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morfondre

morfondre (se) [ mɔrfɔ̃dr ] v. pron. <conjug. : 41>
• 1574; « prendre froid » 1549; « être catarrheux » (cheval) intr. v. 1400; du provenç. mourre, rad. murr- « museau », et fondre
S'ennuyer. Elle est là toute seule à se morfondre. Être plongé dans l'inquiétude et la tristesse. « ce pauvre chou qui se morfondait ici en attendant le résultat » (Aymé). languir (cf. Se faire du souci). (Avec l'inf.) Elle se morfondait à l'attendre. ⊗ CONTR. Amuser (s').

morfondre (se)
v. Pron. S'ennuyer à attendre.

⇒MORFONDRE, verbe
A. Vieilli. Refroidir, transir. Ce vent vous morfondra (Ac.). Le froid leur cuit [aux chenilles], le froid humide les morfond et paralyse leurs entrailles (MICHELET, Insecte, 1857, p.58). La pluie fine qui nous morfond (A. FRANCE, Dieux ont soif, 1912, p.158).
P. métaph. Morfondre de. Le temps était maussade, humide, morfondait de brume et de gelée blanche les petits jardins du quartier où il avait sa villa (THARAUD, Qd Israël est roi, 1921, p.85).
En partic., vx. [En parlant d'un cheval] Ne dessellez pas sitôt ce cheval, de peur de le morfondre (Ac.).
B. Emploi pronom. réfl.
1. Vx. Prendre froid. Ses perruques (...) [de Louis XIV], ne le protègent qu'à demi contre le froid de ses (...) appartements; pour peu qu'il passe dans son cabinet des perruques pour en changer (...) il court le risque, chauve et rasé qu'il est là-dessous, de se morfondre et de s'enrhumer du cerveau (SAINTE-BEUVE, Nouv. lundis, t.2, 1862, p.374).
2. Attendre longuement dans l'ennui, perdre du temps à faire quelque chose d'inutile, sans succès, et, p. méton., se tourmenter, être insatisfait. Je reste à me morfondre devant mon papier blanc (FLAUB., Corresp., 1863, p.328). J'ai dû m'habiller chez un ami avec qui je dînais, avant d'aller vous attendre à l'hôtel Sinda, où je viens de me morfondre toute la soirée. Par quoi avez-vous été retenue (...)! (VOGÜÉ, Morts, 1899, p.334). Il ne se passe rien. Les gars se morfondent dans le maquis, les civils ne fichent rien (TRIOLET, Prem. accroc, 1945, p.386).
3. Région. (Canada). S'épuiser, se ruiner la santé. Tu vas te morfondre, disait souvent Didace à Marie-Amanda. Mais elle n'eut de reste que tout fût à l'ordre et qu'il y eût aux fenêtres (...) des rideaux empesés à point (GUÈVREMONT, Survenant, 1945, p.99).
Se morfondre à + inf. ,,S'efforcer de faire quelque chose`` (DIONNE 1909). Les soirs suivants, elle se morfondit à inventer des raisons à peine plausibles (GUÈVREMONT, op. cit., p.56).
4. BOULANG. [En parlant de la pâte à pain] Fermenter mal, insuffisamment. La pâte se morfond (Ac.).
REM. 1. Morfondant, -ante, part. prés. et adj. Qui morfond, qui refroidit, qui imprègne de froid, de tristesse ou de malaise. Ces livres-là ne sont précieux que pour les familles qui se perpétuent, et Hyacinthe et Germain mourraient sans postérité dans leur morfondante solitude de célibataires (THEURIET, Mais. deux barbeaux, 1879, p.146). Sur le vieux balcon de bois, aux rais de la lune morfondante, elle prit sa résolution sans consulter aucun parent ni aucun prêtre (POURRAT, Gaspard, 1925, p.81). 2. Morfondement, subst. masc., hapax. Veiller et prier? Je pense que ce morfondement leur a réappris les niaiseries des petits livres! (CLAUDEL, Tête d'Or, 1890, 2e part., p.53).
Prononc. et Orth.: []. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) Fin du XIVe s. intrans. «devenir catarrheux (du cheval)» (FROISSART, Chron., III, §153, éd. L. et A. Mirot, t.13, p.209); b) 1407 cheval morfondu (Arch. Nord B 10361, fol. 44 ds IGLF); 2. a) ) 1460-66 «prendre froid» (MARTIAL D'AUVERGNE, Arrêts d'amour, éd. J. Rychner, III, 52); )1524 adj. subst. morfondu «celui qui est transi de froid (G. BRIÇONNET, Correspondance, 17 mars, éd. Chr.Martineau et M. Veissière, t.2, p.137); b) 1512 [n. st.] pronom. «glacer, geler» (GRINGORE, Farce ds Œuvres complètes, éd. Ch. d'Héricault et A. de Montaiglon, t.1, p.274: Sont point noz vignes morfondues De ces gellées?); 1573 trans. «id.» (GARNIER, Hyppolyte, 328 ds Tragédies, éd. W. Foerster, t.2, p.18); 3. a) 1574 pronom. «rester dans une attente longue et ennuyeuse» (MELLIN DE SAINCT-GELAYS, Œuvres poétiques ds Œuvres complètes, t.1, p.272 ds IGLF); b) 1585 intrans. «s'ennuyer» (NOËL DU FAIL, Contes d'Eutrapel, t.1, p.265, ibid.). Empr. à l'a. prov. marfondre, morfondre «devenir catarrheux (du cheval)» (1359-60, Comptes Albi, § 176 ds LEVY Prov., v. aussi FEW t.3, p.865a-b et 866b, note 6); comp. de mor, more «museau, groin», particulièrement vivant dans le Midi (v. morailles) et de fondre. Fréq. abs. littér.: 96. Bbg. DELB. Matér. 1880, p.207 (s.v. morfondement).

