ESTAMPE
ESTAMPE
Il est fort difficile de définir le domaine de l’estampe. Le mot a une signification technique (comme l’anglais print ) et désigne une image obtenue par pression d’un support (en général du papier) contre une matrice. Sa forme la plus élémentaire est l’estampage, où l’impression se fait en moulant le support sur le relief ou en frottant une encre sur le support même pour faire apparaître le relief. Ce procédé, très utilisé pour reproduire les monnaies, les pierres tombales, ou n’importe quelle pierre gravée, était, semble-t-il, connu en Chine dès l’époque Han (\ESTAMPE 206-220). Mais l’estampe se distingue de l’estampage et le fait oublier dès l’invention de la presse à imprimer, perfectionnée pour les images dès le milieu du XVe siècle. Pour obtenir des images très fines, gravées en creux sur cuivre (taille-douce), on doit utiliser une presse spéciale très puissante et d’un maniement pénible: le tirage de chaque épreuve est une opération longue et délicate. C’est pourquoi on développa au XIXe siècle l’usage de la lithographie, où l’image est fixée par une graisse sur une pierre sans relief. La presse (presse à rateau) est alors plus simple, mais puisqu’une pression intervient on peut encore parler d’estampe. Si l’on s’en tient à cette définition une photographie n’est pas une estampe, mais en revanche toutes les reproductions photomécaniques (affiches, photos de journaux) en sont. Un pochoir n’est pas une estampe, car la couleur y est déposée comme pour un dessin; cependant la sérigraphie (qui utilise le principe du pochoir) est une estampe, car l’encre est écrasée à travers le tissu. Un tampon est-il une estampe? Si l’on s’en tient à l’étymologie et à la technique, on ne saurait trouver de différence de principe entre un cachet et une gravure. Il semble donc bien hasardeux de définir l’estampe en fonction d’une technique. On peut cependant en conclure que la nature de l’estampe est de reproduire une image, mais ni le travail fait à la main (pour différencier l’estampe de la photo), ni le relief (qui exclurait la lithographie), ni le support (la sérigraphie imprime sur tout support), ni le nombre des images reproduites (le monotype est l’impression d’un dessin à l’encre qu’on écrase sur un papier et dont on n’obtient qu’une seule épreuve, parfois deux) ne peuvent apporter de critères indiscutables.
Avant l’invention de la photographie, les procédés de reproduction de l’image étaient relativement peu nombreux. Le mot «estampe» recouvrait tous ces procédés et signifiait, en fait, «image reproduite». Pour conserver cette signification, il faut aujourd’hui étendre l’éventail technique jusqu’aux procédés photomécaniques et même à ceux de photocopie. Actuellement, sous l’impulsion d’une certaine propagande commerciale, on voudrait accréditer l’idée que l’estampe est une image reproduite par des moyens traditionnels, mais à peine cette idée est-elle répandue pour sauvegarder le commerce de l’estampe que les artistes eux-mêmes la rendent caduque en utilisant, soit par facilité, soit par nécessité expressive, les procédés de report modernes. La définition de l’estampe «originale» ou «authentique» par son exécution manuelle (par la main de l’artiste même) est destinée à devenir de plus en plus impropre, à moins de négliger toute recherche artistique et toute diffusion de l’image que permettent ces moyens nouveaux. La différence entre la photographie de journal et l’œuvre d’art n’est évidemment pas d’ordre technique et il est souhaitable que les artistes expérimentent tout champ nouveau et que les éditeurs diffusent leurs œuvres. On peut dire par conséquent qu’il n’y a pas aujourd’hui de définition précise de l’estampe et encore moins de l’estampe dite originale (estampe d’artiste), qu’on voulait, au XIXe siècle, opposer à la photographie, tant que les techniques par lesquelles on peut obtenir le report d’une image ne sont pas fixées elles-mêmes, et il n’est pas souhaitable qu’elles le deviennent. Cette absence de limites atteste la vitalité des recherches graphiques et laisse pressentir des ressources encore inexplorées.
1. estampe [ ɛstɑ̃p ] n. f. ♦ Techn. Pièce servant à produire une empreinte.
♢ Outil ou machine qui sert à estamper. Estampe d'orfèvre, de serrurier, de maréchal-ferrant. ⇒ étampe.
estampe 2. estampe [ ɛstɑ̃p ] n. f.
