amuser [ amyze ] v. tr. <conjug. : 1> I ♦
1 ♦ Vx Occuper en faisant perdre le temps.
♢ Tromper en donnant de faux espoirs. « Les promesses trompeuses dont le faux prophète [...] amusait le peuple » (Bossuet).
♢ Mod. Détourner l'attention de. ⇒ distraire. Tu amuseras le caissier pendant qu'on ouvrira le coffre. Loc. Amuser le tapis : jouer petit jeu en attendant la partie sérieuse. Par ext. Donner le change.
2 ♦ (XVIIe) Distraire agréablement, donner de l'agrément; faire rire ou sourire. ⇒ délasser, divertir. « Ce jeu de ballon m'a [...] amusé comme un enfant » (A. Gide). « Cela l'amusait beaucoup, il était pris de fou rire » (Loti). ⇒ égayer. Un rien l'amuse. Loc. fam. Amuser la galerie : faire rire l'assistance en concentrant l'attention sur soi. — (Dans une situation où l'on n'est pas d'accord) Tu m'amuses (cf. Laisse-moi rire !). Si ça t'amuse : si tu veux, si tu en as envie (cf. Si ça te chante).
II ♦ S'AMUSER v. pron.
1 ♦ Perdre son temps à des riens. L'étape est longue, il ne faudra pas s'amuser en route. ⇒ baguenauder, batifoler, folâtrer.
2 ♦ Se distraire agréablement. ⇒ se divertir, jouer. Nous nous sommes amusés comme des fous. ⇒fam. s'éclater. Il s'amuse avec nous. « Elle aimait rire et s'amusait de petits riens » (R. Rolland). On ne va pas s'amuser : ce sera difficile. — S'amuser à (et nom ou inf.). S'amuser à des bêtises. « Les enfants s'amusaient à le mettre en colère » (Barrès)(cf. Prendre un malin plaisir à).
3 ♦ Péj. Mener une vie de plaisirs, faire la noce.
⊗ CONTR. Ennuyer.
● amuser verbe transitif (de muser) Occuper agréablement le temps de quelqu'un, le divertir ; égayer, distraire : Le cirque amuse les enfants. Plaire à quelqu'un, le réjouir, être pour lui une cause de plaisir : Cette visite ne m'amuse guère. Littéraire. Détourner l'attention de quelqu'un pour l'empêcher d'agir, par des ruses, des moyens dilatoires : Amuser l'ennemi par des manœuvres de diversion. ● amuser (citations) verbe transitif (de muser) Louis XIV, roi de France Saint-Germain-en-Laye 1638-Versailles 1715 Ce qui nous occupe est quelquefois moins difficile que ce qui nous amuserait seulement. Mémoires ● amuser (synonymes) verbe transitif (de muser) Occuper agréablement le temps de quelqu'un, le divertir ; égayer, distraire
Synonymes :
- délasser
- divertir
- égayer
- récréer
- réjouir
Plaire à quelqu'un, le réjouir, être pour lui une cause...
Synonymes :
- ravir
Contraires :
- assommer (familier)
- embêter (familier)
- ennuyer
- raser (familier)
Littéraire. Détourner l'attention de quelqu'un pour l'empêcher d'agir, par des ruses...
Synonymes :
- abuser
- duper
- leurrer
- occuper
- tromper
amuser
v.
rI./r v. tr.
d1./d Distraire, divertir. Ses plaisanteries m'ont bien amusé. Syn. égayer. Ant. ennuyer.
— Cela ne l'amuse pas de travailler si tard, ne lui plaît pas.
d2./d Détourner l'attention de qqn pour l'empêcher d'agir ou de voir qqch au moyen d'habiles diversions. Il amuse l'auditoire pour gagner du temps.
|| (Réunion) En parlant du temps, occuper, meubler. Amuser le temps d'alitement d'un malade.
rII./r v. Pron.
d1./d Se distraire, se divertir. Ils s'amusent à le mettre en colère.
— Jouer. Les enfants s'amusent.
— Litt. S'amuser de quelqu'un, se moquer de lui.
|| Fam. Ne vous amusez pas à (+ inf.): ne vous avisez pas de.
d2./d Fam. Perdre son temps, traîner. Si vous voulez être à l'heure, ne vous amusez pas en chemin.
rIII/r v. intr. (Réunion) Musarder, flâner.
⇒AMUSER, verbe trans.
I.— Emploi trans.
A.— [L'obj. est gén. une pers. ou une collectivité; avec éventuellement un compl. de moyen prép. par, anciennement de (ex. 5)]
1. Divertir, occuper agréablement. Synon. récréer, charmer :
• 1. « Ma sœur, s'écrie la Reine, en la voyant, le Prince vient d'arriver à Damiette, il va venir incessamment nous donner des nouvelles de l'armée : et en attendant, il nous envoie ses femmes nous amuser par leurs jeux; venez vous placer près de moi et prendre part à ce divertissement. »
Mme COTTIN, Mathilde, t. 1, 1805, p. 157.
• 2. Pour prouver que la profession d'homme de lettres est un des états les plus honorables, on dit que son but est d'instruire, d'amuser et de corriger l'espèce humaine. Pour prouver que c'est le plus honteux des métiers, on nomme quelques-uns de ceux qui l'exercent.
V. DE JOUY, L'Hermite de la Chaussée d'Antin, t. 2, 1812, p. 150.
• 3. Voici l'impression qu'a faite sur moi la lecture de La Féodalité. J'ai été continuellement amusé, mon esprit a toujours été occupé, mais rien ne m'a touché le cœur; rien ne m'a laissé d'impression profonde et durable.
É.-J. DELÉCLUZE, Journal, 1826, pp. 320-321.
