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HYDROGÉOLOGIE
HYDROGÉOLOGIE

L’hydrogéologie est la science des eaux souterraines. Elle a pour objet l’étude du rôle des matériaux constituant le sol et le sous-sol et des structures géologiques dans l’origine, la distribution et le mode de gisement, les modalités de l’écoulement et les propriétés physico-chimiques de l’eau. Elle se préoccupe également de l’exploitation et de la conservation des ressources en eaux souterraines. L’hydrologie étant définie comme la science des eaux de la Terre, l’hydrogéologie se réserve le domaine englobant le sol et le sous-sol et les interactions de la géologie avec les eaux de surface.

La recherche et l’exploitation des eaux souterraines est aussi ancienne que l’activité humaine. Mais l’hydrogéologie est née véritablement au XIXe siècle avec la géologie dont elle a bénéficié des progrès. Elle a pris son plein essor à partir des années quarante sous la pression des impératifs du développement.

L’eau est une substance minérale dont la prospection, l’étude des gisements et les techniques d’exploitation relèvent de la géologie appliquée au même titre que le pétrole, les minéraux ou les substances utiles. Toutefois, les eaux souterraines exigent des techniques plus complexes car elles sont renouvelables, contrairement aux mines dont les réserves sont fixées définitivement. Des méthodes spécialement adaptées à l’hydrogéologie sont fournies par diverses disciplines connexes, comme la géomorphologie appliquée, l’informatique géologique, l’hydrodynamique souterraine, l’hydrogéochimie et la géochimie isotopique.

La reconnaissance des eaux souterraines exige des données précises, tant sur la nature lithologique des formations géologiques que sur leur localisation, leur disposition et leur architecture, dont la synthèse aboutit à la définition et à l’identification des structures hydrogéologiques. Ces dernières définissent à leur tour la forme et les dimensions des aquifères ; leur volume étant connu, il devient nécessaire d’en calculer la teneur, ou volume d’eau exploitable. Or un aquifère est un complexe physico-chimique constitué de deux phases indissociables: solide (ou roche réservoir) et eau. L’eau se répartit en deux types:l’eau de gravité et l’eau de rétention , cette dernière étant retenue sur la trame solide dont elle fait partie, au même titre que les grains de sable, par des forces d’adhésion équivalentes à des pressions de plusieurs milliers d’atmosphères. Seule l’eau de gravité peut être extraite. Son volume est déterminé par la porosité efficace ou le coefficient d’emmagasinement. Mais la présence d’une réserve d’eau exploitable n’est pas suffisante pour que l’extraction soit possible; l’eau doit s’écouler vers les émergences ou les ouvrages de captages avec un débit souterrain suffisant.

Le débit souterrain, régi par la loi de Darcy (1856), est fonction de la perméabilité ou de la transmissivité. Ces caractéristiques peuvent être déterminées en laboratoire ou sur le terrain. D’autres paramètres hydrauliques interviennent également, fonction des précédents: ce sont le gradient hydraulique et la vitesse réelle d’écoulement. Des équations relient le débit de pompage et l’abaissement du niveau d’eau, ou rabattement, dans les ouvrages de captages et dans l’aquifère. On a introduit la notion de temps de pompage, importante pour l’établissement des programmes d’exploitation à moyen et à long termes.

Étant donné qu’il n’est pas possible, de toute évidence, d’extraire d’un aquifère, sans tarissement, un volume d’eau supérieur à celui du renouvellement par l’alimentation naturelle ou artificielle, l’évaluation des réserves et des ressources et l’établissement du bilan sont à la base de tout programme d’exploitation rationnelle et de conservation des gisements d’eaux souterraines. Le rendement et la rentabilité de l’exploitation d’un aquifère sont déterminés par le type et l’équipement des ouvrages de captages: galeries, drains, puits et sondages. C’est pourquoi l’hydrogéologue se préoccupe de leur mise au point technique.

Une science nouvelle

Si l’utilisation des eaux souterraines par l’homme remonte à la Préhistoire, l’hydrogéologie est une science très jeune datant de la seconde moitié du XIXe siècle.

De nombreux textes de l’Ancien Testament montrent déjà les préoccupations de l’homme pour les eaux souterraines, les sources et les puits. C’est aux Grecs et aux Romains que l’on doit les premières théories sur l’origine et la circulation des eaux souterraines. Trois concepts se dégagent des textes. Le mathématicien Thalès de Milet prétend, en 650 avant J.-C., que l’eau de la mer, poussée par le vent vers l’intérieur des continents, tombe sur le sol et y pénètre. Platon adopte ces idées, le retour à l’océan s’effectuant par un grand abîme, le Tatare; cette théorie aura de nombreux adeptes jusqu’au XVIIe siècle avec Descartes. Par contre Aristote suppose que la vapeur d’eau du sol se condense dans des cavités refroidies des montagnes et forme des lacs souterrains qui alimentent les sources. Il est suivi par Sénèque (Ier s.) et de nombreux partisans jusqu’en 1877, dont O. Volger.

Dès le Ier siècle avant J.-C., Vitruve admet la formation des sources par la pénétration dans le sol des eaux de pluie; elles y sont arrêtées par «une couche de pierre ou d’argile». Mais la première conception nette du cycle de l’eau reviendra, en 1580, à Bernard Palissy, pionnier de la paléontologie, qui affirme que les eaux souterraines proviennent de l’infiltration des eaux de pluies dans le sol. Cette théorie sera confirmée par Edme Mariotte (1620 env.-1684) et par Pierre Perrault (1611-1680), fondateurs de la pensée moderne en hydrogéologie.

Mais quelles que soient les hypothèses émises sur l’origine des eaux souterraines, les ingénieurs constatant leur présence ont réalisé très tôt leur exploitation. Les plus anciens vestiges de captages connus remontent à 5 000 ans aux Indes, 3 000 en Mésopotamie, 2 000 en Égypte. Athènes était, au VIe siècle avant J.-C., alimentée par des puits. Les captages les plus nombreux dans les zones arides sont des galeries, longues de plusieurs kilomètres, les kanats ou fogaras . Elles ont été construites dès 800 avant J.-C. en Perse et 500 avant J.-C. en Égypte. Quelques millénaires avant notre ère, les Chinois foraient, avec des tiges de bambou, des puits jusqu’à 1 500 mètres. Le premier «puits artésien» européen est réalisé en Artois (d’où son nom) en 1126.

Durant la première moitié du XIXe siècle, on assiste en France, grâce aux travaux des géologues, des ingénieurs, des foreurs, à un épanouissement de la science des eaux souterraines. C’est en 1841 qu’est foré le puits artésien de Grenelle, alors le plus profond du monde avec près de 600 mètres. Il est battu en 1857 par le forage de Passy qui atteint 641 mètres. Henri Darcy (1803-1858) établit expérimentalement en 1856 la «loi de Darcy», fondement de l’hydrodynamique souterraine moderne. E. Belgrand en 1846 et l’abbé Paramelle en 1856 y apportent leur contribution. C’est à J. Dupuit que l’on doit, en 1854, les premières formules de calcul du débit des ouvrages de captages, formules encore utilisées aujourd’hui.

