Akademik

IMPRIMERIE
IMPRIMERIE

L’Académie des sciences, invitée par Colbert à entreprendre une «Description et perfection des métiers», c’est-à-dire à étudier «toutes les machines en usage dans la pratique des arts...», commença par faire dessiner lesdites machines et «mit d’abord dans cet arrangement, écrit le rapporteur, l’abbé Bignon, les planches des arts qui doivent le plus servir à conserver les autres, comme sont l’impression et la gravure». Ce rôle essentiel s’est maintenu dans les activités graphiques modernes, qui reprennent, à travers une grande variété de techniques, les deux tâches fondamentales que l’Académie des sciences confiait d’une part à l’imprimerie – la reproduction des textes – et d’autre part à la gravure – la reproduction des illustrations.

Dans le langage moderne, l’imprimerie est l’ensemble des activités qui concourent à la production des livres, des périodiques et des quotidiens, ainsi que des innombrables publications nécessaires à la vie administrative et économique de la société comme des emballages de toute nature imposés par les nouvelles méthodes de distribution. Pris dans un sens plus étroit, le mot désigne les méthodes et les équipements utilisés pour multiplier les textes et les illustrations.

L’acte fondamental de l’imprimerie est l’impression. L’impression est le rapprochement, assuré par pression, de deux systèmes physiques, l’un solide – c’est généralement du papier – et l’autre fluide – c’est toujours de l’encre –, en vue de transférer le second sur le premier, le déplacement étant limité aux endroits correspondant aux textes et aux illustrations à reproduire. Ce transfert sélectif est exécuté au moyen de formes imprimantes (fig. 1), structures conçues pour accepter préférentiellement l’encre dans certaines de leurs parties et la refuser partout ailleurs. La manière de créer la distinction nécessaire caractérise chacun des trois procédés usuels: la typographie accepte préférentiellement l’encre sur des éléments en relief; l’offset accepte préférentiellement l’encre dans des endroits ne présentant aucune différence de niveau, mais ayant reçu un traitement superficiel adéquat; l’héliogravure accepte préférentiellement l’encre dans des éléments en creux.

La typographie a été inventée par Gutenberg vers 1450. Elle a joui d’un quasi-monopole pendant cinq siècles, au cours desquels elle s’est trouvée confondue avec la notion d’imprimerie. Les deux autres procédés, l’offset et l’héliogravure, sont nés vers 1900. Ils représentent la postérité moderne de deux techniques anciennes, la lithographie et la gravure sur cuivre, qui n’ont jamais reproduit que des illustrations.

Quel que soit le procédé employé, les opérations de l’imprimerie se déroulent en trois phases:

– La première phase est l’élaboration de films transparents portant les textes et les illustrations tels qu’ils apparaîtront une fois imprimés. Elle est commune aux trois procédés. C’est la préparation.

– La deuxième phase est la confection, à l’aide desdits films, de formes imprimantes qui, montées sur les presses, assurent le transfert de l’encre aux endroits appropriés. Elle est spécifique de chaque procédé. C’est l’impression.

– La troisième phase est la conversion du papier imprimé en livres, périodiques, quotidiens et autres produits. Elle est commune aux trois procédés. C’est la finition.

1. La préparation

Avant l’essor de l’offset et de l’héliogravure, c’est-à-dire pendant les cinq siècles au cours desquels la typographie a constitué le procédé dominant, la préparation n’a pas eu pour but l’élaboration de films transparents, mais la confection de lignes de caractères en plomb – généralement d’égale longueur – et d’images gravées en relief – dans du bois, du cuivre ou du zinc –, qui étaient associées dans de robustes châssis quadrangulaires pour créer les formes imprimantes. Son visage moderne est récent. Il n’est apparu qu’après 1950, quand l’expansion des deux nouveaux procédés a imposé l’usage des films transparents (que la typographie a fini par adopter).

Les activités de préparation se répartissent entre la mise en forme des textes, la mise en forme des illustrations et la mise en place des textes et des illustrations. La mise en forme des textes est la confection de lignes de caractères ayant le style, la grosseur et les autres caractéristiques désirées par les services de création, c’est-à-dire les services éditoriaux et rédactionnels. La mise en forme des illustrations est l’exécution des cadrages, des agrandissements, des réductions et autres modifications demandées par les mêmes services, ainsi que des traitements imposés par les exigences techniques de la reproduction. La mise en place, elle, est la localisation des textes et des illustrations aux endroits appropriés des pages (ou des doubles pages ou de toutes autres surfaces). Elle édifie une architecture ayant pour base: soit les textes, lorsque les travaux à produire (comme la plupart des livres et des périodiques, les quotidiens, beaucoup de brochures administratives et autres) sont faits de lignes qui se suivent dans un ordre rigoureux et entre lesquelles sont placées, quand elles existent, des illustrations plus ou moins nombreuses; soit les illustrations, lorsque les travaux à produire (comme les albums d’enfants et les catalogues, beaucoup de beaux livres, les pages publicitaires, les étiquettes) sont faits d’images entre lesquelles – ou superposés auxquelles – sont répartis des textes relativement peu importants.

Les opérations de mise en forme et de mise en place se situent en amont du bon à tirer. Elles sont accomplies par des procédures qui ont été manuelles, puis photomécaniques avant d’être informatisées.

Procédures manuelles

Les procédures manuelles ont régné sans partage pendant quatre cents ans. Elles ont créé une terminologie et élaboré des règles qui sont encore en usage, bien que la plupart des éléments exploités pendant la longue période de temps durant laquelle elles ont été les seules existantes aient disparu. Elles exécutaient séparément la mise en forme des textes et la mise en forme des illustrations.

Mise en forme des textes

La mise en forme des textes portait le nom de composition. Elle associait en lignes d’égale longueur de petits parallélépipèdes métalliques portant sur une de leurs faces le dessin en relief d’un signe alphabétique, autrement dit des caractères. Ces caractères métalliques ont été inventés par Gutenberg, de même que l’alliage de plomb, d’antimoine et d’étain dans lequel ils étaient coulés selon une technique et au moyen de matériels – poinçons, matrices, moules – empruntés aux monnayeurs du temps. Perfectionnés par des générations de fondeurs, ils ont la caractéristique commune d’inscrire les signes de l’alphabet dans un rectangle dont le grand côté – parallèle à l’axe vertical des lettres – est le corps, et le petit côté la chasse (fig. 2). Le corps a la même valeur pour tous les signes d’un même alphabet. Il est exprimé en points (les alphabets les plus employés ont un corps de 10 à 12 points). Il détermine la dimension des lettres en première approximation mais non en valeur absolue, car à l’intérieur d’un même rectangle le dessin des signes occupe une place variable selon son style. L’impression visuelle ressentie par le lecteur est en outre influencée par le rapport existant entre la longueur des jambages – ascendants et descendants – des lettres b, d, h, k, l, g, p et la hauteur des lettres a, c, e, i, m, u sans ascendants ni descendants. Les signes dont les jambages sont relativement courts paraissent plus grands que ceux dont les jambages sont relativement longs. Ils sont aussi moins élégants. On dit qu’ils ont un gros œil et que les autres ont un petit œil. La chasse caractérise la largeur des signes. Elle n’est pas identique pour toutes les lettres (un m chasse plus qu’un i) ni pour tous les styles (les alphabets condensés occupent moins de place que les alphabets larges). C’est pourquoi le langage des compositeurs distingue les lettres étroites ou allongées, les lettres normales, les lettres larges. Il connaît aussi, selon l’épaisseur des jambages, les lettres maigres, normales, demi-grasses, grasses et extra-grasses. Enfin, il appelle les majuscules capitales et les minuscules bas-de-casse, certaines polices (la police est un lot de caractères dans lequel les signes de l’alphabet sont présents en quantité correspondant à leur fréquence d’utilisation) possédant en plus un jeu de petites capitales.

La composition manuelle a été pratiquée par des générations de professionnels. L’ouvrier compositeur, travaillant debout, prélevait d’une main les lettres – ainsi que les signes de ponctuation et les espaces (petites barrettes de plomb plus basses que les caractères, employées pour ménager des blancs entre les mots) – dans le compartiment ad hoc d’une casse (un meuble de rangement spécialement conçu), puis les disposait à leur place, les unes après les autres, sur une sorte de cornière, le composteur, qu’il tenait dans l’autre main. Ce composteur était fermé à une extrémité par une butée fixe, tandis qu’à l’autre une butée mobile permettait de déterminer la longueur de ligne prévue. Quand les lettres, les signes et les espaces étaient suffisamment nombreux pour remplir à peu près complètement l’intervalle compris entre les deux butées, l’ouvrier justifiait la ligne, c’est-à-dire introduisait entre les mots des espaces fines (le terme pris dans ce sens est féminin), de manière à remplir toute la longueur disponible, puis passait à la composition de la ligne suivante, qu’il superposait à la première après avoir inséré éventuellement entre les deux une interligne (sorte de longue plaquette mince de même hauteur que les espaces). Quand il avait assemblé sur son composteur de trois à six lignes justifiées, il les déposait sur un plateau appelé galée en les rangeant les unes au-dessous des autres, puis recommençait l’opération. Enfin, lorsqu’il avait rempli sa galée avec une vingtaine ou une trentaine de lignes, il les ligaturait par plusieurs tours de ficelle et transférait le paquet ainsi formé sur une surface plane appelée marbre, puis retournait à son composteur. Aucun travail de composition n’a été exécuté autrement jusqu’aux environs de l’année 1900.

Les alphabets ont été créés au cours des âges en de multiples modèles par des artistes imprégnés des goûts et des idées de leur temps. Leur apparence – en d’autres termes leur style – varie selon qu’ils ont été dessinés à la Renaissance, à l’époque classique, au siècle des Lumières ou lors de la révolution industrielle. Les différences se situent dans les empattements, qui sont triangulaires, linéaires, rectangulaires ou inexistants, dans l’axe des lettres, qui est oblique ou vertical, dans le contraste entre les pleins et les déliés, qui est accusé, faible ou nul, et dans l’espacement de deux lettres voisines – qui est étroit ou large, sans oublier l’œil, qui est petit ou gros. Le classement généralement accepté en France range les lettres en humanes, garaldes, réales, didones, mécanes et linéales (fig. 3 et 4), auxquelles on joint souvent des incises, des scriptes et des manuaires.

Mise en forme des illustrations

La mise en forme des illustrations a consisté pendant trois siècles et demi à graver des images dans des planches en bois ou en cuivre. Peu après 1800 s’est ajouté un procédé – la lithographie – qui dessinait lesdites images sur des pierres. La gravure de planches en bois a toujours été la méthode la plus employée, parce qu’elle donnait naissance à des éléments imprimants ayant la même hauteur que les caractères en plomb – la hauteur typographique – et pouvant dès lors être montés sur les presses en même temps qu’eux. La gravure sur cuivre et la lithographie fournissaient, elles, des feuilles imprimées qui étaient obligatoirement insérées en hors-texte dans les ouvrages ou rassemblées à la fin des ouvrages, à moins qu’elles ne fussent imprimées une seconde fois, celle-là dans une presse typographique, pour y recevoir les textes.

La gravure sur bois est aussi ancienne, sinon plus ancienne que la composition. Elle était pratiquée avant l’invention de l’imprimerie par les xylographes. Le matériau ligneux était débité en planches dont les fibres étaient parallèles à la surface. Il était éliminé au couteau entre les traits des images, qui apparaissaient en relief. Les modelés étaient rendus par des hachures – presque toujours parallèles, rarement croisées – plus ou moins fines et plus ou moins serrées. À cette technique, dite sur bois de fil, a succédé au début du XIXe siècle la technique sur bois de bout, qui utilisait des planches dont les fibres étaient perpendiculaires à la surface. N’étant plus esclave comme dans le cas précédent de la structure ligneuse, le graveur, travaillant au burin – tige en acier trempé, terminée par une tête en losange –, pouvait conduire son outil dans toutes les directions et rendre les modelés par des hachures relativement fines orientées comme il l’entendait.

La gravure sur cuivre, contemporaine de la gravure sur bois, a utilisé plusieurs méthodes pour faire apparaître des images en creux dans le métal. La technique la plus répandue a été la taille-douce: le cuivre était incisé au burin en creusant des sillons en V parallèles ou croisés. Une autre technique, elle aussi très employée, a été l’eau-forte: la feuille de cuivre était recouverte d’un vernis protecteur, que le graveur, maniant une pointe, enlevait aux endroits voulus pour faire apparaître le métal sous-jacent; ledit métal était ensuite attaqué à l’acide nitrique en plusieurs étapes, les traits fins et peu profonds étant chaque fois protégés par une application locale de vernis. D’autres méthodes – la manière noire, le pointillé, l’aquatinte – ont été inventées aux XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles pour créer les creux, mais ont davantage servi à produire des estampes vendues isolément qu’à illustrer des livres.