• 4. Avez-vous sur le métier quelque ouvrage qui occupe et amuse votre pensée? C'est l'essentiel : l'immortalité est une plaisanterie plus ou moins longue dont nous savons le fin mot. Se plaire à soi-même, voilà tout l'écrivain; si on veut plaire de plus à quelques amis, c'est trop.
A. DE LAMARTINE, Correspondance, 1830, p. 4.
• 5. Ah! oui, j'en ai mémoire, Et je vous veux, Lucrèce, amuser de l'histoire. Peu s'en faut qu'à nous tous Brute n'ait fait la loi. Si sa mère eût vécu, Brute aurait été Roi.
F. PONSARD, Lucrèce, 1843, I, 4, p. 26.
• 6. Eh bien! oui, la prison, le désert, le tombeau, tout cela est vrai; je me sens prise..., Valerio, il faut que je m'en aille d'ici! J'ai tout regardé, j'ai tout vu, j'ai été amusée, charmée, ravie, je ne le nie pas! mais, soudain, je viens de m'apercevoir que nous sommes seuls, absolument seuls, au milieu d'un monde qui nous est étranger.
J.-A. DE GOBINEAU, Nouvelles asiatiques, La Vie de voyage, 1876, p. 335.
• 7. Ce jeu de ballon m'a plus amusé que je n'eusse cru qu'il était encore possible, amusé comme un enfant et comme un dieu, et d'autant plus que je ne m'y sentais pas malhabile. Que Pascal a donc dit sur le jeu des choses absurdes! et que la gratuité précisément de cette lutte, de cet effort, me paraît belle! Oui vraiment, je ne me souviens pas avoir pris même dans ma jeunesse ou mon enfance, plaisir plus ardent, plus pur et plus complet.
A. GIDE, Journal, 1930, p. 964.
2. Égayer :
• 8. La gaieté sérieuse qui ne tourne rien en plaisanterie, mais amuse sans le vouloir, et fait rire sans avoir ri; cette gaieté, que les Anglais appellent humour, se trouve aussi dans plusieurs écrits allemands; mais il est presque impossible de les traduire.
G. DE STAËL, De l'Allemagne, t. 3, 1810, pp. 271.
• 9. C'est le plaisant, le jovial qui amuse tout le monde, et fait rire le régiment, je veux dire les soldats et les bas officiers; car tout le reste est noble, et, comme de raison, rit à part.
P.-L. COURIER, Pamphlets politiques, Lettres particulières, 1820, p. 67.
• 10. ŒDIPE. — Quel chemin? LE SPHINX. — Vous êtes extraordinaire. Dois-je rendre compte à un étranger du but de ma promenade? ŒDIPE. — Et si je le devinais, moi, ce but. LE SPHINX. — Vous m'amusez beaucoup.
J. COCTEAU, La machine infernale, 1934, II, p. 73.
— Familier
a) Amuser la galerie. Amuser son entourage en concentrant son attention sur soi :
• 11. ... le premier soir, je le vis tout tranquillement allumer à l'ongle de son petit doigt sa cigarette, puis, comme il venait de perdre au jeu, extraire de mon oreille et de mon nez autant de roubles qu'il fallut, ce qui me terrifia littéralement, mais amusa beaucoup la galerie, car il disait, toujours de ce même air tranquille : « Heureusement que cet enfant est une mine inépuisable! »
A. GIDE, Les Caves du Vatican, 1914, p. 740.
• 12. LE COMTE, s'assoit. — Héro, cela ne m'amuse plus! HÉRO. — Tu n'aimes plus Marivaux? Bon. Tu ne vas tout de même pas nous faire changer de pièce? Moi, j'étais ravi de mon rôle. Un Seigneur. Que jouez-vous, cher Héro? un Seigneur. C'est discret et mystérieux et il n'y avait pas trop de lignes à retenir. LE COMTE. — Cela ne m'amuse plus de m'amuser. HÉRO. — Tu y as mis le temps.
J. ANOUILH, La Répétition, 1950, III, p. 72.
• 13. Justin Weill fermait à demi les yeux, comme saisi d'un nouveau tourment — Ça vous amuse d'obéir? fit-il enfin. Les Juifs obéissent, bien sûr; mais au fond, nous n'aimons pas ça. Nous ne sommes pas des êtres véritablement disciplinés.
G. DUHAMEL, La Nuit de la Saint-Jean, 1935, p. 56.
3. Spéc., dans le domaine des sens
a) [En parlant d'une chose qui flatte la vue notamment dans le domaine de la peint.] Amuser l'œil, les yeux. Charmer la vue :
• 14. ... les barques qui traversent cette douce rivière mitis Arar, couvertes d'une toile, éclairées d'une lumière pendant la nuit, et conduites par de jeunes femmes, amusent agréablement les yeux.
F.-R. DE CHATEAUBRIAND, Correspondance générale, t. 1, 1789-1824, p. 106.
• 15. L'objet de la peinture est indécis. S'il était net, — comme de produire l'illusion de choses vues, ou d'amuser l'œil et l'esprit par une certaine distribution musicale de couleurs et de figures, le problème serait bien plus simple...
P. VALÉRY, Tel quel I, 1941, p. 11.
b) [En parlant d'une chose qui affecte le goût, notamment d'un liquide] :
• 16. Nous bûmes à la fin un des élixirs les plus remarquables du monde, je crois. Un Constance de 1840 ou 1830, qui m'a — positivement — amusé.
P. VALÉRY, A. GIDE, Correspondance, lettre de P. V. à A. G., mars 1898, p. 313.
c) [En parlant d'un liquide] Amusé de qqc. Agrémenté de :
• 17. Me souviendrai-je des œufs frits, du jambon par trop sapide, des noisettes grillées que nous croquâmes avec du sel, du robuste vin au parfum enveloppé de goudron; et surtout, au sortir du bain, des verres d'eau glacée amusée d'un peu d'anisette?
