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DIALOGUE
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L’entrée en dialogue paraît d’autant plus désirable que le partenaire est plus différent ou plus lointain. Le dialogue répond à une préoccupation éthique – il serait l’antiviolence par excellence – et à un souci politique: comment améliorer la circulation de l’information de manière à orienter les conflits vers un consensus résolutoire? Pouvoir et parole sont liés dans l’ambivalence: la parole peut épauler le pouvoir comme elle peut contrebalancer ses effets mortifères. On n’oubliera pas pour autant qu’il y a de faux dialogues, qui sont en fait de brutaux monologues. Comment les discerner? Sommes-nous sur la voie de construire de véritables théories du dialogue, à tout le moins des analyses suffisamment puissantes pour éclairer la possibilité et la pratique de l’allocution? Y a-t-il une compétence «dialogique»? Plus que d’une théorie classique déjà inadéquate de l’échange d’informations toutes faites, qu’il suffirait de bien faire circuler, plus que d’une approche édifiante et apologétique qui a été trop souvent tenue pour la principale voie d’accès à une philosophie du dialogue, c’est d’une logique du dialogue que l’on a aujourd’hui besoin. Les linéaments et les premiers résultats nous en sont proposés par quelques chercheurs contemporains, qu’on peut considérer aussi comme de véritables artisans de paix et qui, par l’étude de la relation «interlocutive», dotent d’instruments nouveaux le projet des philosophies du dialogue.

1. Les philosophies du dialogue

La philosophie du dialogue est, au sens strict du terme, la philosophie de Martin Buber, philosophe israélien d’origine allemande qui a publié son principal ouvrage, Ich und Du (trad. franç. Le Je et le Tu , 1938), à Francfort en 1923. Cet existentialisme juif de la relation personnelle à autrui (Dieu ou l’autre conscience) trouve une sorte d’écho dans la pensée chrétienne et dans les problématiques politiques du monde contemporain où les relations entre les nations, entre les classes, entre les idéologies, tentent de s’établir sous la forme du dialogue.

C’est de la problématique philosophique que dépend la problématique politique: c’est de la réponse qu’on donne à la question de savoir si l’homme peut s’adresser à l’autre en établissant une relation authentique de personne à personne que dépend la réponse au problème politique de la possibilité des contrats et d’une histoire pacifiée.

La philosophie existentielle du dialogue (déployée d’abord dans la phénoménologie et l’existentialisme allemands du début du XXe siècle, puis chez les philosophes contemporains) a donc des conséquences dans l’ordre de la pensée et de l’histoire; mais elle a aussi des antécédents dans l’ordre de la philosophie: il existe d’autres doctrines du dialogue que l’existentialisme (par exemple certaines mystiques du Moyen Âge ou de la Renaissance). De plus, le dialogue fut parfois la forme préférentielle de la philosophie (comme chez Platon) ou sa forme occasionnelle (comme chez Berkeley) et non pas seulement son contenu doctrinal: c’est qu’il est à la fois structure et parole, forme et conscience.

Le dialogue, simple instrument ou structure obligée

Ce n’est pas par un simple hasard que la philosophie ne commence, en Occident, à se poser véritablement pour elle-même que dans l’œuvre de Platon, c’est-à-dire dans la forme écrite du dialogue. À travers le dialogue platonicien (simple instrument littéraire de l’analyse dialectique), se dessine le véritable dialogue vivant que Socrate conduisait avec ses interlocuteurs athéniens. Derrière l’écriture se profile la parole non écrite et dans cette parole non écrite la philosophie pour la première fois atteint sa plénitude et manifeste déjà son pouvoir créateur-destructeur. Le dialogue socratique donne en quelque sorte l’essence de la philosophie: cette recherche commune où le maître forme l’élève, mais tout aussi bien est formé par lui; entreprise de mise en question si radicale que l’interlocuteur est comme électrocuté par un poisson-torpille, dérangé dans ses habitudes comme par un taon, remué, inquiété, et renvoyé à son origine ontologique et métaphysique. Derrière l’aporie, déploiement d’un problème sans solution, se développe peu à peu non seulement l’ironie mais encore l’amour. Comme la philosophie et comme l’amour, le dialogue est une réalité dialectique et médiatrice, faite de mouvement et de manque, visant l’être et la plénitude.

Ainsi, la structure dialoguée de la philosophie à sa naissance révèle en même temps son contenu et son sens métaphysique, tels qu’ils sont interprétés par le platonisme. L’amour (dans le plus haut dialogue), comme la philosophie à laquelle il introduit, est le pressentiment du désir d’être et d’éternité qui définit la condition humaine dans son ambivalence, à la fois «corporelle» et «spirituelle».