Au cours de la fin du XIXe et au début du XXe siècle, les savants français et allemands créent l’hydrogéologie scientifique moderne. Le géologue français G. Daubrée montre en 1887 les relations des structures géologiques avec la localisation et le mouvement de l’eau. E. A. Martel, par son Traité sur les eaux souterraines publié en 1921, fait autorité pour les formations calcaires. L’hydrogéologie doit beaucoup à E. Imbeaux, dont l’Essai d’hydrogéologie est édité en 1930. En Allemagne, A. Thiem introduit en 1870 la méthode des essais de pompage sur le terrain, perfectionnée par G. Thiem (1906). L’Europe n’a plus l’exclusivité et de nombreux travaux sont effectués à cette époque, aux États-Unis, avec Allen Hazen (1893), C. S. Slichter (1898 et 1905), M. Muskat (1937), C. F. Tolman (1937), O. E. Meinzer (1942).

Depuis les années quarante, l’hydrogéologie, tout en consolidant ses bases scientifiques, a pris une place grandissante dans les techniques du développement. Nous citerons les travaux de C. V. Theis, D. K. Todd, C. E. Jacob, R. J. M. de Wiest, W. T. Chow aux États-Unis, de G. Castany, H. Schœller, G. Schneebeli en France, de S. F. Irmay en Israël, de Silin Bekchurin, G. Bogomolov, P. Y. Polubarinova-Kochina en U.R.S.S., de P. Fourmarier en Belgique, de M. Desio et M. Bartelli en Italie.

L’hydrogéologie, d’après la définition retenue, étudie cinq grandes séries de problèmes: la distribution et le mode de gisement de l’eau dans le sol et le sous-sol (géologie de l’eau ); l’écoulement des eaux souterraines (hydrodynamique souterraine ); la physico-chimie des eaux souterraines (hydrogéochimie ); l’alimentation et l’émergence des eaux souterraines (bilan ); l’exploitation rationnelle des eaux souterraines et la coordination avec celle des eaux de surface.

Géologie de l’eau

L’étude de l’eau dans les roches et les sols, de sa distribution et de son mode de gisement souterrain, effectuée à deux échelles – échantillon en laboratoire et structure géologique sur le terrain – est la base de l’hydrogéologie. C’est en somme la «géologie appliquée à l’eau», définition restreinte que l’on donne parfois de l’hydrogéologie.

Le sol et le sous-sol sont constitués de matériaux (roches et sols) ayant la propriété, à des degrés divers, d’emmagasiner, de laisser s’écouler et de restituer l’eau souterraine en fonction de leurs caractéristiques physiques et hydrologiques. Ces matériaux constituent les formations lithologiques, éléments architecturaux des structures géologiques. Les sels solubles contribuent à la composition chimique des eaux (exemple: eaux minérales en général, eaux sulfatées sodiques des roches métamorphiques, sulfatées calciques des formations gypseuses). La prospection et l’exploitation rationnelles des eaux souterraines reposent donc sur une connaissance géologique précise de la région.

Aquifère ou nappe d’eau souterraine

Un gisement d’eaux souterraines utilisable comme source d’eau est appelé «couche aquifère», «aquifère» ou «nappe d’eau souterraine». C’est une formation géologique renfermant dans ses vides de l’eau en circulation et pouvant être extraite par des moyens économiques d’exploitation (sources, puits et sondages). L’aquifère comprend la roche réservoir (trame solide, grains de silice d’un sable par exemple) et l’eau. Ces deux phases, indissociables, constituent par leurs interactions un même complexe physico-chimique. On citera en exemple: des dépôts alluviaux de sables et graviers, des massifs de calcaires fissurés ou de craie, des coulées de basalte à fissures ouvertes, des couches de sable dans un bassin sédimentaire.

À l’opposé, certains matériaux comme les argiles, les granites ou les calcaires compacts, où l’eau s’écoule à des vitesses très faibles (quelques millimètres par an), ne peuvent être utilisés comme sources d’eau. Ce sont des «aquicludes» ou des «imperméables». Ils constituent le substratum de tous les aquifères ainsi que le toit des gisements d’eaux souterraines captives.

Eaux souterraines libres et captives

Une coupe verticale dans le bassin de Paris, la plus anciennement connue, montre une succession de gisements d’eaux souterraines exploitables superposés (fig. 1). Leur localisation est déterminée par la présence et la position des formations géologiques aquifères (fig. 2). Elle dépend étroitement de la stratigraphie et de la tectonique.

On peut distinguer, de haut en bas: les eaux souterraines phréatiques de 0 à 50 m; les eaux souterraines de subsurface de 50 à 250 m; les eaux souterraines profondes .

Si l’on étudie les puits et sondages du premier gisement rencontré sous la surface du sol, ou eaux souterraines phréatiques (phreos : puits), on y observe la présence d’un niveau d’eau. Son altitude dans l’ouvrage (cote par rapport au niveau zéro), en l’absence de toute perturbation provoquée par l’exploitation, est par définition le niveau piézométrique . L’ensemble des niveaux piézométriques du gisement ainsi identifié détermine la surface piézométrique ou surface libre. Elle constitue la limite supérieure de la nappe. La pression en tous les points étant égale à la pression atmosphérique, ce sont des eaux souterraines libres (fig. 3).

On distingue, de part et d’autre de la surface piézométrique, deux zones: au-dessus, la zone non saturée ou zone d’aération et, au-dessous, la zone saturée ou zone de saturation (ou aquifère) d’épaisseur H. L’épaisseur de la zone non saturée, déterminant la profondeur de la surface piézométrique, donc de l’eau souterraine, est importante pour l’exploitation. Elle varie en fonction des facteurs du bilan de l’eau (évapotranspiration, précipitation et infiltration) et des conditions hydrogéologiques.

Dans les gisements plus profonds, les eaux souterraines sont emprisonnées dans la formation géologique entre deux aquicludes fixes (fig. 2 et 3). Par suite de la profondeur, ces eaux subissent une pression verticale, dirigée de haut en bas, égale au poids de la colonne de terrains qui la surmonte, équilibrée par la pression de couche, eau et roche réservoir. Ce sont les eaux souterraines captives . Lorsqu’un sondage perce la couverture du gisement, la colonne de terrains de densité élevée (2,6 en moyenne) est remplacée par une colonne d’eau (densité 1), et l’eau de la formation, expulsée par décompression, s’élève dans l’ouvrage jusqu’à équilibre avec le niveau piézométrique. Les eaux sont ascendantes ou artésiennes selon que leur niveau se stabilise au-dessous ou au-dessus du terrain naturel (fig. 2 et 3). Ainsi, si le captage des aquifères, de subsurface et profonds, nécessite des sondages importants et coûteux, le pompage s’effectue souvent à de faibles profondeurs et parfois même on dispose d’un débit naturel en surface (exemple: sondages artésiens du Sahara).