• 1647; « impression » 1564; it. stampa
♦ Image imprimée au moyen d'une planche gravée de bois ou de cuivre (eau-forte, taille-douce) ou par lithographie. ⇒ gravure. Tirer une estampe encore humide. ⇒ contre-épreuve. Estampe enluminée. Estampe qui imite le lavis (⇒ aquatinte) , à la manière noire (⇒ mezzo-tinto) . Estampe qui illustre un livre. ⇒ figure, vignette. Estampes japonaises. Le cabinet des Estampes de la Bibliothèque nationale.
● estampe nom féminin (italien stampa, de stampare, imprimer) Image à caractère artistique, imprimée, le plus souvent sur papier, par le moyen d'une matrice traitée en relief (gravure sur bois, sur linoléum), en creux (sur métal : taille-douce) ou à plat (lithographie, sérigraphie). Outil pour l'estampage du métal. ● estampe (expressions) nom féminin (italien stampa, de stampare, imprimer) Estampe originale, estampe dont la matrice a été exécutée par l'artiste lui-même. Estampe de reproduction, estampe dont la matrice a été exécutée par un praticien et qui reproduit l'œuvre (peinture, dessin…) d'un artiste.
estampe
n. f. Image imprimée au moyen d'une planche gravée de bois, de cuivre ou de pierre calcaire. Collection d'estampes.
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estampe
n. f. TECH
d1./d Pièce servant à produire une empreinte.
d2./d Machine, outil servant à estamper.
⇒ESTAMPE, subst. fém.
A.— TECHNOL. Outil, machine-outil servant à estamper et utilisés dans différents métiers (bijouterie, chaudronnerie, poterie, serrurerie, etc.). Pour les petites exploitations qui n'ont pas beaucoup de futailles à estamper, on fait usage des estampes à mandrin (BRUNET, Matér. vinic., 1925, p. 546).
B.— P. méton. Image sur papier ou vélin obtenue par l'impression d'une plaque de cuivre ou de bois gravée en taille douce et imprégnée d'encre spéciale. Estampe japonaise; graver une estampe. Belle estampe, estampe bien noire, bien nette, bien tirée (Ac. 1798-1932). J'ai le cœur chaste et vrai comme une bonne lampe; Oui, je suis en taille-douce, comme une estampe (LAFORGUE, Poés., 1887, p. 129). Une estampe de Breughel, gravée par Cook : « Les vierges sages et les vierges folles » (HUYSMANS, Là-bas, t. 1, 1891, p. 122). Estampe originale, estampe de reproduction (cf. DACIER, 1944, p. 10) :
• 1. ... aux panneaux de toile de Jouy pendaient des estampes du grand siècle; elles représentaient les galanteries mythologiques, dessinées avec cette majesté froide qui conservait de la bienfaisance aux libertés des dieux.
VOGÜÉ, Morts, 1899, p. 153.
— P. ext.
1. Toute espèce d'image obtenue par un procédé d'impression. Synon. burin, eau-forte, gravure, lithographie. Pour l'enfant, amoureux de cartes et d'estampes, L'univers est égal à son vaste appétit (BAUDEL., Fl. du Mal, Paris, Gallimard, 1961 [1857], p. 122). Sont considérées comme gravures, estampes et lithographies originales les épreuves tirées en noir ou en couleurs, d'une ou plusieurs planches, entièrement conçues et réalisées à la main par le même artiste, quelle que soit la technique employée, à l'exclusion de tous procédés mécaniques ou photomécaniques (Comité de la Gravure française ds BÉG. Estampe 1977, préf., [p. 3]) :
• 2. Le « Sunset in Tipperary » — « le coucher de Soleil en Irlande » — l'estampe que je regarde comme une des plus remarquables eaux-fortes modernes et où Seymour Haden, qui a retrouvé le noir de Rembrandt, a pour ainsi dire imprimé sur une feuille de papier la mélancolie du crépuscule.
GONCOURT, Journal, 1894, p. 685.
♦ Le Cabinet des Estampes de la Bibliothèque nationale. Département de la Bibliothèque nationale constituant la plus riche collection de gravures et de dessins (cf. CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 14). P. ell. Les Estampes (MICHELET, Journal, 1837, p. 241).
2. Image destinée à illustrer un texte. Synon. illustration. Livre d'estampes (Ac. 1798-1878) :
• 3. Nous avions une grande bible à estampes reliée en vert avec des estampes gravées sur bois et insérées dans le texte, rien n'est mieux pour les enfants.
STENDHAL, Vie de Henry Brulard, t. 1, 1836, p. 101.