A. GIDE, Journal, 1910, p. 314.
B.— Vieilli ou littér.
1. Occuper quelqu'un ou l'esprit de quelqu'un en le détournant des choses importantes par des activités ou des préoccupations secondaires ou futiles :
• 18. Ce cortège embarrassant, leur faisait préférer le chemin de la province romaine. Ils y trouvèrent à l'entrée, vers Genève, César qui leur barra le chemin, et les amusa assez long-temps pour élever du lac au Jura un mur de dix mille pas et de seize pieds de haut.
J. MICHELET, Histoire romaine, t. 2, 1831, p. 238.
• 19. ... Binet souriait, le menton baissé, les narines ouvertes et semblait enfin perdu dans un de ces bonheurs complets, n'appartenant sans doute qu'aux occupations médiocres, qui amusent l'intelligence par des difficultés faciles, et l'assouvissent en une réalisation au delà de laquelle il n'y a pas à rêver.
G. FLAUBERT, Madame Bovary, t. 2, 1857, p. 159.
• 20. En parlant de ma vie intellectuelle, le mot de « jeu » revient fréquemment à ma pensée. Il est le plus juste. On a amusé mon esprit avec des idées inoffensives de peur qu'il ne songeât à autre chose.
É. ESTAUNIÉ, L'Empreinte, 1896, p. 314.
• 21. J'ai appris le cambriolage d'une lutherie, rue Bergère, pendant que la conspiration des Prouvaires amusait la police.
A. ARNOUX, Algorithme, 1948, p. 199.
— Ironiquement :
• 22. ... s'il était vrai qu'elle ne fût qu'une malade, l'une d'entre ces pauvresses que trahissent la chair et le sang, qui amusent la curiosité des psychologues et des médecins, et dont les vraies servantes de Dieu parlent avec moins de pitié que d'aversion, que lui resterait-il donc en propre?
G. BERNANOS, La Joie, 1929, p. 574.
2. Plus spéc. [L'obj. désigne un mal phys. ou moral] Tromper pour faire patienter en faisant illusion; endormir. Amuser son mal (É. ZOLA, Le Docteur Pascal, 1893, p. 294) :
• 23. Et, pendant que Lénore et Henri, pour amuser leur faim, grattaient avec un bruit assourdissant une vieille casserole, où des choux avaient bouilli la veille, la Maheude toute droite, après avoir posé Estelle sur la table, menaçait du poing Catherine.
É. ZOLA, Germinal, 1885, p. 1515.
— Vieilli. [L'obj. désigne une pers.] Tromper par de fausses espérances :
• 24. Que de ressorts les ministériels ne font-ils pas jouer contre le peuple! Que d'artifices n'emploient-ils pas pour l'amuser, l'endormir, le tromper, le séduire et le perdre! L'astuce, l'hypocrisie, la fourbe, la trahison, le poison sont leurs armes favorites...
MARAT, Les Pamphlets, On nous endort, prenons-y garde, 1790, p. 221.
C.— Emplois techn.
1. HORTIC. Dérivé du sens « détourner » :
• 25. Il ne faut jamais, ou du moins on ne doit que très rarement les [les bourgeons latéraux] supprimer entièrement; car alors la tige, en s'effilant serait très mince, et flexible, et ne pourrait souvent se soutenir qu'à l'aide d'un tuteur; en pinçant, au contraire, seulement leur extrémité, cette ablation suffit pour obliger une partie de la sève à se porter vers le sommet, en même temps que les rameaux latéraux, dont on s'est borné à supprimer l'extrémité, suffisent pour attirer ou, comme on dit dans la pratique, pour amuser la sève; de sorte que celle-ci, ainsi retenue, détermine un accroissement suffisant de la tige en diamètre.
É.-A. CARRIÈRE, Pépinières, 1878, p. 107.
2. JEUX. Amuser le tapis. Jouer très petit jeu en attendant le moment favorable. Synon. user le tapis.
— P. ext., au fig. Passer son temps à de vains discours ou à des occupations inutiles au lieu d'en venir directement au fait :
• 26. Réduit à un rôle secondaire, le diable semble ici chargé d'amuser le tapis en attendant le retour de l'illustre magicien.
G. DE NERVAL, Le Second Faust, 1840, p. 208.
• 27. À la même heure, au Mans, à Montmartre, au Havre, sur toute la France, avec un zèle admirable, on arrêtait des assassins de Labori. C'était amuser le tapis, ce n'était pas résoudre le mystère.
M. BARRÈS, Scènes et doctrines du nationalisme, t. 1, 1902, p. 183.
3. THÉÂTRE. [Avec une idée de « faire patienter »] Amuser l'entr'acte. ,,Distraire le spectateur quand le rideau a été baissé, attirer son attention sur un objet quelconque qui l'occupe dans l'intervalle qui sépare un acte de l'acte suivant.`` (Lar. 19e).
II.— Emploi pronom.
A.— Se livrer à des occupations divertissantes.
1. [En parlant de distractions, du comportement dans la vie] :
• 28. Ici, nous irons beaucoup mieux, vous verrez; et si cela va aussi mal, je veux bien que l'on rie, moi. Rire, c'est toujours s'amuser!
T. LECLERCQ, Proverbes dramatiques, La Manie des proverbes ou chacun pour soi et Dieu pour tous, 1835, 1, p. 15.
• 29. Il y a des gens qui s'amusent toute leur vie, et il y a des gens qui demeurent sérieux toute leur vie; les premiers sont plus inutiles, les seconds sont plus dangereux. La sagesse bourgeoise aime qu'on s'amuse quand on est jeune, et qu'on devienne sérieux quand on cesse d'être jeune.
