absolument [ apsɔlymɑ̃ ] adv.
• 1225; de absolu
1 ♦ D'une manière absolue, qui ne souffre aucune réserve. Il refuse absolument votre offre; d'obéir. Il veut absolument vous voir (cf. À tout prix). Il faut absolument le prévenir.
2 ♦ (Avec un adj.) Tout à fait. ⇒ 1. complètement, entièrement, foncièrement, totalement. C'est absolument faux. Il n'a absolument rien à dire. « Nous avons beau faire, nous ne pouvons pas être absolument naturels » (Larbaud). — (Pour acquiescer) C'est mieux ainsi. — Absolument. ⇒ oui.
3 ♦ Gramm. Verbe, nom employé absolument, sans l'expansion attendue.
● absolument adverbe D'une manière absolue ; sans aucune réserve ni limitation : Ce qu'il dit là est absolument faux. Maintenez-vous votre déclaration ? — Absolument. ● absolument (citations) adverbe Confucius, en chinois Kongzi ou Kongfuzi [maître Kong] 551-479 avant J.-C. Je ne veux ni ne rejette rien absolument, mais je consulte toujours les circonstances. Entretiens, IX, 18 (traduction S. Couvreur) ● absolument (difficultés) adverbe Orthographe Sans e intérieur et sans accent circonflexe (à la différence de indÛment). ● absolument (expressions) adverbe Employé absolument, se dit d'un verbe transitif (quelquefois d'un adjectif) employé sans complément (par exemple : Ne le fais pas attendre. Laisse-moi faire). ● absolument (synonymes) adverbe D'une manière absolue ; sans aucune réserve ni limitation
Synonymes :
- complètement
- entièrement
- véritablement
- vraiment
Contraires :
- éventuellement
absolument
adv. De manière absolue.
d1./d Sans limite, sans contrôle. Il dispose absolument de tout dans la maison.
d2./d Totalement, entièrement. Je suis absolument décidé. En êtes-vous convaincu? Absolument!
d3./d Sans faute, de toute nécessité. Je dois absolument aller à ce rendez-vous.
d4./d GRAM Verbe transitif employé absolument, sans complément d'objet (par ex., aimer dans le temps d'aimer).
⇒ABSOLUMENT, adv.
I.— Adv. de manière [Avec un mot exprimant une idée de volonté ou de nécessité] :
• 1. Messieurs, J'exposerai d'abord quels sont les dangers que présente le système d'hostilités qu'on propose; ensuite, si la guerre paroit inévitable, je dirai quelles précautions me semblent absolument indispensables pour qu'elle ne soit point fatale à la liberté.
M. ROBESPIERRE, Discours, Sur la guerre, t. 8, 1792, p. 132.
• 2. Franz fit appeler son hôte, qui se présenta avec son obséquiosité ordinaire.
— Maître Pastrini, lui dit-il, ne doit-il pas y avoir aujourd'hui une exécution?
— Oui, Excellence; mais si vous me demandez cela pour avoir une fenêtre, vous vous y prenez bien tard.
— Non, reprit Franz; d'ailleurs, si je tenais absolument à voir ce spectacle, je trouverais place, je pense, sur le mont Pincio.
A. DUMAS Père, Le Comte de Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 486.
• 3. 31 mai. — Deux choses absolument nécessaires à un grand écrivain et qui manquent absolument à Huysmans : l'intuition et l'enthousiasme.
L. BLOY, Journal, 1904, p. 352.
• 4. Je ne veux pas que tu te laisses aller à rêver. Je veux absolument t'arracher à cela. En causant je suis souvent entraîné à approuver des choses que tu me dis. Mais quand tu soupçonnes que ce n'est que par timidité de te contredire, n'accepte pas, fais-moi dire mon vrai jugement. Il n'est pas vrai que la vie de Paris puisse te disperser au point de te rendre inapte à tout. Je l'ai reconnu. Mais ce n'est pas vrai. Il faut te lever plus tôt. Il faut travailler. Il faut tenir.
J. RIVIÈRE, ALAIN-FOURNIER, Correspondance, lettre de J. R. à A.-F., mars 1910, p. 191.
• 5. La grande femme maigre. — Nous sommes complètement dédaignées! Il faut absolument que ça finisse! Elle. — Comment cela peut-il finir?
S. GUITRY, Le Veilleur de nuit, 1911, I, p. 4.
• 6. — J'aurais peut-être dû garder ça pour moi? ... N'est-ce pas?