Cette inspiration érotico-philosophique sera le plus souvent perdue dans les formes de la philosophie dialoguée que l’on rencontre ultérieurement; la spiritualité des Dialogues de Grégoire le Grand (VIe s.) se retrouve rarement dans le dialogue scolastique: au Moyen Âge, la dialectique n’est fort souvent qu’un jeu logique de «questions» qui miment le dialogue authentique mais se réduisent en fait à une argumentation continue. Le dialogue n’est plus une recherche commune ou une commune angoisse, mais une forme rhétorique de la dogmatique intellectuelle. Il en va de même au XVIIe siècle, avec les Entretiens sur la métaphysique et la religion de Malebranche (1688), ou, au XVIIIe siècle, avec les Dialogues entre Hylas et Philonoüs de Berkeley (1713) ou encore Le Rêve de d’Alembert de Diderot (1769). Ces dialogues classiques comportent en apparence plus de discussion véritable que les dialogues platoniciens, mais ils sont en réalité vidés du contenu d’existence qu’implique la relation personnelle d’un philosophe avec d’autres hommes.

Cette substance, ou cette vie, transparaîtra dans les «correspondances» des philosophes du XVIIe siècle: lettres de Descartes à la princesse Élisabeth par exemple, correspondance de Malebranche avec J. J. Dortous de Mairan (sur le spinozisme), correspondance de Leibniz avec Arnauld (sur la liberté), et surtout la correspondance de Spinoza, témoin et illustration de ce que l’on pourrait appeler la doctrine spinoziste de l’amitié et de la relation d’adéquation à autrui; le dialogue spinoziste est plus authentiquement présent dans ces lettres, où s’exprime l’homme Spinoza, que dans les deux «dialogues» intégrés au Court Traité (premier dialogue entre l’entendement, l’amour, la raison et la concupiscence; second dialogue entre Érasme et Théophile).

Il reste que ces correspondances célèbres du XVII e siècle ne se proposent pas explicitement de construire une théorie du dialogue: elles se bornent à l’utiliser comme instrument, au lieu de le concevoir comme réalité inter-subjective.

La relation dialoguée des mystiques

C’est, paradoxalement, chez les mystiques que l’on trouve, fécondé, le meilleur, quant à son contenu, de l’inspiration platonicienne. Le néo-platonicien Plotin (Alexandrin du IIe s.) avait déjà, dans les Ennéades , symbolisé la relation de l’âme individuelle avec l’Un (substance ultime et unifiante de la totalité du cosmos) par la relation «érotique» de deux âmes, assoiffées l’une de l’autre et fusionnant l’une en l’autre. La dialectique ascendante et le «voyage» philosophique ne sont rien d’autre que la quête de cette fusion spirituelle avec l’absolu. Ce courant plotinien se poursuit au Moyen Âge et à la Renaissance; on prend alors clairement conscience du fait que la relation individuelle à l’absolu comporte toutes les structures et tous les contenus de la relation dialoguée de deux consciences.

Raymond Lulle, apologète, homme d’action, logicien et mystique, consacre un chapitre de son roman philosophico-utopique, Le Livre de Blaquerne (vers 1280), au dialogue de l’âme avec Dieu: ce chapitre, intitulé «le Livre de l’ami et de l’aimé», est l’une des plus belles œuvres de la littérature mystique – comme aussi de la littérature catalane. Sans s’adresser directement au lecteur, ce dialogue lui livre cependant la vie même de l’amour, dans un poème rigoureux et enflammé.

Par la médiation d’un dialogue direct, le lecteur est au contraire personnellement interpellé par le mystique juif italien don Jehuda ben Ishaq Abravanel, dit Léon l’Hébreu ; dans ses Dialoghi di amore (1535), l’auteur présente un ouvrage surdéterminé: ces trois dialogues entre deux interlocuteurs constituent en même temps une théorie de la relation de l’âme à Dieu, conçue explicitement comme dialogue. Ainsi, pour la première fois dans l’histoire de la philosophie, un dialogue (comme forme littéraire) prend réflexivement pour thème et contenu le fait même du dialogue: le lien dialogué de l’âme avec Dieu est une union concrète qui doit aboutir à un véritable accouplement.

Ces descriptions ne dépassent cependant pas le domaine de la foi, et il faudra attendre le XX e siècle pour rencontrer une philosophie systématique du dialogue qui s’efforce de totaliser l’ensemble des problèmes philosophiques et l’ensemble des aspects de l’expérience humaine, permettant ainsi au lecteur moderne de dépasser l’inspiration théologique de ces auteurs vers une inspiration strictement et authentiquement humaniste. À bien la lire, la philosophie théologique de Martin Buber exige son propre dépassement et appelle une anthropologie philosophique.