Caractéristiques des roches réservoirs

Géologie

L’hydrogéologue distingue deux catégories de roches réservoirs, par les caractéristiques de leurs vides. On peut identifier deux types de vides: les pores et les fissures.

Les pores ou interstices sont des vides de petites dimensions, toujours inférieures au dixième de millimètre, ménagés par la coalescence de grains de formes et de grosseurs variables: grains de silice d’un sable, galets et particules de limons d’une formation alluviale.

Les fissures sont des fentes plus ou moins étroites, allongées, d’origine mécanique en général. Les microfissures , d’une largeur inférieure à 0,25 mm, ont les mêmes caractéristiques que les pores. Un calcaire présente des fissures.

Ces deux types de vides permettent de distinguer deux grandes catégories de roches du point de vue hydrogéologique:

– les roches meubles , ou non consolidées, qui présentent uniquement des pores (roches poreuses: graviers, sables, sables argileux et argiles);

– les roches compactes , ou consolidées, où les fissures dominent (calcaire, grès, basalte, granite). Ces roches peuvent renfermer des pores dont le rôle n’est pas négligeable (calcaire oolitique ou craie).

Les roches compactes carbonatées, comme les calcaires, calcaires dolomitiques et dolomies, présentent à l’origine des fissures obstruées ou fermées. Lorsque l’action chimique (dissolution des carbonates) et mécanique des eaux a été importante, les fissures sont élargies jusqu’à réaliser des cavités souterraines. C’est la karstification (cf. relief KARSTIQUE) donnant naissance à des réseaux aquifères (Causses, Jura, Vercors, Dalmatie, massifs calcaires de Grèce, d’Italie, d’Israël, de Floride).

Dans les roches compactes cristallines et métamorphiques, l’eau souterraine est localisée dans les zones de discontinuités (failles, plans de schistosité) et dans les couches d’altération superficielles.

Les matériaux favorables à la formation d’aquifères sont les grès et les sables, les graviers et les alluvions, les roches carbonatées fissurées, les basaltes récents. Les propriétés aquifères des matériaux constituant les formations géologiques sont donc liées étroitement à la lithologie, laquelle est la base fondamentale de l’étude des ressources en eaux souterraines.

Paramètres hydrogéologiques

Le paramètre le plus important des roches réservoirs est celui qui permet la détermination du volume d’eau qu’elles peuvent libérer. Prélevons un échantillon d’aquifère (zone de saturation), de volume total V, que nous laissons égoutter pendant vingt-quatre heures (fig. 4). Nous recueillons ainsi, par drainage, un volume d’eau Ve; par définition, c’est l’eau gravitaire ou eau libre. L’échantillon, ne mouillant plus, est dit sec. Si nous le plaçons dans une centrifugeuse, un volume d’eau, fonction de la vitesse de rotation, est extrait. C’est l’eau de rétention. Cette eau est retenue, adsorbée sur la trame solide de la roche réservoir par des forces supérieures à l’accélération de la pesanteur et relevant de l’attraction moléculaire (1 000 à 100 000 atmosphères). Ainsi un échantillon prétendu sec est constitué de matière minérale (plus l’humus éventuellement) et d’eau de rétention, le tout formant le complexe solide.

Le rapport du volume Ve de l’eau de gravité, recueilli par drainage, au volume total V de l’échantillon, est appelé porosité efficace (specific yield ) et désigné par r e. Ce paramètre, exprimé en pourcentage, permet de calculer le volume d’eau exploitable du gisement, le volume de l’aquifère étant connu. Un second paramètre, appelé coefficient d’emmagasinement S (storage coefficient ), peut être déterminé sur le terrain par des pompages d’essais dans les puits et dans les sondages: c’est le volume d’eau de gravité, en mètres cubes, libéré par un prisme d’aquifère de 1 mètre carré de section, pour un abaissement de la surface piézométrique, ou de la charge, de 1 mètre (fig. 4). Dans les aquifères libres, le coefficient d’emmagasinement est sensiblement égal à la porosité efficace. Dans les nappes captives, où l’eau n’est pas libérée par gravité mais par décompression, le coefficient d’emmagasinement est 100 et même 1 000 fois plus petit.

Le coefficient de perméabilité K caractérise l’écoulement de l’eau gravitaire dans les roches réservoirs: c’est le volume d’eau s’écoulant pendant l’unité de temps à travers l’unité de section de l’aquifère, sous un gradient hydraulique égal à 1 et à la température de 20 0C. Ayant les dimensions d’une vitesse, elle est exprimée en mètres par seconde.

La perméabilité est fonction du diamètre des grains (selon l’expression K = 100 d 210), de la porosité et des paramètres de l’eau comme la température, la viscosité et la masse spécifique.

Toutes les roches sont perméables à des degrés divers (cf. tableau). Par convention, la limite inférieure des roches dites perméables a été fixée à 1 . 10-9 m/s. Dans un complexe hydrogéologique, comme le grand bassin sédimentaire de Paris, à l’échelle des surfaces évaluées à des dizaines de milliers de kilomètres carrés et des temps portant sur des siècles, voire des millénaires, il n’y a aucune formation géologique étanche. La productivité d’une couche aquifère est également fonction de son épaisseur, H (nappe libre) ou e (nappe captive); le produit T = KH ou T = Ke (en m2/s) est appelé transmissivité.

L’écoulement de l’eau souterraine, donc la productivité d’un aquifère, est régi par la transmissivité. Mais le coefficient d’emmagasinement joue un rôle par l’intervention du volume utile des vides fixant la section utile d’écoulement. Celle-ci est égale au quotient A/S de la section totale par le coefficient d’emmagasinement. C’est pourquoi on a défini la diffusivité T/S, quotient de la transmissivité par le coefficient d’emmagasinement. Par exemple pour les sables albiens du bassin de Paris, T = 0,3 m2/s et S = 0,005; d’où T/S = 60.

Structures hydrogéologiques

Les possibilités de production des aquifères dépendent, outre leurs caractéristiques hydrogéologiques, de leur position dans le sous-sol, de leur volume et de leurs dimensions (fig. 2 et 3). La distance des zones d’alimentation aux champs de captages doit être prise en considération. Les structures hydrogéologiques, synthèses des connaissances sur la lithologie (essentiellement la lithostratigraphie), la tectonique (zones de fractures, plis et déformations) et l’hydrologie, permettent d’évaluer les dimensions des gisements d’eaux souterraines et de définir les conditions optimales de leur captage et de leur exploitation. Nous citerons en exemples les grands bassins hydrogéologiques régionaux, les plaines alluviales, les coulées basaltiques, les massifs calcaires, les fossés d’effondrement.