— Non ... non ..., répond doucement Sampeyre. Clanricard reprend, d'une voix qui tremble presque :
— Je suis venu, parce que j'avais absolument besoin de parler de tout ça avec vous. Je n'aurais pas pu attendre demain soir.
J. ROMAINS, Les Hommes de bonne volonté, Le 6 octobre, 1932, p. 102.
II.— Adv. d'intensité de valeur superl.
A.— [Avec un adj., un verbe, un adv. positif ou une loc. équivalente] Tout-à-fait :
• 7. ... c'est une chose bien triste pour moi, et pour vous aussi, car de votre vie, Charles, jamais vous n'avez perdu d'ami plus profondément et plus tendrement et plus absolument dévoué.
V. HUGO, Correspondance, 1829, p. 460.
• 8. — Croyez-vous vous tirer d'affaire, Monsieur, sans avoir besoin de toucher à ces trois millions?
— Je l'espère, mais à condition toujours que le mariage, en se faisant, consolidera mon crédit.
— Pourrez-vous payer à M. Cavalcanti les cinq cent mille francs que vous me donnez pour mon contrat.
— En revenant de la mairie, il les touchera.
— Bien!
— Comment, bien, que voulez-vous dire?
— Je veux dire qu'en me demandant ma signature, n'est-ce pas, vous me laissez absolument libre de ma personne?
— Absolument.
— Alors, bien! Comme je vous disais, Monsieur, je suis prête à épouser M. Cavalcanti.
A. DUMAS Père, Le Comte de Monte-Cristo, t. 2, 1846, p. 501.
• 9. Un garçon était debout devant Saccard.
— Qu'est-ce que monsieur prend?
— Ah! oui ... ce que vous voudrez, une côtelette, des asperges.
Puis, il rappela le garçon.
— Vous êtes sûr que Monsieur Huret n'est pas venu avant moi et n'est pas reparti?
— Oh! Absolument sûr!
É. ZOLA, L'Argent, 1891, p. 9.
• 10. — Je suis absolument de votre avis, mon général! absolument! mais ...
LE GÉNÉRAL. — Mais, quoi?
MAROLLIER. — ... Mais il me semble que c'est tout le contraire.
LE GÉNÉRAL. — Comment, « vous êtes de mon avis et c'est tout le contraire »?
G. FEYDEAU, La Dame de chez Maxim's, 1914, III, 17, p. 70.
• 11. ... pour que tu m'aies parlé ainsi, comme tu m'aimes! »
— « Enfin! » gémit-elle. « Oui, je t'aime, passionnément, absolument. Va. Je n'aurai pas besoin d'effort pour quitter un monde où tu ne seras plus. À moi non plus la mort ne fait pas peur. Moi aussi, je sais que c'est le grand sommeil. Quand veux-tu que nous y entrions? Aujourd'hui, pour que tu n'aies plus à tant souffrir dans ta pauvre chair? Tout de suite, à cette minute où nous sommes si unis, si transparents l'un pour l'autre? Veux-tu? Je suis prête ».
P. BOURGET, Le Sens de la mort, 1915, p. 115.
• 12. C'est Madelon qui a recommencé la séance des griefs qu'elle avait contre Léon et avec une frénétique ampleur, en lui reposant des questions à n'en plus finir et tout haut à présent à propos de son affection et de sa fidélité. Pour nous deux Sophie et moi, c'était embarrassant au possible. Mais elle était tellement montée que ça lui était absolument égal que nous l'écoutions, au contraire.
L.-F. CÉLINE, Voyage au bout de la nuit, 1932, p. 604.
• 13. C'était eux! C'était eux toujours! Absolument, entièrement seuls! Ils voulaient pas moi que je m'en mêle, que je fasse même mine de les aider ... Que j'en tâte un peu ... C'était leur réserve absolue! Je trouvais ça extrêmement injuste. On pouvait plus du tout s'entendre.
L.-F. CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 357.
• 14. ... on conçoit que pour un Ferdinand Brunetière un Goncourt ait été, absolument et radicalement, le mal, l'adversaire.
A. THIBAUDET, Réflexions sur la littérature, 1938, p. 116.
• 15. Vouloir est la seule chose au monde qui dépende de moi plénièrement, absolument, exclusivement, qui soit, comme eût dit Épictète, radicalement eph'êmin; vouloir est, dans tous les cas, à mon entière discrétion et disposition.
V. JANKÉLÉVITCH, Le Je-ne-sais-quoi et le presque-rien, 1957, p. 227.
B.— Pour renforcer un mot à valeur négative
1. Adj. (ou une loc. équivalente) :
• 16. ... ce sont là des détails particuliers de théorie sur lesquels il nous est absolument inutile de nous arrêter.