Une philosophie de la rencontre: Martin Buber

La doctrine de Buber est une philosophie de la rencontre, une synthèse de l’événement et de l’éternité. Le point de départ de cette pensée est une méditation (faite vers les années 1910) sur le nécessaire renouvellement du judaïsme, sur l’indispensable transformation de la « religion », s’intériorisant en «religiosité». Celle-ci découvre la relation personnelle à l’Absolu comme un face à face. Le dialogue avec l’Absolu est ici conçu comme une réponse faite par la «créature» à l’appel de Dieu, celui-ci devenant une personne ou un «Tu» éternel, et cessant d’être une chose ou un «cela». Alors, le face à face devient rencontre: non pas événement extérieur ou empirique, subitement imposé à la conscience, mais véritable acte de cette conscience elle-même. Le sujet humain opère d’abord une action totalisatrice, un rassemblement et comme une concentration de tout son être: alors est rencontré le Tu absolu, dans la disponibilité nouvelle de la conscience. Ce n’est pas là une expérience mystique qui isolerait du monde l’homme et son Dieu: la philosophie bubérienne de l’absolu n’exclut pas mais intègre au contraire le monde et la sensibilité. Il ne s’agit pourtant pas là de «psychologie»: «Les sentiments ne servent que d’accompagnement au fait métaphysique et métapsychologique de la relation, lequel ne se passe pas dans l’âme individuelle, mais dans la réciprocité du Je et du Tu.»

La rencontre, totalisatrice et réciproque, est en outre une opération créatrice: elle fait surgir l’être même, conçu comme relation parfaite, et la divinité, conçue comme le monde éclairé par la relation.

Cette ontologie est peut-être en réalité une phénoménologie, et Buber esquisse lui-même les fondements d’une anthropologie philosophique: la doctrine de la réciprocité et de la relation d’intériorité entre un Toi et un Je, posées comme fondements ultimes de la conscience de soi, est beaucoup plus la description d’une expérience existentielle de la vie vraiment humaine que l’analyse métaphysique des structures de l’être. C’est pourquoi le meilleur de la philosophie bubérienne du dialogue concerne la relation spécifiquement humaine. Tout commence par le langage et notamment par des termes couplés: Je-cela est la chosification d’autrui; Je-Tu est sa découverte dans la relation. Alors le Tu constitue le Je comme personne, l’autre devient la condition d’existence du moi, se posant dès lors comme sujet . Dans son déploiement concret et quotidien, la relation véritable est réciprocité , présence , totalité , responsabilité . Celle-ci est «décision» («la matière ignée de ma volonté») et la responsabilité est le nom éthique de la réciprocité.

Certes, les dialogues concrets ne réalisent pas tous la plénitude et la perfection de la relation d’intériorité réciproque. Il convient de distinguer le faux dialogue (monologues parallèles), le dialogue simplement technique (négociations de tous ordres qui visent à établir des contrats et des lois conventionnelles permettant la coexistence empirique), et enfin le vrai dialogue, celui du face à face d’un Je et d’un Tu. Cette distinction permettra de tirer les conséquences anthropologiques: dans l’ordre de l’éducation (qui suscite de véritables commencements) comme dans celui du travail (notamment dans le secteur tertiaire ou dans l’industrie); l’accroissement de la liberté suppose le remplacement des relations autoritaires de subordination et d’exploitation par des relations personnelles de réciprocité et de responsabilité. L’ultime conséquence de ces vues est considérable puisqu’elle est politique. Buber est et se veut explicitement utopiste et socialiste; il pense que le problème de la société industrielle ne peut se résoudre que par l’avènement d’une forme d’existence fondée sur la communication vraie et sur la reconnaissance réciproque des sujets, et cela dans le seul cadre objectif qui les rende possibles: des communautés de travail, appuyées sur la propriété coopérative, et sur le fonctionnement démocratique de l’institution (par exemple le kibboutz ou le mochav en Israël). Comme chez tous les grands socialistes utopistes, les programmes concrets sont subordonnés à une philosophie totale du monde, de la société et de l’individu, l’arche porteuse du système étant la relation d’intériorité d’un Je et d’un Toi; la différence essentielle réside en ceci que «l’utopie» est ici réalisée puisque Israël et le kibboutz appartiennent à l’ordre existentiel et objectif de l’histoire.

Au-delà des «dialogues techniques»

Pour les marxistes, l’idée même de dialogue, transposée sur le plan de la pratique, est une mystification idéologique; elle est destinée à masquer les conflits de classe, insurmontables autrement que par la violence; à la limite, le dialogue est même impossible à l’intérieur des partis ouvriers, soumis à la doctrine de la dictature du prolétariat. Ce pessimisme se retrouve parfois dans l’anthropologie et la psychologie contemporaines: pour certains psychanalystes le dialogue peut n’être qu’un leurre et, sur le plan de la thérapeutique, la psychanalyse n’a pas à guérir un malade, mais à faire entrer dans l’ordre du langage le discours non formulé qui constitue l’inconscient. En fait, marxistes et psychanalystes rejoignent parfois le pessimisme existentiel d’un Sartre pour lequel (dans L’Être et le Néant ) chaque conscience se propose, dans la relation à autrui, d’asservir une liberté.