Roches semi-perméables à l’origine de l’aquifère multicouche

Les recherches hydrogéologiques dans les grands bassins sédimentaires, comme ceux de Paris et d’Aquitaine, ont conduit à compléter le classement des roches, selon leur degré de perméabilité (cf. tableau), par un troisième type, dit semi-perméable. En effet, certains matériaux comme les sables fins, les sables argileux, de faible perméabilité (1.10-4 à 1.10-8 m/s), permettent, dans des conditions hydrodynamiques favorables, des échanges verticaux, ascendants ou descendants, entre aquifères superposés. Ce phénomène naturel, appelé la drainance , exige deux conditions: présence d’une assise semi-perméable et différence de niveau piézométrique entre les nappes considérées (fig. 5). Une structure hydrogéologique, constituée d’une alternance de formations perméables (nappes d’eau souterraine) et semi-perméables, caractérise un aquifère multicouche . Il convient donc de compléter les deux types hydrodynamiques d’aquifères à nappe libre et à nappe captive de la figure 3 par celui d’aquifère à nappe semi-captive ou aquifère multicouche (fig. 5).

L’aquifère multicouche permet des transports d’eau verticaux, dans les conditions naturelles, pouvant atteindre des volumes importants, à l’échelle du bassin hydrogéologique, compte tenu de l’étendue des surfaces (en milliers de kilomètres carrés) et des durées (années, décennies, siècles). Citons, en exemple, l’aquifère multicouche de la base du Tertiaire du bassin d’Aquitaine occidental, d’une superficie de 50 000 km2. Le débit des apports ascendants par drainance des nappes sous-jacentes est de 68 millions de mètres cubes par an sur un débit total de la nappe de 120 millions de mètres cubes par an. Les fuites par le toit, également semi-perméable, atteignent 45 millions de mètres cubes par an.

Il résulte de ces études que, contrairement à l’opinion courante, les couches imperméables sont rares. Elles constituent exceptionnellement des écrans isolant les nappes d’eaux souterraines. La présence de formations semi-perméables est fréquente. Ainsi, les aquifères d’un bassin sédimentaire constituent un complexe hydrogéologique unique, le bassin hydrogéologique , où les circulations d’eau verticales sont prédominantes sur les écoulements latéraux. Ces faits ont des conséquences importantes sur l’évaluation de la ressource en eau souterraine, l’exploitation d’un aquifère sollicitant ceux qui l’encadrent. Favorisant la dissémination des substances polluantes dans tout le domaine souterrain, ils compliquent les mesures de protection contre la pollution accidentelle. C’est ainsi que dans l’aquifère multicouche du calcaire de Beauce (Oligocène), les nitrates, épandus en surface par les activités agricoles, descendent jusqu’à 60 à 100 m de profondeur, traversant le substratum de l’aquifère supérieur à nappe libre, conformément au schéma de la figure 5.

Hydrodynamique souterraine

Débit et vitesse d’écoulement: loi de Darcy

L’écoulement des eaux souterraines est régi par la loi de Darcy, établie expérimentalement en 1856. Le débit Q qui s’écoule dans l’unité de temps, à travers une section totale de terrain A, est fonction de la perméabilité K et du gradient hydraulique (ou perte de charge) I (Q = KAI).

Le gradient hydraulique est la pente de la surface piézométrique. Il peut être calculé soit à l’aide de cartes piézométriques, soit sur le terrain, en mesurant les niveaux piézométriques H1 et H2 dans deux ouvrages situés sur une même ligne de plus grande pente:

La vitesse de filtration , c’est-à-dire rapportée à la section totale A, s’exprime v = Q/A = KI.

Mais, en réalité, l’eau de gravité ne s’écoule que par les vides utiles de l’aquifère, déterminés par la porosité efficace r e. Il faut tenir compte de la section utile , A . r e, en introduisant la vitesse effective :

On constate sur le terrain que la vitesse réelle d’écoulement des eaux souterraines est faible, de quelques mètres par an pour les aquifères profonds à quelques milliers pour les eaux phréatiques.

Écoulement des eaux souterraines vers les ouvrages de captage

Le pompage dans un puits ou dans un sondage, exploitant l’épaisseur H de l’aquifère, abaisse le niveau d’eau dans l’ouvrage et dans le terrain, créant un «cône de dépression» de rayon R (fig. 6). La différence entre le niveau piézométrique et le «niveau dynamique» obtenu en cours de pompage est la dépression ou rabattement s. La hauteur d’eau dans l’ouvrage, mesurée à partir du substratum, étant h , on a s = H 漣 h .

Deux hypothèses pour le traitement mathématique des données Q et s du pompage, permettant le calcul du débit Q, ont été émises successivement. Elles correspondent à deux groupes de formules: formules de Dupuit (hypothèse d’équilibre), formules de Theis-Jacob (hypothèse de non-équilibre).

J. Dupuit a admis le premier, en 1863, que, pour un pompage à débit constant Q, les dimensions du cône de dépression (rabattement s et rayon R) sont constantes. C’est le régime d’équilibre ou d’écoulement permanent.

Pour une tranchée de longueur L, le débit Q est donné par:

pour un puits en nappe libre, de rayon r ,

pour un puits en nappe captive avec de faibles rabattements:

e étant l’épaisseur de l’aquifère captif.

L’expression 1,366 K/lg(R/r ) est une constante C . Nous pouvons écrire: Q = C (2 H 漣 s ) s . Le débit de l’ouvrage est donc fonction du rabattement s et de la puissance H de l’aquifère. Le rayon du puits r n’a qu’une importance secondaire. S’il est doublé de 1 à 2 mètres, le débit n’augmente que de 18 p. 100.

Dès 1936, des hydrogéologues américains, en particulier C. V. Theis, puis C. E. Jacob, se basant sur le fait expérimental qu’à débit constant le rabattement croît en fonction du temps de pompage, ont calculé de nouvelles formules dites de non-équilibre , de régime semi-permanent ou encore de régime transitoire. Elles permettent de déterminer sur le terrain la transmissivité et le coefficient d’emmagasinement et, introduisant le facteur temps, d’établir des programmes d’exploitation à long terme. La formule fondamentale est une exponentielle d’intégrale:

Mais pour traiter les cas habituels (pompage prolongé, observations à proximité du puits exploité), Jacob a extrait de cette expression, par simplification, la formule d’approximation logarithmique:

t étant le temps écoulé depuis le début du pompage, en secondes, et x la distance comptée en mètres depuis l’axe du puits jusqu’au piézomètre ou puits d’observation où a été mesuré le rabattement.

L’application sur le terrain des formules de non-équilibre exige la pose de piézomètres (fig. 6).

L’étude en cours de remontée, après arrêt du pompage, des niveaux d’eau dans le puits ou les piézomètres permet de déterminer la transmissivité par l’expression:

s , rabattement résiduel, est le rabattement mesuré à l’instant t’ , temps écoulé entre la mesure et l’arrêt du pompage.