P. CABANIS, Rapports du physique et du moral de l'homme, t. 2, 1808, p. 432.
• 17. ... elle se laissa entraîner, courant tandis qu'il marchait. Le quai en cet endroit allait en montant. Il lui semblait cependant qu'elle descendait une pente. Elle regarda de tous côtés. Pas un passant. Le quai était absolument désert. Elle n'entendait de bruit, elle ne sentait remuer des hommes que dans la cité tumultueuse et rougeoyante, dont elle n'était séparée que par un bras de Seine, et d'où son nom lui arrivait mêlé à des cris de mort. Le reste de Paris était répandu autour d'elle par de grands blocs d'ombre.
V. HUGO, Notre-Dame de Paris, 1832, p. 532.
• 18. Il lui disait la vérité sur tout; par exemple : — mais il me semble, lui disait-elle un soir, que vous dites à M. de Serpierre des choses absolument opposées à celles que vous pensez et que vous me dites à moi. Seriez-vous un peu faux? En ce cas, les personnes qui s'intéressent à vous seraient bien malheureuses.
STENDHAL, Lucien Leuwen, t. 2, 1836, p. 93.
• 19. — Et qu'est-ce que tu comptes faire de tes enfants, père Malgras? — dit Florissac.
— D'honnêtes gens si je puis, Monsieur Florissac.
— Il te faudra des protections.
— Et toi, Bourniche? — dit Mollandeux.
— Impossible, absolument..., absolument impossible, gnouf, gnouf? — répondit Bourniche avec la voix de Grassot.
E. et J. DE GONCOURT, Charles Demailly, 1860, p. 42.
• 20. J'ai trouvé pour votre journal ces deux titres qui se ressemblent, bien qu'absolument différents :le rappel. Maintenant, 2, mais laissant un peu d'espace : l'appel au peuple.
J'aime ce second titre.
V. HUGO, Correspondance, 1869, p. 159.
• 21. Il donnait par mois cent francs à cette dernière pour la nourriture; le vin, l'huile, les conserves étaient dans la maison. Mais il fallait quand même que la cuisinière arrivât au bout du mois, quitte à y mettre du sien. Quant à Marthe, elle n'avait rien; il la laissait absolument sans un sou.
É. ZOLA, La Conquête de Plassans, 1874, p. 1066.
• 22. ... ce petiot-là, nous en ferons un prêtre; et c'est ainsi que l'abbé Barbenton était entré au séminaire, puis envoyé successivement en qualité de vicaire dans divers villages et enfin promu curé au Val des Saints. Tous les ecclésiastiques auxquels Mgr Triaurault avait offert cette cure s'étaient récusés, sentant très bien la situation penaude qu'aurait un curé, en face d'un abbé de cloître.
Lui, avait accepté, sur la promesse qu'au bout d'un certain temps, il serait transféré dans une paroisse meilleure; ce qui était absolument invraisemblable, car il était bien évident que s'il réussissait dans sa lutte contre l'abbaye, l'évêque s'empresserait de le laisser sur place et que, dans le cas contraire, il ne lui donnerait aucun avancement ou n'hésiterait pas, s'il le jugeait par trop compromis, à le briser.
J.-K. HUYSMANS, L'Oblat, t. 2, 1903, p. 5.
• 23. Kohn se remit à questionner Christophe. Il s'informait de tous les gens du pays, demandait ce qu'était devenu celui-ci, celui-là, mettant une coquetterie à montrer qu'il se souvenait de tous. Christophe avait oublié son antipathie; il répondait, avec une cordialité reconnaissante, donnant une foule de détails, qui étaient absolument indifférents à Kohn, et qu'il interrompit de nouveau.
— Pardon, fit-il encore.
R. ROLLAND, Jean-Christophe, La Foire sur la place, 1908, p. 656.
• 24. « Je sens en moi l'existence d'une vie idéale dont je ne trouve le point d'origine dans aucune partie de mon corps. Je sens en moi deux sortes de rapports, absolument distincts :ceux que j'ai avec le monde matériel, par l'intermédiaire de mes organes, et ceux que j'ai avec le monde spirituel. La mort par la désagrégation des éléments matériels, supprime toute la première série de ces rapports; mais elle ne supprime pas la seconde. Et c'est là que je mets toute ma foi en la survivance de ma personnalité morale! »
R. MARTIN DU GARD, Jean Barois, 1913, p. 542.
• 25. Il est vrai que, comme on peut le lire dans le numéro suivant de la même feuille : « la révolution surréaliste nous prend à partie dans son dernier numéro. On sait que la bêtise de ces gens-là est absolument sans limites. » (Surtout, n'est-ce pas, depuis qu'ils ont décliné, sans prendre même la peine de vous répondre, votre offre de collaboration à monde?)