Cependant, certains psychanalystes mettent beaucoup moins l’accent sur la dissymétrie de la relation analytique (l’un des deux sujets en présence restera toujours inconnu à l’autre) que sur l’espèce de dialogue original qu’à la limite elle implique. Sur le plan politique, on voit d’autre part que les grandes puissances passent des traités exprès ou tacites de coexistence et de coopération, tandis que les classes sociales, par les syndicats et les partis qui les représentent, conduisent des négociations et passent des conventions.

Cela signifie que le «dialogue technique» dont parlent les philosophes de la relation est, au même titre que la violence, une réalité de notre monde, et que la tâche de l’homme contemporain est de faire en sorte que ces dialogues techniques rendent possible l’avènement du règne de la liberté dont parle Marx et du règne de la responsabilité dont parle Buber.

2. La logique du dialogue

Le paradoxe des philosophies non dialogiques du dialogue

Il est pour le moins paradoxal que les philosophes ont généralement assigné au dialogue des conditions de possibilité non dialogiques: la réminiscence (Platon), la commune participation à la raison (Descartes), l’harmonie préétablie (Leibniz), une structure catégoriale commune (Kant, Husserl). Le dialogue comme forme stylistique doit donc être distingué du dialogisme du discours, lequel mérite d’être caractérisé pour lui-même. Le premier ne peut préjuger du second. On connaît, en effet, des monologues juxtaposés qui ont cependant des prétentions «dialogales». Le dialogue platonicien est largement «monologique», puisque le Maître du jeu, Socrate ou l’Étranger, en dépit de son affirmation de modeste et docte nescience, est censé détenir les critères du vrai.

Le problème de l’autre a été une des grandes conquêtes de la philosophie existentielle, alors que la philosophie classique l’abandonnait dans un étrange délaissement. Pourtant, la philosophie existentielle, en conservant les prémisses «égologiques» d’une phénoménologie de la conscience, conçoit l’altérité à partir de l’ego : l’autre reste «l’Autre du Même» (pour reprendre l’expression critique de Francis Jacques). Aussi la problématique existentielle est-elle par principe dans une position difficile pour rendre compte du dialogue.

Avec des prémisses égologiques, l’incommunicabilité des monades était de droit, et sa transgression miracle et merveille. Néanmoins, dans la tradition existentielle et personnaliste où se situe encore Martin Buber, le dialogue authentique est célébré. On demande aux interlocuteurs de renoncer au goût narcissique d’imposer sa parole propre; et, surtout, on leur demande d’être à l’écoute, dans une attentive et respectueuse ouverture. C’est que l’auditeur est conçu comme ayant la charge précaire de réactualiser pour son compte l’intention de sens de son partenaire, qui en a le monopole. De cette conception courante de la communication nous sommes aujourd’hui séparés à la fois par Ludwig Wittgenstein et par Charles Sanders Peirce. Au second on doit l’idée que toute activité de pensée est à la fois symbolique et dialogique dans sa forme. Quant au premier, il stigmatise l’idée selon laquelle on comprend une proposition si et si seulement on accède de façon indirecte à la pensée de l’autre, en décodant le message précédemment encodé, et selon la même vieille hypothèse: parole et pensée seraient deux, l’une privée et latente, l’autre publique et patente.

Du dialogisme au dialogue

À l’inverse de l’habitude, il convient donc de définir le dialogue à partir du dialogisme du discours. Les tentatives constructivistes renouent fort heureusement avec la synthèse médiévale de la logique et de la rhétorique. C. Perelman et N. Rescher montrent dans la dispute rationnelle une méthode pour conduire systématiquement une controverse, et pas seulement pour susciter la persuasion. L’école d’Erlangen (P. Lorenzen, K. Lorenz, F. Kambartel) entend substituer à l’interprétation formaliste de la logique et des mathématiques une sémantique nouvelle fondée sur certains jeux en forme de dialogue. Elle s’efforce d’assurer par là à la logique elle-même un fondement dialogique dans nos activités argumentatives élémentaires.

Le dialogisme proprement dit a été mis en évidence par F. Jacques. Il appelle dialogisme «la distribution effective de l’énonciation sur deux instances énonciatives, lesquelles sont en relation communicative actuelle». Il définit dès lors le dialogue comme «la forme de discours transphrastique dont chaque énoncé est effectivement déterminé dans sa structure sémantique par une mise en commun du sens et de la valeur référentielle, dans son enchaînement par des règles pragmatiques qui assurent la propriété de convergence». Dans un dialogue qui maximise le dialogisme du discours, chaque signe «se détermine tout autant par le fait qu’il semble procéder de quelqu’un que par le fait qu’il est adressé à quelqu’un». À lui seul le locuteur «n’est plus le maître du mot», non pas seulement parce que ce dernier est extrait d’un stock commun de signes virtuels, mais parce qu’il est «le produit de l’interaction verbale du locuteur et de son allocutaire». Le moindre signe ne prend sens que dans l’entre-deux de l’espace dialogique.

