ST PATHUS, Mir. de St Louis, éd. P.-B. Fay, p. 67, 123); b) fin XIVe s. «id. (d'une personne)» (ROQUES t. 2, 11837: strabo: louchez, qui a les yeux de travers). B. 1. a) 1611 lousche «trouble (du vin)» (COTGR.); b) 1676 terme d'émaillerie (FÉLIBIEN, p. 422: émaux louches, c'est-à-dire qu'il y a un certain noir, comme une fumée qui obscurcit la couleur de l'émail); 2. fig. a) 1647 «qui n'est pas clair, qui est ambigu» (VAUG., p. 113: construction louche); b) 1740-55 «qui est trouble, suspect» (SAINT-SIMON, Mémoires, 56, 189 ds LITTRÉ: L'affaire [du quiétisme] ... reprit couleur, couleur qui commença à devenir fort louche pour M. de Cambrai); 1740-55 subst. (ID., ibid., 256, 196 ds LITTRÉ: le louche qui s'était mis entre le duc d'Orléans et lui); 1784 il y a du louche (BEAUMARCHAIS, Mariage de Figaro, III, 5). Généralisation de la forme fém. losche (1188, Partenopeus de Blois, éd. J. Gildea, 6282), du lat. lusca, fém. de luscus «qui ne voit pas bien» qui a donné lois en a. fr. Luscus a dû subir une ext. de sens en lat. pop. (cf. les dér. lusciosus, luscitiosus «qui voit mal») et signifier «qui a la vue faible; qui louche» (cf. au sens de «myope» le sarde luscu, et l'esp. lusco et au sens de «qui est atteint de strabisme, qui louche» losc dans les dial. de l'extrême nord de l'Italie; ainsi que l'asturien llisgu et le galicien lisco, lisgo). Louche (lois), qui se dit presque exclusivement en parlant d'une personne en a. fr., signifie d'une manière générale, bien que le sens ne soit pas toujours très net, «qui ne voit pas bien». Fréq. abs. littér.: 526. Fréq. rel. littér.: XIXe s.: a) 214, b) 1 032; XXe s.: a) 1 236, b) 748. Bbg. GOHIN 1903, p. 230.
II.
⇒LOUCHE2, subst. fém.
A. — Ustensile de cuisine et de table à cuilleron demi-sphérique et à long manche utilisé en particulier pour servir le potage. Louche en bois; louche d'argent; à pleine louche; plonger la louche dans la soupière; puiser dans une marmite avec une louche. La louche creuse et polie comme une calotte d'évêque (RENARD, Journal, 1896, p. 361).
Loc. adv. À la louche. [À propos d'aliments habituellement servis en petite quantité] En abondance. Une nuée de serviteurs en blanc distribuent à la louche le caviar d'Iran, les crevettes roses et un saumon miraculeusement frais (J.-L. DE VILALLONGA, À pleines dents, Paris, éd. J'ai lu, 1974 [1973], p. 239).
P. méton. Contenu d'une louche. Synon. louchée (infra dér.). On recevait une louche d'eau grasse où flottaient des ronds de betterave et un bout de viande bouillie (VAN DER MEERSCH, Invas. 14, 1935, p. 362).
B. P. anal.
1. TECHNOLOGIE
a) AGRIC., vx. ,,Grande écuelle en bois fixée au bout d'un long bâton et servant à verser les engrais liquides`` (FÉN. 1970).
b) TOURNAGE. ,,Outil creux, conique et à bords tranchants qui sert à agrandir les trous déjà commencés`` (CHESN. 1857-58).
2. Arg. et pop.
a) Cuiller à potage. (Ds BRUANT 1901, p. 137).
b) Main. Elle amorça un cri (...). D'une louche tremblante, elle reposa la bouteille de fine sur un plateau (LE BRETON, Rififi, 1953, p. 101).
Loc. Serrer la louche à qqn, se serrer la louche. Serrer la main à quelqu'un, se serrer la main. Il devait juste sortir du trou (...). La correction aurait voulu que j'aille lui serrer la louche (SIMONIN, Touchez pas au grisbi, 1953, p. 229).