Le débit spécifique q d’un puits ou d’un sondage est le débit obtenu par mètre de rabattement dans l’ouvrage sous l’effet du pompage (q = Q/s ); il s’exprime en m3/s . m ou en m3/h . m.

Hétérogénéité des réservoirs et échelles du domaine aquifère

Rappelons que les deux types de vides identifient deux catégories de réservoirs: le milieu poreux et le milieu fissuré.

Un réservoir est homogène lorsque ses caractéristiques physiques (granulométrie ou fissuration, par exemple) sont constantes dans la direction de l’écoulement des eaux souterraines. Or, cette condition est rarement observée. Le cas contraire, l’hétérogénéité, conséquence de la structure géologique, est le plus fréquent. En effet, les études sur la stratigraphie et la tectonique sont fondées sur les discontinuités des formations constituant le sous-sol. Déjà reconnue comme la règle générale en milieu fissuré (roches compactes: calcaires, granites, etc.), l’hétérogénéité a été identifiée en milieu poreux (roches meubles: sables, graviers, alluvions) par l’application des méthodes modernes de recherches hydrogéologiques.

Or les lois de l’hydrodynamique souterraine, permettant le calcul des débits de la nappe et des vitesses effectives, ne s’appliquent qu’aux seuls milieux homogènes. Ainsi le problème posé à l’hydrogéologie est d’identifier un volume de réservoir considéré comme homogène dans son ensemble. Celui-ci est appelé volume représentatif élémentaire , noté V.R.E. C’est ainsi qu’apparaît la nécessité de délimitation d’une grandeur (ou échelle) de domaine aquifère, où les lois de l’hydrodynamique souterraine peuvent être utilisées (fig. 7). Un aquifère dans les alluvions d’une rivière peut être considéré comme homogène à l’échelle régionale, par exemple dans le domaine affecté par un pompage d’essai (échelle kilométrique: km3). En effet, les hétérogénéités locales sont effacées par le volume du réservoir (fig. 7). Découpé en volumes plus petits, de l’ordre de grandeur du V.R.E. (échelle métrique: m3), il devient hétérogène, car deux échantillons prélevés au hasard présentent une granulométrie différente (1 et 2, fig. 7). Par contre, chaque V.R.E. est homogène. Un volume plus petit, de l’ordre de grandeur d’un pore ou d’un grain (échelle microscopique: mm3) est hétérogène, car il peut intéresser l’une ou l’autre de ces phases. Par exemple, la porosité, nulle pour un grain, est de 100 p. 100 pour un pore.

Les prospections hydrogéologiques, appliquant les techniques et les méthodes de la géologie, de la géophysique appliquée, de la télédétection et de la statistique, permettent de résoudre la plupart des problèmes posés.

Méthodes de prospection des eaux souterraines

Prospection géologique

L’hydrogéologue dresse, en premier lieu, une carte géologique détaillée à grande échelle et des coupes géologiques sur lesquelles la lithologie des roches et leur structure, en surface et en profondeur, sont représentées. Il observe avec attention les faciès, les structures (plis, failles, etc.) et les vides des roches. La cartographie est accompagnée d’études des matériaux en vue de la détermination de leurs caractéristiques hydrogéologiques: porosité efficace, perméabilité. L’évolution de ces données statiques étant déterminante, ces prospections sont complétées par des études de géomorphologie appliquée et de géodynamique externe.

La prospection géologique aboutit à une carte lithostratigraphique mentionnant les caractéristiques physiques des roches, à des cartes structurales et à des coupes hydrogéologiques permettant de déterminer la localisation, les dimensions et le volume des aquifères.

Prospection hydrogéologique

L’étude hydrogéologique repose sur un inventaire des points d’eau: sources, émergences, puits, sondages. Les données collectées sont la localisation, la profondeur de l’eau et le niveau piézométrique, la profondeur totale de l’ouvrage, les débits et la qualité de l’eau. Le premier document établi est la carte piézométrique , qui permet d’étudier la profondeur de l’eau. L’analyse morphologique de la surface piézométrique et l’étude de ses fluctuations permettent des conclusions sur le régime des nappes. Lorsque les puits ne sont pas assez nombreux, l’hydrogéologue pratique des forages de reconnaissance. Des essais de débits, par pompage ou par injection, sont effectués afin d’évaluer le coefficient d’emmagasinement et la transmissivité. Tous ces travaux aboutissent à la détermination du volume d’eau emmagasiné dans l’aquifère, des caractéristiques de l’écoulement souterrain et du renouvellement des eaux souterraines. Ils sont complétés par des renseignements sur la qualité des eaux: pH, dureté, température, résistivité, analyse chimique, bactériologie.

La création de réseaux d’observation des niveaux piézométriques et de la qualité de l’eau permettent de suivre l’évolution des ressources, du double point de vue qualitatif et quantitatif, et d’en assurer la conservation.

L’interprétation et la synthèse de tous ces éléments conduisent à la fabrication des cartes hydrogéologiques .

Prospection géophysique, sondages et modèles

Les données recueillies en surface sont souvent insuffisantes. Il est alors fait appel aux prospections géophysiques et aux sondages. Les méthodes les plus utilisées sont les mesures de résistivité et la sismique-réfraction (cf. DIAGRAPHIES, prospection GÉOPHYSIQUE).

Géochimie des eaux

La géochimie des eaux traite de l’abondance absolue et relative des éléments et des isotopes dans l’eau, ainsi que de l’évolution de leur concentration en fonction des conditions physico-chimiques rencontrées par l’eau pendant son cycle ou son emmagasinement. Les eaux souterraines tirent leur composition des pluies (cf. PRÉCIPITATIONS – Météorologie) et des réactions avec les minéraux du sol et des roches plus ou moins résistantes à l’altération . Ces réactions peuvent être abordées avec les lois classiques de la chimie des solutions diluées ou bien au moyen de modèles plus affinés de transfert d’éléments et de cinétique chimique (cf. THERMODYNAMIQUE - Thermodynamique chimique). L’évolution de la composition chimique des eaux naturelles est contrôlée essentiellement par trois phénomènes: la dissolution des minéraux, la précipitation d’autres minéraux et la concentration par évaporation. Il convient de distinguer les processus irréversibles, comme la dissolution et l’évaporation, des processus réversibles, comme les équilibres entre espèces aqueuses et les précipitations des minéraux. Depuis la fin des années soixante, sous l’impulsion d’Hegelson, de grands progrès ont été accomplis dans cette étude théorique des interactions eaux-roches, et des modèles des réactions naturelles sont simulés sur ordinateur.