Il est frappant que le dialogisme du dialogue ait été dégagé pour lui-même de manière si récente. Une comparaison entre les deux auteurs qui en ont traité en langue française entre 1960 et 1980 environ le montre bien.

Pour Éliane Amado-Lévy-Valensi, dialoguer consiste, pour l’ego , à franchir la distance (dia ) qui le sépare de son allocutaire. Pour F. Jacques, le franchissement de la distance est réalisé ipso facto par l’établissement de la relation interlocutive. Pour le premier auteur, c’est «s’ouvrir à la parole de l’autre», «s’écouter parler les uns les autres avec respect». É. Amado-Lévy-Valensi nous renvoie, pour une véritable intelligibilité du fonctionnement de la communication, «à toutes les élaborations élémentaires qui ont préalablement constitué l’existence du sujet en tant que tel». D’après le second auteur, l’implantation de la relation au cœur du procès de signifiance donne seule à l’énonciation une structure dialogique. Alors les mots ne signifient plus par eux-mêmes ni par une intention de sens subjective que l’autre devrait restituer par un effort de sympathie, à ses risques et périls. Les mots signifient parce qu’ils font partie d’une activité interdiscursive. L’autre partage avec l’ego l’initiative du sens. On renoncera donc à l’oscillation entre le privilège de l’ego , mauvaise conscience des phénoménologues, et le privilège de l’autre, comme chez Lanza del Vasto, qui dit: «Je dois préférer autrui à moi-même et la vérité à autrui.» F. Jacques estime que nous avons en main la première génération de théories qui nous permettent d’installer de manière effective la relation interlocutive à la racine du procès sémantique: théorie des actes de discours, sémantique des mondes possibles, théorie des jeux de stratégie, linguistique de l’énonciation élargie. Leur mise en œuvre synergique à partir des catégories de la communication peut autoriser, sur le plan philosophique, des thèses fortes d’un nouveau genre: sur le rapport au monde, sur l’altérité, sur l’instance transcendantale.

Vers un renouvellement de l’instance transcendantale

Quand j’écoute autrui, ce que j’entends vient s’insérer dans les intervalles de ce que je pourrais proférer. Je ne comprends sa voix que si je pose sur chaque mot de la phrase à appréhender une série de mes mots propres en manière de réplique intérieure. Dialoguer, c’est croiser deux voix dans une parole pour produire un sens comme cosignifiance. Quand une parole est adressée, le sens n’est pas seulement pour l’autre (version faible et triviale) mais par l’autre. Le montrer effectivement sur le plan logico-sémantique, tel est le propos de F. Jacques. Dès lors, on voit qu’il faut analyser l’activité interlocutive si l’on veut faire paraître l’ensemble des conditions nécessaires à l’apparition d’une signification. F. Jacques assure l’instance transcendantale dans la relation communicative elle-même, dont il met en relief le caractère ultime et fondateur. Il soutient qu’il y a lieu: 1. de réinterpréter le rapport du sujet connaissant à l’objet comme un rapport de référence; 2. de composer ce rapport de référence avec le rapport d’interlocution; le concept intégrant est celui de coréférence.

Enfin, on ne confondra pas l’interlocution avec le dialogue. Elle en est le transcendantal. Les conséquences sont claires: l’ego ne peut plus «accaparer le lieu transcendantal». Ce dernier doit plutôt être cherché dans «l’espace logique de l’interlocution». Il convient dès lors d’analyser le discours où se déclare la pratique culturelle constituante , le dialogue où se cherchent les nouvelles questions pertinentes, où se construit le consensus sur le type de problèmes et de méthodes définissant le nouveau «paradigme» (T. S. Kuhn) pour la science normale. L’accord sur les concepts fondateurs se fait au terme d’un processus de discussion mené dans la langue ordinaire. Rejoindre «les conditions catégoriales de la signification et de la vérité», telle est l’ambition dernière d’une entreprise qui mérite l’appellation de «critique de la raison délibérative» et qui poursuit, avec des moyens techniques puissants, l’ambition qui fut celle de Buber d’une complète philosophie du dialogue.