La lithographie, apparue au début du XIXe siècle, repose sur l’observation, faite par Senefelder à Munich dans les années 1780, qu’une pierre calcaire ayant reçu un dessin exécuté à l’encre grasse était aisément mouillée par l’eau dans ses zones vierges, mais non dans ses zones encrées, et que, en outre, une encre grasse prenait très bien dans lesdites zones encrées, mais était repoussée dans les zones vierges par la présence d’eau. Ce comportement est la clé de la lithographie. Senefelder en a fait la base d’un procédé d’impression reproduisant des images. Il utilisait à l’origine des pierres lisses, mais il a vite compris qu’un léger grain offrait aux dessinateurs une élégante façon de rendre les modelés autrement que par des hachures.

Mise en place des textes et des illustrations

La mise en place des textes et des illustrations a consisté, pendant tout le temps des procédures manuelles, à situer les lignes de caractères en plomb et les gravures sur bois aux endroits voulus des pages. Elle était un art autant qu’une technique. Ses règles, élaborées dès le XVIe siècle, sont encore respectées. Elles marient des considérations esthétiques – en particulier la confection de lignes d’égale longueur – aux contraintes imposées par la structure des éléments imprimants. Elles étaient appliquées par des ouvriers spécialistes, dits metteurs. Les paquets de plomb venus de composition étaient défaits et étalés sur un marbre (grande table située dans la proximité immédiate des presses). Les lignes de caractères étaient assemblées dans la quantité correspondant à la hauteur de page désirée et disposées en fonction des niveaux hiérarchiques à respecter (chapitres, paragraphes, notes, etc.). Les gravures sur bois étaient introduites aux endroits voulus, tandis que les titres, sous-titres, folios (numéros des pages), notes, légendes, etc., étaient installés à leur place. On obtenait ainsi des pages complètes qui étaient insérées dans de solides cadres – initialement en bois, ultérieurement en métal – où elles étaient assujetties par des dispositifs ad hoc de manière à créer des formes imprimantes prêtes à être montées sur les presses. L’association de pages complètes dans un cadre porte le nom d’imposition ; elle n’est pas, comme est la mise en place des textes et des illustrations, la dernière opération de la préparation, mais la première de l’impression.

Procédures photomécaniques

Le compositeur manuel le plus exercé rangeait les caractères en lignes à raison de mille à mille deux cents signes à l’heure. Dès le XVIIIe siècle, le besoin s’est fait sentir d’une méthode plus rapide (le premier journal quotidien est né vers 1700). Un besoin analogue s’est manifesté dans la mise en forme des illustrations, domaine dans lequel la gravure sur bois et sur cuivre et, plus tard, la lithographie n’ont jamais pu satisfaire les demandes des éditeurs, et où l’obligation d’avoir recours à des exécutants très habiles, donc rares et chers, maniant eux-mêmes l’outil ou la plume engendrait une limitation insupportable. La solution a été apportée par les procédures photomécaniques, qui représentent une acquisition aussi importante pour les métiers graphiques que l’invention des caractères mobiles par Gutenberg, car elles ont permis à la fois l’essor de la typographie et la naissance des deux procédés qui ont donné son visage moderne à l’imprimerie: l’offset et l’héliogravure.

Les procédures photomécaniques sont le fruit de la révolution industrielle. Comme leur nom l’indique, elles ont fait appel à des machines, dont la construction a été rendue possible par les progrès accumulés dans le travail des métaux, et à la lumière, source d’énergie laissée jusque-là sans application. Les machines ont démultiplié l’action de la main dans tous les secteurs de la production, tandis que la lumière a donné naissance aux deux techniques qui sont à la base de l’imprimerie moderne: la photographie, ou l’art de créer des images au moyen de substances photosensibles, et la photogravure, ou l’art de reporter lesdites images sur des formes imprimantes au moyen d’autres substances photosensibles.

Les procédures photomécaniques se sont progressivement substituées aux procédures manuelles, avec lesquelles elles ont cohabité pendant des dizaines d’années. Elles ont considérablement accéléré la production et abaissé son coût, mais n’ont pas modifié l’organisation existante, jusqu’au moment – les environs de l’année 1950 – où l’offset et l’héliogravure, ayant pris leur essor, ont imposé la méthode de travail en deux temps, qui est devenue universelle: le premier temps est l’élaboration, à l’aide des équipements et des techniques de la photographie, de films transparents portant les textes et les illustrations mis en forme et mis en place dans des pages (ou des doubles pages ou toutes autres surfaces) prêtes à l’impression; le second temps est la préparation, à l’aide des équipements et des techniques de la photogravure, de films transparents portant les pages (ou les doubles pages ou les autres surfaces) prêtes à l’impression, associées dans le nombre convenant au format des presses.

Mise en forme des textes

La mise en forme des textes a connu la mécanisation avant la photographie. Dès le XVIIIe siècle, de nombreuses tentatives (on en a compté plus de deux cents) ont été faites en vue de construire des machines capables d’exécuter le travail des ouvriers à la casse, c’est-à-dire de ranger les caractères métalliques dans l’ordre voulu en formant des lignes d’égale longueur. Aucune n’a rencontré le succès aussi longtemps que les recherches se sont bornées à sélectionner – au moyen d’un clavier ad hoc – les caractères contenus dans un magasin en laissant sans solution le problème de la distribution, autrement dit du retour desdits caractères à leur emplacement d’origine après l’impression. Le principe qui a prévalu est autre: il consiste à fondre les signes de l’alphabet au fur et à mesure des besoins en partant de matrices appropriées et à les retransformer en lingots quand ils ont terminé leur tâche. Il a donné naissance aux célèbres Linotype et Monotype, qui sont apparues peu avant 1900 et qui ont dominé sans partage la composition pendant trois quarts de siècle.

Les linotypes et les monotypes effectuaient la composition à la vitesse de cinq mille à huit mille signes à l’heure. Elles étaient actionnées par un clavier, qui était attenant à la machine chez les linotypes, qui constituait un dispositif autonome perforant une bande en papier chez les monotypes (depuis 1930, bon nombre de linotypes ont été commandées, elles aussi, au moyen d’une bande perforée produite sur un clavier séparé). Les doigts de l’opérateur ou les trous de la bande déclenchaient le mouvement de matrices métalliques creuses, qui se mettaient en place avant de recevoir le plomb en fusion. Les linotypes rangeaient les matrices en lignes complètes, qu’elles coulaient d’un seul coup. Elles étaient des fondeuses de lignes. Les monotypes créaient les caractères l’un après l’autre, puis les assemblaient en lignes. Elles étaient des fondeuses de caractères. Chez les unes et les autres, des dispositifs adéquats faisaient varier la largeur des espaces entre les mots de manière à fournir des lignes d’égale longueur, lesquelles s’accumulaient sur un plateau où elles étaient collectées à la main.

Les caractères en plomb, qui sont en relief, étaient adaptés à l’impression typographique, elle aussi en relief. Ils ne convenaient ni à l’offset ni à l’héliogravure (dont les formes imprimantes sont préparées à partir de films transparents). C’est pourquoi les premiers offsettistes et les premiers héliograveurs ont été obligés de convertir les lignes de caractères en plomb en lignes de caractères sur film. Ils ont obtenu ce résultat en imprimant une pellicule transparente ou en imprimant une feuille de papier couché qui était ultérieurement photographiée. Les deux méthodes, lentes, laborieuses et coûteuses, ont été remplacées, après 1950, par la production directe de lignes sur film au moyen de photocomposeuses.

Les premières photocomposeuses ont été des fondeuses de lignes en plomb dans lesquelles les matrices creuses étaient remplacées par des matrices photographiques négatives – petits éléments en Plexiglas portant les signes de l’alphabet en clair sur fond noir – et le creuset empli d’alliage fondu par une caméra. Elles ont très vite été abandonnées au profit de machines dites de la deuxième génération, qui faisaient elles aussi appel à des matrices photographiques négatives, mais étaient beaucoup plus rapides parce que possédant une structure mécanique spécialement conçue. Ces photocomposeuses de la deuxième génération ont été construites par un grand nombre de firmes dans un grand nombre de modèles, qui ont tous connu une vie brève. Elles ont cédé la place à des machines d’une toute autre conception, dont les matrices sont numériques et qui font appel aux méthodes de l’informatique.

Mise en forme des illustrations

La mise en forme des illustrations a utilisé, dès 1850 – c’est-à-dire bien avant que la mise en forme des textes ne fût mécanisée –, la photographie, qui venait d’être inventée par Niepce et Daguerre. Elle y a ajouté la photogravure, qui a été créée quelques années plus tard par Gillot père et fils. La photographie a donné les moyens de reporter les images à reproduire sur des films transparents, et la photogravure ceux de transcrire lesdites images sur des formes imprimantes prêtes à l’impression. Ces formes imprimantes ont d’abord été des clichés typographiques métalliques qui se sont substitués aux gravures sur bois, puis, après 1900, les plaques de l’offset et les cylindres de l’héliogravure.

La photogravure (fig. 5) a été rendue possible par la découverte des colloïdes photosensibles, dont la première application est due à un autre Français, Alphonse Poitevin. Les colloïdes photosensibles disponibles à l’époque étaient des corps naturels connus depuis longtemps – l’albumine du blanc d’œuf, la gélatine des tendons animaux –, qu’on apprit à rendre sensibles à la lumière en leur incorporant un sel de chrome. En tant que colloïdes, ils forment avec l’eau des solutions visqueuses qui s’étalent bien sur des supports variés et engendrent par évaporation un revêtement continu. En tant que photosensibles, ils rendent ce revêtement continu capable de durcir par exposition à la lumière en devenant insoluble. Cette double faculté permet de créer sur des planches en cuivre ou en zinc – par action de la lumière à travers des films transparents portant des images en blanc et noir – d’une part des endroits protégés par un enduit devenu insoluble (sous les zones claires correspondant aux blancs desdites images), d’autre part des endroits où le colloïde reste soluble (sous les zones opaques correspondant aux noirs). Pour peu qu’on élimine l’enduit partout où il reste soluble et qu’on plonge les planches ainsi traitées dans un bain acide, le métal est attaqué dans les régions où il est à nu, perd de sa substance et diminue d’épaisseur, de sorte que les régions où il est protégé apparaissent en relief. Les professionnels de l’imprimerie ont mis à profit le phénomène pour produire des clichés typographiques qui, montés sur du bois ou du plomb de manière à rattraper la hauteur des caractères, pouvaient être insérés avec ces derniers dans des formes imprimantes composites. Les clichés de ce type ont été fabriqués par millions de mètres carrés jusqu’au moment où le vieux procédé en relief a abandonné le zinc et le cuivre en faveur de polymères photosensibles synthétiques et a aligné la préparation de ses formes imprimantes sur celle de l’offset et de l’héliogravure.

Tout comme les gravures sur bois qu’ils remplaçaient, les clichés métalliques en relief ne pouvaient reproduire que des dessins au trait, ainsi appelés parce qu’ils contenaient seulement du blanc et du noir, à l’exclusion des gris, de sorte que le modelé des images, quand il existait, devait être rendu par des hachures. Cette limitation était due à la fois aux colloïdes photosensibles, qui travaillaient par tout ou rien, et au procédé typographique, qui dépose sur le papier une couche d’encre ayant une épaisseur uniforme. Elle n’a pas été gênante aussi longtemps que les sujets à reproduire ont été des œuvres d’artistes, qui rendaient les modelés par des traits. Elle est devenue insupportable lorsque l’invention des plaques au gélatinobromure a permis la multiplication des photographies, c’est-à-dire d’images contenant – en vertu du principe ayant présidé à leur formation (la libération in situ d’une quantité d’argent proportionnelle à l’éclairement reçu) – une longue gamme de tons intermédiaires entre le blanc et le noir. La solution pour reproduire ces vues photographiques a été trouvée peu avant 1900 avec la trame quadrillée.

Les trames quadrillées étaient à l’origine des plaques de verre portant en surface de fines lignes parallèles opaques, associées deux par deux avec un décalage de 90 degrés, de manière à faire apparaître par transparence un réseau à mailles carrées. Elles sont devenues des films spécialement fabriqués par des méthodes photographiques. Lorsqu’elles sont interposées – au cours de la préparation des documents transparents appelés à contrôler l’insolation des colloïdes – entre les sujets à reproduire et les surfaces sensibles, elles décomposent les gris desdits sujets en points d’étendue variable, d’autant plus grands que les gris sont plus foncés, d’autant plus petits qu’ils sont plus clairs (fig. 6). Elles accomplissent ainsi, par des voies purement physico-chimiques, le travail d’interprétation auquel les graveurs sur bois se livraient manuellement pour reproduire les modelés. Elles ont connu un succès foudroyant, parce qu’elles ont ouvert à l’imprimerie le monde de la photographie. Leur emploi est universel. Après avoir autorisé, dès le début du XXe siècle, la fabrication de clichés typographiques tramés – dits similigravures ou autotypies –, elles ont permis le développement de l’offset et de l’héliogravure, procédés qui se sont attachés dès leur origine à reproduire les sujets contenant des gris, et dits pour cette raison à tons continus.