A. THIBAUDET, Réflexions sur la littérature, 1936, p. 205.
• 30. Les grandes personnes ne partageaient pas nos jeux ni nos plaisirs. Je n'en connaissais aucune qui parût beaucoup s'amuser sur terre : la vie n'est pas gaie, la vie n'est pas un roman, déclaraient-elles en chœur. La monotonie de l'existence adulte m'avait toujours apitoyée; quand je me rendis compte que, dans un bref délai, elle deviendrait mon lot, l'angoisse me prit.
S. DE BEAUVOIR, Mémoires d'une jeune fille rangée, 1958, p. 105.
2. [En parlant de jeux d'enfants] :
• 31. Dans l'hiver (et nous étions en hiver) chaque classe rentrait chez elle, les grandes dans leur belle et spacieuse salle d'études, nous dans notre triste local, où nous n'avions pas assez d'espace pour jouer, et où la D. nous forçait à nous amuser tranquillement, c'est-à-dire à ne pas nous amuser du tout.
G. SAND, Histoire de ma vie, t. 3, 1855, p. 101.
— Loc. S'amuser comme des enfants. S'amuser beaucoup et de tout cœur :
• 32. Alors ils se regardèrent en face. Ils se demandèrent des renseignements sur leurs futurs, se disant par délicatesse qu'ils auraient préféré être ensemble, mais qu'il fallait pourtant songer au solide, qu'ils n'étaient plus d'âge à s'amuser comme des enfants, et ils ajoutèrent, tressaillant tous les deux : — c'est égal, te rappelles-tu les bons moments que nous avons passés ensemble?
J.-K. HUYSMANS, Les Sœurs Vatard, 1879, p. 305.
— Iron. Les enfants s'amusent :
• 33. ... et faites bien attention. Pour les nôtres toujours comprendre le contraire. Si je vous mets : « Ravitaillement difficile », ça voudra dire : ravitaillement facile. Si je vous mets : « Père souffrant », ça voudra dire qu'il est bonne santé.
GEORGES. — Les enfants s'amusent.
H. DE MONTHERLANT, Fils de personne, 1943, IV, 1, p. 334.
— Par métaph. :
• 34. Quand la maison est heureuse, la fumée s'amuse doucement au-dessus du toit.
G. BACHELARD, La Poétique de l'espace, 1957, p. 78.
3. Avec une nuance péj.
a) Tour positif :
• 35. Je n'ai compris ce mot s'amuser que comme exprimant le jeu des enfants et des êtres sans pensées.
A. DE VIGNY, Le Journal d'un poète, 1833, p. 986.
• 36. Il n'y a que les simples qui s'amusent. Or s'amuser est une manière inférieure, une manière réelle pourtant de toucher le but de la vie.
E. RENAN, Drames philosophiques, L'Eau de Jouvence, 1881, III, 2, p. 478.
b) Tour négatif. On ne va pas s'amuser. Cela ne va pas être commode; cela n'ira pas sans difficulté :
• 37. — Nous en aurons comme ça, jusqu'à l'arrivée.
— On ne va pas s'amuser pour atterrir.
É. PEISSON, Parti de Liverpool, 1932, p. 152.
c) Spéc., fam. dans le domaine affectif ou sexuel. S'adonner aux plaisirs de l'amour, prendre du bon temps :
• 38. ... [elles] interrogeaient les passants, s'ils voulaient s'amuser (c'est le terme technique avec lequel ces ambulantes expriment sous une image honnête l'acte de leur métier le plus malhonnête). (Anecdotes sur la comtesse Du Barri, 1776).
L. RIGAUD, Dict. de l'argot moderne, 1881, p. 10.
• 39. Est-ce qu'elle allait lui gâter la vie encore, se mettre en travers de son plaisir, cette femme, qu'il ne désirait plus, dont la possession n'était plus qu'une secousse désagréable? Puisqu'il s'amusait ailleurs, il n'avait aucun besoin d'elle.
É. ZOLA, La Bête humaine, 1890, p. 141.
Rem. 1. Cf. l'expr. s'amuser d'amour (L.-F. CÉLINE, Voyage au bout de la nuit, 1932, p. 618). 2. Nuance péj. chez V. HUGO, dans ces 2 vers du Roi s'amuse, 1832, I, 3, p. 363 : ,,Le roi s'amuse? Ah! diable! Et c'est très malheureux! / Car un roi qui s'amuse est un roi dangereux.``
— S'amuser ou s'amuser tout seul. Avoir des habitudes solitaires. ,,Ce petit garçon a la funeste habitude de s'amuser la nuit. Il faut amuser les enfants, de peur qu'ils ne s'amusent.`` (J. DE MAISTRE ds Lar. 19e).
♦ Au fig., par réf. à cet emploi :
• 40. Je me suis rappelé un couplet intercalé dans le Juif errant par M. Mocquard, que j'ai entendu l'autre soir à l'Ambigu : le sens en était qu'il ne fallait plus faire de politique, mais s'amuser, gaudrioler et jouir. On dompte les peuples comme les lions, par la masturbation.
E. et J. DE GONCOURT, Journal, juill. 1860, p. 775.
d) Passer son temps à des futilités au lieu des choses essentielles :
• 41. ... Tu ne sais pas pourquoi tu chantes sur la lyre du soir jusqu'au matin.
Poète, un grave auteur dira que tu t'amuses sans trop d'utilité;
Va, ne l'écoute point : Apollon et les Muses ont bien quelque beauté.
J. MORÉAS, Les Stances, 1901, p. 131.
• 42. Je suis la tombe d'un espoir à qui j'avais toute ma vie pour donner l'être. Je me suis amusé, j'ai perdu mon temps. J'ai mal vécu. Et à chacun de ceux qui m'approchent j'ai envie d'en demander pardon...