A. BRETON, Les Manifestes du Surréalisme, 1930, p. 115.
• 26. Il me paraissait, en tout état de cause, absolument inadmissible que 300 000 hommes de troupes alliées restassent l'arme au pied, tandis que la lutte générale était sur le point de s'engager.
J. JOFFRE, Mémoires, t. 2, 1931, p. 290.
2. Adverbe :
• 27. Edward m'a répondu à ces objections que le siècle où nous vivons porte exclusivement à ne reproduire que de semblables peintures, et que tous les jeunes gens en ce moment ne sont frappés que du laid, et ne se plaisent qu'à la représentation du laid. Quelque bizarre que puisse paraître un tel aveu de la part d'un homme qui est jeune lui-même, il est cependant sincère, et je le consigne ici comme un fait curieux pour la connaissance de l'esprit humain, au même moment où tous les hommes en place ne pensant absolument qu'à l'argent et où les hommes d'état jésuites veulent nous refouler dans la barbarie du moyen âge en renouvelant des lois sanguinaires contre le sacrilège, etc.
E.-J. DELÉCLUZE, Journal, 1825, p. 178.
• 28. Isabelle. Le Droguiste.
ISABELLE. — Vous avez à dire quelque chose, Monsieur le Droguiste?
ISABELLE. — À faire, alors?
Je reste une minute, pour la transition.
J. GIRAUDOUX, Intermezzo, 1933, I, 7, p. 68.
• 29. ... — je ne sais absolument pas de quoi vous voulez parler.
J. MALÈGUE, Augustin ou le Maître est là, t. 2, 1933, p. 441.
• 30. Philippe sursauta et devint écarlate, puis il éclata de rire en regardant Daniel dans les yeux :
— Vous en avez de bonnes! dit-il.
— Dame, écoute donc! dit Daniel en riant aussi, c'est tout de même à cause de lui que tu voulais te tuer. Philippe riait toujours.
— Mais pas du tout! Absolument pas.
— Alors à cause de qui? Tu cours à la Seine parce que tu as manqué de courage et pourtant tu proclames que tu détestes le courage.
J.-P. SARTRE, La Mort dans l'âme, 1949, p. 128.
3. Verbe :
• 31. — Vous avez une sœur en Italie, continua Lord Nelvil.
— Je le sais, reprit Lucile; en avez-vous des nouvelles?
— Non, dit Mylord Nelvil, depuis que je suis parti pour l'Amérique, j'ignore absolument ce qu'elle est devenue. — Hé bien, Mylord, nous le saurons en Italie.
G. DE STAËL, Corinne, t. 3, 1807, p. 348.
• 32. Il est difficile d'être plus jolie que ne l'était alors et que ne l'est encore aujourd'hui cette dame. Le charme que la grâce et la beauté répandaient autour d'elle ne permettait guère qu'à un homme de mon âge et de ma profession d'observateur, de s'apercevoir qu'avec beaucoup d'adresse elle manquait absolument d'esprit, et que, sous un maintien réservé jusqu'à la pruderie, elle cachait un cœur sec, des goûts trés-vifs et une conduite au moins équivoque.
V. DE JOUY, L'Hermite de la chaussée d'Antin, t. 3, 1813, p. 168.
• 33. ... pendant qu'elle faisait cette réflexion rapide, l'abbé Clément reprenait courage.
— Ma fille, lui dit-il, en modérant sa voix, mon ministère me défend absolument de répondre aux questions que vous pouvez m'adresser sur l'amour. Tout ce que je puis vous en dire, c'est que c'est une sorte de folie qui déshonore une femme si elle la laisse durer plus de quarante jours (la même durée que le carême), sans la consacrer par le sacrement du mariage; les hommes, au contraire, sont d'autant plus estimés dans le monde qu'ils ont déshonoré plus de jeunes filles ou de femmes.
STENDHAL, Lamiel, 1842, p. 100.
• 34. La voiture de Madame Cornouiller venait les prendre chaque dimanche, après midi. Il fallait aller à Monplaisir; c'était une obligation à laquelle il était absolument interdit de se soustraire. C'était un ordre établi, que la révolte pouvait seule rompre.