Les vues photographiques ont été en noir et blanc jusqu’au milieu du XXe siècle, époque à laquelle les premiers films polychromes du type Ektachrome sont devenus disponibles. Pendant toute cette période, la reproduction des couleurs est restée rare et chère, parce qu’elle ne pouvait traiter que des œuvres d’artistes – peinture, aquarelles, gouaches, pastels – ou des objets colorés – tapis, tissus, bijoux, fleurs, fruits –, dont le transfert dans les ateliers posait des problèmes difficilement surmontables. Contrairement à l’idée qui vient naturellement à l’esprit, les formes imprimantes servant à la reproduction des sujets en couleurs ne sont pas elles-mêmes en couleurs. Elles sont identiques à celles qui sont préparées pour la reproduction des sujets en noir et blanc à tons continus, et seules les encres sont colorées. La différence est que ces formes sont quatre au lieu d’une (trois déposent des encres respectivement jaune, rouge et bleue, la quatrième une encre noire) et que leur confection demande une opération supplémentaire, la sélection.

Reproduction des illustrations en couleurs

La reproduction des illustrations en couleurs mérite une attention particulière, parce que sa généralisation représente l’un des grands événements graphiques du XXe siècle. Elle a connu un essor extraordinaire lorsque la fabrication en grandes séries des films à couches multiples du type Ektachrome a donné à tout un chacun la faculté de faire des vues photographiques polychromes. Elle repose sur l’observation, faite par le médecin anglais Young au début du XIXe siècle, que le système optique humain se comporte comme s’il n’était sensible qu’à trois types d’excitants colorés, de sorte que trois couleurs de base judicieusement choisies, mélangées en proportions convenables, reconstituent tous les aspects colorés rencontrés dans la nature. Cette observation a été exploitée cinquante ans plus tard par deux Français, Charles Cros et Louis Ducos du Hauron, qui ont inventé la méthode de reproduction trichrome adoptée partout dans le monde, non seulement par les métiers graphiques, mais encore par la photographie, le cinéma et la télévision. Cette méthode se déroule en deux temps: le premier est une analyse consistant à déterminer les proportions relatives de trois couleurs de base arbitrairement choisies – le bleu, le vert, le rouge – capables de reproduire pour l’œil la couleur originale de chaque point des sujets traités; le second temps est une synthèse consistant à reconstituer pour l’œil la couleur originale de chaque point des sujets traités en déposant sur le papier ou sur tout autre support convenable les proportions relatives adéquates des trois couleurs de base.

Les couleurs de base – le bleu, le vert, le rouge ou, plus exactement, un certain bleu-violet, un certain vert-jaune et un certain rouge orangé – ont été déterminées empiriquement, en découpant le spectre visible en trois portions égales. L’analyse et la synthèse les mettent en œuvre par l’intermédiaire de filtres. Les filtres sont des matériaux transparents ayant la propriété de laisser passer les radiations constitutives de la lumière dans une certaine partie du spectre – celle qui correspond à leur couleur propre – et de les arrêter dans les autres (fig. 7). Les filtres d’analyse sont de minces plaquettes en gélatine, spécialement fabriquées pour cet usage et colorées en bleu-violet, vert-jaune et rouge orangé. Ils laissent passer les radiations de la lumière dans un tiers du spectre et les arrêtent dans les deux autres tiers. Ils ont longtemps été mis en œuvre dans des matériels photographiques. Ils équipent maintenant des scanners. Dans les deux cas, leur intervention se traduit par l’obtention de trois films en noir et blanc – un par filtre – portant une image des sujets traités, image dont les degrés de noirceur – les gris – expriment les proportions relatives respectives de bleu-violet, de vert-jaune et de rouge orangé nécessaires en chaque point des sujets traités pour reconstituer sa couleur originale.

Les trois films en noir et blanc issus de l’analyse servent à préparer – par les méthodes de la photogravure – trois formes imprimantes chargées d’effectuer la synthèse, c’est-à-dire de déposer sur le papier trois encres agissant comme autant de filtres. Contrairement à ce qu’on pourrait attendre, ces encres ne sont pas bleu-violet, vert-jaune et rouge orangé car, si elles avaient ces couleurs – qui sont dues aux radiations appartenant à un tiers du spectre, donc à une absorption touchant les deux autres tiers –, elles ne pourraient pas être superposées à l’impression sans étendre ladite absorption aux trois tiers, donc sans créer du noir. Elles ont en fait les couleurs complémentaires de celles des filtres d’analyse, c’est-à-dire qu’elles n’absorbent les radiations que dans un tiers du spectre et les laissent passer dans les deux autres tiers. Elles sont respectivement jaune (complémentaire du bleu-violet), magenta (complémentaire du vert-jaune), cyan (complémentaire du rouge orangé). Elles sont souvent appelées encres primaires jaune, rouge et bleue. Le jaune est une couleur inattendue amenée par un mélange de vert-jaune et de rouge orangé. Le magenta est un rouge violacé fait de bleu-violet et de rouge orangé. Le cyan est un bleu verdâtre fait de bleu-violet et de vert-jaune. Superposées deux par deux, elles reconstituent les couleurs de base. Superposées par trois, elles devraient faire apparaître du noir, mais ne fournissent qu’un brun sale, à cause de certaines imperfections des pigments auxquels elles doivent leurs couleurs. D’où l’idée, qui s’est généralisée, d’utiliser la forme imprimante des textes pour appliquer une image noire compensatrice dans les endroits où le jaune, le magenta et le cyan sont imprimés ensemble, de sorte que la trichromie devient quadrichromie. La quatrième forme imprimante est préparée au moyen d’un quatrième film de sélection, dont les valeurs de gris sont calculées par les scanners et dans lequel les textes sont insérés au cours d’une opération séparée.

Mise en place des textes et des illustrations

La mise en place des textes et des illustrations a relevé des procédures manuelles aussi longtemps que l’impression est restée typographique. Elle a continué d’assembler sur le marbre des lignes de caractères en plomb – issues des composeuses mécaniques – et des clichés en relief – produits par les ateliers de photogravure. Elle n’a trouvé son aspect moderne qu’avec l’avènement de l’offset et l’héliogravure, qui ont substitué des lignes de caractères sur film aux lignes de caractères en plomb et des images – tramées ou non tramées – elles aussi sur film aux clichés en relief.

L’association des lignes de caractères sur film et des images sur film dans des pages prêtes à l’impression est appelée montage. Elle a été accomplie pendant plus de cinquante ans en même temps que l’imposition, dans des ateliers faisant partie des imprimeries offset et hélio. Les films portant les lignes de caractères et les images – tramées ou non tramées – étaient découpés aux dimensions voulues et collés en place sur des feuilles plastiques ayant le format des presses. L’opération était exécutée sur des tables lumineuses dont la surface en verre, éclairée par en dessous, recevait un gabarit translucide sur lequel des traits indiquaient les limites des pages et, à l’intérieur des pages, les limites des zones occupées par les textes. Elle donnait naissance à des montages-impositions qui servaient à moduler l’action de la lumière sur le colloïde photosensible pendant la confection des formes imprimantes.

Les photocomposeuses, éliminant les servitudes inhérentes au plomb – matériau pratiquement intransportable à cause de la propension des paquets de caractères à se dissocier à la moindre occasion –, ont autorisé les ateliers de composition à quitter la proximité immédiate des presses et à exécuter eux-mêmes la mise en place des textes. Bon nombre de ces ateliers se sont mis à fournir des pages montées de textes, dans lesquelles les lignes de caractères, y compris les titres, les sous-titres, les notes et autres, sont situées aux endroits appropriés et où seules les illustrations restent à insérer. De leur côté, certains ateliers de photogravure ont été conduits à produire des pages montées d’illustrations, dans lesquelles tous les sujets – généralement en couleurs – sont à leur place et où seuls les textes – relativement peu importants – doivent être ultérieurement introduits. Ces pages montées de textes et ces pages montées d’illustrations sont envoyées telles quelles dans les imprimeries, qui les complètent en leur incorporant des sujets isolés d’illustrations (dans le premier cas) ou des éléments isolés de textes (dans le second cas) en même temps qu’ils les imposent.

Les difficultés survenant dans l’ajustement des textes et des illustrations au sein des pages – certains textes pouvant paraître trop courts ou trop longs, certaines illustrations trop petites ou trop grandes – ont longtemps nécessité le retour des films dans les ateliers d’origine. La constatation du temps ainsi perdu a fait naître l’idée de réunir les trois activités – composition, photogravure, montage en pages – en un seul et même lieu, sous une autorité commune. Ainsi sont nés des centres de préparation – souvent étroitement liés aux services de création –, qui produisent des pages montées complètes, où les textes et les illustrations sont à leur place et que les imprimeries n’ont plus qu’à imposer.

Procédures informatisées

Les procédures informatisées ont été introduites dans les métiers graphiques au cours des années 1960. Elles se sont coulées pendant vingt-cinq ans dans l’organisation existante – celle des procédures photomécaniques – sans la modifier. Les matériels numériques de l’époque, relativement lourds et coûteux, ont été installés dans les ateliers de composition et de photogravure, où ils ont été utilisés à l’instar des équipements mécaniques et photographiques, c’est-à-dire sans que des dispositions particulières fussent prises pour exploiter pleinement leurs capacités intrinsèques. L’apparition dans les années 1980 de matériels informatiques construits en grandes séries, accessibles à un prix raisonnable et faciles à manier – des ensembles faits d’un clavier et d’un écran, avec ses microprocesseurs et ses mémoires, parfois aussi d’une imprimante –, a créé les conditions nécessaires à l’élaboration de véritables procédures informatisées en mettant à la portée de tous des stations de travail performantes, qui ont pu être installées à chaque niveau des activités de préparation, y compris aux moins techniques, comme celui des auteurs et celui des services de création.

La grande originalité des procédures informatisées est d’avoir pour objet non plus des structures concrètes – des lignes de caractères en plomb, des lignes de caractères sur film, des images gravées dans le bois et le métal ou dessinées sur pierre ou portées par des films transparents –, mais des signaux électriques quasi immatériels représentant des nombres qui symbolisent les textes et les illustrations. Ces nombres, étant appelés à être traités par des ordinateurs et enregistrés dans des mémoires magnétiques, sont binaires, autrement dit faits de bits. Les opérations de mise en place et de mise en forme sont exécutées sur eux à la vitesse extrêmement grande des phénomènes électroniques, dont l’unité de temps est la nanoseconde (il y a autant de nanosecondes dans une seconde que de secondes dans trente ans). Les textes sont numérisés au moyen de codes, dont le plus usité attribue les valeurs de 1 à 128 (de 0 à 127 en langage binaire) à tous les signes de l’alphabet, c’est-à-dire aux lettres minuscules et majuscules, aux chiffres arabes, au point, à la virgule, au point-virgule, à l’apostrophe, au point d’exclamation, etc. Ces valeurs de 1 à 128 sont représentées par un octet (c’est-à-dire par huit bits, dont le huitième sert à un contrôle de transmission). Les illustrations, elles, sont décomposées en minuscules surfaces carrées, les pixels, dont l’ordre de grandeur (le centième de millimètre) est inférieur au seuil de visibilité. À chacun de ces pixels est affecté un nombre binaire exprimant son degré de noirceur ou de couleur: un nombre d’un bit – soit 0 ou 1 – quand le sujet, étant au trait, ne contient que du blanc et du noir ou du blanc et une couleur plate; un nombre d’un octet – soit 0 et 255 – lorsque le sujet, étant à tons continus (comme les vues photographiques), contient des gris ou des couleurs dégradées. On distingue généralement 256 niveaux de gris ou de couleurs plus ou moins dégradées entre le blanc, qui est considéré comme le gris le plus clair ou la couleur la plus dégradée, et le noir et la pleine couleur, qui sont considérés comme le gris le plus foncé ou la couleur la moins dégradée, sauf lorsqu’on se contente par économie de 64 niveaux de gris ou de couleurs, qui permettent d’employer des nombres de six bits au lieu de huit.

En moins d’une génération, les procédures informatisées ont complètement accaparé la mise en forme et la mise en place des textes, qui sont exécutées sans problème par des stations de travail à écran. Elles partagent avec les procédures photomécaniques la mise en forme et la mise en place des illustrations, domaine dans lequel les quantités de bits mises en œuvre sont considérables et exigent des ordinateurs comparativement puissants liés à des mémoires de forte capacité, dont les temps de lecture ralentissent la production. Ces quantités de bits sont à proprement parler énormes. Une décomposition en pixels effectuée à 300 lignes au pouce (120 lignes au centimètre), valeur tout à fait courante dans les métiers graphiques, fait naître environ 100 000 pixels au pouce carré, soit à peu près 15 000 au centimètre carré ou encore plus d’un million et demi pour un sujet mesurant 9 cm 憐 12 cm. Une illustration reproduite dans ce format 9 cm 憐 12 cm requiert par conséquent plus d’un million et demi de bits quand elle est au trait, à peu près 12 millions quand elle est à tons continus. Ces valeurs doivent être multipliées par deux lorsque les sujets sont imprimés en noir avec une couleur d’accompagnement, par quatre lorsque les sujets, étant polychromes, sont imprimés en quadrichromie.