J. BOUSQUET, Traduit du silence, 1935-1936, pp. 97-98.
— Par métaph. :
• 43. ... et à travers leurs manières douces, perçait cette brutalité particulière que communique la domination de choses à demi faciles, dans lesquelles la force s'exerce et où la vanité s'amuse, le maniement des chevaux de race et la société des femmes perdues.
G. FLAUBERT, Madame Bovary, t. 1, 1857, p. 58.
— Fam. Perdre son temps à flâner. Synon. musarder, lanterner :
• 44. On sortait, et appuyée sur la rampe, la loueuse criait de sa voix brève : « Je t'attends demain à midi, ne t'amuse pas en route ».
J.-K. HUYSMANS, Marthe, 1876, p. 125.
B.— Constr. diverses. S'amuser à, s'amuser de.
1. S'amuser à
a) S'amuser à + subst. [animal ou inanimé]
— Vieilli. Jouer avec, s'occuper à :
• 45. M. de La Martinière, qui est sur l'astrolabe, a les plantes, et s'amuse aussi aux insectes, oiseaux et poissons.
Voyage de La Pérouse autour du monde, t. 4, 1797, p. 246.
— Perdre son temps à s'occuper de quelque chose :
• 46. Je n'étais point jeune, pour m'amuser à la poupée! Celle-ci me fit tourner la tête, à près de soixante-ans...
P. ADAM, L'Enfant d'Austerlitz, 1902, p. 351.
— Prendre plaisir à :
• 47. ... je sens et chacun avec moi sentira, d'un côté, un opinion qui, sous prétexte d'être naturelle, rabaisse l'homme comme à plaisir et s'amuse à son néant...
Ch.-A. SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 3, 1848, p. 339.
• 48. Je suis, moi, affreusement, irrémédiablement joyeux. Je m'amuse puérilement aux choses, et j'ai des regards vierges pour tous les éblouissements.
A. GIDE, P. VALÉRY, Correspondance, lettre de A. G. à P. V., 1890-1942, p. 128.
— Fam. S'amuser à la moutarde. S'arrêter à des bagatelles, perdre son temps à des riens :
• 49. ... en courant avec lui dans la campagne, lui chargé de sa boîte de fer-blanc, moi portant Maurice sur mes épaules, je ne m'étais amusée, comme disent les bonnes gens, qu'à la moutarde; encore n'avais-je pas bien étudié la moutarde et savais-je tout au plus que cette plante est de la famille des crucifères.
G. SAND, Histoire de ma vie, t. 4, 1855, p. 68.
• 50. « Maintenant, dit Hérode, sans plus nous amuser à la moutarde, descendons de ce perchoir où je n'ai pas toutes mes aises, sur le sacro-saint plancher des vaches qui sied mieux à ma corpulence. »
T. GAUTIER, Le Capitaine Fracasse, 1863, pp. 414-415.
b) S'amuser à + verbe. [Le suj. est un animé] Prendre du plaisir à :
• 51. Gérard s'amusa plus d'une fois, dans la loge de l'acteur, à lire de nombreux petits billets de femmes cachés dans les fleurs adressées à Coquinet.
CHAMPFLEURY, Les Aventures de Mademoiselle Mariette, 1853, p. 306.
• 52. Quand j'étais un enfant, je m'amusais avec des cailloux à construire des ermitages.
G. FLAUBERT, La Tentation de saint Antoine, 1874, p. 179.
— Iron. ou péj. Prendre un plaisir malin, voire sadique à :
• 53. C'étaient des rires, des ironies, des humiliations sans fin. Les sarcasmes pleuvaient sur l'Égyptienne, et la bienveillance hautaine, et les regards méchants. On eût cru voir de ces jeunes dames romaines qui s'amusaient à enfoncer des épingles d'or dans le sein d'une belle esclave.
V. HUGO, Notre-Dame de Paris, 1832, p. 286.
• 54. Eh bien! c'est la vérité. Il s'amuse sadiquement à me torturer et maintenant je sais pourquoi.
S. DE BEAUVOIR, Les Mandarins, 1954, p. 411.
— Par métaph. :
• 55. ... la nature s'était amusée à sauver le malade à la barbe du médecin.
V. HUGO, Notre-Dame de Paris, 1832, p. 387.
Rem. Cf. également s'amuser à faire souffrir (H. DE BALZAC, Le Lys dans la vallée, 1836, p. 5); s'amuser à tourmenter (J. DE MAISTRE, Les Soirées de Saint-Pétersbourg, t. 2, 1821, p. 173); s'amuser méchamment (H. DE BALZAC, La Duchesse de Langeais, 1834, p. 319).
— Perdre, gaspiller son temps à :
• 56. ... s'amuse-t-on à glaner quand on peut moissonner?
MARAT, Les Pamphlets, Nouvelle dénonciation contre Necker, 1790, p. 191.
• 57. ... « Il y a un tas de choses qu'il faut empêcher, avant de s'amuser à écrire des livres que personne ne lira peut-être jamais. »
S. DE BEAUVOIR, Les Mandarins, 1954, p. 41.
Rem. Constr. vieillies analogues à s'amuser à + verbe a) s'amuser en + part. prés. : s'amuser en courant (MAINE DE BIRAN, Journal, 1818, p. 173); b) s'amuser dans + subst. : s'amuser dans la contemplation de la sottise humaine (G. FLAUBERT, Correspondance, 1873, p. 80).
2. S'amuser de
a) S'amuser de + subst.