Prononc. et Orth.: []. Att. ds Ac. dep. 1878. Étymol. et Hist. 1. Mil. XIIIe s. «grande cuiller» (Du Vallet, p. 299, 164 ds T.-L.); 2. 1455 «main» (Procès des Coquillards ds SAIN. Sources Arg. t. 1, p. 98: ferme à la louche «qui a une forte poigne»); 1889 serrer la louche (LARCH. Nouv. Suppl., p. 140); 3. techn. a) fin XIIIe s. [ms.] loche «bêche» (Garin le Lorrain, ms. de Berne 113, f° 16d); b) 1464 loce «vrille pour percer les tonneaux» (Doc. ds JOUBERT, Ét. sur la vie privée au XVe s., p. 96); c) 1803 tournage «mèche conique pour agrandir les trous» (BOISTE); d) 1809 agric. (THOUIN, Nouv. cours compl. d'agric., t. 8, p. 57). Forme normanno-pic. (encore considérée comme pic. par NICOT 1606 et COTGR. 1611), de l'a. fr. louce, loce (lousse dans les dial. de l'Ouest; cf. FEW t. 16, p. 483 a); lui-même de l'a. b. frq. lôtja «grande cuiller», que l'on suppose d'apr. le m. néerl. loete, loet «nom donné à différents instruments en forme de cuiller à long manche pour puiser ou creuser». Les sens techn. s'expliquent par une anal. de forme. Fréq. abs. littér.: 33.
DÉR. Louchée, subst. fém. Contenu d'une louche. Une louchée de soupe. La maîtresse (...) allait (...) de l'âtre à la table, avec sa grande louche (...). Elle savait l'ordre des choses: une louchée pour le patron, une pour Saturnin, une pour moi (GIONO, Baumugnes, 1929, p. 68). Le chevreau s'était gardé entier malgré les louchées de jus que Jourdan lui avait fait entonner par toutes les ouvertures de sa peau (GIONO,Que ma joie demeure, 1935, p. 168). []. 1res attest. a) 1273 «mesure à céréales» (Doc. ds C. BRUNEL, Recueil des actes des comtes de Pontieu, p. 621); b) XVe s. [ms.] lochié «contenu d'une louche » (Songe de Pestilence, fol. 202 v° ds G. TILANDER, Glanures lexicographiques, p. 158), rare avant 1822 (MÉZIÈRE, Jargon ds ESN.); mot essentiellement pic. et flam. (wallon) à l'origine (cf. FEW t. 16, p. 483a), de louche2, suff. -ée (v. ).
BBG. — SAIN. Arg. 1972 [1907], p. 93.

1. louche [luʃ] adj.
ÉTYM. V. 1280; v. 1200, lousche « qui voit mal »; fém. de l'anc. franç. lois (fin XIIe), du lat. luscus « borgne ».
1 Vx. a (Personnes). Qui est atteint de strabisme. Bigle, louchon. || Être louche. Loucher (→ Borgne, cit. 1).
1 Elle était louche, et avait le regard
Parlant à vous, tourné d'une autre part (…)
Ronsard, la Franciade, livre III.
2 (…) un homme étant devenu louche par l'effet d'un coup à la tête, vit les objets doubles pendant fort longtemps (…)
Buffon, Hist. nat. de l'homme, Du sens de la vue.
3 Comme le marquis était louche — ce qui donne une intention d'esprit à la gaieté même des imbéciles — l'effet de ce rire était de ramener un peu de pupille sur le blanc, sans cela complet, de l'œil.
Proust, À la recherche du temps perdu, t. X, p. 146 (→ aussi Ascenseur, cit. 1).
b (Vieilli ou littér.). || Yeux louches. || Un regard un peu louche (→ Cercler, cit.).
4 Le strabisme ou le regard louche (…) consiste (…) dans l'écart de l'un des yeux, tandis que l'autre paraît agir indépendamment de celui-là (…) la différence (…) vient de la différence du mouvement de leurs muscles qui, n'agissant pas de concert, produisent la fausse direction des yeux louches (…)
Buffon, Hist. nat. de l'homme, Du sens de la vue, Additions.
Par métaphore. || L'envie (cit. 8) à l'œil louche. || Il lui jeta un regard louche. Oblique, torve, travers (de). — ☑ Fig. Avoir le regard louche, le regard faux.
5 (…) des maisons basses dont les fenêtres nous regardaient d'un œil louche.
France, la Rôtisserie de la reine Pédauque, VI, Œuvres, t. VIII, p. 51.
6 (…) ces gredins malchanceux qui portent leur scélératesse sur leur visage et dont le regard louche édifie.
Courteline, Messieurs les ronds-de-cuir, 1er tableau, II.
2 (1611). Vieilli. (Choses). Qui manque de clarté, de netteté, de transparence. || Vin louche. Trouble. || Liquide qui devient louche. Louchir.Couleur (cit. 16, par métaphore) louche, qui n'est pas d'un ton franc. || Lumière louche (→ Bande, cit. 3).
6.1 Le tout est devenu d'un ton louche voilant les clairs et les ombres (…)
E. Delacroix, Journal, 5 mai 1851.
7 Le jour est louche, l'air est fuyant, l'onde est lâche (…)
Hugo, la Légende des siècles, VI, I, Détroit de l'Euripe.