Comme toutes les applications de l’informatique, les opérations pratiquées sur les textes et sur les illustrations sont exécutées en trois temps: entrée des données, traitement des données, sortie des données.

Opérations pratiquées sur les textes

Les opérations pratiquées sur les textes commencent par la saisie (en langage informatique: l’entrée des données). La saisie est l’attribution d’un nombre binaire à chaque signe des textes à reproduire. Elle est accomplie au moyen des claviers de stations de travail à écran situées soit chez les auteurs, qui acquièrent ces matériels comme ils acquéraient autrefois des machines à écrire, soit dans les services de création lorsque les auteurs livrent des manuscrits dactylographiés, soit dans les imprimeries lorsque les services de création ne sont pas équipés pour l’informatique. Elle donne naissance à des disquettes – souvent accompagnées de versions écrites produites par des imprimantes – ou à des enregistrements directs sur les disques durs de grandes mémoires magnétiques communes à plusieurs stations.

Le deuxième temps des opérations – le traitement des données – assure la mise en forme et la mise en place des textes. Dans l’état actuel des choses, la mise en forme est partagée entre les services de création, qui en exécutent une partie – notamment la révision rédactionnelle – au moyen de stations de travail à écran (à la main lorsque ni les auteurs ni les services de création ne sont équipés pour l’informatique), et les ateliers spécialisés (appartenant de plus en plus souvent à des centres de préparation), qui en accomplissent l’autre partie – en particulier la composition proprement dite. La mise en place est effectuée en même temps que la mise en forme et par les mêmes stations. Elle donne naissance à des pages montées de textes, dans lesquelles les illustrations sont ultérieurement insérées soit à la main, soit par voie informatique. Dans le second cas, elle est exécutée dans le cadre de coordonnées cartésiennes définissant les positions respectives des alinéas, des paragraphes, des titres, des sous-titres, des notes et autres éléments constitutifs des pages. Les instructions nécessaires sont communiquées aux microprocesseurs des écrans par les claviers et par des formats (les formats sont, dans cette acception, des séries d’instructions préenregistrées définissant des suites d’enchaînements logiques).

Le troisième temps des opérations pratiquées sur les textes, la sortie des données, est la reconversion des nombres binaires en signes alphabétiques. Il est effectué par des composeuses dont le principe de fonctionnement n’a plus rien de commun, si ce n’est la production de lignes de caractères sur film ou sur papier sensible, avec celui des machines de la deuxième génération. Au lieu de former comme elles des lettres individuelles et de ranger ces lettres les unes après les autres en lignes, ces nouvelles composeuses, ignorant la notion de caractère, considèrent les pages entières comme autant d’images auxquelles elles appliquent la décomposition en pixels conçue pour les illustrations. Cette décomposition commence par l’envoi sur un R.I.P. (pour raster image processor , processeurs d’images pixellisées) des nombres issus du traitement des textes. Les R.I.P. sont des ordinateurs spécialisés. Ils vont chercher dans une typothèque les informations numériques nécessaires à la construction des caractères requis par la composition dans le style choisi par les services de création (ce sont les coordonnées de vecteurs et d’arcs décrivant les contours des lettres) et agissent sur elles pour obtenir les corps désirés. Ils substituent ces données aux nombres symbolisant les textes et créent, grâce à elles, des chaînes de 0 et de 1 – représentant des pixels noirs et blancs –, qui s’étendent sur toute la largeur des pages et se succèdent sur toute leur hauteur. Cet arrangement des 0 et des 1 est appelé bitmap , littéralement carte géographique des bits. Envoyé sur la photocomposeuse, il contrôle l’action d’un rayon laser qui balaie de gauche à droite et de haut en bas une surface photosensible réceptrice, sur laquelle il fait apparaître des chaînes de pixels noirs et blancs, noirs lorsqu’il n’est pas dévié ou interrompu par une instruction adéquate, blancs dans le cas contraire (fig. 8). Ces chaînes successives, couvrant comme les bitmaps toute la largeur des pages et toute leur hauteur, créent progressivement l’image des lignes de caractères disposées comme il se doit. Bon nombre d’imprimantes obéissent au même principe.

Opérations pratiquées sur les illustrations

Les opérations pratiquées sur les illustrations sont généralement exécutées par des matériels qui effectuent à la fois l’entrée et le traitement des données, souvent aussi la sortie. L’entrée des données est la décomposition des images en pixels. Elle est accomplie par des scanners de divers types. Les scanners sont des dispositifs dans lesquels un mince rayon de lumière balaie ligne après ligne les sujets, enroulés autour d’un cylindre ou étalés à plat sur une table. La portion non absorbée de ce rayon – celle qui est transmise par les sujets transparents ou réfléchie par les sujets opaques – est recueillie telle quelle sur une cellule photoélectrique lorsque les sujets sont en noir. Elle est répartie en trois faisceaux qui sont dirigés sur trois filtres (respectivement bleu-violet, vert-jaune et rouge orangé), puis envoyés sur trois cellules photoélectriques, lorsque les sujets sont en couleurs. Les cellules photoélectriques transforment l’énergie lumineuse variable qu’elles reçoivent en courants continus, eux aussi variables. Ces courants sont aussitôt découpés en minuscules unités arbitraires, à chacune desquelles est attribué un nombre exprimant son intensité et, par voie de conséquence, le degré de noirceur ou de couleur du pixel auquel il est attaché. Lesdits nombres sont automatiquement rangés en bitmaps: un seul bitmap lorsque les sujets sont en noir et blanc, trois bitmaps (un pour les constituants bleu-violet, un pour les constituants vert-jaune, un pour les constituants rouge orangé) lorsque les sujets sont en couleurs. Des appareils d’un autre type font défiler les sujets à reproduire sous de très petits éléments semi-conducteurs, dont chacun détecte la lumière transmise ou réfléchie par un pixel et transforme son énergie lumineuse en une impulsion électrique à laquelle est attribué un nombre binaire. Ces éléments sont groupés en une barrette lorsque les sujets sont en noir, en trois barrettes précédées des filtres adéquats lorsque les sujets sont en couleurs. Dans les deux cas, les nombres sont rangés en bitmaps.

Le traitement des données suit l’analyse. Il effectue les opérations de mise en forme et, dans certains cas, de mise en place sur les bitmaps, par modification, suppression, acquisition et interversion des nombres. La mise en forme comprend les classiques cadrages, agrandissements, réductions, détourages, imbrications, etc., des procédures photomécaniques, auxquels s’ajoutent la sélection lorsque les sujets sont en couleurs et le tramage pour l’impression lorsque les sujets – en noir ou en couleurs – sont à tons continus. La sélection transforme les trois bitmaps d’analyse en quatre bitmaps de synthèse, aptes à contrôler les organes de sortie chargés de fournir les films transparents destinés à préparer les formes imprimantes du jaune, du magenta, du cyan et du noir. Il calcule pour ce faire le bitmap du noir à partir des trois autres, dans la préparation desquels il introduit les modifications imposées par les imperfections colorimétriques des encres (qui n’ont pas une transmission et une absorption parfaites), ainsi que par d’autres considérations techniques. De son côté, le tramage pour l’impression s’applique aux seuls bitmaps dont les nombres sont compris entre 0 et 255 (ou entre 0 et 63). Il consiste à convertir par calcul les pixels gris que ces nombres représentent en pixels noirs, puis à associer ces pixels noirs dans les quantités requises pour créer des points de trame, c’est-à-dire des surfaces plus grandes – elles sont perceptibles par l’œil – comportant des dimensions variables, relativement petites dans les tons clairs, relativement étendues dans les tons foncés.

Le traitement des données relatives aux illustrations est exécuté soit par les scanners qui font l’analyse, soit par des stations de travail conçues à cette fin. Lorsque les sujets sont en couleurs, il comprend souvent la mise en place. Certains constructeurs de scanners de sélection exploitent en effet la décomposition en pixels – et les capacités accrues des composants électroniques – pour situer les illustrations aux endroits voulus des pages, de manière à fournir aux imprimeries non plus des sujets isolés d’illustrations, mais des pages montées d’illustrations, dans lesquelles seuls les textes restent à insérer. L’opération est intéressante lorsque les illustrations constituent l’ossature des ouvrages, comme dans les catalogues de vente par correspondance.

La sortie des données marque l’achèvement des opérations exécutées sur les illustrations. Elle est la conversion des nombres binaires en traits noirs et en points de trame noirs portés par des films transparents, et parfois aussi par des papiers sensibles. Lorsque les sujets sont en noir et blanc, elle est exécutée par les scanners qui pratiquent l’analyse et le traitement, à moins que les bitmaps finals ne soient directement envoyés sur une station de travail appelée à mettre simultanément en place les textes et les illustrations. Lorsque les sujets sont en couleurs, elle est accomplie soit comme dans le cas précédent par les scanners pratiquant l’analyse et le traitement, soit par des imageuses, qui sont des dispositifs identiques aux photocomposeuses, c’est-à-dire qui mettent en œuvre un rayon laser balayant les surfaces réceptrices sous le contrôle des bitmaps faits de 0 et de 1.

Confection de pages complètes

Le but final des procédures informatisées est de fournir des pages complètes prêtes à l’impression, autrement dit dans lesquelles les textes et les illustrations sont à la fois mis en forme et mis en place. Divers matériels et logiciels atteignent ce résultat dans des conditions de délai et de coût qui commencent à être acceptables. Ils ont malheureusement l’inconvénient d’exiger des équipements relativement lourds et onéreux quand le déroulement des opérations ne souffre pas d’être ralenti par la multiplicité des bits. C’est pourquoi la méthode de travail la plus répandue combine les procédures informatisées et les procédures photomécaniques. Elle confie aux premières la réalisation de pages montées de textes et de sujets isolés d’illustrations ou de pages montées d’illustrations et d’éléments isolés de textes, et laisse aux secondes la tâche de combiner ces constituants pour produire des pages complètes prêtes à l’imposition.

2. L’impression

Dans l’état des techniques telles qu’elles se présentent à la fin du XXe siècle, l’impression est pratiquée au moyen de formes imprimantes confectionnées par les méthodes de la photogravure à partir de films transparents – portant les textes et les illustrations mis en forme et mis en place – préparés par les méthodes jumelées de la photographie et de l’informatique. (Le XXIe siècle verra l’abandon des méthodes de la photographie et de la photogravure en faveur des seules méthodes de l’informatique, qui conduiront à la création d’une chaîne de fabrication courte allant directement de l’ordinateur à la forme imprimante.) Quel que soit le procédé mis en œuvre, elle comprend trois activités successives: l’imposition des pages montées complètes, la confection des formes imprimantes et le tirage proprement dit. L’imposition des pages montées complètes, très liée à la préparation des films transparents, est la même en typographie (à formes imprimantes légères), en offset et en héliogravure. La confection des formes imprimantes est spécifique de chaque procédé. Quant au tirage proprement dit, il met en œuvre des presses spécialement conçues pour chaque procédé, mais possédant bon nombre de caractéristiques communes.

La première caractéristique commune à toutes les presses est d’imprimer le support – c’est généralement du papier – par passage entre deux cylindres étroitement rapprochés, dont l’un porte les formes imprimantes et l’autre assure la contrepression. Cette configuration, dite cylindre contre cylindre, est récente (fig. 9). Elle n’est pas antérieure à la seconde moitié du XIXe siècle. Elle a été adoptée par le procédé dominant de l’époque, la typographie – et pour une petite partie seulement de sa production –, lorsque la stéréotypie a apporté les moyens de convertir les formes métalliques planes en formes métalliques circulaires. Avant cette date, les presses de la typographie étaient plates. Elles possédaient un marbre (en acier) qui recevait les lourdes formes planes. La contrepression était assurée soit par un plateau mobile venant presser le papier qui couvrait la forme imprimante (principe du plan contre plan), soit par un cylindre autour duquel le papier s’enroulait avant d’être mis en contact étroit avec la forme plane horizontale, laquelle était animée, sous lui, d’un mouvement de translation alternatif (principe du plan contre cylindre, fig. 10). Le principe du plan contre plan a été inventé par Gutenberg, le principe du plan contre cylindre par Friedrich Koenig, créateur de la première presse mécanique apparue vers 1815. Le principe cylindre contre cylindre est emprunté à l’industrie textile, où il était imposé par la nature des matériaux traités – des tissus – qui ont toujours été fabriqués à la continue, c’est-à-dire en bobines et non en feuilles comme le papier (les machines à papier produisant un ruban ininterrompu ne se sont pas généralisées avant le milieu du XIXe siècle). Il a été adopté dès leur naissance par l’offset et par l’héliogravure.