A. FRANCE, Crainquebille, Putois, Riquet, 1904, p. 59.
• 35. ... il n'y a de réel que l'ordre; mais, comme l'ordre peut prendre deux formes, et que la présence de l'une consiste, si l'on veut, dans l'absence de l'autre, nous parlons de désordre toutes les fois que nous sommes devant celui des deux ordres que nous ne cherchions pas. L'idée de désordre est donc toute pratique. Elle correspond à une certaine déception d'une certaine attente, et ne désigne pas l'absence de tout ordre, mais seulement la présence d'un ordre qui n'offre pas d'intérêt actuel. Que si l'on essaie de nier l'ordre complètement, absolument, on s'aperçoit qu'on saute indéfiniment d'une espèce d'ordre à l'autre, et que la prétendue suppression de l'une et de l'autre implique la présence des deux.
H. BERGSON, L'Évolution créatrice, 1907, p. 274.
III.— Emplois partic.
A.— LING. et LOG.
1. GRAMM. [En parlant d'un élément de syntagme] Employé absolument. Employé sans l'expansion attendue :
• 36. ... savoir l'existence de Dieu sans connaître ce qu'il est, sans comprendre qui est Dieu, sans pouvoir préciser ses déterminations, sa nature, ses propriétés, ses attributs; savoir quod sit, mais non quid ni à plus forte raison quis sit. Le deuxième esse étant copulatif, c'est-à-dire simple lieu de passage entre sujet et attribut, l'accent tonique, dans quid sit, est sur le ceci-ou-cela qui est l'intention même et la visée d'une hypothétique attribution : nous ignorons les prédicats d'une substance qui est supposée préexister, mais dont l'existence est laissée dans l'ombre. Employé absolument, intransitivement, catégoriquement, le premier esse est ontologique, et notre savoir porte sur la conjonction formelle et vide en tant qu'elle fait corps avec l'effectivité du verbe.
V. JANKÉLÉVITCH, Le Je-ne-sais-quoi et le presque-rien, 1957, p. 80.
2. SÉM. [En parlant d'un mot considéré du point de vue de son sens] Employé sans autre qualificatif.
— Pris absolument :
• 37. ... les mœurs, prises absolument, sont l'obéissance ou la désobéissance à ce sens intérieur qui nous montre l'honnête et le déshonnête, pour faire celui-là et éviter celui-ci. La politique est cet art prodigieux par lequel on parvient à faire vivre en corps, les mœurs antipathiques de plusieurs individus.
F.-R. DE CHATEAUBRIAND, Essai sur les Révolutions, t. 1, 1797, p. 169.
— Absolument parlant [En parlant d'une not.] En employant cette not. dans son ext. la plus gén. ou sa compréhension la plus stricte :
• 38. ... la science, absolument parlant, pourrait se passer d'être comprise ...
E. RENAN, Drames philosophiques, 1888, p. 138.
• 39. Nous l'écrivions dans une étude récente, entend-il signifier que l'Europe ne serait rien sans la foi, et que sa raison d'être a été, et demeure, de dispenser la foi au monde, Hilaire Belloc a raison de dire que l'Europe c'est la foi. Mais absolument parlant, non! L'Europe n'est pas la foi, et la foi n'est pas l'Europe; l'Europe n'est pas l'église, et l'église n'est pas l'Europe. Rome n'est pas la capitale du monde latin, Rome est la capitale du monde. Urbs caput orbis. L'église est universelle parce qu'elle est née de Dieu, toutes les nations s'y trouvent chez elles, les bras en croix de son maître sont étendus par-dessus toutes les races et toutes les civilisations.
J. MARITAIN, Primauté du spirituel, 1927, p. 144.
B.— MATH. Produit absolument convergent, ,,produit d'un nombre infini de facteurs , tel que si l'on pose = 1 + , la série soit absolument convergente. (Un tel produit est effectivement convergent, et sa valeur ne dépend pas de l'ordre des facteurs; elle ne peut être nulle que si l'un des facteurs est lui-même nul).`` (Lar. encyclop. Suppl.). Série absolument convergente, ,,Une série est absolument convergente lorsque la série des valeurs absolues de ses termes est convergente. Dans une telle série, on peut modifier comme on veut l'ordre des termes, sans en changer la somme. Lorsqu'une série convergente n'est pas absolument convergente, on dit qu'elle est semi-convergente.`` (Lar. encyclop., s.v. série).
