TERROIR
TERROIR
Territoire présentant certains caractères qui le distinguent du point de vue agronomique des territoires voisins (exemple: en montagne, les terroirs de vallée, les terroirs de versants), le terroir est aussi l’espace soumis à certaines techniques culturales de fond: terroir irrigué en terrasses, assolé. L’existence de terroirs bien définis s’explique par l’interaction des facteurs écologiques (sol, pente, eau, microclimat), des techniques culturales et des conditions de commercialisation. Les terroirs diversifiés marquent la vie agricole de la vieille Europe, parfois fractionnés à l’extrême (montagnes, bassin de la Méditerrannée). En montagne, le terroir est à l’échelle du village, exigu, défini par l’exposition, la pente, les dangers naturels: avalanches, inondations. Les terroirs homogènes conduisent à une seule orientation. Ils sont rares en France (Beauce, Soissonnais, Landes), plus fréquents dans les pays aux unités naturelles géantes (Ukraine, Prairie nord-américaine). En pays de vignoble, la qualité du sol varie de parcelle à parcelle et à l’intérieur de celles-ci (plaine, arrière-côte de Bourgogne). Les qualités typiques d’un sol donnent au vin son goût de terroir (création des vins de terroir en France). Enfin, le terme de terroir peut désigner l’espace diversifié, mais complémentaire, qui assure à un groupe rural les ressources indispensables (terroirs bamiléké ou koukouya en Afrique noire).
Certains terroirs particuliers exigent des techniques appropriées: marais, étangs, vasières, sols salés. Leur exploitation implique une bonification. La plupart des zones agricoles sont mises en valeur de manière discontinue, chaque terroir correspondant à une combinaison variable des espaces cultivables et des zones incultes: rochers, maquis, broussailles, dont la proportion dépend des aptitudes naturelles de la région et de l’attitude des hommes (périodes de défrichements suivies de phases de régression, en fonction des pulsations démographiques par exemple). On reconnaît aux terroirs une morphologie différenciée: en écheveau (longues lanières curvilignes); en mosaïque (grands champs trapus et réguliers); en puzzle (parcelles irrégulières du bocage, correspondant à un habitat dispersé et à une mise en valeur discontinue).
terroir [ terwar ] n. m.
• 1246; tieroer 1198; lat. pop. °terratorium, altér. gallo-rom. de territorium → territoire
1 ♦ Étendue limitée de terre considérée du point de vue de ses aptitudes agricoles. ⇒ 1. sol, terrain. — Spécialt Sol apte à la culture d'un vin. Terroir produisant un grand cru. Vin qui a un goût de terroir, un goût particulier tenant à la nature du sol où pousse la vigne.
2 ♦ (XIXe) Fig. Région rurale, provinciale, considérée comme influant sur ses habitants. Une famille « solidement enracinée dans ce terroir » (Maurois). — « Idiotismes qui sentent leur terroir » (Gautier). Accent du terroir. Poètes du terroir.
● terroir nom masculin (latin populaire terratorium, du latin classique territorium) Ensemble des terres exploitées par les habitants d'un village. Ensemble des terres d'une région, considérées du point de vue de leurs aptitudes agricoles et fournissant un ou plusieurs produits caractéristiques, par exemple un vin. Province, campagne considérées comme le refuge d'habitudes, de goûts typiquement ruraux ou régionaux : Un écrivain du terroir. ● terroir (expressions) nom masculin (latin populaire terratorium, du latin classique territorium) Avoir un goût de terroir, sentir le terroir, avoir un caractère particulier tenant aux origines, au pays qu'on habite.
terroir
(école du) école littéraire québécoise fondée en 1909 par Albert Ferland (1872-1943). En fait, une telle tendance est bien antérieure: du XVIIIe s. à la Révolution tranquille des années 1960, l'église prône le triple attachement à la terre, à la langue française et à la foi chrÉtienne, préservant ainsi la nation québécoise et l'usage du français mais favorisant le régionalisme et la moralisation. En 1846, la Terre paternelle de Patrice Lacombe narre la déchéance d'un déviant. Peu après, Jean Rivard (2 vol., 1862-1864) montre la fidélité de Gérin-Lajoie à cette tendance bien-pensante qu'illustrent au XXe siècle le Français Louis Hémon et Félix-Antoine Savard, et que battent en brèche Jean-Charles Harvey (les Demi-Civilisés, 1934) et Ringuet (Trente Arpents, 1938).