La deuxième caractéristique commune aux presses est d’imprimer des matériaux se présentant soit en feuilles, soit en bobines. Dans le premier cas, elles possèdent à l’entrée un margeur automatique, dispositif pneumatique et mécanique qui détache les feuilles de la pile à laquelle elles appartiennent et les engage l’une après l’autre entre les deux cylindres d’impression, tandis qu’elles ont à la sortie une recette automatique chargée de ranger les feuilles imprimées en piles régulières. Dans le second cas, elles sont précédées d’un dérouleur acceptant simultanément deux bobines – une en service, une en attente – qui peuvent être raccordées l’une à l’autre sans arrêter la machine; elles sont suivies soit d’une plieuse sectionnant la bande en feuilles et transformant ces feuilles en cahiers (de huit, seize ou trente-deux pages), soit une recette à plat découpant elle aussi la bande en feuilles mais rangeant ces feuilles en piles, soit d’un système de rembobinage réenroulant la bande imprimée et créant une nouvelle bobine.

La troisième caractéristique commune aux presses est d’imprimer une, deux, quatre et, parfois, cinq ou six couleurs en un seul passage du papier dans la machine. Quand le nombre de couleurs est supérieur à un, les cylindres portant les formes imprimantes sont soit disposés autour d’un cylindre de contrepression commun, soit équipés chacun de leur propre cylindre de contrepression. Dans ce dernier cas, ils sont rangés en ligne. Les machines à feuilles impriment généralement un seul côté du papier en un passage, rarement les deux. Les rotatives à bobines impriment toujours les deux côtés du papier en un passage, moyennant un retournement de la bande quand elles sont typographiques ou héliographiques (elles comptent alors autant de groupes imprimants que de couleurs sont imprimées au recto, puis au verso) ou sans retournement de la bande quand elles sont offset (elles comptent dans ce cas autant de groupes imprimants que de couleurs sont appliquées simultanément sur les deux côtés de la bande).

Impression typographique

L’impression typographique s’est confondue pendant quatre siècles et demi avec l’imprimerie. Elle a connu deux périodes d’inégale longueur. La première a commencé avec Gutenberg et s’est achevée dans les années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, lorsque l’offset et l’héliogravure ont été suffisamment développés pour prendre la relève. Elle a utilisé pendant tout ce temps des formes imprimantes lourdes, faites de plomb pour les textes, de bois, de cuivre et de zinc pour les illustrations. La seconde période, beaucoup plus courte, est récente. Elle a commencé dans les années 1960 quand l’apparition de matériaux synthétiques photosensibles a permis la confection de formes imprimantes légères en relief.

Formes imprimantes lourdes

La typographie à formes imprimantes lourdes n’a plus qu’un intérêt historique. Elle ne reste guère pratiquée – et vraisemblablement pour un temps limité – que dans des entreprises, très petites, qui exécutent des travaux de ville (cartes d’invitation, cartes de visite, faire-part, etc.) et mettent en œuvre de petites presses du type plan contre plan (lesquelles continuent d’être construites pour cet usage). Elle ne peut toutefois être ignorée en raison de l’influence qu’elle a exercée sur la langue, sur la littérature et sur les mœurs pendant la longue période de temps au cours de laquelle elle fut à elle seule l’imprimerie.

Les formes imprimantes lourdes – les lignes de caractères en plomb et les gravures sur bois – s’usaient relativement vite à cause de la pression appliquée sur elles par les presses et de l’action abrasive exercée par le papier. Cet inconvénient a été accepté comme un mal nécessaire aussi longtemps que les tirages n’ont pas dépassé quelques centaines d’exemplaires. Il a commencé à paraître insupportable au XVIIIe siècle. Il a été surmonté par la duplication, méthode qui s’est généralisée au XIXe siècle. La duplication consiste à confectionner des répliques des formes imprimantes, soit pour remplacer celles qui succombent à l’usure, soit pour équiper simultanément plusieurs presses. Elle a été accomplie par la stéréotypie, dont le nom est passé dans le langage courant pour désigner une copie fidèle et répétitive. La stéréotypie comprenait une prise d’empreinte suivie de moulage. Une feuille de carton tendre et lisse – un flan – était appliquée sur la forme imprimante. Soumise à une pression adéquate, elle acceptait en creux le dessin des éléments en relief. Elle était ensuite introduite dans un moule à l’intérieur duquel on coulait du plomb fondu. Si le moule était plat, le démoulage donnait naissance à un stéréo plan, c’est-à-dire à une galette qui était le double de la forme originale, qui portait comme elle le dessin en relief des textes et des illustrations, et qui pouvait être fixée, comme elle également, sur le marbre d’une machine plate. Si le moule était circulaire, il fournissait des stéréos cintrés susceptibles d’être accrochés aux cylindres des presses rotatives.

La stéréotypie a connu un succès extraordinaire. À partir de 1850, des répliques peu coûteuses ont systématiquement remplacé les lignes de caractères – on disait le mobile –, ainsi que les gravures sur bois et les clichés métalliques. Complétée par une méthode analogue plus précise, la galvanotypie, elle a permis à la typographie de produire, jusqu’aux années 1900, la quasi-totalité des livres, des périodiques, des quotidiens et autres travaux d’impression, au moyen de presses mécaniques de divers modèles. La première presse du monde, celle de Gutenberg, était manuelle. Elle était en bois et constituée d’un plateau horizontal, le marbre, qui recevait la forme imprimante, laquelle était recouverte, après avoir été encrée à la main, d’une feuille du papier à imprimer. Un second plateau, la platine, mobile dans un plan vertical, descendait sous l’action d’une vis actionnée au bras et assurait la pression. Au début du XIXe siècle, le bois a été remplacé par le métal. À peu près à la même époque, un nommé Koenig, qui vivait en Bavière, a conçu la première vraie machine à imprimer, c’est-à-dire un ensemble de dispositifs mécaniques capables d’accomplir, pour peu qu’on leur fournît l’énergie nécessaire, «tout ce qui s’est fait jusqu’ici par la main de l’homme, la prise de l’encre, sa distribution et son application sur les caractères, enfin tout excepté la pose et la sortie des feuilles», comme l’écrit l’inventeur dans l’un de ses brevets. Après quelques essais tentés dans son pays natal, Koenig est allé en Angleterre, qui était alors en avance, industriellement parlant, sur le continent. Il construisit dans ce pays une presse mécanique qui fit sensation, parce qu’elle répondait à un besoin, et qui fut suivie de bien d’autres. Très rapidement, des concurrents se mirent sur les rangs. Cinquante ans plus tard, le développement était surprenant. Un extraordinaire foisonnement d’idées avait donné naissance à une multitude de machines qui, parce qu’elles travaillaient plus vite et à meilleur compte que les presses à bras, ont introduit de profondes modifications dans le monde de l’imprimerie, dont elles ont rendu les produits accessibles à un public plus étendu.

Formes imprimantes légères

Pendant que les formes imprimantes lourdes de la typographie traditionnelle équipaient la plupart des presses sont apparues, au début du XXe siècle, des formes imprimantes légères, recevant l’encre non plus d’encrages longs déposant des systèmes visqueux au moyen de nombreux rouleaux, mais d’encrages courts véhiculant des milieux liquides au moyen d’un cylindre unique creusé d’alvéoles (fig. 11). Ces formes imprimantes légères étaient en caoutchouc. Elles n’étaient employées à l’origine que pour imprimer des emballages grossiers, mais ont accompli tant de progrès en un demi-siècle – tout comme les presses sur lesquelles elles sont montées – qu’elles ont permis à la typographie de récupérer une part appréciable de marché sous le nom de flexographie.

Les formes imprimantes légères sont faites de photopolymères synthétiques créés par les grandes compagnies chimiques dans le courant des années 1960. Elles sont préparées, comme celles de l’offset et de l’héliogravure, à partir de films transparents portant les textes et les illustrations mis en forme et mis en place. Les matériaux dont elles sont faites ont la propriété de durcir sous l’action de la lumière et de fournir, après élimination des portions restées solubles, des reliefs très résistants, dotés de propriétés mécaniques supérieures à celles du plomb, du zinc et du cuivre. Insolés sous des films transparents négatifs, puis développés, ils donnent naissance à des formes imprimantes de dureté variable qui sont montées sur des rotatives à bobines. Les plus simples de ces machines continuent d’imprimer des emballages grossiers. Les plus perfectionnées sont des matériels très élaborés, conçus pour des applications étroitement spécifiques, soit dans l’emballage, où ils ont trouvé un grand champ d’action, soit dans l’impression de certains types de livres (comme les livres de poche, les romans et les essais), soit encore dans la production de certains journaux quotidiens.

Impression offset

L’impression offset a été inventée au début du XXe siècle à partir de la lithographie. Elle est le fruit d’une évolution qui a commencé vers 1850 avec l’apparition de la photographie et de la photogravure. Après s’être limitée pendant une cinquantaine d’années à des tirages relativement courts ayant pour objet des œuvres à caractère artistique – ou pseudo-artistique – et généralement en couleurs, elle est devenue après 1950 la méthode de reproduction la plus répandue et la plus large. Véritable «bonne à tout faire» de l’imprimerie, elle a repris à la typographie la plupart des travaux en noir et en couleurs.

La lithographie est devenue l’offset quand trois acquisitions techniques – faites indépendamment l’une de l’autre – ont été simultanément mises en œuvre, à savoir: l’action de la lumière sur des composés photosensibles pour déterminer les zones imprimantes et les zones non imprimantes, la substitution aux pierres de feuilles métalliques souples pouvant être enroulées autour d’un cylindre et la suppression du contact direct entre les formes imprimantes et le matériau imprimé, généralement du papier.

Les deux premières acquisitions marquent l’application à la lithographie des procédures photomécaniques inventées pour produire les clichés typographiques en métal. La troisième est spécifique du procédé, auquel elle a donné son nom (offset signifie en anglais décalque, report).

Formes imprimantes

La démarcation entre les zones imprimantes et les zones non imprimantes des formes repose, en offset comme en lithographie, sur l’absence ou sur la présence d’eau, l’absence d’eau déterminant les zones appelées à accepter l’encre, la présence d’eau les zones appelées à rester vierges. Comme pour la lithographie, elle met en jeu un phénomène de nature physico-chimique, le mouillage d’un solide par un liquide, qui a été exploité bien avant d’avoir reçu une explication scientifique satisfaisante. On sait maintenant qu’il est conditionné par les attractions interatomiques assurant la cohésion interne des solides et des liquides. On constate – toutes autres choses demeurant égales – que le mouillage d’un solide par un liquide est d’autant plus efficace que les attractions interatomiques sont fortes dans le solide et faibles dans le liquide:

– Les encres offset, où des dérivés huileux occupent une grande place, ont des attractions interatomiques intrinsèquement faibles. C’est pourquoi elles mouillent facilement les solides. Elles se fixent sans problème dans les zones imprimantes des formes et se fixeraient tout aussi bien dans les zones non imprimantes si leur progression naturelle n’était arrêtée dans ces régions par la présence d’eau.

– L’eau, liquide dont les molécules sont faites d’un gros atome d’oxygène lié à deux petits atomes d’hydrogène, a des attractions interatomiques anormalement élevées. C’est pourquoi elle ne mouille pas du tout les zones encrées des formes et ne mouille pas facilement les zones imprimantes desdites formes, qui doivent recevoir un traitement superficiel particulier pour l’accepter d’une manière convenable.

La préparation des formes imprimantes offset – traditionnellement appelées plaques malgré une épaisseur ne dépassant pas quelques dixièmes de millimètre – se ramène à traiter la surface d’un matériau convenable – généralement une mince feuille d’aluminium – en vue de faire naître d’une part une image facilement encrable des textes et des illustrations, d’autre part d’accroître l’étalement et la rétention de l’eau partout ailleurs. L’image facilement encrable est créée par les méthodes de la photogravure, c’est-à-dire en faisant agir la lumière – à travers un film transparent portant les textes et les illustrations – sur une substance photosensible recouvrant le métal, puis en éliminant les portions restées ou devenues solubles. L’amélioration de l’étalement et de la rétention du liquide aqueux est obtenue par un grainage superficiel de l’aluminium, suivi d’une anodisation ayant pour effet de susciter l’apparition d’une couche moléculaire d’hydroxyde poreux et hydrophile.