8 (…) une lumière louche, un éclairage livide d'orage : tout paraissait jaune, d'un jaune affreusement triste (…)
Zola, la Terre, IV, I.
N. m. (Techn., sc.). || Le louche : aspect trouble (d'un liquide) dû à un léger précipité.
Fig. || Phrase louche. Ambigu, équivoque.Didact. et vx (du langage). || Sens louche, ambigu. || Phrases, mots louches (→ Embarrasser, cit. 21; impropriété, cit. 2).
3 (1647, Vaugelas). Fig. et cour. Qui n'est pas clair, pas honnête. Incertain, suspect, troublant, trouble. || Affaires, manœuvres, opérations louches (→ Coup, cit. 48; défenseur, cit. 4; économe, cit. 3). || Activités, menées louches. || Fréquenter des milieux louches. Interlope. || Un cabaret, un café louche. Borgne, famé (mal). || Curiosité assez louche. Étrange (→ Flanc, cit. 14). || Voilà qui me paraît louche, c'est louche.N. m. (Déb. XVIIIe, Saint-Simon,… le louche…). || Il y a du louche dans cette histoire.
9 Le commissaire, à qui, naturellement, je dus déclarer l'accident, me regarda de travers, et me dit : « Voilà qui est louche ! » mû sans doute par un désir invétéré et une habitude d'état de faire peur, à tout hasard, aux innocents comme aux coupables.
Baudelaire, le Spleen de Paris, XXX.
10 Tout cela nous paraissait assez louche, et l'idée nous vint que nous étions peut-être exposés à quelque guet-apens.
Th. Gautier, Voyage en Espagne, p. 227.
11 Il n'était plus le juif Walter, patron d'une banque louche, directeur d'un journal suspect, député soupçonné de tripotages véreux. Il était Monsieur Walter, le riche israélite.
Maupassant, Bel-Ami, II, VII.
12 M. Chavegrand vous a-t-il donné lieu de lui supposer des vices cachés, un passé louche, un casier judiciaire encombré !
G. Duhamel, Salavin, VI, XXI.
13 Quand le préfet de police fonda la Mutuelle des Agents de Paris, on s'aperçut que certains donateurs avaient poussé la générosité à des limites difficilement imaginables (…) C'était les tenanciers d'entreprises louches qui croyaient ainsi acheter la tolérance de la police chargée de les surveiller.
Giraudoux, De pleins pouvoirs à sans pouvoirs, V, p. 131.
Un individu louche (→ Épave, cit. 9).
CONTR. Clair, franc, net.
DÉR. Loucher, louchir. V. Louchon.
HOM. 2. Louche; formes du v. loucher.
————————
2. louche [luʃ] n. f.
ÉTYM. XIIIe, louce; loche « bêche », fin XIIIe; du francique lôtja.
1 Grande cuiller à long manche et à cuilleron hémisphérique, avec laquelle on sert le potage, les mets liquides ou pâteux. || Louche en argent, en vermeil. || Louche de cuisine. Cuiller (à pot). || Plonger la louche dans la marmite (→ Gamelle, cit. 3). || Louche dégraisseuse. || Louche à punch.
1 La maîtresse (…) allait (…) de l'âtre à la table, avec sa grande louche qui charriait chaque fois une pleine écuellée de soupe aux choux. Elle savait l'ordre des choses : une louchée pour le patron, une pour Saturnin, une pour moi (…) une pour elle.
J. Giono, Un de Baumugnes, IV.
2 La fille au visage grognon reparut, avec une soupière fumante. — « Bravo, Mademoiselle ! » s'écria Jacques, en lui prenant la louche des mains. « Vous ne nous aviez pas annoncé de potage… Il embaume ! »
Martin du Gard, les Thibault, t. VI, p. 268.
Loc. À la louche : en grande quantité.Fig. et fam. En grande quantité et d'une manière grossière. || « Dommage que cette saga en rajoute (à la louche) sur les couchers de soleil et les effets musicaux » (le Monde, 20 déc. 1999, p. 6).De manière approximative. || Une estimation à la louche.
Contenu de cet instrument. || Manger trois louches de soupe. Louchée. — ☑ Loc. Fig. et fam. En remettre une louche : insister lourdement, redire ou exprimer de nouveau et avec insistance. || Inutile d'en remettre une louche : on a compris !
2 (1809). Techn. Écuelle à long manche utilisée naguère pour répandre les engrais liquides sur les champs.
(1803). Outil de tourneur, de vannier, de verrier.
3 (1455). Fam. Main. Serrer la louche à qqn. Cuiller, pince (plus cour.).
DÉR. Louchée, louchet.
HOM. 1. Louche; formes du v. loucher.

Encyclopédie Universelle. 2012.