C.— PHILOS. et LANG. ABSTR. :
• 40. Ainsi, dans les sciences mathématiques, on suppose toutes les lignes en général absolument droites, toutes les surfaces en général absolument planes, tous les solides en général absolument compactes, tous les corps en général absolument durs, le mouvement en général absolument libre; mais l'artiste qui met en œuvre les corps particuliers, ne trouve rien de tout cela, et il est obligé de tenir compte des déviations des lignes, des aspérités des surfaces, de la mollesse des corps, de la résistance des milieux, etc. etc.
L.-G.-A. DE BONALD, Législation primitive, t. 1, 1802, p. 7.
• 41. ... en un mot, d'après les caractères auxquels l'homme est naturellement porté à attribuer une valeur qu'ils n'ont foncièrement pas, et que fait évanouir une connaissance plus approfondie de la nature des êtres, à mesure que les progrès de la science mettent en évidence des faits plus cachés et permettent à la raison de saisir des rapports plus essentiels. Ce n'est pas que, dans l'ordre réputé avec fondement le plus naturel ou le plus vrai, il n'y ait encore des traces d'un ordre relatif et artificiel, accommodé à notre manière de concevoir les choses, plutôt qu'à l'exacte représentation de ce que les choses sont intrinsèquement et absolument.
A. COURNOT, Essai sur les fondements de nos connaissances, 1851, p. 128.
• 42. Il était agréable de penser qu'à Claquebue l'amour sensuel n'était pas seulement un piège tendu pour la conservation de l'espèce, mais qu'il existait absolument, gratuitement, sans avoir besoin d'un prétexte.
M. AYMÉ, La Jument verte, 1933, p. 275.
• 43. Il y a un premier dogmatisme, dont l'analyse réflexive nous débarrasse et qui consiste à affirmer que l'objet est en soi ou absolument, sans se demander ce qu'il est. Mais il y en a un autre, qui consiste à affirmer la signification présomptive de l'objet, sans se demander comment elle entre dans notre expérience. L'analyse réflexive remplace l'existence absolue de l'objet par la pensée d'un objet absolu, et, en voulant survoler l'objet, le penser sans point de vue, elle en détruit la structure interne.
M. MERLEAU-PONTY, Phénoménologie de la perception, 1945, p. 236.
Rem. 1. Comme tous les mots très usités, absolument subit le phénomène de catasémie. De sa valeur orig. « d'une manière absolue », il évolue vers une valeur superl., voire purement affirmative. De même absolu évolue (mais beaucoup moins vite que absolument du fait de son riche contenu sém.) vers une grammaticalisation croissante; en effet, on assiste à un éclatement de ce mot en une multitude de petits emplois. 2. Empl. comme adv. d'affirmation, renforcement d'une affirmation (ex. 44 à 46). 3. Plus particulièrement dans la lang. parlée ou dans une lang. qui s'inspire des procédés de la lang. parlée, on trouve fréquemment absolument devant un mot répété, pour marquer une gradation par rapport au premier emploi de ce mot (ex. 47 à 51) :
• 44. — Tout homme qui plie devant le caprice d'une femme, fût-ce pour une futilité, est un lâche! Qu'est donc celui qui renie son Dieu, et que peut-il attendre en retour, si ce n'est le mépris, au lieu de la reconnaissance dont il se flatte?
— Vous me méprisez.
— Absolument.
— Au nom du ciel, pourquoi m'avez-vous poussé?
— Parce que. Cette raison suffirait, en voici deux autres moins bonnes : d'abord, avoir un ministre à ma dévotion pour nuire à ceux qui me déplaisent et servir ceux que j'estime. Ensuite, j'ai fait mon métier de désœuvrée. La femme qui aime exige au nom de la passion qu'on lui immole tout, l'honneur y compris. La femme qui n'aime pas l'exige également, pour la seule satisfaction de son orgueil.
J. PÉLADAN, Le Vice suprême, 1884, p. 86.
• 45. « — Vous êtes bien certain que Bernard Profitendieu avait trempé là-dedans?
« — Pas absolument, mais ...
« — Qu'est-ce qui vous porte à le croire?
A. GIDE, Les Faux-monnayeurs, 1925, p. 1119.
• 46. Le jour fixé pour la signature du contrat, Paule avait allumé dans la cheminée un grand feu de bois, malgré la douceur du ciel de novembre, et tout en tisonnant distraitement, elle demanda :
— Tu es absolument décidé à signer?
— Absolument.
— Pourquoi?
— Je n'ai pas le choix.
— On a toujours le choix, dit-elle.