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terroir
n. m.
d1./d Région, considérée du point de vue de la production agricole (vinicole, en partic.).
d2./d Par ext. Le terroir: la campagne, les régions rurales. Produit qui a le goût du terroir, qui est naturel, non frelaté.
|| Fig. Du terroir, de terroir: qui est enraciné dans les moeurs, dans la civilisation rurale. Expression du terroir.
⇒TERROIR, subst. masc.
A. — Étendue de terre exploitée.
1. Rare. Domaine, territoire. Donc, en ces temps damnés, une très noble dame Vivait en son terroir, près la cité de Meaux (LECONTE DE LISLE, Poèmes barb., 1878, p. 281). Les souilles ne sont pas les mêmes l'été et l'hiver, ce sont là choses bien connues sur tout terroir de chasse (VIDRON, Chasse, 1945, p. 93).
2. Ensemble de terres exploitées diversement par une collectivité rurale. Terroir communal. S'il s'agissait d'histoire, on commencerait à l'instruire [l'enfant] de celle de son village et des hameaux avec lesquels il fait terroir; du canton où il ira les jours de foire (PESQUIDOUX, Livre raison, 1932, p. 175). Je voudrais (...) entrer dans l'âme de ce sauvage que nous étions, il y a si peu de temps encore, deux mille ans (...), quand il fondait l'un des plus vieux terroirs du monde (...), défrichait la forêt, étendait la clairière, bâtissait les chemins, créait la campagne (GUÉHENNO, Journal « Révol. », 1937, p. 83).
3. Étendue de terre présentant une certaine homogénéité physique, originelle ou liée à des techniques culturales (drainage, irrigation, terrasses), apte à fournir certains produits agricoles. Terroir de vallée, de versant; terroir de graviers, de tuf, de sable; terroir à céréales; terroir fertile, maigre, pauvre; bon terroir; le terroir de Champagne, de la Beauce; fruits, produits du terroir. Ce terroir opulent qui s'étend de Nérac à Villeneuve, d'Agen à Marmande (...), pays de produits de luxe, et d'où l'on descend vers le fleuve aux larges eaux, la Garonne (PESQUIDOUX, Livre raison, 1932, p. 165).
— En partic. Ces terres considérées du point de vue de la nature du sol qui communique un caractère particulier aux productions, notamment au vin. Cette nature de terroir explique le goût particulier du vin de Soulanges, vin blanc, sec, liquoreux, presque semblable à du vin de Madère (BALZAC, Paysans, 1850, p. 300). Le kilogramme de raisins noirs d'Ay, fixé à 1 fr. 25 (...), M. Dumesnil acheta au même taux dans les grands terroirs: Cramant, Avize, Verzenay, pour descendre à (...) cinquante centimes dans les petits vignobles (HAMP, Champagne, 1909, p. 133).
♦ Sentir le terroir, avoir la saveur, le goût du terroir. Avoir le goût particulier dû à la nature du sol. Le jeune homme (...) goûte ce pain et ce vin qui ont la saveur de leur terroir (PESQUIDOUX, Chez nous, 1921, p. 66).
♦ Vin de terroir. Vin dont le goût particulier tient à la nature du sol. Nous ferons notre dîner de ces fruits des Hespérides, avec un vin de terroir qui magnifie le goût des pêches (T'SERSTEVENS, Itinér. esp., 1963, p. 245).