Machines à feuilles

Les presses offset dérivent des presses lithographiques comme les plaques offset dérivent des pierres lithographiques. Apparues à une date relativement récente – le début du XXe siècle –, elles n’ont été de véritables machines qu’au moment où les progrès de la construction mécanique ont amené l’élaboration de presses en métal respectant le principe plan contre cylindre inventé par Koenig pour le vieux procédé en relief. La substitution de minces feuilles de zinc aux pierres ayant permis de créer des formes imprimantes suffisamment souples pour être enroulées autour d’un cylindre, quelques années plus tard sont apparues des rotatives à deux cylindres, l’un recevant la forme imprimante, l’autre assurant la pression. Plus rapides que les presses plates, ces rotatives n’ont pas surmonté davantage qu’elles le défaut intrinsèque du procédé lithographique, à savoir l’usure rapide des formes imprimantes sans relief ni creux au contact du papier. Ce défaut a été éliminé – et la lithographie est devenue l’offset – quand un esprit ingénieux a eu l’idée d’intercaler un troisième cylindre garni de caoutchouc entre les deux autres. Dans cette configuration à trois cylindres, le cylindre porte-plaque – alimenté en encre et en eau par des dispositifs adéquats – transmet l’impression au cylindre intermédiaire, revêtu d’un blanchet en caoutchouc, qui la transfère au papier, lequel s’appuie sur un cylindre de contrepression nu. Peu après ont été construites des presses à quatre cylindres, faites de deux presses à trois cylindres privées de leurs cylindres de contrepression et ayant leurs cylindres porte-blanchets suffisamment rapprochés pour que le papier passe entre eux en pression (fig. 12). Ces machines sont appelées pour ce motif blanchet contre blanchet. Pour des raisons historiques, la conception à trois cylindres est généralement adoptée par les machines à feuilles, la conception à quatre cylindres par les rotatives à bobines. Dans le premier cas, le papier est imprimé sur un seul côté; dans le second cas, sur les deux.

Les machines à feuilles n’ont longtemps servi qu’à exécuter des travaux qu’elles seules pouvaient accomplir, à savoir l’impression en trame fine de sujets à tons continus, souvent en couleurs, sur des papiers relativement rugueux autres que les papiers couchés, alors rares et chers. Elles devaient cette faculté au report de l’impression sur le cylindre intermédiaire revêtu d’un blanchet en caoutchouc. L’accroissement rapide de la quantité d’illustrations polychromes, dû à la prolifération des films positifs du type Ektachrome, a suscité la construction – après 1950 – de machines imprimant deux couleurs en un seul passage (quatre couleurs en deux passages), puis quatre couleurs en un seul passage, parfois aussi cinq et six, dans tous les formats (fig. 13), du plus petit (30 cm 憐 40 cm) au plus grand (120 cm 憐 160 cm). Les perfectionnements incessants apportés au cours des années ont accru la productivité au point de rendre banale la reproduction des couleurs. La vitesse pratique a été portée aux environs de dix mille feuilles à l’heure, et les temps de calage – les délais requis par l’accrochage des plaques sur les cylindres, par la mise en repérage des impressions successives et par le réglage des encrages – ont été réduits de façon substantielle.

Des machines à feuilles du type blanchet contre blanchet, imprimant une couleur de chaque côté du papier, ont été construites quand l’offset a pris son essor au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, et ne s’est plus limité aux travaux que la typographie accomplissait dans de moins bonnes conditions que lui, mais s’est emparé des reproductions des textes et des illustrations au trait qui constituaient l’apanage exclusif du vieux procédé en relief. Ces machines, généralement grandes, n’ont jamais été nombreuses parce qu’elles ont eu très vite à supporter la concurrence des rotatives à bobines, elles aussi du type blanchet contre blanchet.

Rotatives à bobines

Le choix entre une machine à feuilles et une rotative à bobines pour exécuter un travail déterminé est un sujet de discussion chez les professionnels. Il dépend de nombreux facteurs, parmi lesquels l’ampleur des tirages joue un rôle prépondérant, les tirages courts étant en principe réservés aux machines à feuilles, les tirages longs aux rotatives à bobines. Le point d’inflexion varie selon la nature des travaux et selon les caractéristiques des matériels. Il a tendance à s’abaisser depuis que les progrès réalisés dans la conception des presses et dans le contrôle de leur fonctionnement ont diminué la gâche au démarrage, qui est le handicap majeur des rotatives à bobines. Une seconde raison est que la plupart des professionnels ont abandonné le préjugé, longtemps dominant, qui veut que la qualité d’impression soit meilleure sur les machines à feuilles que sur les rotatives à bobines.

Les rotatives à bobines sont du type blanchet contre blanchet (fig. 14). Elles possèdent autant de groupes imprimants qu’elles impriment de couleurs recto verso en un seul passage. Elles fonctionnent toutes selon le même principe. La feuille issue du dérouleur passe dans un dispositif électromécanique qui maintient sa tension à une valeur déterminée, s’engage dans les groupes imprimants successifs rangés en ligne, traverse le cas échéant un tunnel de séchage et s’enroule autour de cylindres refroidisseurs avant d’entrer dans la plieuse (ou dans le système de découpe en feuilles, ou dans le système de rembobinage). Elles sont généralement réparties en deux catégories selon qu’elles possèdent un tunnel de séchage ou en sont dépourvues:

– Les rotatives possédant un tunnel de séchage ont généralement quatre ou cinq groupes. Elles impriment des papiers de belle qualité (souvent des papiers couchés) relativement fermés. La plupart ont des formats standardisés. Elles produisent le plus souvent seize ou trente-deux pages au tour, parfois seulement huit. Elles sont très employées dans l’impression des périodiques de qualité.

– Les rotatives dépourvues de tunnel de séchage comprennent le plus souvent soit un seul groupe, soit quatre groupes. Elles impriment des papiers ordinaires (du type journal amélioré) relativement ouverts. Elles sont moins standardisées que les machines équipées de sécheurs et exécutent toutes sortes de travaux en noir et blanc, comme les livres de poche et les annuaires téléphoniques, ou en couleurs, comme beaucoup de périodiques bon marché.

Qu’elles comportent ou non un sécheur, les rotatives à bobines sont équipées de dispositifs optiques et électroniques qui contrôlent le positionnement transversal de la bande et son élongation longitudinale, en vue de sauvegarder le repérage des couleurs et de maintenir la constance du pli, ou de la découpe en feuilles et du rembobinage; elles sont rapides. Celles qui sont à simple développement ont une vitesse mécanique maximale de trente-cinq mille tours par heure, correspondant à un déplacement linéaire de 6 mètres à la seconde. Leur production pratique atteint généralement les deux tiers de cette valeur. Les rotatives à double développement dépassent rarement vingt-cinq tours par heure sous peine de compromettre la précision du pli.

Impression par héliogravure

Le mot héliogravure, qui signifie gravure par le soleil, a été forgé dès 1855 par Niepce de Saint-Victor, cousin de Nicéphore Niepce. Contrairement à l’offset, l’héliogravure ne dérive pas d’un procédé manuel ancien, mais est sortie tout armée du cerveau de ses inventeurs, qui l’ont placée dès l’origine dans le sein des procédures photomécaniques. Deux équipes travaillant indépendamment l’une de l’autre en Angleterre et en Allemagne l’ont créée de toutes pièces à la fin du XIXe siècle et au début du XXe, en associant dans un ensemble cohérent trois acquisitions antérieures: la rotative à racle, le papier-charbon et la trame quadrillée. Elles ont, du même coup, engagé le procédé dans les deux voies qu’il a toujours suivies, à savoir l’impression d’images de haute qualité artistique produites en petites quantités (équipe anglaise) et l’impression de périodiques à gros tirage abondamment illustrés (équipe allemande).

Formes imprimantes

Les formes imprimantes de l’héliogravure sont des cylindres en cuivre empruntés à l’industrie textile, qui les utilisait pour produire des cotonnades portant des sujets rustiques gravés à la main. Ces cylindres tournaient dans des bacs emplis d’encre, qui s’insérait dans leurs creux et dont une racle enlevait l’excès. Le tissu, mis en contact intime avec lesdits creux par un rouleau presseur, pompait le système coloré constamment renouvelé. Le problème que les inventeurs de l’héliogravure ont eu à résoudre a été de remplacer la gravure manuelle – extrêmement lente et ne reproduisant que des sujets au trait – par une gravure photomécanique rapide capable de reproduire les sujets à tons continus. Ils y sont parvenus en adoptant les méthodes de la photographie et de la photogravure. D’autres inventeurs, travaillant une cinquantaine d’années plus tard, ont choisi une autre voie et ont créé des dispositifs graveurs électro-mécaniques – de type analogique à l’origine, de type numérique dans la suite –, qui se partagent le marché avec les matériels photomécaniques.

Les méthodes de la photographie et de la photogravure mettent en œuvre, comme en typographie et en offset, une trame quadrillée et un colloïde photosensible. La trame quadrillée n’est pas la même que dans les deux autres procédés (elle est faite de carrés noirs délimités par de fines lignes transparentes) et n’est pas utilisée au niveau de la photographie, mais à celui de la photogravure. De son côté, le colloïde photosensible, qui est la gélatine, est employé d’une manière particulière. Il contient une proportion appréciable d’une poudre opaque finement divisée – généralement un oxyde de fer – et est étalé en couche relativement épaisse sur un support en papier. L’ensemble porte le nom de papier-charbon. La technique proposée par les inventeurs – et appliquée par beaucoup d’entreprises jusqu’aux années 1970 – comprenait plusieurs étapes. Elle commençait par la sensibilisation du papier-charbon, qui était immergé dans une solution aqueuse de bichromate. Elle se poursuivait par une double insolation dudit papier-charbon. La première insolation était opérée sous la trame, dont les fines lignes transparentes, laissant librement passer les rayons lumineux, créaient dans l’épaisseur de la gélatine un réseau de traits durcis à cœur. La deuxième insolation avait lieu sous un montage-imposition positif dans lequel les sujets à tons continus n’étaient pas tramés, autrement dit conservaient leurs valeurs de gris. Elle intéressait le colloïde situé sous les carrés noirs de la trame et donc non touché pendant la première insolation. Elle laissait intact ledit colloïde sous le noir des textes et des sujets au trait, mais le durcissait à une profondeur variable sous les gris des sujets à tons continus, qui modulaient l’intensité des rayons lumineux, dont la pénétration était freinée par la présence de la poudre opaque. La troisième étape était marquée par le transfert du papier-charbon sur le cylindre, son côté gélatine mis au contact du métal, et l’élimination subséquente du support en papier, puis des portions du colloïde restées solubles. Elle laissait sur le cuivre un revêtement de gélatine durcie de hauteur inégale, grande dans les régions correspondant aux lignes claires de la trame, moyenne dans les régions correspondant aux gris des sujets à tons continus, nulle ou quasi nulle dans les régions correspondant au noir des textes et des sujets au trait. L’étape suivante était la gravure. Elle était accomplie au moyen de solutions acides diversement concentrées. L’argent agressif était arrêté par les reliefs les plus élevés, sous lesquels le métal gardait son niveau. Il diffusait plus ou moins vite à travers les reliefs moyens ou faibles et attaquait le cuivre à une profondeur dépendant de l’épaisseur à traverser. L’opération donnait naissance à un réseau de minuscules cellules creuses ayant une superficie identique, mais une profondeur variable (de quelques microns dans les tons clairs, de quelques dizaines de microns dans les tons foncés), qui étaient présentes aussi bien dans les textes et les sujets au trait que dans les sujets à tons continus. La dernière étape était l’élimination, au moyen d’un agent alcalin, du mince revêtement de colloïde durci subsistant sur le métal. Elle donnait des cylindres prêts à être montés sur les presses.

La diffusion de l’acide à travers la gélatine durcie n’est pas un phénomène aisément contrôlable. C’est pourquoi diverses méthodes ont été inventées dès avant la guerre pour moduler les gris des sujets à tons continus autrement que par la profondeur variable des cellules. Toutes font appel à des montages-impositions dans lesquels les sujets à tons continus sont tramés. Elles conservent le papier-charbon, la double insolation et la gravure à l’acide à travers le colloïde durci, avec la différence que cette gravure est effectuée par immersion en un seul bain. Elles diffèrent les unes des autres par la façon dont les deux tramages sont amenés à interférer. Elles ont donné naissance à l’héliogravure à trame variable, qui a supplanté l’héliogravure traditionnelle là où l’héliogravure électromécanique, souvent appelé électronique, n’a pas été adoptée.