— Rare. [Le compl. désigne un inanimé] S'égayer de, trouver une distraction dans :
• 58. Dans les premiers temps de son mariage, sa femme, d'abord, s'amusa du violon; puis elle se lassa de ces cris qui lui « grattaient dans la tête. »
A. DE CHÂTEAUBRIANT, Monsieur des Lourdines, 1911, p. 68.
Rem. 1. Cf. aussi s'amuser de mes poupées (A. DE MUSSET, Comédies et proverbes, On ne badine pas avec l'amour, 1834, I, 3, p. 17); variante de s'amuser avec, ou à la poupée (ex. 46). 2. Dans l'ex. suiv. il s'agit d'une espèce de compl. d'origine : s'amuser à partir de..., à propos de... :
• 59. ... elle était une fillette docile, étourdie, paresseuse, assez gourmande, rougissant pour un rien, tantôt se taisant pendant des heures, tantôt parlant avec volubilité, riant et pleurant facilement, ayant de brusques sanglots et un rire d'enfant. Elle aimait rire et s'amusait de petits riens. Jamais elle ne cherchait à jouer à la dame. Elle restait enfant.
R. ROLLAND, Jean-Christophe, La Foire sur la place, 1908, p. 784.
— [Le compl. désigne une pers.] Se moquer de, se servir de quelqu'un comme d'un jouet; abuser de :
• 60. Il [Grandet] avait ourdi une trame pour se moquer des Parisiens (...) pour s'amuser d'eux, lui, ancien tonnelier, au fond de sa salle grise...
H. DE BALZAC, Eugénie Grandet, 1834, p. 125.
• 61. MARIUS. — Pourquoi me racontes-tu ça? CÉSAR, assez rudement. — C'est pour te dire que Fanny, il ne faut pas t'en amuser. Tu comprends? MARIUS. — Mais oui, je te comprends!
M. PAGNOL, Marius, 1931, IV, 5, p. 232.
Rem. À cet emploi on peut rattacher l'expr. développée s'amuser aux dépens de :
• 62. FLORBEL. — Allons, mes amis, nous nous sommes amusés aux dépens les uns des autres, comme on fait dans le monde, sans vouloir nous tromper, seulement pour essayer ce que nous valons. De petites plaisanteries comme celles-ci avancent beaucoup l'amitié entre camarades, et nous voilà tous unis à la vie, à la mort.
T. LECLERCQ, Proverbes dramatiques, Le Désœuvrement des comédiens ou À corsaire, corsaire et demi, 1835, 13, pp. 473-474.
— Emploi abs. Même sens :
• 63. Peut-être a-t-il voulu railler et s'amuser : s'il a été sérieux, on se demande à quelle sorte de dames il s'adressait.
E. FARAL, La Vie quotidienne au temps de saint Louis, 1942, p. 134.
b) Rare. S'amuser de + verbe (pour s'amuser à, plus cour.). Se plaire à :
• 64. ... je ne puis m'empêcher de penser que Louis XI, se sentant mourir, fit envoyer chercher des tortues au Cap Vert, par caravelles ... et rien ne nous dit qu'une d'elles ne se soit amusée de grandir dans le domaine de quelque gentilhomme à qui le Roi l'eût donnée...
L.-P. FARGUE, Le Piéton de Paris, 1939, p. 125.
Prononc. ET ORTH. : (s') [amyze], j', je (m') [amy:z]. Enq. :/amyz/. Conjug. parler. FÉR. 1768 précise : ,,On écrivait autrefois amuzer et les dérivés avec un z : Boileau a encore employé cette orthographe.``
Étymol. ET HIST. — 1. a) 1167 trans. « repaître de vaines espérances, abuser » (CHRÉTIEN DE TROYES, Cligès, éd. Foerster, 5954 ds T.-L. : Einsi la cuident amuser Et deçoivre); b) 1580 id. « distraire d'une passion, d'une affection » (MONTAIGNE, Essais, II, 37 ds Dict. hist. Ac. fr. t. 3 1888, 158b : Si le corps se soulage en se plaignant, qu'il le face [...], s'il en amuse son torment, qu'il crie tout à faict); 2. 1516 pronom. s'amuser à « s'occuper à (qqc.) en perdant son temps » (Nat. a l'alch. err., 324 ds GDF. Compl. : j'en parle souvent, Afin que point tu ne t'abuses, Et qu'en pratiques ne t'amuses A choses que tu ne cognois); 1530 emploi absolu « demeurer en perdant son temps » (PALSGRAVE, Lesclarcissement de la langue françoyse, 414 : I abyde or tary in a place in vayne. Je m'amuse); 1664 fam. amuser le tapis « parler beaucoup sans en arriver au fait afin de faire perdre de vue le but d'une entreprise » (Mémoire de Louis XIV au comte d'Estrades, 23 Avril 1664 ds Dict. hist. Ac. fr. t. 3 1888, 157b : Si la négociation doit se poursuivre, comme [...] il est à propos de ne la point rompre tout à fait, mais d'amuser le tapis) 1640 fam. s'amuser à la moutarde (A. OUDIN, Curiositez françoises pour supplément aux dictionnaires, p. 363 : S'amuser à la Moustarde. i. S'arrester à une chose de peu de consequence; passer son temps inutilement); d'où par dérision 1606 « s'aviser de » (NICOT : Ne t'amuse point à luy croire), attest. isolée; ce sens est repris ds Ac. 1718; 3. a) 1606 trans. « occuper agréablement (qqn), le récréer » (NICOT : On dit Amuser un enfant, quand la nourrice l'occupe à regarder quelque jouet ... afin qu'il ne pleure); b) av. 1654 pronom. emploi absolu « prendre du plaisir » (BALZAC, Lettres, XV ds Dict. hist. Ac. fr. t. 3 1888, 162b : Cette belle eau [...] fait une infinité d'isles et de détours afin de s'y amuser davantage); p. ext. 1759 pronom. emploi absolu « se moquer » (VOLTAIRE, ibid., 163a : Vous voulez vous amuser, je le vois bien); 4. emploi techn. issu de 1 et 2 1767 agric. amuser la sève (SCHABOL, Dict. pour la théorie et la pratique du jardinage et de l'agriculture par principes : Amuser la sève. C'est laisser à un arbre plus de bois et de bourgeons que de coutume).