dialogue [ djalɔg ] n. m.
dialoge v. 1200; repris 1580; lat. dialogus, gr. dialogos, rac. logos « parole »
1Entretien entre deux personnes. colloque, conversation, tête-à-tête. Dialogue vif, animé. Dialogue de sourds.
Spécialt Le dialogue. Contact et discussion entre deux parties à la recherche d'un accord, d'un compromis. ⇒ concertation, négociation, pourparler. Établir, rompre, renouer le dialogue. C'est un homme de dialogue. Le dialogue Nord-Sud (entre pays riches et pays pauvres).
2Ensemble des paroles qu'échangent les personnages d'une pièce de théâtre, d'un film, d'un récit; manière dont l'auteur fait parler ses personnages. « Platon n'écrit pas en vers et joue de la plus souple des formes d'expression, qui est le dialogue » (Valéry). Postsynchronisation des dialogues d'un film.
3 Ouvrage littéraire en forme de conversation ( dialogique). Les dialogues de Platon.
4Inform. Échange d'informations entre deux éléments d'un système informatique. Dialogue homme-machine : ensemble des échanges entre l'ordinateur et l'utilisateur ( interactivité; conversationnel) .
⊗ CONTR. Monologue.

dialogue nom masculin (latin dialogus, du grec dialogos) Conversation entre deux ou plusieurs personnes sur un sujet défini ; contenu de cette conversation ; entretien, discussion : Le dialogue entre les deux chefs d'État a duré plusieurs heures. Dans une œuvre littéraire ou théâtrale, ensemble des paroles échangées entre les personnages ; dans un scénario de film, texte dit par les personnages en action. Discussion entre personnes, entre partenaires ou adversaires politiques, idéologiques, sociaux, économiques, en vue d'aboutir à un accord ; conversations, pourparlers : Le dialogue Est-Ouest. Ouvrage littéraire en forme de conversation qui permet à l'auteur d'exposer ses idées en faisant tenir le rôle de contradicteur à l'un des personnages. Alternance du chant entre deux solistes, ou un soliste et un chœur, ou deux chœurs ; échange entre plusieurs instruments. ● dialogue (difficultés) nom masculin (latin dialogus, du grec dialogos) Construction et registre On dit : le dialogue de Pierre et de Paul, de Pierre avec Paul, entre Pierre et Paul. Les deux premières constructions sont plus courantes, la dernière plus soutenue. ● dialogue (expressions) nom masculin (latin dialogus, du grec dialogos) Dialogue homme-machine, utilisation interactive d'un ordinateur. ● dialogue (synonymes) nom masculin (latin dialogus, du grec dialogos) Conversation entre deux ou plusieurs personnes sur un sujet défini ;...
Synonymes :
- entretien
- entrevue
- interview
- tête-à-tête
Contraires :
- monologue
- soliloque
Discussion entre personnes, entre partenaires ou adversaires politiques, idéologiques, sociaux...
Synonymes :
- débat
- discussion
- échange

dialogue
n. m.
d1./d Entretien, conversation entre deux personnes.
d2./d Ensemble des paroles échangées entre les personnages d'une pièce de théâtre, d'un film.
d3./d Composition littéraire ayant la forme d'une conversation entre deux ou plusieurs personnes. Les dialogues de Platon.