— Pas dans ce cas.
— Si. Elle se redressa et fit face à Henri ...
S. DE BEAUVOIR, Les Mandarins, 1954, p. 256.
• 47. Si c'est là le consolateur, on le voit tellement au-dessous du malheur même, que la misère épouvantable du Christ ressemble aussitôt, par comparaison, à de la magnificence.
Après tout, il a sa croix, le seigneur qui meurt.
Il a son église, — maintenant accoutrée d'injure, il est vrai.
Il a eu des adorateurs qui se firent écorcher vivants pour l'amour de lui. Un grand nombre d'autres, à force de le regarder, ont obtenu, pour eux-mêmes, la stigmatisation de ses plaies...
C'est le Salomon des ignominies, et l'univers a beau ne plus en vouloir, l'univers, triste et galeux, est plein de sa face.
L'autre n'a rien, absolument rien. Pas même le regard d'un désespéré, pas même l'attention des bêtes venimeuses qui grouillent, désormais, sur le Golgotha.
L. BLOY, Journal, 1894, p. 107.
• 48. YSÉ. — Et quand dites-vous que vous revenez?
DE CIZ. — Dans un mois. Je crois. Je ne sais pas au juste.
YSÉ. — Vous ne savez rien au juste.
DE CIZ. — On est très bien à cet hôtel, vous êtes habituée aux hôtels.
YSÉ, les yeux baissés. — Ne partez pas.
DE CIZ. — Mais je vous le dis, il le faut, il le faut absolument!
YSÉ. — Ami, ne partez pas.
P. CLAUDEL, Partage de midi, 1re version, 1906, II, p. 1020.
• 49. Hier soir un coucher de soleil ineffablement étrange et beau; ciel encombré de brumes roses, orangées; je l'admirai surtout, au passage du pont de Grenelle, reflété par la Seine chargée de chalands; tout fondait dans une harmonie chaude et tendre. Dans le tramway de Saint-Sulpice, d'où je contemplais avec émerveillement ce spectacle, je constatai que personne, absolument personne, ne le remarquait. Il n'était pas un des visages qui n'eût l'air absorbé, soucieux... Pourtant, pensais-je, certains voyagent au loin pour ne rien rencontrer de plus beau.
A. GIDE, Journal, 1916, p. 530.
• 50. — Mon frère est en effet souffrant, ce mois-ci, à la suite de toutes nos peines.
Et se rappelant que cette excuse avait déjà servi dans le Cantal :
— Il n'est pas encore bien remis, et je ne sais pas si... Mais on n'arrêtait pas l'abbé Bourret avec des points de suspension. Il avait besoin, absolument besoin de voir M. Méridier. Deux mots seulement. Il ne venait d'ailleurs que pour prendre rendez-vous avec lui.
J. MALÈGUE, Augustin ou le Maître est là, t. 2, 1933, p. 440.
• 51. Je suis seule, ma mère, absolument seule, sans aucune consolation.
G. BERNANOS, Dialogues des Carmélites, 1948, 2e tabl., 7, p. 1597.
Stylistique — L'étude sém. et même plus simpl. l'obs. cour. révèlent la grande vitalité de ce mot, notamment dans la lang. parlée en concurrence avec d'autres expr. du lang. parlé : n'est-ce pas?, bien sûr, etc. Empl. seul, le mot prend selon le cas et le ton une valeur exclam., interr., ou d'affirmation catégorique : Absolument!, Absolument?, Absolument., Absolument...
Prononc. :[]. Cf. absoudre. Enq. ://.
Étymol. — 1225 mars « tout à fait, entièrement » (Mém. Soc. Hist. et litt. de Tournai, XVII, 18 ds GDF. Compl. :Ki bien le puet faire par loi por ço que Alars ses fils l'otria, vendi et werpi et clama cuite absoluement).
Dér. de absolu I; suff. -ment.