STAT. — Fréq. abs. litt. :5 716. Fréq. rel. litt. : XIXe s. : a) 6 423, b) 9 478; XXe s. : a) 10 630, b) 7 355.
BBG. — BAILLY (R.) 1969 [1946]. — BAR 1960. — BÉL. 1957. — BÉNAC 1956. — BONNAIRE 1835. — BRUANT 1901 (s.v. s'amuser). — Canada 1930. — CAPUT 1969. — DUP. 1961. — FÉR. 1768. — GRIMAUD (F.). Petit glossaire du jeu de boules. Vie Lang. 1969, n° 191, p. 110. — GUIRAUD (P.) Le Champ morpho-sémantique du mot tromper. B. soc. Ling. 1968, t. 63, n° 1, pp. 96-109. — GUIZOT 1864. — LAF. 1878. — LAV. Diffic. 1846. — LE ROUX 1752. — SANDRY-CARR. 1963. — SOMMER 1882. — Synon. 1818.
amuser [amyze] v. tr.
ÉTYM. XIIe, « abuser, tromper »; « distraire (d'une passion) », 1580, Montaigne; de 1. a-, et muser.
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1 Vx. Occuper en faisant perdre le temps. || Amuser qqn à qqch., à faire qqch.
1 Amusez-le du moins à débattre avec vous
Faites-lui perdre temps (…)
Corneille, Nicomède, V, 5.
♦ Par ext. Faire durer (un échange) sans arriver au fait.
2 Ceux qui savent parler sans rien dire et qui amusent une conversation pendant deux heures de temps sans qu'il soit possible de retenir un mot de ce qu'ils ont dit (…)
Montesquieu, Lettres persanes, 82.
♦ ☑ Loc. (1664). Mod. Amuser le tapis : jouer petit jeu en attendant la partie sérieuse.
2.1 Dans le courant de l'année 1972, de nombreux discours et rapports sur « la qualité de la vie » ont bercé les oreilles et conquis quelques esprits, mal armés pour se rendre compte que ces démonstrations n'étaient qu'une façon « d'amuser le tapis » si tant est que celui-ci soit sensible à de tels jeux.
A. Sauvy, Croissance zéro ?, p. 252.
♦ Par ext. Littér. Distraire, occuper de manière à détourner d'autre chose.
2.2 (…) un de ces bonheurs complets, n'appartenant sans doute qu'aux occupations médiocres, qui amusent l'intelligence par des difficultés faciles, et l'assouvissent en une réalisation au delà de laquelle il n'y a pas à rêver.
Flaubert, Mme Bovary, t. II, p. 159, in T. L. F.
2 (Compl. n. de personne ou de groupe). Vx ou littér. Retenir en trompant par des manœuvres de diversion ou de faux espoirs. ⇒ Abuser, duper, endormir, enjôler, jouer, leurrer.
3 Et le singe (devait) amuser l'ennemi par ses tours.
La Fontaine, Fables, V, 19.
4 Amusez les rois par des songes (…)
La Fontaine, Fables, XII, 15.
5 Retire-toi, perfide, et ne me viens pas amuser avec tes traîtresses paroles.
Molière, le Bourgeois gentilhomme, III, 8.
6 Les promesses trompeuses dont le faux prophète Hananias amusait le peuple (…)
Bossuet, États d'oraison, 1.
♦ Mod. Retenir l'attention de (qqn) pour empêcher de surveiller. || Tu amuseras le caissier pendant qu'on ouvrira le coffre. || Amuser la police.
♦ Hortic. || Amuser la sève, la détourner.
3 (Depuis 1606, Nicot, amuser un enfant, « le distraire afin qu'il ne pleure pas », sens étendu au XVIIe). Mod. et cour. (Sujet n. de personne ou de chose). Distraire agréablement, procurer de l'agrément à (qqn). ⇒ Délasser, distraire, divertir, récréer. || Tout l'amuse, un rien l'amuse : c'est un heureux caractère. || Cela ne m'amuse pas.
7 Le monde est vieux, dit-on, je le crois; cependant
Il le faut amuser encor comme un enfant.
La Fontaine, Fables, VIII, 4.
8 (…) un rien les abat comme peu de chose les amuse.
Flaubert, Correspondance, t. I, p. 301.
8.1 Ce jeu de ballon m'a plus amusé que je n'eusse cru qu'il était encore possible, amusé comme un enfant et comme un dieu, et d'autant plus que je ne m'y sentais pas malhabile. Que Pascal a donc dit sur le jeu des choses absurdes ! et que la gratuité précisément de cette lutte, de cet effort, me paraît belle ! Oui vraiment, je ne me souviens pas avoir pris même dans ma jeunesse ou mon enfance, plaisir plus ardent, plus pur et plus complet.
Gide, Journal, 3 janv. 1930.
♦ Amuser l'esprit, la pensée. || Amuser l'œil, la vue. ⇒ Charmer.
9 Le théâtre amuse l'esprit, il ne doit pas le préoccuper.
J. Renard, Journal, 29 janv. 1905.
♦ Faire rire ou sourire. ⇒ Égayer; gaieté (mettre en); amusant. || Il nous a tous amusés par ses reparties. || Les clowns ne m'amusent pas. — Vous m'amusez : vous me faites sourire, rire (par votre naïveté, etc.). || Tu m'amuses, tiens !
♦ ☑ Loc. fam. Amuser la galerie : faire rire l'assistance.