B. — Région, province, pays considéré(ée) dans ses particularités rurales, ses traditions, sa culture, ses productions et du point de vue du caractère des personnes qui y vivent ou en sont originaires. Terroir breton, charentais, lorrain, gaulois; avoir l'amour du terroir; être enraciné dans le terroir; la France, terroir fertile en talents; goût, saveur, odeur, parfum, senteur de terroir; esprit de terroir; avoir l'accent du terroir; chants, contes, coutumes, dictons, légendes, proverbes du terroir; artiste, peintre, poète de/du terroir. C'est encore un plaisir d'entendre ces idiotismes pittoresques régner sur le vieux terroir du centre de la France (SAND, Mare au diable, 1846, p. 162). N'en déplaise à ceux qui pourraient nier l'influence du terroir, je sentais qu'il y avait en moi je ne sais quoi de local et de résistant que je ne transplanterais jamais qu'à demi (FROMENTIN, Dominique, 1863, p. 137).
♦ Sentir, fleurer le/son terroir. Avoir les caractéristiques d'une région, de la campagne. Mots qui sentent le terroir. C'est un hôtel savoureux, comme on en rencontre dans les récits de chasse, et qui sent son terroir et la meilleure province. Devant les chenets de son feu, on doit toujours conter des histoires gauloises, impayables (BENJAMIN, Gaspard, 1915, p. 105). Son accent prit une intonation sarcastique, qui n'était pas sans saveur et sentait le terroir normand (MARTIN DU G., Thib., Cah. gr., 1922, p. 732).
— P. ext. Milieu d'origine de quelqu'un. Savez-vous que ce que vous dites là, Villefort, sent la révolution d'une lieue? Mais je vous pardonne: on ne peut pas être fils de girondin et ne pas conserver un goût de terroir (DUMAS père, Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 63).
Prononc. et Orth.:[], [te-]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1212 tieroir « territoire » (Vente, Ctes d'Art., 47, A. Pas-de-Calais ds GDF. Compl.); 1229 terroir (Trésor des Chartes du Comté de Rethel, éd. G. Saige, I, 101, 22 ds MORLET, p. 216); d'où 2. 1283 terroir « terrain considéré par rapport à l'agriculture » (PHILIPPE DE BEAUMANOIR, Coutumes, éd. A. Salmon,773); 1549 goust du terroir (à propos d'un vin) (EST., s.v. goust); 1561 fig. resentir son terroir (d'un homme) (J. GRÉVIN, Théâtre compl., éd. L. Pinvert, Au lecteur, p. 49). Du lat. pop. terratorium du class. territorium, territoire d'apr. terra, terre. Fréq. abs. littér.:120.
terroir [tɛʀwaʀ] n. m.
ÉTYM. 1246; 1198, tieroer; du lat. pop. terratorium, altér. gallo-romaine de territorium. → Territoire.
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1 Vx. Territoire, contrée. || « Allez donner mes lois à ce terroir fertile » (Corneille, Cinna, II, 1).
2 (V. 1283). Étendue de terre (⇒ Terre, I., 3., a) assez limitée, considérée du point de vue de ses qualités ou de ses aptitudes agricoles. ⇒ Sol, terrain (I., 2.). — Spécialt. Sol apte à la culture d'un vin (→ Gourmandise, cit. 6). || Terroir produisant un petit vin (vin de pays), un grand cru. || Vin qui sent, qui ne dément (cit. 8) pas son terroir, a un goût de terroir : vin dont le goût particulier provient de la nature du sol où pousse la vigne.
0 Sur la colline, le terroir est assez maigre et coupé de roches, mais il produit d'excellent clairet (…)
Th. Gautier, les Grotesques, III, p. 67.
3 (XIXe; 1862, Fromentin). Région rurale, provinciale, considérée comme la cause des caractères particuliers de ceux qui y vivent ou qui en sont originaires. ⇒ Origine. || Influence du terroir (→ Déplaire, cit. 20). || Famille enracinée (cit. 12) dans un terroir. || Il sent le terroir, son terroir : il est bien de sa campagne, de sa province. — (En parlant des faits de langue ou de culture). || Idiotismes qui sentent leur terroir (→ Gigantomachie, cit. 1). || Le rondeau (1. Rondeau, cit. 2) a un vieux parfum de terroir. || Accent du terroir. || Poètes du terroir.
Encyclopédie Universelle. 2012.