HIST. — Les sens de absolument sont très liés à ceux de absolu mais ont suivi une évolution un peu différente. 1. Absolument apparaît au XIIIe s. avec le sens de « tout à fait, entièrement » (cf. absolu A 1); ce sens a connu une remarquable stab. (XVIIe s., BOURDALOUE, Pensées, t. III, p. 150 ds LITTRÉ : La pratique de la restitution est une chose presque absolument inconnue) et il demeure essentiel. 2. Au XVIe s., « d'une manière qui n'admet pas de limite ni de restriction » (cf. absolu B) (Ph. DE MARNIX, Écrits pol. et hist., p. 217 ds HUG. : Nous respondismes absolutement et resolutement. ID., Differ. de la Relig., I, V, 2 ds HUG. : le souverain Pontife est absolutement par dessus les conciles). Il se maintient comme synon. de souverainement jusqu'à la fin du XIXe s.; comme synon. de sans restriction, ni réserve, nécessairement... il connaît toujours une grande vitalité que montre la multiplication de ses emplois. 3. Dep. le XVIIe s. tous les dict. signalent son emploi en gramm. (cf. absolu C 1) (FUR. 1690 : On dit aussi en Grammaire, qu'un mot se dit absolument, quand il est sans régime). 4. Aux XVIIe et XVIIIe s., la philos. oppose absolument à relativement (cf. absolu C 2 a) (BOURDALOUE, Pensées, t. II, p. 418 ds LITTRÉ : Offrande la plus précieuse, non point absolument et en soi, mais par rapport à celui qui l'a faite. Trév. 1771 : En Philosophie et en Théologie, absolument [...] signifie encore : De soi-même, par soi-même, sans rapport à aucun autre, indépendamment de tout autre, et il est opposé à relativement); ce sens semble disparaître par la suite. — Rem. L'expr. absolument parlant « dans un sens gén. », est usitée dès le XIVe s. (ORESME, Eth., 48 ds LITTRÉ : A parler absolument et simplement, telles choses faites par paour sont involuntaires); d'un emploi cour. aux XVIIe et XVIIIe s. (Ac. 1694 : Il y a quelques deffauts dans cet ouvrage, mais absolument parlant il est bon) elle se maintient jusqu'au XXe s. où seuls QUILLET 1946 et ROB. la signalent.
STAT. — Fréq. abs. litt. :6 985. Fréq. rel. litt. :XIXe s. : a) 9 004, b) 11 637; XXe s. : a) 10 199, b) 9 653.
BBG. — DAGN. 1965. — Gramm. t. 1 1789. — MARCEL 1938. — MIQ. 1967.
absolument [apsɔlymɑ̃] adv.
ÉTYM. 1225; de absolu.
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1 D'une manière absolue, qui ne souffre aucune réserve. || Il refuse absolument toute aide. || Il veut absolument partir. ⇒ Prix (à tout prix). || Il faut absolument le prévenir. ⇒ Nécessairement.
1 Il fallait donc absolument créer un numéraire nouveau, ou pour parler plus exactement, un équivalent du numéraire.
Jaurès, Hist. socialiste…, p. 93.
2 Il faut, il faut absolument que la femme soit gracieuse. Elle n'est pas tenue d'être belle. Mais la grâce lui est propre.
Michelet, la Femme, p. 122.
2 Tout à fait. ⇒ Complètement, entièrement, foncièrement, pleinement, totalement. || C'est absolument exclu. || Vous êtes absolument libre de faire ce que vous voulez. || Il n'a absolument rien à dire. || Le pouvoir absolu (cit. 5) rend absolument fou.
2.1 (…) M. de Corville âgé de cinquante ans, jouissant du crédit et de la considération, que nous avons peints plus haut, résolut de se sacrifier entièrement pour cette femme, et de la fixer à jamais à lui. Soit attention, soit procédés, soit politique de la part de Madame de Lorsange, il y était parvenu, et il y avait quatre ans qu'il vivait avec elle, absolument comme avec une épouse légitime (…)
Sade, Justine…, t. I, p. 17-18.
3 Il est impossible que deux têtes humaines conçoivent le même sujet absolument de même manière.
Hugo, Littérature et Philosophie mêlées, p. 37.
4 Nous avons beau faire, nous ne pouvons pas être absolument naturels, et nous n'avons pas grand avantage à l'être.
Valery Larbaud, Amants, heureux amants, p. 135.
4.1 (…) Paule avait allumé dans la cheminée un grand feu de bois, malgré la douceur du ciel de novembre, et tout en tisonnant distraitement, elle demanda :
— Tu es absolument décidé à signer ?
— Absolument.
S. de Beauvoir, les Mandarins, p. 256.
♦ (Pour acquiescer). || « Les choses se présentent bien ? — Absolument. » ⇒ Oui.
3 Absolument parlant : dans un sens général, sans tenir compte des circonstances.
4 Gramm. || Un verbe (un nom) employé absolument, sans l'expansion attendue. || Prendre, employer un mot absolument.
5 Dans cette phrase, Espérer, c'est jouir, les verbes espérer et jouir sont pris absolument.
Dict. de l'Académie.
Encyclopédie Universelle. 2012.