⇒DIALOGUE, subst. masc.
A.— Gén. Communication le plus souvent verbale entre deux personnes ou groupes de personnes; p. méton., le contenu de cette communication. Anton. monologue, soliloque. Ne confondons pas les termes : ceux de « conversation », de « dialogue » et d'« entretien » ne sont pas synonymes (J. DE MAISTRE, Soirées St-Pétersb., t. 2, 1821, p. 104). Les deux hommes se recrièrent, et un dialogue s'ensuivit sur les femmes, sur l'amour (FLAUB., Bouvard, t. 1, 1880, p. 108) :
1. ... deux fumeurs, et deux fumeurs allemands, n'ont jamais souci de presser le dialogue; la pipe les absorbe; la conversation va à tâtons, comme elle peut, dans la fumée.
HUGO, Le Rhin, 1842, p. 294.
SYNT. Avoir, entamer, interrompre, poursuivre, soutenir un dialogue avec qqn; rester en dialogue avec qqn; être un homme de dialogue; un dialogue qui roule sur.
P. anal. et au fig. Dialogue intérieur; dialogue entre le feu et l'eau. Le dialogue aérien des nids qui se disaient bonsoir dans les ormes des Champs-Élysées (HUGO, Misér., t. 2, 1862, p. 562). Ces dialogues par onomatopées, que les paysans conduisent avec leurs bêtes (MALÈGUE, Augustin, t. 1, 1933, p. 203) :
2. Il est probable qu'une des choses dont j'aurai le plus de mal à me défaire, c'est ce besoin de la communication, de l'échange, de l'intimité; (...) ce dialogue perpétuellement conduit, repris, relancé, entre mon esprit et moi, au sein duquel alors, de par la plénitude même, toute sensation de solitude disparaît.
DU BOS, Journal, 1928, p. 225.
Le plus souvent dans le vocab. syndical ou politique. Conversation, discussion, négociation menée avec la volonté commune d'aboutir à une solution acceptable par les deux parties en présence. Établir, nouer, refuser, rompre le dialogue. Cf. également entretiens, pourparlers, table ronde, tapis vert. L'action a beaucoup plus d'importance que le dialogue (Le Figaro, 19-20 janv. 1952, p. 9, col. 4) :
3. Nous allions faire nos premières armes lors des grèves et des barrages de routes en 1953. Ce n'est pas d'un cœur léger que nous participions à ces sortes de manifestations. Nous aurions cent fois préféré le dialogue à la bagarre.
DEBATISSE, La Révolution silencieuse, 1963, p. 136.
Expr. Dialogue de sourds. Conversation qui, au bout d'un certain temps, se révèle impossible entre deux ou plusieurs personnes par refus mutuel d'écouter le point de vue de l'autre. On a beaucoup exagéré les contradictions qui nous divisent : en fait, nous parvenons à nous persuader les uns les autres et les discussions qui nous opposent entre spécialistes, pour être animées et parfois passionnées, n'ont rien d'un dialogue de sourds entre points de vue irréductibles (MARROU, Connaiss. hist., 1954, p. 227).
B.— P. méton.
1. [Dans une œuvre littér., récit, roman ou le plus souvent pièce de théâtre, p. oppos. aux parties descriptives ou analytiques du récit] Suite de paroles, de répliques échangées par les personnages et rapportées au style direct; manière de conduire un développement, caractérisée par l'usage de ce procédé. Mettre un récit en dialogue(s); la densité, la vérité d'un dialogue :
4. En analysant les diverses formes de composition, variées selon le sujet de ses romans [de Henri James] où le dialogue scénique, vivant, s'incorpore au récit d'une façon de plus en plus souple, on remarque combien notre précieux styliste était un observateur.
BLANCHE, Mes modèles, 1928, p. 153.
Dialogue de film. Cf. dialoguiste. « Marius » à l'écran. Jeu merveilleux des acteurs. Raimu magistral. Excellent dialogue (GIDE, Journal, 1931, p. 1083).
2. Œuvre didactique, littéraire ou philosophique, écrite sous forme de conversation entre deux ou plusieurs interlocuteurs ou groupes d'interlocuteurs, de manière à mettre en évidence la contradiction ou, le cas échéant, la convergence entre les opinions, les idées, les thèses que l'auteur les charge d'exposer. Les dialogues de Platon :
5. Ce volume [Drames philosophiques], dans ma pensée, fait suite à mes Dialogues philosophiques. La forme du dialogue est, en l'état actuel de l'esprit humain, la seule qui, selon moi, puisse convenir à l'exposition des idées philosophiques.
RENAN, Drames philos., 1888, préf., p. 371.
P. anal. Composition musicale dans laquelle on fait alterner le plus souvent à égalité deux voix ou deux instruments. Des cantilènes de clarinettes et de flûtes reprenant fréquemment leur dialogue liturgique (STRAVINSKY, Chron. vie, 1931, p. 22) :
6. Les instruments à vent (...) donnent (...) l'accord d'ut majeur; les violons répondent par traits rapides et ce dialogue (...) se poursuit pendant quelques mesures...
PROD'HOMME, Les Symphonies de Beethoven, 1921, p. 12.
Rem. On rencontre ds la docum. l'adj. dialogal, ale, aux. Qui est de l'ordre du dialogue, c'est-à-dire avec contradiction, opposition donc relation dialectique. Pour le prophétisme, les problèmes humains sont constamment « dialogaux », et l'économie prophétique ne saurait être, elle aussi, que dialogale, dialectique (Univers écon. et soc., 1960, p. 6406).
Prononc. et Orth. :[]. Enq. :/djalog/. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. Ca 1200 dialoge « entretien entre deux ou plusieurs personnes » (Dialogue Grégoire, 5, 1 ds T.-L.). Empr. au lat. class. dialogus « id. », gr. . Fréq. abs. littér. :1 618. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 1 514, b) 2 167; XXe s. : a) 1 830, b) 3 326. Bbg. DUBOIS (E.). Petit lex. des expr. abusives et des impropriétés. Déf. Lang. fr. 1972, n° 65, p. 14. — Mots dans le vent. Vie Lang. 1969, pp. 693-695. — WEHRLIN (É). Le Nouv. lang. de l'Église. Vie Lang. 1972, pp. 155-157.