morfondre [mɔʀfɔ̃dʀ] v. [CONJUG. fondre.]
ÉTYM. V. 1360; du provençal mourre, rad. murr « museau », et fondre.
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I V. intr. Vx.
1 Prendre un catarrhe, un coryza.Par ext. Attraper froid.
2 (Fin XVIe). Fig. Attendre en s'ennuyant.
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II V. tr. (V. 1560).
1 Techn. (vétér.). Rendre (un cheval) catarrheux.
2 Vx. Refroidir. Transir. || Le froid de la nuit les morfondait (Paré, in Littré).
1 Pour moi, je sens la pluie, hélas ! Elle me morfond.
G. Duhamel, Salavin, Journal, 2 mai.
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se morfondre v. pron.
1 (1549). Vx. Prendre froid; être pénétré, transi de froid.
2 (1611). Mod. Se ronger en une longue attente. Attendre, droguer (fam.), ennuyer (s'), languir (→ Croquer le marmot). || Se morfondre au théâtre (→ 1. Lieu, cit. 42). || Se morfondre à attendre, en attendant qqn. Absolt. || Il reste à se morfondre dans sa chambre au lieu de réagir. Désespérer (se).
2 N (…) avec un vestibule et une antichambre, pour peu qu'il y fasse languir quelqu'un et se morfondre (…) il fera sentir de lui-même quelque chose qui approche de la considération.
La Bruyère, les Caractères, VI, 11.
3 Mais quelle émotion pour ce pauvre chou qui se morfondait ici en attendant le résultat.
M. Aymé, la Tête des autres, I, 4.
3 (1690). Techn. (boulang.). || La pâte se morfond, fermente mal, insuffisamment.
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morfondu, ue [mɔʀfɔ̃dy] p. p. adj.
ÉTYM. V. 1398.
1 Vétér. || Cheval morfondu, catarrheux.
2 (1668). Vx ou littér. Transi de froid et d'humidité (→ Convier, cit. 1. contr. : Chaud, réchauffé).
4 L'air devenu serein, il part tout morfondu,
Sèche du mieux qu'il peut son corps chargé de pluie (…)
La Fontaine, Fables, IX, 2.
5 (…) dès le roulement du premier tramway, j'avais entendu s'il était morfondu dans la pluie ou en partance pour l'azur.
Proust, À la recherche du temps perdu, t. III, p. 9.
3 (1608). Fig. Mod. Ennuyé ou attristé par une longue et vaine attente, par une déception… Par ext. || « Des cuistres morfondus », sinistres, ennuyeux (Stendhal, Vie de Henry Brulard, 27).
6 Elle ne l'avait pas aperçu; elle était entrée la dernière dans la grange, très morfondue à la pensée qu'elle ne le verrait pas.
Montherlant, le Songe, I, VIII.
4 Technique.
a Zootechn. Se dit des œufs morts des vers à soie.
b (1690). Boulang. || Pâte morfondue.
c Mar., vx. || Cordage morfondu, et, n. m., un morfondu : cordage fait avec de vieux câbles détordus.
CONTR. Amuser (s').
DÉR. Morfondure.

Encyclopédie Universelle. 2012.