SYNT. Estampe libertine, politique, romantique; pieuse estampe; carton, marchand d'estampes; presse à estampe; enluminer une estampe; imprimer, tirer une estampe.
Rem. 1. Gravure remplace actuellement estampe dans son sens large. 2. On relève ds la docum. estampier, subst. masc. Celui qui fait des estampes. L'homme [Cochin] qui dessina pendant soixante-sept ans (...) le « profileur » des célébrités de son temps, l'« estampier » de tous les livres illustrés de l'époque (E. DE GONCOURT, Mais. artiste, 1881, p. 61).
Prononc. et Orth. :[]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Av. 1560 « impression [d'un document] » (DU BELLAY, Lettre inédite ds HUG.); 2. 1647 « image imprimée au moyen d'une planche gravée » (POUSSIN, Lettre 7 avril ds LITTRÉ). Empr. à l'ital. stampa, attesté au sens de « figure gravée » dep. le XIVe s., « impression » dep. le XVIe s. (d'apr. DEI), déverbal de stampare « représenter une figure, imprimer », prob. empr. au fr. estamper. Fréq. abs. littér. :282. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 259, b) 579; XXe s. : a) 537, b) 344. Bbg. GUIRAUD (P.). Mél. d'étymol. arg. Cah. Lexicol. 1970, t. 16, p. 71. — HOPE 1971, p. 149; pp. 192-193.
1. estampe [ɛstɑ̃p] n. f.
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♦ Technique.
1 Pièce servant à produire une empreinte.
2 Outil ou machine qui sert à estamper (I.). || Estampe d'orfèvre, de serrurier, de maréchal-ferrant. ⇒ Estampeur (I., 1.), estampilleuse, étampe. — REM. On dit aussi estampoir.
➪ tableau Noms d'outils.
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HOM. 2. Estampe; formes du v. estamper.
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2. estampe [ɛstɑ̃p] n. f.
ÉTYM. 1647; « impression », 1564; ital. stampa.
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1 Image imprimée au moyen d'une planche gravée de bois ou de cuivre (eau-forte, taille-douce…) ou par lithographie. ⇒ Gravure. || Une estampe bien nette, bien noire. || Tirer, contre-tirer une estampe encore humide. ⇒ Contre-épreuve. || Coloriage des estampes par enluminure, lithochromie. || Estampe qui imite le lavis (⇒ Aqua-tinte). || Estampe à la manière noire (⇒ Mezzo-tinto). || Estampe gravée d'après un tableau. || Estampe qui illustre un livre. ⇒ Figure, vignette. || Estampe encadrée (→ Diaphane, cit. 1). || Estampes de Dürer, de Goya, de Daumier. || Les estampes du XVIIIe siècle de Cochin, d'Eisen. || Estampes japonaises de Shunsho, d'Utamaro, de Hokusai (→ Pommier, cit. 2). || Collection d'estampes. || Cabinet des Estampes de la Bibliothèque nationale.
1 Insensiblement je m'engouai de cette petite retraite; j'y mis quelques livres, beaucoup d'estampes; je passais une partie de mon temps à l'orner (…)
Rousseau, les Confessions, V.
2 Pour l'enfant, amoureux de cartes et d'estampes (…)
Baudelaire, les Fleurs du mal, « Le voyage ».
3 Sauf les estampes de Rembrandt, qui s'imposent avec une autorité classique même aux ignorants (…) qui se soucie réellement de l'eau-forte ?
Baudelaire, Curiosités esthétiques, XIII.
4 Dessiner sur une matière dure, évider les blancs du dessin et laisser les traits seuls en saillie, encrer ces surfaces saillantes, appliquer fortement une feuille blanche sur cette surface encore fraîche et répéter ces opérations d'encrage et de pression autant de fois que l'on veut obtenir d'épreuves, c'est-à-dire d'exemplaires, tout cela (…) est le principe même de l'estampe gravée en relief (…)
Jean Laran, les Estampes, p. 10.
2 Par ext. Littér. ou style soutenu. Image imprimée; réplique (d'une image) tirée à peu d'exemplaires (gravure, lithographie, etc.). || Estampe originale, signée par l'artiste. ⇒ Gravure (plus cour.). || Acheter des estampes chez un antiquaire.
♦ Spécialt. Illustration d'un livre. ⇒ Image, dessin.
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HOM. 1. Estampe; formes du v. estamper.
Encyclopédie Universelle. 2012.