L’étude géochimique des eaux souterraines est un auxiliaire précieux de la prospection hydrogéologique. Les sels dissous et aussi la composition isotopique des constituants mêmes de l’eau sont des marqueurs naturels [cf. ISOTOPES] qui permettent de caractériser un aquifère ou d’en préciser les facteurs d’écoulement. Les caractéristiques physico-chimiques des eaux peuvent également en limiter les possibilités d’utilisation et réduire ainsi les ressources exploitables.

Analyse chimique des eaux souterraines

Les principales données de l’analyse chimique d’une eau sont le résidu sec , le titre alcalimétrique , le degré hydrotimétrique (cf. EAU) et la teneur en composants majeurs suivants: les cations Ca++, Mg++, Na+ et K+, les anions HC-3 et éventuellement C—3, S—4, Cl- et -3, la silice dissoute Si2. La méthode la plus correcte de présentation des résultats est le poids d’ion par kilogramme ou par litre de solution. Les calculs et les comparaisons sont grandement facilités en transformant les poids en milliéquivalents (meq). La masse de l’équivalent de chaque ion se calcule en divisant sa masse atomique, pour un ion simple, ou la somme des masses atomiques, pour un radical, par sa valence. Le nombre de milliéquivalents d’un ion s’obtient en divisant sa concentration en milligrammes par l’équivalent. En théorie, dans une analyse complète des éléments en solution vraie dans l’eau, la somme des meq négatifs doit être égale à celle des meq positifs. Sur le terrain, la mesure de la conductivité de l’eau, qui est sensiblement proportionnelle à sa minéralisation, celles de la température et du pH accompagnent habituellement les prélèvements. Le dosage des éléments-traces de l’eau présents à des concentrations de l’ordre de quelques dizaines de microgrammes par litre, par exemple les métaux lourds, nécessite des méthodes analytiques très poussées. Leur importance est toutefois considérable et leur analyse est indispensable pour déterminer la potabilité d’une eau, pour expliquer ses propriétés thérapeutiques particulières ou pour mettre en évidence des concentrations métallogéniques dans les formations traversées par les eaux (cf. prospection GÉOCHIMIQUE). Les résultats des analyses chimiques sont portés sur des diagrammes permettant de définir clairement les types d’eau et de les comparer. Il existe quatre grandes sortes de représentations graphiques: les graphiques en colonnes, les diagrammes rayonnants, triangulaires et verticaux. Parmi ces derniers, le diagramme semi-logarithmique de H. Schoeller et E. Berkaloff (fig. 8) est le plus couramment employé. Les rapports de certains éléments majeurs exprimés en quantité de réaction r (meq), tels:

appelé indice d’échange de bases, sont utilisés pour mettre en évidence l’évolution de l’eau dans une même nappe. Dans ce but, il est aussi intéressant de tracer sur une carte les courbes d’égale valeur de la minéralisation totale ou isocones de certains éléments choisis pour leur importance géologique, hygiénique ou agricole ainsi que des rapports caractéristiques.

La mise en solution des divers éléments

La mise en solution se fait par dissolution simple et par attaque des minéraux des roches traversées par les eaux.

L’équilibre entre les gaz dissous dans l’eau et les principaux gaz de l’atmosphère du sol, 2, Ar, 2, H2, He, C2, NH3 et CH4, est rapidement réalisé dans la zone non saturée. La plupart de ces gaz ont une solubilité faible, comprise entre 0,01 et 0,02 cm3/cm3 à la température ordinaire, mais C2, H2S et NH3 ont une solubilité respectivement 40 200 et 60 000 fois plus grande. Le volume du gaz dissous est fonction de son coefficient d’absorption qui décroît pour des températures et des concentrations en sels croissantes et de sa pression partielle dans l’atmosphère du sol. Pour le C2 produit par l’activité bactérienne et la croissance des plantes, elle peut être jusqu’à 100 fois plus grande dans l’atmosphère du sol que dans l’air, ce qui a des conséquences importantes pour la mise en solution des carbonates et des silicates. Des études de paléoclimatologie ont montré que la température de la recharge d’un aquifère pouvait être déduite de ses teneurs en gaz nobles dissous, Ar, Kr, et Xe, en utilisant la dépendance très étroite qui existe entre la température de la zone d’infiltration et la solubilité de ces gaz inertes.

Si certains sels sont très solubles directement dans l’eau comme NaCl (264 g/kg de solution à 10 0C) ou CaS4 (1,926 g/kg de solution), d’autres comme la calcite à peine soluble dans l’eau pure (14 mg/l à 25 0C) ou comme les silicates ne passent en solution en quantité notable qu’après une attaque chimique. Dans l’attaque du calcaire par le gaz carbonique dissous dans l’eau, cinq équilibres sont à considérer. Le C2 de l’atmosphère surmontant l’eau est dissous, hydraté en petite quantité pour donner de l’acide carbonique H2C3 (équilibre 1) qui se dissocie fortement en ions H+ et C-3(2). De même, les ions HC-3 se dissocient à leur tour partiellement en ions H+ et C—3(3). Ce sont les ions H+ dans l’équilibre de dissociation de l’eau (4) qui déterminent l’acidité de l’eau. Les ions C—3 s’équilibrent à leur tour avec les cations de la solution (5), équilibres qui seront réglés par la loi d’action de masse et le produit de solubilité. Tant que la teneur en C2 dissous est supérieure à la valeur du gaz carbonique d’équilibre, l’eau reste agressive et peut encore attaquer le calcaire, et cela correspond à une action géodynamique remarquable, la karstification . À l’inverse, il y aura précipitation de CaC3 par suite du départ de C2 (aération, augmentation de température, consommation par les algues) ou si des ions Ca++ sont ajoutés au milieu. L’hydrolyse joue un rôle important dans l’attaque des silicates accélérée par les eaux acides. À la suite de l’attaque des feldspaths et des minéraux ferromagnésiens, seuls les ions Na, Ca et Mg transportés par les eaux pourront, en totalité, quitter le milieu d’altération. Une certaine quantité de Si2 pourra être entraînée par les eaux à pH 礪5 et en quantités d’autant plus grandes que ces pH seront élevés. Il en sera de même des ions Al3+ avec des pH 麗5 ou 礪7,5. Mais la plus grande partie de Si et Al sera fixée par la formation des minéraux argileux qui retiendra aussi K+.

Composition de l’eau suivant la nature des terrains

L’attaque des roches cristallines étant toujours difficile, leurs eaux sont très peu chargées en sels et présentent à l’origine un excès de C2. Elles sont donc acides. Le cation le plus abondant est Na, puis K quand il n’est pas retenu dans la formation des argiles d’altération, qui proviennent tous deux de la décomposition des feldspaths et des micas. La teneur en Ca et Mg, généralement très faible, ne prend une certaine importance que dans les roches riches en plagioclases calciques et minéraux ferromagnésiens. La teneur en fer est essentiellement fonction de l’acidité de l’eau. Parmi les anions, HC3 prédomine sur Cl et S4. Les eaux contiennent en outre une grande quantité de silice, mais celle-ci ne peut rester en solution qu’en proportion relativement faible aux températures et pH ordinaires (de 30 à 40 mg/l).