♦ Ça m'amuse, m'amuserait de… (faire qqch.) : ça m'est, me serait agréable. || Ça vous amuse de pêcher à la ligne ? — Si ça t'amuse, vous amuse : si vous voulez, si vous en avez envie. — Iron. || Tu peux bien te rendre malade, si ça t'amuse.
——————
s'amuser v. pron.
1 Perdre son temps à des occupations futiles. || L'étape est longue, il ne faudra pas s'amuser en route. ⇒ Lambiner. — S'amuser à (et nom, et inf.). || Nous ne pourrons pas nous amuser à passer par les petites routes. || S'amuser à des riens, à des bêtises. ⇒ Baguenauder, batifoler, folâtrer, muser.
10 Il broute, il se repose,
Il s'amuse à tout autre chose
Qu'à la gageure (…)
La Fontaine, Fables, VI, 10, 27.
11 Mais vous me faites perdre un temps qui nous est cher (…) ne nous amusons point davantage à discourir.
Molière, l'Impromptu de Versailles, I.
♦ ☑ Loc. Vx. S'amuser à la moutarde : perdre son temps à des riens (cf. Sand, Gautier, in T. L. F.).
2 Se distraire agréablement. ⇒ Divertir (se), jouer. || Le roi s'amuse, pièce de Victor Hugo (thème de Rigoletto). || « Il y a des gens qui s'amusent toute leur vie » (Thibaudet). || Les enfants s'amusent (iron., en parlant d'adultes). || Il s'amusait comme un enfant. || Amusez-vous bien ! || Je me suis bien amusé à cette soirée. → fam. et augmentatif Défoncer (se), éclater (s').
♦ S'amuser à faire qqch., le faire par jeu. — Par métaphore. (→ ci-dessous, cit. 15). — S'amuser de qqch., de qqn. || Il s'amuse de tout. || « Elle aimait rire et s'amusait de petits riens » (R. Rolland).
12 (Vous le trouverez) qui s'amuse à couper du bois.
Molière, le Médecin malgré lui, IV.
13 Il faut travailler, sinon par goût, au moins par désespoir, puisque, tout bien vérifié, travailler est moins ennuyeux que s'amuser.
Baudelaire, Mon cœur mis à nu, XVIII.
14 Il fit son livre tout au contraire pour se distraire et s'amuser, pour se divertir et non pour s'avertir.
France, le Petit Pierre, XXXIII, p. 236.
15 (…) la nature s'était amusée à sauver le malade à la barbe du médecin.
Hugo, Notre-Dame de Paris, VIII, 6.
15.1 Le roi s'amuse ? Ah ! diable ! et c'est très malheureux,
Car un roi qui s'amuse est un roi dangereux.
Hugo, Le roi s'amuse, I, 3.
16 (…) dans le monde on ne meurt pas de rire. C'est à peine si on rit. On a de la complaisance, par bon goût, d'avoir l'air de s'amuser et de faire semblant de rire.
Maupassant, Fort comme la mort, p. 80.
17 Il s'amusa de la façon subtile dont elle avait, à l'insu de tous, esquissé ce signe d'intelligence.
Martin du Gard, les Thibault, IV, 13.
17.1 (…) je lisais au jardin, ce que ma grand'tante n'aurait pas compris que je fisse en dehors du dimanche, jour où il est défendu de s'occuper à rien de sérieux et où elle ne cousait pas (un jour de semaine, elle m'aurait dit « comment, tu t'amuses encore à lire, ce n'est pourtant pas dimanche » en donnant au mot amusement le sens d'enfantillage et de perte de temps) […]
Proust, Du côté de chez Swann, Pl., t. I, p. 100-101.
17.2 Le long du fleuve, un peuple d'enfants s'amuse à plonger du haut de la berge.
Gide, Voyage au Congo, in Souvenirs, Pl., p. 713.
♦ (En tour négatif). || On ne va pas s'amuser : ce sera difficile, ardu.
♦ Spécialt. || S'amuser à (qqch.). ⇒ Jouer. || Elle s'amuse à la poupée. — S'amuser avec… || Il s'amuse avec le train électrique de son fils.
18 Chez les riches, un homme qui s'amuse fait des bêtises. Il est ce qu'on appelle, en souriant, un noceur.
Maupassant, Mon oncle Jules.
♦ Fam. S'adonner au plaisir (sexuel). || Son mari s'amuse ailleurs. — ☑ Loc. Il s'amuse tout seul : il se masturbe (J. de Maistre). — S'amuser avec qqn : avoir des relations érotiques (sans implication affective).
4 S'amuser de qqn, aux dépens de qqn, se moquer de lui, le railler. ⇒ Jouer (se), plaisanter, taquiner.
19 Partout les enfants le suivaient, s'amusaient à le mettre en colère, à s'en épouvanter, à lui jeter des quolibets et des pierres. Il devint le souffre-douleur qu'il y a toujours dans un village.
M. Barrès, la Colline inspirée, p. 223.
20 Il s'amuse avec nous, comme un chat avec la souris qu'il tourmente (…)
Gide, les Faux-monnayeurs, III, 18.
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amusé, ée p. p. adj.
1 Égayé par qqch. ou qqn, par une situation, une circonstance. || Les invités, amusés, riaient de bon cœur.
♦ (Rare). Habituellement gai ou égayé. || Elles « sont (…) coquettes, joueuses, amusées » (Anouilh).
2 Cour. Qui exprime l'amusement. || Un sourire, un regard amusé. || Une voix, une intonation amusée.
21 (…) je ne vis que des sourires goguenards, des visages amusés qui se détournaient.
G. Simenon, les Mémoires de Maigret, p. 29.
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CONTR. Assommer (fam.), contrarier, fatiguer, impatienter, importuner. — Travailler.
COMP. Amuse-gueule.
Encyclopédie Universelle. 2012.