La gravure électromécanique est née après la Seconde Guerre mondiale chez un constructeur de scanners de sélection, dont elle exploite le principe. Les montages-impositions, fixés sur un tambour rotatif horizontal, sont analysés ligne après ligne par un mince rayon lumineux. La portion non absorbée de ce rayon est recueillie sur une cellule photoélectrique, qui la convertit en un courant continu d’intensité variable. Dans les premiers modèles, qui étaient du type analogique, ce courant – amplifié et traité – actionnait un stylet-graveur, qui attaquait le métal du cylindre tournant en étroit synchronisme avec le tambour d’analyse. L’opération créait une multitude de cellules creuses d’autant plus profondes et plus larges que le courant était intense, donc que le point correspondant sur le montage-imposition était plus sombre. Les modèles récents sont numériques. Ils découpent le courant continu en petites unités arbitraires, à chacune desquelles est attribué un nombre exprimant son intensité. Ces nombres, rangés en bitmaps, contrôlent le mouvement du stylet-graveur. Étant donné les dimensions des rotatives modernes, dont la laize (ou largeur de la bobine) est souvent plus proche de 3 mètres que de un, plusieurs têtes de lecture, disposées côte à côte, explorent le même montage-imposition, tandis que plusieurs têtes de gravure, également disposées côte à côte, traitent simultanément le même cylindre imprimant.

Rotatives à feuilles et à bobines

Les presses de l’héliogravure ont l’avantage d’une grande simplicité mécanique, leurs groupes imprimants ne comprenant qu’une racle et un rouleau presseur en plus du cylindre gravé (fig. 15). L’encrage est le plus court qui soit, puisqu’il se réduit à un dispositif projetant une encre liquide et à un bac, équipé d’une pompe, pour recueillir l’excès. Les premières machines apparues au début du XXe siècle étaient exclusivement à bobines, et n’imprimaient qu’une couleur à la fois. Elles se sont différenciées au cours des années en fonction des besoins.

Les premières impressions héliographiques se sont inscrites dans la grande tradition de la gravure manuelle, qui était la production d’illustrations – et rien que d’illustrations – destinées à être vendues isolément comme estampes ou insérées en hors-texte dans des livres tirés en typographie. Contrairement à la gravure manuelle, ces illustrations pouvaient être – et étaient généralement – des reproductions de photographies – de monuments, de sites, de personnes – et elles étaient produites vite et bien par milliers d’exemplaires. Le succès des travaux de ce type, qui mettaient à la portée de tous un vaste domaine iconographique constamment renouvelé, a incité les constructeurs à concevoir des machines à feuilles, mieux adaptées au but poursuivi que les premières rotatives à bobines, car possédant un cylindre presseur de grand diamètre revêtu d’un blanchet en caoutchouc, donc capable d’accepter entre cuir et chair des surépaisseurs locales assurant une certaine mise en train. Les travaux polychromes étaient exécutés, quand ils existaient, sur une même presse à une couleur, dont on changeait l’encre, plus tardivement sur des presses comportant plusieurs groupes rangés en ligne.

L’impression héliographique à feuilles est restée sans rivale dans l’exécution des travaux artistiques en noir et blanc – dont elle rendait les gris avec une puissance et une délicatesse inégalées – jusqu’au moment où l’impression offset a fait de tels progrès que ses résultats n’ont plus pu être distingués de ceux qui étaient obtenus par le procédé en creux. Ce moment s’est situé dans les années 1970, alors que les sujets en noir et blanc étaient en train de céder la place aux sujets en couleurs représentés par des films positifs du type Ektachrome. C’est pourquoi l’héliogravure, dont les formes imprimantes ont toujours été préparées à un coût élevé, a été progressivement abandonnée au profit de l’offset, qui est devenu le procédé universel capable de tout faire.

Pendant que les machines à feuilles assumaient la production des travaux artistiques à tirages relativement modestes, les rotatives à bobines ont emprunté la voie des gros tirages – au moins deux cent mille exemplaires –, où elles ont connu une expansion considérable. Dans le courant des années 1930 ont en effet commencé à paraître en Europe des hebdomadaires abondamment illustrés en noir et blanc – souvent des suppléments de quotidiens – reproduisant, en même temps que quelques textes appropriés, des documents photographiques que les agences fournissaient en quantités croissantes et que les journaux ordinaires ne pouvaient pas absorber. Ces hebdomadaires étaient imprimés en héliogravure sur des presses étroites (ordre de grandeur: 1 mètre) et lentes (ordre de grandeur: de 2 000 à 3 000 tours par heure), faites d’un dérouleur, de deux groupes imprimants – un pour le recto, un pour le verso – et d’une plieuse. Ces machines ont rapidement reçu un groupe supplémentaire déposant une couleur d’accompagnement sur un côté du papier, puis deux groupes supplémentaires, tandis que leur laize s’élargissait et que leur vitesse augmentait.

La grande expansion des rotatives à bobines date des années 1960, quand les vues photographiques polychromes sont devenues banales. L’héliogravure était en effet mieux à même que l’offset – grâce à la simplicité mécanique de ses presses et à leur encrage ignorant la présence d’eau sur les formes imprimantes – d’appliquer des couleurs relativement vives sur des papiers bon marché, dont le prototype est le journal amélioré, support courant des périodiques à gros tirages. Pour répondre à l’ampleur des demandes, les presses ont élargi leur laize jusqu’à atteindre près de 3 mètres, ont doublé ou triplé la circonférence de leurs cylindres gravés et ont multiplié leur vitesse par un facteur supérieur à cinq. Elles ont reçu dans une première étape cinq groupes, qui leur permettaient d’imprimer des quadrichromies sur un côté de la bande et du noir sur l’autre, dans une seconde étape huit groupes, qui leur donnent la possibilité d’appliquer quatre couleurs sur les deux côtés. Elles délivrent des cahiers de seize, vingt-quatre ou trente-deux pages, qui sont produits – selon la laize et le développement des cylindres – à raison de un, deux, quatre ou six au tour. La plupart des rotatives modernes sont construites sur commande pour répondre à des besoins précis. Elles ont un nombre variable de groupes, de dérouleurs et de plieuses.

D’autres rotatives héliographiques à bobines, comportant une laize relativement modeste (voisine de 1 mètre) et comprenant plusieurs groupes, sont utilisées dans l’industrie de l’emballage, où elles impriment soit du carton – elles sont alors équipées de sorties à plat débitant des feuilles rangées en piles –, soit des pellicules plastiques – elles sont souvent dans ce cas munies d’un système de rembobinage.

3. La finition

Le papier imprimé, en feuilles ou en bobines, est porté dans les ateliers de façonnage, où il reçoit l’aspect final sous lequel il est livré au public, aspect qui est souvent celui de livres et de périodiques. Une exception est celle des quotidiens, qui arrivent des presses tout prêts à la vente.

Les opérations qui conduisent à la production de livres et de périodiques portent le nom de brochage ou de reliure, selon que les ouvrages auxquels elles donnent naissance sont revêtus de couvertures souples ou de couvertures rigides. Elles ont été manuelles jusqu’à la fin du XIXe siècle, époque à laquelle sont apparues les premières machines, qui exécutaient chacune une opération séparée et qui se sont lentement répandues dans les ateliers pendant la première moitié du XXe siècle. Depuis la Seconde Guerre mondiale, on associe souvent plusieurs machines dans des ensembles mécaniques – des chaînes – capables d’assurer automatiquement sinon toutes les opérations du façonnage, du moins une bonne partie d’entre elles.

Pliure

La première opération du façonnage est la pliure. Elle a pour but de transformer le papier imprimé en cahiers. Elle est exécutée par des plieuses, dispositifs mécaniques qui sont indépendants des presses lorsque le tirage est fait sur des machines à feuilles, mais qui font partie intégrante des presses lorsque le tirage est accompli par des rotatives à bobines (dont c’est un des avantages de produire des cahiers prêts au brochage et à la reliure, mais qui ont l’inconvénient d’un format fixe ou faiblement variable, alors que les machines à feuilles autorisent toutes les dimensions). Les cahiers comprennent le plus souvent seize ou trente-deux pages, parfois douze ou vingt-quatre, rarement moins, rarement plus.

Brochage

Les opérations de brochage intéressent les cahiers pliés. Elles donnent naissance soit à des brochures et à des livres brochés lorsque les cahiers, réunis dans le nombre et dans l’ordre voulus, sont revêtus d’une couverture souple (parfois supprimée par économie, la première page du premier cahier portant dans ce cas le titre), soit à des blocs (encore appelés corps d’ouvrages) lorsque les cahiers sont appelés à former des livres reliés par apposition – ultérieure – d’une couverture rigide. Les cahiers sont associés dans le nombre et dans l’ordre voulus par encartage ou par assemblage.

L’encartage consiste à insérer les cahiers les uns dans les autres. Il donne naissance à des brochures ayant un nombre de pages limité (dépassant rarement cent soixante), dont les cahiers sont solidarisés entre eux et à la couverture par des piqûres métalliques à cheval. Il est exécuté par des encarteuses-piqueuses intégrées, qui assurent non seulement l’insertion des cahiers les uns dans les autres, mais encore l’application de la couverture (quand elle existe), la piqûre métallique et aussi le rognage, c’est-à-dire la découpe des bords, ainsi que, dans certains cas, le comptage et l’emballage par paquets, le tout à une vitesse comprise entre cinq mille et dix mille exemplaires à l’heure.

L’assemblage consiste à superposer les cahiers les uns aux autres. Il autorise un nombre élevé de pages, solidarisées entre elles et à la couverture soit par une couture au fil textile suivie d’un collage, soit par un collage seul. Il est exécuté par des machines de grande dimension, les assembleuses, qui peuvent travailler seules, mais sont le plus souvent intégrées à des chaînes de brochage, qui assurent, à l’allure de cinq à dix mille exemplaires à l’heure, non seulement la superposition des cahiers, mais encore l’application de la couverture, le collage et le rognage, ainsi que, dans certains cas, la peinture des tranches, suivie de l’emballage par paquets comptés.

Reliure

Les opérations de reliure intéressent, d’une part, les blocs (cousus et collés ou simplement collés) venant du brochage, d’autre part les couvertures rigides (préparées dans des conditions définies). Elles s’achèvent par l’emboîtage des blocs dans les couvertures. Elles sont généralement exécutées, à l’exception de celles qui concernent les couvertures, par des chaînes de reliure groupant une dizaine de machines reliées par des transporteurs à courroie et produisant entre quinze cents et trois mille exemplaires à l’heure.

– Les opérations qui intéressent les blocs brochés sont multiples. Elles comprennent, entre autres, la pose des gardes, le rognage trois faces, l’arrondissure (pour les ouvrages à dos rond), la pose d’une mousseline, de tranchefiles (en tête et en pied) et éventuellement de signets.

– Les opérations qui intéressent les couvertures sont le découpage des cartons et des matériaux de recouvrement (papier imprimé pelliculé ou toile et cuir synthétique), puis leur association par collage à l’aide de machines couverturières. Elles comprennent aussi l’impression ou la dorure de la toile et du cuir synthétique.

imprimerie [ ɛ̃primri ] n. f.
• v. 1500; de imprimer
1Art d'imprimer (des livres); ensemble des techniques permettant la reproduction d'un texte, d'une illustration par impression. Imprimerie typographique ( typographie) , lithographique ( lithographie, offset, phototypie) ; imprimerie en taille-douce. L'imprimerie et les arts du livre. édition, librairie, presse. Caractères d'imprimerie ( œil, 1. point, type) . Écrire en lettres d'imprimerie. Encre, rouleau d'imprimerie. Travaux d'imprimerie. labeur (cf. Ouvrage de ville). Métiers de l'imprimerie. assembleur, clicheur, compositeur, correcteur, justificateur, linotypiste, metteur (en pages), prote, typographe.
2(1523) Établissement, lieu où l'on imprime (des livres, des journaux, etc.). Le matériel, le personnel d'une imprimerie.
Matériel artisanal servant à l'impression (presse, etc.). Imprimerie portative.

imprimerie nom féminin Ensemble des techniques et métiers qui concourent à la fabrication d'ouvrages imprimés. Établissement où l'on imprime des livres, des journaux, etc. Ensemble du matériel de cet établissement. ● imprimerie (citations) nom féminin Victor Hugo Besançon 1802-Paris 1885 L'archidiacre considéra quelque temps en silence le gigantesque édifice, puis étendant avec un soupir sa main vers le livre imprimé qui était ouvert sur la table et sa main droite vers Notre-Dame, et, promenant un triste regard du livre à l'église : — Hélas ! dit-il, ceci tuera cela. Notre-Dame de Paris Victor Hugo Besançon 1802-Paris 1885 Avant l'imprimerie, la Réforme n'eût été qu'un schisme, l'imprimerie l'a faite révolution. Ôtez la presse, l'hérésie est énervée. Que ce soit fatal ou providentiel, Gutenberg est le précurseur de Luther. Notre-Dame de Paris imprimerie (expressions) nom féminin Imprimerie intégrée, atelier d'imprimerie fonctionnant dans le cadre d'une entreprise ou d'une administration. ● imprimerie (synonymes) nom féminin Ensemble des techniques et métiers qui concourent à la fabrication...
Synonymes :
- industries graphiques

imprimerie
n. f.
d1./d Art d'imprimer, technique de l'impression (sens I, 1). L'invention de l'imprimerie.
d2./d établissement où l'on imprime. Fonder une imprimerie.
d3./d Matériel servant à imprimer. Imprimerie portative.
Encycl. Les principaux procédés d'impression utilisés en imprimerie sont la typographie, l'offset et l'héliogravure. Dans la typographie, l'encre est déposée sur des éléments imprimants en relief, avant d'être transférée sur le papier. Dans le procédé offset, un film réalisé à partir de la composition est mis au contact d'une plaque métallique recouverte d'une couche photosensible; après insolation et développement, cette plaque est encrée. Des rouleaux de caoutchouc reportent les textes et illustrations de la plaque sur le papier. En héliogravure, on réalise un film positif, que l'on copie sur un papier photographique tramé; ce papier est appliqué sur un cylindre; les régions non imprimantes sont protégées par un vernis; les autres sont attaquées par du chlorure de fer, qui creuse des alvéoles plus ou moins profonds, de sorte que l''encrage produit des demi-teintes.