Par suite de la solubilisation facile des éléments des roches sédimentaires , les minéralisations sont beaucoup plus importantes. Le pH est toujours supérieur à celui des eaux de roches cristallines, car Ca et Mg arrivent à saturer le gaz carbonique présent. Les teneurs en HC3, Ca et Mg (si la dolomie est présente) sont élevées. Na, Cl et S4, faiblement représentés dans les eaux des calcaires, peuvent devenir très abondants dans les eaux en contact avec des schistes, des marnes et surtout des évaporites. Les teneurs en silice sont moins élevées en général.

Influence des conditions physiques sur la composition des eaux

L’augmentation de la température, liée à la profondeur de la nappe aquifère, active la dissolution de tous les sels à l’exception du calcaire. Elle favorise l’attaque des silicates. À partir de la composition de l’eau de surface, les géothermomètres chimiques et isotopiques constituent des traceurs particuliers, indicateurs des conditions physico-chimiques régnant en profondeur. Leur intérêt est mis en lumière par le développement des méthodes géochimiques de prospection des champs géothermiques .

Plus la surface de contact entre l’eau et la roche est grande, c’est-à-dire plus une roche meuble a une granulométrie fine ou bien plus une roche compacte est fissurée, plus l’eau se charge rapidement en éléments chimiques.

Plus le temps de contact de l’eau avec la roche est élevé, plus l’eau se charge en sels. Au-delà d’une certaine limite, cependant, l’eau peut être en équilibre chimique avec les terrains qui la contiennent.

Autres phénomènes modificateurs de la composition chimique

Dans un même aquifère, on constate généralement une augmentation de la concentration de l’amont à l’aval, en fonction de la longueur du trajet et du temps de séjour de l’eau dans la nappe. Cependant, certains autres phénomènes peuvent modifier partiellement l’aspect chimique de l’eau.

– La réduction des sulfates transforme ceux-ci en hydrogène sulfuré H2S. On attribue aujourd’hui essentiellement cette réduction à des bactéries anaérobies spécifiques.

– L’échange de bases peut modifier complètement le rapport des cations dans l’eau. Les argiles, les minéraux zéolitiques, l’hydroxyde ferrique, la matière organique sont susceptibles d’échanger leurs ions contre ceux de l’eau. Les propriétés d’un sol soumis à l’irrigation peuvent être affectées par ces échanges qui doivent être pris en compte pour décider de la qualité des apports.

– La concentration des sels dissous peut avoir lieu dans la zone d’alimentation où l’eau ayant imbibé le sol s’évapore en partie ou totalement jusqu’à ce qu’une précipitation plus forte entraîne les sels en profondeur. Elle peut se produire directement à partir de la nappe si sa surface prézométrique est très proche de la surface. En règle générale, la concentration des eaux augmente des régions tempérées jusqu’aux régions arides et tropicales pour diminuer vers les régions équatoriales.

– Les atteintes à la qualité de l’eau dues à l’activité humaine sont malheureusement très nombreuses. On citera comme exemple la pollution des aquifères par les nitrates, due à l’emploi intensif des engrais par l’agriculture.

Alimentation et émergences des eaux souterraines

L’hydrogéologie étudie la partie du cycle de l’eau se déroulant sous la surface du sol (écoulement souterrain ). Alimentées par l’infiltration des eaux de surface, les eaux souterraines, après un temps de parcours variable selon les structures hydrogéologiques (quelques mois à plusieurs millénaires), se déversent dans les bassins hydrographiques par les émergences (fig. 2). Le cycle souterrain est ainsi bouclé. Dans ce circuit, l’homme intervient fréquemment pour modifier les débits et la qualité des eaux souterraines: aux émergences naturelles viennent s’ajouter les débits d’exploitation et à l’apport de l’infiltration celui de l’alimentation artificielle. Il faut insister sur l’interdépendance apparaissant ainsi entre les eaux de surface et les eaux souterraines. Toutes deux ne sont que deux fractions d’un seul volume total d’eau disponible; par suite tout prélèvement sur les unes s’effectue au détriment des autres.

Bilan des eaux souterraines

La différence entre les sorties et les entrées dans l’aquifère permet de calculer la variation de la différence de la réserve en eaux souterraines . Le bilan des eaux souterraines peut être schématisé par la relation:

Dans les sorties d’eau, il faut tenir compte des pertes par l’évapotranspiration qui sont très importantes: plus de la moitié du volume des précipitations en France et la totalité en zone aride.

Les réserves représentent le volume d’eau de gravité stocké dans un aquifère au cours d’une période conventionnelle ou à un instant donné. Elles sont déterminées par la structure hydrogéologique, qui permet de calculer le volume du gisement et la porosité efficace, fixant le volume d’eau libérable. Elles sont souvent très abondantes: 425 milliards de mètres cubes pour les sables albiens du bassin de Paris, 800 millions de mètres cubes pour les alluvions de la plaine d’Alsace, 160 pour la Crau, 150 à Montereau (à l’est de Paris).

Les ressources représentent le volume d’eau disponible pour l’exploitation. Elles sont déterminées par la réserve et son renouvellement, le rendement technique des ouvrages de captages, le bilan et la conservation. Dans un grand bassin hydrogéologique, les intercommunications entre les aquifères obligent à considérer les ressources non pour chaque nappe, mais pour l’ensemble du complexe ainsi constitué.

Renouvellement des réserves et âge des eaux souterraines

Les réserves sont renouvelées par l’apport des eaux d’alimentation compensant les pertes. Ainsi un volume d’eau déterminé est introduit annuellement dans l’aquifère et y transite; c’est le taux de renouvellement.

La durée de renouvellement , définie comme le temps nécessaire pour reconstituer les réserves si elles étaient totalement épuisées, dépend du temps de parcours des eaux souterraines entre les zones d’alimentation et celles de décharge. Étant donné la faible vitesse, surtout dans les nappes profondes, et l’ampleur des dimensions des structures hydrogéologiques, le temps de parcours est très long pour les grands réservoirs (300 à 400 ans pour parcourir un kilomètre dans les sables albiens du bassin de Paris). Il en résulte que les eaux stockées dans le sous-sol sont plus ou moins anciennes par référence à l’époque de leur infiltration, d’où la notion d’«âge des eaux souterraines» (par exemple 40 000 ans dans le bassin de Paris).

Alimentation artificielle des aquifères et stockage souterrain

On procède à l’introduction, dans une nappe, d’un certain volume d’eau en vue d’un emmagasinement temporaire pour une réutilisation ultérieure. Le but le plus séduisant de cette recharge volontaire est la régulation des ressources en eaux, l’épuration naturelle des eaux introduites valorisant, de plus, l’opération. Cependant, l’alimentation artificielle des aquifères a surtout pour objectif à l’heure actuelle la reconstitution des nappes surexploitées.