dialogue [djalɔg] n. m.
ÉTYM. V. 1200, dialoge, repris 1580; lat. dialogus, grec dialogos, de dialegein, de legein « parler ». → Logos.
1 Cour. (Un dialogue, des dialogues). Entretien entre deux personnes. Colloque, conversation, interview, tête-à-tête. || Dialogue vif, animé. || Les deux interlocuteurs ont eu un long dialogue. || Entamer, poursuivre un dialogue. || Avoir un dialogue avec qqn sur qqch. Par ext. || Dialogue intérieur, avec soi-même.
1 Voilà vos craintes bien dissipées, et voilà le dialogue de la crainte et de l'espérance bien heureusement fini.
Mme de Sévigné, 1236, 20 nov. 1689.
2 La ritournelle d'une contredanse interrompit notre dialogue (…)
Ch. de Bernard, Un acte de vertu, 4.
3 Le dialogue qui venait de se terminer se reprenait en moi. Il se transformait dans un échange intérieur d'hypothèses de plus en plus risquées. L'esprit mis en mouvement et livré à soi seul ne se refuse rien. Il produit mécaniquement des idées vives qui s'enhardissent l'une l'autre.
Valéry, Variété IV, p. 44.
Loc. fam. Dialogue de sourds. Sourd.
Par ext. || Dialogue à trois, à plusieurs (polylogue).
Spécialt. || (Le dialogue). Contact et discussion entre deux groupes, deux partis d'intérêts divergents, dans la perspective d'un accord ou d'un compromis. Concertation, négociation. || Établir, rompre le dialogue. || Nous ne refusons pas le dialogue. || Dialogue et participation.
3.1 Le dialogue, puisque le mot est à la mode, dans un climat de confiance, doit marquer le rajeunissement des institutions universitaires.
J. Capelle, in le Figaro littéraire, 9-15 sept. 1968.
Par anal. || Dialogue du soliste et de l'orchestre dans un concerto.
2 (XVIIIe; in Encycl., 1754). Ensemble des paroles qu'échangent les personnages (d'une pièce de théâtre, d'un film, d'un récit); manière dont l'auteur fait parler ses personnages. || Ce dialogue manque de vérité. || Art du dialogue. Dialectique (chez Platon), dialogisme. || Soignez le dialogue. || Le dialogue cornélien. || Les dialogues d'un film. || Auteur de dialogues. Dialoguiste.
4 (…) une comédie dell'arte, c'est-à-dire où chaque personnage invente le dialogue à mesure qu'il le dit, le plan seul de la comédie est affiché dans la coulisse (…)
Stendhal, la Chartreuse de Parme, t. II, p. 414.
5 C'est qu'il y a deux sortes de dialogues : l'un, littéraire, phrasé, construit, livresque; l'autre, qui est la reproduction photographique de la parole parlée, dans son raccourci imprévu, sautillant, fiévreux, primesautier, elliptique (…)
En général, le dialogue ne peut avoir la vivacité, la vie, l'illusion du vrai, s'il est écrit dans le style même de la narration ou du récit. Il y faut d'autres phrases que les phrases d'un livre ou d'un morceau littéraire; des phrases conçues autrement, plus courtes, plus haletantes, plus coupées (…)
Antoine Albalat, l'Art d'écrire, XIX, p. 302.
6 Platon, sans doute, mêle une poésie très délicate à ses argumentations socratiques; mais Platon n'écrit pas en vers et joue de la plus souple des formes d'expression, qui est le dialogue.
Valéry, Variété V, p. 169.
7 Le dialogue — chose écrite et parlée — n'appartient pas spécifiquement à la scène, il appartient au livre; et la preuve, c'est que l'on réserve dans les manuels d'histoire littéraire une place au théâtre considéré comme une branche accessoire de l'histoire du langage articulé.
A. Artaud, le Théâtre et son double, la Mise en scène et la Métaphysique, Idées/Gall., p. 53.
8 C'est si facile à faire, un dialogue
Madame— Non !
Monsieur— Si !
Et voilà quatre lignes.
J. Renard, Journal, 1er avr. 1903.
3 Ouvrage littéraire en forme de conversation ( Dialogique). || Les Dialogues des morts écrits par Lucien, par Fénelon, par Fontenelle. || Dialogue médiéval où les interlocuteurs se disputaient. Tenson. || Dialogues de Platon : entretiens par lesquels Platon enseigna sa philosophie.
9 (…) un dialogue préfabriqué entre trois personnages chargés tour à tour des questions ou des réponses et qui échangent leur rôle par une permutation circulaire à chaque articulation du texte, c'est-à-dire toutes les minutes environ.
A. Robbe-Grillet, Projet pour une révolution à New York, p. 37.
4 Loc. adj. (Inform.). || De dialogue, qui permet un dialogue entre l'ordinateur et l'utilisateur, en parlant d'un mode de traitement de l'information (cf. l'anglicisme conversationnel).
CONTR. Monologue, soliloque.
DÉR. Dialoguer, dialoguiste.

Encyclopédie Universelle. 2012.