⇒IMPRIMERIE, subst. fém.
A. — Ensemble des techniques d'impression permettant la reproduction, à un nombre quelconque d'exemplaires, de signes ou d'images (généralement de textes) sur un support de papier (ou une matière assimilable au papier) sous forme de feuilles simples, de livres, brochures et journaux. L'art de l'imprimerie, la découverte de l'imprimerie. De 1436 à 1452, l'imprimerie est inventée; l'imprimerie, texte de tant de déclamations, de tant de lieux communs, et dont aucun lieu commun, aucune déclamation, n'épuiseront jamais le mérite et les effets (GUIZOT, Hist. civilisation, leçon 11, 1828, p. 35). L'imprimerie a donné à la parole un caractère rassurant de durée et d'universalité (J.-R. BLOCH, Dest. du S., 1931, p. 221) :
1. Dès que l'imprimerie parut et permit de multiplier le mot et l'idée, dès qu'elle les fit pénétrer de plus en plus largement dans des masses qui vivaient encore abritées par leurs traditions sensibles, la « civilisation du livre », comme l'a déjà appelée Lucien Febvre, donna son plein.
HUYGHE, Dialog. avec visible, 1955, p. 29.
[En fonction de déterm.] Caractère, encre, presse d'imprimerie. Celui-ci (...) sortit de sa poche de veston un paquet d'épreuves d'imprimerie. — Quand sort-elle? demanda Jean de La Monnerie. — Le mois prochain, dit Simon (DRUON, Gdes fam., t. 1, 1948, p. 35).
Ouvrier d'imprimerie (vieilli), prote d'imprimerie; travaux d'imprimerie. Il avait été typographe dans son jeune temps, puis correcteur d'imprimerie (DUHAMEL, Suzanne, 1941, p. 228).
B. — P. méton.
1. [Avec l'art. déf.] Activité artisanale (ou industrialisée) et commerciale de l'impression. Travailler dans l'imprimerie. Le décret du 5 février 1810 contenant règlement sur l'imprimerie et la librairie supprima la liberté de la profession d'imprimeur (Civilis. écr., 1939, p. 44-6) :
2. ... un livre n'est pas le produit d'une industrie immédiate; il exige le concours de plusieurs commerces, qu'il résume et qu'il a créés : le chiffon, le papier, la fonderie, l'imprimerie, la brochure, la librairie et la gravure, sans compter le timbre et la poste, qui l'atteignent dans les revues.
BALZAC, Corresp., 1839, p. 677.
Vocab. des techn. d'impression. Qui ne sait qu'en imprimerie les placards sont précisément l'opposé des bons à tirer (BALZAC, Corresp., 1836, p. 107).
2. a) Établissement où l'on imprime. Envoyer un manuscrit, des épreuves à l'imprimerie. Ce Monsieur Laversin est le pensionnaire modèle : il travaille toute la nuit, dans l'imprimerie d'un journal (DUHAMEL, Notaire Havre, 1933, p. 177). « Dis donc, je voulais te demander : c'est à Paris que tu travaillais? » « Non, dit le typo, à Lyon. » « Où ça? » « À l'imprimerie Levrault » (SARTRE, Mort ds âme, 1949, p. 223) :
3. ... un coup de téléphone arriva de Berlin : l'An Quarante était interdit et la copie du onzième numéro venait d'être saisie à l'imprimerie avant tirage.
AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p. 117.
L'Imprimerie nationale. Établissement chargé de l'impression des actes officiels, des imprimés administratifs, d'ouvrages publiés par l'État. C'est de l'Imprimerie nationale des lois, devenue en germinal an III l'imprimerie de la République, que l'Imprimerie nationale actuelle est la fille légale (Civilis. écr., 1939, p. 16-16).
b) Établissement où l'on tire des estampes. Imprimerie d'art. Le véritable avènement du nouveau procédé [la lithographie] date de l'installation à Paris, en 1815 et 1816, des deux premières imprimeries lithographiques, celles d'Engelmann et du comte de Lasteyrie (DACIER, Grav. fr., 1944, p. 111).
c) P. méton. Personnel d'une imprimerie. Tandis que toutes les imprimeries de journaux bouillonnaient de colère, de la rue du Coq-Héron à la rue Montmartre, le public lisait curieusement les premiers numéros de La Presse (MORIENVAL, Créateurs gde presse, 1934, p. 57).
3. Ouvriers du livre. Ce fut un véritable mouvement dans toute l'imprimerie de la capitale, au point d'en inquiéter la police (LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 618).
4. Matériel (à caractère artisanal) servant à imprimer. Imprimerie portative. Il y avait (...), entre les deux fenêtres, une petite imprimerie, pour les étiquettes (ZOLA, Bonh. dames, 1883, p. 670). De petites imprimeries rotatives, facilement manœuvrées par un fonctionnaire de la bibliothèque, produisent des fiches d'une lecture facile et d'un aspect agréable (Civilis. écr., 1939, p. 52-4).
5. Rare. Texte imprimé. C'est pour moi une véritable souffrance de songer à cette masse énorme de papier qui se couvre d'imprimerie pour un jour, qu'on jette ensuite dans la poubelle [paroles attribuées à P. Claudel] (GIDE, Journal, 1905, p. 192).
Prononc. et Orth. : []. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1523 « art d'imprimer des livres » (Doc. ds L. WOLF, Buchdruck, p. 218); 2. a) 1523 « établissement, lieu où l'on imprime » (Doc., ibid., p. 216); b) 1566 « matériel servant à l'impression » (RIVAUDEAU, A. Babinot, p. 23 ds HUG.). Dér. de imprimer; suff. -erie. Fréq. abs. littér. : 761. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 1 898, b) 1 405; XXe s. : a) 424, b) 608.

imprimerie [ɛ̃pʀimʀi] n. f.
ÉTYM. V. 1500 (1523, in T. L. F.); de imprimer.
1 Technique de la composition et de l'impression des imprimés ( Imprimer, II., 2.); ensemble des techniques permettant la reproduction d'un texte par impression (d'abord d'un assemblage de caractères mobiles, puis d'un texte composé par divers procédés optiques). || L'imprimerie succéda au XVe siècle à l'impression par planches gravées ( Tabellaire, xylographie). || L'imprimerie, moyen de diffusion de la pensée (→ Artillerie, cit. 8; édifice, cit. 10; gravure, cit. 3). || Techniques utilisées en imprimerie : imprimerie typographique ( Typographie), lithographique ( Lithographie, offset, phototypie); imprimerie en taille-douce, imprimerie en photocomposition programmée.L'imprimerie et les arts du livre. Édition, librairie, presse. || L'influence de l'imprimerie sur la société, la culture. → la Galaxie Gutenberg.
1 L'imprimerie fut inventée par eux (les Chinois) dans le même temps. On sait que cette imprimerie est une gravure sur des planches de bois, telle que Gut(t)enberg la pratiqua le premier à Mayence, au quinzième siècle.
Voltaire, Essai sur les mœurs, 1.
2 L'invention de l'imprimerie est le plus grand événement de l'histoire (…) C'est le mode d'expression de l'humanité qui se renouvelle totalement, c'est la pensée humaine qui dépouille une forme et qui en revêt une autre (…) Sous la forme imprimerie, la pensée est plus impérissable que jamais (…) Et quand on observe que ce mode d'expression est non seulement le plus conservateur, mais encore le plus simple, le plus commode (…) comment s'étonner que l'intelligence humaine ait quitté l'architecture pour l'imprimerie ?
Hugo, Notre-Dame de Paris, I, V, II.
3 L'imprimerie est apparue, le livre a commencé de voyager parmi les peuples, et notre humanité, presque tout de suite, a changé de visage, de démarche, de propos et de pouvoirs.
G. Duhamel, Défense des lettres, Préface.
Caractères d'imprimerie. Cadrat, cadratin, caractère (I., supra cit. 5), espace, filet, fonte (3.), garniture, interligne, lettre, lettrine, ligne, marge, mobile (n. m.), signe (typographique)…; cul-de-lampe, vignette. || Formes, dimensions des caractères d'imprimerie. Type (aldin, antique, égyptienne, elzévir, gothique, italique, normande, romain…), point (canon, cicero, diamant, gaillarde [II., 2.], mignonne, nonpareille, parangon, perle, texte), œil (gros œil, petit œil). || Empreinte d'un caractère d'imprimerie noirci à la fumée. Fumé.Opérations d'imprimerie : fonte des caractères (anciennt) à la main ( Biveau, fonderie), à la machine ( Monotype, linotype; frappe…); composition des caractères ( Composer, composition; apprêter, approche, assembler; blanc, blanchir; créner, débloquer, éclaircir, espacement, justification, justifier, marger, taquer; bardeau, 3. casse, casseau, cassetin, 2. cassier, composteur, galée, lignomètre, picamètre, taquoir, taquon, typomètre…), confection et correction des épreuves ( 2. Bon [à tirer], épreuve, morasse, placard, tierce; coquille [III.], correction, deleatur), mise en page (des textes, titres, notes, folios, clichés, marges, etc. Habillage; réclame, signature), imposition ( Imposer, réimposer; châssis, forme, marbre, ramette; format), clichage ( Cliché; clicher; empreinte, flan, stéréotype), approvisionnement en papier ( Passe), préparation du papier ( Trempage), encrage de la composition ou de l'empreinte ( Encrage, encrer), impression et tirage ( Tirage, tirer; presse [frisquette, tympan; encrier, platine, pointure, rouleau, train]; blanc [machine en blanc], minerve, retiration [presse à retiration], rotative).Défauts de tirage en imprimerie. Bavoché, bavure, foulage, gris (page grise), larron, 1. mâchurer, maculage, maculer, moine, surimpression.Papier d'imprimerie. || Encre d'imprimerie.Pliage et assemblage des feuilles d'imprimerie ( Assemblage, brochure, cahier, carton, collationner, encartage, encarter, encartonner, feuille, feuillet, livraison, onglet, page, pliage, pliure), rognage ( Massicot).Travaux d'imprimerie. Labeur, ville (ouvrages de ville). → Assujettir, cit. 10. || Métiers d'imprimerie. Assembleur, clicheur, compositeur, conducteur, correcteur (cit. 3), imposeur, justificateur, linotypiste, metteur (en page), prote, typographe.
4 Sous le titre : « Analyse », qui est en grosses lettres d'imprimerie bien noires et arrondies, un paquet de lignes manuscrites (…)
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, V, XIII, p. 95.
2 (1523). Une, des imprimeries. Établissement, lieu où on imprime (des livres, des journaux…). → 1. Embarras, cit. 10; espérer, cit. 21. || Grande imprimerie, imprimerie moderne. || Cette imprimerie intègre un atelier de composition, un atelier de reliure. || Le matériel, le personnel d'une imprimerie. || Envoyer un manuscrit, des épreuves à l'imprimerie. || Registres de l'imprimerie ( Grébiche).(En France). || L'Imprimerie nationale, affectée à l'impression des actes officiels, d'ouvrages publiés par l'État.
5 L'imprimerie (…) s'était établie dans cette maison vers la fin du règne de Louis XIV. Aussi depuis longtemps les lieux avaient-ils été disposés pour l'exploitation de cette industrie. Le rez-de-chaussée formait une immense pièce éclairée sur la rue par un vieux vitrage (…)
Balzac, Illusions perdues, Pl., t. IV, p. 469.
6 La Sanction s'imprimait (…) au premier étage des Imprimeries associées (…) Gureau (…) longeait l'allée centrale entre les machines (…) L'odeur d'imprimerie — cette odeur de papier moite, d'encre, d'huile chauffée, de métal mou — (…) l'inquiétait. Les bruits : ronronnements, roulements, cliquetis, achevaient de le mettre mal à l'aise (…)
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. V, XXV, p. 241.
3 (1566). Matériel servant à l'impression. || Une imprimerie portative.
4 Par métonymie. Le personnel d'une imprimerie. || Une partie de l'imprimerie s'est mise en grève.Le personnel des imprimeries; les ouvriers et employés d'imprimerie.

Encyclopédie Universelle. 2012.