Les structures hydrogéologiques peuvent être utilisées pour le stockage des eaux, au même titre que les barrages réservoirs. On assure ainsi la régularisation des débits par accumulation dans les aquifères.

Exploitation rationnelle des eaux souterraines

Le volume d’eau extrait d’un aquifère est lié aux dimensions et à la géométrie du gisement, aux caractéristiques hydrogéologiques et aux possibilités de production des ouvrages de captages. La rentabilité des puits et sondages dépend de ces données, ainsi que de la qualité de l’eau, le prix de revient étant essentiellement déterminé, outre le prix de l’énergie, par le débit spécifique et la hauteur de refoulement de l’eau (profondeur du niveau dynamique).

Les ouvrages de captages peuvent être classés en trois types principaux: ouvrages horizontaux (tranchées, drains et galeries), ouvrages verticaux (puits et sondages) et ouvrages mixtes (puits avec drains rayonnants ou galeries drainantes).

Le type d’ouvrage est adapté aux caractéristiques de l’aquifère et à la structure hydrogéologique. Les ouvrages horizontaux sont utilisés pour les aquifères peu profonds (quelques mètres), minces et de faible perméabilité. Les puits et forages conviennent aux nappes de toutes profondeurs, puissantes et de bonne perméabilité. Les ouvrages mixtes captent les aquifères hétérogènes à couches privilégiées de haute perméabilité.

Les facteurs de choix du mode de captage, par forage ou par puits, sont les suivants:

– la profondeur de gisement : on capte des aquifères à 500 et même 2 000 mètres de profondeur en zone aride;

– la nature des terrains traversés et surtout de la roche réservoir: de celle-ci dépendent les programmes de forage, de tubage, de crépine et de filtre (massif filtrant de gravier);

– le type hydrodynamique de l’aquifère, le captage des eaux souterraines captives entraînant des modes de forage spéciaux.

Informatique et hydrogéologie

L’emploi des ordinateurs contribue à l’évaluation et à la planification de l’exploitation de la ressource en eau souterraine. Cette technique connaît une expansion croissante par la mise en œuvre des micro-ordinateurs. Leur application entraîne une collecte de données numériques plus précises et plus nombreuses, donc le développement de l’hydrogéologie quantitative . L’hydrogéologie quantitative est l’application des lois de la physique à la science de l’eau souterraine. Elle exige de nouvelles méthodes plus performantes de prospection pour la mesure, sur le terrain, des paramètres hydrodynamiques.

L’informatique hydrogéologique s’applique dans toutes les phases de l’exploration et de l’exploitation de l’eau souterraine. Elle intervient dès le recueil des données, se poursuit dans leur traitement par des programmes de calculs numériques automatiques et se termine par l’établissement de modèles mathématiques. Ainsi le traitement des données effectué par l’ordinateur permet d’évaluer directement l’alimentation des nappes d’eaux souterraines à partir des précipitations. Cette opération, qui demandait des heures de calcul, est effectuée en quelques minutes, voire quelques secondes. Les modèles mathématiques , ou modèles numériques, sont des programmes de résolutions des expressions d’hydrodynamique souterraine, par itérations. En somme, l’ordinateur n’intervient que comme un outil de calcul. Ces opérations sont effectuées par éléments de formes et de dimensions variables, découpés dans l’aquifère, appelés mailles. D’où le terme de modèles maillés ou distribués. Leur établissement exige donc une bonne distribution spatiale de la transmissivité et du coefficient d’emmagasinement. Les plus perfectionnés simulent les caractéristiques de l’écoulement de l’eau souterraine. Ce sont les modèles mathématiques de simulations hydrodynamiques . Ils permettent de calculer les débits d’entrées et de sorties de la nappe d’eau souterraine, donc d’affiner le bilan d’eau, estimé sur le terrain. Il en résulte une évaluation plus précise de la ressource en eau souterraine. Ces évaluations sont obtenues à un instant donné, celui des mesures. C’est pourquoi ils sont dits en régime permanent. Une seconde génération de modèles mathématiques de simulation hydrodynamique permet de prévoir l’évolution de la ressource en eau dans le temps, en fonction de son exploitation. Ce sont les modèles en régime transitoire. Une bonne gestion intégrée de l’eau souterraine n’est désormais concevable que par l’utilisation de ces outils indispensables.

hydrogéologie [ idroʒeɔlɔʒi ] n. f.
• 1802; de hydro- et géologie
Didact. Partie de la géologie traitant de la circulation, de la recherche et du captage des eaux souterraines.

hydrogéologie nom féminin Partie de la géologie qui s'occupe des processus de circulation de l'eau dans le sol et les roches, de la recherche des eaux souterraines, ainsi que de leur captage et de leur protection.

hydrogéologie
n. f. Partie de la géologie qui étudie les eaux souterraines et leurs résurgences.

⇒HYDROGÉOLOGIE, subst. fém.
A. — Vieilli. ,,Étude des eaux répandues à la surface du globe`` (LITTRÉ). De l'œuvre de Lamarck nous ne retenons plus guère actuellement que la Philosophie zoologique; mais ses contemporains lisaient ses autres ouvrages, en particulier l'Hydrogéologie (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 1, 1961, p. 508).
B. — Branche de la géologie qui traite des eaux des nappes souterraines. V. Civilis. écr., 1939, p. 26-9 :
La prospection minière est de plus en plus liée aux méthodes de la stratigraphie, de la géophysique et de la géochimie. Il en est de même de la recherche des sources d'énergie, charbon et pétrole, sans oublier la construction des grands barrages et l'hydrogéologie.
Hist. gén. sc., t. 3, vol. 2, 1964, p. 507.
Prononc. : []. Étymol. et Hist. 1. 1802 (LAMARCK, Hydrogéologie ou recherches sur l'influence qu'ont les eaux sur la surface du globe terrestre); 2. [1851 « branche de la géologie qui traite des eaux des nappes souterraines » (réf. anonyme signalée par R. Plégat ds CAST.-MARGAT)]; 1861 « id. » (JACQUET, L'hydrogéologie). Mot composé de hydro- et de géologie.

hydrogéologie [idʀoʒeɔlɔʒi] n. f.
ÉTYM. 1802, Lamarck, Hydrogéologie, ou recherches sur l'influence qu'ont les eaux sur la surface du globe terrestre; de hydro-, et géologie.
Sc. Partie de la géologie traitant de la recherche et du captage des eaux souterraines. || « la passion de sa vie, ce sera l'hydrogéologie, l'étude des eaux souterraines; il voudra s'enfoncer toujours plus profondément dans les gouffres verticaux, parcourir, toujours plus loin, les cavernes horizontales » (Science et Vie, no 590, p. 80).
DÉR. Hydrogéologique.

Encyclopédie Universelle. 2012.